Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., celle écrite en dernier est en
haut). Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Cette page-ci rassemble
les entrées de la catégorie ma vie :
il y a une liste de toutes les catégories à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi
rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the latest written is on top).
Some entries are classified into one or more “categories” (indicated
at the end of the entry itself), but this organization isn't very
coherent. This page lists entries in
category my life: there is a list of
all categories at the end of this page, and
an index of all entries. The
permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
Sur le passage du temps et la manière dont je le ressens
(⬇ Attention, réflexions de café de comptoir. ⬇)
Le passage du temps est la première des illusions, la marque de
notre condition humaine. Physiquement, le temps est une dimension
comme une autre[#], il n'y a pas
plus de raison de dire qu'il passe que pour l'espace. Et il
n'y a pas plus de raison d'être nostalgique de ma jeunesse ou effrayé
de ma mort qu'il n'y a de l'être de l'extrémité gauche ou droite de
mon corps, qui sont aussi des points au bord de la région que j'occupe
dans l'espace-temps. Mais bien sûr une comparaison plus apte est sans
doute celle avec un livre, qui a beau être un objet qui existe en
bloc, nous le découvrons par tranches, c'est-à-dire par pages,
créant l'illusion d'un écoulement, qui peut rendre la première page
une occasion de joie parce que nous entrons dans un nouveau monde et
la dernière une occasion de tristesse parce que nous le quittons. Le
passage du temps est dans notre tête, pas dans le monde, mais il est
tellement lié à notre façon de percevoir le monde qu'il est impossible
de penser autrement[#2].
[#] OK, je
simplifie/caricature au point qu'on peut dire que c'est complètement
faux… il y a au moins un ordre partiel de causalité donné par les
cônes de lumière, et une direction donnée par l'augmentation de
l'entropie. Pour une réflexion un (tout petit) peu plus scientifique
sur tout ça, je renvoie à cet autre
billet.
[#2] On peut faire
toutes sortes d'expériences de pensée un peu idiotes et un peu dénuées
de sens. Par exemple, et si le temps s'écoulait en fait dans l'autre
direction (i.e., nous allons, en fait, vers notre enfance, en sachant
très bien ce qui nous attend mais en pensant à tort que ce sont des
chose passées alors qu'elles sont à venir alors qu'au contraire ce qui
est derrière nous est aussitôt oublié car obsolète) ? Est-ce que ça a
même un sens de dire ça ? (Physiquement, c'est exactement la même
chose que la vision « normale ». Vous avez bien sûr le droit de lire
un livre à l'envers, ça n'en reste pas moins le même livre.
Néanmoins, ça a un sens de dire qu'on le perçoit différemment.) Ou
bien, si le temps ne s'écoulait pas du tout et que le passé et le
futur n'existaient tout simplement pas, si nous étions coincés dans un
éternel présent avec de faux souvenirs d'un état antérieur qui n'a
jamais existé et de fausses illusions d'un état postérieur qui
n'existera jamais ? Après tout, notre seule raison de croire à
l'existence du temps est notre souvenir de l'écoulement de celui-ci,
lequel souvenir appartient au passé, qu'il ne convient de croire que
si, justement, on croit à l'existence du temps ; et notre seule raison
de croire à des lois de la physique qui décrivent le monde au
temps t′>t en fonction de son état au
temps t viennent, précisément, d'expériences qui ont été
faites dans cet endroit hypothétique appelé le passé, donc
peut-être que la position minimaliste est de dire qu'il n'y a aucune
raison sérieuse de croire à son existence.
Mais si cette impression de passage du temps est tellement forte à
l'échelle « locale » (d'une seconde à l'autre), à l'échelle plus
globale, les choses sont, au moins pour ce qui me concerne, nettement
plus confuses.
⏳︎
Déjà j'ai expliqué précédemment
que ma mémoire de la chronologie fonctionne mal : j'ai des souvenirs
généralement assez précis des événements passés, mais, quand il n'y a
pas un lien causal clair qui m'aide à m'y retrouver, l'ordre dans
lequel ils se sont déroulés m'est souvent totalement confus. Certains
souvenirs récents me paraissent remonter à une époque incroyablement
ancienne, et réciproquement, des souvenirs très anciens me semblent
dater de seulement hier.
Et quand ce n'est pas un problème de chronologie, c'est au moins un
problème de perception des durées relatives : je suppose que je ne
suis pas le seul dans ce cas, mais mes années d'école primaire,
collège et lycée me paraissent incroyablement longues, alors qu'il ne
s'agit que de 5+4+3 ans, et des événements qui se sont déroulés il y a
12 ans me paraissent, finalement, relativement
récents[#3]. C'est sans doute
parce que ma situation changeait beaucoup plus souvent quand j'étais
enfant et ado (chaque année apportait des profs différents, des
copains différents, etc.) que maintenant que je suis adulte, et que
nous rythmons le passage du temps aux changements qui se produisent
(cf. ce que je dis plus bas sur les « barrières mentales »).
[#3] Pour donner un
autre exemple, j'ai fait dans ma vie 4 séjours à Toronto : en
1984–1985, en 1988, en 1995 et en 2007. En 1995 j'ai pensé ça fait
très longtemps que je ne suis pas venu à Toronto alors que ça
faisait 7 ans. En 2007, j'ai pensé je suis venu il n'y a pas si
longtemps que ça, finalement, alors que ça faisait 12 ans : mais
mon précédent séjour me paraissait beaucoup plus proche du présent que
du séjour précédent. Et maintenant je continue à penser ça ne fait
pas si longtemps que ça que j'y étais, alors que ça fait… 17 ans.
Si je devais y retourner demain, dans ma tête Toronto serait un
endroit où je vais de plus en plus souvent, alors qu'en réalité c'est
exactement le contraire.
Mais l'autre chose qui me rend le passage du temps confus est que
l'identification à l'individu que j'ai été par le passé ne va pas de
soi. J'ai déjà eu l'occasion de
souligner que la manière dont nous prolongeons notre identité à
l'ensemble de notre vie (enfin, justement, pas forcément
de notre vie, mais de la vie d'un certain individu humain
avec lequel nous nous identifions), de la naissance à la mort (et pas
au-delà !) est plus une convention culturelle qu'une réalité
matérielle, et que nous pourrions parfaitement devenirs éternels, sans
magie ni miracle technologique, en changeant simplement cette
convention sociale, en pratiquant culturellement la réincarnation
comme les Qriqrx de mon petit
texte. Mais ça marche aussi dans l'autre sens : si nous pourrions
nous identifier à d'autres individus après nous, nous pouvons aussi ne
pas nous identifier à la totalité de la vie de l'individu dont nous
occupons le corps.
Et de fait, j'ai un peu de mal avec ça. Je ressens certainement
une continuité du « moi » d'une seconde à l'autre, et globalement d'un
jour à l'autre (même s'il y a déjà une qualification à faire quant à
savoir si je suis tellement convaincu, quand je m'endors, que je ne
meurs pas tranquillement pour être remplacé par un autre le matin),
mais sur des années, c'est beaucoup moins clair. Forcément,
la frontière est floue, je ne peux
pas dire que le David Madore de 2018 m'est étranger alors que celui de
2019 est moi, néanmoins il y a quelque chose de la sorte, et je ne
choisis pas ces dates au hasard mais parce que j'ai l'impression que
j'ai véritablement une durée de permanence de l'identité qui tourne
autour de 6 ans (disons vers le passé, parce que vers l'avenir c'est
évidemment plus compliqué à sonder).
Bien sûr, j'ai les souvenirs de toutes sortes de David Madore plus
anciens (souvenirs fort abondants, d'ailleurs, parce que j'ai une
mémoire plutôt précise et qu'en plus de ça je possède
une abondante documentation sur ces
David Madore passés), et j'ai hérité non seulement de leurs souvenirs
mais aussi de leurs biens matériels, de leurs décisions, etc. Je ne
prétends certainement pas qu'ils me sont totalement étrangers. Mais
ces David Madore d'autres temps sont plutôt, dans mon esprit, des
êtres proches, peut-être des frères, que « moi-même, ailleurs dans le
temps ». Un peu comme si j'avais des jumeaux vivant dans d'autres
pays. Parfois ils m'embarrassent par l'héritage qu'ils m'ont laissé,
parfois je suis fier d'eux (et embarrassé quand on me félicite pour
leur compte). Généralement je vois ces « moi passés » plutôt avec une
sorte de tendresse mêlée de nostalgie douce-amère : un mélange
entre j'étais mignon quand j'étais jeune et innocent, je
suis jaloux de ce David Madore qui a vécu ce moment heureux et
surtout je suis triste de la disparition de ce être qui m'était
proche et dont il ne reste que des souvenirs. Sur ce dernier
point, par exemple, quand je repense à une conversation que le David
Madore de 8 ans a tenue avec son père, j'éprouve une forme de
tristesse non pas seulement parce que mon père est décédé mais le
petit garçon que j'ai été a aussi cessé d'exister, et en fait tout
l'Univers que mon souvenir retient (le monde des années 1980) a
disparu, et ces trois sensations sont en fait essentiellement la
même[#4]. J'avais essayé de
l'exprimer de façon un peu poétique
dans ce billet.
[#4] Il y a deux
malédictions concernant le passé : le fait qu'on ne peut pas le
modifier et le fait qu'on ne peut pas le revivre. La première est
rendue
par ce
quatrain des Rubáiyát d'Omar Khayyám, dans leur
traduction anglaise par Fitzgerald, qui était justement sans doute le
préféré de mon papa : The Moving Finger writes; and,
having writ, / Moves on: nor all thy Piety nor Wit / Shall lure it
back to cancel half a Line, / Nor all thy Tears wash out a Word of
it. Mais le regret que j'ai généralement, moi, concernant le
passé, ce n'est pas celui de ne pas avoir fait les choses autrement,
ce n'est même pas l'idée qu'il était mieux que le présent, c'est tout
simplement qu'il ait disparu ou en tout cas qu'il nous soit
inaccessible, et c'est ça que j'essaie de dire ici.
⏳︎
Peut-être cette façon de refuser(?) de m'identifier complètement à
ces David Madore trop lointains dans le temps est-il une façon de nier
le cours du temps lui-même. Par exemple, si je n'existe que sur un
intervalle de temps d'environ 6 ans autour du moment présent, alors il
est vraisemblable que je ne mourrai pas : je cesserai d'exister de
façon plus paisible, sans m'en rendre compte, en devenant quelqu'un
d'autre, de même je ne ne suis jamais né, je suis apparu
progressivement par transformation d'un autre David Madore en moi.
(Est-ce que ceci rend l'expérience du temps plus effrayante ou moins ?
Je n'en sais rien : symétriquement, je souligne que mes Qriqrx sont
éternels, mais ce n'est pas pour autant qu'ils n'éprouvent pas une
douleur lors du passage d'un individu à un autre ; et à l'extrême
inverse, si on est convaincu d'être un individu différent chaque jour,
alors chaque endormissement est une mort, mais une mort paisible dont
on sait par les souvenirs hérités de nos prédécesseurs qu'il n'y a
rien à redouter.)
C'est certain, en tout cas, que quand je
relis mon journal, j'éprouve une
sensation de gêne assez difficile à expliquer quand je remonte trop
loin dans le passé (je relis régulièrement ce que j'ai fait il y a
1 an, 2 ans, 3, 4, 5, et je m'arrête généralement autour de 6 parce
que je commence à me sentir vraiment désagréablement déconnecté de ce
que je lis[#5]). J'approche
d'ailleurs du moment (le ) où la moitié de
ma vie (enfin, la vie de la moitié des David Madore qui m'ont
précédés) sera consignée dans ce journal, et je ne sais pas bien ce
que je dois faire de cette information qui sonne à la fois comme un
exploit et comme un signe un peu terrifiant. Il serait aussi
intéressant, peut-être, que je retrace les références arrières dans ce
blog : parce que là aussi, je me sens parfois mal à l'aise (ou
embarrassé, ou carrément pas du tout d'accord) quand je lis un billet
un peu ancien.
[#5] Je parle ici de
relire de façon un peu systématique (par exemple, chaque week-end j'ai
tendance à relire ce que je faisais le week-end analogue des quelques
années précédentes, ne serait-ce que comme source d'inspiration sur ce
que je peux faire à cette saison). Quand je fais des recherches pour
retrouver la date à laquelle tel ou tel événement s'est produit, c'est
différent et je n'éprouve pas trop de gêne à relire la description
d'un jour que, par définition, je cherchais (en revanche, j'ai souvent
la surprise de découvrir que l'événement est soit beaucoup plus ancien
soit beaucoup plus récent que je ne l'aurais pensé).
⏳︎
Cette durée de permanence de mon identité, que je place assez
pifométriquement autour de 6 ans (chiffre à ne pas prendre trop au
sérieux) me semble reliée à un phénomène plus général que j'ai
tendance à appeler les barrières mentales temporelles. Ce que
je veux dire par là, c'est qu'il y a des événements qui, par leur
importance (soit en bien soit en mal) m'empêchent de concevoir, ou au
moins d'appréhender émotionnellement, le temps qui se situe
au-delà.
Comme le billet que j'ai écrit il y
a un mois sur le métier de mathématicien a suscité un certain
intérêt, je me dis que je pourrais en faire un autre sur mon histoire
personnelle, i.e., comment j'en suis venu, moi, à faire des maths.
J'en ai dit un peu dans mon autobiographie générale mais ce
texte a été écrit il y a plus de 20 ans et je ne suis pas forcément
très content de la manière dont il est tourné par le
David-Madore-de-2003, et par ailleurs il me semble que c'est plus
intéressant de raconter les choses thématiquement : voici donc une
tentative d'« autobiographie mathématique », de la petite enfance au
présent.
Avant de commencer, je dois préciser que je ne prétends ni être
typique ni être exceptionnel parmi les mathématiciens. Ceci est mon
histoire, ou plus exactement la manière dont je vois (actuellement)
mon histoire, elle ne représente que moi, et on se gardera bien d'en
tirer des conclusions sur la manière dont on peut ou doit devenir
mathématicien (ou pousser un enfant à devenir mathématicien), ni sur
le parcours de qui que ce soit d'autre que moi. À l'inverse, je ne
prétends pas non plus à une singularité particulière : par exemple, je
ne suis sans doute ni un mathématicien exceptionnellement doué ni
exceptionnellement mauvais selon quelque mesure de compétence que ce
soit, ni même
exceptionnellement éclectique (meme
si sur cette dimension-là je suis probablement à plus d'un écart-type
de la moyenne). Il y a par ailleurs beaucoup de points dans cette
histoire où j'ai simplement eu de la chance (soit de la chance de
connaître les bonnes personnes, soit de la chance simplement du hasard
du moment), et ces choses ne sont simplement pas reproductibles.
(Comme mon autre
billet, ce billet est censé être lisible par le grand public, même
s'il est certainement plus intéressant si on a au moins une petite
idée de la manière dont les mathématiques se découpent
disciplinairement. Mais il est assez inévitable que je fasse ici et
là des remarques d'ordre un peu plus technique : le lecteur qui ne les
comprend pas n'a qu'à sauter ces passages, il n'y aura pas de
questions dessus à l'examen.)
Si je dois dire très brièvement comment je suis devenu
mathématicien, c'est parce que mon
papa, qui était physicien théoricien, a essayé de m'intéresser à
la physique. De son point de vue, c'était un échec, parce que (même
si je suis indiscutablement intéressé par la physique) je ne suis pas
devenu physicien, et il avait une relation compliquée avec les
mathématiques (cf. notamment ce que j'ai écrit
dans ce billet au sujet des
relations croisées entre maths, physique et info). Mais c'était aussi
indiscutablement une transmission directe de patrimoine culturel :
au-delà de la distinction entre maths et physique, je me suis
intéressé aux sciences parce que j'avais un père scientifique qui
était prêt à me parler de toutes sortes de choses (pas juste de
physique et de maths, mais aussi de chimie, de biologie, d'ingénierie,
et parfois de sciences
sociales[#]), et de répondre à
mes questions au cours des promenades que nous faisions ensemble dans
les bois ; ou, quand il ne savait pas répondre, de me dire qu'il ne
savait pas et de réfléchir ensemble ou de chercher ensemble dans des
livres. C'est une forme malheureusement trop courante de reproduction
sociale. Mais malgré mon avertissement liminaire contre le fait de
prendre mon exemple comme modèle, certains des éléments que je vais
évoquer ci-dessous (par exemple de lectures) peuvent suggérer des
pistes, même si on n'est pas soi-même scientifique, pour savoir si un
enfant peut être intéressé par les sciences ou spécifiquement par les
mathématiques.
[#] Et parfois il disait
des choses fausses ou trop exagérément simplifiées, dans chacun de ces
domaines, ne serait-ce que parce que c'était des choses qu'il avait
apprises il y a longtemps et que les sciences avaient progressé, et
que c'était avant Wikipédia donc on ne pouvait pas facilement vérifier
les choses, ou encore parce qu'il avait des théories un peu
personnelles sur certaines questions. Mais ce n'est pas vraiment ce
qui importe : ce qu'il m'a surtout transmis c'est l'idée d'en savoir
plus.
Ma mère m'a appris plein de choses
aussi[#2], évidemment, mais
elle n'est pas du tout scientifique. Je crois que mon père a fait des
tentatives pour lui expliquer à elle (avant que je n'arrive au monde)
certaines idées scientifiques, et je soupçonne vaguement ces
tentatives d'avoir été contre-productives au point de rendre ma mère
encore moins intéressée par la science qu'elle ne l'était au départ
(ou de s'être dit ce n'est pas pour moi). Et peut-être que,
symétriquement, c'est parce qu'il n'arrivait pas à parler de ces
sujets à sa femme que mon père était particulièrement enclin à en
parler à son fils.
[#2] Même en maths,
d'ailleurs : c'est elle qui m'a appris à poser une division (mon père
devait estimer que c'était un algorithme pas très intéressant, mais
surtout, la notation utilisée au Canada pour le présenter est un peu
différente de celle utilisée en France, et comme il me faudrait bien
apprendre la présentation française à l'école, c'est ma mère qui a
fait le travail pédagogique).
Mais ce que je veux dire par là (et je suis désolé pour l'enfonçage
de porte ouverte) c'est qu'on ne peut pas transmettre du savoir sans
réussir à transmettre d'abord l'intérêt pour la chose qu'on va
transmettre. Et cet intérêt passe par une accroche qui va marcher
différemment selon l'état d'esprit de la personne.
☞ Comment j'ai accroché à la science
J'essaie donc de remonter à mes plus anciens souvenirs pour
retrouver ce qui a fait que j'ai « accroché » à la science, mais ce
n'est pas vraiment évident. J'aimais bien raconter des histoires,
imaginer des choses[#3], poser
des questions : ce n'est pas clair ce qui, là-dedans, relève d'une
mentalité scientifique (ou pré-scientifique : scientifique en devenir)
ou d'autres aspects de ma personnalité
(cf. ici), et bien sûr ce sont des
traits très courants chez les enfants et la plupart ne deviennent pas
scientifiques (ni à plus forte raison mathématiciens).
[#3] Quand j'avais
autour de 5 ou 6 ans, j'avais un pays imaginaire, que j'appelais
le pays des gros bourdons (je suis maintenant absolument
incapable de dire pourquoi ce nom ; certes, maintenant que je suis
adulte, je suis un grand fan des insectes du genre Bombus, mais
je ne crois pas spécialement l'avoir été quand j'étais petit, et le
nom du pays n'avait, je crois, que très peu de rapport avec ce que
j'avais imaginé à son sujet — dont, d'ailleurs, je n'ai quasiment
aucun souvenir à part que les choses étaient généralement bien mieux
faites à mes yeux que dans le pays que j'habitais vraiment). Il était
aussi question du pays où j'habitais avant, qui était différent
du pays des gros bourdons (le premier pays où j'habitais
avant était plutôt négatif, le pays des gros bourdons
plutôt positif), et je crois que mes parents se sont beaucoup demandés
ce que c'était censé représenter, et je suis absolument incapable de
répondre maintenant.
Parmi les premières choses que mon père a fait pour stimuler mon
intérêt scientifique, il m'a emmené régulièrement
au Palais
de la Découverte à Paris. Je ne sais pas à quoi ressemble le
Palais de la Découverte
maintenant[#4], mais au moment
dont on parle, c'est-à-dire au tout début des années 1980, il y avait
des bouts qui n'avaient quasiment pas dû changer depuis sa fondation
en 1937[#5], et d'ailleurs
plein de choses qui ne marchaient pas. Moi ce qui m'intéressait
surtout, quand j'étais petit, c'était d'appuyer sur les
boutons[#6] : au début,
donc, je n'étais même pas vraiment curieux du pourquoi telle ou telle
chose allait se passer, mais je voulais voir quelque chose se passer —
mais à force de revenir, d'appuyer sur les mêmes boutons et de voir
les mêmes choses se passer (et c'est, après tout, le premier fondement
de la science que de penser que les mêmes causes tendent à produire
les mêmes effets), j'ai quand même dû finir par m'intéresser aux
raisons qui faisaient que ces choses se passaient. J'étais notamment
assez fan des sections sur l'électromagnétisme (la présentation
d'électrostatique me faisait un peu peur, mais celle de
l'électroaimant ma plaisait énormément). Mon père m'a emmené dans
d'autres musées de sciences, notamment
le musée
des Art et Métiers,
le Science
Museum de Londres et
le Ontario
Science Centre de Toronto (ville où nous avons vécu en
1984–1985), et, plus tard,
la Cité
des Sciences et de l'Industrie quand elle a ouvert en 1986, mais
c'est vraiment le Palais de la Découverte qui m'a marqué. Peut-être
simplement parce que nous y allions souvent, mais peut-être aussi
parce qu'il trouvait le bon équilibre entre un musée purement
historique (où on présente des artefacts anciens mais qui souvent ne
sont pas en état de marche, et pour un enfant c'est juste emmerdant)
et une exposition ludique (où on montre des choses rigolotes mais sans
vraiment expliquer le pourquoi et le comment).
[#4] Enfin, maintenant, il est
fermé pour travaux (jusqu'en juin 2025, je crois comprendre), donc la
question ne se pose pas. La dernière fois que j'y suis allé, c'était
en 2016, et il y avait déjà de sérieux changements par rapport au
Palais de mon enfance. Mais je ne veux pas tomber dans le c'était
mieux âââvant des vieux cons qui croient que les choses étaient
forcément meilleures telles qu'elles étaient dans leur enfance.
[#5] Je vais essayer
très fort de ne pas penser au fait qu'il s'est écoulé en gros autant
de temps entre la fondation du Palais de la Découverte sous le Front
Populaire et la première fois que j'ai dû y aller, qu'entre ce
moment-là et maintenant, parce que c'est absolument terrifiant.
[#6] Mon papa, lui,
était complètement fasciné par une expérience (dans le cadre d'une
présentation sur les états de la matière) où, à un moment, on verse de
l'eau froide sur un récipient scellé contenant de l'eau chaude, et ça
fait que cette dernière se met à bouillir
(voir une vidéo
ici
et une
discussion ici). Moi, cependant, cette expérience me laissait
complètement indifférent.
Ça c'est pour ce qui est de mon intérêt pour la science en général.
Mais qu'en était-il des mathématiques ? J'ai, à vrai dire, du mal à
me rappeler comment ça a commencé. Je crois que la partie consacrée
aux mathématiques du Palais de la Découverte me laissait assez froid.
À part peut-être la salle dédiée au nombre π avec les premiers
chiffres de celui-ci écrites au plafond : comme sans doute beaucoup de
gens, j'étais fasciné par l'idée de ce nombre dont les décimales ne
s'arrêtent jamais, et j'en ai d'ailleurs appris 50 décimales par cœur
(cf. ici). Mais est-ce que c'est
des maths, d'apprendre par cœur des décimales de π ? Maintenant que
je suis mathématicien, j'ai un peu tendance à regarder avec
condescendance la fascination de mathématiciens amateurs pour les
décimales de π, surtout en
base 10[#7], peut-être que je
devrais me rappeler comment j'ai moi-même débuté.
[#7] Si vous voulez
avoir de la fascination pour quelque chose de ce genre, prenez au
moins l'écriture binaire de √2, s'il vous plaît !
☞ Premières interrogations mathématiques
Je crois quand même que j'ai assez vite (vers 6 ou 7 ans,
peut-être ?) été fasciné par les formules permettant de calculer
l'aire ou le volume de différentes formes géométriques. Pourquoi
l'aire d'une boule
est-elle , et la surface de la
sphère , par
exemple[#8] ? D'où sortent ces
formules ? Ça a été surtout ça la voie qui m'a attiré vers plus de
maths. D'abord, parce que mon papa m'a acheté, peut-être au cours
d'un de nos voyages à Londres, un petit livre (très amusant par son
format, d'ailleurs : il devait faire environ 2cm dans chaque
direction) qui était un condensé de formules mathématiques : moi ce
qui m'intéressait à la base c'étaient les formules pour les aires et
les volumes, mais forcément j'ai commencé à regarder d'autres choses
dans ce petit livre. Je crois notamment que
le triangle
de Pascal a été une des choses que j'ai découvertes dedans.
[#8] Je me rappelle
aussi avoir demandé à mon papa, et à d'autres scientifiques, les
formules analogues pour les boules et sphères de dimension 4, 5, etc.
Car je voyais bien que s'il y avait l'aire d'un
disque et la circonférence d'un cercle , le volume d'une boule , et la
surface d'une sphère , il devait bien y avoir une
formule en dimension 4 et plus, certainement avec
du et
du , ce en quoi j'avais raison,
et c'était peut-être une de mes premières intuitions mathématiques
sérieuses, et certainement quelque chose fois π, ce en quoi je me
trompais plus ou moins (je sais maintenant, et tout le monde sait
maintenant puisque
c'est sur
Wikipédia, que la boule de dimension 4 a volume et que son bord la sphère de dimension 3 a — je ne sais
pas ce qu'on doit
dire, surface ?, volume ? 3-surface ? — qui
vaut ), et d'ailleurs je crois que j'avais fini par me
dire qu'en dimension 1 c'était et juste , et que
c'était bizarre qu'il n'y ait pas de π là-dedans. Au final, personne
ne m'a donné la formule avant longtemps, juste des réponses
évasives ah ça doit se calculer avec des intégrales, et
peut-être que ce mystère a beaucoup fait pour me pousser à apprendre à
calculer ces choses moi-même. En tout cas, cela illustre bien ce que
je disais dans l'autre billet :
aimer les maths, c'est peut-être avant tout aimer généraliser les
choses, et se dire qu'on ne peut pas sérieusement se contenter de des
boules et sphères en dimension 2 et 3 sans se demander et
au-delà ?.
Mais aussi, puisqu'on me disait que pour calculer ces formules
d'aires et de volumes il y avait un outil général appelé
l'intégrale, j'ai voulu savoir ce qu'était une intégrale. Mon
père m'a dit qu'avant de savoir ce qu'est une intégrale, il fallait
savoir ce qu'est une
dérivée[#9], et j'ai donc
demandé à en savoir plus à ce sujet. Je me souviens notamment que
quand nous étions à Toronto (j'avais 8 ans), je me suis fait offrir
une fiche plastifiée recto-verso écrite en petits caractères qui
récapitulait de façon assez bien présentée les principales choses à
savoir sur les intégrales. De façon plus générale, enfant, j'ai
appris plein de maths, à partir du moment où je savais lire (et
surtout, lire l'anglais[#10])
à travers des petits livres condensés ou des dictionnaires des termes
mathématiques ou des formulaires, ou ce genre de choses. C'est-à-dire
qu'à ce stade je voyais les maths surtout comme des calculs et des
recettes pour mener des calculs et arriver à des résultats.
[#9] Je me rappelle
que, pour m'expliquer ce que la dérivée d'une fonction, mon père m'a
proposé deux approches : soit je fais une petite variation
δx du paramètre, je regarde la petite variation
δy qui en résulte sur la valeur de la fonction,
et je cherche si δy/δx
tend vers quelque chose ; soit je prends la tangente au graphe de la
fonction au point considéré, et la dérivée est la pente, c'est-à-dire
la tangente de l'angle avec l'horizontale, de cette droite. La
première approche ne me parlait pas trop, mais j'aimais bien la
seconde (la tangente de l'angle de la tangente).
[#10] Indiscutablement, le fait que j'aie
pu lire l'anglais très tôt m'a ouvert beaucoup de portes qui eussent
autrement été fermées. Certes on peut trouver de la bonne
vulgarisation scientifique, et de bons livres de maths, en français,
mais quand bien même il y en aurait tout autant qu'en anglais, le
simple fait d'avoir plus d'options entre lesquelles choisir est un
bénéfice indéniable. L'ennui c'est que ça ajoute encore au poids du
capital culturel : l'enseignement scolaire public français n'arrive
décidément pas à mener au fait que les lycéens puissent lire et
comprendre l'anglais avec aise, donc je mesure certainement la chance
que j'ai eue d'avoir pu lire des livres de maths (ou de vulgarisation)
en anglais à partir de 8 ans.
☞ Manipulations de symboles ?
À ce point, il faut que je fasse un certain nombre de remarques,
parce que à 8 ans je savais calculer des intégrales peut donner
une impression totalement fausse. J'ai suffisamment dénoncé
le mythe dangereux du « génie »
pour ne pas savoir les dangers à ce qu'on me considère comme un
« petit génie »[#11]. Donc,
est-ce que je comprenais ce qu'est une intégrale et est-ce que je
savais en calculer ? Oui et non, ça dépend ce qu'on met dans le
mot comprendre.
J'ai raconté il y a deux
semaines que j'avais eu la covid (pour la 3e ou peut-être même 4e
fois) : ça s'est manifesté sous forme d'un gros rhume, bien pénible
mais pas particulièrement affolant, qui a duré environ une semaine
sous cette forme (en gros du
au ). Sauf que si les symptômes de rhume ont
disparu (fatigue générale, mal à la gorge, nez bouché, ganglions
enflés, mal à la tête, sinusite ; et un nouvel autotest covid a été
négatif), il y en a un qui persiste obstinément, et qui a même empiré,
c'est la toux. Je tousse surtout la nuit : pas de façon continue,
mais par grosses quintes, de l'ordre de trois par nuit, qui sont très
violentes et me réveillent, et durent jusqu'à ce que je me lave le
nez, du coup ça m'empêche de bien dormir. (En plus de ça, je dors
dans le salon pour ne pas déranger le poussinet, et c'est nettement
moins confortable.)
J'ai consulté un médecin lundi, qui n'a pas repéré d'infection
(notamment, l'auscultation des bronches est normale) et m'a donc
prescrit un corticoïde (béclométasone) en inhalation à faire le soir…
ce qui ne semble pas aider du tout. Rien n'a l'air d'évoluer depuis
dix jours : si progrès il y a, il est très très lent.
On pourrait être tenté d'appeler ça un covid long, sauf que
j'ai assez souvent eu tendance à tousser longtemps après mes rhumes,
et notamment, il y a cinq ans et demi, j'ai eu un rhume (qui n'était
certainement pas le covid, en 2018) dont la toux s'est prolongée très
longtemps, et je pourrais reprendre presque mot pour mot aujourd'hui
la description que je faisais
alors :
J'ai eu un rhume qui, depuis […,] a évolué en une toux persistante,
presque uniquement nocturne, et qui m'empêche de dormir correctement.
Dans la journée, tout va bien, je tousse un petit peu mais rien de
vraiment gênant, je n'ai aucune fièvre, pas de ganglions enflés,
aucune fatigue particulière (autre que celle due au manque de
sommeil), aucune douleur notable (sauf à la gorge et aux sinus, juste
quand je me lève après avoir tellement toussé). Mais dès que je suis
couché, c'est quinte de toux sur quinte de toux, et impossibles à
résister […]. Certaines crises de toux sont tellement fortes que je
sens que je risque de vomir.
Impossible de savoir clairement si c'est une toux grasse ou sèche :
j'ai quelques mucosités qui sortent, j'ai l'impression qu'elles
refluent de l'arrière du nez […]. Peut-être que c'est juste
l'irritation de la toux qui produit du mucus et pas le contraire. En
tout cas, mes bronches elles-mêmes ne sont pas encombrées.
Je vois de ce que j'ai noté dans ce blog et
dans mon journal qu'en 2018 il
s'est écoulé approximativement quatre semaines entre les premiers
symptômes de rhume et la fin de la toux. Donc peut-être que je dois
m'attendre à ce que j'en aie encore jusqu'à fin octobre, ce qui
m'emmerde bien. (L'autre chose que je remarque est qu'en 2018 j'ai eu
bien mal à la gorge dès le début du rhume, et cette fois-ci aussi :
peut-être donc que le mal de gorge au début est indicateur du fait que
ça va déboucher sur une toux interminable ?)
En remontant plus loin, je me rappelle qu'à l'automne 1996 j'ai eu
un rhume qui a débouché en une toux interminablement longue (j'étais à
l'internat à l'ENS et je m'étais dit que mes voisins de
chambre devaient me détester parce que chaque nuit je toussais à n'en
plus finir). Comme je ne tenais pas de journal à l'époque, mes
souvenirs ne sont pas plus précis que ça, notamment sur combien de
temps ça a duré.
Bon, sans doute que cette toux-ci va finir par passer, mais je
reste assez perplexe. Manifestement, ce n'est pas tellement le virus
initial qui est en cause, puisque j'ai exactement le même phénomène
avec une covid (diagnostiquée comme tel par un test antigénique, je
suppose que ces trucs n'ont pas tellement de faux positifs) qu'avec
une infection en 2018 qui ne pouvait pas être due
à SARS-CoV-2 ; de toute façon, le test antigénique
suggère que le virus n'est plus présent. Et il n'y a pas non plus de
signe d'une réinfection bactérienne (pas de fièvre, pas de
bronchite…). Mais si c'est une sorte de réaction immunitaire
post-infection, on s'attendrait à ce que les corticoïdes ou les
antihistaminiques aident : or ils n'ont pas l'air de faire le moindre
effet (pas plus que l'acétylcystéine, dont la seule fonction semble
être de me rappeler le goût de la
cystéine).
Et manifestement je suis loin d'être le seul à qui ça arrive : une
personne que je connais a eu quelque chose de semblable il y a deux
ans, avec une vraie bronchite à la clé (qui est passée avec des
antibiotiques), puis de nouveau récemment (mais la toux est passée
d'elle-même). Une autre personne que je connais m'a dit avoir eu
presque exactement la même chose que moi, et à peu près au même
moment, en 2018. Et on trouve aussi quantité de pages Web, de qualité
douteuse, qui documentent le phénomène (par
exemple celle-ci
ou celle-là)
sans rien dire d'utile pour autant. Alors à défaut de pouvoir faire
autre chose, je documente à mon tour le phénomène en une page Web de
qualité douteuse qui ne dit rien d'utile pour autant.
Mise à jour ( —
initialement insérée sur le mauvais billet) : Je pense que maintenant
je peux dire que ma toux est finie (i.e., revenue à son état normal :
ça m'arrive quand même occasionnellement de tousser !). Mais ça aura
duré plus d'un mois !
J'écris cette entrée après avoir fait entre 2h et 3h d'insomnie
pour la deuxième nuit consécutive : je pense que j'ai déjà dit tout ce
qui suit ailleurs sur ce
blog[#], et sans doute plus
qu'une fois, mais j'espère au moins le dire différemment (et peut-être
plus clairement).
[#] Quelques entrées
passées sur ce
sujet : #1785, #2121, #2701.
C'est peut-être un peu simpliste de diviser les gens
en lève-tôt et couche-tard (ne serait-ce que parce qu'il
y a des gens qui ont besoin de très peu de sommeil et qui arrivent
donc à être les deux à la fois : je ne sais pas si je les envie vu
combien j'aime faire des rêves, mais ça doit être au moins assez
pratique), mais ce n'est certainement pas complètement faux. Et comme
c'est dit assez éloquemment
dans ce
fil Twitter qui me sert d'inspiration, il y a une forme
de shaming social des couche-tard par rapport aux
lève-tôt contre laquelle je voudrais m'insurger.
L'avenir appartient à ceux qui se
lèvent tôt affirme un dicton stupide et détestable. Doublement
détestable parce qu'il dénigre à la fois la valeur du repos (pourquoi
pas l'avenir appartient à ceux qui se reposent correctement,
par exemple ?) et parce que, même à temps d'éveil égal, il prétend
dicter ce qu'on doit en faire (pourquoi pas l'avenir appartient à
ceux qui veillent tard ?). Mais de fait, ce dicton est une sorte
de prophétie auto-réalisatrice, parce que, de fait, notre société
organise son rythme d'activités sur celui des lève-tôt, ou du moins,
sur un rythme plus aisément compatible avec le leur : comme le cycle
quotidien est grosso modo construit selon l'ordre sommeil →
travail → loisirs → (répéter), et que le travail est socialement
valorisé (chose sur quoi il y aurait tant à dire mais je ne veux pas
m'étendre dessus ici), se lever tôt est donc considéré comme un signe
positif (de dynamisme, ou quelque chose comme ça), tandis que se
coucher tard est certainement le signe qu'on est un fêtard à la vie
dissolue. (Je sais quelque chose de l'inanité de cette dernière
conclusion par le fait que je ne fais essentiellement jamais « la
fête », je ne vais jamais en boîte, mes dîners avec des amis se
terminent vers 23h au plus tard, et quand je reste debout jusqu'à 4h
du matin c'est probablement soit que j'ai trouvé comment traiter une
question de maths qui m'obsédait soit qu'un de mes ordinateurs a fait
des siennes et que je veux régler le problème avant d'aller au
lit.)
Si tu es fatigué, tu n'as qu'à te coucher plus tôt
s'entend-on régulièrement dire après une mauvaise nuit interrompue par
la violence du cri strident d'un réveil. Merci, quelle idée géniale,
je n'y aurais jamais pensé par moi-même. C'est du même calibre que de
dire si tu te trouves trop gros, tu n'as qu'à manger moins aux
personnes qui ont du mal à tenir un régime ou tu n'as qu'à faire
plus d'exercice : l'idée exécrable que la volonté doit arriver à
dicter au corps une discipline parfaite contre sa nature, et qu'un
échec dans ce domaine est le signe d'une faiblesse. Quand bien même
on ne souffrirait pas de contraintes externes (par exemple une
sensibilité au bruit pour ce qui est du sommeil).
Je reconnais que ce n'est pas évident de comprendre comment le
cerveau se « cale » sur un certain rythme de sommeil. (Évidemment le
soleil joue un rôle prépondérant, mais les horaires des
repas[#2] et autres activités
doivent aussi avoir beaucoup d'influence, par exemple dans mon cas
après le passage de l'heure d'été à l'heure d'hiver ou inversement je
retrouve assez rapidement des heures de lever et coucher assez proches
mesurées contre l'heure civile qui s'est pourtant décalée par rapport
à l'heure solaire.) Mais le fait est qu'on ne peut pas simplement se
« recaler » sur une heure différente, ou, si on le fait, cela ne dure
pas, ou, s'il est absolument nécessaire que ça dure, ça se fait avec
une violence inouie qui entraîne avec elle stress, irritabilité,
fatigue, etc. (Et il est bon d'avoir ça en tête quand on juge, par
exemple, les enfants et ados en âge scolaire qui ont du mal à rester
attentifs en cours.)
[#2] Je sais qu'en ce
qui me concerne, me forcer à être dans une lumière vive, et/ou manger,
à l'heure H d'un jour donné, va avoir très fortement
tendance à faire que je me réveille à l'heure H le jour
suivant (voire celui d'encore après). Malheureusement, ça n'assure
pas forcément que j'aurai bien dormi avant (ni même que je me sentirai
fatigué à H−8).
Ce n'est pas une question de préférence pour telle ou telle partie
de la journée : en ce qui me concerne, j'aime beaucoup le matin, l'air
frais et encore chargé de rosée, la lumière du soleil bas mais moins
rouge que celui du soir, j'aimerais avoir plus souvent l'occasion d'en
profiter, mais ce n'est pas ça qui m'aide à me lever plus tôt pour en
profiter.
Un bout d'explication que je
proposais au fait que je suis couche-tard est que, si j'aime bien
dormir, je ne prends pas plaisir à me coucher, alors que je prends
plaisir à prolonger mon sommeil le matin. Ceci est dû (dans mon cas)
à une différence de nature et de qualité de sommeil
(cf. cette vieille entrée) : mon
sommeil au début de la nuit est lourd, engourdi, confus, plutôt
assommant que reposant, et finalement désagréable, donc je le ressens
comme une obligation, alors que le sommeil à la fin de la nuit (enfin,
du cycle de sommeil, parce qu'en ce qui me concerne, c'est souvent la
matinée justement) est riche en rêves complexes et intéressants, je
fais souvent des rêves lucides, je vole, j'explore des labyrinthes, je
libère des empires, je fais de la magie, je résous des énigmes,
j'accompis des quêtes cosmiques, bref, cette partie-là est bien plus
plaisante et j'ai envie de la faire durer. (Et je note que presque à
chaque fois que j'ai parlé à des lève-tôt ils ne comprenaient pas du
tout, ou en tout cas ne partageaient pas, cet attrait que peut exercer
sur moi le sommeil-de-la-fin-de-nuit-chargé-de-rêves.) Mais
évidemment cette explication ne peut être que partielle, parce que ce
que j'ai dit explique que je sois tenté de me coucher plus
tard la nuit N+1 que la nuit N, mais au bout
d'un moment il y a quand même une limite : si je me couche vers 5h du
matin, je ne me sens pas bien du tout, ni quand je me couche, ni quand
je me lève (donc je comprends quand même la non-tentation à se coucher
de plus en plus tard), et finalement, en l'absence de contraintes
externes, j'ai tendance à converger vers un rythme d'environ 1h–10h,
avec de grosses variations cependant (et souvent une insomnie au
milieu, cf. ci-dessous).
(Peut-être que la température est un élément
explicatif ? Je sais que je dors d'autant mieux qu'il fait froid, et
la courbe des températures, qui est en retard par rapport à celle de
la lumière solaire, colle grosso modo à la courbe de mon
sommeil au sens où j'ai tendance à dormir aux heures les plus fraîches
de la journée, centrées autour de quelque chose comme 5h du matin —
par opposition aux heures les plus sombres, centrées autour de quelque
chose comme 2h du matin. Sinon, un autre bout d'explication est dans
les repas : j'aime bien avoir le temps de digérer correctement après
mon dîner, et il y a plein de raisons pour lesquelles il n'est pas
aisé, en France, de dîner à 19h.)
Pourquoi je ne me couche pas plus tôt, alors ? Parce que cela
provoque simplement de l'insomnie.
J'ai distingué ci-dessus le sommeil de début de nuit, appelons-le
S1 (lourd, déplaisant, avec peu de rêves), et le sommeil de fin de
nuit, appelons-le S2 (avec beaucoup plus de rêves). Cette distinction
n'est évidemment pas rigoureuse, mais grosso modo disons que je fais
4h de S1 et 4h de S2, avec un réveil entre les deux. Si je me couche
plus tôt, je ne vais généralement pas avoir de mal à m'endormir,
simplement je vais me réveiller à la fin de S1, plus vraiment fatigué,
avec plein de pensées qui me tournent dans la tête, et faire de
l'insomnie : me coucher plus tôt décale S1 mais pas S2, et entre les
deux je fais juste de l'insomnie. (Tout ceci est très simplifié,
évidemment, et pas vraiment exact, mais c'est l'idée : j'ai tendance à
faire du sommeil diphasique, et quand je tiens une nuit complète,
c'est juste que les deux phases sont immédiatement adjacentes. Or S2
est beaucoup plus difficile à bouger que S1.)
Ce qui marche mieux pour me avancer mon sommeil S2, c'est
d'interrompre mon sommeil au cours de S2 et de me lever plus tôt : la
nuit suivante, S2 va avoir lieu plus tôt (donc si en plus je me suis
couché plus tôt, ça me recale, au moins temporairement). Mais le prix
à payer, c'est une journée ou je suis complètement crevé, ou surtout,
ou j'ai les idées confuses. Et le résultat n'est vraiment pas
durable, parce que la moindre perturbation de la nuit va redécaler mon
sommeil dans le sens du retard.
En plus de ça, et je l'ai déjà dit, les réveils m'empêchent de
dormir : je ne veux pas juste dire, évidemment, qu'ils m'empêchent de
dormir quand ils se déclenchent, ça c'est le but, mais le fait de
savoir que j'ai mis un réveil rend mon sommeil bien plus mauvais,
parce que je n'arrête pas de savoir qu'il va être interrompu, je pense
à cette interruption pénible à venir, et cette pensée m'empêche de
bien dormir. Quand je dois absolument me lever à, disons, 7h
du matin, et donc mettre un réveil pour cette heure-là, ce que je fais
est généralement de prévoir large (je me couche vers 22h, même 21h si
j'y arrive, ce qui rend les insomnies moins stressantes parce que je
peux me dire même si je fais de l'insomnie j'aurai quand même bien
dormi parce que j'ai prévu large), je prends un peu de doxylamine
(un antihistaminique vendu sous le nom commercial de Donormyl® : j'en
prends typiquement entre ~2mg et 7.5mg, pour ne pas m'abrutir mais
quand même m'aider un peu), et
globalement j'y arrive ; mais j'y arrive en me faisant violence, et si
cette violence persiste jour après jour, j'en ressens clairement les
conséquences (déjà, je ne prends jamais l'antihistaminique plusieurs
jours d'affilée, parce que ça ne marche en gros qu'une fois). Bref,
je peux ponctuellement me lever plus tôt, mais ça a un coût important,
alors que si je dois ponctuellement me coucher plus tard, je n'en
ressens pratiquement aucune conséquence.
(Ceci dit, je ne nie pas non plus que ce prix vaut parfois la peine
d'être payé, même en l'absence de contraintes extérieures, parce que
j'apprécie quand même bien de voir un vrai matin de temps en
temps.)
On m'a dit plusieurs fois que la clé d'un bon sommeil était la
régularité : se lever tous les jours précisément à la même heure, et
se coucher quand on est fatigué. Mais je peux dire que ça n'a jamais
marché pour moi, ou en tout cas, si ça marche, c'est en calant cette
régularité sur mon rythme « naturel » et pas en essayant de le forcer
à autre chose. (Bon, d'abord, c'est vraiment difficile de se lever
tous les jours précisément à la même heure, parce que ça va vouloir
dire de trouver l'heure la plus avancée à laquelle on ait jamais
besoin de se lever, qui est quand même souvent assez ridiculement tôt.
Ensuite, même si on se dit, disons, 7h tous les matins, le problème
est que le vendredi et samedi soir il y a des gens qui font du bruit
bien au-delà de l'heure à laquelle on sera fatigué. Mais surtout, je
sens rapidement un déficit de S2 et le fait de me coucher plus tôt ne
m'aide pas vraiment à le combler. Si je trouve une régularité, c'est
souvent une régularité où je me couche extrêment tôt, je fais une
énorme insomnie après S1, et S2 est quand même interrompu, et j'ai
l'impression de me bousiller la santé.)
Bref, si vous faites partie des gens qui arrivent bien à dormir, ou
surtou, qui arrivent bien à dormir aux heures que la société a
tendance à imposer, tant mieux pour vous, mais soyez gentils d'arrêter
avec le slumber shaming qui consiste à s'imaginer
que quelqu'un qui se lève à 10h, ou 11h, ou même midi, est un
paresseux ou que cette personne n'a aucune hygiène de vie. Et si vous
faites partie des gens qui programment des réunions ou des cours de 8h
à 10h du matin, imaginer que vous ayez à faire une série de réunions
de 23h à 1h du matin vous permettra peut-être de comprendre que ce
n'est pas si évident.
Je suspens l'écriture d'une entrée de blog sur les mathématiques
constructives qui est en train de développer des excroissances
dangereusement nombreuses pour parler un peu de moi, et d'une nouvelle
tendinite à l'épaule — gauche, cette fois.
Je dis cette fois, parce qu'il y a trois ans et demi, je
m'étais fait une très méchante tendinite à l'épaule droite. (J'en
avais
parlé ici, là, là
et là sur ce blog, mais je résume
cet épisode passé.) L'élément déclencheur s'était produit
(le ) alors que je travaillais l'épreuve de
plateau du permis moto : la moto avait commencé à pencher alors que je
la manœuvrais à allure très lente, j'avais tenté de l'empêcher de
tomber, et en ce faisant j'avais tiré très fortement sur mon épaule
droit. Sur le moment, la douleur avait été assez faible, mais le soir
même elle était très forte, et j'ai passé trois ou quatre nuits à très
peu dormir, j'ai eu vraiment mal pendant une dizaine de jours, et
encore en faisant quelques mouvements pendant environ trois mois.
Pendant les quelques premières semaines, je ne pouvais plus lever le
bras. J'ai passé plusieurs examens, d'abord des radios et une
échographie, puis une IRM pour confirmer, et finalement
un arthroscanner ordonné par un chirurgien orthopédiste, lesquels
examens ont donné des résultats un peu contradictoires (l'échographie
indiquait que j'avais une rupture d'un ou deux tendons, finalement ce
n'était pas le cas). Mais le point important, outre une
dégénérescence un peu déprimante à mon âge (arthropathie
gléno-humérale, bref, arthrose de l'épaule), c'est que j'avais des
calcifications au niveau de deux (voire trois) tendons :
le supra-épineux,
le sub-scapulaire,
et peut-être
l'infra-épineux,
qui causaient certainement ces douleurs, et qui se sont résorbées en
un temps plus ou moins long.
De ce que je comprends de l'article Wikipédia sur
les tendinites
calcifiantes (d'ailleurs illustré par une radio d'épaule qui, à
mon œil non-expert, ressemble bigrement à la mienne), c'est que dans
des circonstances pas bien comprises (mais qui ne semblent pas liées à
l'exercice physique), il peut se créer un dépôt d'une substance
calcique
(l'hydroxyapatite)
au niveau de certains tendons, le plus souvent de l'épaule (et
notamment le supra-épineux) ; puis ces dépôts calciques vont avoir
tendance à se résorber, et c'est cette phase de résorption qui est
surtout douloureuse, surtout si elle passe par une fragmentation des
calcifications, et cause une inflammation des tendons. Il semble que
la résorption des calcifications suivie d'un rétablissement spontané
du tendon soit l'issue la plus courante des tendinites calcifiantes,
et qu'il n'y a donc qu'à traiter par des anti-inflammatoires, mais des
traitements visant à provoquer ou accélérer la résorption
apatitique existent.
En 2018, je m'étais fait mal en rattrapant une moto, donc, mais ça
ne pouvait pas être ça qui avait créé la calcification : cela prend du
temps à se former (je ne comprends pas combien, mais certainement plus
que quelques jours), elle était forcément déjà là, le choc l'a
peut-être fragmentée, c'est sans doute ça qui a causé l'essentiel de
la douleur, et finalement les calcifications se sont complètement
résorbées.
Voilà maintenant qu'il m'arrive essentiellement la même chose, mais
à l'épaule gauche, et cette fois il n'y a pas eu de choc ni
d'événement déclencheur clairement identifiable : j'ai commencé vers
fin décembre à avoir mal à l'épaule gauche, notamment la nuit où j'ai
du mal à trouver une position confortable où dormir. (Je ne peux
dormir que sur le côté — sur le dos ou sur le ventre, j'étouffe — et
si je me mets à gauche ça a tendance à appuyer là où ça fait mal,
tandis que si je me mets à droite, ça a tendance au contraire à
tirer.) Comme je me fais assez souvent des tendinites à la
musculation, qui se résolvent normalement toutes seules assez vite, je
ne me suis pas inquiété, mais là ça fait un mois et demi que ça dure
et que ça ne s'améliore pas vraiment (enfin, il y a des hauts et des
bas : certains jours ou surtout certaines nuits je pense que c'est
parti, mais ça revient).
Je suis allé voir un médecin, qui m'a prescrit du paracétamol, du
naproxène, et un gel à l'ibuprofène en application locale. Et m'a
fait faire une radio et une échographie, qui ont révélé
essentiellement la même chose qu'à l'autre épaule il y a trois ans :
une calcification du tendon supra-épineux (et un début d'arthrose).
Dans le langage fleuri des médecins :
Cher Confrère,
J'ai reçu Monsieur David MADORE, 45 ans, pour
évaluation d'une scapulalgie invalidante. Ce patient pratique la
musculation.
L'échographie a montré une ostéophytose marginale céphalique
humérale antérieure. L'examen de la coiffe retrouve une calcification
de 20×6 mm développé à la partie postérieure du tendon supra épineux
et une calcification centimétrique dense de 10 mm. Il n'y a pas de
bursite, pas de rupture tendineuse. Il n'y a pas d'anomalie des
tendons biceps, sous-scapulaire ou infra épineux et petit rond. Les
muscles sont normaux. Il n'y a pas de comblement de la fosse
spinoglénoïdienne, pas d'épanchement glénohuméral.
J'ai donc complété par des radiographies qui objective les dépôts
calciques et qui confirme la présence d'une omarthrose débutante avec
une ostéophytose glénohumérale inférieure et un début de pincement
postérieur démasquée [sic] en rotation externe.
(Les rapports analogues faits sur mon épaule droite il y a trois
ans sont recopiés dans les entrées à ce sujet liées ci-dessus.)
La douleur n'est pas continue, et n'est généralement pas très
forte. Je ne suis pas gêné dans mes mouvements, il n'y en a que
quelques uns qui sont un peu douloureux, comme enfiler un blouson
(particulièrement mon blouson de moto, d'ailleurs, parce qu'il est
lourd et rigide), le reste du jour je n'ai pas ou quasiment pas mal.
(J'ai d'ailleurs réussi à trouver un nombre raisonnable de mouvements
de musculation que je peux effectuer sans douleur, et qui me donnent
même l'impression de faire du bien.) Mais la nuit, je suis assez
souvent réveillé, ou empêché de me rendormir. Le naproxène aide
clairement, mais ce n'est sans doute pas une bonne idée d'en prendre
trop longtemps.
Globalement, la situation de mon épaule gauche maintenant semble
meilleure que celle de mon épaule droite en 2018 (il y avait plusieurs
tendons affectés, la douleur était vraiment terrible au début, je ne
pouvais plus lever le bras), mais en 2018 ça s'était tout de même
réglé assez vite alors que là je ne suis pas sûr qu'il y ait une
amélioration significative. Peut-être est-ce lié au fait que la
calcification a l'air plus importante (le rapport en signale une de
20×6 mm et une de 10 mm, alors que la seule dimension mentionnée dans
les rapports de 2018 est de 4 mm).
Toujours est-il que j'espère que ça va quand même se résoudre tout
seul. Et que j'aimerais bien savoir pourquoi mes épaules ont tendance
à se calcifier, comme ça. (D'après mes dernières analyses sanguines,
qui datent justement de 2018, ma calcémie est normale — ma calcémie
corrigée est à 2.31mmol/L — donc ce n'est pas une surabondance de
calcium qui explique le problème.)
Je crois que je n'ai jamais aimé l'hiver. Il fait tout le
temps froid ou moche, parfois les deux à la fois. (Toutes proportions
gardées, parce qu'à Paris il fait rarement vraiment froid ; mais
justement :) Je suis frileux, je ne me trouve jamais assez couvert
dehors et dedans les seules fois où je trouve qu'il fait assez chaud
c'est quand il fait trop chaud. Et surtout, le soleil se couche à 17h
et ne monte jamais haut, et je trouve ça déprimant. (Bon, il est vrai
qu'en été, comme je supporte aussi très mal d'avoir trop chaud,
pendant les périodes de canicule je me dis parfois l'hiver a quand
même ses bons côtés, mais la différence est que je passe tout
l'hiver à souhaiter l'été alors que je ne passe que quelques jours en
été à souhaiter l'hiver.) Et aussi, les rares fois où la neige tombe
en ville, je déteste ça alors qu'il paraît qu'on est
censé s'en émerveiller.
Mais ces dernières années, ma détestation de l'hiver a atteint de
nouveaux sommets. Jusqu'en 2018, mon poussinet et moi restions de
toute façon à Paris, où le cycle des saisons n'avait pas tant d'impact
que ça sur nos activités. Mais quand nous nous sommes mis
à vadrouiller l'Île-de-France,
l'hiver est devenu la saison où il est beaucoup plus difficile ou
moins agréable de se balader en forêt (il fait froid, le sol est plus
boueux, les arbres n'ont pas de feuilles, et on a beaucoup moins de
temps avant le coucher du soleil). Puis je me suis mis à aimer faire
de la moto, et cela présente le même genre de problèmes en hiver
(rouler quand il fait froid, même avec des gants chauffants, n'est
guère agréable, et rouler quand il fait nuit est dangereux, or la nuit
en hiver en Île-de-France tombe bien avant la fin des
embouteillages).
Cet hiver-ci, nous avons deux désagréments supplémentaires : un
ravalement de façade dont j'ai déjà
parlé (qui n'a pas en soi de rapport avec l'hiver, mais qui tombe
en hiver, et rend l'appartement moins lumineux), et le fait que ce
ravalement de façade nous a forcés à temporairement retirer la pompe à
chaleur qui chauffait notre appartement pour revenir au chauffage
électrique simple (par effet Joule), et du coup j'ai froid chez
moi.
Mais surtout, maintenant, il y a le covid. Je ne me hasarderai pas
à faire de prédictions combien cette maladie sera saisonnière dans les
années qui viennent, d'analyse de la mesure dans laquelle ses motifs
saisonniers jusqu'à présent étaient dus à la météo, aux phénomènes
biologiques ou comportements sociaux qui en résultent, ou à une simple
synchronisation aléatoire de motifs périodiques avec d'autres.
Toujours est-il que jusqu'à présent, en Europe de l'Ouest, les
périodes de (disons) mi-octobre à mi-mai, que je qualifie pour
simplifier d'hiver, ont été bien plus problématiques que les
périodes de mi-mai à mi-octobre, que je qualifie pour simplifier
d'été.
Or le cerveau aime reconnaître des motifs et est
très fort pour en fabriquer des peurs ou aversions. (J'ai été frappé
par le phénomène suivant : récemment la porte du garage de ma
copropriété s'est refermée sur ma tête alors que je sortais à moto —
je n'ai rien eu de grave, j'ai surtout été très surpris et extrêmement
furieux — mais maintenant, dès que je passe cette porte, que ce soit à
pied, à moto ou même en voiture, j'ai un petit déclic dans ma tête qui
me dit attention la tête !.) Et que ce soit justifié ou non,
mon cerveau (je veux dire, des mécanismes pas franchement conscients
chez moi) est en train d'apprendre que l'hiver est la saison où non
seulement il fait froid et moche et sombre et on ne peut pas
correctement se balader, mais en plus il y a toutes sortes d'emmerdes
liées à la covid.
J'ai raconté combien en 2020 la période « estivale » (de mi-mai à
mi-octobre) avait été une fenêtre
lumineuse dans ma vie ; et la même période un an plus tard nous a
fait baigner dans l'espoir que nos vies allaient enfin cesser
définitivement de tourner autour du covid. Au contraire, en
janvier-février 2020, j'attendais l'arrivée en Europe du nouveau
coronavirus comme j'aurais attendu l'arrivée d'un train sur les voies
duquel j'étais ligoté ; et à l'hiver 2020–2021 j'ai émotionnellement
retenu mon souffle jusqu'au retour de l'été ; maintenant j'en ai tout
simplement marre, je ne suis même plus vraiment intéressé par quelle
lettre de l'alphabet grec étiquette
le dernier variant ni s'il est 42
ou 1729 fois plus contagieux que la lettre précédente, je veux juste
que l'hiver soit fini puisque c'est apparemment désormais la seule
période où on peut vraiment profiter de la vie.
J'ai de plus en plus envie de me gaver de bûche au chocolat pour
faire des réserves, et me mettre dans mon lit avec une petite pancarte
à la porte disant réveillez-moi en mai 2022.
L'entrée précédente concernant
mes difficultés à dormir m'a valu, par des canaux divers, un certain
nombre de commentaires et de conseils (que je dois encore tester, ou,
pour certains, prendre le temps de lire attentivement ; on m'a même
prêté un petit livre sur le sommeil). Ce qui est sans doute normal
pour un sujet qui concerne littéralement tout le monde — je veux dire,
le fait de dormir, pas forcément de faire de l'insomnie, mais
j'imagine que presque tout le monde a éprouvé des difficultés à dormir
sous une forme ou une autre, au moins une fois au cours de sa vie. Je
me rends compte d'ailleurs que j'ai un million de questions au sujet
du sommeil et de l'insomnie, au-delà de comment trouver le premier et
éviter le second, des questions d'ordre biologique, médical,
historique, culturel, etc. (Du genre : les animaux font-il aussi
des insomnies “sans raison” ?, quelles traces d'insomnie
trouve-t-on dans l'Histoire ? (ou dans la littérature, etc.) quels
personnages historiques célèbres en souffraient-ils ? quelles erreurs
historiques peuvent être attribuées à un manque de
sommeil ?, comment différentes cultures ont-elles proposé à
remédier aux problèmes de sommeil ? est-il vrai que c'est un “mal
moderne” ? et je ne sais combien encore.) Mais je digresse.
C'est d'ailleurs un peu ironique parce que ces
dernières nuits j'ai plutôt extrêmement bien dormi (et je ne sais pas
vraiment pourquoi) : les travaux de ravalement dont je parlais dans
l'entrée précédente sont passés à une étape de peinture, notre
appartement a été envahi par une odeur de solvant assez forte et très
désagréable, du coup le poussinet et moi avons déménagé nos lits dans
le salon (situé du côté opposé au mur ravalé, et que l'odeur n'avait
pas envahi), je pensais que ce changement allait m'empêcher de dormir
et, au contraire, j'ai dormi comme un bébé (← je veux dire que j'ai
très bien dormi, je ne sais pas pourquoi on dit dormir comme un
bébé, en fait, parce que si j'en crois les parents de jeunes
enfants que je connais, ce n'est pas toujours la joie, au moins pour
les parents). Peut-être que c'est juste un hasard et que ça ne durera
pas, en tout cas, s'il y a une raison plus profonde je ne la connais
pas.
Une des réactions a ce billet a
été celui-ci
de Natacha intitulé difficultés à dormir, où elle raconte
sa propre relation avec le sommeil : je me retrouve beaucoup dans
certaines parties, pas du tout dans d'autres, ce qui doit nous
rappeler qu'il y a énormément de variabilité individuelle dans les
facteurs influençant sur le sommeil (et donc qu'il faut être très
prudent avant d'extrapoler des conseils d'une personne à une autre).
Mais je veux rebondir sur un point précis : c'est quand elle
écrit :
Il me semble qu'à un moment, relativement récent mais plus lointain que
cette prise de conscience, j'ai remarqué que rejouer des histoires
récemment lues ou vues était plus efficace pour s'endormir ou bien dormir
ensuite que réfléchir à des problèmes concrets.
Il me semble que ça fait écho à quelque chose que j'ai remarqué et
qui me semble important à explorer pour arriver à s'endormir :
On dit souvent que pour s'endormir il faut ne penser à rien.
Mais ne penser à rien, je ne crois pas que ce soit vraiment possible,
et en tout cas ce n'est pas nécessaire. Éventuellement on peut
comprendre rien signifiant qu'on doit penser à des choses
totalement ennuyeuses et répétitives comme compter les moutons, mais
personnellement ça n'a jamais fonctionné pour moi. En revanche, ce
qui est sûr, c'est que penser à des choses qui nous tracassent empêche
assez efficacement de dormir (je me permets l'audace de généraliser
mon cas sur ce point précis, parce que je serais vraiment surpris que
ce ne fût pas très répandu). Et sans aller jusqu'aux « tracas » qui
comportent une charge émotionnelle, j'ai constaté que réfléchir à un
problème de maths est une façon très très efficace de ne pas
s'endormir (or malheureusement, parfois, je n'arrive pas à m'empêcher,
parce que je veux vraiment éclaircir mes idées ou avoir la
réponse).
Tout ça pour dire qu'il y a des processus mentaux qui semblent
incompatibles avec le sommeil, que je peux qualifier
de somnifuges, et d'autres qui ne le sont pas, voire, qui le
favorisent (et que je pense très mal résumés sous l'étiquette
de rien), que je peux qualifier de somnipètes.
(NB : je vais écrire beaucoup de la
suite à la personne indéfinie, p.ex., on s'endort plus facilement
si <gnagnagna> ou sans référence à un pronom du tout,
p.ex., ce genre de choses favorise l'endormissement, mais il va
de soi que je ne peux vraiment parler que de ma propre expérience,
j'ai très peu de témoignages d'autres personnes à ce sujet, donc il
faut comprendre ces on et même ces absences de personne comme
se référant à moi-même aussi bien que quand je dis
explicitement je ; c'est juste que je pense un petit peu plus
plausible que certaines affirmations soient généralisables que
d'autres pour lesquelles je garde la première personne, mais la
différence est très faible au point qu'on puisse considérer ces deux
façons de m'exprimer comme interchangeables.)
J'ai mentionné ci-dessus que les tracas m'empêchent de dormir, mais
là on peut soupçonner que c'est la charge émotionnelle (le stress
provoqué) qui joue. Comme, a contrario, l'attente impatience (je
suppose que je suis loin d'être le seul qui, gamin, dormait très mal
la nuit du 24 au 25 décembre parce qu'il y avait l'impatience d'ouvrir
les cadeaux le lendemain matin). Penser à des problèmes mathématiques
est aussi très somnifuge. Mais même le fait de penser à, disons,
quelque chose que je pourrais écrire dans mon blog a également l'effet
de m'empêcher de dormir (et le meilleur remède que j'aie trouvé dans
ce cas c'est de gribouiller très sommairement les idées qui me sont
venues pour pouvoir les oublier sans m'inquiéter qu'elles soient
perdues). Plus généralement, toute pensée concernant le monde réel,
qu'il s'agisse de ce que je vais faire les prochains jours, ou de
problèmes scientifiques, politiques, humains ou quoi que ce soit du
genre, a fortement tendance à faire fuir mon sommeil. Même essayer
activement de retrouver un souvenir (par exemple quel est ce mot
déjà ?, où ai-je déjà vu ça ?) est un processus mental
somnifuge.
A contrario, je suis complètement d'accord avec Natacha
que rejouer des histoires récemment lues ou vues fait partie
des processus mentaux qui aident à dormir (et dans mon cas, beaucoup
plus efficacement que, par exemple, compter les moutons). Lire une
fiction, voir un film (bon, sans doute pas un film d'horreur !), ce
genre de choses, avant de se coucher, va donc avoir tendance à
favoriser l'endormissement. Ça n'a pas besoin d'être récent, c'est
juste que c'est plus facile si ça l'est. Et c'est d'autant plus
efficace (enfin, de nouveau, en ce qui me concerne, parce que je ne
peux parler que de mon expérience personnelle même quand je
dis on) qu'on arrive à s'intégrer soi-même dans l'histoire ou
la rejouer « vue à la première personne » que vue de loin. On peut
aussi inventer sa propre histoire, mais attention, il faut que ce soit
une création libre et non contrainte : dès que je commence à réfléchir
« intellectuellement » à la construction de l'histoire, par exemple si
je me mets à me demander comment structurer un roman, ça ne marche
plus du tout et ça redevient un processus mental qui fait fuir le
sommeil.
De fait, à l'époque où j'écrivais
des romans, j'aimais bien imaginer des scènes avant de m'endormir,
ça m'aidait à trouver le sommeil, mais il fallait que ce soient des
scènes que j'attendais de voir venir avec impatience, des scènes que
je prenais plaisir à jouer et à rejouer le soir dans ma tête, pas la
partie un peu fastidieuse de les organiser et de les structurer.
C'est le théâtre mental qui aidait à dormir (et à créer et à
visualiser la scène), pas la composition d'ensemble.
Pour résumer, il semblerait que, très sommairement, penser
au monde réel empêche le sommeil, penser à des mondes de fiction le
favorise. Toute pensée structurée, tout effort de mémoire est
somnifuge, mais laisser les idées vagabonder dans l'imaginaire est
somnipète.
Ceci suggère un rapprochement évident : les rêves. Car s'il y a un
type de mondes de fictions qu'on associe au sommeil, c'est forcément
eux. Et de fait, quand je suis réveillé à un moment tel que je me
rappelle les rêves que j'étais en train de faire, essayer de
repenser à ces rêves, les rejouer ou les prolonger dans ma tête est ce
que je trouve de plus efficace pour me rendormir. (Même
quand le rêve était effrayant, il vaut mieux que j'y repense, pour en
reprendre le contrôle, pour me rappeler que c'est moi qui commande et
que je peux faire ce que je veux dans mes rêves : c'est sans doute
cette démarche qui m'a amené à faire régulièrement
des rêves
lucides.)
Et j'ai souvent l'impression, dans ces conditions, qu'il se forme
une bataille pour le contrôle de mon cerveau, entre les forces
somnipètes, à commencer par les souvenirs des rêves que je viens de
faire (souvenirs très fragiles
mais qui se renforcent si on rejoue les quelques scènes qu'on se
rappelle), et les forces somnifuges, essentiellement toutes les
pensées ayant trait au monde réel, y compris celles qui sont évoquées
par les rêves. Je me retrouve souvent à tourner dans mon lit en
essayant de revivre mes rêves et à me retrouver régulièrement distrait
par d'autres pensées incidentes (ah mais ça me rappelle quelque
chose ça… mais quoi ?), rapidement somnifuges.
Mais ceci soulève aussi la question de savoir ce qui est la cause
et ce qui est l'effet. J'écris ci-dessus qu'il y a des pensées qui
favorisent l'endormissement et d'autres qui l'empêchent, mais c'est un
peu un post hoc ergo propter hoc : peut-être que
les pensées que je qualifie de somnipètes sont non pas celles
qui favorisent l'endormissement mais simplement celles qui
l'accompagnent, celles qui sont favorisées par un début de
sommeil. Cela collerait aussi bien avec la ressemblance aux rêves (si
on est dans une configuration mentale prête à dormir, voire rêver, on
va avoir tendance à produire des pensées oniriques), et cela
expliquerait que j'ai du mal à reproduire ce genre de pensées quand je
suis debout éveillé et alerte. J'ai cependant l'impression, sans
pouvoir en apporter la moindre preuve, qu'il y a une causalité
réciproque (i.e., un cercle vertueux ou vicieux de l'endormissement ou
du réveil) : ce sont les mêmes pensées qui sont favorisées par
l'endormissement et qui l'encouragent et les mêmes qui sont favorisées
par le réveil et qui l'alimentent.
Ce serait aussi intéressant de savoir si ces modes mentaux
correspondent à quelque chose qu'on pourrait détecter de façon
objective. Par exemple, si j'arrive à reconnaître en moi-même des
pensées somnifuges et somnipètes et à reproduire les unes ou les
autres, est-ce que cela se verrait dans une IRM
fonctionnelle ? Y a-t-il des zones du cerveau spécifiquement
associées aux unes et aux autres (au-delà des différences au sein de
chaque catégorie) ?
Faute de disposer d'une IRMf, je veux bien que les
personnes qui me lisent me disent si elles ressentent aussi cette
distinction entre pensées somnifuges et somnipètes et, le cas échéant,
ce qui constitue pour elles un modèle de pensée somnipète.
Cela faisait longtemps que je
n'avais pas parlé de sommeil. En fait, en général, je ne dors pas si
mal (en tout cas beaucoup mieux que la lecture du billet que je viens
de lier peut le laisser penser). Mais en ce moment, mon immeuble
subit un ravalement de façade, donc des bruits de travaux de 8h15 à
17h (en gros) tous les jours ouvrés, et l'effet sur mon sommeil est
catastrophique. L'occasion de raconter un peu ce que je comprends des
phénomènes qui influent sur le sommeil (le mien, en tout cas, mais je
suppose que je suis loin d'être le seul à subir certains de ces
effets).
La première chose que je veux évoquer est la classification des
gens en « lève-tôt » et « couche-tard » (en anglais on
dit lark et [night] owl,
cf. cette
page qui ne dit cependant pas grand-chose). Il n'y a aucun doute
que je sois du côté « couche-tard » (hibou), et il est intéressant de
se demander comment ce genre de choses se manifeste : disons que j'ai
l'impression que « couche-tard » n'est qu'un symptôme et que la cause
est un peu différente. L'analyse que j'ai envie de mener s'appuie sur
cette merveilleuse citation de l'ex d'un ami :
Il y a deux moments agréables dans la journée : le soir quand on se
couche, et le matin quand on ne se lève pas.
Non seulement c'est très drôle, mais je pense que c'est une clé
importante de compréhension de la relation qu'on peut avoir avec le
sommeil. Considérons ces deux plaisirs du sommeil : le fait de se
coucher le soir, et le fait de ne pas se lever le matin. Je pense que
la classification en « lève-tôt » et « couche-tard » est mieux
reflétée par la réponse à la question du plaisir que chaque personne
éprouve dans ces deux moments. Il y a des gens, bien sûr, qui
n'aiment pas spécialement dormir ou n'éprouvent pas le besoin de le
prolonger au-delà d'un minimum, ni dans un sens ni dans l'autre, et
qui sont donc à la fois couche-tard et lève-tôt. (Je ne sais
pas si je dois les envier : certes, ces personnes ont plus d'heures
productives dans la journée, mais ça veut aussi dire qu'elles ont
moins de rêves, or rêver est une des
choses que je préfère dans la vie : donc, au final, pendant une
période de temps donnée, elles auront peut-être plus vécu dans le
monde réel, mais moi, pendant ce même temps, j'aurai volé dans les
nuages, pratiqué la magie, fondé et détruit des empires, affronté et
vaincu des créatures terrifiantes, et toutes sortes d'autres choses
que je ne regrette pas.) Mais parmi les gens qui apprécient le
sommeil, on peut se demander si on préfère se coucher ou ne pas se
lever — prolonger le sommeil du soir en se couchant plus tôt ou celui
du matin en se levant plus tard. Et je pense que les heures
auxquelles on se couche ou se lève ne sont qu'un effet secondaire de
notre relation à ces deux plaisirs : sans contrainte, j'ai
naturellement tendance à me coucher de plus en plus tard et à me lever
de plus en plus tard, pas tellement parce que j'aime me coucher
tard ni me lever tard dans l'absolu mais parce que
j'aime rester plus longtemps au lit beaucoup plus que je
n'aime m'y mettre.
Dans mon cas l'explication est simple : passer du réveil au sommeil
ou vice versa est une forme de violence, donc dans les deux cas
je vais avoir tendance à la repousser. Quand je réfléchis à quelque
chose (surtout quand j'ai enfin
trouvé le
flow), je n'ai pas envie de m'interrompre pour aller dormir ; de
plus, pour moi, comme je le disais
ici, le sommeil du soir n'est pas très agréable, je suis
facilement victime de petites hypothermies (ou au contraire
d'hyperthermie), de crises d'angoisse, de confusions nocturnes, bref,
ce n'est pas un début qui me motive beaucoup à aller au lit ; en
revanche, quand je n'ai aucune contrainte m'obligeant à me lever, plus
mon sommeil dure, plus il devient agréable, rempli de rêves (or
j'adore rêver), bref, entre les deux moments évoqués par l'aphorisme
cité ci-dessus, je préfère largement le second. Ce phénomène de
retardement de l'heure de lever et de coucher finit par buter contre
des limites liées à toutes sortes d'effets de la vie sociale ou
simplement de la lumière solaire, mais il m'est beaucoup plus facile
de me décaler vers le tard que vers le tôt.
Je suppose, donc, qu'il y a une certaine symétrie et que les gens
qui aiment se lever tôt (et qui aiment quand même bien dormir)
apprécient plus le fait de se coucher que le fait de traîner au lit le
matin, et que ça a tendance à les décaler progressivement dans l'autre
sens.
Bref.
Des travaux qui font du bruit à partir de 8h15, on peut me dire, ce
n'est pas furieusement tôt : tout de même, se lever à 8h15 ce n'est
pas bien méchant ! De fait, il m'arrive assez souvent de devoir
donner cours à 8h30, et ce à Palaiseau
qui plus est, donc je dois me lever bien plus tôt que ça.
Pourquoi est-ce que ces travaux de ravalement m'affectent tant,
alors ?
Un des effets les plus pervers de mon sommeil est que non seulement
les tracas et l'anxiété m'empêchent de dormir (or je suis facilement
anxieux), mais en plus, la cause d'anxiété qui m'affecte le
plus pendant la nuit, et m'empêche le plus souvent de dormir, est
justement celle de manquer de sommeil. De là un cercle
vicieux dans lequel je tombe trop facilement : je ne dors pas pour une
raison X ou Y, je sens bien que l'heure tourne,
je me dis que le nombre d'heures de sommeil que je vais avoir diminue,
et plus je sens qu'il diminue plus j'angoisse à l'idée que je vais
manquer de sommeil, et du coup, moins j'arrive à m'endormir. Ce
cercle vicieux de l'insomnie peut être encore empiré si mon poussinet
fait lui-même de l'insomnie, parce qu'à ce moment-là nous avons
tendance à nous empêcher l'un l'autre de nous rendormir en gigotant
dans le lit parce que nous n'arrivons pas à dormir (jusqu'à ce que
parfois, n'en tenant plus, l'un de nous emporte son matelas et aille
dormir dans le salon). Mais le phénomène de base est vraiment
celui-ci : la crainte de manquer de sommeil m'empêche de
dormir donc s'auto-alimente.
D'où un paradoxe : si je me couche, disons, à minuit et que je sais
que je peux dormir autant de temps que je voudrai (parce que je n'ai
pas de rendez-vous, pas de cours à donner, pas de réveil à mettre, pas
de crainte que quelque bruit de chantier me réveille), je vais dormir
peut-être jusqu'à 8h ; si d'aventure je fais un peu d'insomnie, je
vais généralement me rendormir rapidement parce que je sais que ce
n'est pas grave, qu'il me suffira de dormir un peu plus tard (et du
coup, je n'ai pas d'inquiétude, du coup je me rendors facilement, du
coup je n'ai pas besoin de me lever plus tard). Alors que si
je programme un réveil pour, disons, 8h30 (donc après le
moment où je me serais sans doute réveillé spontanément sans
contrainte), je sais que je ne peux me permettre « que » 30min
d'insomnie sous peine de manquer de sommeil, et dès que quelque chose
va me réveiller, je vais m'inquiéter de ne pas réussir à me rendormir
en 30min, et du coup je ne vais, effectivement, pas y arriver. Donc
en fait, si je veux bien dormir en mettant un réveil à 8h30, je dois
me coucher très très tôt, pas pour dormir autant de temps, mais pour
être rassuré sur le fait qu'il est peu plausible que je fasse
tellement d'insomnie.
Bon, mais comme je le disais, ça m'arrive bien de temps en temps de
devoir me lever tôt. Alors pourquoi est-ce que ce n'est pas tellement
la catastrophe ? Et pourquoi ces travaux de ravalement sont-ils
différents ?
Parce que, en temps normal, je sais que c'est, justement,
exceptionnel : si je dois me lever, disons, le lundi à 7h, je vais me
coucher le dimanche soir vers 22h, mais surtout, je vais me
dire bon, même si je manque un peu de sommeil cette nuit, ce n'est
pas bien grave, parce que la nuit dernière j'en ai eu assez, parce que
la nuit suivante j'en aurai assez, et au pire je pourrai toujours
faire une sieste (en vrai, je ne fais jamais de sieste, mais le
fait de pouvoir éventuellement en faire une me rassure quant
au fait que je ne vais pas manquer gravement de sommeil), du coup
l'anxiété de manquer de sommeil reste maîtrisée, et la moindre petite
insomnie ne débouche pas sur le cercle vicieux que j'ai décrit.
L'autre chose c'est que, tant que ça reste occasionnel, je
peux prendre des substances qui m'aident à dormir. La doxylamine
(antihistaminique en vente libre sous le nom de Donormyl®) a un effet
très fort sur moi : tellement fort que les comprimés de 15mg, prévus
pour être coupés en deux, je les coupe typiquement en quatre (ce qui
demande, d'ailleurs, une certaine habileté), i.e., je prends environ
4mg (parfois même seulement 2mg, un huitième de comprimé, mais là
c'est limite du microdosing), et ça m'aide merveilleusement à me
rendormir si je fais de l'insomnie. Mais ça ne marche qu'une
seule nuit : si je recommence le lendemain, ça marche beaucoup
moins bien voire pas du tout, et il y a un contrecoup les nuits
suivantes. En plus, comme la doxylamine a une demi-vie très longue,
il ne faut surtout pas la prendre pendant la nuit (sinon on
est groggy toute la matinée) mais seulement au moment de se
coucher, donc il faut décider à l'avance si le risque d'insomnie
est fort : tout ça me va très bien si je dois, disons, un ou deux
jours par semaine me lever à 7h, mais je ne peux pas en prendre
régulièrement. Sinon, j'ai aussi de la mélatonine (pour le coup, la
demi-vie doit être de quelque chose comme 30min), mais ce n'est pas
vraiment un somnifère, c'est plutôt quelque chose qui aide à se
recaler quand on est décalé. Et j'ai du zopiclone (qu'un psychiatre
m'a prescrit au début du premier
confinement) qui me fait aussi un effet très fort donc je coupe
les comprimés en quatre voire en huit, mais là aussi j'ai peur de
l'accoutumance, et ce n'est vraiment pas un sommeil très agréable,
donc je n'en prends que rarement, quand je sens que je pars vraiment
dans un cercle vicieux d'insomnie. Au rayon
des quasiplacébos, je prends des
tisanes « nuit tranquille » (mais ça fait faire pipi, ce qui n'est pas
forcément malin) ou de l'Euphytose, mais ça reste très limité.
Bref, les médicaments peuvent m'aider ponctuellement, mais dans le
cas présent ils ne me sont pas d'un grand secours.
L'autre conseil qu'on m'a donné, c'est de miser sur la régularité :
plusieurs personnes m'ont dit en substance :
Prends l'habitude de te lever tous les jours à la même heure, aussi
précisément que possible, même le week-end, et de te coucher dès que
tu es fatigué (que ce soit tôt ou tard), et tu dormiras vite bien.
Alors d'abord, c'est un conseil de lève-tôt, ça, et ça représente
un effort d'une très grande violence pour un couche-tard, ou plus
exactement quelqu'un comme moi pour qui, ainsi que je l'évoque plus
haut, le plus grand plaisir est de ne pas se lever — ça
demande justement à renoncer à ce plaisir. En outre ça pose un
problème pratique qui est que, si j'ai des cours occasionnellement
pour lesquels je dois me lever très tôt, ça voudrait dire que je dois
tous les jours me lever à l'heure la plus tôt qui convienne à tous ces
cas. Mais oublions ce point. Le fait est surtout que ça ne marche
pas pour moi.
Programmer mon cerveau pour me réveiller à une certaine heure, je
sais assez bien faire, en fait : si un jour donné je suis réveillé à,
disons, 8h, et que je mets une lumière assez forte dans mon champ
visuel à cette heure-là (j'ai une lampe de luminothérapie à cet
effet), surtout si, en même temps, je mange un peu, alors le lendemain
je me réveillerai à l'heure en question. Ça marche très bien. Mais
l'ennui c'est que ça ne signifie absolument pas que je ne serai pas
fatigué à l'heure en question : je me réveille mais crevé et incapable
de me rendormir.
Les bruits de travaux, donc, me forcent en ce moment à être
réveillé tous les jours quelque part entre 8h15 et 8h30. (En fait,
c'est pervers, parce qu'ils ne font pas forcément tout le temps
beaucoup de bruit, mais comme je n'ai aucun moyen de savoir à l'avance
combien de bruit ils vont faire, mon cerveau table sur le pire cas.)
Du coup, je tombe de sommeil vers 22h, voire avant (il y a quelques
jours, je me suis couché à 20h45, ça n'a pas dû m'arriver souvent dans
ma vie hors des jours où j'étais carrément malade). Je m'endors sans
problème au moment où je me couche, et… trois nuits sur quatre, je me
réveille environ quatre heures plus tard et fais une énorme insomnie.
Donc oui, j'arrive à être très régulier, mais c'est une régularité
complètement merdique, où je me réveille en étant quand même
totalement mort de fatigue, je passe la journée à bâiller, je me
couche très tôt, je m'endors immédiatement, je me réveille au milieu
de la nuit plus du tout fatigué, mais angoissé à l'idée que je fais
une nouvelle insomnie, je me rendors seulement au bout de trois ou
quatre heures, et le cycle de merde reprend. Et même les jours où par
chance je ne fais pas d'insomnie, certes cela me procure une journée
agréable où je suis intellectuellement alerte, mais ils alimentent le
problème la nuit suivante, parce que comme du coup j'ai plutôt trop
dormi (de 22h à 8h15 ça fait quand même pas mal), et soit je vais être
poussé à me coucher plus tard et l'insomnie ne sera que plus forte
parce que le risque de manquer de sommeil le sera, soit je me couche
quand même tôt et ça cause aussi une insomnie en favorisant le sommeil
biphasique.
Encore une autre option serait, donc, de me dire que tant pis, je
vais assumer pleinement le sommeil biphasique, disons entre 21h30 et
1h30 et entre 4h et 8h (puisque cela semble être grosso modo le
cadencement auquel me conduisent mes insomnies). Il y a toutes sortes
de gens qui ont toutes sortes de théories selon lesquelles le sommeil
biphasique ou interrompu est « naturel » (whatever
the f*ck this may mean) :
voir cet
article Wikipédia, notamment les références à Ekirch dans la
section intitulée interrupted sleep (théorie
aussi résumée
dans cet article que
j'avais déjà référencé). Mais on a
beau avoir toutes sortes de théories sur lesquelles on peut profiter
des heures d'éveil entre, disons, 1h30 et 4h pour travailler, en
pratique ça marche très mal, et quant au fait de se coucher à 21h30
c'est tout de même socialement très handicapant (surtout quand on a un
copain qui rentre assez tard du bureau et qui n'a pas une grande
motivation à se coucher tôt, et qui, a contrario, apprécie très
peu d'être réveillé au milieu de la nuit).
Bref, ces travaux de ravalement de façade, non seulement ils
m'auront coûté en gros le même prix
que ma nouvelle moto et leur bruit
me rend le travail très difficile même quand je suis réveillé et
alerte (bon, pour ça j'ai des pistes pour trouver des endroits où
travailler, je vais finir par en faire marcher une), mais en plus j'ai
l'impression qu'ils sont en train de me coûter six mois de ma vie en
sommeil perdu, et je n'avais pas vraiment besoin de ça juste après une
pandémie qui nous en a tous déjà fait perdre dix-huit. Mais au-delà
de mon cas personnel, je mesure combien toute l'organisation sociale
est construite en faveur des « lève-tôt » au détriment des
« couche-tard » qui doivent souffrir immensément quand ils ont un
emploi qui exige une présence tous les jours à une heure inflexible,
et il n'est pas très surprenant, comme le
mentionne le
truc de la BBC que je citais tout en haut que cela se
ressente sur l'espérance de vie des « hiboux ».
Une petite introspection sur mes goûts et intérêts fluctuants, nouveauté et lassitude
Méta : Je ne suis pas du tout
content du billet qui suit, qui part vraiment dans tous les sens et
auquel je n'ai pas réussi à trouver un fil conducteur, une cohérence
d'ensemble. Je le publie quand même parce que j'y raconte, fût-ce de
façon désorganisée, des choses qui me semblent importantes sur
moi-même et sur ma vie, rassemblées parce que je sentais confusément
qu'il y avait lieu de les rassembler.
J'ai déjà raconté que j'aimais
relire le journal que je tiens,
notamment à des intervalles d'un an, deux ou trois, pour me donner une
appréciation du temps qui passe, mais aussi comme source d'inspiration
pour savoir quoi faire de mes journées : si quelque chose m'a plu il y
a un an, ce n'est pas forcément une mauvaise idée de recommencer — la
période de l'année s'y prêtera sans doute de nouveau, et un an est
assez long pour que la répétition ne transforme pas en source d'ennui.
Néanmoins, cette relecture est aussi souvent l'occasion de me rendre
compte que mes goûts ou intérêts ont changé, que je ne
suis pas tout à fait la même
personne que l'an dernier, et que même si sur l'intervalle d'une
année cette différence est subtile, presque imperceptible, quand je
relis des entrées trop vieilles de mon journal, j'en éprouve une
sensation de décalage presque gênant : qu'est-ce qui me faisait
plaisir ? à quoi est-ce que j'aimais passer mon temps ?
Mes centres d'intérêt ont toujours eu une forte tendance à
l'instabilité : qu'il s'agisse d'un sujet intellectuel (par exemple un
problème de maths) ou d'une nouvelle façon de passer le temps, je suis
capable d'en être pris brutalement de la passion la plus intense, et
d'en avoir marre tout aussi soudainement. Cela se manifeste jusque
dans certains goûts alimentaires : je me mets à aimer énormément,
disons, tel type de biscuits au chocolat ou de feuilletés au fromage,
je dois en acheter plein à chaque fois que je fais les courses parce
qu'ils disparaissent à toute vitesse, et puis voilà que, souvent du
jour au lendemain, j'arrête d'en manger — pas que je n'aime
plus, mais cela ne provoque plus la même libération de dopamine.
Il en va de même de la musique que j'écoute : j'ai facilement tendance
à tomber dans des cycles où j'écoute le même morceau en boucle, encore
et encore, jusqu'à m'en donner la nausée : cela dure typiquement
quelques jours, puis j'arrête assez soudainement. C'est aussi la
raison pour laquelle tant de mes projets demeurent inachevés : je suis
pris de passion pour quelque chose, je m'y mets avec acharnement, et,
dès qu'il s'agit d'une entreprise qui demande un peu de persévérance,
il est probable que mon intérêt retombe, comme un soufflé, avant que
l'entreprise soit menée à son terme.
Heureusement, tous mes intérêts ne suivent pas cette
trajectoire météorique — ce serait épuisant. J'ai aussi des goûts
plus stables dans le temps, même si ce ne sont pas forcément les plus
intenses, ce sont peut-être les plus importants pour me définir. Je
ne généralement pas capable de prédire moi-même si un goût nouveau me
restera, ou sera la passion d'une semaine ou d'un été, ou quelque
chose entre les deux. Il y a une certaine tendance à ce que les
intérêts les plus intenses, et surtout qui apparaissent le plus
rapidement, soient ceux qui disparaissent le plus rapidement, mais ce
n'est pas toujours vrai non plus. Si je compare ces goûts qui font
une apparition fulgurante puis disparaissent presque complètement à
des météores, d'autres reviennent périodiquement, comme des comètes de
plus ou moins longue période, d'autres encore fluctuent juste
gentiment comme une planète familière. Bon, mes comparaisons sont
assez pourries, désolé. Peut-être que j'aurais plutôt dû évoquer des
volcans dont l'éruption est parfois très violente et imprévisible ?
Ce qui est sûr, c'est qu'aucun de mes intérêts passés n'est totalement
éteint : il y a beaucoup de passions que j'ai crues mortes et qui sont
revenues de façon inattendue. (Je pourrais par exemple mentionner ma
passion pour les trous noirs, qui a été éveillée par la lecture du
livre de Jean-Pierre Luminet en 1989, et qui m'a fait des poussées de
fièvre occasionnelles, au moins jusqu'à ce qu'en 2011 je réalise enfin
ce rêve d'enfant de calculer des
vidéos d'animation de chute dans le trou de ver d'un trou noir de
Kerr.)
Cette capacité d'un de mes intérêts à renaître de ses cendres (ou à
ne jamais s'éteindre) dépend sans doute beaucoup de son potentiel de
nouveauté. Je pense que mon intérêt pour les maths ne risque pas de
disparaître, parce
qu'il y
y a toujours de nouvelles choses à apprendre ou à découvrir ; pour
un morceau de musique ou un type de biscuits, en revanche, c'est plus
vraisemblable (mais même là, si j'en oublie le son ou le goût, ils
regagneront une forme de nouveauté qui peut permettre le retour
d'intérêt).
A contrario, quand je sens qu'un intérêt me quitte, cela
s'accompagne souvent d'une forme de mélancolie, une forme de chagrin
d'amour, sans que je sache bien si elle est la conséquence de cette
perte d'intérêt, ou sa cause, ou une conséquence d'une cause commune.
Je prends une fois de plus de ces biscuits que jusqu'à récemment
j'aimais tellement, et ce sont les mêmes biscuits mais ce n'est plus
le même plaisir : je me baigne dans la rivière où j'aimais tellement
me baigner et je me rends compte que ce n'est pas la même rivière.
(Je mentionnais la dopamine un peu plus haut : c'est sans doute de la
neurologie à 1 attozorkmid, mais peut-être que c'est un peu l'idée, je
cherche à renouveler ce qui hier encore me permettait d'en tirer, et
je me retrouve en manque.)
Pourquoi je raconte tout ça, déjà ? Ah oui : je vais parler un
petit peu d'un de mes loisirs particuliers, qui est celui de me
balader : comment celui-ci a évolué dans le temps, et comment elle est
encore en train d'évoluer.
J'ai déjà raconté que,
l'été 2020, entre la fin du premier confinement français et le retour
des restrictions, j'ai passé plein de temps à parcourir
l'Île-de-France. Mais comment ces loisirs se comparent-ils avec ceux
que j'avais avant et à l'été qui a suivi (2021) ?
J'ai toujours aimé me balader, mais le sens du mot balade a
fluctué.
J'ai déjà publié un certain nombre d'éléments autobiographiques par
ici : outre cette autobiographie
couvrant les années 1976–1996, j'avais
écrit ce billet de blog sur mon
rapport à mon orientation
sexuelle, celui-ci sur ma
découverte des ordinateurs, et d'autres choses çà et là, comme (ce qui
a un rapport avec ce que je veux évoquer
ci-dessous) ici sur ma lecture de
Tolkien ou bien là sur celle
d'Asimov. Je voudrais dire ici quelques mots sur les histoires que
j'ai moi-même écrites quand j'étais ado, sur ce qu'elles racontent et
sur ce qu'elles disent sur moi (même si je les ai déjà évoquées en
passant comme ici
ou là, et plus
récemment là). Au minimum, je
voudrais raconter un peu quelle est leur intrigue et comment elle
m'est venue, et, pour que vous n'ayez pas à les lire vous-mêmes —
comment j'ai pu produire des choses aussi mauvaises ou, en tout cas,
bizarres. Et ce que j'ai appris à travers elles.
Mon papa m'avait un jour fait la
remarque, que je trouve très juste, que quand on enseigne la
littérature à l'école, on sélectionne ce qu'il y a de mieux, les
meilleures œuvres des plus grands auteurs, et sans doute montrer aux
enfants pourquoi c'est si bien écrit, mais peut-être que la médiocrité
a en fait autant à nous apprendre que le génie (ne dit-on pas, après
tout, qu'il faut apprendre par les erreurs des autres, parce qu'on ne
peut pas vivre assez longtemps pour les commettre toutes soi-même ?),
ou encore la comparaison entre les deux (peut-on vraiment se rendre
compte que Shakespeare est un dramaturge de génie sans le comparer à
un autre qui n'en est pas un ? ou d'ailleurs simplement à des moments
où il ne l'est pas vraiment
— quandoque
bonus dormitat Homerus — mais c'est assez tabou de montrer un
passage de Shakespeare pour dire là ce n'est franchement pas
terrible, alors qu'on osera plus facilement avec un auteur qui a
moins marqué toute la civilisation). Et un texte médiocre reflétera
en outre peut-être mieux le contexte historique et social dans lequel
il a été écrit que celui d'un auteur que sa stature même rend
singulier, et qui nécessite sans doute pour être décodé correctement
de traverser plusieurs couches d'interprétation et de réinterprétation
plaquées par les époques intermédiaires.
Je ne sais pas si mes œuvres forment même un bon exemple de
médiocrité, ou même si je peux me mettre en avant comme exemple
typique (whatever this means) d'ado qui, nourri
d'une pop-culture « tolkienisante » en France dans les années '80–'90,
s'est mis à produire son propre sous-Tolkien ou sous-Asimov, mais je
peux toujours essayer. Il n'y a pas que le cadre (fantastique ou
science-fiction) qui mérite un mot, parce que mes romans disent aussi
autre chose sur moi, comme mon
obsession pour le mysticisme et la
symétrie, et derrière le sous-Tolkien il y a du sous-Oulipo, ou
quelque chose comme ça.
Pour redonner un peu de contexte, même si j'ai déjà raconté ça
plusieurs fois, j'ai grandi « un pied dedans, un pied dehors » par
rapport à une pop-culture que je qualifie ci-dessus
de tolkienisante : je n'ai lu The Lord of
the Rings qu'à 15 ans (encore une
fois, cf. ici ; j'avais
lu The Hobbit bien avant), mais j'avais des
amis qui l'avaient lu bien avant, et qui m'en avaient parlé, et je
m'étais formé une certaine idée de l'œuvre, et surtout,
j'avais été exposé à un certain nombre de — comment dire — produits
dérivés du Seigneur des Anneaux. Je n'ai pas joué
à Dungeons & Dragons (ou peut-être
juste une ou deux fois, pour des parties très courtes), mais j'ai
côtoyé des gens qui y jouaient beaucoup (ou à d'autres jeux de ce
genre), et j'ai assisté à de telles parties, ça m'intéressait
plus de m'asseoir à côté du DM et
de tout observer que de participer personnellement à l'action ; de
même s'agissant des Livres
dont Vous Êtes le Héros, je n'y jouais guère (je
n'avais pas la patience de prendre les dés pour les combats, suivre
les règles, et subir la frustration d'être tué et de recommencer),
mais j'aimais quand même les lire, quasi linéairement, en
explorant des choix un peu au pif, d'où il résultait d'ailleurs une
idée assez confuse de la trame générale de l'intrigue que je
découvrais finalement dans un désordre à peu près total ; parfois
(surtout en fin d'école primaire, donc vers 10 ans), des amis et moi
nous construisions mutuellement des aventures, dans un cadre
informel, sans dés ni plateau ni règles précises, nous proposant juste
oralement situations et nous invitant à dire ce que nous voulions
faire, et ces aventures étaient pleines de magie. Et une autre chose
qui m'a beaucoup marqué, ce sont certains jeux d'aventure sur
ordinateur : je ne redis pas ce que j'ai
déjà écrit ici (ainsi
que là
et là), mais j'ai beaucoup été
influencé par la
série King's
Quest et
surtout Ultima.
Je viens de lister quelques uns des ingrédients des mondes de mon
imagination, mais il y a autre chose que je devrais surtout essayer de
dire c'est : pourquoi la heroic fantasy ? Ce n'est pas uniquement une
influence extérieure qui m'a poussé vers ce genre. Il y a bien sûr
l'aspect d'avoir besoin de rêver un peu
de magie dans un monde qui n'en a pas (et peut-être d'autant plus
fortement que, fasciné par les sciences, je devais reléguer le
surnaturel à mes rêves et fictions). Mais il y a un autre aspect
auquel on pense peut-être moins évidemment que « l'envie de
rêver » :
Écrire une histoire se déroulant dans le monde réel demande soit
une expérience de celui-ci, soit un effort de documentation, qui sont
difficilement accessibles quand on est ado, surtout à une époque où
Wikipédia n'existait pas et même le Web quasiment pas. (Ou alors on
va se limiter à des récits qui se déroulent dans un collège/lycée
français, ce qui présente certes des possibilités assez considérables
d'exploration psychologique, mais limite sérieusement l'intrigue
elle-même. En tout cas, je n'ai jamais eu envie de reproduire dans ce
que j'écrivais ce que je vivais déjà chaque jour. Mais en même temps
j'étais trop maniaque de la précision pour accepter de simplement
ignorer mon ignorance, inventer ce que je ne savais pas, et admettre
que je ferais forcément plein d'erreurs.)
A contrario, le cadre « médiéval-fanastique tolkienisant
standard » offre à la fois suffisamment de références partagées pour
pouvoir commencer à écrire une histoire sans perdre une éternité en
exposition si on ne le souhaite pas (si je dis elfe, mon
lecteur s'imagine quelque chose de vaguement conforme au
standard ISO de l'elfe), mais suffisamment de
flexibilité pour permettre d'y insérer à peu près n'importe quoi comme
intrigue. C'est un cadre générique, peu envahissant, mais hautement
paramétrable (à commencer par le réglage critique « niveau et type de
magie disponible »), dont on peut faire absolument ce qu'on veut, et
où on n'a à se soucier que de cohérence interne sans que qui
que ce soit vienne vous reprocher, par exemple, que la rue Servandoni
n'existait pas à l'époque où se situe votre roman.
Alors oui, on peut considérer que le cadre médiéval-fantastique
tolkienisant standard est un peu cheap, qu'il s'agit du plastique à
tout faire d'un million de mondes interchangeables. (J'ai moi-même
souvent ressenti
l'agacement extrêmement
bien décrit ici par Boulet et qui pourrait directement attaquer
beaucoup des histoires que j'ai écrites.) Mais on doit savoir gré à
Tolkien d'avoir créé ce cadre standard qui ouvre les portes
du royaume de l'imagination à mille adolescents qui ne deviendront
jamais écrivains mais qui ont besoin de rêver, et peut-être à un qui
deviendra écrivain, quitte à rester dans ce cadre mais en en faisant
quelque chose de créatif car il est bien sûr possible de dépasser le
cliché. (Pour être bien clair, je ne prétends absolument pas que je
fantastique soit un genre réservé aux adolescents ou jeunes adultes :
je dis juste qu'il est plus facile de se mettre à écrire dans ce cadre
quand on est adolescent ou jeune adulte.)
C'est intéressant, parce qu'il semble qu'il (Tolkien) ait voulu
créer une
mythologie de l'Angleterre, mais ce qu'il a créé est à la fois
plus large (dépassant largement l'Angleterre) mais aussi différent.
La distinction entre un cadre imaginaire et
une mythologie cohérente est assez subtile : il est plus
facile d'écrire une histoire dans un monde basé le cadre
médiéval-fantastique tolkienisant que sur les mythes grecs, par
exemple, ou bien sur le cycle Arthur-Lancelot-Merlin-Graal, parce que
ces derniers renvoient à des histoires assez précises avec lesquelles
le lecteur s'attendrait à trouver une articulation (qu'il s'agisse de
Thésée ou de Perceval, on leur associe plus que des caractéristiques
générales, mais des événements bien définis), alors qu'il est beaucoup
plus facile d'importer quelques idées des mondes à la Tolkien sans
importer toutes les histoires de la Terre du Milieu. Allez savoir
pourquoi : peut-être est-ce grâce à Dungeons &
Dragons que se sont répandues non seulement l'idée de ce cadre
générique mais aussi l'idée encore plus importante que chacun est
libre de s'en emparer et d'en faire ce qu'il veut.
L'autre type de cadre dont on peut facilement imaginer s'emparer,
c'est la science-fiction (et on peut peut-être croire que, pour moi
qui avais une certaine culture scientifique déjà à quinze ans, ç'eût
été plus naturel). J'ai certainement été beaucoup influencé par la
trilogie originale des films Star Wars
(j'ai vu l'épisode VI à sa sortie) et par la lecture du
cycle Foundation d'Asimov (je ne vais pas
redire ce que j'ai déjà écrit ici),
et sans doute aussi, à un certain niveau, par le livre de
vulgarisation scientifique Cosmos de Carl Sagan : quelle
que soit la part de ces différences influences, je rêvais de
civilisations galactiques, mais en même temps je voyais bien qu'il
était très difficile d'écrire des histoires scientifiquement sensées
dans un tel cadre. Car quels que soient les mécanismes imaginés pour
contourner les obstacles évidents que présentent la finitude de la
vitesse de la lumière, l'immensité des échelles d'espace et de temps
impliquées, la rareté des planètes habitables et l'imagination des
formes de vie extra-terrestres (ou l'explication de leur absence !),
pour arriver à quelque chose de ne serait-ce que plausible
scientifiquement, non seulement on devra faire d'immenses efforts
d'exposition, mais en outre on arrivera certainement à un univers
tellement étranger à l'expérience familière de l'auteur et du lecteur
qu'il sera difficile de rentrer dedans. L'autre solution était de
jeter résolument la science à la poubelle et de traiter le space opera
comme on traite le médiéval-fantastique, comme un décor en plastique
où on peut insérer n'importe quelle manière d'histoire, mais j'étais
plus hostile à suspendre mon incrédulité scientifique de cette manière
qu'en imaginant des elfes, des nains et des gnomes.
Bon, je reconnais franchement que j'écris cette entrée-ci parce que
nous sommes le 30 avril et que si je n'en publie pas en avril mon
moteur de blog va générer une page de mois vide et ce sera tout moche.
(Là il est même minuit passé, c'est-à-dire que nous sommes le 1er mai,
mais je m'autorise à date une entrée d'un jour donnée jusqu'au moment
où je me couche.) Je me suis demandé si j'allais écrire un billet
avec juste du lorem ipsum mais ce serait quand même vraiment abusé
alors je vais juste en mettre comme titre. À la place, je vais faire
un petit tour de quelques choses que je n'ai pas écrites ou faites, et
que vous n'allez pas lire parce que le titre vous aura donné
l'impression que c'était juste du remplissage.
J'avais commencé il y a plusieurs semaines à écrire un texte sur
l'utilitarisme, un principe que dans la pandémie en cours nous ne
pouvons pas nous permettre le luxe de refuser, et donc pour me
plaindre de tous ces gens qui affirment que c'était clairement la
bonne décision de confiner le pays il y a un an, ou qu'il faudrait
recommencer comme l'an dernier, mais qui sont incapable de (ou
refusent de) répondre à la question d'à partir de combien de morts
évités — au moins en ordre de grandeur — ils pensent que le
confinement est une bonne option. (Le plus souvent est qu'ils mettent
en avant des principes selon lesquels la vie humaine n'a pas de prix,
ce qui rend alors inexplicable le fait qu'on n'applique pas le même
remède à chaque épisode grippal. Ma réponse personnelle à la question
que je viens d'énoncer est que deux mois de confinements de 67M de
personnes sont justifiables s'ils sauvent au moins quelque part entre
100 000 et 1 000 000 de vies, je justifie le chiffre bas
ici
par une expérience de pensée et le haut par un calcul du nombre de
personnes·années perdues ; dans les deux cas je ne crois pas une seule
seconde à un tel bénéfice.) Mais en fait, écrire tout ça me fatigue
au plus haut point, donc j'ai abandonné en route.
J'ai aussi voulu écrire une suite à
mon billet sur le SIR
hétérogène pour expliquer ce qu'on peut dire, mathématiquement,
dans le cadre de SIR à deux (ou en fait N)
variants, avec une distribution quelconque de
susceptibilité jointe entre les deux variants (c'est-à-dire
notamment qu'on peut les supposer corrélées, ou indépendantes, ou
n'importe quoi entre les deux). En fait, il n'y a pas grand-chose à
dire de plus par rapport au cas d'un seul variant, si ce n'est qu'on
ne peut pas éliminer les variables f (maintenant au nombre
de deux) en valeur de s et qu'il n'y a plus de calcul
simple du taux d'attaque. Un résumé
succinct est
ici, un choix raisonnable de distribution jointe de
susceptibilité est
évoqué ici, et quelques illustrations numériques sont
données dans
ce fil ainsi que ceux qu'il cite (oui, c'est Twitter, donc c'est
un peu confus avec des références qui se croisent dans tous les sens),
et le code Sage pour les
reproduire est
là (parce que moi, contrairement aux
épidémiologistes-modélisateurs français, je montre mon code… ce serait
d'ailleurs intéressant de le réécrire en JavaScript pour avoir une
page interactive permettant de simuler des évolutions d'épidémie en
jouant avec les paramètres). Ceci étant, l'aspect mathématique
n'étant pas énormément plus intéressant que le cas d'un seul variant,
et comme mon billet à ce sujet n'a pas l'air d'avoir passionné les
masses, je ne me sentais pas terriblement motivé pour faire une
resucée à deux variants.
Sauf peut-être à ranter sur l'obstination assez impressionnante à
laquelle les
épidémiologistes-modélisateurs[#]
persistent à ignorer toutes les formes d'hétérogénéité dans leurs
modèles et ne semblent pas se rendre compte que c'est là faire une
hypothèse extrêmement forte sur l'épidémie, qu'ils ne
prennent même pas la peine de justifier ou défendre — et ça devient
encore plus aberrant quand il y a deux variants en jeu, parce que leur
dogme d'homogénéité les conduit à penser que forcément la
surcontagiosité d'un variant sur un autre est une constante, ce
qui est maintenant clairement réfuté par l'observation, et
pourtant ils continuent à répéter les mêmes chiffres devenus presque
absurdes avec l'obstination d'une pendule arrêtée.
[#] J'utilise ce terme
pour parler de gens comme Neil Ferguson ou Simon Cauchemez, par
opposition à d'autres comme, disons, Pieter Trapman, qui semblent
avoir compris la futilité des modèles prédictifs et font tout autre
chose.
Pour expliquer un minimum de quoi il est question : si on a deux
variants d'une même maladie, et si les personnes susceptibles à l'un
et à l'autre ne sont pas parfaitement corrélées, chacun va infecter en
premier les personnes relativement plus susceptibles à ce variant, et
notamment, si un variant est globalement plus infectieux que l'autre,
il va réduire son propre avantage en infectant (donc en immunisant) en
premier les personnes plus susceptibles à lui. (C'est donc la
variante relative entre deux variants du phénomène que
j'avais évoqué dans le billet précédent sur un seul variant — et de
nombreuses fois avant — que l'hétérogénéité de susceptibilité réduit
le taux d'attaque ou le seuil d'immunité collective d'une épidémie en
immunisant en premier les personnes les plus susceptibles : ici, dans
cette forme relative, elle conduit à réduire l'avantage d'infectiosité
du variant plus infectieux.) Les expériences numériques liées
ci-dessus montrent que c'est mathématiquement possible, et cela colle
assez bien, au moins dans les grandes lignes, à ce qu'on observe dans
le cas de la covid où les variants qui semblaient terriblement plus
infectieux au début ont fait pschittt dès qu'ils ont atteint une
proportion relativement importante des infections, donc c'est une
possibilité sérieuse pour expliquer ce phénomène, mais les
épidémiologistes-modélisateurs continuent obstinément à faire des
modèles où ils prennent une surinfectiosité constante dans le temps,
qui donnent donc des prévisions apocalyptiques.
Et surtout, ce qui est épatant, c'est que cela revient aussi à nier
un des faits fondamentaux de la biologie, qui est que la sélection
naturelle des mutations tend à sélectionner non pas une adaptation
absolue et générale (il n'y a pas, dans la biosphère, un
organisme qui soit le plus apte de tous dans un sens absolu, ça n'a
pas de sens) mais une adaptation à une niche particulière. Donc au
lieu de s'imaginer que le variant machin-truc a trouvé une façon
d'être plus infectieux dans l'absolu, on devrait plutôt commencer par
s'imaginer qu'il a trouvé, au sein de la population humaine, une niche
qui n'avait pas encore été colonisée, exactement ce dont je parle.
(Pour que l'effet mathématique que je viens d'évoquer fonctionne, il
n'y a pas besoin que cette niche soit spécialement identifiable comme
« les jeunes » : cela pourrait être une obscure mutation génétique
dans les récepteurs ACE-2 qui ferait que tel variant
serait plus adapté à infecter telle sous-population — cela suffirait à
changer complètement la dynamique de l'épidémie.)
Plus généralement, j'ai fait
un petit
fil sur quelques unes des hypothèses que ces
épidémiologistes-modélisateurs prennent sans le dire (ce dont je viens
de parler est essentiellement l'item Ⓒ de cette liste), qui vient un
peu compléter ce que j'avais dit il y a
quelques mois (où je parlais surtout des items Ⓐ/Ⓑ et Ⓔ). Tout ça
commence à faire beaucoup et je ne comprends pas qu'on continue à
écouter tellement ces gens qui se trompent de façon répétée, dont on
peut tout à fait expliquer pourquoi ils se trompent, et qui persistent
à refaire les mêmes erreurs. Et quand leurs prédictions ne se
réalisent pas, au lieu d'en conclure qu'ils ont eu
tort, ils
en prétendent transformer leurs erreurs en nouvelles découvertes.
Je ne comprends vraiment pas comment on peut en arriver à un tel
niveau soit d'incompétence soit d'imposture scientifique. (Je ne sais
pas duquel il s'agit. J'avait été absolument sidéré
par un
article de Libération censé défendre Simon Cauchemez
et qui finalement produisait pas mal l'effet contraire.) Notons que,
par
contraste, la
vie doit être vraiment dure pour ceux qui ont gardé leur intégrité
scientifique et dont, par conséquent, on n'entend pas le nom.
Nous sommes le jour anniversaire du déclenchement du premier
confinement en France. Je produis ici, en l'éditant un peu pour le
rendre plus au style de ce blog et en rajoutant quelques petites
précisions, un
fil Twitter (rédigé à chaque fois 365j plus tard), dans lequel je
reviens sur le récit des jours qui ont précédé
ce (pour ceux qui
l'ont déjà lu sur Twitter, j'ajoute quelques remarques
générales à la fin) :
La première semaine de mars 2020 était encore relativement normale.
(Je savais bien sûr que la pandémie allait nous tomber dessus et
ferait des dizaines de milliers de morts, mais je n'imaginais pas
l'horreur du confinement ; et surtout, je ne pensais pas que ça
durerait plus d'un an.)
Le , j'ai fait ma dernière sortie « normale » avec le
poussinet avant longtemps : nous sommes allés à Compiègne voir
l'exposition Concept-car : beauté pure au palais
impérial. La semaine qui a suivi, j'ai fait cours assez
normalement.
Le , j'ai déjeuné au restaurant pour la dernière fois
avant longtemps (au Café de France, place d'Italie ;
lequel a fermé depuis, probablement fait faillite), avec le poussinet.
Puis ce dernier est parti en vacances à la montagne. N'ayant pas
grand-chose à faire, je me suis dit bon, il faut vraiment que je
comprenne un peu d'épidémiologie, donc j'ai commencé par apprendre
les bases du modèle SIR, et j'ai
écrit ce
fil Twitter (qu'un peu plus tard j'ai transformé
en cette entrée de blog). Ensuite
je suis sorti me balader dans Paris, je suis passé chez Gibert où j'ai
acheté le livre Viral Pathology and
Immunity de Neal Nathanson pour avoir au moins quelques bases
rudimentaires en virologie.
La nuit suivante j'ai vraiment très mal dormi, et ça allait être la
norme pour pas mal de temps ensuite.
Le , j'ai eu une longue conversation avec ma mère au
téléphone, je lui ai dit de prendre la pandémie très au sérieux. Je
me rappelle notamment lui avoir dit qu'il fallait s'attendre à ce
qu'il y ait de l'ordre de grandeur de 100 000 morts en France (à ce
moment-là on en avait une dizaine) ; elle m'a dit ben tu es
optimiste !. Avec le recul, ce n'était pas une mauvaise
estimation. Mais pas si bonne que ça non plus, parce que je pensais
que ces ~100 000 morts se produiraient en quelques mois seulement. Le
soir j'ai regardé un documentaire sur la grippe de 1918
(celui-ci, je
crois ; je pense que j'ai dû penser au moins ça me rappellera
que ça peut toujours être pire !), probablement pas une bonne idée
pour le moral !
: je me suis réveillé vers 5h30, je n'ai pas
réussi à me rendormir. Je suis allé au bureau en RER (je
me souviens avoir regardé
la jolie
vue depuis les escaliers qui montent au plateau et m'être demandé
ce que tout cela allait devenir avec la pandémie).
J'ai donné un cours le matin mais j'avais de plus en plus de mal à
me concentrer. J'ai dit à mes élèves que nous risquions de ne plus
nous revoir. (Nous n'avions pas de cours prévu la semaine suivante,
et au-delà ça me semblait évident que tout serait bouleversé.)
L'Italie a annoncé son confinement national, je trouvais ça absurde.
Mais je ne comprenais pas comment elle pouvait être déjà débordée par
l'épidémie, avec même pas 2000 cas recensés (je n'avais pas pris
conscience de l'ampleur de la sous-estimation du nombre de cas). On
parlait d'aplatir la courbe, mais l'ampleur de la
tâche semblait
inouïe.
: après avoir très mal dormi, j'ai été réveillé
par des bruits assourdissants : des ouvriers sont venus détruire au
marteau-piqueur le tarmac du trottoir devant chez moi (je n'ai jamais
compris pourquoi ils ont fait ça, il me semble qu'ils n'ont pas
creusé) ; les bruits sont montés à 70dB dans le salon. Toujours
est-il que ça a accentué mon craquage nerveux. J'ai téléphoné au
poussinet (à la montagne, cf. ci-dessus), qui lui-même n'allait pas
bien (il avait peur que sa boîte fasse faillite, peur que l'immobilier
s'écroule et qu'on ne puisse pas vendre l'appartement, ou qu'on doive
vendre les deux pour une bouchée de pain…). Entre ça, l'état
neurologique de mon père (parkinsonien en bout de traitement) qui se
dégradait, et la voiture qui avait pris un choc, nous étions vraiment
mal. Nous avons passé la journée à échanger SMS et coups
de fil. Et la situation en Italie n'était pas du tout
rassurante !
Je relis mes SMS échangés à ce moment : Je ne
comprends pas pourquoi [le système de soins en Italie] s'étouffe déjà
à 0.015% [de malades covid dans la population]. Et celui-ci, pas
mal à côté de la plaque, essayant de me rassurer : Et pour
l'épidémie, on va rester à la maison en amoureux pendant quelques
semaines à télétravailler : soit les choses empirent et ce sera vite
fini, soit elles s'améliorent.
: je suis de nouveau allé au bureau
en RER. J'ai donné un cours qui allait être (mais je ne
le savais pas, bien sûr) mon dernier pour 2019–2020. J'avais de plus
en plus de mal à me concentrer à cause de la fatigue et du stress.
J'ai reçu le peintre qui était censé faire un petit
rafraîchissement de l'appartement que nous comptions vendre. Lui
n'avait pas du tout l'air affolé par l'épidémie (il m'a fait remarquer
qu'il y avait beaucoup plus de morts de la grippe que de covid). Nous
avons pris un café ensemble. Pendant un instant, tout semblait
normal.
Le poussinet est rentré de la montagne très tard dans la soirée (il
est arrivé chez nous à 4h15 du matin). Nous avons beaucoup parlé de
la pandémie et, évidemment, eu du mal à dormir.
Je continue à m'efforcer de parler d'autre chose que de covid.
Après un peu de maths, je vais
parler un peu de moi, en évoquant un de mes goûts, ou peut-être un
trait de personnalité, je ne sais pas bien comment le qualifier.
C'est sans doute à rapprocher de
mon obsession pour la symétrie.
Parlons donc de quelque chose d'un peu léger, que je ne prends pas
très au sérieux (c'est quelque chose que je fais pour m'amuser), mais
qui est probablement quand même révélateur à mon sujet.
Disons que j'aime collectionner les choses ; mais selon des
modalités que je ne crois pas être vraiment typiques pour les
collectionneurs. Je n'ai aucun intérêt pour collecter les timbres,
les fèves, les petits soldats, les étiquettes, les pots de yaourts,
les boîtes de sardines, les tire-bouchon ou ce genre de choses : ce
n'est pas juste que je n'ai pas spécialement d'intérêt pour aucune de
ces choses, c'est plutôt que pour qu'une collection ait le potentiel
de m'intéresser il faut qu'il y ait une certaine cohérence (le plus
souvent : visuelle et/ou de marque/provenance) dans les objects
collectionnés, il faut que ça ne parte pas trop dans tous les sens, et
c'est mieux si la collection a un espoir raisonnable de pouvoir être
finie.
Dit comme ça c'est un peu abstrait. Prenons un exemple assez
typique : je me suis mis à accumuler les gels douche Adidas
(photo
ici sur Twitter). Comment est-ce que ça a commencé ? Pas
spécialement par l'envie de les collectionner : j'avais un gel douche
qui me plaisait, il se trouvait que c'était un Adidas
(Team
Force, pour être précis) ; puis j'en ai acheté un deuxième
(peut-être Get Ready, je ne suis plus très
sûr), je me suis mis à utiliser l'un ou l'autre selon mon humeur, ou
l'un et l'autre pour différentes parties du corps, et je me suis mis à
aimer avoir ce choix. Puis j'en ai acheté quelques autres. Et ça a
viré à la collection. Et c'est là qu'il y a un mécanisme
psychologique qui a certainement un rapport avec ma fascination pour
la symétrie : dès lors que je commence à avoir une grosse majorité de
gels douche Adidas, j'ai envie de n'avoir plus que ça.
En ce moment, j'ai les suivants à côté de ma baignoire (il y en a
deux de plus que sur la photo) : Active
Start, Get
Ready, Adipower, Team
Force, Champions League (Victory
Edition), Champions League (Champions
Edition), Champions League (Dare
Edition), Sport
Energy, After
Sport, Muscle
Massage, Dynamic
Pulse, Adipure, Climacool
et Ice Dive. Et même si je ne les utilise
pas tous (Climacool
et Ice Dive ne me plaisent pas trop, par
exemple), je fais mon choix entre un bon paquet d'entre eux, en
fonction de mon humeur (et, comme je le disais, de la partie du
corps : je n'utilise pas le même gel douche pour mon pubis et ma
tête). Je pense sincèrement pouvoir distinguer, au nez, quasiment la
totalité de cette liste (il y a d'ailleurs des associations qui
restent gravées dans mon esprit : par exemple, quand je prenais des
leçons de conduite (pour le permis B), j'utilisais
le Active Start, et maintenant à chaque
fois que je l'ouvre ça me fait repenser à cette période).
Par ailleurs, j'ai aussi une collection, qui va avec, d'eaux de
toilette aussi par Adidas : Victory
League, Get Ready (For
Him), Team
Force, Team
Five, Champions League (Victory
Edition), Champions League (Champions
Edition), Champions League (Arena
Edition), Champions League (Star
Edition), Champions League (Dare
Edition) et Dynamic Pulse. Alors
oui, il y a plusieurs choses qui m'agacent à différents titres : ce
n'est pas exactement la même liste (je ne sais pas si Adidas sort
toujours un gel douche avec le même nom quand ils sortent une eau de
toilette ; dans l'autre sens, je suis quasiment sûr que non) ; le fait
qu'il y ait à la fois un Victory League et
un Champions League (Victory Edition) est une
manœuvre du Club Contexte (je ne sais d'ailleurs pas pourquoi il y
autant de Champions League — peut-être qu'ils en
sort un par an ?) ; les parfums ne collent pas tout à fait entre les
gels douche et les eaux de toilette (j'adore l'eau de
toilette Champions League (Victory
Edition), alors que le gel douche du même nom me plaît beaucoup
moins) ; beaucoup dans la liste (aussi bien côté gels douches que côté
eaux de toilettes) ne sont plus trouvables et ça me désole (pas juste
pour l'aspect collection, mais il y en a dont j'aime vraiment bien
l'odeur) : je regrette de ne jamais avoir pu mettre la main sur
le Team Five en version gel douche et
d'avoir fini le gel douche Champions League (Arena
Edition), et je suis triste d'arriver bientôt au bout de
mon Dynamic Pulse
et Champions League (Champions Edition) ;
aussi, mon flacon d'eau de toilette Dynamic
Pulse est plus petit que les autres (je n'ai pas fait gaffe en
passant commande), c'est insupportable parce que ça rompt la
symétrie.
Ajout () : Je crois
effectivement qu'Adidas sort un parfum Champions
League par an (au début ils devaient le faire en gel douche et
en eau de toilette, maintenant je pense qu'ils ne le font plus qu'en
eau de toilette). Je crois que les éditions successives ont
été : Champions League
(2014), Champions League (Star Edition)
(2015), Champions League (Arena Edition)
(2016), Champions League (Champions
Edition) (2017), Champions League (Victory
Edition) (2018), Champions League (Dare
Edition) (2019), Champions League (Anthem
Edition) (2020), Champions League
(Champions) (2021), Champions League (Best
of the Best) (2022), Champions League
(Star) (2023), Champions League
(Goal) (2024). Les années sont approximatives et largement
inférées sur la base de l'hypothèse qu'ils en sortent une édition par
an, mais l'ordre doit être celui que j'ai écrit. Il est possible que
l'eau de toilette version Champions League
(Champions) (qui n'est pas la même
que Champions League (Champions Edition),
ça j'en suis sûr) ne soit sortie que dans le cadre de coffrets avec un
déo et un gel douche.
Mais bon, les gels douche et eaux de toilette Adidas ne sont qu'un
exemple. En voici un autre : juste avant le premier confinement, le
poussinet et moi avons acheté une machine à café (avant ça, j'avais
pour principe que je prenais toujours le café à l'extérieur, ça
faisait partie du rituel, j'aimais
bien regarder les gens passer en le
buvant, ou bien en discutant de maths avec des collègues) et donc des
capsules pour mettre dedans. Forcément, j'ai voulu
avoir un peu de choix, j'ai acheté
deux ou trois parfums différents de capsules Or
compatibles Nespresso — et rapidement c'est devenu une collection
(photo
ici sur Twitter). En ce moment, à côté de la machine, il y
a : Or absolu, Or
rose, Forza, Splendente, Supremo, Sontuoso, Satinato, Delicioso, (Lungo)
Profundo, (Lungo) Elegante
et Decaffeinato (j'ai aussi
eu Colombia et Papua
New Guinea, mais je les ai finis et mon Carrefour
Market local n'en a plus). Contrairement aux gels douche et
eaux de toilette Adidas, je ne pense pas pouvoir les distinguer : je
suis même à peu près convaincu que si toutes ces capsules étaient
rigoureusement identiques je ne remarquerais rien du tout ; mais ça
m'amuse de faire semblant de faire un choix, ou de proposer à mon
poussinet cette longue liste d'adjectifs italiens. Mais il y aussi
des intrus dans ma cuisine : j'ai également des capsules Nespresso de
Nespresso : je n'arrive pas bien à décider si ça me dérange ou si je
dois commencer une nouvelle collection ou accepter que la collection
comporte deux marques différentes — pour l'instant, je les range un
peu à part.
Ajout () : Au rayon des
parfums, il faut aussi que je signale ma fascination pour
la collection Demeter ;
j'en avais parlé ici (évidemment
ces sagouins ont cassé tous leurs liens entre temps, mais la plupart
de ces parfums sont encore trouvables chez eux) : j'en ai acheté un
bon paquet à l'époque, dans le format le plus petit possible parce que
mon but n'était pas de parfumer quoi que ce soit mais de m'exercer au
jeu de la reconnaissance des odeurs. Bon, il est vrai que cette
collection est maintenant un peu… encombrante, parce que j'ai une
boîte (que j'ai tapissée de papier bulle) pleine de minuscules
bouteilles en verre qu'il ne faut Surtout Pas Casser parce que ça
parfumerait tout l'appartement du Mélange de Tous les Parfums de
l'Univers pendant des siècles.
Un objet facile à collectionner, ce sont les stylos. On pourrait
dire que je choisis mes modèles de stylos pas seulement pour leur
confort d'écriture mais aussi pour le fait qu'ils existent en un grand
nombre de couleurs différentes. J'aime bien, par exemple,
les V5 Hi-Tecpoint de Pilot, et j'en ai en noir, bleu,
rouge, vert, rose, violet et bleu clair. J'étais particulièrement
content, il y a quelques années, de découvrir que Muji (無印良品)
vendait un set de stylos à encre gel avec 15 couleurs différentes ;
mais j'ai été très déçu, depuis, de découvrir que (a) ces stylos ont
tendance à se boucher, et (b) ils ne commercialisent plus le set de
15 couleurs, seulment un set beaucoup plus limité de 9. Sinon, un
jour, je suis entré dans une papeterie (Eyrolles, rue des
Écoles, pour ne pas la nommer), j'ai vu le choix impressionnant qu'ils
avaient de surligneurs Stabilo Boss, et j'en ai acheté un de chaque
(photo
ici sur Twitter).
Je peux sans doute aussi ranger sous l'étiquette « collection »,
car même si ce n'en est pas une ça active les mêmes neurones dans mon
cerveau, le fait que je me suis acheté une série
de flûtes à bec (une sopranino, une
soprano, une alto et une ténor ; la basse était trop chère pour la
plaisanterie), toutes du même fabricant. Il y a des collections que
je n'ai pas faites alors que j'aurais peut-être voulu : je racontais
dans cette entrée, par exemple, que
j'étais agacé que les livres que j'ai de la
série Fondation d'Asimov ne sont pas tous du même éditeur
(spécifiquement, je regrette de ne pas avoir ceux avec les dessins de
Tim White sur la couverture). En revanche, toujours au niveau des
livres, j'ai une collection assez étendue des livres (par ailleurs
assez excellents) de la
série DTV-Atlas, des sortes de memento
synthétiques, en allemand, sur toutes sortes de sujets scientifiques,
techniques ou culturels, toujours sur le format « une page
d'illustration, une page de texte ». (À une certaine époque, à chaque
fois qu'il allait dans un pays germanophone, mon père me ramenait
un DTV-Atlas.) Et bien sûr,
comme beaucoup de matheux, j'ai dans ma bibliothèque énormément de
livres de la série GTM de Springer (et un certain
agacement du fait qu'ils ne sont pas tous exactement au même
format).
Et puis, il y a les vêtements. La manie à ce sujet m'est venue
relativement récemment. Je ne sais plus bien à quel moment j'ai
décidé que je voulais m'acheter une nouvelle tenue pour faire ma muscu
(c'était avant le covid, à l'époque où je pouvais encore faire de la
muscu en salle…) : j'en ai acheté une de la marque Venum
parce que j'aime bien l'esthétique (tee-shirt de compression, pantalon
de compression, et fightshort) ; puis ils ont sorti un autre modèle
qui me plaisait encore plus, et j'ai acheté ça, et c'est devenu une
collection, et maintenant j'en ai un nombre assez embarrassant.
C'est un peu selon la même logique que, pour ce qui est de mes
vêtements de tous les jours, je me suis mis à porter la
marque DC Shoes : je leur ai acheté quelques
trucs parce que j'aimais bien le style
et le
logo, puis c'est devenu une sorte de collection, et aussi une
sorte de défi idiot, de réussir à ne porter que des vêtements
de cette marque (tout à l'heure, par exemple : boxer, débardeur,
tee-shirt, chaussettes, pantalon, hoodie, bandana (porté comme
foulard), blouson, chaussures, tour de cou, bonnet, gants, et
l'incontournable accessoire de mode de l'année, le masque anti-covid ;
ah, et le portefeuille, aussi). Il n'y a pas beaucoup de marques pour
lesquelles on puisse faire ça, en fait (ne serait-ce que les
sous-vêtements et les chaussures, ce n'est pas évident de trouver de
la même marque). À un moment, mes étudiants se moquaient de moi à
cause de ça[#], alors j'ai pris
l'habitude de donner l'exemple de dc* comme premier exemple
d'une expression rationnelle dans mon cours sur le sujet. Mais le
petit jeu va devoir cesser, parce qu'il semble
que DC Shoes ne fasse plus de
sous-vêtements.
[#] Enfin, à cause du
fait que je portais toujours des hoodies de cette marque (mais
différents à chaque fois). A priori ils ne pouvaient pas voir mes
sous-vêtements.
Là ce n'est plus vraiment pareil qu'une collection : ce n'est pas
la même chose d'accumuler plein d'objets quasiment identiques et
différant uniquement par la couleur ou le parfum ou le goût, et de
chercher à avoir une panoplie complète de la même marque, mais il est
clair que cela remplit la même forme de satisfaction dans mon cerveau.
À part la tenue de musu Venum et les vêtements de tous
les jours DC Shoes, je peux mentionner mon
équippement de moto qui est
presque[#2]
entièrement Dainese (dans les trois cas, il se trouve que
j'aime beaucoup le style du logo — il y a peut-être quelque chose
là-dessous aussi).
[#2] Presque en
été parce que mon casque est de la marque AGV, qui a été
rachetée par Dainese, mais qui ne porte pas leur logo. Mais en hiver,
je porte des gants chauffants, or Dainese n'en fait pas, donc il a
bien fallu que je prenne une autre marque (Five, en l'occurrence).
Mine de rien, ça me contrarie : quelque part, ça me dérange plus que
tout soit de la même marque à une exception que si c'était
plus hétéroclite (je pourrais par exemple porter des bottes d'une
autre marque, comme ça je n'aurais de Dainese que le « textile » —
blouson, pantalon, coupe-vent, tour de cou et sous-combinaison, ce
serait plus cohérent ; mais bon, comme l'équipement de moto coûte
quand même cher, je préfère réserver les maniaqueries sur les
collections aux choses que je peux acheter sans trop réfléchir, comme
des stylos).
Voilà, il y a sans doute d'autres choses que je collectionne sans
vraiment y faire attention (je ne suis pas tellement obsédé par mes
collections : elles ont même tendance à se développer sans que j'y
fasse attention), certaines sont un peu plus « classiques » (je
collectionne aussi, ou plutôt je collectionnais parce que je commence
à en avoir trop, les bibles, c'est-à-dire les éditions et traductions
différentes de la bible, et là je ne cherche pas spécialement une
cohérence de marque ni d'apparence) ; mais je pense que les exemples
que je viens de donner sont les plus caractéristiques.
J'y ai déjà fait allusion un certain nombre de fois dans ce blog
(ici par exemple), mais sans en
parler spécifiquement : depuis le 2001-01-01 (autrement dit depuis le
début de ce millénaire, c'était une résolution du nouveau
millénaire), je tiens un journal de ma vie, qui approche donc
maintenant ses vingt ans. L'occasion d'en dire un peu plus.
La motivation pour commencer l'écriture de ce journal venait d'une
certaine frustration, que j'ai ressentie notamment en
rédigeant cette autobiographie
(finissant grosso modo en 1996, donc il s'agit des
vingt premières années de ma vie, et écrite pas très
longtemps après) : celle de constater qu'il y avait énormément de
choses que je n'arrivais plus à reconstituer (en quelle année avais-je
fait ceci ou cela ?), celle de constater que mon propre passé était un
mystère pour moi-même, que je devais me livrer à un travail
d'historien, rassemblant des indices pas toujours très clairs (soit
des souvenirs confus voire faux,
soit de rares indices écrits ou matériels) pour retrouver quand et
comment j'avais fait telle ou telle chose, et parfois sans succès.
C'est particulièrement frustrant quand je sais
que je m'embrouille facilement sur
l'ordre chronologique.
Ce journal, donc, me sert essentiellement à répondre aux questions
que je n'arrête pas de me poser : quand est la dernière fois que je
suis allé à X ?, quand est la dernière fois que j'ai
vu Y ?, est-ce que A s'est produit avant
ou après B ?, qu'ai-je fait le reste de la journée
où T s'est produit ?, ce genre de choses. Mais
aussi qu'est-ce que je faisais il y a précisément un an (ou plutôt,
52 semaines) ? deux ? trois ? (cela me donne une certaine
inspiration soit pour décider quoi faire aujourd'hui, soit pour
comparer la manière dont ma vie a évolué), à quoi ressemblait ma
journée typique il y a cinq ans ? dix ? quinze ? (et peut-être
l'angoisse sous-jacente suis-je
encore la même personne ?).
Souvent le but est juste de répondre à ma curiosité ou de contenter
mon désir de m'y retrouver dans mon propre passé, ou encore d'exercer
ma mémoire (je peux prendre un jour aléatoire et essayer de le
revisualiser aussi précisément que possible). Mais parfois aussi, ce
journal me sert dans un but tout à fait pratique (retrouver quand j'ai
acheté telle ou telle chose, quand j'ai accompli telle ou telle
formalité, cela peut servir pour toutes sortes de raisons) ; avoir
noté que telle ou telle chose était possible me sert à décider si ce
sera refaisable (c'est notamment utile pour l'heure d'ouverture de tel
ou tel commerce, qui n'est pas toujours trouvable autrement qu'en se
cassant les dents dessus). Du coup, il s'agit aussi d'une sorte de
bloc-notes général : je ne note pas seulement les choses que je fais,
mais aussi toutes sortes d'informations générales sur les choses ou
situations que je croise (par exemple, si j'achète un objet un peu
inhabituel ou cher, je vais le noter, et peut-être noter son prix, ou
son numéro de série, ou toute autre information de ce genre que je
pourrais vouloir retrouver ultérieurement). Pour l'argent, je tiens
aussi des comptes précis
(avec GnuCash), mais mon
journal sert pour les informations plus générales, et il m'est
éventuellement utile de croiser les deux. Quand j'achète un livre,
quand je commence ou finis de le lire, je le note, ou quand je vois un
film.
Bien sûr, il est impossible de tout noter. Au bout d'un moment, ça
commence à ressembler à une blague, ou quelque chose qui pourrait
apparaître dans une nouvelle de Borges (ou, dans un autre registre, le
personnage d'Astinus de la série Dragonlance, qui est
certainement mon préféré dans cette saga) : si je pousse trop loin, je
vais finir par écrire j'écris la phrase suivante, suivie par
elle-même entourée de guillemets : j'écris la phrase suivante,
suivie par elle-même entourée de guillemets. Il faut que je
mette la bride sur mon obsession de tout documenter, et que je me
retienne de trop entrer dans les détails. J'essaie de trouver un
compromis raisonnable entre le temps que je passe à noter les choses
et la satisfaction que m'apporte la relecture de ce journal : mais
grosso modo, j'ai tendance à aller vers de plus en plus de détails
avec le temps. À ce stade, je vais peut-être trop loin, j'en suis
conscient, mais ma tendance naturelle est de penser qu'il vaut mieux
perdre un peu de temps à noter des choses (et franchement, ce n'est
pas énorme) que de regretter plus tard que l'information soit perdue à
tout jamais.
Grosso modo, j'essaie de noter les noms des personnes avec qui j'ai
une interaction significative au cours d'une journée (par exemple si
je mange avec quelqu'un, ce sera noté, ou si je croise quelqu'un que
je n'ai pas vu depuis longtemps, ou si j'ai une longue conversation ;
mais si je dis bonjour en passant à un voisin je ne vais pas l'écrire,
sauf s'il y a quelque chose d'inhabituel), les films que je vois, les
livres que je lis (ou plus exactement, quand je commence et quand je
finis), les lieux que je fréquente, les balades que je fais, les cours
que je donne, les problèmes de maths sur lesquels je réfléchis (le
sujet général plus que l'énoncé précis). Quand je prenais des leçons
de conduite, je notais grosso modo par où nous étions passés et
comment la leçon s'était déroulée. Si je fais une grosse insomnie,
que je dors très mal, quelque chose de ce genre, je vais le noter, ou
bien sûr si je suis malade. Je note aussi l'heure de beaucoup de
choses (ça me sert à retrouver combien de temps il me faut pour faire
ceci ou cela, ce qui est très utile pour planifier). Mais je ne note
pas, par exemple, le détail de tout ce que je mange (sauf si le repas
a quelque chose d'inhabituel). Ni le contenu de mes rêves que je me
rappelle (j'avais un autre fichier pour ça, mais je n'y écris
qu'extrêmement rarement). Ni les vidéos YouTube que je regarde (c'est
une des limites arbitraires de l'exercice : le poussinet et moi avons
tendance à regarder des films ou des documentaires pendant que nous
dînons, je note leur nom dans mon journal, mais je ne vais pas noter
si je regarde un documentaire du même genre pendant la journée, parce
que si je commençais à noter toutes les vidéos que je regarde je
n'aurais jamais fini). À l'époque bénie où il y existait des salles
de sport, je notais les séries de muscles que je travaillais à chaque
entraînement, mais pas le détail des exercices. Bref, on voit
l'idée.
Il n'y a jamais rien de vraiment secret dans ce journal (j'ai
d'autres mécanismes pour stocker ce qui est secret), même si,
évidemment, la limite entre ce qui est secret, et ce que je veux
seulement garder discret n'est pas toujours claire. Mais disons que
je ne le montre à personne, même pas à mon poussinet (en revanche, je
lui en lis souvent des bouts). En principe, je ne note que les choses
qui me concernent moi, mais évidemment si quelque chose qui
arrive à un ami ont un impact sur ma vie je vais le noter aussi.
On me dit, pour me changer les idées, de parler autre chose que de
la pandémie. Je vais donc essayer d'évoquer les (159) jours qui se
sont écoulés entre le et
le . C'est dire quelque
chose de la manière dont j'ai ressenti les périodes qui ont précédé et
suivi que je repense maintenant à ces cinq mois comme une période
presque rayonnante de bonheur alors
que j'ai perdu mon papa en plein
milieu. J'ai assurément appris quelque chose sur la valeur que
j'accorde à la liberté, en l'ayant perdue, puis regagnée, puis perdue
de nouveau : je me suis enivré, pendant cet intermède qui prend à
présent dans mon souvenir la coloration de ces rêves où l'on imagine
qu'on peut voler avant de revenir à la réalité, je me suis enivré des
vapeurs dégagées par son flambeau. Et j'ai aussi appris quelque chose
sur le bonheur en me rendant compte que je n'avais pas vraiment
compris sur le moment combien j'étais heureux : j'ai envie de remonter
le temps, pas seulement pour inhaler de nouveau ces vapeurs
enivrantes, mais aussi pour me dire à moi-même : cueille cet instant,
suce la moelle de la vie, retiens cette sensation pour quand le songe
sera fini, car cela ne sera que trop tôt. Voyons si je peux au moins
ressusciter pour ce blog la mémoire de ces jours baignés de
lumière.
Mon ivresse de liberté a pris différentes formes. Sans doute mon
intérêt renouvelé pour la recherche
de vues dégagées faisait-elle
partie de cette volonté de me dire que je pouvais aller où je voulais,
aussi loin que portât mon regard (contrastant avec la moquerie cruelle
de la laisse qui me retient maintenant à 1000m de là où j'habite).
Beaucoup de mes loisirs habituels (manger au restaurant, faire de la
muscu) ont été fermés pendant une partie de cette période, donc je me
suis concentré sur ce qui restait : l'exploration de ma région qui
m'est chère. J'ai fait beaucoup de promenades dans les bois avec le
poussinet (de la forêt de Fontainebleau à celle de Rambouillet en
passant par celles de l'Isle-Adam, de Ferrières et de Villefermoy) ;
nous avons visité des parcs et
jardins[#] que je n'avais pas
encore vus, nous avons fait des virées dans des endroits très mignons
notamment du côté du Vexin (la Roche-Guyon dans le Val d'Oise, les
Andelys et Lyons-la-Forêt dans l'Eure, mais aussi Bonneval en
Eure-et-Loir). Mais surtout, j'ai fait
travailler mon petit joujou rouge de
chez Honda. (Mise à jour : voir
aussi ce billet ultérieur sur le
Vexin, où je me suis beaucoup baladé.)
C'est un cliché un peu usé de présenter la moto comme un symbole de
liberté, mais je n'avais jamais autant ressenti un besoin de, comme on
dit en anglais, hit the road. J'ai parcouru
6200km[#2] pendant cette
période en me laissant, le plus souvent, simplement rouler où
m'envoyait mon inspiration. Il y a certainement que j'avais été
frustré, en 2019, de ne pas obtenir mon
permis à l'été mais seulement en
septembre et de, du coup, rater la possibilité de profiter des
beaux jours pour faire des balades. J'en avais fait autant que je
pouvais en septembre à
novembre 2019[#3], mais les
journées raccourcissant et la météo se gâtant avaient rapidement
limité mes perspectives, et ma moto ne servait bientôt que pour les
allers-retours au bureau (surtout quand une grève m'a empêché de
prendre les transports en commun) : je m'étais promis que dès que le
beau temps reviendrait je repartirais — et ma frustration de voir
l'essentiel du printemps[#4] me
passer sous le nez m'a donné encore plus envie de rattraper le temps
perdu.
[#2] J'ai d'ailleurs
sans doute
couru grosso
modo autant risque de me tuer à moto entre mai et octobre que le
Français moyen n'en avait de mourir de covid entre mars et mai.
Peut-être que ça dit quelque chose sur la valeur relative de la vie et
de la liberté de profiter de la vie ?
[#3] Je relis
régulièrement le journal que je tiens de ma vie, en regardant surtout
ce qui se passait il y a un an, il y a deux ans, il y a trois ans — et
c'est souvent l'occasion de me rendre compte de contrastes
surprenants. Il y a un an,
je déménageais
dans le
nouveau bâtiment de Télécom Paris à Palaiseau que je n'ai,
finalement, pas tellement eu l'occasion de fréquenter !, et que j'ai
maintenant plutôt envie de revoir. Il y a deux ans, je reprenais
péniblement la muscu et les leçons de moto (et la réalisation que ce
serait très long pour réussir mon plateau) après
une méchante tendinite à l'épaule.
Il y a trois ans, c'étaient des leçons de voiture que je prenais, et
j'avais là aussi l'impression que je n'arriverais jamais à décrocher
ce permis.
[#4] Si je vis un peu
moins mal ce second confinement que le premier, ce n'est pas seulement
parce que je me sens moins seul à le contester : c'est aussi entre
autres parce que les mois de novembre et décembre sont une période que
je déteste de toute façon, où j'ai l'impression ne ne jamais faire
grand-chose d'autre que d'attendre que les jours commencent enfin à
rallonger. Le fait qu'on me vole mes mois de novembre et décembre me
fait donc moins mal que quand c'est le printemps qui est parti en
fumée.
Bref, j'ai roulé !
Comment communiquer sous forme de mots ce que j'ai ressenti en
parcourant ainsi les routes de l'Île-de-France (ou en m'aventurant
parfois, timidement, juste un peu au-delà) ? Les souvenirs qui
restent dans ma mémoire sont autant
de cartes postales que je ne sais
pas traduire en français. J'ai toutes sortes d'informations
factuelles : des notes dans le journal où je documente ma propre vie,
des traces GPS (souvent doubles, d'ailleurs, parce que
j'ai celle enregistrée par la dashcam
que je
sais maintenant extraire de ses vidéos, et celle notée par mon
téléphone), des vidéos, même (mais de mauvaise qualité parce que cette
dashcam n'est pas terrible, et il me serait extrêmement malcommode d'y
accéder via l'accès Internet pas terrible que j'ai ici à Chambéry),
mais tout ça passe un peu à côté de la plaque. Raconter ce que j'ai
fait comme ça serait aussi ennuyeux que si je racontais mes rêves :
l'émerveillement du je pouvais voler ! c'était fabuleux ! ne
passe pas bien la barrière de la langue.
Je peux quand même bien évoquer quelques uns de ces moments
fugaces.
Ma première envie, lorsque nous avons été libérés mi-mai, a été
d'aller voir
les vaches
des Highlands qui
paissent dans
un pré entre Saint-Lambert-des-Bois et les ruines de l'abbaye de
Port-Royal-des-Champs (un endroit qui m'est très cher parce que chargé
de souvenirs de mon enfance ; et comme j'aime énormément les vaches
des Highlands, je leur rends régulièrement visite, sûr qu'elles
m'accueilleront avec l'indifférence bovine que j'attends
d'elles). Un peu plus tard, alors que l'engourdissement du confinement se
dissipait progressivement,
j'ai fait
une balade à travers la forêt de Rambouillet et ses endroits
incontournables dont je retiens surtout l'image ci-contre, cette rangée
de peupliers
ensoleillée à
Gambais (Yvelines), à laquelle les imperfections de l'optique de
mon téléphone ont donné un halo un peu onirique, et qui reste
maintenant gravée dans ma mémoire comme une figuration de ces jours
dorés. (Le peuplier, dans ses diverses espèces et variantes, est
probablement mon arbre préféré. Je ne saurais pas expliquer pourquoi,
mais je trouve leur présence particulièrement apaisante.)
Hello lockdown my old friend, I've come to talk with you again…
Je ne résiste pas à commencer ce billet
en parodiant
Marx :
Les épidémiologistes font remarquer que, dans une pandémie, les
confinements se produisent deux fois. Ils ont oublié d'ajouter : la
première fois comme tragédie, la seconde comme farce.
La France (comme le Royaume-Uni et quelques autres pays européens)
est entrée dans le volet « farce » de cette lamentable histoire, avec
un nouveau confinement dont plus
personne n'est capable d'expliquer à quoi il est censé servir. Le
premier avait au moins pour le défendre qu'on pouvait espérer profiter
d'une pause forcée de l'épidémie pour mettre au point de nouveaux
protocoles prophylactiques ou thérapeutiques pour lutter contre elle,
déployer de nouvelles ressources, etc. Mais cette fois il n'y a
aucune perspective particulière que les choses soient meilleures à la
fin du deuxième confinement qu'à la fin du premier dont il ne fait
qu'illustrer l'absurdité, et la seule perspective que proposent les
confinementistes est d'en avoir un troisième, puis un quatrième, et
ainsi de suite jusqu'à ce qu'arrive un vaccin providentiel. La farce
atteint des niveaux de grotesque tels qu'on en vient
à interdire
la vente de chaussettes dans les supermarchés (pas pour des
raisons de santé publique mais pour éviter une concurrence déloyale
avec des commerces qui ont été obligés de fermer pour des raisons de
santé publique — c'est
une fuite
en avant) : je pense que ce gouvernement n'a plus aucune
crédibilité à force de ne savoir jouer que la carte de la
répression.
Il me semble constater que l'adhésion collective à la politique du
confinement (à la fois celle qui s'exprime sur son principe dans
l'opinion, et celle qu'on observe sur le terrain) a énormément diminué
par rapport à mars, ce qui me donne quelque espoir pour la suite, mais
le présent reste bien sombre.
Bien sûr, cette vague épidémique finira par passer, confinement ou
pas confinement. Les défenseurs de la mesure pourront de toute façon
avoir raison : si elle passe avec peu de dégâts, ils pourront se
vanter c'est parce que nos mesures ont été efficaces !, et si
elle est très meurtrière, ils pourront expliquer c'est parce que
nos mesures n'ont pas été bien respectées !. (Je pense que c'est
leur plan — pas forcément explicitement assumé comme tel, mais plutôt
intériorisé sous la forme prenons des mesures, pour montrer que
nous agissons, et la suite ne sera plus notre problème ; ce ne
serait pas la première fois qu'on prendrait en France des mesures sans
se donner ensuite le moyen de les faire respecter, pour le bénéfice de
la gesticulation politique, et sans se soucier de l'arbitraire
juridique que cette situation engendre, parce que bien sûr ceux qui
seront condamnés pour non-respect du confinement ce ne sont pas la
classe de privilégiés qui décident de ce genre de choses.)
Je suis hors de moi de colère. Contre les épidémiologistes qui
voient le monde par le petit bout de la lorgnette de leur discipline
et qui, pétris de l'hubris de sauver des vies pour ce qui relève de
leur champ d'action, conseillent à la société des remèdes de cheval
dont ils ne se soucient pas de savoir quels sont les coûts ni les
conséquences ailleurs en termes de vies brisées, de suicides, de
troubles psychologiques, de casse sociale, de destruction des libertés
publiques, et — oui, il faut quand même l'évoquer — d'impact
économique. Contre les gouvernements qui n'écoutent qu'un seul son de
cloche, qui n'ont comme seul mode de pensée que la répression, qui ne
savent que répéter leurs erreurs passées comme des shadoks espérant
que ça va finir par marcher, et dont l'impréparation n'a cette fois
plus aucune excuse. Contre les catastrophistes sanitaires, qui
agitent les pires chiffres surgis de nulle part (400 000 morts ! pas
un pays du monde, confinement ou pas confinement, ne s'approche de ce
taux de mortalité, mais peu importe : il faut laisser croire qu'il n'y
a que deux possibilités, tout le monde en prison ou ne rien faire du
tout et laisser les cadavres s'entasser) pour forcer l'adhésion à la
doxa confinementiste. Contre la différence de traitement qui fait
qu'on ne voit que les victimes de la maladie et pas celles de la
brutalité du « remède ». Contre l'impossibilité de dégager n'importe
quelle idée alternative (par exemple autour de la protection
différenciée et/ou optionnelle des personnes âgées ou fragiles : on se
contente de dire que ce n'est pas possible, ça ne suffirait
pas, ça n'a pas marché dans les EHPAD, comme
s'il était moins coûteux de confiner tout le monde de force que de
fournir la possibilité à ceux qui le souhaitent de le faire
individuellement, comme si ce n'était pas une idée à essayer avant de
passer aux méthodes plus brutales). Ou même simplement de remettre en
question les règles les plus absurdement violentes du confinement à la
française (la limite de 1km du domicile, en premier : quel fondement
scientifique à une contrainte aussi mesquine et humiliante, bien plus
sévère que ce qui se fait ailleurs en Europe ? soit dit en
passant, signez
cette pétition).
Je devrais écrire des choses plus détaillées et plus raisonnées.
Par exemple expliquer pourquoi le chiffre de 400 000 morts est
irréaliste (en tout cas si on parle simplement de ne pas faire de
confinement et pas supprimer toutes les mesures qu'on a déjà
mises en place), pourquoi il n'est là que pour faire peur, et
aussi et d'où il sort[#]. Ou
discuter un peu d'approches alternatives au confinement généralisé et
qui soient probablement meilleures que ne rien faire de plus que ce
qu'on a déjà fait (même si cette dernière option me semble
elle-même déjà bien meilleure que le confinement), par
exemple fournir des moyens sérieux à ceux qui souhaitent s'isoler
selon le niveau de risque qu'ils souhaitent eux-mêmes
accepter.
[#] À savoir,
probablement
de cette
opinion de Fontanet et Cauchemez. (Ce n'est d'ailleurs
qu'un commentaire invité par les rédacteurs de la revue, et
pas une publication scientifique au sens usuel : our
Comments aim to address topical issues […] or offer a short,
authorative opinion on a scientific area — citation tirée
d'un autre
journal du même éditeur, mais ayant sans doute la même politique).
Mais même cette opinion évoque l'immunité
grégaire inconditionnelle,
c'est-à-dire si on supprimait toutes les mesures déjà mises en
place, et même sous ces conditions, son calcul est est
incroyablement biaisé et pessimiste à toutes sortes de niveau, et même
avec ce pessimisme, 400 000 morts est bien en haut de la fourchette
qu'ils donnent. Bref, on a pris le non-article le plus biaisé et
pessimiste possible, on a mal interprété sa prémisse, et on a pris
quasiment la borne la plus pessimiste même là-dedans. Il faudrait
vraiment se demander si la politique se base sur les pires cas
possibles ou sur le plus plausible : parce que si on cherche le pire
cas, il faut aussi le faire quand on parle des conséquences du
confinement.
Mais je suis fatigué d'expliquer les choses. Je n'en peux plus de
me battre contre la connerie. Je vais plutôt parler un peu de moi et
de comment je traverse cette farce grotesque, en espérant que ce soit
un peu cathartique.
Parmi les différents sous-systèmes du fonctionnement du cerveau
humain (j'avais parlé ici de la
mémoire), le sens de l'orientation est un de ceux qui m'intéresse
le plus. J'ai longtemps été persuadé que le mien était épouvantable,
sans doute parce qu'en fait je ne m'intéressais pas trop à mon
environnement ni à la géographie et que je me laissais mener sans
chercher à savoir où ni comment : en fait, il semble qu'il soit tout à
fait correct, au moins en comparaison à celui du poussinet, mais le
poussinet peut faire valoir la même excuse puisque c'est souvent moi
qui donne les directions (qu'on circule à pied ou en véhicule à
moteur). J'ai compris que je pouvais avoir un sens de l'orientation
en déménageant à Paris et en commençant à m'y promener seul (à pied et
en métro), ce qui m'a obligé à me créer une représentation mentale de
Paris ; puis je l'ai fait pour d'autres villes (Londres, Lyon,
Bordeaux ; mais aussi Toronto, ce qui n'est pas bien difficile).
Quand je me suis mis à circuler en voiture (pas du tout pendant que je
préparais le permis, mais juste après, j'en
ai parlé ici), j'ai commencé à me
faire une représentation mentale de la région Île-de-France ; et en
circulant à moto (sans GPS :
voir ce bout
de cette entrée) j'ai vraiment
cherché à l'utiliser. Mais un autre exercice intéressant pour le sens
de l'orientation, et peut-être chronologiquement le premier en ce qui
me concerne, c'est les jeux sur ordinateur et autres mondes virtuels :
je n'ai jamais été grand fan de jeux vidéo, mais les quelques uns qui
me branchaient étaient ceux où j'avais l'impression d'avoir un monde à
explorer, avec une géographie bien cohérente, notamment les jeux de la
série Ultima
(surtout les VI, VII, Underworld et Underworld II, qui vont fournir de
bons exemples de ce que j'appelle ci-dessous le mode carte et
le mode vue) : avant de me créer une représentation mentale
d'un endroit réel quelconque (sauf mon environnement vraiment
immédiat), c'est celle de lieux virtuels que j'ai cartographiée en
premier. Quand j'ai écrit
ce petit jeu de
labyrinthe, il s'agissait aussi en partie d'une expérience de sens
de l'orientation.
La représentation mentale fournie par le sens de l'orientation a,
je dirais, grosso modo trois fonctions :
permettre de se figurer où on se trouve,
permettre de savoir dans quelle direction on regarde,
permettre d'en déduire vers où aller pour rejoindre la
destination qu'on veut atteindre.
Le second est sans doute le plus délicat. J'ai mis longtemps à
comprendre l'utilité d'une boussole (à quoi cela peut-il servir de
savoir où on regarde si on ne sait pas où on est ?), mais en fait,
l'information qu'on perd le plus rapidement est bien celle de la
direction et pas de la position. (C'est d'ailleurs peut-être pour ça
qu'on parle de sens de l'orientation et pas de sens de
l'emplacement.) En ville, il est nettement plus facile de se
retrouver quand les rues sont bien droites que quand elles tournent
subtilement ou font des angles pas tout à fait droits (cf. l'exemple
que je donne plus bas à propos des deux chemins pour aller de
l'ENS à chez moi). En rase campagne, je m'oriente
nettement mieux quand le soleil me donne, au moins approximativement,
un sens des points cardinaux. Et je peste sans cesse contre ces plans
de quartier qui vous disent vous êtes ici mais pas et vous
regardez dans cette direction. Ou contre ces smartphones qui sont
foutus d'avoir une position hyper précise par GPS mais
dont il faut sans arrêt « calibrer » la boussole si on veut qu'elle ne
pointe pas parfois carrément à l'opposé de la direction qu'elle
devrait indiquer[#]. Ou contre
ces indications routières qui vous disent que cette route vous mènera
à Saint-Machin-des-Bidules ou à Petit-Truc-lès-Chose sans vous donner
le moindre sens du nord et du sud.
[#] Je suis d'ailleurs
assez perplexe quant à ce en quoi consiste exactement cette opération
de calibration. Si la boussole est essentiellement un
magnétomètre, elle devrait donner l'orientation sans avoir besoin de
calibration (au moins par rapport au nord magnétique, mais
l'inclinaison du nord magnétique peut être mémorisée sur d'assez
longues périodes, elle n'explique pas qu'on ait besoin de recalibrer
si souvent, ni pourquoi faire des sortes de 8 aiderait à connaître
l'orientation du nord magnétique). Certains de mes téléphones passés
pouvaient indiquer une direction complètement aléatoire (parfois
jusqu'à 180°, donc) par rapport à celle dans laquelle je regardais, et
devenaient donc complètement inutiles.
J'ai déjà fait la remarque, et
je la réitère, que cela aiderait énormément beaucoup de gens de
prévoir, surtout dans les endroits un peu labyrinthiques (centres
commerciaux, par exemple) un repère visuel permettant de garder, ne
serait-ce que subliminalement, le fil de la direction à mesure qu'on
tourne : comme un motif sur le sol n'admettant aucune symétrie de
rotation, ou des petits signes discrets pointant toujours dans la même
direction à chaque panneau routier.
Et je pense que cela contribue énormément
à l'aspect labyrinthique et troublant
du plan hyperbolique qu'il n'y ait pas de boussole globale
possible, parce que si on fait une boucle en croyant pointer toujours
dans la même direction, on va sans doute avoir changé de direction en
revenant au point de départ (c'est le concept
d'holonomie).
Une amie avec qui je discutais du fonctionnement du sens de
l'orientation m'a suggéré, et je suis d'accord avec cette analyse,
qu'il a deux principaux modes de fonctionnement, ou deux sous-unités :
appelons-les le mode carte et le mode vue, qu'on peut
comparer à Google Maps et Google Street View. La représentation
mentale construite par le mode carte est semblable, justement, à une
carte. Une carte simplifiée et approximative, bien entendu, mais
néanmoins quelque chose du genre. Généralement, on aura tendance à
rectifier mentalement les axes pas tout à fait rectilignes et à
transformer en angles droits les angles pas tout à fait droits, ce qui
peut causer des erreurs subtiles : ma représentation mentale de
Londres, par exemple, ressemble beaucoup à la célèbre carte
schématique de l'Underground, qui est topologiquement correcte mais
dont le rapport avec la géographie métrique réelle est un peu
distante ; néanmoins, c'est ça que j'ai en tête quand je marche à
Londres, je vois vaguement où je suis sur ce schéma, j'essaie de
garder une direction, et j'ajuste en fonction de ce sur quoi je tombe.
Le mode carte sert surtout pour les endroits dont on n'est pas trop
familier : le mode vue, lui, sert pour les endroits déjà connus : on
reconnaît les endroits par lesquels on est déjà passé (mais peut-être
seulement dans un seul sens) et on sait que si on suit tel chemin on
aboutira à tel endroit tout simplement parce qu'on l'a déjà fait et
mémorisé.
Quand j'ai passé le permis (qu'il s'agisse de la voiture ou de la
moto), j'étais évidemment appliqué uniquement à obéir aux consignes de
l'inspecteur et à suivre le Code de la Route, je ne faisais aucun
effort pour savoir où j'étais, et je n'en avais guère d'idée ;
pourtant, quand je suis rentré, j'ai été facilement capable de
retrouver le chemin
(ici
pour le permis B
et ici
pour le A2) en reregardant les endroits sur Google Street View.
Quand j'ai organisé une balade à moto en groupe il y a dix jours
(cf. ici), comme je ne voulais pas
mener ceux qui me suivraient dans une fausse direction, j'ai révisé
plusieurs fois l'itinéraire sur Google Maps et Google Street View, ce
qui était un peu long parce qu'il y en avait pour environ 170km, mais
ensuite, sur le terrain, je n'ai jamais eu d'hésitation sur la
direction à prendre, et je pensais plutôt en mode vue qu'en mode
carte.
Ces deux modes sont complémentaires mais ne communiquement pas
forcément si bien entre eux. Je disais que mon sens de l'orientation
n'était pas trop mauvais : ceci vaut à la fois pour le mode carte
(dans un endroit que je ne connais pas bien, tant que j'arrive à ne
pas perdre le nord, je vais pouvoir naviguer au moins grossièrement
sur la base d'une représentation mentale simplifiée) et pour le mode
vue (il ne me faut pas beaucoup de passages pour retenir que j'ai été
à tel endroit et ce que j'y ai fait). Mais la communication entre les
deux modes, disais-je, peut être imparfaite : si je dois marcher de
chez moi à Saint-Michel, par exemple, je sais parfaitement bien par où
passer (en « mode vue »), je sais ce que je fais sur un plan de Paris,
mais si on m'arrête au milieu des Gobelins et qu'on me demande où est
le nord, je pense que j'aurai un peu d'hésitation pour répondre. Je
me rappelle aussi m'être fait la réflexion suivante : pour aller de
l'ENS à chez moi, j'avais deux principales options à
partir du croisement endre les rues Claude Bernard et Berthollet :
soit je suis la rue Claude Bernard et ensuite en gros « c'est tout
droit » (rue Claude Bernard, avenue des Gobelins, rue Bobillot, et
j'arrive place Verlaine), soit je tourne à droite en gros à angle
droit, c'est aussi en gros « tout droit » (rue Berthollet, rue de la
Glacière, rue Corvisart, escaliers de Corvisart, et j'arrive rue
Simonet) ! Comment peut-on arriver au même endroit en prenant deux
directions faisant quasiment un angle droit et en allant ensuite
« tout droit » ‽ J'ai eu du mal à résoudre ce mystère sans regarder
une carte (la réponse est, bien sûr, que les rues s'incurvent, ou que
les intersections ne se font pas à angle droit, si bien que les deux
chemins tournent finalement vers le même but).
L'autre remarque que je trouve à faire, c'est que, bien que ce soit
vaguement contre-intuitif, il semble qu'il y ait peu de rapport entre
le sens de l'orientation et le sens tridimensionnel. Ma capacité à
« voir dans l'espace » est épouvantablement mauvaise : si on me
demande, par exemple, s'il est possible de trouver une section plane
d'un cube qui soit un hexagone, je connais la réponse ou je sais la
retrouver pour des raisons mathématiques abstraites, mais je n'y
« vois » rien du tout ; et pourtant, ça ne m'empêche pas de naviguer à
peu près correctement comme je l'ai dit ci-dessus. Je suppose que
c'est parce qu'on vit dans un monde généralement plutôt 2D que 3D (les
villes ont rarement des rues construites dans des plans vraiment
différents), mais il serait intéressant de faire des expériences avec
des mondes virtuels pour voir comment des labyrinthes utilisant de
plus en plus la troisième dimension évoluent en difficulté selon les
personnes. Rien qu'avec la descente du parking de mon immeuble, j'ai
du mal : celle-ci fait simplement un quart de cercle, et pourtant j'ai
les plus grandes difficultés à me figurer mentalement le parking tel
qu'il se situe en-dessous du rez-de-chaussée.
Je n'ai pas écrit dans ce blog depuis plus d'un mois. Le temps de
raconter un peu pourquoi.
Sans conteste, je vais beaucoup mieux depuis que je ne suis plus
prisonnier chez moi.
Le traumatisme associé à ce
confinement restera sans doute présent longtemps, il faudra
certainement que je travaille dessus pour l'exorciser complètement :
mais pour l'instant, je n'ai pas du tout envie d'y repenser, j'ai
surtout envie de profiter du goût de la liberté retrouvée.
Mon cerveau analytique a toujours eu tendance, et je pense que les
lecteurs réguliers de ce blog en ont bien conscience, à fonctionner
par lubies passagères : un jour je me passionne pour un sujet (qu'il
s'agisse des géodésiques dans les trous noirs de Kerr ou de de la
logique du topos effectif), je me jette à fond dedans, j'y pense sans
arrêt, éventuellement j'écris une entrée de blog pour consigner et
retenir ce que j'ai appris, puis je m'en lasse aussi soudainement que
je m'y étais intéressé. (C'est d'ailleurs un certain handicap, voire
un handicap certain, pour faire de la recherche, qui demande plus de
l'endurance que des efforts intenses et brefs ; ou du moins c'est un
handicap contre une conception un peu étroite de la recherche,
mais j'en ai déjà parlé.)
Le Covid-19 a suivi ce phénomène, encore plus fortement que mes
lubies habituelles : en même temps que l'épidémie déferlait sur la
France, puis s'estompait mystérieusement, je n'arrivais plus à penser
qu'à l'épidémiologie, et maintenant je n'ai plus du tout envie d'y
penser. (Heureusement, comme on le sait, j'ai quand même eu le temps
de braindumper des choses sur ce blog :
notamment ici
et là pour celles qui ont le plus
de chances de pouvoir avoir un intérêt durable.)
Il y aurait pourtant encore des choses à dire sur le sujet. Ne
serait-ce que pour souligner qu'on est toujours dans une très grande
ignorance : à part qu'il y a maintenant un peu plus de clarté sur
les modes de transmission (les Japonais avaient raison : les
conditions vraiment dangereuses sont à la conjonction
des trois C :
endroits clos mal ventilés, personnes serrées, et conversations à
proximité ; il y a très peu de contaminations en extérieur ; et la
contamination par les surfaces a aussi l'air assez anecdotique), on
est toujours aussi ignorant sur à peu près tout le reste. Notamment,
malgré ce que tout le monde pourra vous dire, on ne sait vraiment pas
ce qui fait que l'épidémie semble s'être arrêtée en Europe après avoir
fait finalement si peu de morts (eu égard à ce qui était initialement
prévisible) : pourquoi la situation n'est-elle pas exactement la même
après la fin du confinement qu'elle l'était à en mars quand il y avait
à peu près le même nombre d'infectés ? (Rappelons que ce genre de
phénomènes n'a pas d'inertie : le
fait qu'on soit sur une pente croissante ou décroissante n'a pas de
raison d'impliquer que cette tendance continue ; mathématiquement, on
a affaire à des équations différentielles du premier ordre.) Est-ce
le résultat de l'immunité acquise par les contaminations (s'il y a eu
beaucoup plus d'asymptomatiques, et peut-être des gens naturellement
immuns) ? est-ce à cause des changements de comportement de la
population ? est-ce à cause du caractère saisonnier du virus (soit
par son mode de transmission soit par l'effet de la vitamine D sur le
système immunitaire) ? autre chose ? une combinaison de tout
ça ? on ne sait pas — et à cause de ça, on ne peut toujours
pas prédire s'il y aura une « seconde vague » ou pas. (Et ceux qui
vous disent avec certitude qu'il se passera ceci ou cela ont tort quoi
qu'ils disent : ils ont peut-être raison dans ce qu'ils prévoient mais
ils ont tort dans leur certitude.) On ne sait même pas si le
confinement a réellement servi à quoi que ce soit. (Si le simple fait
de porter des masques dans les endroits intérieurs où il y a du monde
suffit à avoir un nombre de reproduction <1, c'est un peu bête
d'avoir mis le pays en quarantaine pendant deux mois.) Je me suis dit
que j'allais écrire une entrée de blog sur ce sujet, pour détailler ce
que je viens de dire dans ce paragraphe… mais en fait je n'arrive plus
à m'y intéresser et ce serait même douloureux de le faire.
Parce que c'est ça, aussi, le problème de mesures extrêmes comme le
confinement : à la fin, les gens n'en peuvent plus. Ce n'est pas
juste que je n'ai plus envie de parler d'épidémiologie ou de Covid-19,
je n'ai plus envie d'y penser, j'ai d'autant plus envie de retrouver
ma vie « normale », quitte à faire semblant que cette maladie n'a
jamais existé, que j'en ai été trop privé.
Bon, maintenant, l'autre problème, c'est que toutes les choses que
j'ai mis de côté pendant le confinement, soit parce que je n'avais pas
la possibilité de les faire, soit parce que j'avais pas la force
psychologique de les faire, me sont retombées dessus quand cette
possibilité et cette force psychologique me sont revenues. (J'avais
complètement arrêté de lire mes mails professionnels, par exemple, et
ça a été particulièrement pénible à rattraper. Surtout quand j'ai
découvert que ladite boîte mail était envahie d'engueulades, via une
mailing-list de chercheurs en crypto et sécurité informatique dont je
ne savais même pas que je faisais partie, au sujet de l'application
StopCovid. Je ne vais pas parler de celle-ci, mais si ça vous
intéresse je vous recommande de
suivre Gaëtan Leurent sur
Twitter, c'est un ami, par ailleurs connu pour son travail sur la
cryptanalyse des fonctions de hachage.)
J'ai dû, par exemple, prévoir des examens pour trois cours que je
donnais à Télécom Paris (théorie des langages, courbes
algébriques et théorie des jeux), sous forme
de QCM individuels parce que c'est la seule forme qui
marche plus ou moins si on ne peut pas surveiller, mais ça prend un
temps invraisemblable à préparer, ce genre de choses.
Par ailleurs, j'ai toujours un
appartement à vendre (il a fallu le vider et le nettoyer un peu ;
nous avions fait venir un peintre pour un petit rafraîchissement et
tout a été mis en pause pendant le confinement), ce qui prend aussi
beaucoup de temps et occasionne beaucoup de stress. J'ai notamment
découvert que si on met une annonce immobilière sur Le Bon Coin, on
est immédiatement harcelé par les agences qui vous assurent pouvoir
vendre votre bien, mais assez peu de particuliers ; et que, par
contre, si on confie le bien à une agence, ben elle ne fait plus
grand-chose. Bref.
Et le temps qu'il me restait, j'avais surtout envie de profiter de
la liberté. Et pour ça, j'ai
fait pas
mal de balades en forêt avec mon poussinet.
Et pas
mal de balades à moto de mon côté (un peu plus de 2000km entre le
12 mai et le 21 juin, ce n'est pas énorme, mais vu que j'avais roulé
que 3000km depuis que je l'avais
achetée jusqu'au confinement, ça représente un certain changement
de rythme). Avec d'autant plus de plaisir que, il y a un an,
j'avais raté le permis, du coup je
n'avais pas pu faire les balades que j'espérais pendant les quelques
mois où c'est le plus agréable. Samedi dernier, notamment, je suis
allé à la Roche-Guyon (qui
était vraiment
bondé de motards), et j'ai ensuite suivi la vallée de l'Epte
jusque vers
le point
triple Île-de-France, Normandie,
Hauts-de-France ; et dimanche dernier j'ai entraîné
un (tout) petit groupe recruté
sur motards-idf.fr
sur un circuit autour de la forêt de Rambouillet et des plus beaux
coins que je connais dans la banlieue sud-ouest (cf. la carte
ci-contre : Buc → Versailles → Rennemoulin → Chavenay → Beynes →
Mareil-le-Guyon → Montfort-l'Amaury → Grosrouvre → Gambais →
Saint-Léger-en-Yvelines → Le Perray-en-Yvelines →
Vieille-Église-en-Yvelines → Saint-Benoît → Auffargis → vaux de Cernay
→ La Celle-les-Bordes → Bullion → Val-Saint-Germain →
Saint-Maurice-Montcouronne → Courson-Monteloup → Briis-sous-Forges →
les Molières → Choisel → Dampierre-en-Yvelines ; j'avais ensuite prévu
→ Saint-Lambert-des-Bois → Milon-la-Chapelle → Courcelles-sur-Yvette →
Villiers-le-Bâcle → Buc, mais on a un peu changé parce qu'il s'est mis
à pleuvoir ; je suis très content de cet itinéraire, et je le
recommande).
Bref, tout ceci explique que je n'ai rien écrit sur ce blog pendant
tout ce temps. Même s'il me reste encore un certain nombre de choses
à faire ou à finir de faire (et que je compte faire encore plein de
balades), je pense avoir un peu plus de temps au cours des prochaines
semaines, donc je vais reprendre progressivement, probablement pour ne
plus parler de Covid-19 sauf si j'arrive à me faire violence pour
écrire encore un peu sur le sujet.
J'ai mis en ligne il y a quelques
jours un texte faisant part de mon
mal-être actuel, et j'ai reçu (par mail, par téléphone, par les
commentaires de ce blog, et par d'autres canaux) de nombreux
témoignages de soutien, du simple n'hésite pas à m'appeler si tu
veux parler (qui fait du bien même, et peut-être surtout, s'il
vient de quelqu'un à qui on ne pensait pas du tout) à des réponses
détaillées et point par point à ce que j'écrivais. Des conseils,
aussi, heureusement formulés avec le tact approprié, et d'autres
témoignages en retour, certains venant de personnes qui vivent
relativement bien cette crise, et d'autres qui se retrouvaient au
moins en partie dans ce que j'écrivais. Et très peu d'attaques
(l'Internet n'étant pas connu pour sa délicatesse en général, je
craignais d'en avoir plus, mais mon lectorat est globalement
formidable), et même ces attaques avaient au moins quelque mérite ou
résultaient d'un malentendu légitime (quelqu'un s'étonnant, par
exemple, que je réussisse à écrire un texte aussi long alors que je
disais ne plus rien arriver à faire, ne mesure certainement pas
combien une certaine forme de tristesse peut à la fois paralyser et
aider à parler de soi-même).
Je pense que celles et ceux qui m'ont écrit n'attendaient pas un
retour de ma part, mais il me semble qu'au moins une réponse
collective s'impose.
Donc, d'abord, merci à tous ceux qui m'ont adressé un mot :
certaines de ces réponses m'ont été vraiment utiles par leur contenu,
et collectivement elles m'ont été réconfortantes par leur existence.
Merci, plus généralement, à ceux qui m'ont simplement lu avec
bienveillance, même s'ils n'ont pas choisi de m'écrire (la dernière
chose que je voudrais faire c'est culpabiliser qui que ce soit ! je
n'écrivais pas pour aller à la pêche à la sympathie, et je suis très
très loin d'être le plus à plaindre dans une crise qui détruit tant de
vies et anéantit tant d'espoirs sur la planète entière).
Au moment où j'écris ceci, il me semble que je vais mieux. Il y a
sans doute plusieurs raisons à ça : le simple passage du temps (même
si la liberté n'est pas pour le 11 mai et la fin de la crise
certainement pas, on peut au moins se dire que chaque jour qui passe
nous en rapproche d'un jour) ; certains efforts que j'ai faits,
notamment sur des conseils que j'ai reçus, comme le fait tout bête de
me débrouiller pour faire plus d'activité physique, ou des séances
d'exposition au soleil ; une téléconsultation avec un médecin ; la
tendresse de mon poussinet ; le fait d'avoir écrit l'entrée qui
précède et ainsi cherché à y voir plus clair dans mes pensées ; et,
donc, les réponses touchantes que j'ai reçues. Je ne sais pas si
cette embellie sera durable (dans une crise qui va si vite, tout peut
évoluer rapidement, vers le pire mais aussi vers le mieux), mais c'est
en tout cas déjà quelque chose : le marteau-piqueur est nettement
atténué.
Le but intrinsèque de ce texte est de me permettre de voir un peu
plus clair dans mes pensées et émotions avant d'en parler à un
psychiatre. Mais le but extrinsèque, et pas moins important, à
partager ainsi ce que je ressens, est que cette description puisse en
aider d'autres qui partageraient les mêmes difficultés à se sentir
moins seuls, et à ceux qui ne les partagent pas de les comprendre
peut-être un peu (au risque de m'exposer à recevoir une pluie
de conseils-reproches).
J'étais parti sur l'idée que le confinement nous mettait dans une
certaine égalité, certainement pas quant aux circonstances
matérielles, mais, au moins à circonstances matérielles identiques,
quant aux épreuves psychologiques qu'il représentait — pas que
j'imaginasse que nous réagirions identiquement à ces épreuves, mais
qu'au moins les mécanismes de base étaient les mêmes. Je mesure
maintenant combien cette idée est erronée : non seulement certains ne
semblent pas vivre les circonstances actuelles comme une
incarcération, mais ils ont l'air nombreux, peut-être la majorité,
voire la majorité écrasante. Et je ne parle même pas des témoignages
du genre j'adore ça ! (accompagnés d'explications sur le fait
qu'ils profitent de leur forteresse de solitude et du temps qu'ils ont
pour cuire des quantités
invraisemblables de pain ou
apprendre enfin la grammaire géorgienne). On peut certainement s'en
féliciter, mais cela laisse ceux d'entre nous pour
qui confinement n'est qu'un euphémisme irritant
pour emprisonnement, face à la difficulté de faire comprendre
ce ressenti basique, et assez désemparés de ne pas savoir comment
expliquer le fait que la liberté est quelque chose qu'on ne perd pas
sans peine. Et ne sachant trop de quelle manière expliquer que les
petits messages gentillets du style pendant ce confinement, je vais
vous montrer chaque jour une photo de mon jardin (ou du pain que
j'ai fait, ou de la grammaire géorgienne que je suis en train
d'étudier), si bien intentionnés qu'ils soient, sont rapidement
insupportables tellement ils nous paraissent à côté de la plaque.
Je n'ai, évidemment, aucun moyen fiable de mesurer
précisément ce que les gens ressentent, et mon entourage est
certainement biaisé de toutes sortes de manière (mais on s'attendrait
plutôt, a priori, à ce qu'il fût biaisé dans le même sens que
moi). Des informations aussi fondamentales que l'augmentation du taux
de suicide en France depuis le 17 mars, sont introuvables (j'ai cru
voir passer une information suggérant un facteur ×10, mais je ne
retrouve plus, et de toute façon la personne qui disait ça ne donnait
aucune source crédible, c'était quelque chose comme un ressenti au
doigt mouillé sur le nombre d'interventions des urgences pour ce type
de causes). Pour penser que je suis dans la minorité, je me base donc
uniquement sur de l'anecdotique comme des témoignages d'amis et des
choses pas du tout scientifiques
comme ce
sondage sur Twitter et les réponses qui y ont été faites.
Ma première réaction dans cette crise a été celle de l'angoisse,
principalement l'angoisse de l'inconnu, par rapport à l'épidémie
elle-même, à la réaction de la société, au désastre social et
économique qui suivrait, à la possibilité d'un effondrement systémique
suite à l'une ou l'autre, à l'anéantissement de tant de rêves et
espoirs pour l'avenir (et, au passage, de mes finances), et à ma
propre réaction face à tout ça : j'ai décrit cette phase
ici ici ; j'ai consulté un
psychiatre pendant cette phase, qui m'a prescrit un anxiolytique (et
un somnifère puisque j'avais aussi perdu le sommeil), que je n'ai
essentiellement pas utilisé (juste deux ou trois fois le somnifère)
parce que cette phase est passée d'elle-même. À l'anxiété a succédé
le courroux, dirigé contre toutes sortes de décisions à mon avis
stupides, et contre l'incompétence fondant ces décisions (ce n'est pas
le propos ici de détailler). Avec cette hargne générale est aussi
venue une irritabilité excessive, dont mon poussinet a injustement
fait plus d'une fois les frais. Cette phase est aussi largement
passée : je n'ai plus de peur, je n'ai plus de colère, je n'ai plus
l'énergie pour soutenir ces émotions : je suis maintenant simplement
abattu. (Je suppose qu'il y a du vrai dans
le modèle
de Kübler-Ross.)
En plus de tout ça, je souffre d'un certain degré d'empathie : de
tant de vies et de rêves brisés, soit par la maladie elle-même, soit
par tous les bouleversements qu'elle a et va entraîner dans nos
sociétés. Le nombre de morts ne m'affecte qu'intellectuellement
(comme Staline
ne l'a peut-être jamais dit, la mort d'un homme est une tragédie,
la mort d'un million est une statistique) : ce qui m'affecte ce sont
les récits individuels, ces gens qui avaient des projets pour la vie
et des espoirs pour l'avenir, qui peut-être venaient de traverser une
période difficile et commençaient à espérer la montagne passée quand
soudainement cette crise surgie de nulle part vient faire que tout
s'effondre. (Ne serait-ce que les restaurants que le poussinet et moi
aimions fréquenter, dont nous connaissions souvent les propriétaires,
et dont sans doute la moitié ne rouvriront jamais ; ou l'auto-école
qui m'a dispensé un zillion d'heures de cours de voiture et de moto,
petite entreprise familiale dont je connais le patron, le papa du
patron, et pas mal du personnel : sera-t-elle encore là dans un
an ?)
Rien de tout ça n'est constant, évidemment. J'arrive
occasionnellement à m'en distraire. Mon moral fait des yoyos. Mais
les embellies sont trompeuses, ce ne sont que des oublis passagers.
(Insérer ici le dessin de Sempé [je ne le trouve pas en ligne]
représentant un personnage expliquant à son psy : Quand je suis
déprimé, les raisons pour lesquelles je le suis sont profondes,
essentielles, fondamentales. Il m'arrive d'être heureux, bien sûr.
Mais les raisons pour lesquelles je suis heureux sont si futiles, si
ténues, que ça me déprime.) Une difficulté apparentée, que la
parenthèse qui précède illustre peut-être, c'est que j'ai une certaine
capacité à donner l'illusion d'être drôle, ou d'avoir de la répartie,
capacité derrière laquelle je me cache souvent parce que j'ai une
certaine répugnance à exposer crûment mes émotions, et qu'à cause de
ça on ne me prend pas au sérieux quand je vais mal. (Dans le même
ordre d'idées, je sais qu'on m'a souvent dit que je donnais
l'impression d'être calme et mesuré, ce qui me fait rire jaune vu que
je sais à quel point je suis colérique et impulsif.)
La stratégie la plus évidente était simplement d'attendre que ça
passe. Kick the can down the road, comme on le
dit. Vu que ce qui me fait souffrir actuellement est
l'emprisonnement, il suffit d'attendre que celui-ci se finisse… non ?
Non, d'abord parce que la date de fin est sans arrêt reportée : et
chaque report me fait l'effet d'un nouveau coup de poignard, car à
chaque date annoncée j'ai la faiblesse et la stupidité d'y croire, et
évidemment c'est à chaque fois un nouveau mensonge. Non, car à
l'emprisonnement succédera un avenir à peine moins sombre, et la
réalisation du fait que ma vie d'avant, tous les petits plaisirs sur
lesquels je fondais mon équilibre psycho-affectif et qui se sont
envolés en mars 2020, cette vie d'avant est complètement détruite pour
bien plus longtemps que la seule période d'emprisonnement, et il n'est
pas acquis qu'elle puisse jamais ressusciter. (J'étais déjà très mal
avant que le gouvernement mette toute la population française en arrêt
à domicile, et même si cette mesure a énormément accéléré la spirale
noire dans laquelle j'étais engagé, elle n'est pas seule en cause.)
Et la stratégie de simplement tout repousser à plus tard ne fait que
m'ensevelir sous une épaisse couche de culpabilité pendant que je me
recroqueville autour de mon malheur que je rumine. (Je vais revenir
sur la culpabilité.)
Pour essayer de faire comprendre mon état mental actuel, la
meilleure comparaison que j'aie trouvée est celle du marteau-piqueur.
(Comme une sorte d'intrusion dans la réalité d'une métaphore qui
n'aurait pas compris qu'elle devait rester métaphorique, il y a eu, le
10 mars, des gens qui sont venus, je ne sais pas pourquoi, détruire
une bonne partie du macadam du trottoir de ma rue, et j'ai été
réveillé de jour-là par des bruits de chantier atteignant les 70dB au
sonomètre chez moi, et qui ont duré toute la matinée. C'est ce qui
m'inspire cette analogie.) Le marteau-piqueur c'est mon cerveau qui
me répète sans arrêt je n'en peux plus de cette cage ! je veux
sortir ! je veux bouger ! je veux m'aérer ! je veux faire du
sport ! — et tous les conseils du genre lis un livre pour te
distraire, regarde un film, essaie de travailler pour
penser à autre chose, etc., butent sur le fait que, lire un livre,
regarder un film, travailler, quand on a un marteau-piqueur dans la
tête, ça ne marche pas. On ne veut qu'une chose, c'est que le
marteau-piqueur s'arrête. On ne pense qu'à une chose, c'est que ce
truc est insupportable. On arrive peut-être à s'en distraire une
minute, mais on y revient toujours, tant qu'il donne ses coups répétés
et insistants. On donnerait n'importe quoi pour que le
marteau-piqueur cesse, mais on n'a pas la force d'y faire quoi que ce
soit, alors on finit juste avec la tête dans un oreiller à crier
pitié.
(L'ironie de la chose, parce que le destin a indiscutablement une
forme d'ironie, c'est que j'aurais sans doute beaucoup mieux vécu
l'emprisonnement par le passé : avant que je ne découvre le plaisir
que je pouvais avoir à faire de la musculation, à visiter les parcs et
jardins et forêts de l'Île-de-France, à rouler en moto, etc. Le David
Madore ado geek asocial détestant le sport aurait peut-être adoré
avoir un prétexte pour rester cloîtré deux mois chez lui, et tous les
efforts que j'ai faits depuis pour avoir une vie plus saine me font
maintenant souffrir.)
À un certain stade de la crise, j'ai vaguement réussi à convertir
une partie de cette énergie de colère et de désespoir en quelque chose
d'un peu plus productif : j'ai appris un peu d'épidémiologie (et même
un tout petit peu de virologie, d'immunologie et de médecine en
général), j'ai analysé la crise comme je le pouvais (voir quelques
entrées antérieures sur de
blog : ici, là, là, là, là, là
et encore là ; ou encore des fils
Twitter que je n'ai pas traduits en français
comme celui-ci, celui-là
et
encore celui-là).
J'ai cru identifier un certain nombre de ce qui me semblent être des
limitations méthodologiques sérieuses de l'approche utilisée par les
modèles épidémiologiques qui sous-tendent les décisions politiques
pendant cette crise, et notamment :
l'absence de prise en compte de l'hétérogénéité sociale de la
population (autrement que sur des critères d'âge et éventuellement de
géographie), reflétée tout au plus dans de malheureuses matrices de
mélange entre compartiments qui sont malgré tout traités comme
homogènes chacun séparément ; et la mauvaise compréhension du fait que
la lecture de données épidémiques agrégées sur l'ensemble de la
population surpondère les sous-catégories où la reproduction est la
plus rapide [je décris ce problème parmi
d'autres ici sur ce blog, ainsi que
dans la partie 🄱
de ce
fil Twitter
[lien
Twitter direct]] ;
l'absence de prise en compte du fait que les contacts entre
individus ne sont pas aléatoires mais qu'un petit nombre de contacts
récurrents pour chaque individu (foyer, famille, amis, collègues) va
représenter la majorité des contaminations, limitant la capacité de
diffusion à un graphe de degré limité [je décris ce
problème ici sur ce blog,
phénomène (2a), ainsi que
dans ce
fil Twitter
[lien
Twitter direct], notamment tweets nº10, 11, 19, 21, 36, 37] ;
l'absence de prise en compte de l'effet de célébrité et du fait
que les personnes ayant un grand nombre de contacts seront infectées
avant les autres, réduisant ainsi la diffusion ultérieure de
l'épidémie, et en particulier l'interaction entre ce phénomène et
celui de l'item précédent [je décris ce
problème ici sur ce blog,
phénomène (2b), ainsi que
dans ce
fil Twitter
[lien
Twitter direct], notamment tweets nº12, 13, 20, 22, 40, 41] ;
l'incompréhension du fait que la variance des contacts
infectieux reçus par un individu a un impact bien plus
important que la variance des contacts infectieux émis (alors
que beaucoup de modèles épidémiologiques jouent à essayer de faire
varier l'infectiosité des individus et se penchent sur le problème
des super-contaminateurs, le problème dual est bien plus
pertinent), ou au moins que les deux doivent être pris en compte [je
n'ai pas décrit ce phénomène sur ce blog, mais
dans ce
fil Twitter
[lien
Twitter direct]] ;
— et plus généralement la mauvaise prise en compte d'informations
venant des domaines de la théorie des graphes et des probabilités (et
surtout de leur intersection, les graphes aléatoires). En fait, je
pensais au début que ces points (sauf peut-être le dernier) devaient
être évidents pour tout le monde et que les modèles utilisés les
ignoraient parce que leur but était de calculer autre chose, et j'ai
pris conscience progressivement qu'en fait, non, il y a un véritable
manque de recul par rapport à tout ça.
Seulement voilà, certains m'ont fait savoir que je n'étais pas
épidémiologiste (même pas spécialiste des graphes aléatoires) et que
je devais laisser les experts s'exprimer dans leur domaine
d'expertise, et fermer ma gueule de non-spécialiste. Que j'étais
un armchair epidemiologist, voire un crackpot
complet, qui parce qu'il a lu quelques articles sur le sujet s'imagine
comprendre un domaine dont il ignorait tout il y a deux mois, et
pouvoir donner des leçons aux experts de ce domaine. (Et
indubitablement, dans une crise pareille, il y a plein de gens qui se
découvrent tout d'un coup une expertise miraculeuse en tout et sur
tout. Ce qui donne lieu à des moqueries comme illustrées
par ce
tweet.) De toute façon, les experts sont bien trop occupés par
toutes les sollicitations qui leur tombent dessus pour répondre à mes
objections, mais sans doute ont-ils des réponses.
Déjà en général, la combativité ne fait pas partie de mes
attributs. Je suis colérique, mais ma colère n'a aucune endurance.
Je ne sais pas me battre pour mes idées. Si on me dit de fermer ma
gueule, ce que je fais le plus facilement est de baisser les bras. De
toute façon, quand je travaille à comprendre le monde, c'est surtout
pour le comprendre pour moi, je fais parfois un effort pour
l'expliquer aux autres parce que ça m'aide à mieux le comprendre, mais
je n'ai aucun appétit pour les disputes avec les gens qui pensent que
j'ai tort ou qui refusent de m'écouter.
Et en ce moment, bien sûr, le découragement est encore
considérablement plus prononcé. Quel intérêt, en fait, d'essayer
d'attirer l'attention sur des limitations dans les modèles
épidémiologiques ? Les experts que je critique sont débordés, je n'ai
aucun espoir d'arriver à me faire écouter d'eux même si j'arrivais à
les convaincre que je ne suis pas un crackpot, et je n'ai plus aucune
énergie pour tout ça. Je n'ai déjà même plus la force de répondre aux
mails de mes amis qui me donnent ou prennent des nouvelles, je n'ai
certainement pas celle de me faire entendre de gens dont je
critiquerais la démarche scientifique. Et même si j'y arrivais, ça
n'aurait aucun intérêt. Je ne pense pas qu'on puisse faire un modèle
mathématique correct d'une épidémie humaine (et je soupçonne que
l'hubris de le penser vient de l'expérience des épizooties, pour
lesquelles des modèles simples doivent assez bien marcher parce
qu'aucun des phénomènes sociologiques que je pointe du doigt ci-dessus
ne se produit) : donc, est-ce vraiment grave si on raisonne sur des
modèles erronés ?
Finalement, je m'en fous. Je n'ai pas la force de mener une
croisade à ce sujet.
Je crois que les gens se méprennent souvent sur la démarche des
scientifiques, enfin, je ne sais pas pour les autres, mais au moins
pour ce qui est de la mienne : je ne fais pas des maths parce que
c'est mon métier, encore moins pour me faire connaître, je ne fais pas
vraiment des maths parce que je cherche à connaître la réponse à telle
ou telle question, je ne fais même pas vraiment des maths parce que
j'aime ça (même si, le plus souvent, en temps normal, c'est le cas) :
je fais des maths parce que je n'arrive pas à faire autrement, c'est
juste comme ça que mon cerveau fonctionne, c'est mon mode de pensée
spontané dès que je réfléchis sur tout un tas de choses. Mais si les
maths en sont la forme la plus fréquente, je n'ai pas forcément
beaucoup de contrôle sur l'objet de mes pensées. Je dis ça pour
répondre à ceux, et ils sont nombreux, qui m'ont enjoint de profiter
de cet emprisonnement pour faire des maths : c'est un peu
bizarre, comme conseil, c'est comme me dire d'en profiter pour manger,
certainement je ne vais pas arrêter de manger, mais je vais manger
quoi ? des sucreries, sans doute, parce que c'est ce qu'il y a de plus
facile, de plus rapide, de plus séduisant. Newton a développé le
calcul infinitésimal, découvert ses lois du mouvement de la
gravitation, et sa théorie de la lumière et de la couleur, pendant
qu'il était reclus au manoir de Woolsthorpe pendant que la grande
peste bubonique dévastait Londres (où elle a tué peut-être le quart de
la population entre 1665 et 1666) : je ne sais pas si c'était pour
Newton un plaisir ou une nécessité, si c'était pour lui des sucreries
intellectuelles, mais le fait est que je ne suis certainement pas un
Newton. Donc à part l'épidémiologie, en matière de sucrerie
mathématique, j'ai voulu me distraire en regardant quelque chose d'un
peu reposant, j'ai fait un programme qui simule le mouvement de points
sur la surface d'une sphère qui se repoussent selon la loi de Coulomb,
c'est joli et un peu envoûtant à regarder, j'ai appris deux-trois
choses (comme le fait qu'il n'y a pas d'analogue pour la mécanique en
géométrie sphérique du centre de gravité en géométrie euclidienne, et
que même le problème à deux corps y est terriblement compliqué), j'ai
regardé la manière dont les points s'arrangent si on ajoute des
frottements pour qu'ils s'arrêtent, puis j'en ai eu marre et j'ai
laissé tomber cette sucrerie-là. Le marteau-piqueur est trop
difficile à ignorer.
Bref, je ne sais pas comment des gens font pour travailler
productivement dans ces conditions. Je n'en suis pas du tout capable.
Encouragé par le mensonge initial que l'emprisonnement ne durerait pas
trop longtemps (cf. ci-dessus), j'ai commencé par repousser un certain
nombre de choses que je devais faire (kick the can
down the road) en espérant que j'arriverais à remonter la pente,
mais ça allait de plus en plus mal, et le fait de repousser m'a fait
culpabiliser, maintenant j'en suis au point où je n'ose même plus lire
mon mail professionnel.
Je sais que j'ai, de façon générale, une capacité épouvantablement
mauvaise à faire face à l'adversité : ma réaction face aux difficultés
est toujours de renoncer et de subir. Sans doute les seules batailles
que j'aie remportées dans la vie l'ont été par pure chance, parce que
ma technique préférée de combat est la capitulation. Ceci pose un
remarquable problème de bootstrap si le but est précisément de
combattre ma tendance à capituler devant l'adversité.
En tout état de cause, je n'arrive plus à rien faire. Je me lève,
le marteau-piqueur est là, je n'arrive à rien faire, je culpabilise
parce que je n'arrive à rien faire, je déjeune, je n'arrive à rien
faire, je culpabilise un peu plus, je dîne, et je me couche en
espérant que tout ceci ne soit qu'un mauvais rêve qui va passer, ou au
contraire en espérant profiter d'un peu de liberté dans mes rêves,
voire, ne pas me réveiller du tout. Et je me réveille en constatant
que, malheureusement, ce n'est pas un mauvais rêve, le marteau-piqueur
est toujours là. Et les journées se suivent et se ressemblent comme
celles du personnage joué par Bill Murray
dans Groundhog Day : des petites
différences de forme, mais la sensation d'être pris dans une boucle
infinie dans laquelle il n'existe aucune sorte de progrès.
Et la culpabilisation est un mécanisme incroyablement fort pour
m'empêcher de me relever. Elle prend toutes sortes de formes.
D'abord, il y a la culpabilisation concernant le confinement.
C'est
devenu une
sorte de sport national : montrer du doigt les gens qui
ne respectent pas bien le confinement, les Parisiens qui ont
fui en province au début ou qui espèrent partir en vacances, ceux qui
font leur jogging, ceux qui font que le confinement se relâche,
les irresponsables, dont on laisse comprendre qu'ils ont des
morts sur la conscience. Alors voilà, oui, plusieurs fois, j'ai
craqué, le poussinet et moi sommes sortis clandestinement faire une
promenade dans des forêts que nous appréciions tellement dans l'ancien
monde, et nous le referons certainement, même si cette expérience,
bien que réconfortante, était en même temps passablement traumatisante
à cause de cette culpabilisation doublée d'une peur de l'autorité (que
les rapports nombreux de brutalité policière n'aident pas à
dissiper).
Ensuite, il y a la culpabilisation concernant les idées autour du
confinement : non seulement on est sommé de le respecter, mais on est
aussi sommé d'y croire, d'être persuadé qu'on sauve des vies ainsi.
Il ne suffit pas que nous soyons prisonniers, il faut encore que nous
soyons des prisonniers heureux de faire notre part de sacrifice au
salut commun. Alors voilà, je n'adhère pas à cette nouvelle religion
nationale : je suis persuadé que l'approche suivie n'est pas la
bonne : on aura beau essayer de tricher le Covid-19 des morts qu'il
réclame, ce sera un échec, tout ce qu'on parviendra à faire, tout ce
qu'on est parvenu à faire avec cette manœuvre, c'est de retarder un
peu, à un coût exorbitant, ce qui va arriver de toute manière. Mais
c'est une opinion qu'on n'a pas le droit d'exprimer sous peine d'être
classé avec les gens qui, comme Donald Trump et les spectateurs de Fox
News, pensent à l'économie avant de penser aux gens ou sont carrément
persuadés que le virus est une sorte de complot. (Pour
référence, voici quelqu'un avec qui je suis d'accord.)
Puis il y a la culpabilisation autour des conditions matérielles.
Voilà : j'habite un appartement confortable et spacieux, avec un accès
Internet qui marche du tonnerre, j'ai un supermarché juste en face de
la rue, je ne manque de rien, je n'ai pas d'enfants à gérer, et j'ai
le culot de me plaindre ! Indubitablement, je me sens morveux de me
plaindre, alors qu'il y a des gens qui vivent dans des conditions
réellement épouvantables
(ce
mini-documentaire est à cet égard édifiant) : mais
l'argument ça pourrait être bien pire et il y a des gens pour qui
ça l'est est toujours un mauvais argument, ne serait-ce que parce
qu'il peut se retourner en ça pourrait être bien mieux et il y a
des gens pour qui ça l'est, et de toute façon ce n'est pas le
propos : je ne me plains pas des conditions matérielles de mon
emprisonnement, je me plains de l'emprisonnement lui-même — une prison
dorée reste malgré tout une prison, et d'ailleurs, dans la théorie
pénale, que je sache, c'est bien la privation de liberté elle-même qui
est censée servir de punition (punition que je considère maintenant
comme cruelle, inhumaine et dégradante), pas la circonstance
additionnelle que les prisons françaises sont surpeuplées, infectes,
mal équipées et mal entretenues.
Ensuite il y a la culpabilisation du fait de partager mon malheur
et de ne pas souffrir en silence. Nous sommes tous, après tout, dans
le même bateau, et moi qui n'ai pas de légitimité particulière à me
plaindre je me sens mal de jouer le rabat-joie face à ces gens qui
sont ravis de profiter de ce moment pour faire du pain ou apprendre le
géorgien. Je me sens particulièrement mal de faire subir à mon
poussinet mes crises de sanglot où je n'arrive plus qu'à m'allonger
sur le lit, prendre une peluche entre les bras, me mettre en position
fœtale et ne plus bouger : je suis désolé qu'il ait à subir ça alors
qu'il n'y est pour rien, et qu'il soit tout désemparé de ne pas
pouvoir me réconforter.
Puis il y a la culpabilisation du fait d'être l'épidémiologiste de
fauteuil qui prétend corriger les experts alors qu'il ne savait rien
du sujet il y a deux mois. (Je l'ai évoqué ci-dessus.) Et de fait,
je m'inquiète d'avoir viré crackpot sur le sujet, et vu mon état
mental déplorable, je ne peux pas vraiment l'exclure.
Et enfin, bien sûr, il y a la culpabilisation du fait de ne plus
arriver à travailler, accentuée par le fait que d'autres gens,
manifestement, y arrivent (y compris au prix d'efforts héroïques pour
faire, par exemple, un enseignement de qualité à travers une
infrastructure inadaptée et bricolée à la dernière minute). Je vais
voir comment me faire arrêter pour, au moins, régulariser ma
situation, mais il est sûr que cela ne fera pas disparaître cette
sensation de culpabilité.
Bref, je vais chercher à retourner voir un psychiatre, sans doute
le même que j'ai consulté il y a un mois et demi, pour lui raconter ce
que je viens de dire (et d'autres choses que je ne veux pas écrire
ici) ; mais d'une part les circonstances actuelles font que ce n'est
pas facile, d'autre part, les psys n'ont pas de baguette magique, mon
poussinet est opposé par principe au fait que je prenne des
médicaments (il a l'air de considérer les benzodiazépines et
antidépresseurs comme le Mal incarné), et, si j'aurais peut-être des
bénéfices à tirer d'une thérapie non-médicamenteuse à long terme, la
vitesse hallucinante à laquelle mon état émotionnel s'est effondré et
les circonstances parfaitement claires de cette dégradation laissent
penser que le rétablissement ne peut passer que par la levée de ces
circonstances, et je me demande bien dans quel état je serai quand
Paris sera libéré (ce qui risque fort de ne pas se produire le 11 mai
vu que Paris est un des départements les plus touchés par
l'épidémie).
Ce n'est pas illégitime, dans une perspective utilitariste, de
considérer que les dépressions et suicides qui seront causés par le
confinement sont un dommage collatéral acceptable dans la lutte contre
le Covid-19 (je parle en général : pour ma part je ne sais pas si je
suis techniquement déprimé, et ce n'est d'ailleurs pas une question
très intéressante ; je ne pense pas que je vais me suicider, au moins
tant qu'il y a un espoir raisonnable que je puisse un jour reprendre
une vie que je considère comme normale, et cet espoir n'est pas
complètement mort). Après tout, même si le taux de suicide est
effectivement décuplé, devenant ainsi comparable à ce qu'il est en
prison, cela ne représentera qu'une quinzaine de milliers de personnes
sur deux mois en France : c'est moins que le nombre de décès dus au
Covid-19 sur la période, et nettement moins que le nombre dont on
pense qu'on a évité. Néanmoins, si ce calcul utilitariste est mené,
la moindre des choses serait qu'il le fût de façon transparente :
qu'on dise clairement, on choisit de sacrifier tant de personnes (ou
tant de personnes·années de vie) parce qu'on pense pouvoir en sauver
plus. À l'heure actuelle, je n'ai pas l'impression que ce choix soit
présenté dans ces termes, puisque les statistiques sur le suicides ne
sont même pas menées dans
le bulletin
épidémiologique de l'agence nationale de santé publique (tout au
plus apprend-on que 18% des Français présentent des symptômes de
dépression reflétés par un score >10/21 sur
la Hospital
Anxiety and Depression Scale, mais on ignore
malheureusement la valeur pré-épidémique). Et j'ai l'impression qu'il
y a une réticence à justifier des choix de façon utilitariste (une
sorte de slogan selon lequel on doit absolument et à tout prix sauver
toute vie humaine, qui est patentement faux et même mensonger si on
fait semblant d'ignorer toute une catégorie de victimes). À tout le
moins, il serait bon de chercher à arrêter la culpabilisation
infantilisante qui ne sauve personne et qui participe de façon
particulièrement douloureuse à la spirale de la dépression.
On navigue à l'aveugle, et je vais de plus en plus mal
Mon moral fait des yoyos terribles. Je vais parler d'un peu tout
dans le désordre, et parfois de façon très émotionnelle, voire
agressive, je présente d'avance mes excuses mais je suis
émotionnellement à bout.
Mon moral fait des yoyos terribles, donc. Dans mes meilleurs
moments, je trouve des raisons d'espérer que la situation n'est pas si
grave que ça. Selon principalement trois points : ⓐ qu'il y
aurait encore beaucoup plus de cas
non-détectés que ce qu'on pensait, probablement des cas
difficilement détectables avec les tests actuels, si bien que le taux
de létalité serait beaucoup plus bas qu'initialement estimé, ⓑ que le
taux d'attaque final serait relativement modéré, en tout
cas beaucoup plus faible que les 80%
prédits par des modèles simplistes, mais bon, ça, je le pense
depuis le début, et ⓒ que la
Lombardie approcherait
du pic épidémique et que
ce serait
peut-être bien un pic largement « naturel », dû à l'immunité plus
qu'au confinement ; ces trois points vont largement ensemble,
et si on y croit on peut
espérer un pic épidémique en Lombardie dans peut-être une semaine ou
deux et ensuite une vraie décrue de l'épidémie, pas uniquement due au
confinement, et donc un espoir de retour à la normale à un horizon pas
trop lointain (il faut estimer pour combien de temps les autres
régions d'Europe en ont, mais ce n'est pas énorme, dès que l'une sera
tirée d'affaire, les autres suivront en bon ordre) ; avec, dans ce
scénario optimiste, une mortalité d'ensemble qui ne dépasserait
probablement pas 0.1% de la population, peut-être même moins dans les
pays où la démographie est plus favorable qu'en Italie, donc peut-être
moins de 50 000 morts en France, c'est nettement mieux que ce que je
pensais au tout début. (Il y
a une
étude d'épidémiologistes d'Oxford qui avance carrément le scénario
selon lequel une majorité de la population aurait déjà été infectée.
Cette étude a l'air un peu bizarre — c'est limite s'ils ne partent pas
de l'hypothèse en question pour arriver à la conclusion qu'elle est
valable — et il semble qu'ils veulent juste susciter le débat sur
cette question — mais c'est intéressant que des gens probablement
compétents la prennent au sérieux.) Bref, j'ai des moments
d'optimisme.
Puis je retombe dans le pessimisme. L'argument selon lequel
beaucoup de mes connaissances ont eu des symptômes grippaux a un
potentiel énorme pour être un pur biais d'observation (ou l'effet de
l'hypocondrie, ou de différences de mode de vie parce qu'on reste
longtemps dans des appartements souvent poussiéreux et insalubres) ;
toutes ces célébrités et ces hommes politiques testés positifs peuvent
tout à fait être le résultat d'effets
sociaux que j'explique moi-même ; l'argument de la recrudescence
des cas de grippe est plus convaincant, mais ne représente pas
forcément une sous-détection si énorme du nombre de cas (peut-être
autour de ×15 à ×30, mais je tablais déjà sur des chiffres de l'ordre
de ×10 dans mes calculs d'ordres de grandeur) ; et le ralentissement
en Lombardie peut tout à fait déjà être le résultat du confinement (le
fait qu'il soit indétectable en Sicile étant simplement lié au fait
que le signal y est beaucoup plus bruité). Beaucoup de spécialistes
ont l'air de croire que les tests sont forcément plutôt fiables et de
ne pas adhérer à l'idée qu'il y aurait un groupe énorme de gens très
peu symptomatiques et ne déclenchant pas les tests. Et en un rien de
temps, mais raisons d'espérer disparaissent. Je ne sais plus quoi
croire.
Ce qui me décourage le plus, en fait, ce sont les gens qui
affirment, et il y en a beaucoup, et à un certain niveau ils finissent
par me convaincre, regardez, le confinement
marche(ra) : comme si on allait tous rester tranquillement
chez nous pendant le passage d'un orage, et remettre le nez dehors une
fois l'orage terminé. Mais une épidémie ne fonctionne pas comme
ça, j'ai peur que les gens le croient, mais ce n'est pas une
force externe qui se déchaîne, l'épidémie est en nous, si on s'isole
elle se résorbe, si on ressort elle réapparaît
(exemple).
Si le confinement marche, si c'est lui et non l'immunité qui cause et
limite le pic épidémique, je
l'ai expliqué à de nombreuses
reprises, on est complètement dans la merde parce qu'on n'a aucune
stratégie de sortie de crise. Même pas de piste de stratégie. Même
pas de début de commencement de piste de stratégie, à part des mots
lancés au hasard comme des tests dont on n'a pas les moyens (la France
n'a pas les moyens de fournir des masques à ses soignants,
même les
écouvillons manquent pour effectuer des prélèvements
rhino-pharyngés, alors effectuer des tests virologique ou sérologique
en grand nombre, ça ressemble un peu à une utopie… et même avec ces
tests, la stratégie coréenne, souvent érigée en exemple, repose sur
une approche globale de la société qui me semble inapplicable en
Europe, sans parler de mesures extrêmement liberticides comme le
traçage des téléphones mobiles pour repérer les contacts). Si le
confinement marche bien, on ne voit pas comment on pourrait le lever,
ou au minimum, comment on pourrait le lever sans tomber dans une
dystopie juste un peu plus light (mais plus durable) que le
confinement lui-même. Et personne n'a fait le moindre progrès sur
cette question.
Et je suis complètement effondré quand j'entends des gens discuter
de ce qu'ils feront ou ce qui se passera quand le confinement sera
levé, comme si cela impliquait un retour à la normale : sans doute,
oui, que le confinement finira par être levé dans un mois ou deux,
parce que ça deviendra vraiment impossible et intolérable de faire
autrement, mais, si on n'a pas acquis d'immunité de groupe
significative, l'idée d'un retour à la « normale » est simplement
impossible : on aura peut-être de nouveau le droit de sortir un petit
peu de chez nous, mais ce sera très très très loin de la « normale »
(c'est un peu ce qui se passe actuellement en Chine). Rappelons que
si le virus a un nombre de reproduction de 3, en l'absence d'immunité
importante, il faut passer 2/3 du temps en confinement pour le
contenir, et encore, ça c'est en supposant que le confinement est 100%
efficace.
Peut-être ce qui me fait le plus mal au moral, ce sont ces
articles, qui ont un énorme succès dans certains cercles, d'un certain
Tomas Pueyo (dont je rappelle à toutes fins utiles qu'il n'est pas
plus compétent que moi sur le sujet, c'est-à-dire peut-être qu'il est
aussi compétent que tous les experts comme je le disais plus haut).
Il a
commencé par
en écrire un sur le fait qu'il fallait agir vite, dont le message
principal est que l'effet d'une mesure prise au jour J
ne se verra, sur les chiffres officiels du nombre de malades, qu'au
jour J+12 environ, ce qui est effectivement quelque
chose de très juste et de très important (et ne sais pas si le conseil
scientifique du gouvernement en a bien conscience vu qu'ils parlent
déjà de renforcer le confinement alors qu'il est tout simplement
impossible d'en juger les effets à ce stade). Puis il a viré au
partisan enthousiaste des solutions consistant à arrêter l'épidémie
(ce que j'appelais les stratégies ①) et fait preuve de la plus
hallucinante mauvaise foi
dans sa
façon d'exposer les choses, c'est-à-dire que la présentation des
stratégies de mitigation (②) est faite sous le jour le plus noir et
les hypothèses les plus pessimistes, tandis que pour ce qui est de ses
stratégies préférées, tout est rose au point qu'il invente purement et
simplement des chiffres de ce que pourraient être les mesures
appliquées pendant ce qu'il appelle la danse (or c'est bien
dans la danse qu'est tout le problème).
Dans tous les cas, même dans le scénario résolument optimiste où
l'épidémie est massivement sous-évaluée ou bien où on arriverait
inexplicablement à contrôler les choses avec un confinement limité
dans le temps, les dommages causés à notre société seront
irréparables. L'empressement avec lequel la société a
accepté, sans broncher, sans qu'une voix discordante se fasse
entendre, des mesures dignes de ce qu'il y a trois mois j'aurais
qualifié de ridicule fiction dystopienne, au motif qu'il faut sauver
des vies, est absolument terrifiant. Le fait de découvrir, pour
commencer, que les gouvernements ont ce pouvoir que de mettre
toute la population en arrêt à domicile, sans même avoir besoin de
passer par une loi, est déjà en soi une blessure dont la démocratie ne
se relèvera jamais : on savait déjà que le prétexte bidon du
terrorisme justifiait des entraves démesurées aux libertés publiques
(confinement à domicile sans procès pour des personnes arbitrairement
qualifiées de « dangereuses », par exemple, justement), mais on a
franchi un bon nombre d'ordres de grandeur. Peu importe que ç'ait été
fait avec les meilleures intentions du monde, peu importe que ç'ait
été le moins mauvais choix dans les circonstances. Un droit, dit un
adage classique, ce n'est pas quelque chose qu'on vous accorde, c'est
quelque chose qu'on ne peut pas vous retirer : nous savons donc,
maintenant, que le droit de circuler librement était une illusion :
quand le confinement sera levé (et il le sera probablement, un jour,
sous une forme), ce fait restera. Le monde ancien est mort.
Pour ce qui est des conséquences politiques plus larges, je suis
assez d'accord avec les inquiétudes formulées
dans ce
fil
ou cet
article de blog.
Que les choses soient bien claires parce que je sais qu'il y a des
gens qui préparent déjà leurs hommes de paille à faire brûler : je ne
suis certainement pas en train de dire que poursuivre le but d'une
distanciation sociale forte de la population n'est pas une bonne idée,
au moins transitoirement. Par exemple pour se donner le temps d'y
voir plus clair (amasser des données scientifiques, développer des
tests virologiques et sérologiques et les pratiquer aléatoirement pour
mesurer l'ampleur de l'épidémie, rechercher toutes les options
thérapeutiques et prophylactiques, etc.) ou de parer au plus pressé
(remédier aux pénuries les plus pressantes, faire un plan de bataille,
réorganiser ce qui peut l'être, permettre aux soignants qui tomberont
malades en premier d'avoir le temps de guérir et de revenir immunisés,
etc.). Il n'y a aucun plan d'action raisonnable qui ne passe pas par
un minimum de mesures telles que l'interdiction de rassemblements de
groupes, la fermeture de toutes sortes de lieux publics, une
obligation de déployer le télétravail là où il peut l'être, etc. ; et
il est raisonnable de chercher à aller encore plus loin que ce
minimum, pour que les gens s'évitent vraiment à bonne distance —
mais la question qui devrait faire débat, et qui n'a fait
l'objet d'aucun débat, c'est quels sont les moyens qu'on doit
s'accorder pour ce but.
C'est un peu la différence entre dire que la connerie humaine est
un problème, chose qui fera sans doute consensus, et vouloir prendre
un décret contre la connerie, qui me semble une mauvaise idée pour
toutes sortes de raisons : ce n'est pas parce que je serais contre un
tel décret que je serais favorable à la connerie. C'est juste que je
ne confonds pas je suis contre X et je suis
favorable à n'importe quelle mesure de lutte contre X
(je pensais avoir déjà expliqué mille et une fois sur ce blog
l'importance de ne pas perdre le sens de ce que les logiciens
appellent les modalités, mais je ne retrouve plus).
Le problème fondamental sous-jacent pour apprécier les moyens
déployés, c'est qu'on ne sait pas quelle est la stratégie visée. On
m'a accusé de trop être braqué sur
la dichotomie que j'ai évoquée
entre les stratégies que j'ai appelées ① et ② (ou Charybde et
Scylla) : je conviens que le confinement peut aussi avoir pour but, je
l'écris ci-dessus et je l'ai déjà dit plusieurs fois, de juste gagner
du temps (encore faudrait-il faire quelque chose avec ce temps gagné,
et je n'ai pas entendu dire que la France fabriquait des respirateurs
et des lits d'hôpitaux à toute la force de son appareil de
production). Mais ce qui me fait le plus peur c'est qu'en
fait il n'y ait juste aucune stratégie. Je n'ai même pas
l'impression qu'il y ait prise de conscience du fait qu'il faut
faire des choix. J'ai l'impression qu'on réagit juste dans
l'immédiat : surcharge du système de santé ⇒ confinons tout le monde,
sans chercher à nous demander s'il y a un plan, ou un début de
commencement de plan, pour sortir de l'impasse. J'ai vaguement
quelques sursauts d'espoir quand le ministre de la Santé ou ses
sous-fifres parlent d'aplatir la courbe (ce qui est une stratégie qui
se tient, c'est essentiellement ce que j'ai appelé ②), mais je n'ai
toujours pas la certitude s'il s'agit de mots prononcés au hasard ou
s'ils ont effectivement compris ce que ça veut dire (parce que ce plan
suppose de ne pas confiner trop, i.e., de ne pas faire comme
en Chine, et je n'ai vu aucun début de commencement de signe que
quelqu'un de haut placé ait pigé ce fait). J'avais vaguement un petit
espoir qu'il y ait des cerveaux qui fonctionnent derrière les
décisions prises quand j'ai appris que le gouvernement avait réuni un
conseil scientifique pour lui suggérer des mesures, mais on a entendu
des gens de ce conseil scientifique admettre qu'ils avaient recommandé
le confinement parce qu'ils avaient été pris de court par la vitesse
de l'épidémie (je ne sais plus la formulation exacte, ni lequel a dit
ça, mais quelqu'un va sans doute me la retrouver), ce qui suggère
qu'ils n'ont pas le niveau scientifique pour extrapoler une
exponentielle, et ça, ça me fait vraiment très très peur s'il
s'agit de guider le pays dans une crise aussi énorme. Donc je ne
crois plus du tout à l'existence d'une stratégie autre que celle du
cervidé pris dans les phares d'une voiture. Et je suis vraiment
terrifié.
À un niveau plus large, d'ailleurs, je suis assez désabusé quant au
niveau scientifique des spécialistes en épidémiologie, dont je
remarque trop souvent qu'ils arrivent (de façon certes plus précise et
mieux argumentée, mais pas fondamentalement différente) aux mêmes
conclusions que j'ai exprimé dans mon blog des jours ou des semaines
plus tôt. (Par exemple, le papier d'Imperial qui a fait beaucoup
parler de lui, cf. ici, ne fait que
reprendre la dichotomie que j'ai
exposée au
moins une semaine plus tôt sur Twitter, avant même que le
Royaume-Uni ne commence à parler d'immunité grégaire ; ses calculs de
nombre de morts ne sont pas franchement plus sophistiqués que ceux
qu'on peut faire avec un modèle très
simple ou en fait simplement en
multipliant deux nombres — et le problème d'instabilité si on
tente de supprimer l'épidémie est une évidence que je répète à tout le
monde depuis belle lurette.) Je pourrais être fier de moi, mais je
n'ai pas envie d'être fier de moi, j'ai envie de croire qu'il y a des
gens qui voient beaucoup plus loin que moi et qui ont une petite idée
de où nous allons et de ce que nous pourrions faire !
Des entraves énormes ont été mises à toute vie personnelle, en
revanche, le contrôle sur les employeurs est minimal, par
exemple : apparemment, sauver des vies justifie qu'on
anéantisse la vie personnelle des Français mais il ne faut surtout pas
trop toucher leur vie professionnelle. On en arrive à la
situation absurde et incroyablement injuste où certains voudraient
sortir de chez eux et n'en ont pas le droit, tandis que d'autres
voudraient avoir le droit de rester protégés chez eux mais n'en ont
pas non plus la possibilité (sauf à perdre leur emploi).
Au-dessus de ça, les modalités d'application du confinement ne sont
pas moins absurdes. Comme quelqu'un
l'a très
justement dit sur Twitter, le gouvernement a perdu de vue
le but (la distanciation sociale) pour se focaliser sur le moyen (le
confinement). Une mesure de distanciation tout à fait sensée
aurait été de rendre obligatoire la distance de 2m entre les personnes
dans tout lieu public, et de verbaliser ceux qui s'approchent
inutilement des autres, et par ailleurs d'inciter les gens à rester
chez eux (sans contrainte personnelle mais avec un fort contrôle des
employeurs qui prétendent avoir besoin de faire venir leurs employés).
Mais on se doute bien que quand ils sont munis de la légitimité
apparente de sauver des vies, les enthousiastes de l'autoritarisme
n'allaient pas s'en tenir là. On en arrive maintenant à des
formulaires de dérogation de plus en plus humiliants, et on discute de
la distance et du temps maximal auxquels on a le droit de s'éloigner
de chez soi. Formulaires qu'il faut
d'ailleurs remplir
à l'encre indélébile sous peine d'amende si on essayait d'en
réutiliser un (là ça ressemble tellement à quelque chose tiré de Kafka
que ce serait drôle si ce n'était pas tragique). On en vient à
interdire le vélo de loisir, chose pour laquelle il n'a été donné
aucune forme de justification, alors qu'il est facile de se tenir à
bonne distance des autres quand on est en vélo ; on en vient à la mise
en place d'un couvre-feu dans certaines villes alors que
rationnellement il vaut mieux étaler le plus possible les heures où
les sorties sont autorisées pour qu'il y ait le moins de monde à un
moment donné : s'il fallait démontrer que ceux qui prennent
ces décisions n'ont aucune fin rationnelle en tête, c'est la meilleure
preuve possible. Encore un autre problème est que les règles
sont appliquées selon le bon
vouloir très
aléatoire et très arbitraire des agents de police chargés de les
appliquer, ce qui cause des injustices et une insécurité juridique
incroyables.
Mais, comme me l'a suggéré une amie, l'absurdité de toutes ces
règles vise sans doute un autre objectif, qui est le
détournement de culpabilité. Le vrai scandale, c'est
l'impréparation de la France face à une épidémie qui était éminemment
prévisible jusque dans son timing pour quiconque sait extrapoler une
exponentielle. Le scandale de fond, c'est le manque de moyens de
l'hôpital public (ou, dans une autre ligne d'idées, le manque de
moyens des transports publics qui sont en permanence bondés,
favorisant la transmission de toutes sortes d'infections). Et le
scandale immédiat, c'est le manque de masques qu'on cherche à cacher
derrière l'idée que les masques ne servent à rien pour le grand
public. (Il y a aussi l'histoire des élections municipales dont le
premier tour n'a pas été reporté — ceci dit, je pense qu'on monte un
peu trop cet épisode en épingle et je soupçonne que le nombre de
contaminations à cette occasion a été très faible.) Alors pour
distraire l'attention de tous ces scandales, on en crée un autre :
tout est la faute de ces irresponsables qui osent s'aventurer à plus
de 1km de chez eux, ou faire un tour en vélo dans un endroit où ils ne
rencontreront personne, ou sortir acheter du Coca-Cola (ou des
serviettes hygiéniques !) au lieu de limiter aux courses essentielles.
On fustige à la fois ceux qui achètent trop (ils créent des
pénuries !) et ceux qui n'achètent pas assez (ils sortent sans
raison !). Le Français moyen est placé dans la position de l'âne de
la fable de la Fontaine, 135€ d'amende à la clé.
Maintenant, pour ne pas blâmer que les dirigeants, l'incohérence de
la réaction des Français est également digne de commentaire. D'un
côté, il semble que tout le monde applaudisse les mesures de
confinement (un sondage qui ne vaut certainement rien mais qui donne
quand même une petite idée, prétend que 93% des Français y sont
favorables). Mais d'un autre côté, si c'est effectivement
vrai que tout le monde comprend et approuve la nécessité de tenir ses
distances… ce n'est pas la peine de rendre les choses
obligatoires ! Si 90% de la population respecte les mesures
de distanciation, que ce soit par sens du devoir civique ou par peur
personnelle ou n'importe quelle combinaison de tout ça, ça suffit très
largement à stopper la progression de l'épidémie (le papier d'Imperial
qui a été si souvent cité partait du principe que 75% suivraient la
consigne, laquelle serait facultative : donc on ne peut pas m'accuser
d'inventer moi-même mes compétences en épidémiologie). La conclusion
que j'en tire, c'est que l'immense majorité des Français réclame qu'on
impose à tous des mesures qu'elle n'est pas prête à tenir spontanément
par elle-même : c'est ce qu'on appelle de l'hypocrisie.
Il est légitime de se demander dans quelle mesure la distanciation
devrait être considérée comme une décision individuelle. À part le
cas réellement problématique des rapports professionnels, et à part la
scandaleuse pénurie de masques, il me semble que chacun peut se
protéger personnellement avec un assez bon niveau de sécurité sans
avoir à attendre des autres que de ne pas lui tousser dessus. (Je
pense qu'on a tendance à surestimer un peu l'infectiosité de ce
virus : pour mémoire : si 10% de la population était contagieuse, ce
qui est est probablement encore surévalué, quelqu'un qui ne prendrait
aucune précaution particulière, si j'en crois le rythme de 0.2/j où
progressait l'exponentielle avant le confinement, l'attraperait en
50 jours environ.) Une personne isolée n'a donc pas grand-chose à
craindre, en fait. Mais admettons que ce ne soit pas une décision
individuelle mais collective, il reste encore qu'on pourrait
considérer que, dans cette décision collective, les gens sont amenés à
voter avec leurs pieds : si on se contente d'une recommandation de
distanciation sociale et que les gens ne la suivent pas, c'est qu'ils
votent avec leurs pieds pour le risque des conséquences de ce choix,
aussi bien individuelles que collectives.
Mais au lieu de nous poser sérieusement ces questions, au lieu
d'envisager de développer une distanciation sociale fondée sur une
combinaison entre responsabilité morale, choix collectif et protection
personnelle, nous avons sauté dans les bras de l'autoritarisme avec
une indicible et mâle volupté.
⁂
Je tourne un peu en rond, là, j'en suis conscient. Les pensées
tournent en rond dans ma tête comme je tourne en rond dans mon
appartement. Parlons un peu de moi-même, parce que je ne vais
vraiment pas bien.
Il y a d'abord le confinement lui-même qui est dur. Je souffre
énormément de ne plus pouvoir sortir, moi qui aimais tellement me
promener entre les arbres dans les forêts d'Île-de-France. Je souffre
de l'injustice profonde de l'interdiction de telles promenades alors
qu'il est tellement facile de tenir ses distances en forêt (il y a dix
jours, quand j'ai fait la dernière, j'ai pu vérifier expérimentalement
qu'il n'y avait aucune difficulté à garder 2m d'écart avec tout le
monde, même quand les autres ne font aucun effort de leur côté). Je
souffre de voir ce soleil radieux dehors et de ne pas pouvoir en
profiter, moi qui comptais les jours jusqu'à l'arrivée du printemps
après un hiver interminablement pluvieux, moi qui m'étais promis de
faire mille et une balades dès que le temps le permettrait. Je
souffre de toutes d'autres lacérations psychologiques provoquées par
les éclats de ma vie ancienne qui a explosé en vol : de tous ces
moments où je continue à penser à ce que j'aurais fait, ce que
j'aurais pu faire, si j'avais été libre, avant de me rappeler que je
ne le suis plus du tout, — de tous ces petits plaisirs qui ne sont
plus que des souvenirs qui me narguent cruellement quand j'y
repense.
(Je suis maintenant pleinement convaincu, même si je le pensais
déjà depuis longtemps, que la prison est une forme de torture
psychologique digne du Moyen-Âge (enfin, façon de parler, parce qu'au
Moyen-Âge, justement, il me semble qu'on n'emprisonnait pas beaucoup).
Mes conditions sont incomparablement meilleures qu'une prison et déjà
je n'en peux plus.)
(Et sinon, je pense qu'à un moment où un autre, quand je ne
tiendrai vraiment plus, je vais faire le confinement buissonnier et
fuguer dans la forêt pour une après-midi. Je suis preneur de vos avis
sur la meilleure façon d'y arriver en ayant le moins de chances
possibles de me faire prendre : à quel moment, par quel chemin, et
éventuellement en prévoyant quel prétexte.)
Mon équilibre émotionnel était largement basé sur la présence
réconfortante et rassurante des habitudes quotidiennes qui rythmaient
ma vie ancienne. Il n'en reste plus rien. Je ne sais plus à quoi me
raccrocher. Je perds complètement pied. Par moments je deviens
colérique avec mon poussinet.
Je n'arrive pas à penser à autre chose. Je ne parviens plus à
faire des maths si ce n'est pas de l'épidémiologie. Je n'arrive
quasiment plus à regarder un film ou un documentaire : tout ce qui ne
parle pas du Covid-19 me semble tellement insignifiant que je suis
incapable de rentrer dedans, et tout ce qui en parle ne fait
qu'empirer mon angoisse.
Je n'imagine absolument pas comment je vais pouvoir tenir un mois
ou deux comme ça.
Si au moins y avait, au bout, l'espoir d'un retour à une forme de
normalité, s'il y avait de la lumière au bout du tunnel, je trouverais
sans doute la force en moi de traverser le tunnel, mais tant que je
n'ai pas le moindre indice que qui que ce soit sait où nous allons, la
seule lumière que j'aperçois c'est celle des maigres espoirs que j'ai
rappelés au début de cette entrée, et je me demande si elle n'est pas
complètement dans mon imagination.
Et encore !, tout ce désespoir, c'est en faisant totalement
abstraction de l'inquiétude liée à la maladie elle-même (vous
remarquerez que je n'en parle pas du tout), comme si moi-même et mes
proches en étions totalement invulnérables — chose qui n'est
évidemment pas le cas. Si cette inquiétude devait s'y ajouter, je
n'imagine pas comment je pourrais la gérer.
(À un certain moment, j'en étais presque à supplier mes amis que
j'estime intelligents mais si tu ne désespères pas complètement,
toi, c'est bien que tu dois avoir une idée de comment les choses
pourraient ne pas tourner trop mal ?, mais comme personne n'était
capable de répondre à cette question, j'ai fini par conclure que tout
le monde a une capacité que je n'ai pas pour faire abstraction des
catastrophes don on ne voit aucune issue.)
Voilà où j'en suis, et je ne pense pas que ça va s'améliorer.
Je choisis Scylla, et je suis complètement terrifié
Je suis complètement terrifié. Je fonds en larmes régulièrement,
je ne dors quasiment plus, ma digestion est complètement déréglée, et
cela empire de jour en jour (même s'il y a des hauts et des bas : un
moment j'arrive à lâcher prise, le moment suivant je repense à
ce qui va arriver et l'angoisse me glace). Le poussinet et moi nous
communiquons mutuellement notre peur et même l'amplifions parfois dans
nos tentatives pour chercher du réconfort l'un auprès de l'autre en
parlant de ce qui va arriver. Je n'ose pas trop aller vers mes autres
amis pour ne pas déverser ma propre angoisse sur celle qu'ils peuvent
déjà avoir (ou, s'ils ont la chance de ne pas en avoir, leur
transmettre la mienne).
J'essaie de m'accrocher aux branches : je pense que la société ne
va probablement pas s'effondrer (mais elle va être secouée comme elle
ne l'a jamais été depuis la seconde guerre mondiale), et que je ne
vais probablement pas mourir (en tout cas pas du virus, peut-être d'un
paroxysme d'angoisse), mon poussinet non plus, et beaucoup de mes
proches non plus. Donc ce n'est pas la fin du monde. Mais c'est
indéniablement la pire crise de notre génération. Socialement,
politiquement, psychologiquement, économiquement, il y aura un avant
et un après Covid-19. Je ne sais pas ce qu'il restera des petits
éléments confortables de ma vie quotidienne dans le monde d'après.
Est-ce que je peins le tableau trop noir ? Je ne sais pas.
Peut-être que cette entrée de blog paraîtra grotesquement
catastrophiste dans un an ou deux. Je prends sans hésiter le risque
du ridicule, j'accueille même le ridicule à bras ouverts si les choses
se déroulent moins mal que ce que je crains. Faites que je sois
ridicule !, j'en serai tellement heureux. Faites que dans cinq ans je
sois le premier à rire de mes prévisions d'apocalypse.
Écrire tout ceci me fait du mal, j'en suis conscient, donc je vais
essayer que cette entrée-ci soit la dernière où je rumine sur le
sujet. (Déjà j'ai hésité à commencer cet article de blog en me disant
que je me faisais du mal au lieu de trouver la catharsis, et que je
pouvais faire du mal à ceux qui me liraient.) Mais parler d'autre
chose me semble tellement difficile, tellement futile, que je bloque
complètement. Je vais peut-être mettre ce blog en pause, probablement
me déconnecter de Twitter qui ne fait qu'alimenter ma terreur, je ne
sais pas encore.
J'écrivais dans le billet
précédent que je voyais deux pistes pour lutter contre une
épidémie, un dilemme atroce entre deux options horribles, dilemme qui
commence tout doucement à faire son chemin dans l'opinion, mais
souvent en braquant le choix vers une seule de ces options présentée
comme évidemment la bonne : or il n'y en a pas de bonne, les deux sont
horribles, et la personne qui pense qu'on doit évidemment préférer
celle-ci ou celle-là n'a (je pense) rien compris à la situation.
Les options sont : ① (contenir, qu'on pourrait aussi
appeler le chêne), c'est-à-dire arrêter l'épidémie à tout prix,
ou ② (gérer, le roseau), la ralentir mais en la laissant
suivre son cours jusqu'à ce qu'elle s'arrête d'elle-même. Je renvoie
à l'entrée précédente pour les
explications plus détaillées notamment sur le concept d'immunité
grégaire.
Les deux sont atroces. Gérer, cela signifie qu'une proportion
significative de la population, peut-être 20% si on est optimiste (des
gens disent 70% mais même moi qui panique je ne crois pas à ça comme
je l'ai expliqué), sera infectée. Au bas mot 0.5% de ces gens
mourront, c'est-à-dire 75 000 personnes en France. Mais en fait
beaucoup plus, parce que ralentir cache une horrible vérité :
si on ralentissait vraiment au point que le système de santé arrive à
gérer sereinement les choses (comme le suggère le
slogan Flatten
The Curve), à supposer qu'on y arrive, cela prendrait de
nombreuses années voire des décennies de blocage, et on retombe sur un
autre nom pour l'autre solution, qui est de tout bloquer.
Contenir : tout bloquer, c'est-à-dire plus d'écoles, plus de
transports en commun, plus de lieux de vie commune, plus de
restaurants, cafés, cinémas, théâtres, plus aucune vie économique
au-delà du minimum vital, comme en Italie en ce moment, et ce pendant
un temps indéfini : jusqu'à trouver un vaccin, qu'on arrive à le
produire et qu'on puisse le répandre au monde entier, au moins, ce
dont on imagine difficilement que ça puisse prendre moins de deux ans,
et peut-être indéfiniment parce que le vaccin n'est pas toujours
techniquement possible. En attendant, vivre dans la terreur
perpétuelle du fléau qui peut se faire réapparaître son affreux visage
dès que le blocage est un peu desserré.
Gérer : ralentir certes un peu l'épidémie avec des fermetures
partielles, mais en sachant que ça ne suffira jamais assez pour que le
système de santé tienne le choc. Ce choc est tellement énorme qu'il
est presque impossible à visualiser : si ~20% de la société doit être
infectée, que 2.5% de ces infectés doivent passer en réanimation
(j'estime à 50% les cas asymptomatiques, et je prends 5% des cas
symptomatiques), cela fait 5000 personnes passant en réanimation pour
chaque million d'habitant. Dans un pays raisonnablement bien équipé
comme la France, il y a 75 lits de réanimation par million
d'habitant : en réquisitionnant tout ce qui peut servir (salles de
réveil, salles d'opération, vieux respirateurs ou appareils bricolés
avec trois bouts de ficelle), on peut peut-être espérer passer à 150.
Donc ~30 personnes à passer dans chaque lit+respirateur : s'il faut ne
serait-ce qu'une semaine de réa par personne, ce qui semble très
optimiste, cela fait 25 semaines : il faut lisser l'épidémie sur six
mois, à supposer qu'on ait un contrôle si fin. Six mois encore pires
que la crise actuelle en Italie, mais dans le pays tout entier — dans
le monde entier. Ou bien trois mois d'une crise encore deux fois pire
que ça, et seulement la moitié des malades trouveront un lit, les
autres mourront sans soins, et les médecins devront choisir qui vit et
qui meurt.
Ou bien sinon : le blocage complet qui ne pourra être levé qu'à la
faveur de la découverte d'un vaccin providentiel.
Ces deux options sont glaçantes. Celui qui émet une préférence
d'emblée, sans être horrifié par la monstruosité d'un tel choix, a
complètement loupé le roman. (Encore une fois, je renvoie
au billet précédent pour des
explications plus précises sur pourquoi on doit faire ce choix.)
Je me suis torturé pour savoir laquelle me semblait la moins
horrible, et je pense finalement que c'est de gérer (la ②).
J'ajouterais la nuance : mobiliser absolument tous les moyens de
l'État pour construire, fabriquer ou réquisitionner en un temps
record, et peu importent les coûts, des hôpitaux préfabriqués, des
lits de fortune (pour la France, il en faut des centaines de
milliers), et des respirateurs de toute sorte (simples ventilateurs à
oxygène en nombre énorme, des milliers voire dizaines de milliers de
respirateurs avec intubation, et des centaines ou milliers d'appareils
à oxygénation par membrane extra-corporelle). Et former absolument
tous les personnels en rapport avec la médecine (au moins tous les
médecins de toutes les spécialités, et tous les infirmiers) à
l'utilisation de ces machines, pour que les anesthésistes-réanimateurs
puissent se concentrer sur la supervision et la gestion des cas les
plus complexes. Éventuellement appliquer la solution ① un mois ou
deux le temps d'arriver à faire ça. Si tout ceci semble de l'ordre du
ridiculement impossible (et je le pense), c'est dire l'ampleur de la
montagne qu'il s'agit d'aplatir.
Sérieusement, il ne faut plus rêver aux 0.5% de taux de mortalité
(1% des cas symptomatiques) : lorsque les hôpitaux seront débordés,
cela sera plutôt 3% (soit 6% des cas symptomatiques). Donc, dans
cette option, 3% de 20% de la population, mettons 0.5%, mourra —
350 000 personnes pour la France. Je sais que mes chiffres sont
complètement sortis de mon chapeau (j'aurais pu dire le double), mais
ils sont plausibles : ils donnent une idée des ordres de
grandeur, ils permettent de se faire une idée de la catastrophe qui
nous attend (et de nouveau, Angela Merkel s'est montrée encore plus
pessimiste en évoquant 70%). Avec un pic à peut-être autour de 25 000
morts en une journée. Les mots manquent.
Je pense pourtant (et de nouveau c'est un choix atroce et ce n'est
pas la peine de me rappeler à quel point il l'est) que c'est
préférable à la fermeture des écoles et tous autres lieux de vie
publique possiblement à perpétuité. Je pense que l'option ① maintenue
trop longtemps n'aurait pas juste un coût économique et social
tellement important qu'elle entraînerait indirectement la mort de plus
d'individus encore, mais qu'elle conduirait à la transformation de la
société en une dystopie post-apocalyptique, ou peut-être
l'effondrement complet de toutes ses structures. C'est donc avec la
plus grande horreur que, si j'étais chef d'État (et je n'ai jamais été
aussi heureux de ne pas l'être), je choisirais l'option ②, gérer, avec
la nuance que j'ai donnée ci-dessus qu'il faut quand même ralentir
autant que possible même si ça ne suffira jamais, et chercher tous les
moyens possibles pour augmenter les moyens qui seront toujours
ridiculement insuffisants du système de soins.
Je crois comprendre qu'Emmanuel Macron a fait ce choix. Boris
Johnson l'a fait de façon tout à fait claire, sa conférence de presse
évoque explicitement l'immunité grégaire, et suggère une variante
assez dure de l'option ②. Angela Merkel en évoquant le chiffre de 70%
(pessimiste selon moi, je le répète) fait clairement référence à cette
même option. Cela me fait le plus grand mal à écrire, mais je pense
qu'ils ont raison (au moins sur l'idée générale). La Chine, mais même
la Corée du Sud, sont dans l'impasse maintenant qu'elles ont choisi ①,
et j'ai très peur de ce qui va leur arriver (même pour la Chine, ça
peut être un instrument de contrôle entre les mains du pouvoir, mais
ne plus pouvoir mettre les enfants à l'école est très très
embêtant).
Mais ce dont j'ai encore plus peur, c'est du yoyo entre les choix.
L'opinion publique a le plus grand mal à comprendre le dilemme : les
gens disent regardez la Corée, l'épidémie régresse : pourquoi on ne
peut pas faire pareil ? (eh oui, c'est vraiment difficile
d'expliquer les choses). L'OMS elle-même a appelé à
suivre l'option ① (probablement parce que ce sont des médecins avant
tout, donc ils font passer la lutte contre la maladie en premier). On
ne peut vraiment pas qualifier un des choix d'idiot. Mais une fois
qu'on en a fait un, il faut s'y tenir : que va faire l'Italie
maintenant ? L'épidémie va se tasser, et ensuite ? Si le bouclage
sert à rétablir un petit peu d'ordre dans le système de santé,
admettons : mais, sauf dans les toutes petites régions géographiques
les plus touchées, le chemin parcouru vers un espoir d'immunité
grégaire est encore minuscule par rapport au chemin restant à
accomplir (c'est vraiment terrifiant), donc il n'y a que deux options,
continuer en se disant que ce sera encore bien pire, ou s'arrêter et
tous ces morts auront été en vain. (Parce que si on voulait vraiment
suivre l'option ①, il fallait implémenter un bouclage complet du pays
déjà il y a un mois, en se rendant bien compte que c'est peut-être
pour toujours.)
Beaucoup de voix qualifient déjà de criminel le choix de gérer.
L'homme politique qui le fait doit se rendre compte que sa carrière
est terminée : on ne lui pardonnera jamais, ou peut-être seulement
avec le recul de nombreuses années, d'avoir laissé mourir 0.5% de sa
population, la propriété des dilemmes horribles est que le choix qu'on
a fait semble toujours le mauvais puisqu'on n'a pas les horreurs de
l'autre sous les yeux.
Bref, j'ai peur que, face à la révolte inévitable de l'opinion (qui
crie qu'on sacrifie des vies à l'économie, ou qu'on joue à une
horrible expérience scientifique sur un concept incertain), le choix
effectué se transforme en regret, et qu'il y ait volte-face comme ça a
peut-être été le cas en Italie. Et là on aura, en quelque sorte, le
pire des deux options. (Mieux vaudrait une volte-face dans l'autre
sens : prendre ① jusqu'à ce que l'opinion publique réclame la levée du
blocage, auquel point elle sera peut-être prête à accepter ②.)
(Un blocage très bien ciblé dans le temps, juste au moment du pic
de la pandémie, ce qui signifie qu'il faut prévoir ce dernier une
douzaine de jours à l'avance, peut en revanche avoir un sens, parce
que dès qu'on a franchi le seuil d'immunité grégaire on peut
travailler à arrêter activement la pandémie. De même pour un blocage
ciblé dans l'espace quand il y a des inégalités entre régions :
concernant l'Italie, je comprends le principe d'une fermeture complète
dans les provinces les plus durement touchées, parce que celles-ci ont
possiblement atteint le point d'immunité grégaire, ou pourront
l'atteindre en un temps raisonnable, mais le bouclage du pays entier
est une volte-face.)
Comme je l'ai dit plus haut, je n'en dors plus (et je ne sais pas
comment Macron, Johnson, Merkel et les autres, peuvent dormir en ce
moment !).
Ça pourrait presque sembler préférable d'être complètement
démunis : dans une société qui n'aurait ni les moyens d'implémenter un
blocage sérieux, ni de système de soins digne de ce nom qui puisse se
retrouver débordé, la question est vite vue : l'épidémie sera arrêtée
par l'immunité, il n'y a pas de dilemme, juste beaucoup de morts.
C'est comme ça que les grandes pandémies ont toujours fonctionné,
jusqu'à celle de grippe en 1918 dont l'horreur est tout simplement
inconcevable. Gérer, c'est reconnaître qu'on ne peut rien contre la
nature déchaînée, on peut juste atténuer un peu le coup et pleurer
d'envoyer ainsi les médecins au casse-pipe avec les moyens dérisoires
dont on dispose. (Je l'ai déjà dit, mais dimensionner le système de
soins pour pouvoir faire face à une telle crise signifierait avoir des
lits vides à 90% en attendant la prochaine pandémie dont on ne sait
pas quelle forme elle prendra : ce n'est pas un problème de moyens,
même si plus de moyens auraient évidemment été souhaitables et que
l'indigence de l'Hôpital public rende le combat plus dérisoire
encore.)
Lâcher prise, donc, pour la société. Admettre que les médecins
vont vivre le pire des enfers pendant quelques mois, et que le reste
de la société se devra d'arriver à fonctionner comme elle peut,
encaisser, avec la grande majorité des gens qui ne seront que très peu
malades. (C'est vraiment ça qui est si étrange dans cette maladie,
l'écart entre une majorité de cas complètement banals et un tout petit
nombre de cas très graves, mais ce petit nombre suffisant déjà à
submerger le système de santés.)
Il faut moi aussi que j'apprenne à lâcher prise sur ce sur quoi je
n'ai aucun contrôle, et que j'arrête d'écrire des textes comme
celui-ci, que je trouve le moyen de retrouver le sommeil et de
continuer à vivre aussi normalement que je pourrai malgré l'hécatombe
qui frappera forcément assez près de moi, voire très près, et malgré
le bouleversement de tous mes repères familiers, les petits éléments
de ma vie d'avant, les petits plaisirs comme le brunch dominical du
bobo que je suis, petit élément d'une vie passée qui me semble
maintenant tellement lointain et tellement futile. (Lâcher prise
aussi sur le fait que je n'arriverai jamais à faire comprendre le
dilemme à ceux qui ont décidé que telle ou telle option était
évidemment la seule valable, même si mes petits textes peuvent aider
un tout petit peu.)
J'ai pris rendez-vous chez un psychiatre pour voir s'il peut
m'aider au moins à retrouver un semblant de sommeil et d'appétit. Je
vais essayer de me trouver une hygiène de vie dans ce monde nouveau où
je ne comprends pas ce que je fais. Je vais essayer de me laisser
porter par ce courant qui m'emporte sans que je puisse m'y
opposer.
Écrire cette entrée m'a fait verser assez de larmes : j'arrête.
Tous mes vœux de courage et de force à tous les habitants de la Terre
pour les mois qui viennent, et particulièrement aux médecins, aux
infirmiers et tous ceux qui seront en première ligne dans un combat
vraiment héroïque.
Nouvelles en vrac (lassitude, énervement, déménagements, moto, Fourier et Mandelbrot)
Voilà maintenant un mois que nous
avons déménagé du rez-de-chaussée vers le 2e étage, et je ne me
sens toujours pas « chez moi » dans ce nouvel appartement (au
contraire, presque : plus le temps passe plus je ressens l'envie de
rentrer « chez moi »). Nous avons certes réglé quelques uns
des N problèmes qui se posaient (comme le robinet de la
cuisine complètement déglingué que nous avons fait remplacer, et la
salle de bain était insuffisamment chauffée où nous avons mis un petit
chauffage d'appoint que nous allumons pour prendre nos douches), mais
d'autres problèmes sont apparus ou devenus manifestes comme un voisin
qui joue du piano quasiment tous les jours et qui commence
sérieusement à me taper sur les
nerfs[#]. Et en tout état de
cause, même si nous avons déménagé les affaires vraiment importantes,
il reste beaucoup de choses à faire ou à déplacer (ou des choses un
peu pénibles, comme la machine à laver), et je suis vraiment
fatigué[#2] de toute cette
histoire.
[#] Il va falloir que je
m'achète un casque à compensation de bruit avant de devenir fou (en ce
moment, je « compense » en mettant ma propre musique assez fort pour
couvrir la sienne, ce qui n'est pas une bonne idée pour plein de
raisons, notamment parce que souvent je n'ai pas envie d'écouter de la
musique, juste du silence). Je me demande ce que ces choses valent,
et notamment ① si elles sont efficaces si je veux juste écouter du
silence et ② si elles sont efficaces pour couvrir les sons faibles (le
piano n'est pas trop fort, il est juste au-dessus de mon seuil
d'audition — ce qui ne l'empêche pas de devenir insupportable à la
longue — et je me demande si les casques à compensation de bruit ne
seraient pas juste inopérants dans ce domaine, étant plutôt prévus
pour couvrir des bruits importants).
[#2] J'ai plus ou moins
renoncé à (ou au moins, reporté sine die)
l'idée que j'avais de faire
imprimer des cartes de Paris et de sa région pour mettre aux murs, par
exemple : j'ai tellement de choses à faire avant et je manque
d'énergie pour ce genre de trucs.
Et il reste surtout à vendre l'appartement du rez-de-chaussée, ce
qui promet d'être aussi une opération fatigante. (Une voisine est
intéressée, pour y loger sa mère, mais elle nous fait une offre très
inférieure à ce que les agents immobiliers nous disent être le prix du
marché.) Au minimum, il nous faut faire faire de petits travaux de
peinture (il y a une trace d'un ancien dégât des eaux, maintenant
réparé et complètement sec, mais qui ne fait pas très joli dans la
cuisine). Ensuite, nous hésitons entre passer par une agence (qui
prendra une commission assez énorme), ou bien essayer de trouver un
acheteur nous-mêmes (par relations, par réseaux sociaux, ou par une
petite annonce). Si par hasard quelqu'un est intéressé, ou connaît
quelqu'un d'intéressé, par un deux-pièces de 40.24m², avec une
terrasse de 13.90m² et un jardin de 45.53m² (si j'en crois les plans),
en rez-de-chaussée d'un immeuble parisien de 5 étages datant de 1991,
sur la Butte-aux-Cailles, il peut toujours se dénoncer. (La situation
de l'immeuble est idéale, dans une rue tranquille mais très proche à
la fois du centre Italie 2 et des restaurants et bars du quartier, à
10min à pied des stations Corvisart et Place d'Italie. La copropriété
marche bien. L'appartement est un peu sombre mais très calme. Il
faut prévoir quelques travaux de peinture et de changer une moquette,
mais rien de substantiel n'est nécessaire.)
❦
Du côté du déménagement de mon bureau à Palaiseau, la situation n'a
guère évolué : il y a eu des progrès les quelques premiers jours mais,
depuis, on ne sait pas bien ce qui se passe. Des ouvriers continuent
d'arpenter les couloirs, et manifestement ils font des choses : mais
ce que sont ces choses m'échappe
totalement[#3], parce de ce que
je vois rien ne bouge.
Pourtant, il y a plein de choses sur lesquelles j'aimerais bien
voir du progrès ! On nous a promis une solution temporaire en
attendant la pose de stores sur la façade sud (où est mon bureau, et
où le soleil en journée empêche vraiment de lire un écran d'ordinateur
orienté contre lui), mais même la solution temporaire ne se
matérialise pas. L'allumage des lumières (qui est généralement
automatique : la plupart des salles n'ont pas le moindre
interrupteur ; mais même dans celles qui en ont, leur effet est,
disons, incertain) reste très souvent aléatoire. Je réclame à qui
veut l'entendre l'installation de tableaux blancs (ou mieux, noirs,
mais ne rêvons pas) dans les salles de réunion qui sont dotées d'un
équipement vidéo ultra-moderne mais pas de bêtes tableaux, parce que
manifestement un crétin de décideur a pensé que les chercheurs, quand
ils se réunissent pour discuter, ils se montrent juste des
présentations PuissancePoints sur un écran (comme je soupçonne le
crétin en question de faire à longueur de journée) : pour l'instant,
tout ce que j'ai obtenu est que l'item « tableau blanc » figure dans
le catalogue informatique des salles (avec la valeur « absent » pour
les salles de réunion, donc…). Je me demande si le système
d'ouverture des portes marchera un jour correctement (actuellement,
nous devons « mettre à jour » nos badges d'accès tous les jours en
arrivant, en bippant à un point de mise à jour, mais parfois la mise à
jour ne fonctionne pas ;
cf. ce
fil Twitter). Je peste aussi contre les psychorigides du genre
« hygiène et sécurité » (j'ai une dent contre cette catégorie
particulière de nuisibles) qui ont décidé que certaines portes d'accès
vers l'extérieur seraient sous alarme et donc interdites d'usage en
circulation normale[#4]. Et
même si ça ne concerne pas vraiment le bâtiment de Télécom, j'attends
avec impatience la fin de la réalisation de la place qui se situe en
face,
la place
Marguerite Perey (nommée en l'honneur de la découvreuse du
francium), qui, pour l'instant, n'est qu'un champ de boue où, là
aussi, des gens s'activent et font manifestement des choses, mais je
ne vois pas de progrès détectable ; j'attends ça surtout parce que,
quand la place sera finie, ce sera une source de boue importante en
moins quand je viens en moto (cf. ci-dessous).
[#3] Il y a deux
semaines, quelqu'un est rentré dans mon bureau (sans frapper, et alors
que j'étais en slip parce que je me changeais de mes affaires de
moto), il a fait deux secondes de peinture et il est reparti. Je me
demande bien à quoi ça rime.
[#4] À
l'ENS, il y avait une porte de sortie sur la rue Rataud
que je mettais un point d'honneur à emprunter régulièrement, en
déclenchant l'alarme à chaque fois, pour protester contre la décision
complètement aberrante de mettre cette porte sous alarme. J'encourage
vivement ce type d'action de désobéissance civile : surtout, n'hésitez
pas à déclencher les alarmes des portes de sortie utiles, si ce
mouvement prend de l'ampleur les imbéciles finiront peut-être par
comprendre qu'il faut arrêter de fermer des portes à la circulation
normale.
Ce n'est peut-être pas l'endroit idéal pour le mentionner, après
m'être plaint incessamment que le transport entre Paris et Palaiseau
était nul et que le bâtiment était mal foutu, mais l'équipe dont je
fais
partie ouvre
un poste de professeur en cryptographie [il doit bien y avoir une
version en français de l'annonce, mais je ne la trouve pas] : les
personnes intéressés, ou les personnes qui connaissent des personnes
susceptibles de l'être, peuvent se mettre en contact avec mon collègue
et néanmoins amis Bertrand Meyer, comme indiqué dans l'offre d'emploi
que je viens de lier.
❦
Pour l'instant, j'ai dû faire à peu près ¾ de mes trajets
domicile-travail en moto et ¼ en transports en commun. Mon idée
initiale était de viser plutôt des proportions contraires (parce que
j'aime certes beaucoup rouler en moto, mais je n'aime pas trop l'idée
de risquer inutilement ma vie pour aller enseigner la transformée de
Fourier), mais, même en écartant la grève historique de
décembre-janvier, il faut avouer que c'est déprimant à quel point les
transports en commun sont vraiment
mauvais[#5]. De ce que j'ai
observé pour l'instant, le plus mauvais, ce n'est pas tellement
le RER B, mais l'espèce de bus navette pourri qui relie
la gare de Massy-Palaiseau au plateau de Saclay en passant par un
itinéraire improbablement inefficace que j'imagine censé plaire à tout
le monde et qui, en fait, ne doit faire que des mécontents : il
faudrait au minimum doubler ou tripler la fréquence de cette navette
(ou mieux, doubler la fréquence et en même temps prévoir plusieurs
lignes avec des trajectoires plus directes) pour obtenir une desserte
correcte et adaptée à la densité du plateau. L'autre solution,
consistant à rester dans le RER quelques arrêts de plus
pour en descendre au Guichet et monter sur le plateau à pied
par les
escaliers, est plus satisfaisante comme promenade, mais prend
encore plus de temps[#6].
(Finalement, j'ai tendance à prendre la navette pour aller au bureau
et les escaliers pour en revenir : pas par flemme de monter les
escaliers — d'ailleurs, les descendre est plutôt plus pénible pour les
articulations — mais parce que je suis plus pressé à l'aller et qu'au
retour monter dans le RER au Guichet augmente les chances
d'avoir une place assise.)
[#5] Insérer ici un
rant sur le fait que les grands génies qui ont cru bon de chercher à
créer une Silicon Valley française sur le plateau de Saclay ont
repoussé à plus tard le problème d'avoir des transports qui marchent,
et les gens qui ont été exilés sur ledit plateau en font les frais.
Et qui croit une seule seconde à l'idée que la ligne 18 du métro,
censée desservir le plateau, sera vraiment construite un jour ? Elle
a déjà été repoussée à une date mal spécifiée, et il faut être bien
naïf pour penser que ce n'est pas une annulation qui ne se dit
pas.
[#6] Je devrais
peut-être envisager de m'acheter une trottinette électrique ou une roue
électrique ou quelque chose comme ça, qui soit transportable dans
le RER, et qui rendrait acceptable le temps de trajet
entre le Guichet et mon bureau. Mais comme il y a
un passage
dans les bois, ce n'est pas évident que ce soit vraiment
faisable.
On m'avait vendu les transports en commun en me disant mais tu
verras, dans le RER, tu pourras bosser, donc ce ne sera
pas du temps perdu. Le problème avec ça, c'est que d'une part, on
est tellement serrés dans le RER que même si j'ai une
place assise, je rechigne à déranger mes voisins en farfouillant dans
mon sac pour y trouver un article de maths à lire, et d'autre part, de
toute façon, le trajet en RER proprement dit ne prend
qu'environ 20min sur un trajet d'environ 65min de porte à porte
(énormément de temps est perdu à attendre le métro, changer du métro
au RER, attendre le RER, changer
du RER à la navette de bus, attendre la navette… et ce
temps est fractionné de manière qu'il est difficile de s'en servir
pour travailler). En fait, le temps pendant lequel je ne peux pas
travailler dans le trajet en transports en commun reste supérieur à la
durée du trajet en moto, donc l'argument de pouvoir travailler dans
les transports est assez foireux. (En revanche, l'argument de moindre
dangerosité, lui, est beaucoup plus convaincant.)
❦
En moto, je mets entre 25min et 30min de porte à porte. C'est un
peu trompeur de compter de porte à porte, parce que la moto
fait perdre pas mal de temps à s'équiper avant, justement, de franchir
la porte, mais j'ai réussi à optimiser un peu les choses jusqu'à ce
que le changement d'appartement me fasse perdre cette optimisation ;
d'ailleurs, quel que soit mon mode de transport, je perds pas mal de
temps à rassembler tout mon attirail avant de sortir de l'appartement.
Il faut peut-être plutôt compter quelque chose comme 45min pour la
moto (contre 65min par les transports en commun, donc). J'ai la
chance que le trajet aller pour moi (Paris→Palaiseau, donc) est
dans quasiment
n'importe quelle circonstance beaucoup plus fluide que le trajet
retour (Palaiseau→Paris), sur lequel j'ai moins de contraintes et plus
de flexibilité.
Il y a quand même au moins deux circonstances où je ne préfère
clairement ne pas prendre la moto : l'une est quand je sais que je
rentrerai à une heure de pic de circulation (ce qui me forcerait soit
à faire de l'inferfile, et j'ai déjà expliqué que je n'aime vraiment
pas ça, soit à prendre beaucoup de
temps[#7] à rentrer) ; l'autre
est quand il fait vraiment moche. Le problème du « vraiment moche »
ce n'est pas juste la pluie en elle-même, c'est aussi la quantité
hallucinante de boue sur le plateau à cause de tous les travaux
partout : il suffit qu'il tombe quelques gouttes pour que, même en
roulant très lentement et en faisant attention où je pose mes roues,
j'arrive crotté comme si j'avais fait des heures de motocross à
travers les bois
(voir iciet
là).
[#7] Bon, beaucoup
de temps est relatif : même quand la circulation est très chargée,
le pire temps de trajet renvoyé par Google pour une voiture n'atteint
quasiment jamais les 65min typiques si je prends les transports en
commun (en fait, il ne l'a dépassé essentiellement que pendant les
grèves où il n'y avait, justement, pas de transports en commun).
❦
Mais quand il n'y a ni circulation pénible ni mauvais temps ni boue
je continue à aimer énormément la
moto[#8]. J'ai dépassé les
3000km au totaliseur du joujou que je me
suis acheté en septembre (en cinq
mois, ce n'est pas énorme, et en plus ils sont très inégalement
répartis : 1200 + 700 + 500 + 200 + 400 ; mais
bon, il
paraît que c'est à peu près la moyenne annuelle du motard
français) ; et quand le temps est beau je n'hésite pas à rentrer du
bureau par un chemin plus long à travers la vallée de Chevreuse ou
celle de la Bièvre, ou de faire une escale à la Vallée-aux-Loups à
Châtenay-Malabry. (Il m'est d'ailleurs arrivé de croiser les élèves
du mon ancienne auto-école.) L'an dernier je pestais contre le froid
surtout que j'ai les doigts très fins et qui se refroidissent
facilement, mais je me suis acheté des gants chauffants
(des Five HG1
WP, modèle 2019 — je précise, parce que ce n'est pas évident,
que Five est la marque, HG1 est le modèle, et
que WP signifie quelque chose comme waterproof ; c'est
mon seul bout d'équipement qui ne soit pas de Dainese, d'ailleurs),
et, même si c'est un peu plus pénible à enfiler que des gants normaux,
c'est vraiment incroyable à quel point ces choses marchent bien, au
moins sous le froid relativement modéré qu'on a à Paris (ils ont trois
niveaux de chauffe, mais je n'ai jamais eu besoin du plus élevé). Une
mention aussi pour la sous-combinaison Dainese D-Core Thermo, qui est
un peu ridicule à porter mais tellement efficace pour garder le chaud
que ça ressemble à de la magie noire.
[#8] Aveu : j'ai même
commencé à me poser la question de si je voudrai acheter une nouvelle
moto (et le cas échéant, quoi) dans deux ans quand j'aurai le permis A
complet. (C'est idiot pour plein de raisons, j'en suis conscient, la
première étant que je n'ai encore jamais tourné la poignée
des gaz à fond sur ma bécane. Mais bon, le poussinet s'est acheté un
joujou à quatre roues puissant qui ne lui sert à rien, alors comment
je suis censé vivre ma midlife crisis, moi ?)
Ça fait tout juste deux
ans[#9] que
j'ai eu le permis (voiture), et il
faut avouer que, depuis environ trois mois, j'ai essentiellement
arrêté de conduire la Tuture. Je
l'ai prise une fois pour aller au bureau (un jour où il
faisait trop moche pour que j'eusse envie de prendre la moto et
j'étais parti trop tard pour avoir le temps de prendre
le RER),
j'ai abîmé
le pare-choc contre un plot du trottoir à peu près cinq secondes
après avoir pris le volant, le poussinet a tenu à faire réparer, ça
lui a coûté quelques centaines d'euros, et ça m'a traumatisé, et
maintenant je n'ose plus la conduire du tout. Surtout que je n'ai
plus la motivation de devoir passer une épreuve de circulation au
permis. Et plus le temps passe plus je me dis que si je conduis une
voiture je vais avoir des mauvaises habitudes de motard dans la
manière de passer les vitesses, d'oublier que le gabarit n'est pas le
même, etc., donc plus le temps passe moins j'ose prendre un
volant.
[#9] Je suis encore en
permis probatoire, cependant (il dure trois ans maintenant). Aveu :
je ne mets pas le disque A sur la moto (je ne sais même pas où
je pourrais le mettre, d'ailleurs).
❦
En ce moment, j'enseigne trois cours en parallèle : un cours
d'Analyse de base aux élèves de première année de l'école (en gros la
définition des espaces Lp, la notion de base de
Hilbert, et quelques éléments de séries et de transformée de Fourier,
surtout dans le cadre L²), et, pour des élèves de deuxième année dans
des cursus spécialisés, un cours de
théories[#10] des jeux
(celui-là est rigolo à enseigner ; j'en
ai déjà dit un mot et les notes de
cours
sont ici
en PDF) et un cours de « courbes algébriques »,
c'est-à-dire une mini introduction à la géométrie algébrique (je n'ai
actuellement pas de notes de cours écrites, parce que chaque année
j'essaie une approche différente dans l'espoir d'en trouver une qui me
satisfasse et qui ne noie pas les étudiants). Les années précédentes,
ces cours étaient situés dans l'année de manière à ne pas se
chevaucher (le cours d'Analyse avait lieu plus tôt), mais cette
fois-ci je dois les mener tous les trois de front et c'est assez
fatigant. (Des bizarreries d'organisation de l'école font que les
cours de 2e année ont lieu de façon complètement périodique, en
l'occurrence tous les lundi et mercredi matins pour ce qui est des
miens, mais les cours de 1re année sont cadencés de façon totalement
irrégulière, et je peux très bien avoir quatre séances du même cours
la même semaine.)
[#10] Le s
à théories, que j'ai dû me battre pour obtenir dans l'intitulé
officiel du cours (parce que personne ne vérifie ce qui se fait comme
contenu d'un cours, mais l'intitulé, lui, doit passer par environ
douze commissions avant d'être approuvé), est là pour souligner le
fait que je parle à la fois de théorie classique des jeux en forme
normale (à la von Neumann, Morgenstern, Nash, — que beaucoup de gens
appellent théorie des jeux tout court) et de théorie
combinatoire des jeux (à la Sprague, Grundy, Berlemamp, Conway), en
passant par une évocation des jeux de Gale-Stewart qui servent en
logique, et un long interlude sur les ordinaux et les questions de
terminaison. Ce que je trouve intéressant, c'est que personne ne met
dans un même cours tous ces sujets différents qui ont quand même une
thématique commune (et qui ont chacun une façon différente de pouvoir
se relier à l'informatique théorique).
Je défends l'idée que les chercheurs devraient enseigner des sujets
qui sont toujours un minimum écartés de leurs domaines de recherche (à
nuancer, évidemment, selon le niveau de l'enseignement), pour que
l'enseignant, tout en restant suffisamment expert pour répondre à
toutes les questions des étudiants, garde en même temps assez de
distance par rapport au sujet pour ne pas être tenté de trop étaler
ses marottes, et de curiosité pour avoir lui-même quelque chose à y
apprendre : je pense qu'on ne peut enseigner correctement que
lorsqu'on a soi-même à apprendre. C'est peut-être pour cette raison
que mon cours de géométrie algébrique me pose le plus de problème !
(Bon, en vrai, c'est parce que c'est un domaine hautement technique et
qu'il est vraiment ardu d'y enseigner quelque chose sérieusement à des
élèves qui n'ont jamais vu ni de géométrie projective élémentaire, ni
de théorie de Galois, et qui n'ont pas forcément une intuition très
développée de ce qu'est un idéal dans un anneau.) S'agissant de
Fourier, non seulement
c'est un
vaste programme mais même en s'en tenant à des considérations
d'Analyse (sans chercher à généraliser à d'autres Fourier) sur ℝ ou
ℝ/ℤ, j'ai déjà expliqué que j'avais
appris plein de choses[#11] en
me renseignant sur le sujet dans la préparation de ce cours.
[#11] Un autre exemple
dont je n'ai pris conscience qu'assez récemment : si je ne m'abuse,
les séries de Fourier permettent d'identifier
les distributions (à valeurs complexes) sur ℝ/ℤ aux suites
(complexes) indicées par ℤ et à croissance au plus polynomiale, tandis
que
les hyperfonctions
à la Satō (toujours sur ℝ/ℤ) s'identifieront aux suites indicées par ℤ
et dont la partie indicée par ℕ ainsi que celle indicée par −ℕ sont
toutes les deux les coefficients d'une série entière de rayon de
convergence 1 : je trouve que ceci permet de bien comprendre en quoi,
et dans quelle mesure, une hyperfonction est quelque chose de plus
général qu'une distribution.
En « jouant » avec Fourier
(j'ai déjà dit plein de fois que
les maths sont faites pour qu'on joue avec et qu'on ne comprend les
choses que si on y prend un peu plaisir), je suis retombé
(ici
et là)
sur un calcul que j'avais déjà fait il y a longtemps et dont je me
demande s'il a un nom classique : en utilisant
la formule
d'inversion de Möbius, on peut transformer la série de Fourier qui
exprime une onde carrée ou triangulaire (disons) comme superposition
d'ondes sinusoïdales de différentes périodes, en une série (au moins
au sens L² — je ne sais pas bien quoi dire de la convergence
ponctuelle[#11b])
qui exprime une onde sinusoïdale comme superposition
d'ondes carrées ou triangulaires. Ce procédé est forcément très
classique et a certainement un nom, mais je ne le connais pas, mais
c'est rigolo (quoique pas entièrement plaisant) à entendre : voir les
deux fils Twitter que je viens de lier pour une illustration sonore et
visuelle.
[#11b] Correction
() : En fait, je ne suis même pas
sûr de pourquoi il y aurait convergence L² dans le cas d'un signal
carré. La question est, donc, si s est la fonction
1-périodique qui vaut 1 entre 0 et ½ et −1 entre ½ et 1, pourquoi la
somme
des μ(k)·s(kx)/k,
où k parcourt les entiers naturels impairs, tend vers
(4/π)·sin(2πx) dans L²(ℝ/ℤ) (ce qui pose problème n'est pas
la valeur mais la convergence). J'avais fait l'erreur de penser que
les s(kx) sont deux à deux
orthogonaux, j'avais même une « preuve » de ce fait utilisant le
théorème chinois, or c'est juste faux ; ça n'empêche pas la valeur de
la somme d'être la bonne « en un certain sens » et il est fort
possible qu'il y ait convergence L², peut-être même presque partout,
mais c'est beaucoup plus subtil : si on passe aux coefficients de
Fourier, justement, cela dépendrait par exemple d'estimations sur
∑d|n, d≤B(μ(d))
en fonction de n et indépendantes de B, qui ont
elles-mêmes l'air possiblement liées à des bornes sur
la fonction de
Mertens. Bref, je retire cette affirmation : je crois juste
pouvoir affirmer la convergence faible dans L².
Ajout () : Il y
a certainement des choses intéressantes à dire (et à illustrer
graphiquement et/ou acoustiquement) sur la comparaison entre cette
écriture d'une onde sinusoïdale (ou d'un signal plus général) comme
composition d'ondes carrées de différentes fréquences (non
orthogonales !), avec
la transformée
de Hadamard qui utilise aussi des sortes d'ondes carrées, mais
prend 2r ondes de fréquence
2r et s'arrange pour qu'elles soient
orthogonales. À méditer.
❦
Mais de fil en aiguille, à partir de Fourier, j'ai réactivé
d'autres vieilles marottes : en fait, c'est parti
de cette
animation (qui n'a pas de rapport avec le fait que j'enseignais un
cours sur le sujet, c'est juste une coïncidence) illustrant le concept
de séries de Fourier, que j'ai un peu mal comprise (je pensais que la
courbe était paramétrée avec uniquement des coefficients de Fourier
d'indices positifs), ce qui m'a amené
à me
poser des questions sur la possibilité du paramétrage des courbes
de cette façon
(j'ai dumpé
ça sur MathOverflow, et il faut encore que je trouve le temps de
réfléchir à la réponse qui m'a été faite !) en lien avec
le théorème de l'application conforme
de Riemann, puis j'ai repensé au cas particulier du bord de
l'ensemble de Mandelbrot car il s'avère que l'uniformisation conforme
du complémentaire de l'ensemble de Mandelbrot se fait très bien, j'ai
lu un article qui expliquait comment calculer les coefficients (John
H. Ewing & Glenn Schober, The area of the
Mandelbrot set, Numer. Math. 61 (1992) 59–72),
j'ai implémenté
le calcul
et joué
avec les coefficients obtenus (et au
passage soumis une suite
à l'OEIS), et tout ça m'a amené à me replonger dans
toutes sortes de questions autour de l'ensemble de Mandelbrot que je
n'avais jamais pris le temps de bien comprendre depuis l'époque (douze
ans déjà ! <U+1F631 FACE SCREAMING IN FEAR>) où j'avais
généré toutes sortes de
vidéos de zooms.
J'ai notamment calculé toute une série d'animations d'évolutions
d'ensembles de Julia lorsque leur paramètre se déplace dans le plan où
vit l'ensemble de Mandelbrot (il est prévu que j'explique tout ça
mieux Un Jour®, mais Zeus sait si ce Jour arrivera vraiment) :
voir cette
playlist YouTube (qu'il faut vraiment regarder en plein
écran HD/1080p, ne serait-ce que parce que sinon on ne
voit pas du tout le point rouge dans l'encadré en bas à gauche qui
montre où est le paramètre…).
Mais surtout, j'essaie de comprendre (un peu mieux) la structure
combinatoire de l'ensemble de Mandelbrot et des ensembles de Julia :
il y a un très joli modèle, l'ensemble de Mandelbrot abstrait
qui permet (au moins dans certains domaines ou sous une hypothèse
conjecturale standard à savoir la connectivité locale) de décrire la
manière dont est foutu l'ensemble de Mandelbrot, quelles lignes
d'argument aboutissent où, comment sont agencés les bébés ensembles de
Mandelbrot et tout ça, sans aucun calcul flottant/approximatif,
uniquement en manipulant des objets combinatoires. L'ennui, c'est que
le principal livre de référence sur le sujet
(Invariant factors, Julia equivalences, and the
(abstract) Mandelbrot set de Karsten Keller) est très difficile
à lire (il empile des tonnes de notations qu'il ne daigne jamais
rappeler pour le lecteur distrait,
et ne donne quasiment aucun exemple ni aucun algorithme). Un lecteur
de mon blog (enfin, un ancien lecteur, je ne sais pas s'il me suit
encore) est l'auteur d'un algorithme qui permet de déterminer si les
lignes d'arguments donnés par deux rationnels de dénominateur impair
aboutissent au même point de l'ensemble de Mandelbrot (ce point est
alors la racine d'une composante, et ce sont les deux façons d'y
arriver depuis l'extérieur) ; mais je n'arrive pas à comprendre si on
connaît un algorithme analogue pour les rationnels de dénominateur
pair (qui aboutiront alors en
un point de
Misiurewicz) et je me noie un peu dans le livre de Keller.
❦
On pourrait me reprocher d'écrire toutes sortes de choses sur
Twitter au lieu de les écrire sur ce blog, mais je me noie
complètement dans les entrées de blog que je dois écrire, que je
commence à écrire, et qui prennent systématiquement des dimensions
complètement démentielles. Parfois je m'exaspère moi-même avec ma
capacité invraisemblable à tout transformer en un roman (d'autant plus
que moi-même je déteste les romans interminables) : Twitter, au moins,
m'oblige à faire court, mais apparemment n'a pas réussi à m'apprendre
à faire court de façon plus systématique. J'avais commencé à écrire
une entrée sur Game of Thrones (que le
poussinet et moi avons récemment regardé — enfin, récemment au
moment où j'ai commencé à écrire ladite entrée, ce n'est plus si
récent maintenant), mais même un sujet aussi peu inspirant a quand
même réussi à me faire aligner des kilomètres de mots, à tel point que
je n'ai pas réussi à la finir (il faut dire qu'elle avait l'air un peu
maudite, cette entrée : à chaque fois que je commençais à m'y
remettre, quelque chose m'interrompait). Donc j'ai commencé une
entrée de vulgarisation sur l'ensemble de Mandelbrot en me disant que
j'allais vraiment en dire le strict minimum, et… mais comment
est-ce que j'arrive à être assez con pour me dire que je pourrais
réussir à écrire un texte court sur un sujet pareil ? Alors
voilà, il a mis un pied dans le cimetière des entrées que je n'arrive
décidément jamais à finir, et si je me lasse du sujet avant de l'avoir
fini, il aura mis les deux pieds dedans.
Mais même cette entrée-ci, je pensais que j'allais juste
écrire quelques phrases pour expliquer pourquoi je n'avais rien écrit
ici depuis une éternité, et cette entrée elle-même a pris une taille
complètement invraisemblable, je suis complètement crevé, je voulais
me coucher il y a au moins deux heures, le poussinet en a marre de
m'attendre pour aller au lit, bref, je me trouve moi-même vraiment
insupportable et je termine en queue de poisson.
Le poussinet et moi avons déménagé (de deux étages)
J'ai déjà expliqué que mon
poussinet et moi avions acheté ensemble un appartement plus grand (au
2e étage) dans l'immeuble que nous occupions déjà (au rez-de-chaussée)
et que nous nous demandions comment procéder au déménagement pour
qu'il soit aussi peu douloureux que possible, sachant qu'un
prêt-relais me permet de garder les deux appartements pendant un
certain temps. Finalement, nous avons décidé de procéder de façon
« progressive mais avec une étape atomique », c'est-à-dire en
gros :
dans un premier temps, nous avons fait procéder à quelques
travaux, essentiellement la pose d'une pompe à chaleur (qui peut
servir de clim en été) pour avoir un chauffage plus économique, et
souscrit à un abonnement fibre
(chez OVH[#]) ; nous
avons aussi fait quelques achats minimaux (comme des chaises Ikea)
pour le nouvel appartement ;
dans une deuxième phase, nous avons transporté autant que possible
ce qui n'était pas quotidiennement utile et qui pouvait être bougé
sans besoin de meuble de rangement supplémentaire à l'arrivée :
d'abord, tous les livres (puisque le nouvel appartement venait avec
pas mal de rayonnages de bibliothèque fixés aux murs) et pas mal de
vêtements, puis la paperasse et
beaucoup de matériel informatique pas vraiment utile ainsi que des
ustensiles de cuisine, le tout à grands renforts de bacs de rangement
en plastique ; puis nous avons monté quelques étagères une fois que
leur contenu avait déjà disparu, histoire qu'elles puissent servir à
ranger autre chose ;
puis vient l'étape que je qualifie d'atomique parce qu'elle
concerne les choses qui, selon moi, ne peuvent pas vraiment être
séparées : nos lits, l'équipement essentiel de la cuisine (frigos,
micro-onde, vaisselle de base), nos ordinateurs et les bureaux les
supportant, quelques tables, et le nécessaire de toilette en gros
équivalent à ce que nous emportons en voyage (nous avons aussi monté
la télé pendant cette phase, même si ce n'était pas initialement
prévu, parce que nous aimons bien regarder la TNT en
dînant) ;
enfin, nous comptons monter des choses au fur et à mesure que nous
nous rendons compte qu'elles sont utiles, et finalement trier tout le
reste.
[#] Je ne souhaite pas
particulièrement faire la pub d'OVH ici, dont je ne suis
pas terriblement
content et
qui est vraiment cher, mais il semble que (excepté
peut-être FDN mais je crois comprendre que nous n'étions
pas éligible) c'est le seul opérateur fibre à Paris, ouvert aux
particuliers, qui offre des choses qui me semblent être des exigences
minimales de qualité (par exemple un bloc IPv6 fixe
natif, en l'occurrence un /56 même si j'aurais préféré un /48, et la
possibilité d'utiliser son propre routeur) et qui sont considérées
comme des demandes de « pros » (je hais cet euphémisme
ridicule). J'ai tellement entendu d'histoires d'horreurs sur
Orange, SFR et Free que ce n'était vraiment pas question
d'aller chez eux.
C'est l'étape « atomique » que nous avons faite hier (et qui nous a
pris essentiellement toute la journée) : il reste encore beaucoup de
choses dans l'ancien appartement (la machine à laver le linge, un
bureau à moi, mon équipement moto, beaucoup d'affaires de toilette ou
de ménage…), mais désormais nous habitons au deuxième
étage avec
les peluches, et nous y avons passé notre première nuit.
J'ai passé énormément de temps à faire fonctionner la connexion
fibre (nous savions déjà qu'elle fonctionnait avec un
« modem-routeur » fourni par l'hébergeur, mais nous voulions nous en
passer pour avoir une configuration aussi proche que possible de ce
que nous avions deux étages plus bas, à la
renumérotation IP près), mais je ne vais pas m'appesantir
là-dessus : disons juste si ça peut servir à quelqu'un que, pour
le FTTH chez OVH en collecte Kosc,
le PPPoE se fait directement sur le trunk Ethernet et
pas, comme chez Orange, sur un VLAN (835) ; et pour
pouvoir faire passer IPv6, il faut non seulement
activer IPv6 depuis l'interface Web d'OVH
mais aussi faire une requête DHCPv6 de délégation de
préfixe sur l'interface PPP
(ce
n'était pas évident). Si vous ne savez pas ce que tous ces
acronymes (PPPoE, VLAN et DHCP
notamment) veulent dire, ce message n'est sans doute pas fait pour
vous.
J'ai aussi passé énormément de temps à simplement décâbler et
recâbler les ordinateurs, d'ailleurs. J'espérais que le déménagement
m'aiderait à réduire un peu le chaos de l'enchevêtrement de câbles et
d'alimentations qui constitue notre installation informatique, mais
visiblement, c'est raté : ça semble impossible de relier et
d'alimenter trois gadgets sans que ce soit déjà le bordel. (Et une
mention spéciale au passage pour les alims tellement larges que quand
on les branche, les deux prises adjacentes de la multiprise deviennent
inutilisables.)
Au-delà des câbles et des ordinateurs, l'idée que le déménagement
nous aiderait à vivre dans un espace un peu mieux rangé est plutôt
illusoire. À la limite, c'est même le contraire qui se produit : il
est tellement fastidieux de bouger les choses et de décider où les
mettre qu'on finit par les mettre au premier endroit venu, et
l'organisation est bien pire à l'arrivée qu'au départ.
❦
Tous ceux à qui nous avons parlé de ce déménagement (de ma maman et
ma belle-maman jusqu'à l'employée du supermarché voisin à qui nous
faisons régulièrement la causette, en passant par beaucoup de nos
amis) nous ont félicités et promis que nous serions bien. Ça part
évidemment d'un bon sentiment, mais je trouve cette injonction au
bonheur un poil stressante, et peut-être d'autant plus stressante que
c'est littéralement un problème de riche de dire en fait, non :
on a l'impression d'être un ingrat qui ne mesure pas la joie qu'il
devrait ressentir.
Le fait est que ce nouvel appartement, sans compter la baisse de
niveau de vie qu'il m'aura coûté, pour l'instant, j'en vois surtout
les inconvénients. C'est sans doute normal : pas loin de vingt ans
d'occupation de mon appartement au rez-de-chaussée m'ont habitué à
celui-ci (y compris à ses défauts) et tout changement ne peut être
qu'un changement pour le pire. C'est le même phénomène qui fait que
quand on change quelque chose dans un service public, disons par
exemple un réseau de bus ou des horaires de train, on fait
immédiatement plein de mécontents parce que leur utilisation
routinière est perturbée, alors que les gens qui profiteront du
changement n'apparaîtront qu'au fil du temps quand ils découvrent
qu'il y a quelque chose de commode pour eux dans le nouveau système.
Peut-être qu'il y a des choses qui seront mieux dans ce nouvel
appartement, mais pour l'instant je ne les vois
pas[#2], je vois surtout la
salle de bain minuscule, le découpage des pièces mal fait, l'aération
qui marche très mal, le temps rallongé si je me rends compte que j'ai
oublié quelque chose en sortant, les interrupteurs insupportablement
mal disposés, etc. Étant habitué à un appartement où je pouvais me
balader à poil autant que je voulais parce qu'il n'y avait personne
qui pût me voir, je me sens comme dans un panopticon et ça gâche tout
plaisir qu'il pouvait y avoir à recevoir un peu plus de lumière du
jour. On devrait avoir plus de place pour ranger les choses, mais en
fait ce n'est pas vrai à cause de l'immense salon qui ne peut pas
vraiment servir d'espace de stockage, et il y a déjà quantité de
choses que je ne sais pas du tout où mettre.
[#2] Il y a deux choses
qui pourraient passer pour des avantages (avantages très modérés eu
égard au coût pour y arriver), c'est un bureau mieux rangé et une
connexion Internet avec un meilleur débit (encore que même là il y a
eu des choses sacrifiées, comme une adresse IPv6
mémorable ce que, franchement, j'estime peut-être plus important que
le débit). Mais ces choses auraient pu être acquises sans changer
d'appartement, donc ça ne compte pas.
En fait, je suis mentalement dans le même mode que quand j'occupe
une chambre d'hôtel : je cherche mes marques, je prends énormément de
temps à faire quoi que ce soit parce que toutes
mes petites habitudes ont volé en
éclat (du coup je me demande comment faire les choses les plus
simples : je ne sais pas où poser ma serviette avant de prendre ma
douche et après, par exemple), et j'ai vite hâte de revenir chez moi…
sauf que là je suis chez moi et qu'il va falloir que je m'y fasse.
(Un signe que je ne me sens pas chez moi, c'est qu'instinctivement
je garde mon portefeuille, mes clés et mon téléphone dans mes poches,
comme je le fais tant que je suis dehors, alors que dans l'appartement
que j'avais au rez-de-chaussée, la première chose que je faisais en
rentrant était de les poser ; mais maintenant, je ne sais même pas où
les poser.)
Bref, je suis très attaché à mes habitudes. Ce n'est pas que je
sois hostile au changement (après tout, j'ai bien quitté ma chambre
chez mes parents pour m'installer à Paris ; et plus récemment, le
poussinet et moi avons fait un bon nombre de changements dans nos
habitudes, par exemple celui d'utiliser nos week-ends pour nous
balader en forêt date de 2018 et c'est un changement que j'ai
accueilli avec plaisir) ; mais je déteste profondément le fait que le
changement me soit imposé par l'extérieur au lieu que je puisse y
procéder à mon rythme. Or là, pour le déménagement, il était
difficile d'éviter une étape « atomique » comme je l'ai dit plus haut
(alors que pour déménager de chez mes parents vers Paris, j'avais tout
acheté en double et j'étais passé par une très longue phase où je
dormais de plus en plus souvent à Paris si bien que j'avais
véritablement deux « chez moi »).
Mais ce n'est pas tout : il y a aussi une forme d'attachement
affectif à mon ancien appartement… pas à l'appartement lui-même, mais
à tous les souvenirs qui sont attachés à ses
murs, des souvenirs des moments heureux
que j'y ai vécus. (Mon appartement fait un peu partie de moi
comme l'explique très
justement ce
texte : il est normal que remplacer une partie de moi ne soit pas
quelque chose d'anodin.)
J'ai quitté
mon bureau parisien (où je travaillais depuis 2010) avec une
grosse boule dans le ventre, il n'est pas surprenant que je ressente
quelque chose d'analogue vis-à-vis d'un lieu où j'ai passé encore
beaucoup plus de temps. Quand je retourne pour chercher quelques
affaires dans cet appartement qui ressemble maintenant plutôt à un
chantier laissé après un cambriolage, j'ai une sensation qui
s'apparente à celle qu'on éprouve lors de la disparition d'un être
cher : celle de souvenirs qui se perdent, noyés comme des larmes dans
la pluie.
Je range ma paperasse, et je me demande comment la trier
Méta / contexte : Je suis encore
plus inhabituellement débordé en ce moment que d'habitude, surtout que
j'ai bêtement utilisé les vacances de fin d'année pour essayer (sans
grand succès) de me reposer plutôt que d'évacuer des choses que je
devrais faire, qui me sont ensuite retombées dessus avec une certaine
violence ; et j'ai mis de côté un certain nombre de choses que je
voulais faire ou écrire sur ce blog (par exemple, même si j'aurais
plein de choses à répondre aux commentaires, parfois intéressants,
faits sur l'entrée précédente, et
je le ferai peut-être un jour, je n'ai vraiment pas le temps en ce
moment) ; c'est aussi là un intérêt de Twitter qu'il est souvent plus
facile de trouver quelques secondes dans une file d'attente pour
écrire 280 caractères que ce qu'il me faut pour pondre des pages sur
ce blog. Cette entrée-ci, qui évoque un sujet de débordement en ce
moment, a commencé comme une série de tweets, donc je me suis dit
qu'elle devenait vraiment trop longue, donc je la convertit en entrée
de blog, mais le style s'en ressent peut-être du coup.
Dans la perspective
d'un déménagement imminent, j'ai
trié ou retrié, pour les ranger correctement, des années de courrier,
de documents et de paperasse (personnels et administratifs).
Globalement, ma méthode de tri est : une chemise par dossier
(interlocuteur / sujet), et par ordre chronologique inverse au sein de
la chemise. J'ai, par exemple, un dossier boulot, un
dossier impôts, un dossier banque, un
dossier médical, etc., et chacun est rangé chronologiquement en
commençant par ce qui est le plus récent. L'intérêt est que c'est
assez efficace à ranger, il suffit d'ouvrir la bonne chemise et de
mettre tout en haut, et que ce n'est pas trop pénible pour retrouver
les papiers ensuite. Mais si l'idée générale est bonne (je crois), il
y a plein de détails douteux qui rendent malheureux le maniaque que je
suis des typologies précises, et qui concrètement font que les papiers
restent difficiles à retrouver même si on les a « bien » rangés.
Par exemple, dans un même dossier, j'ai souvent des documents avec
une date bien précise (factures, relevés…) et d'autres ayant une
validité très longue voire indéterminée (contrats, par exemple).
Classer les deux ensemble pose problème pour retrouver les seconds :
mettre mon contrat de travail à la date où il a été signé n'est pas
forcément idéal s'il s'agit de pouvoir le retrouver facilement. Mais
sinon, où ? Tout au début ? Tout à la fin ? Dans une chemise
différente de celle où je mets mes bulletins de salaire ? Faire un
dossier contrats semble tentant, mais c'est bizarre de ranger
les contrats séparément sous prétexte que ce sont des contrats
(d'autant qu'ils sont d'importance très inégale). Ou seulement un
dossier contrats en cours et ensuite je classe à la date
chronologique de (fin ? début ?) de contrat ? Est-ce que je range
l'acte d'achat de l'appartement avec tous les documents relatifs aux
prêts bancaires pour l'acheter ? Où est-ce que je mets
le PACS conclu avec le poussinet ? Et bien sûr, la
frontière entre les documents « ponctuels » et les documents « longue
durée » n'est pas du tout nette. Ne parlons pas, d'ailleurs, de ce
qui n'est pas daté (il y avait sans doute une date sur l'enveloppe,
mais je n'ai pas gardé l'enveloppe) mais qui périme peut-être quand
même un jour.
La manière de regrouper selon les interlocuteurs / dossiers pose
aussi plein de problèmes dans les cas limites (est-ce que je fais un
dossier retraite séparé du dossier boulot ? mais ça se
recoupe beaucoup). J'ai un dossier banque, mais peut-être
devrais-je avoir un dossier séparé pour chaque banque chez laquelle
j'ai (ou ai eu) un compte, surtout que la banque la moins importante
m'a le plus noyé sous les papiers. J'ai un dossier moto avec
tout ce qui concerne l'achat, l'entretien, l'immatriculation du
véhicule… mais l'assurance passe par la MAIF et est
donc rangée avec l'assurance habitation. Aussi, est-ce que j'y mets
aussi ce qui se rapporte à mon permis ? mes souvenirs d'auto-école ?
En parallèle de mon boulot à Télécom, j'ai fait passer des concours
des ENS pendant quelques années (2007–2010) : Est-ce que
je range ces bulletins de salaire-là avec les autres juste par ordre
chronologique ? ou est-ce que je fais un dossier séparé ?
Il y a des dossiers clos (comme le dossier thèse
ou candidatures MdC 2006–2007 ou encore les
cinglés qui ont imaginé que j'avais une
dette envers eux — peut-être parce qu'on leur a donné un faux nom
— et m'ont envoyé une société de recouvrement de créances) et
d'autres qui ne le seront pas tant que je suis en vie
(médical, impôts, courrier personnel) : j'ai
tendance à diviser ces derniers par tranches chronologiques, mais ce
n'est peut-être pas idéal. Est-ce qu'il vaut mieux faire un gros
dossier médical ou est-ce que je subdivise par spécialité
médicale ? (Si je cherche un examen ancien, ce n'est pas évident de
retrouver par date, même si grâce au journal que je tiens, je dois
pouvoir.)
En plus des documents qui me concernent nominativement, il y a des
documents et livrets d'information (guide de tarifs bancaires,
notices, ce genre de choses) : faut-il les ranger avec ? À la date où
je les ai reçus ? Et les anciennes cartes de membre de quelque
chose ? Aussi, j'ai pas mal de choses que je garde comme souvenirs
personnels : la limite entre les documents administratifs et les
documents personnels n'est pas toujours claire, et ça devient encore
plus problématique pour le classement.
Il est souvent clair si un document me concerne moi ou concerne mon
poussinet, mais pas toujours (dans le cas d'un achat ou contrat commun
dont nous nous serions occupés de façon jointe et dont nous n'aurions
qu'une copie), et de nouveau, ceci pose des problèmes de rangement,
surtout que parfois, pour un même dossier, il peut avoir conservé
certaines pièces et moi d'autres sans que ce soit toujours clair qui a
qui ou selon quelle logique.
Et puis il y a des documents encore plus spéciaux, si j'ose dire.
J'ai écrit un testament, par exemple, ainsi que des instructions à
ouvrir s'il m'arrive un accident grave : par définition, ce n'est pas
seulement moi qui vais devoir retrouver ces documents le cas échéant
(même si je peux avoir à les retrouver por les détruire, réécrire,
modifier, amender ou relire). Il se pourrait qu'il y ait plusieurs
documents, possiblement de nature proche, que des amis m'ont demandé
de conserver sous forme scellée et dont je ne connaîtrais pas le
contenu ; et éventuellement avec des consignes (par exemple de
discrétion) un peu contradictoires avec le rangement. Il se pourrait
qu'il y ait des documents de nature stéganographique.
Informatiquement, ce que je ferais dans beaucoup de cas douteux, ce
sont des liens
symboliques (permettant au même fichier d'apparaître à plusieurs
endroits où on pourrait avoir envie de le chercher), mais quand il
s'agit de vrais documents papier, ce n'est pas évident ! (Je pourrais
insérer un papier ad hoc disant le papier machin reçu à la date
truc est rangé dans le dossier bidule, mais ce serait vite
extrêmement fastidieux d'écrire ces papiers-liens, et plus encore de
maintenir la cohérence.) Quant à tout numériser, c'est l'idéal, mais
vu le temps que ça me prend de scanner une page, j'en aurais pour bien
plus d'heures que je ne veux y consacrer. Je ne parle pas,
d'ailleurs, du problème de s'y retrouver dans des archives qui sont
moitié papier et moitié informatisés (par exemple, les arrêtés de
détachement pris par le ministère de l'Éducation nationale pour me
détacher à Télécom Paris me sont aléatoirement fournis sous forme
papier — auquel cas je les scanne mais je garde quand même la version
papier — ou sous forme scannée — que je n'imprime pas forcément).
Au-delà de ces problèmes si j'ose dire « logiques », dans le
rangement, il y a aussi des problèmes « physiques ». J'utilise de
simples chemises papier sans rabats (parce que les rabats à ouvrir et
fermer à chaque nouveau papier étaient un facteur non négligeable dans
ma flemme à ranger mes papiers ; mais aussi parce que les chemises à
rabats supportent beaucoup moins bien que les bêtes papiers pliés
qu'on les remplisse au-delà de leur capacité nominale ; et par
ailleurs, les élastiques des chemises à rabats supportent assez mal le
vieillissement). Mais le problème se pose de savoir quoi faire de ce
qui n'a pas le format A4 réglementaire, soit que ce soit trop grand
(ça ne rentre pas dans la chemise) soit que ce soit trop petit (ça
rentre, mais ça tombe et se déclasse dès qu'on manipule les choses).
Je n'ai pas trouvé, notamment, comment stocker les cartes postales,
souvent jolies, que nous avons reçues d'un peu partout à l'époque où
le poussinet en envoyait à plein d'amis dès qu'il bougeait quelque
part (et de fait, quand on en envoie, les gens rendent la pareille) :
elles ont des formats très différents, ne tiennent pas dans une
pochette ni avec ni sans rabats, il faut sans doute que je trouve une
boîte de la bonne taille.
Une fois les papiers rangés (plus ou moins logiquement) dans des
chemises colorées (j'ai abandonné toute tentative d'avoir une logique
au choix des couleurs), il faut ranger les chemises. Dans mon ancien
appartement, j'utilisais des chemises à rabats et je me contentais de
les empiler sur mon bureau ; problème : pour insérer quelque chose
dans une chemise, il faut l'extraire de la pile, qui commence
rapidement à ressembler à une tour de Pise. Cette fois, j'ai décidé
d'utiliser des boîtes de rangement en plastique de 34cm × 23cm × 14cm
(mon Carrefour local en vend un lot de 10 pour environ 15€, j'ai
dévalisé leur stock) avec l'idée qu'il est sans doute plus simple
d'empiler les chemises dans les boîtes et les boîtes sur les
étagères ; mais c'est difficile de trouver une logique mémorisable
pour quelle chemise va dans quelle boîte et qui garantit un
remplissage raisonnable des boîtes. Je ne suis pas du tout convaincu,
en revanche, par les cartons à papiers (qui pourraient remplacer les
boîtes), ils sont trop pénibles à ouvrir ou fermer, et surtout, ils
sont prévus pour un rangement vertical du papier qui me semble
décidément moins pratique qu'un rangement horizontal (par exemple, la
position verticale fait que le papier se déforme s'il n'y en a pas
juste la bonne quantité dans le carton, les cartons ont tendance à
tomber dès qu'on en prend un, bref, je ne suis pas fan).
Au final, j'ai fait… quelque chose. Qu'on pourrait temporairement
qualifier de raisonnablement bien rangé, mais dont je sais
pertinemment qu'en quelques mois ce sera de nouveau le chaos.
My relation to English, bilingualism, and this blog
For a change, this blog entry will be in English, and will be about
this very fact; or rather, about the fact that it is unusual, because
I very rarely write in English here nowadays. Even though I had
started this blog (in 2003) with
the intention of making it bilingual (in the sense that some posts
would be in English, others in French, and still others translated in
both languages), I really can't say I kept this “promise”, and the
present entry is a kind of apology, excuse, or at least, explanation,
for that fact. Yesterday I rewrote the introductory blurb displayed,
before the content itself, at the top of various pages (e.g., the
page listing the most recent entries), and the last
remnants of this old pretense of bilingualism have been swept away.
But why?
Before I get into this, I need to say something about my personal
relation to English, how I learned the language, and how well I speak
it. I had written something about this
in this other entry, also in
English and also about English, but I should elaborate a bit.
And by elaborate a bit, I mean make an epic rant of
it.
Well, it's Complicated®. One tends to classify speakers of a
language into “native” and “non-native” categories.
The Simple
English Wikipedia (there is a kind of irony here) suggests the
criteria for being classified as a “native” speaker are some
combination (logical conjunction?) of the following:
the speaker learnt the language in childhood,
mastery of idiomatic forms of the language,
comprehension of regional and social variance,
fluent, spontaneous production and comprehension of discourse.
I think I can tick all four boxes, but each time with a
slight caveat.
How did I learn English? My father is an English-speaking Canadian
(he was born in Saskatoon and grew up mainly in Ontario), who moved to
Europe in the early '60's, and learned French there, and also met my
mother, who is French and whose native language is French. I have
dual Canadian and French citizenship. For some reason (which they
themselves are not able to adequately explain, but which is certainly
related to the way society has evolved in how it considers
bilingualism), my parents only spoke French to me when I was a
toddler. However, when I was 8, we moved to Toronto for the 1984–1985
academic year, and I attended third grade in (the English-speaking)
Cottingham public school, Summerhill, Toronto. I remember there
having been some discussion as to whether I would attend a
French-language school, an English-language one, or a bilingual one: I
was offered the choice, and I opted for the English one, which was
mere minutes' walk away from where we lived, after we had ascertained
that the schoolteacher had some knowledge of French and that she was
able and willing to help me learn English. (And I owe a lot to
Mrs. Marr, who, indeed, made a lot of efforts getting me to speak
English very quickly, and also realized that I didn't need any of the
math classes she taught and let me use that time to improve my English
instead. It also helped that my fellow schoolchildren were very
welcoming toward the stranger that I was and readily accepted me as
one of their peers. Perhaps the only time I regretted my choice of
going to an English-speaking school was the very first day of class,
when the teacher had forgotten that she had a French pupil in class, I
realized that I understood almost nothing of what was being said or
asked of us, did not dare walk up to the desk and ask, and ended up
just crying on the spot. But once this slight initial trauma had
passed, all went well.)
I did have some slight exposure to English before the age of 8, not
only because I must have heard my father speak the language (just not
at me), but also because, in preparation to the move to Toronto, my
parents enrolled me in a private English class in Orsay. I guess the
teacher must have been British, my memories are obviously quite vague
on the subject. Anyway, I had very rudimentary knowledge of English
before then[#], but I only
really learned it in 1984.
[#] There was a point
when — I must have been around 6 — someone asked me whether I spoke
English, and, ever the logician, I answered my German is
better. Which meant that I must have known two words of English
and three words of German, so it was technically accurate (the best
kind of accurate, they say).
Is 8 young enough to be considered childhood in the sense of
the aforementioned first bullet point? Probably, but with a caveat to
the effect that English is still only the second language I
learned.
When I look back upon that time, it seems that my transition from
“not speaking English” to “speaking English fluently” was
astonishingly fast[#2]. I
don't know exactly when the school year began, but I understood very
little English at this point, yet by the time of Halloween, so a mere
two months later, it seems I was getting along fine trick-or-treat-ing
in the neighborhood.
[#2] I should mention
at this point, however, that I am fully unconvinced by the theory
that, in identical circumstances, children learn languages much faster
and more easily than adults. I may seem to be contradicting my own
evidence, but the crucial qualifier is in identical
circumstances: not only do children have generally more time to
devote to the learning of a new language, but also, when they make
what prescriptivists would call mistakes, adults step in and
correct them, or their fellow children make fun of them, and they are
forced to learn quickly: this is simply not the case when adults learn
a foreign language, because it is impolite for other adults to
constantly interrupt and correct them (and the other adults generally
have other things to do than help them learn the language). See
also this
video, which makes a number of good points, for various bits of
evidence against the idea that kids learn languages faster than
adults.
From that point on, and even after we had returned to France, I
spoke English with my father, at least when my mother wasn't around.
I also read a lot in English, both fiction and non-fiction, and
learned a lot of vocabulary by reading.
But there are two issues with learning new vocabulary through
books. One is that, since English has essentially no relation between
the written and spoken form, I often didn't know how to pronounce the
words I learned and generally didn't bother to check in a dictionary
(and my guesses were occasionally wildly wrong: for example, for a
long time I thought genuine was pronounced /ɡəˈnaɪn/ instead of
/ˈdʒɛnjuˌɪn/). Another issue is that I only learned whichever words
were likely to come up in the books I read: since there was a lot of
heroic fantasy, I learned a lot of quaint or obsolete words, sometimes
with a faux medieval flavor (Tolkien's The Lord of the
Ring and its second-rate epigones use some deliberately archaic
manners of speech, whence I learned nouns like liege,
conjunctions like lest, adverbs like hither and so on).
But only few of the “normal, everyday” words which most native
speakers learn in the course of their daily lives beyond third grade
level: to this day I'm still not comfortable with the names of kitchen
utensils in English (and as for the names of trees and various
categories of animals, in my mind they are lumped in big categories
like, well, tree). To give a random example, I learned the
very common word bollard only very recently. Similarly, since
I didn't attend high school or university in an English-speaking
country, I'm unfamiliar with many of the terms specific to this
context beyond the basic ones like test, grade
and homework (which I guess are common to elementary school
anyway).
Films are probably better than books in this regard: for one, they
don't just teach you words, they also teach you how to pronounce them
(spelling is rarely the issue, and subtitles can be used when it is);
and for another, the language used tends to be more idiomatic than
that found in print. But before DVD's came long, it
wasn't so easy to watch movies in their original language, and even
once DVD's existed, original language subtitles were
rarely available.
Learning English after French, I've also had a number of
difficulties
with “false
friends”. Not so much in cases where cognate/analogous French and
English words have completely different meanings (deception
vs. déception, for example, or injury
vs. injure), as these are noticeable enough that
one inevitably ends up learning them, but rather in the far more
numerous cases where the two words do indeed have a similar meaning
but with a slightly different nuance or connotation, which can cause
subtle and hard-to-detect misunderstandings (to demand
vs. demander). Perhaps even more delicate is the
wealth of French words which sound like they exist in English, which
do exist in English (because English, you know, is a hoarder and
has all the words), which do have the same essential meaning
as in French, but are exceedingly rare or sound very pedantic: so even
if I'm careful and look up the word in a dictionary, the dictionary
will tell me that, yes, the word exists, then I go ahead and use it
and it sounds weird to English speakers because, who says that? (there
are probably much better examples than this, but remuneration
has essentially the same meaning as rémunération
in French, but the latter is fairly common whereas the former is about
ten times rarer if I believe Google Ngrams; the same is true
for ludic versus ludique:
apparently ludic is so rare in English
that someone
on Reddit thought it was a typo).
So we move to point number 2, mastery of idiomatic forms. Well, my
English is fairly idiosyncratic… but so
is my French! There is a lot of English that got its way into my
French, and there are imports from mathematical terminology, from
computer terms and geeks' jargon, from memes and private jokes, and so
on; I also like to deliberately jump from one level of formality to
another, sometimes within the same sentence, just to break
expectations about formality; generally speaking, my French is a
bizarre mix of everything I can get my hands on, and in a state of
permanent redesign. And the same holds true for my English.
Sometimes I'm being unidiomatic because I'm not sure what the most
common way of phrasing something might be: but often I'm deliberately
using an unidiomatic turn of phrase because I like it, because it
appeals to my sense of logic or creativity, or simply to piss off
grammar nazis. Because no matter how well or how little I speak a
language, I always like playing with it. For example, if English has
the word insofar, you bet I'm going to feel free to use the
analogous question inhowfar (= to what extent), not
caring if it's an unidiomatic calque of the
German inwiefern (in the same way
as insofern corresponds to insofar): I
love that German word and there's no way I'm not importing it into my
English. Similarly, you bet that if hitherto exists in a
temporal sense, you can bet I'm also going to use thitherto
and whitherto (or from hencefrom: thencefrom
and whencefrom). You get the picture. Anyway, reading this
entry will give a broad idea of how I express myself in English.
J'ai commencé à écrire une entrée de maths sur la topologie sans
points (la théorie
des cadres(?)
et locales), je me suis rendu compte pour la 696729600e fois que
ce que je pensais pouvoir expédier en peu de lignes s'étend sur un
nombre totalement invraisemblable de pages, je commence à trouver le
sujet d'autant plus fastidieux que je traîne à écrire ce texte, et je
m'énerve sur le fait que je ne finis jamais ce que je commence.
Et là, je me rends compte que je ne finis jamais ce que je
commence est peut-être un avertissement que j'aurais dû prendre au
sérieux avant de me mettre à prendre des cours de moto. C'est parti
pour du chouinage de ma part à ce sujet, donc : si vous n'aimez pas
les chouineurs, allez voir ailleurs (mais si vous n'aimez pas les
chouineurs, qu'est-ce que vous foutez à lire mon blog, aussi ? allez
plutôt sur YouTube, c'est un site de winneurs et d'influenceurs, ça,
YouTube, — les blogs c'est ringard et c'est fini).
L'information nouvelle (enfin, pas tellement nouvelle, je m'en
doutais, mais j'en ai confirmation), c'est que c'est
extraordinairement long de le repasser. Au moins en été. Parce que
c'est en été que :
le plus de gens se disent qu'ils vont passer le permis moto (ben
oui, c'est l'été, il fait beau, il faut en profiter, et ils peuvent
prendre quelques jours de congés pour ça, et peut-être en prendre
aussi après pour en profiter une fois qu'ils auront le permis et la
moto),
les moniteurs d'auto-école et les inspecteurs du permis de
conduire sont le moins disponibles parce que, surprise, eux aussi
prennent des vacances.
Je sentais bien le coup venir et c'est pour ça que moi je m'étais
inscrit en octobre. En pensant que j'aurais fini à temps
pour l'été. C'est à peu près aussi con que quand je promets d'écrire
une entrée de blog sur les octonions en
février 2012 alors que j'arrive péniblement à en publier la
première partietrois ans plus
tard. Soyons réalistes : j'ai pris six ans pour faire ma
thèse, j'aurais plutôt dû me demander si j'aurais ce permis avant ma
retraite ou avant ma mort (ou avant l'épuisement de mes finances), pas
penser que je pourrais l'avoir avant l'été.
Bon mais là l'essentiel du délai ne dépend plus de moi. Il y a
trois pipelines à traverser :
s'inscrire à de nouvelles leçons (parce que l'auto-école, bien
sûr, ne représentera pas un candidat s'il n'a pas pris de nouvelles
leçons, même si on ne m'a pas donné un minimum à ce sujet),
convaincre les moniteurs qu'on est prêt à être envoyé une
nouvelle fois à l'examen,
avoir une date d'examen.
Le premier et le troisième sont complètement saturés, le deuxième
est incompréhensible. Factuellement, j'ai loupé mon permis
le , le moniteur a refusé de me laisser
m'inscrire à de nouvelles heures de conduite tant que je n'avais pas
la confirmation officielle de cet échec, ce qui nous amène
le , et à cette date-là, même en disant que
j'étais disponible n'importe quand, la première leçon que je pouvais
placer était ce matin, , donc compter trois
semaines complètes pour le premier pipeline. Ne sachant pas quoi
penser des deux suivants, j'ai placé trois séances de conduite :
voulant ce matin en ajouter une, le délai était passé à 24 jours.
Concernant le troisième pipeline, l'auto-école a un planning d'examen
(sous forme de petites fiches bristol insérées dans un support mural),
et il est déjà complètement plein pour le mois de juillet (j'ai cru
compter dix journées prévues, avec pour chacune dix « slots » —
sachant qu'une présentation plateau coûte un « slot » et une
présentation circu en coûte deux) ; un moniteur a dit qu'il
demanderait des créneaux supplémentaires en juillet, mais je suppose
que toutes les auto-écoles en réclament et que la Sécurité routière ne
multiplie pas les petits pains : comptons donc quatre semaines au bas
mot pour ce troisième pipeline. Le deuxième est incompréhensible,
donc je n'en sais rien (initialement ils m'ont fait attendre environ
deux mois avant de me considérer comme prêt à passer l'examen ; j'ose
espérer qu'on ne va pas me faire prendre une nouvelle fois autant de
leçons, mais franchement, l'évaluation du niveau d'un élève est un
signal très bruité et on m'a clairement dit priorité aux premières
présentation pour l'examen).
Je précise que je ne raconte tout ça pas uniquement pour le plaisir
de chouiner, mais aussi parce que c'est une information que j'aurais
bien voulu trouver en ligne, le temps qu'il faut en pratique
pour une nouvelle présentation du permis, et c'était vraiment
impossible d'avoir le moindre renseignement dans ce sens, alors je
fais ma petite mission de renseigner le Grand Oracle Omniscient
Gardien du Livre de l'Entendement.
Bref, je suppose que je dois me considérer comme chanceux si j'ai
une date dans la première quinzaine d'août. (J'aurais vraiment voulu
passer avant mon anniversaire, tant pis.) Et je vais être encore plus
stressé la deuxième fois en me disant que si je rate à nouveau j'en ai
pour un temps invraisemblable (et qu'il y a une réforme du permis qui
vient qui le rendra encore beaucoup plus dur, et qui saturera encore
plus les délais de passage, etc., etc.).
Il y a, donc, une partie de moi qui me crie que je n'aurai jamais
ce permis et que je suis con de m'obstiner. Que je suis victime d'une
sorte de scam. Vous savez, le type d'arnaques (il en existe quantité
de variantes) qu'on peut trouver, par exemple, dans une fête
foraine[#] : on vous propose de
faire un truc qui a l'air facile, mais qui est en fait
impossiblement difficile ; ou, de façon plus astucieuse, peut-être que
le premier niveau est faisable, ou
il y a quelque chose qui vous donne l'illusion d'un progrès, vous
persuadant ainsi de mettre toujours plus d'argent pour gagner un lot
qui, plus vous mettez d'argent dedans, plus il vous semblera désirable
(sophisme de
l'escalade
d'engagement) et moins vous aurez envie d'arrêter (sophisme
des coûts
irrécupérables).
[#] À ce sujet, j'avais
bien aimé cette
vidéo décrivant certains jeux typiques de fêtes foraines et
combien ils s'apparentent à des arnaques.
Alors non, je ne pense pas sérieusement que je sois en train de me
faire arnaquer au sens où il y aurait quelqu'un de malicieux dans
l'histoire (la seule partie possiblement suspecte d'être malicieuse
serait l'auto-école mais je ne veux pas me couper sur
le rasoir
d'Hanlon). Mais je peux être en train de m'auto-arnaquer, en
quelque sorte, dans la poursuite d'un but inatteignable (pour moi), et
qui semblerait d'autant plus désirable que les efforts mis à
l'atteindre augmentent.
Le piège dans lequel je suis tombé en commençant à apprendre à
faire de la moto, en fait, c'est que j'ai découvert que j'aimais ça
(alors qu'au début c'était un peu juste une expérience pour voir), et
que du coup, maintenant j'ai envie d'en faire, et pour ça, il faut que
je le passe, ce permis. (En comparaison, pour la voiture, j'ai juste
eu confirmation du fait que je n'aimais pas, donc il est sans doute
logique que le stress ait été moins important.) D'ailleurs, plus le
temps passe et plus je trouve pénible de conduire une voiture, et
c'est le contraire pour une moto.
— Mais peut-être que le fait que ça me plaise est, en fait, une
rétro-justification de l'investissement que j'ai mis dedans. Ça
mérite au moins qu'on se pose la question : pourquoi Sisyphe
s'obstine-t-il à pousser son rocher, au juste ? pourquoi ne dit-il pas
juste f*ck this! pour partir voir ailleurs si
Zeus n'y est pas (ou, s'il ne peut pas partir, au moins rester au pied
de son rocher à bouder et à refuser de le pousser). Il paraît qu'il
faut imaginer
Sisyphe heureux : est-ce que la raison de ce bonheur est la fierté
qu'on peut ressentir devant l'obstination absurde consistant à répéter
inlassablement la même tentative en se disant je refuse
d'abandonner ! (et je ne peux quand même pas abandonner
maintenant, après autant d'efforts) ? La question mérite au moins
d'être posée.
Bref, je refuse d'abandonner, mais je ne suis pas sûr que ce soit
très malin de ma part.
Méta : Je recopie ici, parce que
je pense que ça peut intéresser des lecteurs de mon blog, une
introspection que j'ai écrite pour un forum de discussion d'anciens
normaliens, au sujet des formes de ma mémoire (j'ai un petit peu
remanié le texte au passage, mais il peut rester des traces du fait
que je l'ai écrit dans un contexte différent) : c'est du racontage de
vie personnel, mais il serait intéressant de mettre ça en regard
d'études neurologiques précises, sujet sur lequel, malheureusement, je
ne sais essentiellement rien.
Je me suis longtemps dit que, pour ce qui est de la mémoire,
j'étais très « auditif » et pas du tout « visuel », essentiellement
sur la base du fait que quand j'apprends un texte par cœur (et je ne
suis pas mauvais pour ça, ma mémoire est pleine de citations assez
longues d'extraits de livres, de discours, de poésies ou de paroles de
chansons que j'ai appris presque sans y faire attention), j'entends
plutôt une voix la prononcer que je ne l'imagine écrit. Mais quand je
dis une voix, c'est une voix assez abstraite, qui n'a pas de
caractéristiques vocales bien définies (pas de timbre, pas de texture,
pas vraiment de ton). En fait, je pense aussi que ma mémoire auditive
recoupe assez ma mémoire procédurale et que dans une certaine mesure
je m'imagine plutôt en train de prononcer le texte qu'en train de
l'entendre — mais ce n'est pas clair non plus.
Un autre signe que je suis « auditif », c'est que j'ai appris par
cœur, quand j'étais petit, cinquante décimales de π, ce qui n'est pas
très intéressant (et encore moins un exploit), mais ce qui est
intéressant, c'est que je les ai apprises en français
et par groupes de cinq. C'est une petite chanson dans ma
tête : et je suis incapable de les réciter en anglais (ça demanderait
de traduire au vol la petite chanson, or elle passe trop vite) ; et le
fait que je les ai retenues par blocs de cinq signifie que je ne me
tromperai jamais au sein d'un bloc mais que je risque d'omettre
complètement un bloc ou de faire une autre erreur de ce genre entre
les blocs. (En anglais, je connais seulement cinq décimales de π. En
revanche, je connais mes tables de multiplication en anglais et je
pense que, au contraire des décimales de π, elles ne sont pas
mémorisées de façon uniquement « auditive ».)
En fait, ça fonctionne pareil pour la poésie en général : chaque
vers (ou peut-être chaque hémistiche d'un alexandrin) est, dans ma
tête, une unité atomique, je ne vais pas faire d'erreur au sein d'un
vers[#], en revanche quand la
poésie est vieille et que je commence à l'oublier, le type d'erreur
que je vais faire c'est de ne plus me rappeler quel vers vient après
lequel (et il m'arrive de restituer un poème avec les bons vers mais
permutés de façon plus ou moins
grave[#2]). Je pense que la
manière dont j'ai retenu mes décimales de π est très semblable à une
poésie[#3] dont les vers
seraient des groupes de cinq chiffres prononcés en français.
[#] Le rythme du vers
est très important pour la mémoire (même si je suis bien sûr capable
de retenir de la prose), et particulièrement le tadada-tadada
tadada-tadada des alexandrins : je suis toujours fasciné et irrité à
la fois quand des gens déclament des alexandrins en massacrant leur
rythme (notamment quand ils omettent des ‘e’ prononcés /ə/ ou ne font
pas les synérèses ou diérèses demandées par la métrique) : irrité par
le fait que ça casse la musique que j'ai besoin d'entendre, mais aussi
fasciné par le fait qu'ils mémorisent le vers sans cette petite
musique.
[#2] Pour donner un
exemple concret, il y a un poème des Trophées de
Heredia, Soir de bataille, qui se termine par ces deux
tercets : C'est alors qu'apparut, tout hérissé de flèches, / Rouge
du flux vermeil de ses blessures fraîches, / Sous la pourpre flottante
et l'airain rutilant, // Au fracas des buccins qui sonnaient leur
fanfare, / Superbe, maîtrisant son cheval qui s'effare, / Sur le ciel
enflammé, l'Imperator sanglant. Tant qu'on garde le premier et le
dernier vers, on peut faire n'importe quelle permutation des quatre
autres, et je ne sais jamais laquelle est la bonne (sauf
éventuellement à réfléchir à la structure des vers dans les tercets
des sonnets classiques, et encore, il reste plusieurs
possibilités).
[#3] On ne peut pas,
ici, ne pas évoquer un quatrain mnémotechnique à ce sujet : Que
j'aime à faire apprendre un nombre utile aux sages ! / Immortel
Archimède, artiste ingénieur, / Qui de ton jugement peut priser la
valeur ? / Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.
(compter le nombre de lettres de chaque mot pour obtenir les quelques
premières décimales de π). J'aimerais bien savoir quelle est l'origine
de ce poème, parce que c'est assez fort, comme exercice oulipien,
d'avoir construit un quatrain vaguement sensé, en alexandrins
irréprochables, aux rimes impeccables, et dont le nombre de lettres
des mots donne les premières décimales
de π. Ici
on a une proposition de variation+suite, mais la versification laisse
à désirer (il y a des alexandrins dont la césure manque, des rimes qui
sont pour moitié singulières et pour moitié plurielles, etc.).
Parlant de poésie, je suis encore capable de réciter un passage
assez long de l'introduction du poème de Pouchkine, Le Cavalier
de bronze (Медный всадник), en
russe. Et ce qui est amusant, là, c'est que j'ai oublié le sens de
pas mal de mots (je sais quel est le sens global, mais plus toujours
ce que tel ou tel terme, ou telle ou telle expression signifie
exactement). Autrement dit, la mémoire (auditive ou procédurale) du
son des mots a subsisté plus longtemps que la mémoire de leur
sens.
[Cf. aussi cette vieille entrée,
que j'avais complètement oubliée — c'est ironique pour une entrée sur
la mémoire — et qui recoupe largement ces quelques derniers
paragraphes.]
Je me suis longtemps dit que j'avais une mémoire visuelle toute
pourrie parce que je n'arrive pas à former des images très précises
dans ma tête, ou alors elles sont dénuées de détails et ça demande
beaucoup d'efforts pour en ajouter. (Ce n'est pas de l'aphantasie,
mais les images que j'ai dans la tête ne correspondent pas vraiment à
quelque chose que je verrais : elles sont pour ainsi dire très pâles
en comparaison ; ce sont plutôt des esquisses dans lesquelles je code
plus ou moins les détails que je veux retenir, mais de façon plus
figurée que vraiment visualisée.) D'un autre côté j'ai un plutôt bon
sens de l'orientation et je n'ai pas spécialement de problèmes
d'orthographe. Et mon cerveau est parfaitement capable de former des
images, parce que quand je rêve, c'est surtout en images, et pour le
coup, elles sont assez précises (et même si elles disparaissent
rapidement après que je me suis réveillé, avant qu'elles le fassent
elles sont peut-être plus vivaces que des souvenirs réels).
Quand j'apprends une nouvelle langue, je me rends compte qu'il faut
un certain temps pour que les nouveaux phonèmes que cette langue
comporte prennent une place dans ma mémoire. Autrement dit, dans un
premier temps j'apprends à prononcer le son, puis j'apprends à le
distinguer à l'oreille de sons qui ressemblent, et c'est seulement
ensuite, après encore assez longtemps, que j'arrive à
distinguer dans ma mémoire ces différents sons. Par exemple,
quand j'ai appris un peu d'arabe, même une fois que j'avais appris à
distinguer à l'oreille le ‘t’ « normal » (non pharyngalisé,
/t/, ت) et le ‘t’ pharyngalisé
(/tˤ/, ط), ils restaient fusionnés dans ma mémoire,
et je sentais bien que les mots étaient retenus comme deux
informations séparées, une prononciation réduite d'une part (où ces
deux sons sont mémorisés comme des ‘t’) et une information
additionnelle me disant que tel ou tel ‘t’ du mot était ou non
pharyngalisé ; et ce n'est qu'en gros quand j'ai arrêté d'étudier
l'arabe que je commençais tout juste à retenir ces informations en
bloc et à ne plus considérer mentalement les deux consonnes comme deux
variations d'une même lettre (ce que, du point de vue de l'arabe,
elles ne sont pas du tout). Mon expérience des tons du chinois a été
vaguement analogue (si ce n'est que mes tentatives se sont arrêtées
encore plus tôt). Du coup, ceci remet en doute l'idée que ma mémoire
soit véritablement « auditive », ou en tout cas, si elle l'est, ça
montre qu'il y a une belle couche de compression qu'il n'est pas
évident de recâbler.
Parlant du chinois, là où je me suis rendu compte que j'étais
vraiment mauvais, c'est pour retenir la forme des caractères (en même
temps, je n'ai pas fait énormément d'efforts, me disant par principe
que je serais mauvais pour ça et que j'en ferais le strict minimum,
apprenant surtout le chinois via le pinyin). Déjà pour apprendre les
syllabaires japonais, qui ne sont pas très gros, j'ai eu énormément de
mal dès qu'il y avait des caractères vaguement ressemblants (お
et な et ね par exemple, ou は et ほ ; et
pour les katakanas c'est pire) et je les ai oubliés à une vitesse
folle.
[Cf. aussi ce que j'écrivais
ici, qui recoupe largement ces deux derniers paragraphes, avec
plus de détails.]
Je me suis longtemps dit que j'étais très mauvais en reconnaissance
des visages. (Je sais que quand je regarde un film, ça m'arrive
souvent de me demander : hum, est-ce que ce personnage est celui
qu'on a déjà vu ou est-ce que c'est un autre ?) Mais en fait ça
doit être plus compliqué que ça, parce que, par exemple, à l'occasion
de je ne sais plus quel sommet européen où le poussinet et moi
regardions la télé qui diffusait des images des chefs d'état et de
gouvernement et autres responsables d'institutions en train de se
saluer, j'étais capable d'identifier beaucoup de gens (en tout cas
nettement plus que le poussinet). Il m'arrive aussi assez souvent de
croiser quelqu'un dans la rue et de me dire hum, mais je connais
cette personne, qui est-ce donc ? et de passer un certain temps à
me gratter la tête avant d'abandonner ou de conclure que c'est un
serveur dans tel restaurant où je vais de temps en temps, ou un
caissier dans le supermarché que je fréquente, ou quelque chose comme
ça : je ne sais pas si c'est un signe que j'ai plutôt mauvaise mémoire
(il me faut beaucoup de temps pour retrouver quand je vois la personne
hors contexte, et parfois je n'y arrive pas du tout) ou bonne
(j'arrive quand même à identifier des gens que je vois finalement
assez rarement). Mais à côté de ça, si on me demande si un collègue
que je fréquente tous les jours porte des lunettes, ou quelle est la
couleur de ses cheveux, je vais être incapable de répondre. On dirait
que mon cerveau stocke juste
un haché du visage, à partir duquel
il est impossible d'extraire des informations précises.
J'ai une mémoire du même genre pour les odeurs. J'ai plusieurs
fois fait des tests où on fait sentir un parfum classique (du style
vanille, poivre, clou de girofle, coriandre, ce genre de choses) dans
une bouteille sans marquage et on demande d'identifier ce que c'est :
je ne suis pas trop mauvais, mais quand j'y arrive je me rends compte
que c'est plus ou moins en parcourant une longue liste de trucs
vaguement plausibles et à chaque fois en essayant de matcher : ma
mémoire ne fait pas vraiment l'association parfum↦nom mais plutôt
(parfum,nom)↦vrai-ou-faux, et c'est vaguement pareil pour les visages.
Si j'essaie d'imaginer, là, comme ça, le parfum de la vanille ou de la
cannelle, j'ai une cheap plastic imitation, qui
sont effectivement différentes l'une de l'autre, mais c'est à peu près
tout.
Pour la musique, je suis peut-être meilleur. Quand j'ai un air qui
me trotte dans la tête et que j'essaie de l'identifier, ce qui arrive
souvent, j'arrive généralement à le siffler ou à le transcrire à la
flûte : la transcription n'est pas terrible, mon sens du rythme est
tout pourri, c'est embarrassant, mais pas au point que l'air soit
impossible à reconnaître. Exemple concret avec un air que j'ai
transcrit
comme ceci
et qui était en
fait ceci ;
et finalement ça m'est revenu ce que c'était alors que ça faisait
longtemps que je ne l'avais pas écouté, le concerto pour piano de
Schumann.
Enfin, il y a un type de mémoire qu'il ne faut pas omettre de
mentionner, c'est la mémoire procédurale. Je n'ai jamais fait de
piano, par exemple (je sais où sont les touches et je sais lire une
partition, mais vraiment pas assez vite pour « jouer », et
certainement pas quand il faut jouer plus qu'une note à la fois), mais
il y a quand même des petits morceaux simples que j'ai mémorisés de
façon purement mécanique. Et ce qui est amusant avec la mémoire
procédurale, c'est que c'est des successions d'actions qui ne doivent
surtout pas être interrompues : en tout cas pour moi, si je
m'interromps pour me demander où est-ce que j'en étais, au
juste ?, c'est foutu. Et j'ai un peu ça avec les vers des poésies
(cf. ci-dessus) : si je commence à trop réfléchir je vais me planter
dans l'enchaînement des vers. Mais je me rends compte aussi en
apprenant à conduire [cf. par exemple ce que
j'écrivais ici] qu'il y a toutes
sortes de niveaux d'automatismes auxquels on peut « apprendre »
quelque chose procéduralement, donc la mémoire procédurale a toutes
sortes de subdivisions que je suis loin de bien comprendre.
J'avais commencé à écrire cette entrée vers septembre–octobre 2017,
pour me changer les idées à l'occasion d'une période
de stress particulier (liée, entre
autres, à mes cours de conduite — à l'époque, de voiture, donc), et je
l'ai un peu remaniée quelques fois depuis, mais je ne l'avais jamais
publiée. Comme quelqu'un a fait un commentaire sur
la dernière entrée me demandant si
je m'étais déjà pris des râteaux (le pape est-il catholique ?), et
c'est vrai que la comparaison est intéressante, cela vaut peut-être la
peine de la ressortir, quitte à la finir et relire en vitesse.
Forcément, cette écriture en plusieurs phases doit laisser des traces,
le style est un peu incohérent, et peut-être même que les faits le
sont (toute histoire est une
réinterprétation, qui sait combien ma mémoire a trahi la
vérité).
Je vais parler un peu de moi, donc, et en l'occurrence, de mon
rapport à mon orientation sexuelle : si vous n'aimez pas le racontage
de vie, passez votre chemin. (Si vous aimez, je note que j'avais
déjà écrit ici une petite
autobiographie sur mon rapport à l'informatique.)
Ajout : voir cette
entrée ultérieure pour un documentaire fort intéressant qui
rassemble divers témoignages.
1. Collège et lycée
J'essaie de me rappeler à quel moment précis j'ai pris conscience
que j'étais attiré par les garçons, mais sans grand succès. Ça devait
être en 1989 ou 1990, vers la classe de quatrième, soit quand j'avais
treize ans. Plus exactement, ce que je me rappelle nettement, c'est
mon premier béguin. (Je vais utiliser le terme béguin, même
s'il ne me plaît pas trop, pour un amour à sens unique, non
réciproque, ce qu'on anglais on peut rendre
par crush ou infatuation ;
l'idée est de réserver autant que possible le terme amour pour
quelque chose qui se construit à deux.) Béguin qui est resté
complètement secret, évidemment.
Sébastien H.[#1.1] était un
garçon de ma classe (nous étions aussi parmi les rares à faire russe
en LV2), sportif, gentil, plutôt
« populaire ».
Surtout, il était de ceux qui ne me regardaient pas trop comme
un OVNI. Je ne veux pas donner l'impression que
j'ai été harcelé au collège ou au lycée : pas du tout, globalement
l'ambiance était très bonne, je n'ai pas subi de
moqueries[#1.2] ou d'autres
méchancetés ; et j'avais de bons amis ; mais le geek atypique
très-bon-élève-sauf-en-sport que j'étais était vite catalogué comme
légèrement surdoué/cinglé (j'ai la faiblesse de croire que les deux
sont faux) et certains m'évitaient ou, en tout cas, n'auraient pas
voulu m'inclure dans leurs cercles de fréquentations. Sébastien, lui,
était plutôt protecteur à mon égard : en cours de sport (où j'étais
franchement nul, donc), il m'encourageait ; si au handball nous étions
dans la même équipe, il pouvait me passer la balle alors que la
plupart des autres cherchaient surtout à éviter ça sachant que je
risquais de la perdre ou de faire une faute avec.
Mais aussi, il devait correspondre à une certaine image que j'avais
de la virilité. J'ai déjà raconté
ici que je n'ai jamais su clairement distinguer le désir que je
peux éprouver pour un homme (l'envie-d'avoir, disons, l'envie
de coucher avec) et l'envie que me fait son corps
(l'envie-d'être, je veux dire, l'envie de
lui ressembler, voire d'être à sa place, dans sa peau) : si
bien que les garçons qui m'attirent
physiquement[#1.3] sont,
généralement parlant, ceux à qui je voudrais ressembler et vice versa.
(Et dans les deux cas, mes goûts sont
assez éclectiques et passablement
incohérents.)
Je n'arrive pas à me rappeler ce que je pensais de mon propre
corps. Quand je regarde les peu nombreuses photos de moi entre la
puberté (exemple ici en
classe de troisième) et, disons, la fin de ma prépa, je me trouve
très moche ; mais bon, je ne suis vraiment pas attiré par les garçons
de 14 ans, c'est forcément un peu difficile de juger avant autant de
recul. Ce qui est sûr, c'est que le type de garçons qui m'attiraient
au collège et au lycée, le type de garçons à qui je rêvais de
ressembler, ou dont je rêvais d'être dans la
peau[#1.4] quand je me
masturbais, étaient différents de mon physique réel.
Bref, je dois reconnaître que je ne comprends pas vraiment l'ado
que j'ai été. Ou plutôt, l'ado qui a maintenant disparu et dont j'ai
hérité de souvenirs (cf. ici) sans
avoir toutes les clés pour les déchiffrer.
Pourquoi, par exemple, est-ce que j'ai persisté à être mauvais en
sports (c'est-à-dire, à m'autopersuader que je l'étais) plutôt que de
comprendre que le sport pouvait être une façon à la fois de regarder
des jolis garçons et d'améliorer mon propre physique ? Je n'en sais
rien. J'avais dû m'enfermer dans le rôle du geek forcément mauvais en
sport et qui faisait semblant de ne pas s'intéresser au physique des
gens avec toute la facilité avec laquelle on laisse ce genre de
mensonges nous coller à la peau.
Je me souviens pourtant qu'un moment précis où ce Sébastien m'a
« tapé dans l'œil » était pendant un cours de sport où il s'est mis à
faire des pompes pour crâner en exhibant ses bras musclés — je ne sais
pas s'il a eu l'attention de qui que ce soit d'autre, mais il a
certainement eu la mienne.
J'écris cette entrée pour me défouler. Mes réactions spontanées
quand je suis furieux contre moi-même après un échec sont variées mais
toutes contre-productives : me recroqueviller dans mon coin pour
bouder que le monde est vraiment trop zinjuste, répéter avec
acharnement la chose qui a échoué [lorsque ça a un sens] comme si le
monde devait finir par me donner raison, tout abandonner,
m'auto-flageller en me traitant de dernier des nuls, voire, chercher à
me faire du mal pour me punir, ou au contraire
faire comme si rien ne s'était passé et que je n'avais jamais voulu
essayer de faire la chose sur laquelle j'ai échoué — ou parfois tout
ça successivement dans un ordre varié, voire, simultanément. (Je
suppose qu'il y a une correspondance avec
les étapes
du modèle Kübler-Ross.) Je ne suis pas, ce soir, d'humeur, à
essayer de faire mieux qu'une combinaison de ces réactions idiotes,
mais écrire une entrée dans mon blog a au moins une vertu cathartique.
Avant ça, je suis allé faire un tour à la salle de muscu pour calmer
mes nerfs : mauvaise idée, parce que, à jouer au bourrin pour passer
ma colère, je ne suis pas passé loin de me faire
une nouvelle blessure qui n'aurait
certainement pas arrangé mes affaires, ni mon humeur. Au moins, à
ranter sur mon blog, je ne risque pas de me faire trop mal, juste de
passer pour un guignol mais pour ça the train has
long left the station. Mon moniteur, lui, m'a conseillé de me
bourrer la gueule [sic], mais je ne bois pas, alors à défaut de rant
d'ivrogne je vais faire un rant de sobre. (Le but secondaire est que,
en écrivant jusqu'à 4h du matin, je serai assez fatigué pour arriver à
dormir malgré l'énervement.)
Bref, on aura compris que je me suis loupé en beauté en passant mon
permis. J'aurai les résultats officiellement vendredi matin, mais à
moins que l'inspecteur se soit trompé et ait appuyé sur le mauvais
bouton sur la tablette, il n'y a aucun doute que je suis recalé. Pour
faire bref, j'ai perdu tous mes moyens : j'ai fait une faute
éliminatoire, essentiellement un refus de priorité, immédiatement en
sortant du centre d'examen (et quand je dis immédiatement en sortant,
c'est à 65m de la grille), et ensuite les autres erreurs se sont
accumulées.
Mise à jour () :
L'inspecteur m'a mis la note E (éliminatoire) dans la
catégorie appliquer la règlementation et 2 dans toutes les
autres catégories (plus 2 points au détail, pour un total de 16/27,
mais peu importe). Le commentaire est : Refus de priorité à droite
entraînant un danger immédiat. Risque de collision. (je suppose
que c'est un texte standardisé).
Pourquoi ? Je ne sais pas. C'est d'autant plus irritant que mes
trois dernières leçons s'étaient extrêmement bien passées, mes
moniteurs n'avaient essentiellement rien à me reprocher, et pareil
pour le chemin jusqu'au centre d'examen (il faut bien que des élèves
conduisent les motos à Gennevilliers, et je me suis porté volontaire),
qui était pourtant sacrément plus problématique que le petit parcours
que l'inspecteur m'a fait faire.
Le stress a dû jouer, je suppose. Ça faisait une semaine que je
stressais à l'idée de passer ce permis à tel point que j'en dormais
très mal, et les deux derniers jours j'en avais aussi l'estomac
complètement noué. Comme je
le disais à propos du stress
dans l'entrée que j'avais écrite
après mon passage du permis B il y a un an et demi, ce stress n'est
pas évident à expliquer. Après tout, si on gagne quelque chose en
réussissant l'examen du permis (à savoir, le droit de conduire), on ne
perd rien en le ratant (sauf des frais de présentation qui,
franchement, ne sont pas mon souci) ; mais en fait, cet argument est
bidon : le stress à l'idée qu'on pourrait ne pas gagner quelque chose
est aussi fort que celui qu'on pourrait perdre quelque chose.
J'ai déjà dû l'écrire, mais le piège dans lequel je suis tombé en
commençant à apprendre à faire de la moto, en fait, c'est que j'ai
découvert que j'aimais ça (alors qu'au début c'était un peu juste une
expérience pour voir), et que du coup, maintenant j'ai envie d'en
faire, et pour ça, il faut que je le passe, ce permis. (En
comparaison, pour la voiture, j'ai juste eu confirmation du fait que
je n'aimais pas, donc il est sans doute logique que le stress ait été
moins important.) D'ailleurs, plus le temps passe et plus je trouve
pénible de conduire une
voiture[#0], et c'est le
contraire pour une moto.
[#0] Et je commence à
me dire que j'ai trouvé mon permis B dans une pochette surprise, parce
que non seulement je préfère mais je pense aussi que je conduis
objectivement mieux une moto qu'une voiture (mes trajectoires sont
plus précises, ma maîtrise de l'embrayage et du passage des vitesses
est incomparablement meilleure, je suis beaucoup plus alerte et
attentif à ce qu'il y a derrière…). Une moto étant aussi
objectivement plus dangereuse pour son conducteur, il est sans doute
normal qu'on en demande plus, mais le fait est que j'aurais commis les
mêmes fautes au permis B et sans doute encore d'autres.
Le truc avec le stress, c'est qu'il sera forcément bien pire la
fois suivante.
Bon, et en fait il y a vraiment des choses qu'on perd. On perd
l'argent qu'on va mettre pour prendre les leçons pour aller quand même
jusqu'au bout (au nombre astronomique d'heures où j'en suis je préfère
ne vraiment pas réfléchir à combien tout ça m'a coûté). Mais aussi le
temps que ça va prendre de le repasser, et je crois
comprendre[#] que les
auto-écoles traînent particulièrement les pieds pour les nouvelles
présentations après un échec parce qu'elles ont très peu de places
pour ça (et donc on perd quelque chose après un échec au permis, c'est
le droit à être considéré comme « première présentation » du point de
vue de l'attribution des places aux auto-écoles). Et accessoirement,
on perd la face à avoir échoué à un examen qui a 92% de réussite et
que personne ne rate jamais (vous connaissez quelqu'un qui a échoué au
permis moto ? non, c'est normal, ça n'arrive jamais). Et à devoir
expliquer à tout le monde comment on a pu se planter à une priorité à
droite. Bon, tout ça ce ne sont pas forcément des motifs de stress a
priori, mais des motifs de colère a posteriori certainement.
[#] Je crois
comprendre, parce que, comme personne ne rate ce permis, personne
ne parle non plus de ce qui se passe quand on le rate ou des délais
pour le repasser. Un point Google-fu en chocolat à celui qui arrivera
à trouver un témoignage raisonnablement récent de quelqu'un ayant
passé le permis A2, ayant échoué, et qui raconte combien de temps il a
dû attendre ensuite pour le représenter : moi, en tout cas, je n'ai
rien trouvé de la sorte.
Alors voilà, pour en dire un peu plus sur le fond : nous étions
trois candidats de l'auto-école à la circulation ce jour-ci. Nous
sommes donc partis à cinq (les trois candidats, le
moniteur-accompagnateur et l'inspecteur, un candidat sur la moto à
tour de rôle et les autres dans la voiture avec le moniteur qui
conduisait et l'inspecteur qui guidait) sur un trajet en boucle, dont
j'ai fait la première partie. Le parcours qu'on m'a fait faire
est celui-ci,
de Gennevilliers à Argenteuil. (Je prends la peine de le mettre en
ligne parce que ça m'agace à quel point il est difficile de trouver
des exemples de vrais parcours suivis lors des épreuves de circulation
du permis : les candidats ne font jamais l'effort de retracer
précisément le leur.) Florilège d'erreurs, donc :
Juste en sortant du centre d'examen, j'arrive
à cette
intersection ; j'arrive par le sud, c'est-à-dire par la gauche de
cette photo Google Street View, et j'ai pour consigne de tourner vers
la gauche, c'est-à-dire vers l'ouest, c'est-à-dire vers le fond de la
photo : d'autres voitures arrivent en face (du nord, donc de la droite
de la photo) et elles veulent elles aussi tourner à gauche. Notons
que le carrefour est « à l'indonésienne » sur la voie principale
(est-ouest) : moi et les voitures en question sommes transverses à
cette voie, donc nous devons nous tourner autour. (Je me rends compte
que les descriptifs des carrefours à l'indonésienne omettent toujours
de parler de ce qui se passe quand on vient de la direction
transverse.) Je me suis, correctement mis sur la voie la plus à
droite (i.e., la plus au nord de l'axe est-ouest, à droite sur la
photo et orienté vers le fond), mais ensuite, j'ai trop avancé. (Les
deux rues nord-sud ne sont pas coaxiales, ce qui peut expliquer mon
erreur.) Je n'ai pas obligé de voiture à s'arrêter, mais je pense
qu'elles ont dû modifier leur trajectoire pour passer plus à droite
(pour elles). L'inspecteur m'a dit dans l'oreillette : Monsieur,
je vous rappelle que quand vous tournez à gauche vous devez céder le
passage aux véhicules arrivant en face, ce qui signifie, en
fait, vous venez de faire un refus de priorité, c'est
éliminatoire. Mais sauf problème de sécurité grave, l'épreuve
doit être menée à son terme même en cas de faute éliminatoire.
Deux fautes moins graves mais néanmoins significatives
immédiatement après. D'abord, l'inspecteur me donne la consigne de
suivre Gennevilliers, et quand
j'arrive ici,
je vois le panneau annonçant Gennevilliers avec une flèche vers la
gauche et je mets un clignotant à gauche ; mais en fait, le panneau
est pour l'intersection suivante (pour l'endroit même, il aurait été
en forme de flèche) ; j'ai coupé mon clignotant, mais c'est une faute
de mettre un clignotant à tort.
Ensuite, ici
je devais prendre à gauche (pour Gennevilliers, donc) et je me suis
placé sur la voie tout à gauche plutôt que la voie la plus à droite
parmi celles qui autorisent à aller à gauche : ça aussi c'est
considéré comme une faute.
Ensuite j'ai pris l'autoroute, je crois que je n'ai pas fait de
faute particulière à cette occasion. J'ai commencé à faire un
dépassement mais je n'ai pas eu le temps avant la sortie et j'y ai
renoncé, mais ça ce n'est pas considéré comme une faute.
En sortant de l'autoroute (l'inspecteur m'avait demandé de suivre
Enghien-les-Bains), j'ai mis mon clignotant à droite pour sortir
(ici),
puis je l'ai laissé pour une sortie dans la sortie
(ici),
et j'ai dû le couper
environ ici
une fois que j'étais sur la voie de droite. Mais en fait,
arrivant ici,
j'aurais dû laisser, ou remettre, mon clignotant droit, parce que je
rejoins l'axe principal en tournant à droite : l'inspecteur m'a
dit n'hésitez pas à signaler votre direction, et c'est encore
une faute.
Ensuite, ici,
je me suis arrêté, et sans doute un peu brutalement, pour un piéton,
alors qu'il avait un feu piéton rouge (le piéton n'a d'ailleurs pas
traversé). Comme le passage piéton était assez loin derrière mon
propre feu vert et que ce dernier n'avait pas de passage piéton à son
niveau, je n'avais pas fait le lien. (Bizarrement, là, l'inspecteur
n'a pas fait de commentaire.)
Après un petit tour où je crois ne pas avoir fait de faute,
l'inspecteur m'a fait revenir
par ici :
c'est une priorité à droite, donc je suis prioritaire sur les voitures
arrivant de la gauche, mais je me suis arrêté sans m'imposer jusqu'à
ce qu'il y ait un trou dans la circulation venant de gauche. (En
fait, là je peux faire un reproche à nos moniteurs : ils attirent
beaucoup notre attention sur les priorités à droite dans la situation
« je circule sur un axe important et il y a une petite rue sur la
droite dont il faut se méfier parce qu'elle est prioritaire » mais ne
nous ont essentiellement jamais mis dans la situation où on vient,
justement, de cette petite rue et où il faut se rappeler qu'on est
prioritaire dans un sens et oser s'imposer — en vérifiant qu'on peut
le faire et qu'on est bien vu — sur les voitures venant de la gauche.)
Là non plus, l'inspecteur n'a pas fait de remarque.
Et l'humiliation finale : j'étais
arrêté à
ce feu, l'inspecteur me dit de tourner à droite à l'intersection,
et je mets mon clignotant à droite sans prendre garde au fait qu'il y
avait un sens interdit. Bon, là, l'inspecteur n'avait pas le droit de
me faire ce coup : les textes sont clairs sur le fait qu'on ne doit
pas demander au candidat quelque chose d'interdit (on peut lui
demander tourner à droite dès que possible, par exemple, mais
pas tournez à droite à l'intersection si c'est interdit) ; je
pense que c'était une erreur de direction de sa part, et de fait,
rapidement après il a dit continuez tout droit (j'ai coupé mon
clignotant et en fait c'était à l'intersection suivante qu'il
s'agissait de tourner), mais que ce soit une erreur de l'inspecteur ou
une façon (interdite) de me tester, le candidat qui est prêt à tourner
dans un sens interdit n'incite pas à la clémence pour ses fautes
précédentes.
Je pense que l'inspecteur a décidé d'arrêter les frais et a mis
terme à ma partie de l'épreuve plus tôt que prévu : je n'ai pas noté
exactement quand j'étais parti, mais ça devait être environ 13h45, et
j'ai fini à 14h00 alors que l'épreuve est censée durer 25min de
conduite effective, et, de fait, les autres candidats après moi m'ont
semblé circuler plus longtemps. (J'étais trop occupé à pleurer dans
mon coin pour noter le trajet qu'ils ont fait, c'est bête ; mais je
sais qu'on est partis en direction du Plessis-Bouchard et de
Saint-Leu-la-Forêt et revenus à la fin par l'A15 et le port de
Gennevilliers.)
Une fois de plus, je ne comprends pas la mauvaise réputation qu'ont
les inspecteurs du permis de conduire. Celui auquel j'ai eu affaire
aujourd'hui (et c'est la troisième personne de cette profession que je
vois, donc) était d'un professionnalisme irréprochable (sauf si la
consigne de tourner à droite sur un sens interdit était volontairement
donnée pour me piéger) ; en tout cas, il a bien respecté la consigne
officielle de rester parfaitement neutre dans sa façon de s'adresser
aux candidats.
Quant à mon moniteur, il a pour principe de ne pas émettre d'avis
sur les examens auxquels il assiste, pour ne pas donner de fausse
bonne ou mauvaise nouvelle. Je peux comprendre ça. Ce qui m'agace
plus, c'est qu'il pousse le principe à refuser que je m'inscrive à des
nouvelles heures de conduite jusqu'à ce que j'aie le résultat officiel
de l'examen d'aujourd'hui. (Et j'ai eu beau lui dire que je voulais
bien m'engager à faire et à payer ces leçons même dans le cas où je
serais inexplicablement reçu, il n'en a pas démordu.)
Bon, au moins ça me laisse l'occasion de me poser la question de
savoir si je veux continuer dans cette auto-école ou essayer d'en
trouver une autre. (Je n'ai pas spécialement à me plaindre de mon
auto-école — les moniteurs me semblent plutôt bons, les motos sont
neuves, et elle a l'avantage d'être au bout de ma rue — mais elle est
un peu victime de son succès, et du coup les disponibilités pour les
cours ou les examens sont toujours problématiques.) Si quelqu'un a
des conseils à cet égard, je suis preneur.
PS / Ajout : Pour répondre indirectement à une
remarque qu'on m'a faite, bien sûr que je ne suis pas le premier à
rater un permis ; c'est déjà plus compliqué d'en trouver qui se font
éliminer au bout de 65m ; mais réussir cet exploit après 112 heures de
formation, ça demande un degré de nullité sans doute assez
concurrentiel.
J'ai failli ne pas écrire du tout d'entrée dans ce blog pour le
mois de mai, et en profiter pour tester à cette occasion si mon moteur
de blog ne bugguait pas dans cette circonstance. (Je pense que si, en
fait : rien de grave, mais il y aurait probablement à certains
endroits un lien vers une page inexistante.) L'occasion de placer un
jeu de mot nul sur le nom de la Première ministre britannique.
Une partie de cette inactivité bloguesque est due à un effet
psychologique dont je tombe régulièrement victime : je commence à
écrire une entrée sur un sujet qui m'intéresse (c'est-à-dire, plus
exactement, qui m'intéresse au moment où je la commence), l'écriture
de cette entrée prend (comme toujours !) beaucoup plus de temps que
prévu, je me rends compte que le sujet m'intéresse de moins en moins à
mesure que le temps passe, mais en même temps je n'ai pas envie de
tout abandonner ou mettre de côté sine die, du coup je
procrastine, l'écriture de cette entrée avance de plus en plus
lentement et prend de plus en plus de temps pour des additions de plus
en plus minuscules, surtout que je dois régulièrement tout relire pour
me rappeler où j'en suis, et le comportement asymptotique n'est pas
clair. (En l'occurrence, c'est une entrée sur les emojis et les
smileys, et j'en suis à me demander mais pourquoi ai-je commencé à
écrire ça ? ce que je raconte n'a aucun intérêt, en fait. Bon,
je pense que je vais quand même la publier après celle-ci, quoique
peut-être pas en mai.)
Mais je peux aussi prétexter que j'ai été pris par plein d'autres
choses (ne serait-ce que par plein de choses que j'avais mises de côté
pendant que j'avais des cours à enseigner et qui, finalement, me
prennent à peu près autant de temps que si j'avais ces cours).
❖
Le poussinet et moi allons déménager — mais sans changer d'adresse.
C'est-à-dire que nous restons dans le même immeuble, nous allons juste
monter de deux étages : un de nos voisins vend son appartement, qui
fait 90m² (contre 40m² pour celui que nous occupons actuellement et
dont je suis propriétaire depuis 1998), et nous venons de signer la
promesse de vente (enfin, pour ce qui nous concerne, d'achat).
J'aurai certainement l'occasion d'en reparler, mais c'est assurément
une décision lourde et stressante à prendre, même s'il y a peu de
doute que ce soit la bonne. Nous sommes vraiment à l'étroit dans
notre appartement actuel, dont j'avais déjà bien occupé l'espace avant
que le poussinet s'y installe aussi, et il est impossible, par
exemple, d'y inviter des amis à manger ; en outre, cet appartement est
sombre.
Cela faisait longtemps que nous envisagions vaguement de bouger,
mais nous ne voulions pas quitter le quartier (de la Butte aux
Cailles), et par ailleurs j'étais terrifié à l'idée d'acheter ailleurs
et de découvrir que les voisins dans l'immeuble sont bruyants (chose
qu'il est quasi impossible de savoir à l'avance juste en visitant).
Nous nous étions déjà plusieurs fois dit que l'idéal serait de
racheter dans le même immeuble, que nous connaissons bien, dont nous
savons que la copropriété fonctionne bien et que les habitants sont
tranquilles et l'isolation phonique plutôt bonne : je disais même que
c'était le meilleur immeuble du monde à mes yeux, — parce que je ne
veux pas vivre ailleurs que Paris, que la Butte aux Cailles est un
quartier exceptionnel par ses restaurants et commerces mais aussi la
proximité d'un centre commercial extrêmement pratique, et aussi son
accès fort commode à l'autoroute A6, et que nous sommes dans la seule
rue sur la Butte aux Cailles qui soit vraiment tranquille mais quand
même bien située pour rejoindre le métro (et le centre commercial), et
que notre immeuble est incontestablement le meilleur immeuble de la
rue, — donc, le meilleur immeuble de la meilleure rue du meilleur
quartier de la meilleure ville du monde (et tous ceux qui ne sont pas
d'accord ont droit à leur opinion mais ils ont
tort).
D'un autre côté, ça reste une décision vraiment lourde : je passe
des heures à réfléchir pour dépenser 500€ et il s'agit, là, que chacun
de nous mette presque mille fois plus, en n'ayant quasiment pas le
temps de réfléchir parce que dans l'immobilier il faut sauter sur les
offres avant qu'elles s'envolent, surtout dans le meilleur immeuble du
monde. Je ne vais pas m'attarder sur l'aspect financier (rappelons
quand même que les prix parisiens sont tellement cinglés qu'un
appartement y coûte, presque partout, plus cher que sa surface
intégralement tapissée de billets de 100€, et dans certains
endroits, autant que l'équivalent en billets de 200€). Mais même
au-delà de l'aspect financier, et même pour rester dans le même
immeuble, déménager reste une opération assez lourde, en tout cas pour
quelqu'un comme moi qui suis à la fois extrêmement casanier et aux
antipodes du mode de vie minimaliste. Déjà les formalités
immobilières elles-même sont un cauchemar pour le paperassophobe que
je suis : elles me font penser à ces jeux d'aventure sur ordinateur où
votre but est d'accomplir une tâche pour laquelle il vous faut réunir
trois objets magiques (du genre : le Livre de la Vérité, le Cierge de
l'Amour et la Cloche du Courage), et pour chacun de ces objets il faut
accomplir une sous-quête qui demande elle-même de rassembler d'autres
objets, et ainsi de suite à tel point qu'on se demande si cela termine
un jour. (Pour accomplir la quête « prêt immobilier », vous devez
accomplir la sous-quête « transfert de votre compte vers la banque en
question » et la sous-sous-quête « rendez-vous avec un conseiller
bancaire », et rassembler les objets suivants : promesse de vente,
deux évaluations immobilières du bien actuel, liste de tous vos
comptes ouverts avec cinq derniers relevés de chacun, trois derniers
bulletins de salaire, etc. — pour obtenir l'objet « promesse de
vente », vous devez d'abord, etc., etc.) Bon, je ne vais pas plus
m'étendre là-dessus parce que c'est
invraisemblablement chiant, mais, voilà, c'est
invraisemblablement chiant. Et je suis sûr que le déménagement le
sera aussi, avec ses autres sous-quêtes comme
« persuader EDF de migrer l'abonnement d'une adresse à la
même adresse » ou « persuader Orange de rouvrir la ligne téléphonique
traditionnelle sur fil de cuivre qui a certainement été fermée pour
mettre la fibre » (cette épreuve-là, à mon avis, elle est tout
simplement impossible).
Et puis, comme on n'a rien sans rien, on va perdre le jardin avec
les gentils pioupious et les gentilles nabeilles. (Jardin qui est
juste un champ de ronces, certes, mais c'est joli, en fait, les fleurs
de Rubus fruticosus,
les Apis mellifera aiment ça ; et nous
avons la visite de divers Passer
domesticus et d'occasionnels Parus
major, et il y a un couple de Columba
palumbus et peut-être un autre de Turdus
merula qui ont fait leur nid dans les Thuja
occidentalis(?).) Les agents immobiliers, d'ailleurs, s'extasient
en voyant notre jardin, même si au final ils ont du mal à nous dire
combien il vaut sur le marché (c'est « atypique »).
❖
Je n'ai toujours pas passé mon
permis moto (j'en suis à 21h de leçon en circulation), mais il y a
un progrès, c'est que j'ai maintenant une date pour le passer (et un
lieu : ce sera à Gennevilliers, le même endroit où j'ai déjà
passé le plateau). Comme il est
évident pour quiconque comprend la psychologie du David Madore, la
veille du jour où l'auto-école m'a appelé pour me proposer cette date,
je me plaignais sans arrêt que je suis hyper prêt à le passer, ce
permis, il est vraiment temps qu'on me présente, et c'est abusé de me
faire traîner autant ; et juste après le coup de fil, je me suis
dit : aaah, mais je ne suis pas prêt du tout ! (et de me mettre
à regarder frénétiquement à quoi ressemblent les environs de
Gennevilliers sur Google Street View ; tiens, à votre avis, qu'est-ce
que c'est
que ces
bandes blanches transverses à la chaussée, là ? des faux
ralentisseurs ?).
Il faut dire que les moniteurs sont doués pour nous mettre la
pression (pour une épreuve dont je rappelle qu'elle a eu un taux de
réussite de 91% en 2017 au niveau national…), en nous racontant toutes
sortes d'erreurs que leurs élèves passées ont faites ou toutes sortes
de méchancetés des inspecteurs, en affirmant que leur taux de réussite
est moins bon en circulation qu'au plateau (affirmation
qui, je le répète, me semble
assez suspecte) ; ou, dernièrement, en nous expliquant que, en
prévision de la réforme du permis qui doit intervenir début 2020, les
inspecteurs ont reçu la consigne officielle de préparer le terrain en
étant désormais beaucoup plus sévères sur l'épreuve de circulation :
là non plus, je ne sais pas si je dois croire ce genre de choses.
Enfin, on nous a mis en garde que, si nous échouions, les délais pour
une nouvelle présentation étaient très longs parce que les centres
d'examen sont débordés (et qu'on privilégie les premiers passages).
Je ne sais pas si c'est un bon calcul de stresser les candidats comme
ça (d'un autre côté, ils disent quand même qu'ils ne présentent que
des élèves dont ils sont sûrs qu'ils sont prêts). Mais pour ne pas en
ajouter au niveau stress, je n'en dis pas plus sur ma date de passage
(comme ça, si j'échoue, je pourrai passer quelques jours à bouder dans
mon coin sans qu'on me demande sans arrêt alors, ce permis, tu l'as
eu ?).
Sinon, toujours au rayon « hum, est-ce que je vais être à la
hauteur, moi ? », je vais, pour la première fois, co-encadrer, avec un
collègue et ami, la thèse d'un doctorant — du moins si nous arrivons
ensemble à remplir les sous-quêtes administratives pour obtenir une
allocation et faire l'inscription en doctorat. Je n'en dis pas plus
sur le sujet, ni sur l'identité de l'étudiant ou de l'autre encadrant,
au moins tant que ce n'est pas officiellement public (le but de ce
blog est de raconter ma vie mais je préfère être prudent quand il
s'agit de parler de celle des autres). Si je m'inquiète de savoir si
je serai apte, c'est parce que je sais que j'ai souvent du mal à
évaluer correctement à la fois l'intérêt et la difficulté d'une
question de recherche en maths ; mais c'est aussi parce que j'ai
moi-même eu un directeur de thèse hors de pair, non seulement par sa
culture mathématique riche et profonde mais aussi par la patience dont
il a fait preuve avec le thésard procrastinateur et pas toujours très
fiable que j'étais : inévitablement, je me demande si je suis à même
de continuer sa filiation académique
(cf. ici).
Quelques nouvelles en vrac (chronologie et géographie)
Je peux commencer cette entrée en recopiant presque verbatim
quelques passages de celle-ci que
j'écrivais il y a à peine plus d'un an :
J'ai déjà dit plusieurs fois sur ce blog que je préférais éviter
d'écrire des billets dont le seul contenu est essentiellement de
dire je suis toujours vivant (et je n'ai rien d'autre à dire),
mais comme cela fait vraiment longtemps que je n'ai rien écrit, je
vais quand même faire une exception et signaler que je suis toujours
vivant (et je n'ai pas décidé de mettre un terme à ce blog, ni quoi
que ce soit de ce genre). Je suis juste encore plus débordé que
d'habitude.
Le truc avec le temps c'est qu'il se fragmente mal : on peut
facilement se retrouver avec plein de petits bouts de temps libre,
mais ces petits bouts sont inutilisables parce que chacun est trop
court pour faire quelque chose de productif.
(Et comme quelqu'un me signalait en commentaire de cette entrée-là,
il y a des activités qui ne prennent que la moitié de votre temps — à
savoir une minute sur deux. J'aime beaucoup la comparaison.)
Le fait que ça arrive à la même période de l'année n'est pas un
hasard : je donne des cours à Télécom ParisPloum en première année et
en deuxième année, et comme les années sont gérées de façon
complètement indépendantes, ces cours ont lieu sur des périodes qui se
chevauchent : mes cours en première année touchent à leur fin mais
ceux en deuxième année ont déjà commencé. Or à la fin d'un cours il
peut y avoir un sujet de contrôle à préparer, et des copies à
corriger ; et au début d'un cours il faut réfléchir à la manière de
l'organiser[#], chose qu'on
aurait dû faire longtemps avant mais pour laquelle on s'y prend
évidemment toujours à la dernière minute (je ne prétends pas que ce ne
soit pas de ma faute, donc). Et ce n'est pas comme si les autres
choses chronophages cessaient pour
autant[#2].
[#] Surtout quand, comme
c'est le cas de mon cours de géométrie algébrique, enfin,
de courbes algébriques, on se demande chaque année comment
diable présenter quelque chose de rigoureux mais néanmoins digeste
pour des étudiants en école d'ingénieurs qui ne savent pas grand-chose
en algèbre (et notamment pas ce qu'est un produit tensoriel) ; par
exemple,
ni cette
approche
ni celle-ci
n'a été une bonne idée.
[#2] À titre d'exemple,
je racontais dans cette entrée que
j'avais demandé par erreur ma mutation du régime fonctionnaire au
régime général de la Sécurité sociale : j'espérais avoir attrapé
l'erreur à temps en envoyant
immédiatement une
lettre à la CPAM pour les prier d'ignorer cette
demande de mutation, mais évidemment, ça n'a pas été le cas, et trois
mois plus tard je reçois une lettre de la CPAM me
souhaitant la bienvenue chez eux et une lettre de la MGEN
m'informant qu'ils se dessaississent de mon cas, donc j'ai de nouveau
dû perdre du temps à constituer un dossier à joindre
à une nouvelle
lettre pour essayer de rétablir la situation.
Écrire une entrée de blog me demande non seulement du temps, mais
aussi du temps sous forme contiguë : à chaque fois que je travaille
une entrée et que je ne la finis pas, l'agacement de devoir faire
des changements de contexte mentaux
pour m'y mettre fait que ma motivation à la travailler diminue
d'autant — et c'est souvent à cause de ça que des choses que je
commence peuvent s'embourber dans les marais de l'inachèvement
permanent. J'ai en tête (enfin, en matière de tête, plutôt un
fichier memepool.txt) toutes sortes de choses dont je
pourrais parler et dont je voudrais parler, mais il est sacrément plus
facile d'ajouter des choses à la liste que de les en évacuer : si je
commence à écrire une introduction
au topos
effectif, par exemple (ce qui fait partie des choses dont
j'aimerais dire un mot), je sais très bien que mon intention d'écrire
un texte court va être un nouvel échec critique… (Ceci dit, je dois
avouer que l'entrée précédente sur la
logique linéaire a été un chouïa moins interminable que je ne le
craignais.)
Twitter est, à cet égard, à
double tranchant : d'un côté, il est très difficile d'arriver à
commencer un tweet et de ne pas trouver le moyen de le finir (ça m'est
quand même arrivé — si, si). De l'autre, en me fournissant un
exutoire pour tout ce qui peut se dire en peu de mots, il nourrit ma
tendance malheureuse — et dont je n'arrive pas à me défaire — à
considérer que je ne peux/dois/sais écrire dans mon blog que des
textes longs[#3].
[#3] Prétérition :
supposons que je veuille signaler le fait — dont je ne me suis rendu
compte que récemment — qu'on peut étiqueter de façon élégamment
symétrique les dix points et les dix droites de la configuration de
Desargues (c'est-à-dire les dix points et dix
droites qui
interviennent dans l'énoncé
du théorème
de Desargues) par les 10 choix de deux éléments parmi {1,2,3,4,5}
(un point étant situé sur une droite lorsque les ensembles de
cardinal 2 qui les étiquettent sont disjoints). Si je raconte ça sur
Twitter, je vais arriver à être succinct et m'en tirer en quelques
tweets. Si je raconte ça sur mon blog, je vais me sentir
inexplicablement obligé de faire un brain dump de
toutes sortes de choses inutiles sur le théorème de Desargues, par
exemple qu'il n'est pas valable dans
le plan projectif octonionique, ou
qu'il est une conséquence
du théorème
de Pappus mais que le contraire n'est pas vrai ; puis je vais
parler
des configurations
(n3) puisque Desargues fournit un (10₃) et
Pappus un (9₃) je vais commencer à dire qu'il y a un (8₃)
essentiellement
unique mais
pas sur n'importe quel corps et un (7₃) idem, puis je vais
digresser
sur Cremona-Richmond
qui est un magnifique (15₃), et là j'en viendrai à parler des droites
sur la surface cubique ; et si j'en viens à évoquer le très joli texte
de Cremona de 1877 (Teoremi stereometrici dai quagli
si deducono le proprietà dell'esagrammo di
Pascal, Reale Accademia
dei Lincei) dans lequel il explique comment déduire
le théorème
de l'hexagone de Pascal, qui est une généralisation de celui de
Pappus, de la considération judicieuse d'une surface cubique avec un
point double ordinaire de type (A₁), et que les 60 points de Kirkman
de l'hexagramme mystique forment 6 configurations de Desargues (une
par pentade sur les six points de
l'hexagone)
et comment
il faut les étiqueter, je n'en aurai jamais fini ! Rien qu'en
écrivant cette prétérition j'en ai dit plus que ce que je pensais,
alors imaginez si j'écrivais vraiment une entrée sur le sujet…
Entre autres activités chronophages,
j'en suis toujours à essayer
d'apprendre à manier une moto. (Peut-être que si j'avais su que
ç'allait être aussi long, je n'aurais pas essayé de passer le
permis A2, mais maintenant qu'il commence, à force de progrès
logarithmiques, à devenir plausible que je puisse éventuellement à
terme pouvoir envisager d'imaginer le présenter, autant aller jusqu'au
bout.) L'an dernier, donc, j'étais un peu dans le même cas s'agissant
d'apprendre à conduire une voiture : ça va bientôt faire un an que
j'aurai passé le permis B — j'ai
l'impression que ça fait une éternité.
Je me disais justement l'autre jour que le fait d'avoir passé le
permis m'a au moins fait progresser sur une chose, c'est ma
connaissance de la géographie de l'Île-de-France. Parce que, avant,
en bon Parisien-qui-n'a-même-pas-le-permis, mon savoir en la matière
s'arrêtait très distinctement au boulevard périphérique : mon
poussinet et moi passions nos week-ends à nous promener dans Paris et
n'allions que très exceptionnellement nous aventurer dans les contrées
barbares qui s'étendent au-delà
du pomerium.
Bon, comme j'ai grandi à Orsay, je savais quand même situer les
communes de la vallée de Chevreuse, mais c'est à peu près tout.
Maintenant que le poussinet s'est acheté une voiture et que nous
sommes passés résolument dans le club des vilains pollueurs (enfin, le
week-end), nos terrains de balade se sont beaucoup élargis et j'ai une
idée nettement plus précise de comment s'agencent les communes et les
routes de ma région natale.
Il y a un sentiment que j'aime beaucoup (et qui mériterait
peut-être à figurer dans le
le Dictionary
of Obscure Sorrows), c'est le petit déclic mental qui se
produit quand je réussis enfin à correctement situer géographiquement
un endroit que je connais, par exemple un endroit où je suis souvent
allé quand j'étais petit, ou encore quand je me rends compte que tel
endroit que je connaissais est à côté de tel autre et que je ne m'en
étais pas rendu compte (voir aussi
la note #6 ci-dessous). C'est
un déclic de clarté un peu semblable à celui que j'aime tellement
quand j'ai la réponse à une énigme ou à un problème de maths qui me
plaît. Or il y a quantité d'endroits en Île-de-France où je suis
passé quand j'étais petit, des trajets que j'ai faits en
voiture[#4] avec mes parents,
peut-être même à de nombreuses reprises, et que je ne pouvais
absolument pas situer, et c'est une grande satisfaction pour moi de
pouvoir enfin les situer correctement sur une carte, ou d'aller mettre
les pieds à un endroit que je n'avais vu qu'en passant en
voiture[#5].
[#4] Quand on va
d'Orsay à Paris en voiture, outre qu'il y a principalement deux
trajets possibles (via la N118 pour atteindre le pont de Sèvres et
l'ouest de Paris ou via la A10+A6 pour rejoindre le sud), il y a aussi
toutes sortes d'endroits où il faut faire des choix, c'est-à-dire se
placer sur la bonne voie, même si certains de ces choix sont sans
importance (par exemple, il y a deux branches de la A6, la A6a et la
A6b, mais il y a en fait toutes sortes de moyens de passer de l'une à
l'autre). J'avais plus ou moins inconsciemment mémorisé ces choix,
mais je comprends enfin maintenant où mènent les différentes branches
possibles à chaque endroit, et aussi à quoi ressemblent les endroits
que la voie rapide traverse. • TODO : écrire quelque chose sur
l'interconnexion entre la A86 et la
A6, qui n'est que partielle, et ce qu'il faut faire pour chaque
combinaison possible entre une direction d'où on vient et une
direction où on veut aller.
[#5] À titre d'exemple,
je suis passé plein de
fois à
cet endroit en voiture avec mes parents (quand nous allions depuis
Orsay rendre visite à des amis qui habitaient Sèvres) : à gauche,
Bièvres et la vallée du même nom, à droite, la forêt de Verrières. Il
y a trois semaines, le poussinet et moi sommes allés nous promener
dans la forêt de Verrières, et j'ai pu regarder ce même endroit depuis
un autre point de vue — c'était presque une épiphanie
géographique.
À cet égard, je regrette, quand j'ai préparé le permis lui-même, de
ne pas avoir fait plus attention aux endroits par où je passais
pendant les leçons (j'aurais pu, par exemple, mettre mon téléphone en
mode enregistrement GPS pour garder trace des trajets).
Au début, nous allions le plus souvent au cimetière de Chevilly-Larue,
j'ai pu
reconstituer de mémoire les trajets aller et retour
typiques[#6], et encore, avec
quelques hésitations ; j'ai pu retrouver quelques autres endroits qui
m'avaient marqué, par
exemple ici
où il faut penser à clignoter à gauche puisqu'on ne peut pas continuer
tout droit (en fait, j'ai beaucoup circulé à l'Haÿ-les-Roses), mais il
y a aussi plein d'autres endroits où je suis passé pendant mes leçons
de conduite, dont j'ai gardé une mémoire visuelle mais que je ne sais
plus replacer sur la carte.
[#6] Même sur ce tout
petit trajet, j'ai eu l'occasion, en le reconstituant sur Google Maps,
de faire une petite découverte géographique : l'endroit où le trajet
aller et le trajet retour se croisent n'est pas, en fait, un vrai
croisement, il y a un pont à Arcueil où nous
passions au-dessus
à l'aller
et en-dessous
au retour, et je n'avais pas du tout fait le lien entre ces « deux »
endroits.
Quand je préparerai l'épreuve de circulation du permis moto (enfin,
espérons que ça finisse par arriver !), j'essaierai de penser à
enregistrer les trajets par GPS.
Pour revenir à la géographie francilienne, mon poussinet et moi
avons entrepris de faire le tour des forêts, histoire de changer un
peu des parcs et jardins plus
aménagés :
Comme je le disais dans cette entrée
passée après avoir visité les forêts de Marly et
Louveciennes, j'ai tendance à penser une forêt c'est une forêt,
et en Île-de-France elles doivent toutes se ressembler (ou sinon, être
aussi variées d'un point à l'autre de la même forêt qu'entre deux
forêts de la région), mais en fait non, il y a vraiment des
différences, même si je n'arrive pas bien à mettre le doigt dessus,
dans les essences représentées (je suis complètement nul en botanique
donc je ne saurai pas être plus précis), dans la densité d'arbres,
dans le relief, dans le type de sol, etc. — j'aurais pu ajouter :
dans le fait que la forêt soit exploitée ou non et dans les coupes qui
y ont été faites (et qui jouent sur l'âge des arbres). La forêt de
Fontainebleau ne ressemble vraiment pas aux autres dans ma liste ; à
l'inverse, il faut admettre que les forêts de Meudon, des Fausses
Reposes, de Verrières et de la Malmaison se ressemblent beaucoup,
c'est normal, elles sont très proches géographiquement, mais même là
il y a des différences ; ceci étant, je les confonds déjà un peu dans
ma tête donc je ne pourrais pas faire un petit guide (ça doit aussi
dépendre des endroits que nous avons visités, et, de façon cruciale,
de la saison où nous sommes passés puisque évidemment on n'a pas la
même impression d'une forêt en mai, en octobre ou en février).
Quant à l'abbaye des Vaux-de-Cernay, je mentionne qu'on peut y
prendre le brunch dans la salle capitulaire : c'est cher, mais pour un
bon repas dans le cadre exceptionnel, je trouve que ça vaut le coup.
(Quelques
photos ici
sur Twitter.)
Sinon, dans un genre nettement moins bucolique que Cernay, la
semaine dernière, le poussinet et moi sommes allés jeter un coup
d'œil (de l'extérieur !) au poste de transformation électrique de
Villejust, sans doute un des plus gros de France (voire d'Europe ?) :
il s'agit d'un des postes de transformation de la boucle ceinturant
Paris à 400kV (et soutenant une seconde ceinture à 225kV plus proche
de la capitale) : si on a comme moi une
certaine fascination pour l'électricité de puissance, c'est assez
impressionnant à voir — que ce soient les rangées d'isolateurs dans le
poste lui-même ou les alignements de câbles qui y conduisent.
(Quelques
photos ici
sur Twitter.) C'est d'ailleurs facile de localiser ce poste sur
une carte ou dans la réalité :
chercher où
convergent un nombre faramineux de lignes à haute tension !
Quand j'étais enfant, j'étais très branché ésotérisme (c'est
peut-être entre autres pour ça que, après être passé par une phase où
j'écrivais de la mauvaise Heroic Fantasy, je me sens
maintenant exilé hors du royaume
magique). Je serais incapable de dire dans quelle mesure j'y
croyais ou dans quelle mesure c'était un jeu (je crois que la seule
réponse possible est oui) : mon
moi-de-1986 n'est plus là pour
répondre à ces questions. Toujours est-il que, à l'école primaire,
mon ami Laurent et moi avons passé un temps invraisemblable à nous
passionner pour des « mystères », qui étaient des observations
(parfois parfaitement triviales) autour de nous que nous élevions au
statut de phénomènes à expliquer et autour desquels nous bâtissions
toutes sortes de théories. L'un de ces phénomènes concernait un trou
au fond de la cour de récréation de notre école (oui, un bête trou
dans un mur en pierres — sans doute le débouché d'une ancienne
canalisation, mais peut-être que c'est le fait que j'aie été exilé
hors du royaume magique qui me fait dire ça) : nous sentions se
dégager de ce trou une sorte de présence maléfique qui nous inspirait
la peur, une peur très particulière à laquelle j'ai donné le nom de
« peur surnaturelle » (l'histoire ne dit pas si c'est la peur
elle-même qui est surnaturelle ou s'il faut
comprendre peur du surnaturel). Plus tard, au
collège, c'est un arbre mort situé dans un jardin voisin de la cour du
collège qui m'inspirait cette « peur surnaturelle » (bon, si vous
voulez une idée,
chercher sinister
tree sur Google Images montre vaguement que les gens sont
d'accord sur ce que c'est qu'une forme d'arbre sinistre).
À nouveau, je ne sais pas dans quelle mesure je prenais ça au
sérieux ou si je me rendais intéressant ou si j'aimais le frisson que
ces histoires me procuraient (d'un autre côté, il n'était jamais
question de fantômes, de sorcières, de
vampires[#00], ou de quoi que ce
soit de classique ; par ailleurs, maintenant, je déteste
particulièrement les films d'horreur ou les films « qui font peur »),
ou simplement si j'aimais jouer à faire semblant d'y croire. Je pense
que je ne savais moi-même pas bien. Mais il est intéressant qu'une
des choses qui m'ait fait changer fut de tomber, dans la bibliothèque
de mon collège, sur un livre sur le triangle des Bermudes, qui
commençait par énumérer plein de disparitions inexpliquées qui me
donnaient froid dans le dos, et finissait par expliquer qu'en fait
tout ça était bidon, qu'aucune des disparitions n'avait vraiment eu
lieu ou que celles qui avaient eu lieu avaient des explications tout à
fait simples : le choc pour moi fut un peu celui qu'on a dans le
roman Le Pendule de Foucault d'Umberto Eco (désolé, je
vais devoir divulgâcher) quand Lia démonte toutes les théories du
complot construites autour du manuscrit codé. Et dans la mesure où je
m'intéressais à ces « mystères » pour me rendre moi-même intéressant,
j'ai dû me dire que ça me rendait encore plus intéressant de jouer à
démonter le surnaturel que de jouer à le colporter. Quelque chose
comme ça. Il y a sans doute une morale là-dessous, mais je ne sais
pas bien quoi.
[#00] Ajout : Laurent me
signale en commentaire que, même si je l'avais oubliée, il y avait
bien une histoire de vampire parmi nos « mystères » d'école primaire
(et quelqu'un que nous soupçonnions d'en être un), et maintenant qu'il
me le rappelle, effectivement, je m'en souviens. J'ai l'impression
que je croyais moins sérieusement à cette histoire-là (au moins au
sens où elle ne me faisait pas sérieusement peur), mais, bon, ma
mémoire n'est pas du tout fiable.
Toujours est-il que, si les « mystères » qui me passionnaient
étaient imaginaires, la « peur surnaturelle », elle, était bien
réelle : je veux dire que je n'ai aucun doute que j'éprouvais vraiment
une sensation de malaise (fût-ce pour des raisons complètement
inventées) à la vue de ce trou ou de cet arbre mort ou de plusieurs
autres sources que j'ai identifiées à cette « peur surnaturelle ». Ce
n'est pas la sensation de peur usuelle — la peur du danger —
provoquant une décharge d'adrénaline, qui donne envie de fuir et qui
fait battre le cœur rapidement ; c'est encore moins la peur sociale
liée à la timidité et à l'anxiété quant aux relations humaines ; c'est
une peur encore différente, que je décrivais ainsi
dans ce fragment littéraire (dont
je me rappelle seulement maintenant l'existence en voulant écrire
cette entrée) :
La porte de l'épouvante […] les peurs les plus profondes, les peurs
ancestrales — la peur du noir, la peur de l'inexpliqué et de
l'inexplicable —, ces monstres qu'on croit vaincus par la civilisation
mais qui ne sont que mal endormis dans une cachette dans les racines
de notre inconscient, attendant leur heure et ne donnant qu'un pâle
reflet de leur présence dans nos pires cauchemars.
(C'est aussi un peu ce que j'avais à l'esprit en
écrivant cet autre fragment.)
D'autres termes compliqués sont écrits à propos de mon épaule
Résumé des épisodes précédents : Je savais depuis
longtemps que mon épaule droite était facilement sujette aux
tendinites (notamment quand je fais de la musculation, mais j'avais
trouvé moyen que ça ne se produise plus), mais il y
a un mois et demi je me suis fait
un coup brusque à cette épaule en retenant une moto qui tombait sur le
côté (à l'arrêt) : très peu de douleur sur le coup, mais les trois
jours suivants ont été très douloureux, surtout la nuit, et j'étais
incapable de lever le bras. Un
radiologue m'a diagnostiqué des
calcifications aux tendons supra-épineux et sub-scapulaire et une
rupture transfixiante au moins du premier ; mais une IRM
pratiquée la semaine suivante a
contredit la rupture des tendons, et par ailleurs les douleurs ont
progressivement diminué jusqu'à revenir essentiellement au statu
quo ante.
En fait, je n'ai plus mal du tout sauf quand je
fais un mouvement de musculation particulier — que j'ai donc
logiquement arrêté de faire. C'est d'ailleurs assez fascinant parce
que deux mouvements peuvent avoir l'air complètement équivalent et
apparemment ils ne le sont pas : le mouvement que je ne peux plus
faire est le développé des pectoraux sur machine (en position assise,
légèrement inclinée) consistant à pousser vers le haut, main en
pronation (i.e., paume vers le bas) — soit à peu près ce qu'on voit
sur cette
page — j'ai mal en gros au niveau de l'avant de la tête de
l'humérus, au retour du mouvement ; alors que l'exercice qui
a l'air assez équivalent et où on pousse à peu près à niveau
horizontal (le point d'articulation des barres étant au niveau du sol
plutôt qu'au-dessus de la tête) ne me pose pas de problème.
J'aimerais bien savoir s'il existe des manuels et/ou des modèles
mathématiques précis décrivant précisément la mécanique anatomique des
bras et de l'épaule pour que je puisse comprendre comment les forces
s'exercent et comment les efforts se répartissent ! Parce que déjà
rien que pour ce qui est de la terminologie, à la fois des médecins et
celle des sportifs a l'air d'obéir à une systématique qui n'est pas du
tout transparente pour moi, et qui est très mal expliquée à la fois
sur Wikipédia et sur tous les livres d'anatomie sur lesquels j'ai pu
mettre la main ; et pour ce qui est de la cinématique ou, pire, de la
dynamique des mouvements, je n'ai pas trouvé la moindre source
d'information susceptible de m'éclairer. Mais passons.
Comme mon généraliste m'avait référé vers un chirurgien
orthopédiste spécialiste de l'épaule, je suis allé le voir même si ça
allait mieux. Je lui ai apporté, donc, des radios, des échographies
et une IRM, et il m'a essentiellement dit c'est bien,
mais on ne voit pas grand-chose là-dessus : allez passer un
arthroscanner et revenez me voir (ça fera 80€ s'il vous
plaît)…
J'exagère, il m'a quand même fait faire quelques mouvements pour
voir ce qui me faisait mal, mais ce qui l'intéressait surtout était
une petite tâche sur une radio, que le radiologue avait interprété (et
que l'IRM avait plus ou moins confirmé) comme une
calcification au niveau du sub-scapulaire et dont il se demandait si
ça ne pouvait pas être une petite fracture de la glène (divulgâchis :
non, je n'ai pas de fracture de la glène). Il m'a donc adressé à un
nouveau radiologue avec la lettre suivante :
Faire arthroscanner épaule droite : fracture de glène ou
calcification du sous-scapulaire ?
Finalement, je n'ai apparemment pas de tendons rompus
Je promets que ce blog ne va pas devenir celui des tendons de mon
épaule droite, mais à cause du report de la
série Ruxor passe le permis moto,
il faut bien que je meuble le temps antenne avec un quelconque
spinoff. D'autant plus que je suis en arrêt maladie cette semaine,
donc je n'ai pas le droit de faire des maths par
contre j'ai le droit de raconter ma vie sur mon blog ou sur Twitter
tant que je reste chez moi entre 9h et 11h (ça c'est facile, il y a un
lit pour ça) et entre 14h et 16h. Et je pense qu'au-delà de mon cas
personnel, ce qui suit peut être intéressant sur le plan médical, le
plan méta-médical, et le plan administratif. Bref.
Résumé des épisodes précédents : Je
savais depuis longtemps que je
n'avais pas les épaules symétriques, et je savais aussi que je me
faisais facilement mal aux tendons de l'épaule droite, notamment en
faisant de la muscu, mais j'avais globalement trouvé
un modus exercitandi pour gérer cette épaule.
Seulement, vendredi il y a deux semaines (),
je me suis fait un coup brusque à
cette épaule en retenant une moto qui tombait sur le côté (à
l'arrêt) : sur le coup ça ne m'a pas fait très mal, mais les trois
jours suivants ont été très douloureux, surtout la nuit. Impossible
de lever le bras (et en particulier, d'écrire au tableau, ce qui est
très problématique pour enseigner). Mon généraliste (consulté le
lundi suivant, ) m'a mis sous
anti-inflammatoires et antalgiques. Petite amélioration. Jeudi de la
semaine dernière (), un
radiologue m'a diagnostiqué des
calcifications et un ou deux tendons rompus (le supra-épineux et
peut-être le sub-scapulaire), m'a expliqué que je devrais passer
une IRM pour y voir plus clair et qu'il faudrait
certainement une intervention chirurgicale : j'étais assez effondré à
l'idée des longs mois de difficultés à dormir et d'interruption de
toutes sortes d'activités que ce diagnostic me faisait présager.
Sauf qu'en fait les choses ont tourné beaucoup mieux que je ne
l'espérais. J'avais encore très mal à l'épaule après le passage à la
radio et l'échographie (le fait qu'on m'ait fait la placer dans toutes
sortes de positions bizarres n'aidait évidemment pas, pas plus que la
mauvaise nouvelle qu'on venait de m'annoncer). Mais les jours
suivants, ça allait indubitablement de mieux en mieux. La douleur
était encore assez sensible lundi (), quand
j'ai revu mon généraliste ; celui-ci m'a dit de continuer les
anti-inflammatoires et m'a adressé à un chirurgien orthopédiste pour
savoir si et comment me faire opérer. Il m'a délivré un arrêt de
travail pour la semaine (je vais revenir sur les complications
administratives). Mais le lendemain je n'avais déjà presque plus
mal : disons qu'au niveau douleur et même de mobilité générale du
bras, il me semblait clair que je convergeais vers
le status quo ante. Soulagement, au moins, de
pouvoir dormir normalement (fût-ce seulement du côté gauche).
J'écrivais il y a quelques jours
que je m'étais fait une tendinite à l'épaule droite (en essayant de
rattraper une moto qui tombait — mais la cause réelle est confuse,
cf. ci-dessous). En fait, ce n'est pas juste une tendinite : je viens
d'apprendre que j'ai au moins un tendon rompu, si ce n'est deux.
Je suis arrivé cet après-midi plutôt confiant chez le radiologue
pour la radio et l'échographie de l'épaule que mon généraliste m'avait
prescrites : j'avais l'impression que ma « tendinite » était doucement
en train de partir, en tout cas j'ai mieux dormi les deux dernières
nuits, avec moins d'anti-inflammatoires et d'antalgiques, et il me
semblait que je retrouvais un peu ma mobilité au bras droit. au point
que je pourrais sans doute faire cours au tableau lundi (22) et
peut-être même avoir le cours de moto qui était planifié
jeudi (25).
Calcifications visibles à la radio : ça suggère des blessures au
tendon, mais ça signifie aussi que ce n'est pas tout récent — donc la
moto ne peut pas être la seule à blâmer. Le radiologue n'a vraiment
pas l'air content en regardant les images : les dommages sont
considérables, commente-t-il, tout en annotant les images avec des
mots comme épanchement et rupture qui sont manifestement
de mauvais augure. Finalement, il conclut : dans l'immédiat, il
faut faire une IRM, et il est quasi certain qu'une
opération chirurgicale sera nécesaire. D'après son rapport, j'ai
une rupture du tendon supra-épineux, et peut-être aussi du
sub-scapulaire (ne me demandez pas où ils sont au juste ni ce qu'ils
font exactement — les images renvoyées par Google images sont
épouvantablement incompréhensibles). Voici le compte-rendu complet
(je ne vois pas trop de raison de ne pas le mettre en ligne) :
Indications : Scapulalgies persistantes. [Hum, ce n'est pas
vraiment ce que j'ai dit, moi, mais passons.]
Radiographies de l'épaule droite de face (rotations neutre,
interne et externe) et profils de Lamy et
glénoïdien.Résultats : Respect des interlignes
articulaires sous-acromial et omo-huméral. Calcifications fines
hétérogènes sus-trochitériennes et en regard du trochin témoignant
respectivement d'une tendinopathie calcifiante du supra-épineux et du
sub-scapulaire. Absence de lésion osseuse
focale. CSA à 38°.
[CSA>35° : risque de rupture de coiffe.]
Échographie de l'épaule
droite.Résultats : L'examen a été réalisé avec une
sonde de 11MHz et a comporté des coupes multi-directionnelles
dynamiques. • Présence d'une structure hyperéchogène, sous acromiale
étendue sur près de 18×17×10mm, pouvant correspondre à une bursite
calcique mais l'absence de visiblité du tendon sub-scapulaire dans sa
totalité ne permet pas d'éliminer une rupture à son niveau. On
visualise également une solution de continuité entre les deux cordes
profonde et superficielle du supra-épineux traduisant une rupture
transfixiante sans rétraction. On retrouve la présence de
calcifications des fibres périphériques du supra-épineux. Petit
épanchement dans le récessus postérieur. Intégrité de l'articulation
acromio-claviculaire. Absence de dégénérescence graisseuse des corps
charnus du supra ou de l'infra-épineux.
Dans ces conditions, on préconise une confrontation aux
données IRM.
Le cabinet de radiologie a pu me trouver un rendez-vous pour
une IRM la semaine prochaine (jeudi 25). Ne sachant pas
trop quoi faire, j'ai pris rendez-vous chez une rhumatologue le
lendemain. Je ne sais pas si ça vaut la peine que je retourne voir
mon généraliste d'ici là, ni si ça a un intérêt de continuer les
anti-inflammatoires. Mais me voilà avec un certain nombre de
questions, d'inquiétudes ou d'angoisses :
1. Qu'est-ce qui m'est arrivé exactement ? Le
radiologue a été clair sur le fait que les calcifications démontrent
que le problème ne peut pas être aussi récent que vendredi (i.e., il
faut croire que j'avais quelque chose aux tendons bien avant d'essayer
de rattraper une moto, ou même de commencer les cours). Je savais
que j'avais des problèmes occasionnels à l'épaule droite, mais quelle
pouvait être leur nature exacte ? Je suppose que la rupture du tendon
supra-épineux elle-même date de vendredi, mais peut-être qu'elle était
partiellement amorcée avant. Mais comment expliquer que j'aie eu très
peu mal sur le coup, que je ne me sois pas senti spécialement
handicapé vendredi, et que la douleur et l'incapacité à soulever le
bras soient venus progressivement au cours du week-end ? J'ai quand
même pu conduire une moto vendredi après-midi, d'abord sur le plateau,
puis sur l'autoroute : j'ai du mal à comprendre comment j'ai pu
accomplir un tel exploit avec un ou deux tendons rompus ! (Ou alors
ils se seraient rompus après ? Mais comment ?)
J'ai déjà raconté que je n'avais
pas les épaules symétriques : alors que mon épaule gauche se place
naturellement dans le plan où les livres d'anatomie disent qu'elle est
censée être, mon épaule droite a toujours tendance à être avancée par
rapport à ça (plus ou moins avancée selon la manière dont je tourne
les bras, mais toujours au moins un peu décalée vers l'avant). Et
sans doute en rapport avec ça (même si le lien de causalité exact
m'échappe), (a) j'ai beaucoup moins de mobilité dans l'épaule droite,
et (b) j'ai beaucoup plus facilement mal à elle. Je me suis plusieurs
fois fait des tendinites à l'épaule droite en faisant de la muscu
(surtout les exercices consistant à lever les bras vers le côté ou
vers l'avant), jamais à la gauche, et je dois toujours veiller, sur ce
genre d'exercices, à régler la charge bien en-deçà de ce que je crois
être capable de porter. (Plusieurs fois je me suis dit que j'allais
essayer de forcer mon épaule dans la position où elle devrait
être pour faire l'exercice, mais j'ai l'impression que c'est encore
pire.)
Le problème, en outre, avec les traumatismes aux tendons à
l'effort, c'est que souvent ils ne préviennent pas tout de suite : on
peut ne pas du tout se rendre compte qu'on a trop forcé, et le
découvrir le soir même, voire le lendemain, ou même le surlendemain,
lorsque la douleur s'installe. Et il faut facilement des semaines,
parfois des mois, pour revenir à un semblant de normalité (en plus de
ça, pendant ces semaines ou ces mois, les muscles participant
secondairement à l'effort pour contrôler la position des membres ont
tendance à fondre énormément, donc si on reprend au niveau où on croit
en être, c'est la garantie de réactiver la tendinite : il faut
recommencer très progressivement). Bref, au moindre excès,
on perd des mois d'entraînement, et je dis ça alors que je fais de la
muscu juste pour le plaisir, je n'ose imaginer ce que ça donne chez
ceux qui s'y prennent vraiment sérieusement.
Bon, mais là je me suis fait mal à l'épaule non pas en salle de
sport mais, vendredi, en retenant une
moto qui allait tomber (à essentiellement 0km/h, je précise —
c'est là que l'équilibre est précaire) : j'ai eu le réflexe de
l'empêcher de verser à droite, et c'était une très mauvaise idée,
parce que c'est beaucoup plus lourd qu'un vélo et que mon épaule
droite n'a pas apprécié du tout. Alors certes je savais que la moto
pouvait être dangereuse, mais je ne pensais pas du tout à ce genre de
choses.
Et ce qui est insidieux, c'est que je ne m'en suis quasiment pas
rendu compte sur le coup. Ça a un peu tiré, mais la douleur à ce
moment-là était très modérée et elle a disparu presque immédiatement.
Je suis rentré sans m'apercevoir que je m'étais fait mal. Dès que je
suis arrivé chez moi je me suis rendu compte que quelque chose
n'allait pas, parce que ma main droite était comme ankylosée ; cette
impression-là n'a pas duré non plus. Mais la douleur à l'épaule a
vraiment crû tout au long du week-end.
La nostalgie douce-amère des petits moments de bonheur passés
Il y a certainement une place dans le merveilleusement
poétique Dictionary
of Obscure Sorrows pour ce dont je veux parler — en fait,
il est même possible qu'il y figure déjà, ou au moins que ses proches
voisins dans
la géographie
compliquée des émotions humaines soient répertoriées.
Chaque rentrée qui arrive, chaque été qui se finit, est pour moi
l'occasion d'une forme particulière d'anxiété — parfois légère,
diffuse, éthérée, presque clémente, mais toujours palpable.
L'incertitude quant aux changements que l'année va apporter.
L'inquiétude de me voir rappeler par le cycle des saisons que la roue
du temps tourne inexorablement. Or l'appréhension de l'avenir m'amène
à contempler le passé.
De ces minutes de contemplation, des souvenirs émergent
spontanément, et avec eux une sensation douce-amère : la nostalgie de
certains instants du bonheur passé. Le désir de les revivre, de
replonger dans la fraîcheur sucrée de ces moments trop vite vécus et
pas assez appréciés. Comme si je voulais dire à mon moi
d'hier : savoure cette seconde ! prends conscience que tu es
heureux — comme si j'étais jaloux de ne plus être à sa place, de
ne pas être plus jeune d'un jour, d'une semaine, d'un mois, d'un an,
ou d'un quart de siècle. L'image que recrée ma mémoire m'apaise en
même temps qu'elle me moque. À la manière d'une carte postale que je
me serais envoyée : ici il fait très beau – dommage que tu ne sois
pas là – bisous de jadis – signé : toi-même. Est-ce que je ne
pourrais pas profiter de nouveau de ce nectar-là, ô dieux du
temps ?
Les cartes postales se
mélangent, elles ne sont même pas
triées. Je regrette déjà l'après-midi ensoleillée que j'ai passée
avant-hier à Fontainebleau avec mon poussinet, ou une balade en
montagne il y a quelques semaines que, sur le moment, je n'ai pas
vraiment aimée. Mais je me revois aussi petit, visitant le zoo de
Toronto en suivant les grosses traces de pattes colorées qu'ils
utilisaient pour baliser les parcours. Je repense à toutes ces
promenades dans la vallée de Chevreuse avec mon père (qui maintenant
ne peut presque plus marcher) pendant lesquelles il tâchait de
m'intéresser à la physique. Je me remémore des heures passées à
l'ENS à refaire le monde avec des copains (avec lesquels
j'ai souvent perdu le contact). Il me revient aussi tout ce temps
passé, quand j'étais ado, à jouer à des jeux d'aventure sur
ordinateur[#] ou à programmer
moi-même le
jeu Légendes avec mes copains Laurent et Philippe
(qui habitent tous les deux loin). Et il y a le
jour où mon poussinet est devenu mon
poussinet ; et cet autre jour, pas longtemps après, où nous avons
déjeuné dans l'enceinte presque féérique du Petit Palais et je l'ai
présenté à ma maman et à une amie de longue date de mes parents
(maintenant décédée).
Les souvenirs qui me reviennent ainsi sont pour la plupart ceux
d'un beau temps. Peut-être que la
pluie délave la mémoire alors que le soleil la fige à la
manière d'une plaque photographique. Peut-être n'envoie-t-on de
cartes postales que d'un ciel serein.
L'utilisation du mot nostalgie est peut-être douteuse. Mais
la limite des sentiments n'est pas claire entre le regret des temps
que j'ai vécus et ceux de temps qui m'ont seulement été
contés, peut-être faussement, ou
que j'ai complètement inventés.
Même les années que j'ai vécues sont en partie fausses, car j'ai sans
doute écarté de ma mémoire les jours tristes — pluvieux — ennuyeux ;
et parce que les souvenirs que je garde peuvent avoir
été déformés. À force, tout se
confond : j'étais heureux quand
je sauvais des demoiselles en
détresse.
Je suppose qu'il faut considérer les souvenirs non pas comme des
cartes postales mais comme des sortes d'œuvres d'arts antiques — telle
celle le poète écrit :
Le temps passe. Tout meurt. Le marbre même s'use.
Agrigente n'est plus qu'une ombre, et Syracuse
Dort sous le bleu liceul de son ciel indulgent ;
Et seul le dur métal que l'amour fit docile
Garde encore en sa fleur, aux médailles d'argent,
L'immortelle beauté des vierges de Sicile.
— José-Maria de Heredia, Les Trophées (Médaille
antique)
Je retourne donc contempler ma collection de camées.
[#] Si vous avez mon âge
plus ou moins quelques années, et si ce type de nostalgie peut vous
atteindre, regardez les images
de cette
page et
de celle-ci,
c'est exactement le type d'art qui va bien avec le sentiment dont je
parle dans cette entrée.
J'aime beaucoup les travaux du dessinateur et
bédéiste Boulet[#]
parce qu'il arrive non seulement à me faire rire (ce qui n'est pas
trop difficile) mais aussi à me toucher. Je range cette entrée dans
la catégorie « livres » de
ce blog parce que je recommande l'ensemble de
ses Notes[#2],
mais je viens surtout de tomber sur sa fable(?) Maudit
Royaume (publiée en 2014 dans le numéro 3 du
trimestriel Papier
et republiée à la fin du volume 11 de ses Notes)
dont voici
une version en ligne. Cette histoire a beaucoup résonné en
moi.
(Divulgâchis maintenant. Suivez le lien ci-dessus ou lisez
ses Notes[#2]
avant de continuer à lire.)
Le thème qui m'a frappé, qui est présent dans plusieurs des
histoires de Boulet mais particulièrement bien illustré dans celle-ci,
c'est le contraste douloureux entre le monde féerique, magique et
enchanté de nos rêves et des récits fantastiques et contes qui les ont
alimentés — (Je dis nous mais je ne sais pas
qui nous sommes, disons que je
parle au moins pour moi et certainement pas que pour moi ; j'imagine
que le dessinateur doit ressentir quelque chose de proche.) — entre ce
monde féérique et le monde matériel dans lequel nous vivons vraiment.
Lequel n'est certes pas dénué de choses dont on peut s'émerveiller (là
aussi, Boulet a pas mal dessiné à ce sujet), mais il demeure une
dissonance entre les deux.
Cette dissonance est particulièrement douloureuse quand on est
scientifique, parce qu'un scientifique n'a pas le droit de croire à la
magie, et ça ne l'empêche pas d'y rêver. À un certain niveau, j'envie
les gens qui croient au surnaturel, aux dieux ou à ce genre de choses,
et qui n'ont pas une part de rationalité froide dans leur cerveau pour
leur rappeler sans arrêt rêve toujours : tout ça n'existe pas —
ou qui arrivent à la faire taire. Ils peuvent vivre dans un monde
enchanté.
Alors bien sûr, il est quand même possible pour un scientifique de
s'émerveiller, de conserver un monde enchanté au-dessus du monde réel
(j'avais développé ça de façon sans doute inutilement
compliquée ici), et bien sûr de
rêver (soit au sens littéral, soit
en consommant des romans, des bédés, des films, etc.), soit même en
étant artiste et en créant (quitte à risquer
de devenir fou ?). Mais même dans
la fiction, la
rationalité vient
vous embêter : oui, alors là, en fait, c'est pas logique que
l'enchanteur veuille capturer la princesse, parce que s'il a le
pouvoir de… — mais ta gueule, bordel de merde, rationalité
obsessive !. Et pour ce qui est du monde réel, je suis, comme
tout le monde, déçu quand on annonce la mise au point d'une technique
d'invisibilité, que ce ne soit pas une cape comme dans Harry Potter ou
un anneau magique comme celui de Bilbo mais un truc minuscule qui
arrive à canaliser certaines formes de micro-ondes ; ou que quand on
révèle l'existence d'eau liquide sur Mars ce ne soit pas les canaux
des rêves de Schiaparelli et de Lowell mais un lac enfoui sous
la glace. (Évidemment, je le sais à l'avance quand je lis
les titres qui les annoncent, mais ça ne m'empêche pas d'être déçu de
savoir à l'avance que je serai déçu ; et je sais rationnellement que
c'est un exploit d'avoir fabriqué le truc minuscule indétectable aux
micro-ondes ou d'avoir détecté l'eau liquide sous la glace, mais ça ne
m'empêche pas d'être frustré.)
Et puis, comme je l'ai déjà
écrit, un élémental de praséodyme, ça ne le fait pas : c'était
bien mieux quand les éléments étaient quatre et s'appelaient Terre,
Eau, Air et Feu.
Bref, je me sens comme exilé hors du royaume magique. C'est ce qui
m'a poussé à écrire de la mauvaise littérature fantastique et qui me
pousse encore à le faire de temps en temps (mais de moins en moins,
parce que je deviens vieux, usé et fatigué, et de moins en moins
capable de voir les éléphants dans les boas). Je sais que je radote,
je l'ai déjà raconté plusieurs fois sur ce blog
(ici à propos d'un de mes
personnages de roman, et
encore ici), et surtout, c'est le
thème de cette nouvelle, qui a des
idées en commun avec l'histoire de Boulet.
Je ne sais pas si le fait d'être mathématicien est, à cet égard,
plus ou moins enviable que si j'étais physicien ou biologiste. Les
mathématiques n'excluent pas vraiment la magie : on pourrait tout à
fait imaginer un monde fantastique basé sur une description
mathématique précise de la magie (là
aussi je sais
que je radote), ce serait quelque
chose d'intéressant à
élaborer[#3]. Les maths sont
les mêmes dans tous les univers possibles, même ceux où la magie
existe (du moins, on a tendance à le croire). Et à un certain
niveau, les maths contiennent déjà de la magie (en tout cas, elles
contiennent indiscutablement de la numérologie : j'ai assez parlé du
pouvoir magique des nombres 696 729 600 et 244 823 040 pour ne pas
insister)[#4]. Mais peut-être
que cela rend les choses encore plus frustrantes :
je pourrais être un mathématicien dans un monde où la magie
existe et je ne le suis pas ! Dammit!
[#] Là je fais un lien
vers son blog, mais en fait je ne le lis pas en ligne : j'achète
ses Notes sous forme de bouts d'arbres morts. Il n'y a
pas vraiment de raison (ce n'est pas comme si je ne lisais pas plein
de webcomics en ligne, donc je n'ai rien contre en principe), juste
qu'on m'a offert le volume 10 pour mon anniversaire il y a deux(?)
ans, alors ensuite j'ai acheté et lu les 9 à 1 dans l'ordre
décroissant (de numéro mais aussi, à mon avis, de qualité ← ceci est
une sorte de double négation pour dire qu'il s'améliore avec le
temps), et puis je me suis rendu compte tout récemment que le 11 était
sorti et je viens de le finir.
[#3] J'espère toujours
qu'à force de répéter cette idée, un oulipien fou va s'en emparer et
m'épargner le boulot fastidieux d'être moi-même l'oulipien fou.
[#4] Ou pour prendre un
exemple venu de la crypto : Alice (chevalière guerrière et sauveuses
de princes en détresse) et Bob (prince charmant prisonnier dans une
tour) disposent d'un canal de communication sur lequel Ève (cruelle
physicienne qui maintient Bob prisonnier) entend absolument tout ce
qui se passe mais ne peut pas modifier le contenu : par la magie de la
crypto, Alice et Bob peuvent quand même réussir à s'échanger des
messages secrets qu'Ève ne pourra pas déchiffrer. (C'est évident si
Alice et Bob ont convenu à l'avance d'une clé secrète de chiffrement,
mais la vraie magie c'est
que c'est
possible même sans ça.)
Il n'est pas complètement à exclure que la concision acérée dans
l'expression de mes idées, jointe à la chasse impitoyable aux
circonlocutions inutiles, ne dénombrent pas parmi les qualités pour
lesquelles je suis le plus
renommé.[#] Sans doute ne
fais-je pas partie de ceux qui, à l'instar du président américain,
savent rendre toute la sobre richesse de leur pensée dans l'implacable
carcan des 280 caractères : nous autres esprits plus médiocres devons
répandre notre logorrhée dans les cercles décidément moins reconnus
des blogs personnels.
Malgré ça, je me suis déjà souvent dit que je devrais me créer un
compte Twitter, ne serait-ce que parce qu'en lecture, c'est une source
d'information indubitablement utile, et que tant qu'à faire je
pourrais m'en servir à la fois pour annoncer les entrées que je publie
dans ce blog, et aussi pour poster des choses trop courtes pour que
j'ose en faire une nouvelle entrée (il ne faudrait pas saboter ma
réputation de verbomane).
Je n'aime pas trop le fait que Twitter soit une plate-forme
propriétaire[#2], mais en fait,
j'utilise
beaucoup MathOverflow (une instance de StackExchange), qui n'est
pas spécialement moins propriétaire que Twitter. Et à la réflexion,
je me suis dit que ce que je considérais le plus important, c'était
que mes données ne restent pas prisonnières de la plate-forme.
C'est-à-dire que je tiens à
pouvoir garder une copie de tout ce
que j'y fais de sorte que toute cette information soit encore
disponible si la plate-forme disparaît un jour. S'agissant de
StackExchange, j'utilise
déjà leur API
pour garder une copie personnelle de tout ce que je poste sur
MathOverflow (ainsi que toutes les questions auxquelles je réponds,
toutes les réponses à mes questions, et d'autres choses de ce genre).
J'avais commencé avec Reddit (dont j'essaie actuellement de me tenir
éloigné parce que c'est décidément trop chronophage). Dès lors, il
n'y a pas spécialement de raison de ne pas me créer un compte Twitter
selon la même logique, puisqu'il y
a une API
qui permet a minima de récupérer toutes les informations
disponibles par leur interface Web ou application Android. (Ce
n'était pas évident quand on lit la page vers laquelle je viens de
lier, qui a l'air de concerner uniquement des
usages corporate, qu'on puisse ouvrir un
compte API gratuitement et s'en servir pour faire de
l'archivage, mais apparemment c'est le cas puisque j'ai réussi. En
revanche, s'agissant de Facebook, je n'ai pas vraiment l'impression
qu'une telle API existe : leurs interfaces semblent
vraiment orientées vers les gens qui veulent faire de la pub,
développer des jeux Facebook, ce genre de choses, et pas archiver
leurs propres
données[#3].)[#4][#5]
Bon, ce n'est pas tout qu'une API existe, il faut
encore arriver à s'en servir. Heureusement, s'agissant de celle de
Twitter, il y a une
bibliothèque Perl, le langage que je préfère quand il s'agit
d'écrire ce genre de scripts. La difficulté, ensuite, c'est de
comprendre comment l'API fonctionne, parce qu'il y a
toujours plein de choses qui ne sont pas, ou qui sont très mal,
documentées : ce n'est dit nulle part, par exemple, que le texte d'un
tweet est renvoyé sous forme HTML-échappée (un ‘&’
est retourné comme &, par exemple, ce qui
est bizarre parce que, fondamentalement, un tweet n'est pas
du HTML, donc il n'y a aucune raison de l'échapper de la
sorte) ; et c'est encore moins dit si la position des
hashtags, URL et compagnie renvoyée par
l'API est comptée en caractères avant ou après
échappement (ou d'ailleurs si ces caractères sont vraiment des
caractères Unicode ou des unités de codage UTF-16 comme
en Java ; expérimentalement, ce sont bien des caractères Unicode, et
ils sont comptés après
échappement HTML[#6]).
Il faut aussi se dépatouiller de la demi-douzaine de façons
différentes dont on peut « retweeter » sur ce machin, qui sont mal
expliquées et certaines, je crois le deviner,
obsolètes[#7].
Je crois avoir vaincu ces petites difficultés techniques et produit
un programme qui archive tout ce que je tweeterai, que je mettrai en
ligne sur cette page (qui ne
sera pas mise à jour en temps réel, puisqu'elle est surtout destinée à
être une archive, mais probablement assez souvent quand même). Je
vais certainement découvrir de nouvelles subtilités de
l'API, mais j'imagine que je saurai m'en sortir.
Voilà, j'ai réussi à dire en beaucoup plus que 280 caractères, et
avec sept notes en bas de page, ce qui tenait finalement en
36 caractères :
[#] Pourtant, quand
j'étais lycéen, je me tirais plutôt bien de l'épreuve de résumé du bac
français. (Je mettais d'ailleurs un point d'honneur à rendre toujours
le nombre exact de mots demandés, sans jamais exploiter la marge
de ±10% permise.) C'est peut-être parce qu'il est plus facile de
sabrer dans la pensée d'autrui que dans la sienne
propre.
[#2] Il y a bien des
alternatives comme Mastodon, qui ont parfois des idées intéressantes,
mais il y a le problème de
l'effet de
Matthieu — sous la forme que ce qui fait l'intérêt d'un réseau
social, c'est le contenu qui est déjà dessus, donc les utilisateurs
attirent les autres utilisateurs, d'où le fait que le succès
appartienne à celui qui a eu le
hasard de réussir (en premier). Je ne sais pas comment on peut
lutter contre ça. (Par ailleurs, Mastodon a d'autres problèmes, comme
le fait qu'ils n'ont pas pu/su/voulu créer un namespace unique pour
les noms d'utilisateurs et qu'on se retrouve donc avec des noms à
rallonge aussi ridicules que si tout le monde se nommait par son
adresse mail.)
[#3] Alors vous allez
me dire, il y
a quand même
moyen de récupérer toutes les informations qu'on a sur Facebook
(le RGPD doit plus ou moins l'imposer). Mais s'il n'y a
pas un mécanisme pour le faire de façon incrémentale (je n'ai pas
envie, tous les jours, de récupérer tout ce que j'ai fait sur la
plate-forme depuis que j'ai commencé à m'en servir !), et
éventuellement filtrée, ce n'est pas très utile. Bref,
il faut une API.
[#4] À ce sujet, je
reconnais parfaitement la validité de la critique suivante : j'ai mis
en place un système de commentaires sur ce blog, et je n'ai pas créé
d'API pour interagir avec. Je le sais, et ça m'embête.
Pour ma défense : (1) il n'y a aucun mécanisme d'authentification, pas
de notion de compte ou quoi que ce soit de ce genre, donc je ne peux
pas proposer à quelqu'un de récupérer toutes ses données, je n'ai
moi-même pas trace de quel commentaire appartient vraiment à qui,
(2) comme le HTML que je sers est très propre et que
les URL sont assez évidentes, il serait simple à
scripter, donc si quelqu'un trouve vraiment mon interface
insupportable, il peut faire ça, et (3) j'ai
depuis Une Éternité® de réécrire ce
système de commentaire, qui est un vieux script Perl bien moisi qui ne
permet même pas de faire du HTML basique et ne permet les
liens qu'avec une syntaxe chiante que personne n'a envie de respecter,
je n'ai jamais trouvé le temps pour changer tout ça, mais si un jour
je le fais, une API minimale pour lire les commentaires
sera incluse.
[#5] Ce n'est pas
qu'une question d'archivage (au sens : garder pour l'Éternité),
d'ailleurs : c'est aussi une question de recherche. J'aime bien
pouvoir retrouver ce que j'ai déjà écrit sur tel ou tel sujet, et pour
ça, la commande egrep est extrêmement précieuse… à
condition d'avoir les données sous une forme grepable.
[#6] C'est un chouïa
illogique, comme façon de faire, mais je suppose que ça simplifie le
boulot des gens qui veulent produire du HTML facilement à
partir d'un Tweet, qui sont probablement les plus importants
consommateurs de l'API.
[#7] Est-ce qu'on peut
faire un native retweet par l'interface Web ?
J'ai essayé d'en faire un sans modifier le message, et il a quand même
enregistré un tweet commençant en interne
par RT.
Où est le docteur Sacks quand j'ai besoin de lui ?
(Oui, je sais, la réponse à la question du titre
est qu'il est
mort — il n'y a pas si longtemps d'ailleurs.)
Hier, j'ai encore eu un épisode
bizarre qui m'a mené aux urgences et a dû donner à tout le monde
l'impression que je suis un hypocondriaque qui s'écoute trop et qui
fait perdre du temps précieux qui devrait être consacré aux gens
vraiment malades, mais qui m'inquiète quand même beaucoup.
J'étais en train de faire de la musculation et de lire des articles
de maths. Oui, c'est une combinaison bizarre, mais j'ai
déjà dû expliquer que je faisais
régulièrement ça : je lis des maths pendant le temps de repos entre
deux séries de mouvements de muscu, le fait que ça m'oblige à lire
lentement est plutôt une bonne chose. Mais c'est peut-être aussi une
combinaison redoutable pour le cerveau, je ne sais pas, même si je
n'ai jamais eu de problème particulier jusqu'à maintenant. Je n'ai
rien consommé d'inhabituel ni rien qui ne soit pas vendu en pharmacie
en France (poudre de
protéines, HMB),
et j'ai bu normalement et régulièrement tout au long de ma séance. Je
n'ai pas subi de choc particulier. Il est possible que j'aie forcé
sur les mouvements. Ou peut-être que les articles que je lisais
étaient particulièrement ésotériques ; je ne peux pas trop donner de
détails parce qu'il s'agit de quelque chose sur quoi on m'a demandé
d'écrire un rapport, mais disons qu'il était question d'applications
possibles des groupes finis sporadiques à la crypto et, au point
précis où j'en étais,
de produits
de Zappa-Szép.
Toujours est-il que (sans doute
vers ) j'ai
commencé à avoir des sentiments récurrents d'absence, couplés à une
impression de déjà vu. Je n'arrivais plus du tout à suivre ce
que je lisais. J'avais la sensation d'être un peu endormi, ou bien
dans cet état mental incertain quand on est réveillé au milieu de la
nuit et que les idées sont confuses (voir
aussi ici). J'ai eu plusieurs fois
des souvenirs bizarres qui me sont remontés à l'esprit, comme des
restes de rêves qui remontent à la surface et qu'on n'arrive pas à
préciser complètement (et si j'essayais, ça me causait une sorte de
panique). Mais surtout, et c'est le symptôme qui a persisté le plus,
de vivre comme « en pointillé » : un instant j'étais ici, un instant
là, et entre les deux, rien, comme si ma vie n'était soudainement
faite que de flashs, sans continuité entre eux. Comme si ma mémoire à
court terme fonctionnait très mal, ou très bizarrement.
J'ai demandé à l'accueil de la salle de sport qu'ils parlent un peu
avec moi, puis, comme ça ne passait décidément pas, qu'ils appellent
les secours. Le SAMU et les pompiers ont jugé que
je n'étais pas un cas pour eux et que je n'avais qu'à me débrouiller.
Quelqu'un de la sécurité du club a eu la gentillesse de me
raccompagner jusqu'à chez moi où j'ai pu prendre quelques affaires et
appelé mon poussinet, lequel m'a mis dans un taxi et amené aux
urgences de la Pitié-Salpêtrière
(à si j'en crois
le compte-rendu, parce que mes souvenirs à moi sont, justement, très
confus pour ce qui est du temps).
Je pense que tout le monde m'a un peu pris pour un affabulateur,
parce que ma conversation, si j'en crois ce que dit mon poussinet,
était complètement cohérente et sensée, je donnais juste l'impression
d'être agité et peut-être de me répéter. Et je reconnais franchement
que j'ai une tendance très nette à l'hypocondrie. Mais moi, de mon
côté, j'ai l'impression de n'avoir vécu cette soirée que par
tableaux : un instant je suis dans la salle d'attente de la Pitié, un
autre je parle à l'IAO[#],
encore un autre un patient voisin me jette un regard noir parce que je
parle très fort, encore un autre je suis en conversation avec
l'interne qui s'est occupé de mon cas, puis on me fait passer un
scanner, etc. Le point positif, si on veut, c'est que je ne me suis
pas du tout ennuyé malgré les heures que j'ai passés à l'hôpital, je
n'ai à aucun moment sorti mon mobile comme j'ai tendance à faire quand
je trouve le temps long (juste une fois, vers la fin, et j'ai vu que
j'avais précédemment ouvert
l'article déjà
vu sur Wikipédia en anglais, chose que je ne me rappelais
plus du tout avoir fait).
[#] Il était très
choupinou, d'ailleurs, l'IAO en question, comme je l'ai
fait remarquer à mon poussinet : preuve que certaines parties de mon
cerveau, au moins, fonctionnaient normalement.
Je veux bien croire que je donnais la sensation d'affabuler mais
quand même, pour prendre un exemple un peu précis, je ne savais plus
quel jour de la semaine nous étions, ni en quel mois. J'ai dû le
faire remarquer à mon poussinet (j'ai laborieusement fini par
reconstituer que nous étions lundi, mais je pensais que nous étions en
mai) ; le poussinet qui, bêtement, n'a lui-même pas pensé à signaler
ce fait aux médecins. C'est sans doute le problème d'avoir une
conversation très cohérente : personne n'a eu l'air de juger utile de
me poser des questions pour vérifier ma mémoire ou pour gratter sous
le plâtre de cette cohérence. (Un des flashs de mémoire que j'ai est
que j'ai blagué auprès de l'interne qu'il ne me demandait pas quel
était le nom du président de la République. Bon, mais ça je ne
l'avais pas oublié, justement.) Et les conversations que j'ai eu avec
différentes personnes autres que mon poussinet étaient sans doute trop
courtes pour qu'on remarque que je radotais (beaucoup plus que
d'habitude, je veux dire). D'ailleurs, même en écrivant cette entrée,
ce n'est pas complètement dissipé : j'ai failli écrire une nouvelle
fois que le point positif c'est que je ne me suis pas du tout
ennuyé, j'avais oublié que je l'avais déjà dit au paragraphe
précédent ; et je me suis plusieurs fois rendu compte en me relisant
que je réemployais une tournure qui figurait déjà deux lignes plus
haut, vous voyez l'idée. À vous de juger si ce que j'écris est, par
ailleurs, globalement sensé et grammaticalement correct (et si ça
l'est plus ou moins que ce que j'écris d'ordinaire).
Il y a des souvenirs qui me manquent vraiment. Je me rappelle
avoir téléphoné à mon poussinet, mais rien de ce que j'ai pu lui dire
ou comment j'ai pu lui présenter le problème. Je me rappelle être
monté dans un taxi pour la Pitié, mais rien de la course elle-même.
Je ne me rappelle absolument pas avoir ouvert l'article Wikipédia sur
le déjà vu, mais mon téléphone s'en souvenait. Quand mon
poussinet est allé nous chercher à manger parce que notre attente aux
urgences s'éternisait, je lui ai envoyé un message, et cinq minutes
plus tard je me rappelais lui avoir envoyé un message mais rien de ce
qu'il pouvait dire. Ce genre de choses.
À l'inverse, parmi les souvenirs quasi-oniriques qui m'obsédaient
dans mon état second, il y a une histoire de jeu de cartes. J'ai
plusieurs fois répété (apparemment, parce que je ne m'en souviens que
très vaguement) à mon poussinet qu'il fallait absolument que je me
rappelle cette histoire de jeu de cartes. (Mais il insiste sur le
fait que je n'ai rien dit de vraiment incohérent, juste sur le fait
que j'avais une pensée de jeu de cartes et que je devais m'en
souvenir.) A posteriori, je pense qu'il s'agit du jeu que j'ai
fait imprimer et qui est basé sur la combinatoire des 27 droites sur
une surface cubique, mais je ne saurais pas expliquer pourquoi cette
pensée m'obsédait (il y a un rapport très lointain avec ce que je
lisais, mais ça ressemble surtout aux idées de maths confuses que je
peux avoir en rêve).
Comme je suppliais mon poussinet de trouver une tâche permettant de
juger un petit peu l'état de mon cerveau, il a fini par me proposer de
faire un sudoku. (Parmi les flashs de souvenirs que j'ai, il y a
celui où j'ai fait remarquer à l'interne que j'y tenais, à mon
cerveau, parce que c'était mon outil de travail.) Ça marchait plus ou
moins, c'est-à-dire que j'arrivais à remplir quelques cases
(correctement), mais vraiment lentement, et je n'arrêtais pas de
perdre le fil de mes raisonnements.
Bref. On m'a fait un examen sanguin sommaire (essentiellement
normal, cf. le rapport complet ci-dessous), un scanner sans produit de
contraste (normal) ; on n'a pas jugé utile de me faire voir par un psy
aux urgences, et on m'a renvoyé chez moi (vers 1h ce matin). J'ai eu
le sentiment d'aller mieux une fois au lit, et ce matin en me
réveillant, mais je ne peux pas dire que ce soit complètement passé
pour autant, j'ai encore l'impression d'avoir du mal à me concentrer
et de perdre inhabituellement souvent le fil de mes idées ou d'avoir
oublié ce que je viens de dire ou d'écrire. Ceci étant, il est vrai
que j'ai mal dormi (je me suis couché tard à cause des péripéties que
je viens de dire, j'étais stressé donc j'ai eu du mal à m'endormir, et
j'ai été réveillé tôt par le bruit de travaux dans un immeuble
voisin).
Je sais qu'il est arrivé quelque chose de semblable à la maman de
mon poussinet, et même à deux reprises. (La première fois je n'étais
pas là, mais elle avait soudainement oublié beaucoup de choses, y
compris le fait que son fils était homo, et elle n'arrêtait pas de
perdre le fil de ses pensées et de revenir sur des choses déjà dites.
La seconde fois, je lui ai parlé, et j'avoue que c'était assez délicat
de se rendre compte que quelque chose « n'allait pas », il fallait
surtout remarquer qu'elle radotait beaucoup.) Il ne semblait pas y
avoir de déclencheur particulier à ces épisodes, et ils n'ont pas
laissé de séquelle particulière, ni été corrélés à une quelconque
lésion visible sur une IRM.
Mise à jour nº1
() : Je pense que maintenant tout
est revenu à la normale. Mais ça aura pris plus que 24 heures.
Mise à jour nº2 : Un ami de ma petite sœur (bien
informé de ce genre de choses) me fait remarquer que les symptômes que
je décris ressemblent pas mal aux effets des antagonistes des
récepteurs NMDA (comme la diphénidine, mais elle a une
durée de vie plus courte). Je précise donc à tout hasard que je n'ai
consommé aucun psychotrope, certainement pas volontairement, et que je
ne vois aucun scénario qui ne soit pas invraisemblablement tarabiscoté
pour imaginer qu'on aurait pu m'en faire consommer à mon insu ce
jour-là (ni que ce soit arrivé par accident). • Sinon, pour répondre à
d'autres remarques que j'ai reçues, je n'étais pas inhabituellement
stressé, je n'étais pas en carence de sommeil, je n'ai pas mangé de
façon très différente de ce que je mange d'ordinaire, et je n'étais
pas en manque de caféine. • À la limite, si je dois pointer du doigt
des choses, je suis tenté de souligner qu'il faisait à la fois plus
chaud et plus lumineux que ces derniers jours, or je suis très
sensible à la chaleur et à la
lumière.
Mise à jour nº3
() : The plot thickens.
Vers
(c'est-à-dire hier soir au moment où j'écris), en même temps que les
effets cognitifs bizarres finissaient de s'estomper complètement, j'ai
commencé à avoir un de ces « maux de tête extérieurs » dont
je parlais ici (pour résumer, un
mal de tête qui au début semble intérieur à la tête mais qui, au bout
d'un certain temps, se révèle comme venant de la surface et
s'accompagne de l'apparition d'une sorte de petit bouton ou de toute
petite bosse sur la peau du crâne, en l'occurrence, quelques
centimètres au-dessus du point le plus arrière de l'oreille gauche) ;
j'ai appris à ignorer ces trucs qui m'arrivent occasionnellement et
semblent sans gravité aucune, mais celui-ci était inhabituellement
fort, et la coïncidence est tout de même troublante (d'autant que ça
faisait assez longtemps que je n'avais rien eu de la sorte). Je suis
absolument certain de ne pas avoir subi de choc à cet endroit-là.
Peut-être que c'est du Dr. House que j'ai besoin, pas du Dr. Sacks ;
ce qui est mauvais signe, parce que les patients de House,
généralement, il leur arrive plein de choses pas
drôles. • Mise à jour nº4 : C'est passé aussi.
Extraits du compte-rendu des urgences [reformaté
et légèrement édité ; les commentaires entre crochets sont de
moi] :
Entré le .
Constantes initiales
[à ] : PA 161/93 [normalement je suis autour de 130/70 au
repos, mais je sais que je monte très
facilement] ; FC 100/min [je
fais 60/min au repos] ; Temp : 36.8°C ; SaO₂ : 97% ; Dextro
[=glycémie] :
6.3 mmol/L ; Glasgow :
15
Antécédents : crises d'angoisse. • Traitement en
cours : propranolol [à faible dose pour des crises de
tachycardie].
Histoire de la maladie : Mathématicien. Cet après-midi,
dans la salle de musculation le patient a senti une perte de contact
avec la réalité brève et fluctuante. Perte de mémoire court terme.
Pas d'hallucination. Notion de première crise. Dernière selle : ce
matin. A uriné il y a peu. Pas de saut de repas. Pas de nuit
blanche.
Examen clinique initial : Glycémie à l'entrée normale.
Tachycarde. Pas d'essoufflement. Pas de douleur thoracique. Nausée
[légère et intermittente]. Pas de palpitation. Pas de sueurs. Pas
de vertige. Pas de sentiment de déréalisation ni de
dépersonnification [hum, ça je suis un peu surpris que ce soit écrit,
parce que c'était quand même un peu tout le problème]. • Examen
neuro : conscient, cohérent, orienté. ScGw=15. Pas de déficit
sensitivo-moteur. ROT
présents et symétriques. Paires craniennes normales. Pas de syndrome
cérebelleux. • Examen cardiaque : BdC réguliers. Souffle en foyer aortique [mon
cardiologue m'a expliqué qu'en fait ce n'était pas un souffle que
j'avais mais que le bruit de la circulation donnait cette impression —
ou quelque chose comme ça, je n'ai pas bien compris]. • Examen
pulmonaire : MVBS. Eupnéique en air ambiant. Pas de toux. Pas
d'expectoration. Abdomen : souple, dépressible, indolore. Pas
de SFU.
Évolution clinique :
[ — bilan sanguin] Iono :
subnormal. Calcémie à 2.55 mmol/L [c'est à peu près ce que j'ai
normalement]. Pas de dosage des protéines. Hyperleucocytose
à PPN : 12.78 GB dont
10.93 PPN [là, par contre, ce n'est pas habituel pour
moi, mon dernier bilan sanguin donnait 5.39 G/L leucocytes dont
2.7 PPN]. • En attente du TDM.
[] Scanner cérébral sans
injection : Pas d'anomalie de densité visible au niveau du parenchyme
cérébral. Pas d'anomalie significative visible au niveau des espaces
sous-arachnoïdiens. Les cavités ventriculaires et les sillons
cordicaux sont de forme et de dimension normales. Les structures
médianes sont en place. Absence de lésion ossseuse suspecte de
malignité visualisée. Conclusion : Scanner cérébral sans injection
normale.
[] Avis sénior psy de garde :
pas besoin d'un avis dans la nuit ni sur le groupe. Peut consulter
sans urgence au CMP du Paris 13.
Maintenant, je ne sais pas bien ce que je dois en conclure, ni ce
que je dois faire. Mon poussinet insiste que je n'ai rien oublié de
notable, qu'à chaque fois qu'il me rappelait un événement précis, en
fait, je m'en souvenais ; je crois qu'il me prend lui aussi un peu
pour un affabulateur (vilain poussinet !). Est-ce que je dois prendre
des précautions particulières en faisant de la muscu (voire arrêter
complètement), ou est-ce que c'est un « hareng rouge » dans
l'histoire ? Est-ce que je devrais essayer de trouver des tests
cognitifs à faire en ligne (un peu mieux calibrés que des sudoku) ?
Mais il me manquerait une valeur de référence pour mon état
« normal », donc ce ne serait pas forcément significatif. Est-ce que
je dois me forcer à faire des maths même si j'ai du mal à me
concentrer, ou au contraire essayer de m'aérer le cerveau quelques
jours ? Est-ce utile que j'aille consulter un psychiatre ?
neurologue ? neuropsychiatre ? Je n'en sais rien.
Ajout () : Mon hypothèse
personnelle provisoire est qu'il y a eu un déclencheur initial
(peut-être une montée en tension inhabituelle, une légère hypoglycémie
d'effort) et/ou un processus de pensée inhabituel (les produits de
Zappa-Szép ont pu faire une connexion avec un rêve que j'aurais fait)
qui auraient provoqué un état mental inhabituel avec ensuite une
sorte de feedback.
Bon, au moins, je ne me suis pas mis à prendre mon poussinet pour
un chapeau. Je sais bien que c'est un oiseau !
J'obtiens le permis (et je me demande si je sais conduire)
Le titre dit tout, mais je vais raconter l'histoire de mon permis
en long, en large, et en menus détails (en fait ça n'intéresse
personne, mais j'écris surtout tout ça pour moi-même pour m'en
souvenir plus tard).
(Edit :
ajout et remaniement de quelques passages, surtout dans la première
partie, que je ne crois pas utile de signaler spécifiquement.)
Fin de la formation
J'étais inscrit à
l'auto-école CER
Bobillot (ils méritent bien que je leur fasse un peu de pub) : je
les ai choisis parce qu'ils sont à même pas cinq minutes à pied de
chez moi, mais je peux les recommander indépendamment de ça,
administrativement ils ont toujours été corrects et efficaces, ils
lisent et répondent rapidement à leur mail, ils ont géré correctement
tout l'aspect administratif
(le problème que j'avais eu de ce
côté-là n'était absolument pas de leur faute, et ils m'ont
correctement renseigné). Au niveau équipement, ils ont un simulateur
moderne (que je n'ai que très peu utilisé, mais ça m'a quand même aidé
à me rassurer au début), et les voitures sont dans un état impeccable.
De ce que j'ai vu, la disponibilité des moniteurs est bonne, leur
ponctualité est irréprochable. Au niveau de leur compétence, je n'ai
rien à redire : on sent qu'ils connaissent bien les endroits où aller
pour pratiquer, et les difficultés de tel ou tel centre d'examen, par
exemple. Les explications théoriques et pratiques qu'on m'a données
étaient toujours claires. Mon principal reproche pédagogique concerne
le manque de patience face à mes erreurs (très) répétées, comme je
vais le décrire ci-dessous.
Je reprends maintenant l'histoire
où je l'avais laissée (j'en étais à
20h de conduite quand j'ai écrit cette entrée-là). J'ai continué à
prendre des leçons de conduite, et ça a duré longtemps… longtemps. Au
total j'ai fait 73 heures (ce qui, à 58€ l'heure, commence à revenir
un peu cher, d'ailleurs, mais c'est surtout le temps consommé qui me
posait problème), entre le et
le , toujours par paquets de deux heures,
presque toujours avec le même moniteur. (C'est dire si je connais
bien, maintenant, ces lieux enchantés que sont Cachan, Chevilly-Larue,
Orly, mais aussi Vélizy et Maisons-Alfort.) Et cette expérience de
l'apprentissage de la conduite n'était pas franchement plaisante quand
je devais lutter contre mes propres blocages.
Je disais dans l'entrée précédente que mes trois gros problèmes
étaient l'inobservation (généralement due à une concentration
focalisée sur le mauvais problème), l'indécision, et la panique
inopportune. Les choses se sont un peu améliorées avec le
temps : l'indécision s'est largement résorbée (mais parfois je suis
tombé dans l'excès inverse), la panique a pris des formes moins
aiguës, mais l'inobservation continue vraiment à me poser problème.
Jusqu'à la fin, et je veux vraiment dire la fin, c'est-à-dire à la
leçon qui consistait à emmener la voiture de l'auto-école au lieu de
passage du permis, mon moniteur m'a engueulé parce que mes
trajectoires étaient mauvaises parce que je ne faisais pas attention
aux bonnes choses (je déviais ou je risquais de rouler dans un trou…).
Et à chaque fois que je bugguais, et à plus forte raison si je me
faisais engueuler, je tombais dans le cycle vicieux des erreurs. (Je
restais régulièrement bloqué sur mais pourquoi j'ai fait ça ? ;
or en conduisant, il faut penser au présent et à l'avenir, pas au
passé.)
Bref, même s'il y avait pas mal de moments où tout allait très
bien, j'ai eu des leçons ou des bouts de leçons qui se passaient
vraiment très mal, et ce jusqu'à la fin. J'ai l'impression que mon
moniteur était vraiment désemparé face à mon irrégularité. (J'ai déjà
raconté que la formation était divisée en quatre grands chapitres, en
gros 1 la mécanique, 2 la circulation urbaine normale, 3 la
circulation plus compliquée et les autoroutes, et 4 du pipo,
voyez l'entrée liée ci-dessus pour
les intitulés réels ; mon moniteur a validé la partie 1
le au bout de 26 heures de conduite, et la
partie 2, à confirmer, le après
60 heures… et il n'a jamais validé les parties 3 et 4. Bon, je ne
sais pas ce que cette validation signifie pour eux au juste,
mais toujours est-il qu'il n'avait pas l'air super convaincu de mon
niveau.) Plus d'une fois il a tenu des propos du style si tu
n'arrives pas à comprendre ça, je ne peux vraiment rien pour
toi.
Il a quand même décidé, après une leçon qui s'était très bien
déroulée malgré des conditions difficiles (nuit, circulation dense),
de me présenter à l'examen sous réserve que je prenne encore une
dizaine d'heures supplémentaires avant (finalement je n'en ai pas eu
autant parce que la neige a forcé l'auto-école a annuler une leçon,
le ). Mais même pas une demi-heure avant
l'examen, pendant la dernière leçon d'une heure qui est plutôt
destinée à « chauffer » le candidat et à le mettre en confiance en
circulant dans le coin où aura lieu l'épreuve, il m'a deux fois pilé
la voiture et passé un savon parce que je ne prenais pas suffisamment
de marge pour m'écarter d'une voiture mal garée à droite. (Et ce
genre de savon de dernière minute, limite humiliant, avec pour témoins
les deux autres candidats à l'examen le même jour que je transportais
comme passagers, ce n'est vraiment pas un truc pour mettre en
confiance. L'une de ces deux candidats m'a d'ailleurs dit qu'elle
avait été un peu choquée par l'attitude du moniteur à ce moment.)
Il y a des choses qui ne sont évidentes qu'a posteriori.
J'aurais sans doute dû demander à changer de moniteur, pour avoir
quelqu'un qui m'engueule moins. (Et en fait, lui-même aurait sans
doute dû me le conseiller, plutôt que rester sur des formules
comme je ne peux vraiment rien pour toi, et surtout, se rendre
compte que m'engueuler était contre-productif.) D'un autre côté, il
avait aussi des qualités que j'appréciais : non seulement je me
sentais vraiment en sécurité et en confiance dans sa maîtrise du
véhicule (j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater sa capacité à
rattraper des erreurs graves de ma part), mais par ailleurs il me
faisait partager ses observations, toujours très pertinente, sur les
autres usagers de la route (tu as remarqué combien celui-là était
agressif ?, celui-là il est pressé mais pas
méchant, celle-là elle est complètement dans sa bulle) ; et
j'espère, même si je n'en suis pas complètement persuadé, que ça m'a
un peu aidé à combattre mon super-pouvoir d'inobservation. Mais une
je me rends compte surtout maintenant que c'est fini à quel point
cette formation m'a pesé, usé et stressé (les engueulades n'y sont pas
pour rien, mais ça aussi c'est quelque chose que je ne perçois
clairement qu'après coup).
Ceci étant, je ne veux surtout pas jeter la pierre à mon moniteur.
D'abord parce que je comprends que ça soit difficile de gérer
quelqu'un qui fait des erreurs répétées et parfois vraiment
dangereuses. (Et en tant qu'enseignant je sympathise avec la
difficulté de faire passer un message à un élève qui « ne veut pas »
comprendre.) Mais aussi parce que, à un certain niveau, c'est le
résultat qui compte, et il vaut indubitablement mieux se faire
engueuler en leçon que d'avoir un accident après. Simplement, dans
mon cas, je pense que c'était quand même contre-productif.
Le fait d'avoir fait un grand nombre d'heures, en tout cas, n'est
pas en soi une mauvaise chose. (Je l'avais clairement dit au début :
j'assume que ça puisse durer longtemps.) S'il m'a fallu beaucoup de
temps pour surmonter très partiellement mes super-pouvoirs
d'inobservation, d'indécision et de panique, en revanche, pendant ce
temps, j'ai pu beaucoup améliorer ma pratique de la mécanique, et
c'est au moins vrai que passer les vitesses, revenir au patinage, ou
autres éléments de ce genre, ne me posent plus aucun problème.
Le stress
C'est quelque chose de vraiment bizarre. Fondamentalement je m'en
foutais pas mal de passer le permis : je l'ai fait un peu sur la
pression de mon entourage (mon poussinet, ma maman…), un peu parce que
me sentant vieillir je me disais que si j'attendais plus longtemps je
n'y arriverais vraiment jamais, un peu parce que mon école va
déménager à Saclay dans 1½ ans, mais bon, aucune raison impérative, et
je ne peux pas dire que ma motivation crevait le plafond. J'ai
procrastiné assez longtemps
pour présenter le code ; et quand
j'ai finalement passé cet examen théorique, je n'étais absolument pas
stressé, ni pour l'examen lui-même ni pour les résultats (alors que ce
n'était pas du tout évident que je l'aurais vu le caractère très
mystérieux des questions et mes résultats aléatoires sur les sites de
préparation).
Et là, pour l'épreuve pratique, j'ai passé toute la semaine à
angoisser comme un fou (et j'ai de nouveau stressé pour les
résultats). Merci au passage à l'hydroxyzine pour m'avoir permis de
dormir quand même, et au propranolol pour m'avoir évité les crises de
tachycardie. Mais pourquoi ? Je sais que je suis d'un naturel hyper
anxieux, mais c'est un peu mystérieux, quand même, que ça me mette
dans un état de panique de passer un truc dont, fondamentalement, j'ai
l'impression de me foutre pas mal. J'ai plusieurs hypothèses mais
aucune n'est vraiment satisfaisante : notamment, le trac à l'idée que
quelqu'un que je ne connais pas voie mes erreurs (et que je sois
possiblement humilié), mais ça m'explique pas l'angoisse au moment des
résultats ; ou la peur
des coûts
irrécupérables (sous la forme : maintenant que j'ai souffert pour
passer ce permis, je n'ai pas envie que ça soit en vain).
C'est d'autant plus idiot que c'est un examen particulièrement
facile à repasser (pour un examen universitaire il faut généralement
attendre l'année suivante, là c'est possible sous un délai assez
court, quelques mois dans le pire cas), les frais sont négligeables,
et il n'y a pas de limite sur le nombre de passages (au bout de cinq
échecs on doit repasser le code, mais cette partie-là est tellement
facile à repasser, et pour le coup il n'y a aucune limite, que c'est
presque insignifiant). Mais j'étais peut-être victime du méta-stress
(i.e. : je stresse tellement cette fois-ci, je n'ai pas envie
d'échouer et de devoir recommencer, ce qui me ferait stresser à
nouveau) ; ou peut-être que le fait que je passe à un endroit
notoirement « facile » (cf. ci-dessous) me rendait d'autant plus
anxieux de ne pas gâcher cette chance.
Généralités sur l'examen
Pour ceux qui n'ont pas passé le permis, en France, et encore,
récemment, voici une description détaillé du déroulement de l'épreuve
pratique (pour le permis B) :
L'auto-école du candidat fournit la voiture à doubles commandes
(donc celle sur laquelle on a appris à conduire, heureusement) ;
l'inspecteur (officiellement appelé expert) prend place siège
passager avant (avec les doubles commandes), le moniteur
accompagnateur s'asseoit à l'arrière et prendra lui-même des notes
(mais ne doit, évidemment, pas dire un mot). L'inspecteur commence
par vérifier l'identité du candidat et contrôler le dossier
administratif (notamment l'attestation de réussite au code, qu'il a
déjà), puis il rappelle les consignes générales de l'épreuve. Il est
censé procéder à un test de vue en demandant de lire une plaque
d'immatriculation à une vingtaine(?) de mètres, mais souvent il omet
cette formalité et je n'y ai pas eu droit. L'épreuve dure
officiellement 32 minutes, dont 7 minutes de vérifications et
questions, et 25 minutes de conduite effective : en fait, cette durée
est très approximative, mais elle explique les heures bizarres comme
14h02.
L'inspecteur donne des instructions comme à gauche, à
droite, tout droit, ou bien suivez
Trouducul-du-Monde ; s'il ne dit rien, c'est soit que c'est tout
droit, soit que la réglementation ne laisse qu'une seule possibilité
(et ça fait partie de l'épreuve de le détecter assez tôt et de
clignoter si nécessaire) ; il peut aussi dire quelque chose
comme tournez à droite dès que possible (ce qui suggère que la
première à droite sera peut-être interdite, mais pas forcément) ; en
revanche, il ne donnera pas d'instruction contredisant explicitement
la réglementation. L'épreuve doit autant que possible faire
intervenir différents types de conditions (circulation urbaine d'une
part, routes hors agglomération ou autoroutes de l'autre). Au moins
une partie de l'épreuve est une « conduite autonome », c'est-à-dire
que l'inspecteur aura donné des instructions comme suivez Machin,
puis Truc, et il faut lire les panneaux de direction (mais il
n'est évidemment pas demandé de faire plus que ça : on n'est pas censé
connaître le coin, ni lire une carte, ni manipuler
un GPS).
À un moment de son choix, l'inspecteur demande une manœuvre faisant
intervenir une marche arrière : simple marche arrière en ligne droite,
marche arrière en courbe, demi-tour, ou le plus souvent rangement en
bataille ou en créneau. (Réussir cette manœuvre n'est pas
obligatoire, mais ce qui est surtout vérifié est la sécurité : bien
contrôler qu'on ne gêne personne, et ne pas heurter violemment le
trottoir, notamment.) À un moment de son choix, mais généralement
juste après la manœuvre consistant à se garer, l'inspecteur pose trois
questions : celles-ci sont déterminées, selon une table connue à
l'avance, par les deux derniers chiffres du totaliseur kilométrique à
ce moment-là (cela joue le rôle de générateur aléatoire) ; la première
question est une
« vérification » intérieure
(du genre : allumez le(s) feu(x) de brouillard arrière et montrez
le voyant correspondant — c'est ce que j'ai eu)
ou extérieure
(du genre : contrôlez l'état, la propreté et le fonctionnement des
feux de route), la deuxième est une question en rapport avec ce
qui vient d'être contrôlé (du genre : peut-on utiliser les feux de
brouillard arrière par forte pluie ?), et la troisième est une
question de premiers secours (comme quels sont les signes d'un
arrêt cardiaque ?). C'est un petit changement fait en 2018 (et
dont je suis donc un des tout premiers à bénéficier) : auparavant, il
y avait une vérification intérieure et une vérification
extérieure, et la liste était nettement plus longue.
À la fin de l'épreuve (il faudra de nouveau se garer, mais
l'inspecteur demandera alors généralement un stationnement en marche
avant, censément plus facile), l'inspecteur rend sa pièce d'identité
au candidat et passe au candidat suivant. Dans mon cas, nous étions
trois candidats de la même auto-école à passer successivement avec cet
inspecteur (je suis passé en premier), les candidats qui ne passaient
pas attendaient donc sur le parking que celui qui passe revienne
(heureusement qu'il ne pleuvait que très peu !), et tout le monde
partait du même point : je ne sais pas si c'est universel ou si
certains font des parcours en boucle où un candidat fait la première
moitié de la boucle et un autre fait la deuxième moitié.
Les résultats sont communiqués deux jours plus tard. Jusqu'à
récemment c'était par courrier, mais maintenant (que les inspecteurs
ont une tablette avec eux pour évaluer les candidats) c'est
un PDF qu'on
obtient en
ligne. Je n'y croyais pas, mais le site Web est correct : quand
on passe le jeudi, on obtient bien le résultat le samedi matin (à cinq
heures du matin il n'y était pas, à dix heures et demi il y était).
S'il est favorable, ce PDF (imprimé !) de certificat
d'examen tient lieu de permis de conduire provisoire, et donne le
droit de conduire, jusqu'à réception du titre définitif (dans les
quatre mois).
J'ai déjà dit plusieurs fois sur ce blog que je préférais éviter
d'écrire des billets dont le seul contenu est essentiellement de
dire je suis toujours vivant (et je n'ai rien d'autre à dire),
mais comme cela fait vraiment longtemps que je n'ai rien écrit, je
vais quand même faire une exception et signaler que je suis toujours
vivant (et je n'ai pas décidé de mettre un terme à ce blog, ni quoi
que ce soit de ce genre). J'ai juste été encore plus débordé que
d'habitude et, en plus d'être débordé, particulièrement fatigué.
C'est la raison principale pour laquelle je n'ai rien écrit ici, ni
même répondu aux commentaires (dont certains sont pourtant très
intéressants sur l'entrée
précédente).
D'abord, il y a les ordinateurs, qui sont notoirement des monstres
dévoreurs de temps : j'ai passé beaucoup de temps à faire des mises à
jour et, plus après les mises à jour, à me battre contre les
conséquences néfastes de celles-ci. Cela faisait un certain temps que
j'accumulais de
la dette
technique dans l'administration de mes (trop
nombreux) PC, dont certains étaient encore
sous Debian GNU/Linux 8 Jessie
(aka actuellement oldstable), version carrément paléolithique,
par manque de temps et de courage pour les mettre à jour vers la
version 9 Stretch
(aka stable) qui est seulement mésolithique. Le problème avec
cette dette technique est qu'elle a vite tendance à s'accumuler : la
version 57 de Firefox était devenue essentiellement impossible à
compiler sur cette version paléolithique de Debian, et c'est ce qui
m'a décidé à finalement trouver le temps de migrer au moins
mon PC principal à Debian 9 Stretch. La
mise à jour elle-même a été longue et douloureuse, mais ce qui a
surtout été long et douloureux, c'est de prendre conscience de tout ce
qui a cassé d'une version à l'autre, trouver comment contourner les
problèmes qui sont apparus, ou m'habituer à ce que je ne peux pas
contourner. Mais je suis loin d'avoir repayé ma dette : je n'ai
toujours pas trouvé le temps de m'occuper de mon Firefox, qui continue
d'être coincé à la version 56 : je pourrais raconter pendant des pages
(j'avais d'ailleurs commencé à le faire) à quel point je suis
malheureux que Firefox ait décidé de complètement tout casser (en
particulier, toutes les extensions) avec la version 57, et de se
transformer en une sorte d'équivalent de Google Chrome, toujours
est-il que je n'ai toujours pas trouvé le temps de m'occuper de ça, et
ça m'embête parce que c'est maintenant une passoire au niveau
sécurité. Et à côté de ça, il y a encore d'autres machines sur
lesquelles je dois faire une mise à jour du même type, en fait une
réinstallation complète, et je cherche toujours un moyen de préparer
les choses un maximum à distance (il y a une machine à laquelle je
n'ai pas commodément accès). Bref, je continue à crouler sous cette
dette technique. Et je commence à en avoir franchement marre de la
quantité de temps perdu avec toutes ces merdes.
Et là-dessus sont venus s'ajouter les deux petits cadeaux surprise
du monde de l'informatique pour 2018 à
savoir Meltdown
et Spectre.
Je ne vais pas parler du fond du problème : pour ça, je renvoie par
exemple aux excellents articles d'Ars Technica,
notamment ici
(publié un peu avant la levée de l'embargo, donc sur informations
incomplètes)
et ici
sur Meltdown et Spectre
eux-mêmes, ici
sur la réaction des différentes
compagnies, ici
sur l'impact des correctifs en termes de performances
et ici
sur d'autres problèmes liés à ces correctifs. Les pertes de
performances ne sont pas franchement problématiques pour moi, mais
j'ai effectivement croisé des bugs bizarres (BUG: unable to
handle kernel paging request at 00007fe67e522000 ␊ IP:
[<ffffffff812ba451>] __rb_erase_color+0x21/0x270) depuis
que j'ai un noyau censé corriger Meltdown. • Par ailleurs, je
m'inquiète un peu pour la morale à plus long terme de l'histoire :
c'est quelque chose de déjà bien connu en cryptographie à quel point
il est difficile de faire des calculs sans fuiter de l'information par
des canaux auxiliaires, mais les impératifs d'efficacité des
ordinateurs semblent de plus en plus incompatibles avec la nécessité
de ne pas avoir de telles fuites (l'exécution spéculative, le
hyperthreading et les caches mémoire sont des concepts sur lesquels
les mots fuite d'information semblent écrits en néon
clignotant : on découvrira certainement plein d'autres vulnérabilités
du même genre) ; je me demande même s'il ne faut pas passer à des
modèles d'ordinateurs où on étiquetterait les régions de mémoire qui
contiennent une information secrète (ou dépendant d'une quelconque
manière d'une donnée secrète), ce qui invaliderait tout ce qui est
cache ou exécution spéculative, et il faudrait apprendre à manipuler
le plus possible des données complètement publiques ; je me demande
aussi si le concept de machine virtuelle ne doit pas être complètement
abandonné, parce qu'on n'arrivera jamais à se débarrasser de ce genre
de fuites. • Mais bon, à part ça, à mon niveau personnel, ce qui me
fait rager c'est aussi une bête question de timing : juste avant la
levée de l'embargo sur ces trous, au moment où les rumeurs circulaient
qu'il y avait un problème grave dans les processeurs Intel pour lequel
Windows et Linux avaient fait passer des patchs correctifs aussi
discrètement que possible, et même que ces patchs avaient été
backportés à des versions stables de Linux, je me suis dit, du coup,
je vais immédiatement mettre à jour mes noyaux, comme ça je gagnerai
un peu de temps — que nenni, je ne sais pas où ces patchs avaient
atterri, mais en tout cas pas dans les versions que j'ai compilées et
installées alors que les rumeurs à leur sujet circulaient déjà partout
sur Internet. Bref, encore du temps perdu dont je n'avais pas
besoin.
Zut, j'ai de nouveau ranté sur les ordinateurs, ce qui est sans
doute encore plus inintéressant que si j'avais juste écrit je suis
toujours vivant. Mais ils ne sont pas ma seule cause de fatigue
ou de manque de temps. Je continue
à prendre des leçons de conduite, avec une impression pénible de
tourner en rond, même s'il y a eu des progrès (très lents : j'en suis
maintenant à 62 heures de conduite) et qu'il commence à devenir
envisageable que je passe le permis dans pas trop longtemps. J'ai
aussi un peu l'impression de me noyer sous le poids de mes
enseignements et d'un emploi du temps passablement merdique. (En tout
cas, je consomme des recharges pour feutres à une vitesse
hallucinante, et je me suis fait une petite tendinite au bras droit en
écrivant au tableau blanc.) Et je passe beaucoup de temps au lit
parce que je ne dors pas très bien.
Le truc avec le temps c'est qu'il se fragmente mal : on peut
facilement se retrouver avec plein de petits bouts de temps libre,
mais ces petits bouts sont inutilisables parce que chacun est trop
court pour faire quelque chose de productif (si je veux réfléchis
sereinement à un problème de maths, il me faut une journée calme, même
si je ne vais pas passer toute la journée concentré : je déteste
commencer à penser à une chose
et devoir m'interrompre pour passer
à une autre ; pour rédiger quelque chose, et même pour répondre à un
mail non complètement évident, il me faut aussi une plage assez
longue). Bref, je me retrouve à la fois à être débordé et à
m'ennuyer, comme je me retrouve à la fois à faire de l'insomnie et à
dormir trop, et tout ça est pénible.
Il est aussi probable que la météo inlassablement pourrie, qui fait
se succéder jour après jour de pluie ponctuée par les tempêtes Carmen,
Eleanor et David (dans cet ordre, si j'ai bien suivi
— ça
a l'air embrouillé) n'aide pas franchement à me donner de
l'énergie. Peut-être que je manque de vitamine D.
Toujours est-il que je promets d'œuvrer à un retour à la normale de
ce blog quand j'aurai moins l'impression d'être fatigué. En
attendant, je profite du fait que j'écris ceci pour faire un lien
vers cette
sorte de blog, A piece of a larger me,
tenu de façon originale sur GitHub, qu'une connaissance (qui souhaite
rester anonyme), a lancé, et qui contient le genre de réflexions un
peu longues qui pourraient intéresser les gens qui me lisent. (C'est
en français, malgré le titre.)
Je re-regarde différentes adaptations du Christmas Carol
L'approche de Noël m'a fait revenir à l'esprit un de
ces souvenirs confus dans lesquels
la réalité se retrouve mélangée à toutes sortes d'éléments déformés ou
carrément inventés. Le souvenir dont il est question, en
l'occurrence, c'est que, pendant l'année que j'ai passée à Toronto
quand j'avais huit ans (soit 1984–1985), j'ai vu à la télé une
adaptation du Christmas Carol de Dickens,
et que je l'ai tellement aimée que j'ai réussi à la revoir plusieurs
fois ; mais une fois, ils en ont diffusé une version, en noir et
blanc, différente de la version en couleur dont j'avais l'habitude, et
j'étais tout contrarié parce que ce n'était pas exactement celle que
je voulais voir : notamment, l'esprit des Noëls passés ne
correspondait pas à la vision que je m'en étais faite à travers
l'adaptation que j'avais vue en premier.
Peut-être devrais-je résumer très brièvement la fable (au risque de
spoiler complètement, mais honnêtement, je pense que ça n'a aucune
importance) vu que les francophones ne sont peut-être pas très
familiers avec. Il s'agit de l'histoire d'un vieil avare aigri,
Ebenezer Scrooge, particulièrement acariâtre en la saison des fêtes,
auquel rendent visite trois esprits, l'esprit des Noëls passés,
puis l'esprit du Noël présent et enfin l'esprit des Noëls à
venir, qui viennent le racheter : ils lui font voir plusieurs
scènes du passé, du présent et de l'avenir pour le convaincre qu'il a
été plus ouvert et généreux autrefois, que d'autres gens sont heureux
à Noël, et que s'il ne change pas son attitude il mourra seul et
détesté ; et suite à ces visites, Scrooge s'amende et devient bon et
charitable. Cette histoire a particulièrement marqué la culture
anglo-saxonne à différents niveaux : scrooge est
devenu un terme général pour un avare (ou l'objet de toutes sortes de
références, par exemple le nom de l'oncle de Donald Duck, celui qu'on
traduit par Picsou en français, est Scrooge McDuck) ; et
la représentation de l'esprit du Noël présent (tel qu'il
apparaît
dans une
gravure qui accompagne l'édition de 1843 du roman de Dickens, et
cette image a été ensuite reprise dans les adaptations
cinématographiques ou télévisuelles) a certainement beaucoup influencé
l'iconographie du Père Noël, au moins à l'époque où il
s'habillait encore en vert et pas en rouge. À cause de cette
célébrité, on se doute bien, du coup, qu'il y a eu toutes sortes
d'aptations de l'histoire.
J'ai revu les deux versions successivement, et je ne peux pas
vraiment dire que ça ait autant réveillé de souvenirs que ce que
j'espérais. Je me souvenais bien de l'histoire, mais il est
impossible de dire si c'était un souvenir de telle ou telle adaptation
ou simplement du livre de Dickens lui-même (que j'ai lu quelque part
dans les 30 dernières années). En revanche, regarder deux films qui
se correspondent presque scène pour scène a quelque chose qui plaît à
mon sens de la symétrie ; je ne
sais pas si je pousserai jusqu'à regarder une ou plusieurs des autres
adaptations qui ont été faites (depuis 1984, notamment) de la même
histoire, mais heureusement d'autres que moi s'y sont attelés, par
exemple ici
ou là.
Je voyage plus en une semaine que d'ordinaire en un an
C'est un fait que, contrairement à mon poussinet qui est tout le
temps par monts et par vaux, je n'aime vraiment pas voyager. (Je
n'aime pas préparer mes sacs et m'arracher les cheveux à me demander
ce que je dois emporter. Je n'aime pas porter mes sacs qui sont
toujours trop lourds. Je n'aime pas me rendre compte que j'ai oublié
d'emporter des choses — au hasard, un anti-moustique parce que je
pensais qu'il n'y aurait pas de
moustiques. Je n'aime pas ne pas avoir toutes les choses que j'ai
l'habitude de trouver à portée de main chez moi. J'angoisse si je
vais dans un pays dont je ne parle pas la langue. Je n'aime pas me
retrouver entassé dans des moyens de transport ou courir d'un moyen de
transport à un autre ou au contraire poireauter pour
une n-ième correspondance. Je n'aime pas le moment où,
après avoir rendu la chambre d'hôtel mais avant de repartir, on n'a
plus vraiment d'endroit où se poser ou aller aux toilettes. Je
stresse à l'idée de retrouver mon chez-moi cambriolé en mon absence ou
ayant subi un dégât des eaux. J'aime aussi peu ranger mes affaires
une fois rentré que les préparer pour partir. Et ce que je déteste
peut-être par-dessus tout, c'est le nombre de choses que je dois faire
et qui s'accumulent pendant que je suis en déplacement, ce qui fait
qu'en rentrant j'ai une surcharge de stress qui s'ajoute à celui du
voyage lui-même.) C'est un peu dommage, parce que s'il y avait un
téléporteur qui me permette d'aller n'importe où instantanément et de
rentrer dormir chez moi, j'aurais plaisir à aller visiter toutes
sortes de villes dans le monde. Toujours est-il qu'en général, je
voyage très peu.
Mais la semaine dernière, j'ai vraiment fait exception à mes
habitudes.
D'abord mon poussinet et moi sommes allés à
Florence comme je l'ai raconté.
Comme mon poussinet travaille dans
le métier, nous avons pris le train pour y aller : et pour que le
voyage soit plus beau, nous sommes passés par Zürich et Milan. Ça
représente environ 11 heures de train (12 heures de porte à porte),
mais finalement, je crois que je préfère passer plein de temps dans un
train confortable où je peux me dégourdir les jambes que faire le
trajet dans un avion bondé où je n'ose pas bouger le bras de peur de
gêner la personne à côté. Ça permet de profiter de l'escale à Zürich
pour acheter du bon chocolat suisse. Et il faut reconnaître que les
paysages suisses (entre Zürich et le tunnel du Gothard, ou même les
rives du lac de Lugano vues la nuit)
sont effectivement
magnifiques. Et puis tant qu'à voyager quand on n'aime pas
voyager, autant voyager dans les meilleures conditions, donc nous
avions pris des billets pour
la classe Executive
de la Frecciarossa (le train à grande
vitesse reliant Turin à Naples),
dont les
fauteuils sont confortables (même s'ils font un peu penser au
trône de Palpatine réinventé pour un banquier aux dents longues) et où
on nous sert un repas à la place (avec une vraie nappe et des vrais
couverts, pas un plateau en plastique) ; comme nous étions les deux
seuls dans le wagon, c'était d'ailleurs un chouïa embarrassant.
À Florence, l'hôtel nous avait installés dans une suite assez
impressionnante : je ne sais pas si c'est parce qu'ils voulaient se
faire pardonner un minuscule cafouillage à notre arrivée (notre
chambre initialement prévue n'était pas disponible, ils nous ont mis
ailleurs) ou le désagrément causé par les moustiques ou le bruit de la
rue, toujours est-il que nous avons eu droit à une chambre à mezzanine
avec trois lits doubles, un canapé, une belle table, de grandes
armoires, etc.
Si quelqu'un se demande comment un
enseignant-chercheur français fait pour se faire rembourser la
classe Executive des trains italiens ou une suite
de luxe à Florence, la réponse est… qu'il ne le fait pas. Mes voyages
professionnels finissent toujours pas sortir de ma poche quand je suis
mis face à l'enfer administratif de remplir un ordre de mission à
faire signer par douze personnes, d'expliquer sur quelle ligne de
budget il faut tirer (je n'en ai aucune idée), de chercher à négocier
le droit de me faire rembourser un billet de seconde si je voyage en
première, ou de m'entendre dire que comme on est en décembre les
comptes de l'année sont clos et que je devais m'y prendre trois mois à
l'avance : au bout d'un moment, j'abandonne, et maintenant j'abandonne
avant même de commencer, c'est plus simple et ça m'évite d'ajouter
encore des tracas au voyage que je trouve déjà assez stressant. Je
crois, en fait, que sur les rares déplacements professionnels que j'ai
faits, les seuls où j'ai effectivement obtenu un remboursement étaient
toujours des voyages à l'étranger payés par les gens qui me recevaient
et qui, eux, semblaient capables de contourner tous ces obstacles.
Toujours est-il qu'on ne peut pas m'accuser de dilapider en voyages
l'argent du contribuable français. En l'occurrence, c'est surtout
l'argent du poussinet qui a été dilapidé.
Nous sommes rentrés de Florence, mercredi
(), en avion. Le vol lui-même est court, mais
j'ai poireauté vraiment longtemps à l'aéroport (parce que mon
poussinet, qui prenait un vol plus tôt que moi — il partait pour
Londres — avait reçu une annonce selon laquelle il pouvait y avoir des
problèmes à la sécurité et qu'on lui recommandait d'arriver très en
avance, ce qui, finalement, était une fausse alerte). Au moins, après
les Alpes vue du train à l'aller, j'ai pu admirer les Alpes depuis les
airs au retour, juste un peu avant le coucher du soleil, c'était très
beau.
Vendredi (), nouvel aller-retour en train,
cette fois pour Montpellier (donc 6h45min de train, aller-retour),
pour aller un enterrement. Ce n'était évidemment pas prévu, mais on
peut au moins se consoler que ça ne nous ait pas forcé à annuler quoi
que ce soit.
Et samedi (), c'est pour Nice que nous
sommes partis : mon poussinet
voulait prendre
le dernier iDTGV (le tout dernier : la marque cesse
d'exister), donc il avait prévu de longue date d'aller passer la nuit
à Nice, point d'arrivée de cette dernière rame. Manque de chance pour
lui, les gens d'iDTGV avaient aussi prévu de
faire la
fête pour la dernière rame, mais ils avaient choisi celle qui
allait dans l'autre sens : Nice→Paris à peu près au même moment ; donc
nous n'avons pas eu droit aux ballons et autres goodies dans une
voiture-bar spécialement décorée. Juste à passer 5h35min dans un
train de plus en plus vide et de plus en plus tristounet, à faire les
mots fléchés du magazine iDTGV (vraiment trop faciles) et
ceux du Figaro abandonné par un autre passager (vraiment trop
durs : hommes des cavernes en 12 lettres = poitrinaires,
c'est limite pervers).
Mais pour consoler son copain qui n'aime pas voyager, mon poussinet
nous avait réservé une suite (cette fois c'était prévu au programme,
pas comme à Florence) de luxe, vue mer, à
l'hôtel Negresco
sur la promenade des Anglais. C'est bien la première fois que je loge
dans une chambre d'hôtel qui fait deux fois la superficie de notre
appartement parisien ; avec deux salles de bain (deux baignoires plus
une douche, quatre lavabos, deux toilettes et un bidet), un canapé,
quatre ou cinq fauteuils, un lit gigantesque avec cinq oreillers ; et
une déco Louis XVI. (Et puis on peut toujours se dire que peut-être
Grace Kelly ou Salvador Dalí ont dormi dans ce lit.) Mes photos ne
sont pas en ligne, d'ailleurs peut-être que je ne les y mettrai pas vu
qu'elles ne sont pas très réussies,
mais celle-ci
et celle-ci
sur le site de l'hôtel le sont, et proviennent visiblement de la suite
où nous étions. La suite en question était affichée à 2900€ la nuit
(c'est-à-dire que c'est le prix maximal qu'ils peuvent pratiquer ; je
suppose qu'il est rarement atteint), nous l'avons eue environ à 1/6 de
ce prix, ça reste raide, mais il faut bien célébrer le
dernier iDTGV !
Et ce n'est pas que la chambre qui était impressionnante : la déco
de l'hôtel en général est assez stupéfiante, comme
leur salon
royal, où personne ne semble oser s'asseoir probablement en
pensant que c'est plus un musée qu'un lobby d'hôtel.
En revanche, pour la vue sur la mer, c'était un peu raté : samedi
soir quand nous sommes arrivés il faisait nuit depuis longtemps, et
dimanche, il a fait un temps de chien à Nice toute la journée. Autant
à Florence quelques jours avant il faisait glacial mais très beau,
autant à Nice il faisait froid et moche. Le genre de pluie
qui tombe toute la journée et qui semble vous geler jusqu'à la moelle
des os. Du coup, la vue sur la mer n'était pas terrible, et, après
une petite promenade, nous nous sommes réfugiés dans l'après-midi chez
un copain pour nous sécher et nous n'avons essentiellement rien vu de
la ville.
Au moment de repartir, comme les intempéries ne touchaient pas que
Nice mais une bonne partie de l'Europe (l'aéroport d'Ajaccio a été
complètement fermé, Heathrow était en pagaille, etc.), notre vol de
retour a eu du retard. Heureusement ce n'était « que » 1h30min de
retard, mais j'ai quand même eu l'occasion de plus visiter l'aéroport
de Nice que ce que je souhaitais, et en rentrant, de moins dormir que
je l'espérais. Il semble que plus tard l'aéroport de Nice ait été
complètement fermé lui aussi, donc finalement, nous avons eu plutôt de
la chance.
Je suis d'un naturel extrêmement anxieux et angoissé (je suis
d'ailleurs toujours étonné du fait que beaucoup de gens m'ont dit que
je donnais plutôt l'impression contraire : je ne comprends pas ce qui
peut expliquer que je projette une impression calme et détendue).
Mais ce n'est pas uniforme dans le temps : il y a des périodes du
jour, de la semaine et de l'année où je suis beaucoup plus stressé que
d'autres. Par exemple, le dimanche soir ou la période de rentrée
scolaire : pourtant, ce n'est pas comme si j'avais un boulot
terriblement anxiogène, mais je crois que c'est plutôt tout changement
de rythme qui me stresse, ou, pour ce qui concerne la rentrée, la fin
de l'été au sens astronomique et météorologique qui fait ça. Tout
ça n'est
pas nouveau.
Et en ce moment, ça ne va vraiment pas bien sur ce plan. Or je ne
comprends même pas vraiment quelles sont les choses qui m'angoissent.
Une partie est peut-être due à
mes leçons de conduite, mais ça ne
doit pas être tout : c'est déjà peut-être plus l'angoisse de mal
dormir avant une leçon le matin qui me stresse la veille au soir.
Mais j'ai des pics d'anxiété à des moments que je n'explique pas du
tout. Certes, ça reste un peu plus étalé dans le temps que
les crises d'angoisse que j'avais
faites il y a quelques années. Mais je devrais peut-être essayer de
me faire represcrire de l'hydroxyzine, un antihistaminique avec des
effets anxiolytiques qui m'avait fait du bien à ce moment-là (qui a
l'avantage de faciliter le sommeil, mais l'inconvénient d'avoir une
demi-vie désagréablement longue si on ne veut pas être somnolent toute
la journée).
Je continue à apprendre à conduire (et me découvre des super-pouvoirs)
Je continue à prendre des leçons
de conduite, et, franchement, ça ne se passe pas bien.
Par rapport à mon précédent post (et 10 heures de conduite plus
tard, c'est-à-dire 20h au total, le minimum légalement exigible mais
ça ne signifie rien), la difficulté a un peu changé, mais je ne suis
pas pour autant persuadé qu'elle soit franchement moindre. Je me sens
moins débordé par l'aspect purement mécanique, c'est-à-dire quand il
s'agit de démarrer (y compris en côte), passer les vitesses (dans les
deux sens) et m'arrêter ; ce qui ne veut pas dire que je ne fasse pas
parfois très mal les choses (comme trop freiner ou pas assez), mais
enfin, quelque chose est assurément rentré. Cependant, le fait que
ces difficultés se lèvent révèle, par contraste, que d'autres sont
plus profondes. (Et suggère aussi que la stratégie consistant à
dire finalement, tant pis pour cet art foncièrement idiot
d'apprendre à passer les vitesses : je vais passer le permis sur une
automatique n'est peut-être pas opportune, même si je garde cette
possibilité dans un coin de l'esprit.) Par exemple, mon moniteur
observe toujours régulièrement que je me place mal ou que je me dévie,
notamment parce que j'ai le regard trop court, parce que je fixe des
choses que je veux éviter au lieu de fixer l'endroit où je veux aller.
Mais bon, ça c'est sans doute corrigeable, et s'agissant du placement,
vu le nombre d'autres usagers mal placés qu'il me signale (et qui ont,
il faut croire, réussi à obtenir leur permis…), je ne suis pas le seul
à avoir du mal : il faut dire que le marquage est particulièrement
merdique autour de Paris, avec un nombre de voies parfois tout à fait
incertain ou qui n'arrête pas de changer.
En revanche, d'autres difficultés sont probablement plus
particulières à moi, et semblent consterner mon moniteur. (Il me sert
des remarques du genre un gamin de huit ans sur son vélo arrive à
faire ça : si tu ne t'en sors pas, je ne peux vraiment rien pour
toi — et même si je comprends l'idée d'engueuler lors des erreurs
pour qu'elles « rentrent » bien, je ne suis pas complètement convaincu
de la pertinence pédagogique de ce genre de formulation.) À cette
occasion, je me découvre trois super-pouvoirs fort nuisibles quand il
s'agit de conduire :
L'inobservation :
j'avais déjà mentionné mon talent
pour ne pas voir les choses qui sont juste sous mon nez (ou plutôt,
comme le souligne la citation de Sherlock Holmes que je ne reproduis
pas, pour ne pas observer les choses que je vois). De façon
générale, je comprends très bien le mécanisme : je me concentre sur
une aspect de ce que je vois (sur une difficulté présente, à venir, ou
même passée), et je ne perçois plus le reste. C'est l'astuce la plus
utilisée par les magiciens de spectacle, c'est le sujet
d'une célèbre
expérience de psychologie ; c'est aussi une des raisons pour
lesquelles je suis épouvantablement nul aux échecs (du genre : je me
concentre tellement fort sur la pièce adverse qui menace ma dame que
je ne vois pas le pion qui menace mon cavalier). Mais quand j'arrive
à ne plus voir un feu rouge alors qu'il n'y a rien d'autre à voir dans
le coin, on peut vraiment se poser des questions. En tout état de
cause, je me demande comment on peut s'affranchir d'un super-pouvoir
aussi puissant en un petit nombre de dizaine d'heures de leçons.
L'indécision : c'est une surréaction à
l'auto-analyse du point précédent : je sais que je suis capable de
rater les choses les plus « évidentes », donc j'ai toujours peur de ne
pas avoir vu quelque chose. D'où une tendance à rouler trop
lentement, que mon moniteur décrit comme carrément dangereuse parce
qu'elle donne des signaux contradictoires (il veut se garer ?) ou
parce qu'il faut vraiment y aller (pour dépasser un obstacle bloquant
une voie d'une rue à deux voies, par exemple, il ne s'agit pas de
ralentir).
La panique inopportune : conséquence des deux
points précédents, et déclenchée par la moindre petite erreur (par
exemple, de manipulation mécanique), avec pour conséquence que je
perds tous mes moyens et que je ne sais plus du tout ce que je
fais.
Mon moniteur se plaint surtout de mon incohérence,
qui est une conséquence de ce qui précède : rouler lentement quand il
n'y a pas de raison à cause du point (2), ou trop vite parce que je
n'ai pas remarqué quelque chose à cause du point (1), ou faire
n'importe quoi à cause du (3).
(Je peux sans doute ajouter
la suranalyse dans mes
super-pouvoirs.)
Je ne sais pas non plus où j'en suis dans la formation. Mon livret
d'apprentissage, édité par les Éditions Nationales du Permis de
Conduire, est divisé en quatre grands chapitres (1 Maîtriser le
maniement du véhicule dans un trafic faible ou nul, 2 Appréhender la
route et circuler dans des conditions normales, 3 Circuler dans des
conditions difficiles et partager la route avec les autres usagers, et
4 Pratiquer une conduite autonome, sûre et économique), eux-mêmes
divisés en 9+7+9+7 compétences respectivement (1A à 1I, 2A à 2G, 3A à
3I et 4A à 4G ; par exemple : 1E = je sais doser l'accélération et
le freinage à diverses allures et 2F = je sais franchir les
carrefours à sens giratoire et les ronds-points et 3E = je sais
m'insérer sur une voie rapide, y circuler et en sortir).
Certaines compétences sont à leur tour divisées en sous-compétences :
il y a 14+10+10+7 items au total, présentés sous forme de cases à
cocher. Mon moniteur fait un trait dans une case quand la
(sous-)compétence a été abordée, une croix quand elle a été enseignée,
mais il a aussi parlé de noircir la case si la notion a été assimilée
(ou quelque chose comme ça), et alors il n'a pas l'air de considérer
que j'aie assimilé quoi que ce soit : pour l'instant, il a fait des
croix dans 12 des 14 cases du chapitre 1 (et des traits dans les deux
autres), rien de plus. Selon la manière dont on extrapole, ça laisse
prévoir un nombre d'heures de formation élevé ou carrément délirant.
Mais bon, tous les items ne se valent pas : le chapitre 4 a l'air
complètement pipo ou vraiment facile (lire une carte routière, je
pense que ça ne me pose pas trop de problème), mon moniteur semble
suggérer que les chapitres 2 et 3 seront difficiles, mais je ne sais
pas vraiment comment il compte les enseigner (2D = je sais tourner
à droite et à gauche en agglomération, par exemple : on devinera
aisément que j'ai déjà tourné à doite et à gauche !). Et évidemment,
l'auto-école a intérêt à vendre le plus d'heures de formation possible
(à la fois pour empocher l'argent et pour pouvoir déclarer un bon taux
de réussite en première présentation).
Personnellement, ce qui me pose problème, ce n'est pas tant le prix
des leçons que la difficulté à les placer dans la semaine (pour
l'instant ça va, je n'ai pas de cours à donner, mais à partir de
novembre ça deviendra beaucoup plus compliqué), et le stress engendré
(que ce soit à me demander comment je peux avoir fait telle ou telle
connerie, ou à me faire engueuler, ce n'est pas franchement plaisant,
sans même parler du risque d'accident).
Ajout : pour la conclusion de mes aventures de
permis de conduire, c'est là.
Ayant obtenu le code le mois
dernier, je profite du fait que je n'ai pas de cours à donner pour
quelque temps pour prendre des cours de conduite. Je ne peux pas
dire, après 10 heures de leçons (plus 3 heures sur simulateur) que je
sois franchement enthousiasmé par l'expérience. Ni le moniteur par
mes progrès : La formation sera longue…
Il trouve notamment que je suis trop crispé sur le volant, ce qu'il
interprète comme une forme de peur. Je ne dis pas qu'il ait tout à
fait tort (la voiture individuelle est certainement un moyen de
transport passablement dangereux, mais enfin, je suis déjà monté dans
les voitures de gens conduisant plutôt dangereusement, je n'étais pas
recroquevillé de terreur, il n'y a pas de raison que je n'arrive pas,
à terme, à être plus prudent qu'eux, et en tout cas, pour l'instant,
je suis avec quelqu'un qui est bon pour rattraper les
erreurs[#]) ; mais ce que je
ressens surtout, c'est l'impression d'être débordé par les choses qui
demandent mon attention en même temps, ne serait-ce que le nombre
d'étapes pour faire des choses aussi débiles que démarrer ou s'arrêter
(sans caler[#2]…) sur une
voiture à conduite manuelle.
Ce n'est pas que ce soit difficile, mais j'ai un peu
l'impression de jouer à un jeu comme Jacques a
dit : du genreavant de
prononcer une phrase qui commence par une consonne, vous devez lever
le bras droit, à chaque fois que vous utilisez le mot le vous
devez claquer des doigts, et tous les sept mots exactement vous devez
taper du pied : ceci étant, racontez-moi vos vacances (mais pourquoi
allez-vous si lentement ?) — oui, merci, je crois que j'ai compris
et retenu les règles (celles auxquelles j'ai eu droit pour l'instant,
du moins), mais avant d'en faire un automatisme, avant de me
les approprier[#3],
comme dit mon moniteur, il me faudra effectivement du temps. Je
comprends pourquoi ce n'est pas une bonne idée d'attendre 40+ ans pour
ça. Et je comprends aussi pourquoi les Américains n'aiment pas les
boîtes de vitesse manuelles et les embrayages. Sans même parler des
règles de la circulation à respecter en même temps, et de tous les
gens à surveiller autour : je suis très
mauvais pour le multitâche, et si
je perds le fil, j'ai tendance à ne plus du tout savoir où j'en suis
et à faire vraiment n'importe quoi, ce qui est une très mauvaise idée
en voiture.
Le simulateur devrait permettre d'acquérir ces automatismes par la
répétition d'exercices faciles. Mais le simulateur ne sanctionne pas
certaines mauvaises pratiques (il ne vérifie pas qu'on tient le volant
correctement, qu'on garde le pied sur le frein à l'arrêt, ce genre de
choses), et mon moniteur n'a pas l'air convaincu par son utilité.
Bon, après, mon moniteur a aussi l'air de penser que le seul vrai
permis de conduire est celui qu'on obtient à Paris (où la route
n'arrête pas de changer de direction et de largeur, où les gens
arrivent dans tous les sens, où il y a tellement d'inspecteurs à
l'examen qu'on ne peut pas bachoter selon les habitudes de chacun,
etc.) ; en tout cas, il n'a pas l'air de penser grand bien de celui
qu'on obtient en des plus petites villes en France ni dans certains
autres pays.
(Je n'attends pas non plus avec impatience la
voiture qui se conduit toute seule : vu le niveau désastreux de
la sécurité informatique en
général, elle sera certainement moins dangereuse qu'une voiture
conduite par un humain… jusqu'au jour où un pirate russe prendra le
contrôle de 100000 voitures simultanément dans le monde et les enverra
toutes foncer n'importe où, et en comparaison les guignols de
terroristes qui font peur à faire ça un par un ils paraîtront bien
anodins. L'avenir ne m'enthousiasme donc pas trop.)
En attendant, ce qui est sûr, c'est que je connais maintenant très
bien
le parking
du cimetière de Chevilly-Larue pour en avoir fait plein de fois le
tour (et il a l'air très populaire auprès des auto-écoles, vu que nous
n'étions pas les seuls).
Ajout : pour la suite de mes aventures de permis
de conduire, c'est ici
et là.
[#] Ce qui m'amène
d'ailleurs à me demander comment on forme les moniteurs d'auto-école :
est-ce qu'ils ont des leçons pratiques où un méta-moniteur s'asseoit à
la place de l'élève (i.e., du conducteur) et fait volontairement des
erreurs de débutant pour vérifier que le moniteur arrive à les
rattraper à temps ? Et du coup, comment forme-t-on les méta-moniteurs
(et ainsi de suite, comme le fameux problème de la construction des
grues de chantier) ? Que de questions sans réponse !
[#2] Mon problème à ce
stade, ce n'est pas tellement que je cale, c'est plutôt que je suis
tellement précautionneux lorsque je relâche l'embrayage pour ne pas
caler en démarrant que le chauffeur derrière moi s'énerve et me double
dangereusement.
[#3] Déjà, juste la
façon dont on me dit que je dois manier le volant dans les tournants
importants (genre, à angle droit) ne me semble pas du tout naturelle :
à part qu'il ne faut pas que je sois crispé, on m'apprend qu'il faut
chevaucher les mains, moi je trouverais beaucoup naturel de les faire
glisser — rien que ça, ça me mobilise de l'espace mental pour
rien.
J'ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog des thèmes qui
reviennent régulièrement dans mes rêves — par
exemple ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici
et ici — je ne pensais pas en avoir
écrit autant, d'ailleurs, et je devrais peut-être créer une catégorie
juste pour ça ; mais quand les gens se mettent à raconter leurs rêves,
c'est en général signe qu'il vaut mieux s'enfuir, donc si vous voulez
fuir, cliquez ici. Mais autant
les thèmes récurrents existent sans l'ombre d'un doute,
autant c'est un mystère pour moi de savoir si les éléments
récurrents existent.
Pour être plus précis, ça m'arrive souvent de faire un rêve dont je
pense (pendant que je suis en train de rêver) que c'est la
suite d'un autre rêve, dont j'ai un souvenir relativement précis, ou
simplement qu'un élément particulier est déjà apparu ; mais plus d'une
fois, une fois réveillé et une fois sorti de cette phase où tout ce
que j'ai pensé en rêve continue à me sembler vrai ou intéressant, j'ai
eu des raisons de mettre ce souvenir en doute : l'« autre rêve »
n'avait jamais existé, ou bien était inventé en même temps que le rêve
qui croyait lui faire référence, ou peut-être en était une autre
partie, bref, le souvenir lui-même me semblait falsifié. Ou en tout
cas, je le soupçonnait de l'être ; a contrario, je n'ai jamais
eu de certitude ni même de très forte présomption qu'un souvenir du
genre « j'ai déjà rêvé ça » était correct (ceci étant, je n'ai de
preuve ni dans un sens ni dans un autre : forcément, c'est très
difficile d'avoir une preuve qu'on n'a pas rêvé quelque
chose, à part peut-être en s'appuyant sur un principe de causalité, et
ce n'est pas non plus très fréquent, à moins de tout noter, qu'on
puisse avoir une preuve d'avoir déjà rêvé quelque chose). Bien sûr,
ça m'est arrivé de refaire plusieurs fois un rêve d'une chose réelle,
ou de faire plusieurs rêves qui se ressemblent, mais retrouver dans un
rêve un élément extrait d'un rêve passé, je ne suis pas sûr que ça
arrive vraiment, et surtout, même si ça devait arriver, le fait de
m'en souvenir dans le rêve ne fait que rendre la chose plus
suspecte.
Mais voici quelque chose qui est à la frontière ténue entre le
thème récurrent et l'élément récurrent : il y a, dans plusieurs de mes
rêves, une petite place à Paris, une place d'aménagement récent et
d'architecture moderne, où j'aime bien aller me poser, une place très
tranquille, presque cachée, un peu encaissée, en bas de plusieurs rues
dont elle fait des sortes d'impasses ; cette place est située non loin
d'un quartier d'immeubles modernes ; j'ai parfois du mal à la
retrouver. Les thèmes généraux dans tout ça sont des thèmes fréquents
de mes rêves (voir notamment les thèmes que je qualifie
de promenade à moitié oubliée et de ville art nouveau
dans cette entrée) ; et il y a des
éléments assez évidents de la vie réelle : je pense par exemple
à cette
place réelle pas loin de chez moi (qui fait tellement « petit
village » qu'on a du mal à croire qu'elle soit en plein Paris), je
pense au
nouveau quartier
Clichy-Batignolles et à
celui autour
de Tolbiac
(et un
de ses squares), je pense au genre
de parcs que j'aime visiter, peut-être même à ceux
que j'aime imaginer, je pense à
toutes sortes de promenades que j'ai faites dans Paris et où j'ai pu
prendre plaisir à découvrir des nouveaux endroits surtout quand ils
semblent un peu cachés.
Néanmoins, cette petite place à laquelle j'ai rêvé trois ou quatre
fois (si j'en crois mes souvenirs qui sont peut-être faux !) ne
combine pas que des thèmes oniriques généraux et des éléments de la
réalité : elle a aussi des caractéristiques assez bien définies comme
un mur de pierre qui la ferme sur une bonne partie de son périmètre,
un tout petit jardin en son centre, et une atmosphère que j'ai du mal
à décrire parce qu'on ne décrit pas facilement un rêve, mais qui est
néanmoins plutôt précise dans ma tête.
Et c'est assez désolant, parce que maintenant que cette petite
place existe dans ma tête, je suis tout triste qu'elle n'existe pas
dans la réalité et que je ne puisse pas aller m'y asseoir pour lire un
jour de beau temps.
Il y a un corollaire de la loi de Murphy qui dit que plus un
aliment est bon au goût plus on peut être sûr qu'il est mauvais pour
la santé. C'est certainement exagéré (et difficilement explicable du
point de vue de l'évolution, même en tenant compte du décalage entre
l'environnement du chasseur-cueilleur et l'époque contemporaine), mais
en ce qui me concerne, il y a incontestablement des aliments qui me
font instantanément oublier la prescription évitez de manger trop
gras, trop sucré, trop salé que le gouvernement français fait
mettre sur les pubs alimentaires. À savoir, les cochonneries salées
et sucrées que sont les chips et autres biscuits apéritif d'une part
et les bonbons de l'autre.
Dans les deux cas, il ne faut surtout pas que je commence : plus
j'en mange, plus j'ai envie d'en manger. Et ça s'applique à tout un
spectre de cochonneries salées et sucrées : des produits au goût
complètement chimique pleins de glutamate
(j'adore le glutamate et le
goût umami) ou
style fraises
tagada, jusqu'aux biscuits artisanaux au gouda vieux vendus à un
prix exorbitant par des marques pour bobos avec des noms comme Machin
et Augustel ou aux bonbons fabriqués selon une recette traditionnelle
vieille de 300 ans — tout ça est kif-kif pour moi. Quand on me met
devant une buffet apéro, je commence par manger à un rythme
raisonnable, au bout d'une dizaine de minutes je mange aussi vite que
la bienséance le permet, et encore un peu plus tard, je finis par
jeter la bienséance par la fenêtre et me goinfrer aussi vite que mes
mains peuvent porter les cochonneries salées ou sucrées à ma bouche.
Après chaque AG des copropriétaires de notre immeuble,
par exemple, une de mes voisines prépare des feuilletés au fromage
pour tout le monde, et je crois que je dois en manger les trois quarts
à moi seul.
L'ennui n'est pas que ça fait grossir (je n'ai pas trop de
problèmes de ce côté-là). L'ennui est que quand je me goinfre comme
ça, la punition ne se fait pas tarder. S'agissant des bonbons,
surtout les trucs bien chimiques que fait Haribo, j'en mange de plus
en plus jusqu'à ce que, tout d'un coup, je sois complètement écœuré et
que j'aie, de surcroît, de terribles aigreur d'estomac. S'agissant
des chips, c'est plutôt mes intestins qui me rappellent à l'ordre ; et
j'ai l'impression que ça empire avec les années : maintenant je ne
peux plus en manger plus que quelques poignées sans que ça me fasse
l'effet d'un litre de jus de pruneaux.
C'est d'ailleurs assez mystérieux : j'ai testé chacun des
ingrédients d'un paquet de chips séparément, aucun n'a d'effet
particulier sur ma digestion. Je n'ai pas de problème avec les pommes
de terre, même frites dans de l'huile et salées, ni avec l'huile
elle-même, ni avec le sel, ni avec le glutamate, ni avec aucun des
allergènes classiques dont on pourrait trouver des traces dans les
chips, par exemple je mange sans problème du beurre d'arachide à la
petite cuiller, donc je ne sais pas ce qui peut provoquer un problème
spécifique avec les chips ; on m'a fait toutes sortes de suggestions
idiotes, comme une intolérance au gluten (franchement, je le saurais),
mais je ne trouve rien qui tienne debout. Toujours est-il que je dois
maintenant éviter les chips. Et ça me rend très malheureux.
Parce qu'on pourrait croire que la tentation se dissipe avec le
temps, mais il n'en est rien. À chaque fois que je passe au rayon des
biscuits pour apéritif de mon supermarché, ou à côté d'un vendeur dans
la rue à l'étal rempli de bonbons, je pleure intérieurement de devoir
me priver de ces plaisirs que je n'arrive pas à consommer
raisonnablement. Je ne sais pas ce qui est le pire : pour ce qui est
du sucré, mon poussinet, qui ne partage pas mon addiction, n'arrive
pas à comprendre que je sois tenté, et ne compatit donc guère ; pour
ce qui est des chips, il aime lui aussi beaucoup, et n'a pas de
scrupule à manger sous mon nez des trucs que je suis bien triste de ne
pas pouvoir digérer.
Heureusement, j'arrive encore à profiter des biscuits au fromage
sans en tomber malade, ou, s'agissant du sucré, du chocolat (j'en suis
aussi fou, mais je finis par ne plus en vouloir avant d'être
complètement écœuré). Et je pense qu'il vaut mieux que j'évite
d'essayer n'importe quelle substance ayant un effet addictif, si déjà
le sucré et le salé me font perdre la mesure.
J'ai plutôt eu moins de rhumes ces dernières années qu'il y a plus
longtemps où c'était carrément
une blague récurrente sur ce blog,
mais là j'en ai quand même attrapé un gros, qui est tout juste en
train de finir, mais qui m'aura empêché de bien profiter des premières
journées de temps vraiment printanier à Paris.
Or il y a un truc qui, chez moi, a presque toujours accompagné les
rhumes : c'est qu'à peu près au moment où le rhume finit, j'ai des
aphtes qui apparaissent dans la bouche. Ça n'a pas l'air d'être un
truc médicalement très documenté, en tout cas, Internet n'a pas l'air
de répertorier de documentation au sujet d'une telle corrélation.
(Je remarque en passant que l'anglais n'a pas vraiment de mot
pour aphte. Wikipédia parle juste
de mouth
ulcer ; le
mot aphthasemble
exister [avec une ‘h’ de plus en anglais qu'en français comme
beaucoup d'autres bout de mots venant d'un phi-thêta grec, par
exemple ophtalmo- en français
contre ophthalmo- en anglais], mais n'est
quasiment pas utilisé ; on trouve aussi canker
sore, qui est furieusement imprécis. Je trouve ce genre de
situation vraiment agaçante. Vous saviez que l'anglais n'a pas non
plus de bon terme pour dire peluche ?)
Je peux évidemment imaginer plein de raisons qui expliqueraient ou
participeraient à une telle corrélation :
Une attaque directe par le virus du rhume de la muqueuse de la
bouche. (Après tout, s'il peut donner des maux de gorge très
localisés — et ça m'arrive, quoique plutôt en début de rhume — je ne
vois pas pourquoi il ne pourrait pas causer des aphtes.)
Une infection bactérienne secondaire. (Ça ne collerait pas trop
avec le fait que, généralement, ces aphtes disparaissent tout seuls en
un jour ou deux.)
Le fait que, ayant le nez bouché, je me retrouve souvent à dormir
une nuit ou deux en respirant par la bouche, ce qui assèche
celle-ci.
Le fait que, pour fluidifier la charge de mon nez et/ou de mes
bronches, je prends parfois de l'acétylcystéine, qui comme mucolytique
peut avoir tendance à causer des ulcères ou des inflammations des
muqueuses. Explication séduisante, sauf que ma tendance à avoir des
aphtes après les rhumes est beaucoup plus ancienne que mon utilisation
d'acétylcystéine.
Effet secondaire d'un autre médicament ? Bon, je ne prends
pas grand-chose, en fait.
Pur effet nocébo, par habitude du fait que les rhumes me causent
des aphtes ?
Je ne suis pas médecin, ces hypothèses sont peut-être stupides.
Toujours est-il que ce coup-ci j'ai attrapé un aphte vraiment très
pénible, sur la joue gauche juste en face des dernières molaires
supérieures ; et que contrairement à l'habitude, il n'a pas l'air de
vouloir partir rapidement (ça fait maintenant quatre jours qu'il est
installé). Normalement mes aphtes partent presque magiquement quand
je mets du pyralvex (autre truc dont on ne sait pas bien pourquoi ça
marche, d'ailleurs : c'est de l'acide salicylique et de la rhubarbe),
mais là, rien n'y fait.
Et du coup, j'ai le plus grand mal à manger. L'aphte lui-même
n'est pas trop douloureux quand je ne fais rien, mais dès que je
mâche, il me lance un peu comme une rage de dents. C'est fou comme il
suffit d'un tout petit rien pour me gâcher quelque chose que je prends
normalement beaucoup de plaisir à faire (bien manger).
J'ai commencé à boire du café en 1993 pour une raison idiote :
plusieurs de nos profs avaient emmené notre classe en voyage en Grèce
(j'étais en première à l'époque — pour les non-Français, ça désigne
l'avant-dernière année du lycée), nous avons parcouru tous les sites
touristiques incontournables en quelque chose comme une semaine, du
coup l'agenda était plutôt serré, nous devions nous lever tôt pour
monter dans le car qui nous emmènerait de, disons, Delphes à Olympie,
et évidemment, la veille au soir, nous étions restés très tard à jouer
aux cartes, à bavarder et à refaire le monde comme on fait à cet
âge-là ; bref, je manquais de sommeil, et puisque nous étions à
l'hôtel, le matin nous avions du café sur la table, et j'ai décidé
d'essayer ; j'ai trouvé ça plutôt infect, mais avec assez de sucre
dedans, ça passait, et ça m'aidait à lutter contre le sommeil, ou du
moins je l'imaginais. Peut-être aussi que c'était une façon pour moi
de me sentir adulte : je ne bois pas d'alcool, je n'ai jamais aimé ça,
il est possible que j'aie, à cette époque, reporté sur le café l'idée
que certains se font de l'alcool comme la « boisson des adultes »
(qu'il faut faire semblant d'aimer ?). Bon, j'avais des idées
bizarres quand j'avais seize ans : j'ai aussi passé un bon bout de ce
voyage en Grèce à chercher dans les boutiques de souvenirs pour
touristes une réplique d'un casque de guerrier spartiate (pourtant
c'était avant que le
film le plus homoérotique de l'Univers ne sublime et ne popularise
l'esthétique
du beau lacédémonien au torse impeccablement dessiné et
inexplicablement laissé sans protection) ; comme le faux casque était
un peu trop cher, je suis juste rentré avec un buste de Socrate (en
stuc) ; cet épisode m'a
d'ailleurs inspiré
plus tard, mais je digresse. Je n'ai toujours pas de casque
spartiate (ni le physique qui va avec), mais je continue à boire du
café.
Je ne me souviens pas à partir de quand je me suis mis à le faire
régulièrement, cependant. Toujours est-il que ça fait partie de la
culture des mathématiciens. À propos de Pál Erdős par exemple (qui
buvait du café un peu comme Balzac), son collègue et ami Alfréd Rényi
a lancé l'aphorisme :
A mathematician is a device for turning coffee into theorems.
— ce à quoi une blague de matheux à peine moins célèbre que
l'aphorisme de départ (et que j'ai
d'ailleurs déjà racontée)
ajoute :
A comathematician is a device for turning cotheorems into ffee.
(La blague est que dans beaucoup de contextes
mathématiques, si on a un
machin f:X→Y on peut avoir une sorte
de dual, ou d'adjoint, ou
de co-machinf*:Y*→X*
— et là ça tombe particulièrement bien parce qu'un co-coffee ce serait
logiquement un ffee.)
Je me souvent demande si le thé ne servirait pas à produire des
définitions, le déca des conjectures, le maté des lemmes, le chocolat
chaud des corollaires, et le coca-cola des algorithmes.
Mais plus sérieusement, les matheux ont effectivement tendance à
boire du café ou du thé comme certains artistes sont censés fumer des
psychotropes. En fait, ce n'est pas tellement pour le café lui-même
que pour l'occasion de bavarder entre collègues : le thé et les petits
gateaux, ou bien le café et la tablette de chocolat, fournissent le
prétexte idéal pour se rassembler, prendre une craie et se poser
mutuellement des questions amusantes ou instructives. Béla Bollobás a
même
écrit un
livre dont le sous-titre est Coffee Time in
Memphis où il rassemble un certain nombre de problèmes à
partager autour d'un café et d'un tableau noir. L'intérêt du café
n'est donc pas tant le breuvage consommé que la conversation qui
l'accompagne.
Toujours est-il que je me suis mis à aimer boire du café. Je ne
sais pas vraiment si je me suis mis à aimer le café, mais je
me suis mis à aimer le fait de le boire. Même, par extension, quand
je n'ai pas quelqu'un avec qui parler de maths quand je bois mon café.
Je n'en prends généralement qu'un par jour, après le déjeuner (si j'ai
vraiment envie d'un second café, je prends généralement un déca, sauf
si je lutte contre le sommeil mais ça reste exceptionnel). Je le bois
lentement, soit en discutant de maths rigolotes (cf. ci-dessus), soit
en regardant les gens passer dans la rue, soit en lisant un livre, en
tout cas en faisant une pause et en essayant de mettre tous mes tracas
de côté. Le café du midi est devenu, un peu le symétrique du sommeil,
une respiration importante dans ma journée, un petit rituel
auquel je tiens énormément. (Par ailleurs, je n'en bois jamais chez
moi : je n'ai pas de machine à café chez moi, et d'ailleurs guère de
place pour en mettre une ; ça fait partie du rituel d'en boire à
l'extérieur.)
Mais quel café ? Je ne suis pas très difficile : comme je l'ai
raconté plus haut, quand j'ai commencé à boire du café, je n'aimais
pas ça du tout, je mettais plein de sucre pour faire passer le mauvais
goût ; maintenant, je continue à sucrer mon café (moins) sauf quand je
le prends en même temps que mon dessert, et je ne sais pas vraiment si
j'aime le goût du café, ou seulement l'acte d'en boire. Et je n'ai
certainement pas la prétention d'être un connaisseur : je peux
détecter qu'il est plus ou moins sucré, ou plus ou moins dilué (je
l'aime modérément serré, i.e., à peu près ce que les Français
appellent un espresso, et qui pour les Italiens serait plutôt un
lungo), mais je pense que mon discernement s'arrête là, si on me
faisait goûter plusieurs crus différents à l'aveugle, je serais
probablement incapable de les différencier.
Pourtant, j'aime quand même avoir le choix. C'est assez
paradoxal : c'est une boisson dont je ne raffole pas tant que ça, mais
que j'aime néanmoins boire, et dont je ne sais pas vraiment
reconnaître les nuances du goût, mais sur laquelle je veux néanmoins
avoir un choix à faire. J'aime qu'on me propose le choix entre un
arabica du Guatémala et un autre d'Éthiopie, même si ce choix est
purement placébo et peut-être qu'on me donnera exactement la même
chose au final : le café est un rituel qui me plaît et le fait de
choisir l'origine du grain rend ce rituel encore plus magique.
Et bizarrement, s'il est facile de trouver à Paris de quoi
satisfaire le désir d'un bobo/hipster qui voudrait le choix entre des
dizaines ou des centaines de variétés de thé, si possible chères,
c'est nettement plus difficile pour ce qui est du café. Sans aller
chercher le kopi
luwak qui est digéré par des chats musqués au lieu d'être torréfié
(merci, mais ça ne me tente pas spécialement, le caca de civette),
j'aime avoir l'illusion de choisir entre de nombreuses options. En
fait, si, on trouve pas mal de torréfacteurs qui proposent un grand
nombre de provenances différentes, mais la plupart d'entre eux ne
proposent pas de service sur place, ce que je recherche. J'ai bien
trouvé la chaîne Cofféa, ainsi que le
café Verlet (rue Saint-Honoré), et dans une certaine
mesure les cafés Malongo (le choix est plus limité), mais
je ne comprends pas bien pourquoi le créneau n'est pas plus
exploité.
Je pense notamment à Nespresso. Ils ont des points de vente
partout, mais à ma connaissance, à de très rares exceptions près, ces
points de vente ne font que de la vente à emporter : on peut acheter
des capsules et des machines, et peut-être rencontrer George Clooney
par hasard, mais pas déguster sur place. J'ai du mal à comprendre que
l'idée ne leur soit pas venue qu'avant d'acheter des capsules rouges,
vertes ou bleues, les gens auront peut-être envie de les essayer, et
que ça peut être une pub formidable que de proposer d'essayer un café
préparé à la perfection par les soins de la marque elle-même. J'ai
écrit de très rares exceptions, parce que j'en connais une : il
existe un Nespresso Café à Londres, dans la
City, à
peu près ici je crois (Google Street View n'est pas à jour), sur
lequel mon poussinet et moi sommes tombé par sérendipité en flânant
dans le coin (je nie préventivement tout lien avec
la City de Londres). On peut y consommer sur
place, donc, des cafés de la marque : exactement le genre de choses
que je cherche, sauf que je ne suis pas souvent à Londres. Je ne sais
pas si c'est le seul Nespresso Café au monde : le fait
est que ce n'est pas facile de chercher Nespresso Café dans
Google tout en excluant les résultats concernant le café
Nespresso.
Bon, en attendant, la cantine de mon école propose un choix assez
varié de capsules (ce n'est pas du Nespresso mais un
des zillions
de systèmes concurrents et non-interopérables ; encore que celui-là,
comme un collègue me l'a appris, est
un système
ouvert, ce qui est bien). Mais le week-end, quand je mange dehors
avec mon poussinet, je n'ai souvent qu'un seul choix. Un drame, dont
il faut que je m'empresse de me plaindre en environ 1500 mots sur mon
blog. Dont acte.
Je me suis livré à quelques séances d'introspection pour essayer de
comprendre pour quelle raison la victoire de Donald Trump à la
présidentielle américaine m'affectait
tant. Je ne vais pas revenir sur la politique, mais parler un peu
au niveau émotionnel.
Il est vrai que cette nouvelle tombe à un moment où j'ai
l'impression d'être harcelé par toutes sortes de tracas et
d'inquiétudes. Rien de grave !, mais une accumulation de mille et un
petits embêtements ou causes de contrariété qui, à force, finissent
par me peser. Comme tracas momentanés, il y a par
exemple ce souci mathématique qui
m'a donné un certain chagrin,
ma tentative pour m'inscrire au
permis de conduire qui est toujours dans les limbes, il a une fuite
d'eau au sous-sol de notre immeuble juste ne-dessous de notre
appartement et dont on ne trouve pas la source, il y
a mon nouvel ordinateur dont je ne
suis décidément pas content ; comme causes de fatigue passagère il y a
notamment des travaux (plus un
rhume qui finit tout juste), et il y a le temps pourri de ce début de
novembre, les journées qui raccourcissent et le passage à l'heure
d'hiver qui me dépriment un peu chaque année ; j'ai aussi des
inquiétudes à plus long terme (concernant, par exemple, l'évolution de
l'établissement où j'enseigne — je ne vais pas en parler ici parce
qu'il est, paraît-il, mal vu de dire publiquement du mal de sa
hiérarchie), mais je ne vais pas m'étaler à ce sujet. Ce ne sont que
quelques exemples, qui montrent que je me fatigue facilement de plein
de petits riens : mais peut-être finalement que ce qui me pèse est que
je n'arrive pas vraiment à me rappeler à quand remonte la dernière
fois que j'ai reçu une vraie bonne nouvelle ou simplement ce
que j'avais appelé autrefois
une potentitialité (heureuse). (Le
mieux qui me vienne à l'esprit est que quand j'ai vu mon dentiste
récemment, il m'a dit que je n'avais pas de nouvelle carie,
et c'est peut-être bien la première fois que ça se produit au cours
des quelques dernières années.)
Mais il y a autre chose dont je me suis rendu compte en repensant à
la manière dont j'avais ressenti la campagne électorale américaine,
c'est l'importance d'un sentiment un peu confus mais que je ressens en
général de façon très forte. Je ne sais pas quel nom donner à ce
sentiment qui mériterait certainement une entrée dans
le Dictionary
of Obscure Sorrows, mais si je dois le définir en une
phrase, ce serait quelque chose comme ceci :
Une fois que le match est joué, les points gagnés ou perdus pendant
le jeu perdent toute signification.
Ce n'est pas très clair ? Je vais essayer d'expliciter. Il s'agit
d'une forme d'espoir déçu, mais c'est un peu plus spécifique que ça :
la sensation d'amertume provoquée par le souvenir de succès initiaux
rendus vains ou caducs par un échec final. Imaginez que vous jouez à
un jeu dans lequel vous espérez la victoire (ou celle de votre équipe,
ou celle d'une équipe dont vous êtes le supporter) : des éléments de
progrès dans le jeu, par exemple un point marqué par vous ou votre
équipe, ou la réussite d'un but intermédiaire, la victoire à une
bataille, l'avancement de votre personnage, ce genre de choses, vous
causent une certaine satisfaction. Soit parce qu'ils font espérer en
une victoire finale qu'ils montrent plus probable, soit parce qu'ils
sont des victoires partielles. Mais voilà que survient une défaite
définitive, irréversible et irrécupérable : tous les espoirs soulevés
par ces réussites intermédiaires sont déçus, les victoires elles-mêmes
sont rendues caduques et perdent toute valeur. Et leur souvenir
devient alors d'autant plus amer qu'ils avaient nourri des espoirs ou
une satisfaction maintenant douchés.
Ce sentiment existe dans toutes sortes de circonstances, et à
toutes sortes de degrés. C'est le sentiment de l'empereur Auguste et
de sa sœur Octavia quand ils repensent à la carrière prometteuse
de Marcellus
(le fils d'Octavia, donc le neveu d'Auguste) interrompue brutalement
par sa mort — sentiment traduit par Virgile dans une célèbre phrase du
livre VI de l'Énéide, Heu, miserande
puer, si qua fata aspera rumpas, / Tu Marcellus eris ! (Hélas,
malheureux enfant, si tu peux rompre ton destin cruel, / Tu seras
Marcellus !). Ingres en a
même tiré un tableau où on voit Octavie
s'évanouir sous l'effet de ce sentiment, que je pourrais donc
appeler marcellisme.
C'est le sentiment, par exemple, de l'entrepreneur dont
l'entreprise connaît des succès initiaux dont il se réjouit, mais
finit par faire faillite pour une raison stupide. Et celui d'un
candidat à une élection qui, après avoir perdue celle-ci, repense avec
amertume à la satisfaction que lui donnaient des sondages initiaux
favorables. C'est le sentiment d'un « libéral » américain qui aurait
été heureux d'apprendre la mort du juge Antonin Scalia (ce n'est sans
doute pas bien de se réjouir de la mort de quelqu'un, mais parfois
c'est vraiment difficile de ne pas
le faire) et qui y repenserait maintenant.
Une variante de ce sentiment, beaucoup plus forte (mais sans doute
proche de celle qu'aurait pu ressentir la sœur d'Auguste) se rapporte
à la mort d'un être cher lorsqu'un repense à quelque chose qu'on
prévoyait de faire avec lui. Je pense par exemple à une scène, sans
doute un mélange de fictions que j'ai lues ou vues et peut-être de
témoignages que j'ai entendus, où une personne attend l'arrivée d'un
être cher pour lui faire une surprise, peut-être le demander en
mariage ou souhaiter son anniversaire, et plutôt que l'être attendu,
ce qui arrive est l'annonce qu'il vient de décéder. Il s'agit là de
la forme la plus perçante du « marcellisme ». (La simple idée de
cette scène, même ainsi rendue générique et dépouillée de tout détail,
me fend le cœur.)
Bien sûr, le sentiment peut avoir un pendant heureux, et qui a
certains points communs avec la forme malheureuse dont je parle
ci-dessus : le soulagement de se rendre compte que toutes sortes de
défaites intermédiaires ou de pronostics funestes sont, finalement,
annulés. Il doit aussi exister une forme neutre lorsque quelque chose
tourne de manière totalement différente de ce que les signes
préliminaires laissaient penser, sans que ce soit classable sur une
échelle de bien en mal (mais je ne sais pas si cela provoque vraiment
un sentiment particulier à part la surprise).
Comment convaincre le cerveau d'ignorer un bruit ?
L'immeuble jouxtant le mien est en travaux, depuis un mois, et pour
encore au moins trois mois. D'après le permis, ils refont la façade
sur la rue et rajoutent un étage : ce ne sont pas des travaux légers,
même si pour l'instant je ne comprends pas à quoi ils jouent. On
entend essentiellement des coups de marteau et surtout des sons qui
ressemblent à une perceuse. Si nos immeubles ne partagent pas de mur,
ils se touchent : la position de mon appartement, donnant sur cour et
non immédiatement contigu à l'immeuble en travaux, me protège un peu
des bruits, mais ils sont tout de même assez forts. Plus exactement,
il y a d'occasionnels bruits forts et beaucoup de bruits très
atténués, probablement parce que parfois ils attaquent le mur touchant
notre immeuble et parfois non. Par ailleurs, je ne peux pas trop
mettre des bouchons dans les oreilles (disons que ça doit
rester exceptionnel), parce que j'ai le conduit auditif
facilement irrité et le cérumen qui s'accumule très vite.
Les bruits commencent aléatoirement entre 8h et 9h30, et durent
jusque vers 11h : je ne sais pas si c'est parce qu'ils font une longue
pause déjeuner, ou parce qu'ils passent ensuite à quelque chose
d'autre que je n'entends pas. Peut-être qu'il y a aussi des bruits
dans l'après-midi, mais je ne suis pas là pour vérifier et en tout cas
il n'y en a plus quand je rentre chez moi (même quand je rentre tôt).
Et c'est, bien sûr, tous les jours du lundi au vendredi (y compris le
pont du 1er novembre).
Ce n'est pas tellement problématique d'être réveillé à 8h : ce qui
l'est, c'est que l'idée que je serai forcément réveillé entre
8h et 9h30 m'empêche de bien dormir (j'avais essayé d'expliquer
ça ici, ainsi que dans le
6º là et sans doute quantité
d'autres fois sur ce blog). C'est-à-dire que dès que je suis réveillé
pour n'importe quelle raison pendant la nuit, je commence à me
dire il ne faut surtout pas que je fasse de l'insomnie maintenant,
parce que ces foutus travaux vont me réveiller de toute façon que
j'aie dormi ou non, et du coup ça me stresse et je fais
effectivement de l'insomnie, et c'est un cercle vicieux.
Ce qui se passe donc typiquement en ce moment est que je me couche
tôt (entre 22h et 23h), je fais une grosse insomnie pendant la nuit
(typiquement vers 3h du matin) en stressant parce que les bruits de
travaux vont me réveiller et que je n'aurai pas assez dormi, les
bruits de travaux me réveillent effectivement vers 8h30 (disons), je
reste quand même au lit parce que je suis complètement crevé, mais je
n'arrive pas à dormir, je somnole juste, et quand les bruits cessent
enfin vers 11h, je me dis qu'il est quand même trop tard pour me
rendormir, et je me lève enfin. Ayant perdu quelque chose comme douze
heures au lit mais n'ayant dormi que six ou sept heures de ce temps,
je suis crevé toute la journée. Et du coup je me couche tôt, et le
cycle recommence. Ce n'est pas systématiquement comme ça, mais c'est
tout de même très fréquent. Cela n'aide pas qu'en ce moment mon
poussinet ait un rhume, ce qui a pour effet qu'il dort mal lui aussi,
et fait du bruit pendant la nuit. Le passage à l'heure d'hiver
pourrait aider, mais en fait il me perturbe plus qu'autre chose, et me
stresse encore plus, ne serait-ce que parce que le passage à l'heure
d'hiver me déprime toujours.
Et il n'y a pas que le sommeil qui pose problème : même si je suis
levé, j'aime rester le matin chez moi (quand je n'ai pas de cours à
donner) pour lire des articles de maths ou réfléchir à des problèmes
dans une ambiance différente de celle de mon bureau. Il va de soi
qu'avoir des bruits de perceuse toutes les minutes n'aide pas vraiment
à la concentration.
Je me dis que ce qu'il faut que j'arrive à faire, c'est convaincre
mon cerveau… Bon, c'est un peu bizarre d'écrire convaincre mon
cerveau, parce que je ne sais pas ce que c'est que moi à
part mon cerveau, mais disons, convaincre la partie de mon
cerveau qui est responsable d'endormir et de réveiller le tout, si
tant est qu'une telle partie existe, et/ou la partie responsable de
l'audition. Convaince mon cerveau, donc, d'ignorer ces bruits. Qui
ne sont pas si forts que ça, finalement : je conçois qu'il y
ait des sons qui soient impossibles à ignorer, mais ceux qui me
réveillent actuellement n'en font probablement pas partie.
Après tout, il y a bien des bruits que j'ai réussi à apprendre à
ignorer. Il y a deux-trois ans, par exemple, mon poussinet et moi
avions commencé à être gênés par nos
voisins d'à côté, quand ils prennent leur petit-déjeuner dans leur
cuisine, qui est immédiatement adjacente à notre chambre : nous
n'avons pas bien compris ce qui s'était passé, mais il semble qu'ils
n'avaient rien changé à leurs habitudes, nous avions simplement cessé,
sans qu'on sache au juste pourquoi, d'ignorer un bruit que nous
ignorions depuis longtemps (au point de ne même plus nous rendre
compte de son existence), et depuis, nous avons réappris à ignorer ce
bruit et il ne nous dérange plus du tout. D'ailleurs, ces mêmes
voisins ont plus tard acheté un mixeur à smoothie (ou quelque chose
comme ça) qui fait un bruit proche d'une perceuse et dont ils se
servent pendant leur petit-déjeuner, au début il nous réveillait, et
nous avons fini par réussir à l'oublier lui aussi : à part si je suis
réveillé pile au moment où ils s'en servent, je ne l'entends plus du
tout. Les bruits de travaux actuels sont un peu plus forts et
beaucoup plus persistants que le bruit de ce mixeur, mais je n'exclus
pas que je puisse réussir à les faire disparaître mentalement.
Seulement, c'est un peu comme le défi : essayez de passer cinq
minutes sans penser au pape en maillot de bain — essayer de se
convaincre de ne pas penser à quelque chose, de faire comme
si ce quelque chose n'existait pas, c'est très difficile.
J'ai quand même une idée. J'ai écrit ci-dessus que lorsque les
bruits de travaux commencent, je reste au lit à somnoler parce que je
suis trop fatigué pour me lever : ce n'est pas la seule raison. En
fait, je reste aussi au lit à somnoler et à repenser à mes rêves dans
le but d'essayer de persuader mon cerveau d'associer les bruits de
travaux à l'idée « je peux rester au lit à somnoler » et surtout pas
« je dois me lever maintenant ». Peut-être que si je continue comme
ça assez longtemps, mon cerveau finira par capter le message et à ne
plus considérer ces bruits comme une agression extérieure mais comme
un son presque relaxant, ou en tout cas, comme pas spécialement
stressant. Je pense que c'est comme ça que j'ai réussi à m'habituer
au mixeur des voisins.
Je ne sais pas si cette stratégie fonctionnera, mais ce qui est
sûr, c'est qu'en ce moment, je n'arrive pas à faire grand-chose de mes
journées, je suis tout le temps fatigué, et du coup, les mails
auxquels je dois répondre, les tâches administratives que je dois
remplir, les calculs que je dois faire, les courses ou les tâches
ménagères, tout cela a tendance à s'accumuler, et je ne sais pas ce
que ça donnera au bout de quatre mois de travaux ou plus.
Les oulipiens ont inventé le concept
du plagiat
par anticipation, il faut peut-être que j'explore la manière dont
il s'applique aux mathématiques. Pour une fois je vais raconter mes
malheurs à ce sujet. Mais il faut d'abord que je donne le
contexte.
J'ai déjà parlé du problème de
Hadwiger-Nelson, cette question ouverte célèbre qui consiste à
déterminer le nombre minimum de couleurs qu'il faut pour colorier le
plan de façon que deux points situés à distance 1 (unité fixée
quelconque) n'aient jamais la même couleur : on sait seulement que la
réponse (i.e., le nombre chromatique du plan pour la relation
être-à-distance-un) est entre 4 et 7 ; et je qualifie volontiers ça de
problème ouvert le plus embarrassant des mathématiques, parce que
vraiment tout le monde peut comprendre l'énoncé, un lycéen peut
retrouver les bornes que je viens de donner et on n'a pas fait de
progrès par rapport à ça. On peut, en revanche, essayer de changer un
peu la question pour faire du progrès sur un terrain adjacent.
Vers avril 2012, j'ai réfléchi avec quelques collègues à de telles
questions adjacentes (par exemple, savoir si on peut calculer d'autres
invariants intéressants du graphe des points du plan avec la relation
être-à-distance-un, comme
sa capacité
de Shannon — enfin, celle de son complémentaire, parce qu'un des
collègues en question a des conventions opposées à tout le monde, et
des bons arguments pour les défendre), mais nous n'avons pas trouvé
grand-chose d'intéressant. • Comme je parlais du problème en question
à mon poussinet, il m'a demandé ce qu'on savait du nombre chromatique
pour des points à coordonnées rationnelles (i.e., le nombre
minimum de couleurs qu'il faut pour colorier l'ensemble ℚ² des points
à coordonnées rationnelles du plan, de façon que deux points situés à
distance 1 n'aient jamais la même couleur). J'ai trouvé la solution à
cette question-là (2 couleurs sont suffisantes — et évidemment
nécessaires), et je l'ai exposée à mes collègues ; l'un d'eux a
rapidement repéré que ce fait était déjà bien connu (le résultat est
dû à un Douglas Woodall, en 1973). J'ai fait remarquer que les mêmes
techniques permettaient de montrer des choses sur d'autres corps, par
exemple ℚ(√3) (le corps des nombres de la
forme a+b√3, où a et b
sont rationnels) pour lesquel le nombre chromatique du plan vaut
exactement 3, et cela a suscité un intérêt modéré.
Je suis alors tombé sur
le livre
d'Alexander Soifer, The Mathematical Coloring
Book (publié en 2009), presque entièrement consacré au
problème de Hadwiger-Nelson. Ce livre signale le résultat de Woodall
(le nombre chromatique du plan à coordonnées dans ℚ vaut 2) et
quelques unes de ses variations, et mentionne explicitement comme
problème ouvert de trouver des nombres chromatiques d'autres corps,
par exemple ℚ(√2). Je me suis rendu compte que je savais aussi
calculer la réponse pour ℚ(√2) (c'est un peu plus compliqué que pour
ℚ(√3)), et du coup que ça valait peut-être la peine de rédiger tout
ça.
Les choses ont un peu traîné, mais
j'ai mis sur l'arXiv
une petite note contenant ces résultats et quelques faits liés que
j'ai trouvé à dire sur le problème. Je pense qu'elle est facile à
lire.
Je pense que les trois angoisses majeures du mathématicien quand il
a obtenu son résultat sont : (1) de trouver une erreur dans sa
démonstration, voire un contre-exemple à l'énoncé, (2) de trouver que
le résultat est, en fait, quasiment trivial (i.e., au contraire
du (1), trouver une démonstration « trop simple » de l'énoncé), et
(3) d'apprendre que tout a déjà été fait avant. S'agissant du (1),
j'ai passé (je passe toujours) un temps fou à relire, re-relire, et
re-re-relire mes démonstrations, et j'ai atteint un niveau raisonnable
de certitude qu'elles étaient correctes, même si je n'ai pas pu
persuader qui que ce soit d'y jeter un coup d'œil. S'agissant du (2),
l'angoisse est largement neutralisée quand il s'agit d'un problème
ouvert répertorié (c'est notamment à ça qu'il sert de répertorier les
problèmes ouverts). Restait l'angoisse numéro (3). J'ai écrit à
Soifer (l'auteur du bouquin sur le sujet) pour lui demander si la
question était toujours ouverte depuis 2009, mais il ne m'a pas
répondu (je ne peux pas lui en tenir rigueur, je suis le premier à ne
pas répondre à mes mails). J'ai cherché comme j'ai pu dans les bases
de données de publications mathématiques et dans Google tout ce qui
pouvait tourner autour de Hadwiger-Nelson ou tout ce qui citait le
livre de Soifer ou quelques publications-clés, et je n'ai rien trouvé.
En fait, presque personne ne semble faire quoi que ce soit au sujet du
problème de Hadwiger-Nelson, donc je me suis dit que c'était
certainement bon.
Finalement, j'ai soumis ma note à un journal en octobre dernier.
Ils l'ont gardé plutôt longtemps (octobre à juillet), et je me suis
dit que c'était sans doute un bon signe : si on rejette un article par
manque d'intérêt, d'habitude, on le fait rapidement, alors que si on
prend le temps de rentrer dans les détails mathématiques, c'est
certainement que l'article est jugé assez intéressant, or je ne
craignais pas trop qu'on y trouvât des fautes.
J'ai reçu hier le rapport : il commence plutôt bien,
mais in cauda venenum : il m'apprend à la fin que
l'immense majorité des résultats que je croyais avoir obtenus figurent
déjà
dans une
note non publiée (et pas non plus mise sur l'arXiv, seulement sur
la page personnelle de son auteur) d'un certain Eric Moorhouse de
l'Université du Wyoming. Et ce Moorhouse a une très nette
antériorité, puisque la version actuelle de sa note est datée de 2010
et qu'on trouve
même des
traces d'une version de 1999 qui contient aussi les résultats
essentiels. Cette note m'avait échappé sans doute parce qu'elle
n'utilise nulle part le terme Hadwiger-Nelson, et apparemment
elle (ou en tout cas, sa version de 1999) avait aussi échappé à Soifer
quand il a écrit son livre.
Et il n'y a pas que les résultats qui sont proches : les techniques
que j'ai mises en œuvre sont quasiment identiques à celles de
Moorhouse (je ne peux même pas espérer parler de démonstrations
alternatives). Même la question que je soulève de savoir si le nombre
chromatique de ℂ² pour la relation (x−x′)² +
(y−y′)² = 1 est finie, est déjà dans l'article
antérieur. J'ai bel et bien été « plagié par anticipation » ! Plus
sérieusement, je suis dans une situation vraiment embarrassante, parce
qu'on pourrait m'accuser de plagiat ; le rapporteur qui a lu ma note a
eu l'intelligence de deviner que ce n'était pas le cas (et il l'écrit
clairement à l'éditeur), mais je me méfierai à l'avenir avant
d'accuser qui que ce soit de plagiat, parce que je me rends compte à
quel point ça peut arriver facilement.
Il y a bien quelques bouts restants dans ma note qui ne sont pas
contenus dans ce qu'a fait Moorhouse (pour ceux qui veulent regarder,
les §2–4 sont essentiellement incluses dans son travail, sauf
peut-être la borne inférieure de la proposition 4.6, mais ce n'est pas
franchement passionnant, et les §5–7 partent un peu dans une autre
direction), mais je vois mal comment ils pourraient être publiés, ne
serait-ce que par manque de cohérence : ce sont des petites remarques
éparses qui n'ont plus aucun fil conducteur. (La réponse de l'éditeur
du journal auquel j'avais soumis l'article ne ferme pas complètement
la porte à cette possibilité, mais il demande des révisions
substantielles qui ont l'air difficiles à mener.) À vrai dire,
j'espérais beaucoup pouvoir profiter de la publication de cette note
pour attirer l'attention sur le problème de
Hadwiger-Nelson minkowskien (=lorentzien), i.e., pour la
métrique de Minkowski (ℝ² pour la relation
(t−t′)² − (z−z′)² = 1), et
sur le fait que je ne sais même pas si le nombre chromatique est fini.
Mais ça ne se fait pas de publier un article avec des questions, il
faut qu'il y ait des résultats nouveaux pour servir de prétexte à
poser des questions. C'est vraiment triste.
En fait, je suis même assez effondré, parce que j'avais investi pas
mal de temps, pas tant dans les résultats eux-mêmes mais dans
la rédaction de cette note, que j'espérais rendre aussi jolie
que possible.
J'ai écrit à Moorhouse pour lui faire part de mon embarras, lui
présenter mes excuses d'avoir mis sur l'arXiv comme mien des résultats
qu'il avait obtenus avant, et demander s'il accepterait de faire une
publication jointe, mais je ne vois pas vraiment pourquoi il
accepterait (par ailleurs, je ne sais pas s'il est encore actif, ou
s'il lit son mail, ou s'il y répond).
❦
Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive de retomber sur des
résultats déjà connus, en fait, ou quelque mésaventure du genre — même
si c'est la première fois que c'est aussi flagrant. Deux fois pendant
ma thèse, d'autres mathématiciens ont obtenu des résultats beaucoup
plus forts que les miens et quasiment simultanément (là, j'avais
techniquement l'antériorité, mais quand elle se joue à très très peu,
ce n'est pas forcément évident pour les journaux et relecteurs, et ça
a quelque chose d'un peu absurde de se retrouver à citer un article
postérieur qui fait que l'article qu'on écrit n'a déjà plus aucun
intérêt). Et je ne compte pas le nombre de concepts que j'ai
« découverts » pour apprendre que j'étais né trop tard dans un monde
déjà trop vieux : par exemple, en 2001, j'ai « découvert »
les séries de
Hahn, j'étais tout excité de comprendre qu'elles formaient un
corps algébriquement clos, et on m'a fait savoir que j'arrivais à peu
près un siècle trop tard. J'ai aussi trouvé plein de choses sur la
multiplication de nim avant de découvrir
que Lenstra
était passé avant, etc. Ce genre de choses arrive à tout
mathématicien, mais la multiplicité des cas qui m'ont touché commence
à me rendre parano. Pourtant, je cherche à m'écarter des sentiers
battus.
Ce soir j'ai revu le dessin
animé The Last
Unicorn que j'ai vu quand j'étais petit (je crois que
c'était avec ma classe — j'étais probablement en CM1 ou CM2, en tout
cas à l'école primaire, probablement pas très longtemps après sa
sortie). Entre temps, il y a une dizaine d'années, j'ai lu le livre
dont il est tiré — je l'avais raconté
sur ce blog à l'époque. Aussi bien le livre que le film sont
assez étranges : l'histoire est souvent très enfantine, mais elle n'a
pas la morale simpliste des contes pour enfants, il n'y a pas vraiment
de gentils et de méchants, les motivations des personnages sont
difficiles à comprendre, on ne sait pas s'il faut comprendre le tout
comme une sorte d'allégorie, de récit symbolique ou codé, une poésie
surréaliste, ou encore autre chose, bref, on ne sait pas sur quel pied
danser. Le film lui aussi semble changer sans arrêt d'avis sur le
registre sur lequel il faut le comprendre, et il y a des passages
vraiment bizarres,
dérangeants ou inquiétants. La page que je viens de lier décrit
ainsi le Taureau de Feu du dessin animé : Pure
unadulterated nightmare fuel. This is the kind of thing that makes
your stomach drop and gives an ill-prepared child a lifelong complex.
You simply can't watch this movie and not be scared of The Red Bull.
The Red Bull is fear. De fait, je crois que cette image
m'avait beaucoup impressionné quand j'avais vu ce film, et peut-être
bien que j'en ai fait quelques cauchemars. (En plus, rien que la
traduction française Taureau de Feu, ça fait plus peur que
l'anglais Red Bull, même sans compter que
maintenant Red Bull est un soda.)
C'est un trope abusé de mauvais films entre la science-fiction et
l'espionnage qu'un personnage a vécu quelque chose d'Abominable ou
d'Affreusement Secret dans sa jeunesse et que ses souvenirs ont été
effacés ou refoulés ou quelque chose du genre. Ce cliché est
particulièrement pénible sur le plan artistique (je déteste ces films
où le héros va faire un rêve, présenté sous forme de flashs décousus,
dont on doit comprendre qu'il apporte des bribes d'information sur
quelque chose d'important sur son identité), et en plus il est
essentiellement basé sur un mythe, à savoir, qu'on a tendance à
supprimer inconsciemment les souvenirs particulièrement traumatiques.
Le problème avec la mémoire incertaine est plutôt qu'on a tendance à
fabriquer des faux souvenirs, ou à en déformer des vrais, et qu'on ne
sait plus démêler le vrai du faux. J'ai déjà parlé de
mon impression de voyager entre univers
parallèles, mais elle est particulièrement marquée quand je
retourne à des endroits où j'ai été par le passé et où je m'énerve de
voir que les choses ne collent pas avec mon souvenir (est-ce que
l'endroit a changé pendant ce temps ? me suis-je mal rappelé comment
les choses étaient ? ou, hypothèse beaucoup plus crédible, suis-je
passé dans un monde parallèle ?).
Par exemple, il y a quelques jours, comme mon poussinet et moi nous
promenions dans le coin, j'ai voulu retracer un chemin que j'ai suivi
plusieurs fois en 1996 : je passais les concours des ENS,
dont les écrits avaient lieu au parc floral de Paris
(dans
le bois de Vincennes), ma maman m'avait trouvé un logement
au Centre International de Séjour de Paris
(avenue
Maurice Ravel), et je faisais le matin un trajet pour aller de
l'un à l'autre, passant en-dessous du périph', à travers un petit bout
de Saint-Mandé et à côté du lac du même nom jusqu'au château de
Vincennes ; mais quand j'ai cherché à retrouver le chemin exact que je
suivais, toutes sortes de petites incohérences se sont manifestées
entre mon souvenir des lieux et la réalité. (Il est vrai que je
faisais ce chemin, il y a vingt ans, le matin à la fin du printemps,
et que j'ai cherché à le retrouver le soir à la fin de l'automne :
ceci peut beaucoup affecter l'apparence de cerains endroits.) •
D'autres cas du même genre se sont présentés quand je
suis allé voir mon Poussinet à Toronto
en 2007 et que j'ai voulu retrouver toutes sortes d'endroits dont
je me souvenais de mes passages précédents dans cette ville (souvenirs
souvent mélangés entre eux, notamment pour ce qui est
de leur ordre) : j'ai pu retrouver
un bon nombre de choses, mais il y a des choses qui restent
mystérieuses pour moi, notamment le chemin d'une promenade que je
faisais régulièrement avec mon père en '84–'85 et dont je sais
parfaitement
bien où
elle commençait mais que je n'ai réussi à retracer
que jusqu'à
un certain point après quoi mes souvenirs ne collaient vraiment
plus avec la réalité.
En fait, ma tendance à revenir sur des lieux où j'ai marché
autrefois et à chercher à replacer les endroits est tellement marquée
que je fais régulièrement des rêves à ce sujet : des rêves dans
lesquels je cherche à retrouver un endroit où j'ai pu aller ou une
promenade que j'ai pu faire ; seulement, dans le rêve, tout est
imaginaire : je ne rêve pas que je cherche à retrouver une promenade
bien précise qui aurait pu exister en réalité, je rêve que j'ai un
souvenir vague, et ce souvenir est lui-même imaginaire ! (Zut, j'en
ai déjà parlé.)
Parfois, un peu comme le héros hypothétique du mauvais film que
j'évoque ci-dessus, il me revient des flashs de souvenirs extrêmement
précis sur lesquels je vais ensuite chercher désespérément à retrouver
une date, un lieu, une circonstance. Récemment, alors que je
parcourais des articles Wikipédia sur les expositions universelles
(j'ai déjà dit qu'elles pouvaient
me fasciner, et mon poussinet m'a offert un beau livre sur celle de
Paris en 1900), j'ai été frappé par le souvenir incroyablement précis
d'avoir été à celle de 1986 à Vancouver
(Expo 86),
et même d'avoir échangé quelques mots avec
le robot
mascotte de l'exposition, Ernie, et d'être revenu avec un paquet
de cartes à jouer miniatures en souvenir, dont le dos représentait un
des logos de l'exposition (Ernie en jetpack). Un souvenir aussi
extrêmement précis peut-il être faux ? Il n'est pas invraisemblable,
mon grand-père paternel habitait Vancouver et nous aurions pu aller
lui rendre visite cette année-là, mais ma mère m'assure que, d'après
les carnets qu'elle tient, ce n'est pas le cas. Peut-être suis-je
aller à Vancouver plus tard et qu'il restait des choses de
l'exposition, mais il me semble qu'à part de grandes structures on
démonte rapidement les expositions universelles, et en tout cas on ne
garde pas leur mascotte et on ne continue pas à faire des jeux de
cartes à leur effigie, donc je ne sais pas trop quoi penser. Il
faudrait retrouver ce jeu de cartes pour savoir si je ne délire pas,
mais les chances sont assez minces avec tout ce qui a été jeté.
C'est entre autres pour m'éviter de m'arracher ainsi les cheveux
que je tiens maintenant (et depuis 2001) un journal factuel assez
précis de tout ce que je fais, jour par jour : ce n'est pas toujours
évident de rechercher quelque chose dedans si je ne sais plus la date,
mais au moins y a-t-il un espoir.
J'avais un souvenir précis qui me hantait depuis longtemps, et qui
était à l'origine, je pense, ou en tout cas qui a pu nourrir,
mes rêves de labyrinthes : je me
revois avec mes parents en train de visiter une maison bizarre,
gigantesque et dont la plupart des pièces sont dénuées de fenêtres,
éclairée surtout en rouge, et qui est une sorte de musée d'objets
hétéroclites et insensés, dont peut-être des poupées — je me rappelle
une visite qui me semblait interminable, où le guide nous faisait
traverser pièce après pièce, selon un chemin qui tournait dans tous
les sens, et je commençais à me demander s'il y avait une sortie, et
si cette maison avait une fin.
J'ai posé la question à mes parents : ma mère se souvenait
vaguement de quelque chose de semblable, et associait ça à une visite
que nous aurions faite à une tante de mon père qui habitait du côté de
Madison, Wisconsin (son mari était avocat — argh, j'ai un avocat
américain dans ma famille), et nous aurions pu aller voir un musée
dans le coin. J'ai parcouru beaucoup de descriptions de musées à
Madison ou dans les environs sans réussir à trouver quoi que ce soit
qui colle, et comme je ne savais pas quoi googler vu que mes souvenirs
étaient très vagues, je n'ai jamais réussi à mettre le doigt
dessus.
Et tout d'un coup, tout à l'heure, j'ai eu la clé de l'énigme en
regardant une
vidéo YouTube
d'un canal
consacré à des endroits bizarres sur la Terre et aux surprises de la
géographie : je suis quasiment certain que la maison labyrinthique de
mon souvenir est
la House
on the Rock, une expérimentation artistico-architecturale à
la décoration kitsch et tordue, située à une centaine de kilomètres de
Madison, et dont
les images
renvoyées par Google collent parfaitement avec celles dans ma
mémoire, notamment
les poupées
un peu effrayantes,
les instruments
musicaux bizarres et les nombreuses pièces sans fenêtres
organisées selon un plan labyrinthique. Quelle satisfaction d'avoir
enfin réussi à replacer un souvenir tellement flou !
Puisque j'ai reçu des messages de quelques personnes s'inquiétant
pour moi après les événements d'hier soir à Paris, il est peut-être
utile que je précise que ni moi ni mon poussinet (ni, pour autant que
je sache pour l'instant, personne que je connaisse) ne faisons partie
des victimes. Pour ne pas céder à la terreur, nous avons tenu à
passer notre samedi normalement (manger au restaurant, nous promener),
ou du moins aussi normalement que possible étant donné que les cinémas
sont fermés, comme les parcs et jardins, et beaucoup de commerces.
Déjà il y a douze ans, je me
plaignais d'avoir trop tendance à lire en diagonale et d'avoir le plus
grand mal à me forcer à faire attention à chaque mot individuel d'un
texte d'une certaine longueur. Et le problème n'était pas neuf : déjà
quand j'étais tout juste entré à l'ENS, je lisais la
feuille de chou hebdomadaire des élèves en quelques secondes alors que
j'avais un copain qui y passait tout le dîner, et qui me prouvait
après coup que je n'avais rien lu, rien compris et rien retenu (et je
m'émerveillais qu'il eût réussi à extraire du contenu de ce qui
m'avait semblé complètement vide). Il y a quelques années, des
nouvelles ont circulé que l'Internet était en train
de reconfigurer
le cerveau des internautes et que nous perdions la capacité à
faire attention aux choses : je ne sais pas ce que ces articles
disaient au juste, parce que je les ai lus en
diagonale. Mais je suis prêt à croire que ma
tendance à lire en diagonale ait été accentuée, et soit encore
accentuée, par la quantité phénoménale d'informations qu'Internet me
présente quotidiennement et dont je préfère parcourir beaucoup en
diagonale que le dixième en profondeur.
C'est ironique quand je suis moi-même du genre à écrire des
montagnes de texte, que je n'aurais pas le temps de lire moi-même si
je n'en étais pas l'auteur. (Je fais cependant des efforts pour
rendre mes textes aussi compatibles que possible avec la lecture en
diagonale. En fait, non : j'aimerais bien faire de tels
efforts, mais je ne sais pas vraiment comment m'y prendre, et je pense
que ce que je fais est un échec complet. D'ailleurs, cette parenthèse
est sans doute l'exemple parfait de ce qu'il ne faut pas faire pour
rendre un texte facile à lire en diagonale. ) En
vérité, je n'arrive même pas à relire mes propres textes : si j'essaie
de me relire, mon cerveau passe en mode « ah oui, je sais ce que ce
paragraphe dit » et je saute à travers ce que j'ai écrit à la vitesse
de l'éclair, en lisant ce que je crois avoir voulu écrire et
pas ce que j'ai réellement écrit. Du coup, toutes les fautes
de frappe, d'orthographe, de grammaire et de syntaxe, même les plus
énormes, me sont totalement invisibles, même si je relis vingt fois.
Y compris des ruptures de construction qui font que le texte ne veut
rien dire : cela arrive fréquemment quand je déplace un morceau de
texte — un mot, un complément, une proposition, un bout de phrase ou
plus — d'un endroit à un autre, et que je délimite mal mon
couper-coller, déplaçant ou supprimant parfois un mot de plus que je
le voulais, ou entraînant des incohérences grammaticales (langue à la
con que le français qui peut obliger à revoir énormément d'accords
parce que j'aurais remplacé, par exemple, le fait
par l'idée : on peut être sûr que je vais en oublier).
La seule façon que je trouve encore de me forcer à tout lire, c'est
de lire à voix haute. (Et encore, l'idéal serait sans doute de lire à
voix haute, de m'enregistrer, et de réécouter ce que je dis,
histoire que ma concentration ne soit pas détournée sur la
prononciation.) Je fais ça pour
mes fragments littéraires
gratuits, mais cela consomme un temps énorme. Ce que je ne sais
vraiment pas faire du tout, c'est placer le curseur à un point
intermédiaire entre la lecture en diagonale qui est devenue mon
habitude et la lecture à haute voix.
Pour ce qui est des mathématiques, notamment des démonstrations
mathématiques, le mieux que j'aie trouvé est de me forcer, si j'ai un
doute, à réexpliquer l'argument de la démonstration ou du bout de
démonstration que je viens de lire. Mais ceci repose sur le fait que
dans une démonstration mathématique, seule importe la correction du
raisonnement (à la limite, si j'ai lu en diagonale et trouvé une autre
démonstration du théorème énoncé — ce qui, avouons-le, est fort peu
probable — ce n'est pas grave). Pour une définition, la lecture en
diagonale peut être très dangereuse, comme quand je me rends compte
dix pages plus loin que je n'avais pas fait attention au fait que le
bazqux était supposé localement frobniquable dans la
définition d'un foobar bleuté (et que j'avais juste cru
lire frobniquable).
Et ne parlons pas de la situation hautement embarrassante et mainte
fois vécue où j'accuse quelqu'un de dire n'importe quoi, ou d'oublier
de tenir compte quelque chose d'essentiel dans un raisonnement, ou
quelque chose du genre, et qu'on me fait remarquer que j'ai
terriblement mal lu ce à quoi je réponds.
Dans la série Les passionnantes aventures de Ruxor
hypocondriaque, je vous avais parlé
de mon cœur, maintenant je vais
vous parler de ma tête.
J'ai toujours eu (depuis que je suis petit) des maux de têtes en
tous genres, jamais très douloureux (sauf les deux fois où j'ai fait
une migraine ophtalmique), ni même terriblement fréquents, mais en
revanche assez impressionnants par leur diversité : j'ai eu des maux
de tête pulsatiles, des maux de tête sourds et constants, des maux de
tête localisés, des maux de tête généralisés, j'ai l'impression
d'avoir essayé tout un menu de maux de têtes différents. Globalement
j'en ai plutôt moins que quand j'étais ado.
Mais il y a une sorte qui est apparue plutôt récemment et que je
trouve assez mystérieuse, ce sont les maux de tête extérieurs au
crâne, c'est-à-dire, au niveau du cuir chevelu.
Cela commence par une douleur assez soudaine et qui semble
intérieure au crâne, mais très localisée dans celui-ci, et au bout de
quelques heures ou peut-être d'une journée l'origine de la douleur
apparaît clairement comme extérieure au crâne. Cela peut être à
n'importe quel endroit sous les cheveux ou parfois au niveau du front.
Parfois, mais pas toujours, il y a une petite bosse sensible au
toucher qui apparaît sous la peau, de quelques millimètres de diamètre
(et je suis sûr que je ne me suis pas cogné). Il n'y a pas de
changement de couleur de la peau. La douleur est normalement, en
intensité et en qualité, intermédiaire entre celle provoquée par un
hématome et un bouton infecté : parfois elle est plus forte, et en
tout cas elle a tendance à venir par à-coups qui durent quelques
secondes et sont séparés de plusieurs dizaines de secondes ou minutes.
Cela provoque chez moi l'envie très forte d'appuyer sur l'endroit
douloureux ou de le masser — mais je ne sais pas si c'est une bonne
idée. Parfois j'ai deux ou trois points douloureux de la sorte,
proches les uns des autres, qui apparaissent en même temps.
Normalement cela passe en un jour ou deux, mais j'ai une douleur de
ce genre qui dure depuis ce week-end et qui a plutôt empiré depuis
hier et qui m'a réveillé plusieurs fois cette nuit. C'est loin d'être
insupportable, mais ça me gêne vraiment pour me concentrer, un peu
comme si quelqu'un me pinçait de façon répétée.
Ceci me fait penser, d'ailleurs, que mon généraliste / médecin
traitant a cessé d'exercer (plus exactement, il s'est vendu au côté
obscur de la médecine en devenant expert pour une compagnie
d'assurance). Il faut donc que j'en trouve un autre dans le coin. Ce
qui n'est pas évident, un hypocondriaque ayant besoin d'un médecin qui
le comprenne, c'est-à-dire qui sache être rassurant sans être
méprisant, qui écoute ses doléances sans y croire automatiquement mais
sans non plus les ignorer. Mon généraliste a une remplaçante
officielle, mais la seule fois que je l'ai vue (elle le remplaçait
temporairement, pour l'été), elle a clairement montré qu'elle n'avait
pas ces qualités.
Je suis infiniment fatigué en ce moment. Nerveusement avant tout,
parce que l'été n'a rien eu de reposant, j'ai l'impression de n'avoir
fait que rattraper des affaires en regard et gérer des ennuis qui me
tombaient dessus ; et les quelques jours où j'ai voyagé m'ont encore
plus fatigué (je trouve les déplacements terriblement stressants,
j'aurais besoin de temps pour décomprimer un peu après, mais je ne
l'ai pas eu). Et surtout, j'attaque une rentrée compliquée — mon
emploi du temps est désastreux, je dois faire avec des horaires
irréguliers et malcommodes et pas la moindre possibilité de souffler
un peu avant Noël (où je devrai de nouveau affronter un voyage
fatigant). Un nombre terrifiant de gens comptent sur moi pour faire
des choses diverses et variées, dont je n'aurai évidemment pas le
temps de mener à bien le quart, (parfois j'ai presque l'impression
d'être harcelé), et dès que c'est moi qui essaie de demander quelque
chose à d'autres, soit je n'arrive pas à me décharger comme je le
voudrais, soit je passe encore plus de temps à demander (ou à trouver
à qui demander) que je n'en passerais à faire les choses moi-même.
Bref, je suis débordé et épuisé, et bien seul avec mes tracas.
Mais je suis aussi fatigué physiquement, ce qui n'aide pas. Mon
poussinet se contente de me dire si tu es fatigué, il faut te
coucher à chaque fois que je me plains d'être à bout, ce en quoi
il n'a peut-être pas tord, mais je dors déjà beaucoup (ce qui n'aide
pas à faire des choses dans la journée et à être moins débordé, bien
sûr).
Un aspect du problème est certainement que je respire mal pendant
la nuit (j'ai probablement une
forme mineure d'apnée du sommeil), dès que je me mets sur le dos. Mon
poussinet — du moins s'il se trouve être réveillé — me pousse
régulièrement pendant la nuit pour me mettre sur le côté, mais parfois
je suis très entêté à dormir sur le dos et à ronfler voire m'étouffer.
Il a aussi souvent essayé de me bloquer avec une peluche, mais je la
repousse sans ménagement.
Je pourrais essayer, par exemple, de dormir avec un sac à dos (en
essayant de mettre quelque chose dans le sac à dos pour que ce soit
juste assez inconfortable pour que je ne sois pas tenté de dormir sur
le dos, mais pas assez pour me faire mal), mais j'ai peur que ça
m'empêche purement et simplement de dormir. L'ennui c'est que, si je
dors bien sur le côté, j'éprouve régulièrement le besoin de changer de
côté au cours de la nuit (selon la manière dont mes narines se
bouchent), c'est probablement au cours de ces changements de côté pas
bien achevés que je me retrouve sur le dos : il faut que j'invente une
façon de m'empêcher de me mettre sur le dos qui ne m'empêche pas pour
autant de passer du côté gauche au côté droit ou inversement, et là je
manque d'idée. (Certes, on peut changer de côté en basculant sur le
ventre plutôt que sur le dos, mais c'est beaucoup moins naturel vu que
quand je suis allongé sur le côté gauche je suis aussi décalé vers la
droite de l'oreiller et vice versa.)
Ça fait un moment (au moins deux ou trois jours ?) que je n'ai pas
évoqué un chapitre de ma vie de Ruxor
hypocondriaque[#]. Je vais
peut-être en profiter pour raconter un peu mes douleurs imaginaires au
cœur.
Elles ont commencé quand j'avais environ 12 ans, et à l'époque on
m'a expliqué que c'est certainement des douleurs intercostales, pas
de raison de s'inquiéter : et il est sans doute vrai qu'il n'y a
pas de raison de s'inquiéter, mais il ne s'agit certainement pas de
douleurs intercostales.
Il n'est évidemment pas facile de décrire la nature d'une douleur.
Disons que celles-ci sont modérées : la sensation est plus
inconfortable que vraiment gênante, parfois très légère, mais elle est
néanmoins parfaitement distincte ; elles surviennent et disparaissent
assez soudainement, sur des intervalles pouvant varier entre quelques
minutes et quelques heures, avec une fréquence et une durée moyenne
très variables (j'ai des épisodes où j'en ai tous les jours, et je
peux ensuite ne plus en avoir pendant des mois), peut-être un peu plus
souvent la nuit ; je n'ai pas réussi à corréler ça avec quoi que ce
soit (ni mon activité physique, ni mon alimentation, ni mon niveau
d'anxiété, ni quoi que ce soit d'autre). La douleur ne change guère
avec la position, elle augmente peut-être quand j'inspire mais ce
n'est pas certain. La sensation est située dans la région générale du
cœur, centrées un peu en-dessous du sein gauche, mais de façon plutôt
diffuse ; la douleur n'irradie pas du tout dans le bras, le cou ni la
machoire. La qualité de ces douleurs évoque plus une courbature, ou
une sensation de fatigue musculaire, à la limite une légère sensation
d'oppression, qu'un « poing de côté ». (De fait, il m'est arrivé
d'avoir des courbatures aux pectoraux, et la ressemblance est assez
forte, sauf que bien sûr les courbatures aux pectoraux touchent
normalement les deux côtés symétriquement, et sont moins
profondes.)
Je n'éprouve aucune gêne respiratoire pendant ces épisodes, ni
aucune fatigue générale particulière. (La réaction un peu instinctive
que j'ai pour tenter de les soulager est de souffler profondément,
mais je ne peux certainement pas dire que j'étouffe.) Mon pouls n'est
pas non plus affecté, sauf évidemment si je me mets à angoisser. Ma
tension est normale (en général, ma tension tourne autour de
125mmHg/70mmHg, elle varie assez facilement, mais pas spécialement
plus pendant ces épisodes qu'autre chose).
Vers mai 2003, j'ai eu des
passages plus forts que d'habitude, et qui m'ont réveillé plusieurs
jours de suite : j'ai consulté un généraliste, qui n'a pas du tout eu
l'air affolé, il m'a dit essentiellement « c'est l'angoisse » ; mais
comme il m'a diagnostiqué un petit souffle au cœur (1/6), il m'a
adressé à un cardiologue pour faire une échographie cardiaque. Comme
plus tard j'ai fait plusieurs épisodes de tachycardie assez importante
(mais a priori totalement décorrélés des problèmes dont je
parle ici, et certainement causés par une angoisse auto-amplifiée), je
suis effectivement allé voir un cardiologue. Je lui ai plus parlé de
la tachycardie que de ces douleurs qui duraient depuis 15 ans, mais je
les ai au moins un peu évoquées. Il m'a fait un ECG et
une échographie cardiaque, tous normaux, il a juste été assez étonné
de la facilité avec laquelle mon rythme cardiaque s'élève à la moindre
anxiété ; il m'a aussi affirmé que le léger souffle diagnostiqué par
le généraliste était simplement le son du flux turbulent de mon sang à
travers mes artères et pas le reflet d'une valvulopathie (je dois dire
que je ne trouve pas ça spécialement rassurant que
le nombre de
Reynolds de mon aorte soit particulièrement élevé, mais
passons).
Bref, avec tout ça, je prends des quantités homéopathiques de
propranolol pour éviter les crises de tachycardies, mais les douleurs
que je ressens depuis que je suis ado, elles, persistent. (On m'a
proposé de prendre du magnésium, ce qui est une façon de dire « ce
n'est rien, prenez un placébo », en tout cas ça n'a pas aidé.)
Alors je veux bien croire qu'il n'y a rien de grave, à la limite je
ne me plains même pas des douleurs elles-mêmes, qui ne sont pas
franchement gênantes, au pire elles me réveillent un peu ou
m'empêchent de m'endormir ou encore me causent des cauchemars dans
lesquels je fais une crise cardiaque. Mais je trouve l'explication
« c'est l'angoisse » fort peu satisfaisante : certes, je suis
hyper-ultra-anxieux de façon générale, mais les douleurs dont je
parle ne se produisent pas spécialement aux moments où je le suis le
plus. D'ailleurs, il y a d'autres symptômes que je ressens et
pour lesquels on m'a dit, après examens, « c'est juste l'angoisse »,
par exemple une sensation d'essoufflement (léger mais net), qui n'est
corrélée ni à mon impression d'angoisse ni aux douleurs dont je parle
ici : pourquoi l'angoisse provoquerait-elle parfois le
symptôme X et parfois le symptôme Y ? C'est
peut-être vrai, mais ça ne satisfait pas mon esprit scientifique.
[#] Rendez-vous compte :
mon poussinet a eu la grippe la semaine dernière, et je ne l'ai même
pas attrapée !
J'ai la malchance d'être très sensible au bruit quand il s'agit de
dormir (parmi les différentes
difficultés de mon sommeil), et comme j'ai le conduit auditif
assez facilement irrité et le cérumen qui fait facilement des
bouchons, je ne peux que très peu utiliser des protections auditives.
Heureusement, l'immeuble où mon poussinet et moi habitons est
relativement bien insonorisé et nous ne sommes guère gênés par nos
voisins (qui par ailleurs sont plutôt âgés, donc pas trop le genre à
écouter de la musique à fond pendant toute la nuit). Du moins c'est
ce que je trouvais jusqu'à récemment, parce qu'il semble, depuis
quelques semaines ou quelques mois, qu'il y ait eu un changement que
je ne m'explique pas.
Nous entendons maintenant assez souvent des bruits de pas appuyés,
des râclements comme des objets lourds ou des meubles qu'on traîne
ainsi que des claquements de portes. Ils ne sont pas extrêmement
forts, mais ils ont surtout ceci d'agaçant qu'ils durent très
longtemps (parfois plus de deux heures de remue-ménage, or j'ai du mal
à comprendre qu'on passe deux heures presque tous les jours à ranger
son appartement ou à passer l'aspirateur), et surtout, ils commencent
très tôt — à six heures du matin avec une grande ponctualité.
Déterminer l'origine d'un bruit est très difficile. Nous avons
commencé par croire qu'il s'agissait des voisins du dessus (qui
avaient emménagé récemment, donc qui étaient des suspects idéaux) :
après leur avoir écrit une lettre restée sans effets, nous sommes
allés frapper chez eux à 6h pour demander s'ils pouvaient faire moins
de bruit, et ils nous ont expliqué qu'ils n'y étaient pour rien parce
qu'ils dormaient. Nous nous sommes donc confondus en excuses, et nous
en sommes restés au même point. Nous avons ensuite demandé à nos
voisins d'à côté s'ils avaient changé quelque chose à leurs habitudes
(ils sont là depuis longtemps et ne nous ont jamais dérangés ; il est
vrai qu'ils se lèvent tôt, si j'en crois la lumière), mais ils nous
ont assuré que non. Par ailleurs, personne d'autre que nous ne semble
avoir remarqué un tel bruit, encore moins un changement soudain. J'ai
mis un petit mot sur le tableau d'affichage des parties communes
demandant si quelqu'un aurait une idée, mais sans succès (on m'a, il
est vrai, fait remarquer que le bruit pouvait venir du dehors : ce
n'est pas invraisemblable mais la nature des bruits me laisse plutôt
penser à quelqu'un dans l'immeuble). La nuit dernière j'ai remarqué
que la lumière était allumée à 6h (quand le bruit a commencé) trois
étages au-dessus de chez nous, et comme le nom sur la porte est
différent de celui sur la boîte aux lettres il est possible que ce
soit un nouveau venu, mais j'ai un peu du mal à croire que nous soyons
sérieusement gênés à travers trois étages.
Il est vrai que rien n'est sûr. Ces bruits pouvaient très bien
exister depuis longtemps et ne s'être mis à me déranger que récemment,
parce que j'aurais été particulièrement stressé ou parce que mes
phases de sommeil auraient rendu plus facile un réveil vers 6h. Il se
pourrait bien qu'il n'y ait pas qu'un seul voisin impliqué (peut-être
que nos voisins d'à côté font un peu de bruit vers 6h, puis que ceux
du dessus prennent le relai à 7h et que ce soit cette combinaison qui
soit nouvelle). L'incertitude rend l'enquête beaucoup plus difficile.
Toujours est-il que c'est une source de fatigue dont je pouvais bien
me passer.
❦
Un autre mystère auditif de notre immeuble, qui personnellement ne
m'embête pas du tout mais apparemment trouble le sommeil de plusieurs
de mes copropriétaires, concerne le bruit des impulsions électriques.
Il faut savoir qu'EDF envoie à certaines heures sur le
secteur une série d'impulsions électriques à 175Hz (2V) en plus de la
tension nominale à 50Hz (plus exactement, jusqu'à 41 impulsions de 1s,
séparées par des intervalles de 1.5s, codant une trame de 40 bits ;
cette trame étant répétée plusieurs fois), ce qu'on appelle des
impulsions « Pulsadis », qui servent à transmettre certaines
informations notamment sur le passage heures pleines / heures creuses.
Le mystère dans notre immeuble est que nous entendons ce
signal, sous forme d'un bourdonnement sourd à certaines heures. Il
n'y a aucun doute qu'il s'agit bien du signal Pulsadis, puisque mon
poussinet est parvenu à décoder les trames à l'oreille (et que le son
colle bien avec du 175Hz), mais le mystère est de savoir comment ce
signal censément électrique devient audible ! Nous avons un
transformateur EDF de quartier dans notre sous-sol, mais
il semble que le bruit ne vienne pas directement de là
(le signal doit venir de là puisque c'est sans doute le
transformateur qui émet les impulsions à partir d'une commande de plus
haut niveau, mais ce n'est pas directement lui qui rend ce signal
audible) ; il y a probablement un rapport avec la ventilation de
l'immeuble, peut-être un effet d'orgue, mais en tout cas le mystère
n'est pas résolu et certains de mes voisins trouvent ce son vraiment
gênant.
Le cerveau a ses propres rythmes. Quand je réfléchis à un
problème, quel qu'il soit, et notamment mathématique, j'ai besoin d'un
certain temps pour entrer en matière (appréhender le problème, me
familiariser avec ce dont il est question, visualiser la situation),
après quoi je peux y réfléchir constructivement pendant un certain
temps, puis je fatigue et je m'en lasse. Mais même le fait de
me dessaisir d'un problème a un certain coût : une fois qu'il
s'est présenté à moi, je ne peux pas simplement l'oublier, j'ai besoin
d'une forme de « clôture » intellectuelle — qui ne coïncide pas
forcément avec la résolution du problème, mais au fait d'avoir
l'impression d'en avoir fait le tour, de ne plus pouvoir améliorer ma
compréhension, d'avoir dit tout ce que je savais dire. (Je peux très
bien ne pas réussir à dormir parce que je n'ai pas « fini de
réfléchir » à quelque chose.) Tout ceci impose des rythmes assez
délicats, et le fait de me forcer à faire un
« changement de
contexte » mental, c'est-à-dire à laisser de côté un problème pour
passer à un autre (sans pour autant oublier complètement le premier,
que je reprendrai plus tard) me semble extrêmement coûteux (en temps
ou en énergie intellectuelle).
C'est d'ailleurs une raison pour laquelle je n'assiste pas à
énormément de séminaires : ce n'est pas qu'ils ne m'intéressent pas,
mais souvent qu'ils m'intéressent trop : je vais commencer à réfléchir
à ce que l'orateur raconte (ou, le plus souvent, à ce qu'il raconte
pendant l'introduction avant de rentrer dans ses propres travaux,
parce qu'il faut bien admettre que c'est souvent le plus intéressant
en fait) et je risque de m'énerver pendant le séminaire lui-même « eh,
je n'ai pas encore eu le temps de digérer intellectuellement l'énoncé
précédent » parce que le rythme imposé est forcément rapide, et après
coup perdre encore beaucoup de temps à réfléchir à ce qui aura été
dit. (Et si plusieurs exposés se suivent, c'est encore pire, parce
que j'ai énormément de mal à entrer dans le deuxième alors que je suis
encore en train de réfléchir au premier, et ainsi de suite.)
Malheureusement, les rythmes auxquels je dois me soumettre ne sont
pas forcément ceux que je voudrais, que ce soit à cause de mes
enseignements, des disponibilités des collègues, des séminaires aux
horaires fixés, ou même de mes propres rythmes de sommeil qui ne
coïncident pas forcément avec ceux de ma pensée.
Hier matin j'ai enseigné un cours de cryptanalyse, ce qui m'a mis
dans l'esprit toutes sortes de problèmes à ce sujet, qui ont été un
peu brutalement remplacés l'après-midi par un problème informatique
(très concret), ce matin je me suis rendu compte que je ne comprenais
pas quelque chose en algèbre générale que j'ai donc dû approfondir
jusqu'à ce qu'un collègue et son thésard viennent me proposer de
discuter sur une question autour de certaines courbes de Shimura,
demain matin je dois encadrer un TP sur les expressions
rationnelles puis faire un cours sur
les grammaires
hors-contexte que je dois donc rafraîchir à mon esprit, après quoi
je reprendrai sans doute la discussion avec mes collègues, puis jeudi
matin j'encadre un nouveau TP et l'après-midi je dois
faire passer un oral pour un cours d'algèbre (donc préparer des
questions appropriées), et vendredi, après une séance d'un séminaire
si j'en ai le courage (peu probable), ce sera à la cohomologie étale
qu'il faudra que j'aie l'esprit pour continuer la rédaction avec un
collègue d'un article sur le sujet (qui n'en finit pas de se finir).
Chacun de ces sujets m'intéresse et je ne peux même pas dire que le
rythme de passage de l'un à l'autre soit trop lent
ou trop rapide, mais le fait est que ce n'est pas vraiment
moi qui les contrôle, et c'est ça qui me semble très fatigant.
Je ne sais pas si c'est moi qui suis bizarre, en tout cas je ne
crois pas avoir entendu d'autres chercheurs se plaindre de la
difficulté à « changer de contexte », ou s'exclamer ce problème
pourrait m'intéresser, mais je n'ai pas la force ou la mémoire à court
terme pour créer un nouveau processus mental pour y réfléchir !
(bref, resource overflow).
Non seulement j'attrape
énormément[#] de rhumes (cette
fois c'est le troisième en trois mois —
voir ici
et là — ce qui est tout de même
assez exceptionnel même pour moi), mais en plus ils me font un effet
terrible. En l'occurrence, il n'y a pas que le climat
abominable de Londres, c'est mon
poussinet qui me l'a refilé : sur lui, ça a juste causé une journée
d'éternuements répétés et une petite fatigue et c'était fini ; alors
que moi, je viens de me réveiller avec un mal de tête horrible, j'ai
juste la force de consulter mes mails et de me traîner jusqu'à la
pharmacie pour refaire provision de sérum physiologique, après quoi je
vais sans doute passer la journée à dormir (ou en tout cas
à ne rien faire — ce qui est un
peu problématique vu que j'ai des millions de choses à faire,
justement). Mais je voudrais bien une explication un peu scientifique
à cette différence : mon système immunitaire est-il partiulièrement
mauvais pour combattre les rhumes ? (et si c'est le cas, pourquoi ?),
ou mauvais tout court ? ou est-ce qu'au contraire mon corps
surréagit ? Et y a-t-il quoi que ce soit que je puisse faire à part
souffrir et râler sur mon blog ?
((Ceci me fait penser qu'hier j'ai assisté à la triste scène d'une
dame en train de se faire embobiner par un charlatan qui se présentait
comme une sorte de guérisseur. Je ne sais pas au juste de quel mal
physique ou psychique la dame souffrait, mais le discours du type en
face, qui lui proposait de commencer par un cours de respiration — la
première étape de sa série des trois B : Bien respirer, Bien
manger, Bien vivre — pour la modeste somme de 150€ parce qu'il ne
court pas après l'argent mais il est quand même docteur vous
comprenez, qui lui promettait qu'elle serait une rebelle, mais une
rebelle de l'action et pas une rebelle de la réaction, et qui
était convaincu que il n'y a pas de
hasard[#2], vous m'avez
rencontré pour une raison, et moi je sais quelle est cette
raison, faisait
hurler toutes
les sirènes dans ma tête. Je me suis un peu senti coupable de
non-assistance à personne en danger de ne pas intervenir pour dénoncer
toutes ces sornettes, mais j'ai un peu trop peur de la confrontation
pour ça.))
[#] Ce qui a souvent
conduit des gens à me soutenir que mes rhumes seraient en fait des
allergies. (Je le mentionne, parce que je sens que sinon quelqu'un va
dire exactement ça dans les commentaires.) Il est possible que je
sois un peu allergique sans le savoir. Mais le fait que mes rhumes
aient surtout lieu en hiver, qu'ils suivent une évolution claire et
régulière (picotement à l'arrière-gorge → fatigue et nez bouché →
toux), et surtout, que je puisse souvent identifier quelqu'un qui me
l'a passé, plaide bien pour le fait qu'il s'agit d'infections.
[#2] J'étais à deux
doigts d'écrire que la phrase le hasard n'existe pas est le
signe infaillible du charlatan, et puis je me suis
rappelé que j'avais récemment posté
ceci. Ahem.
Je suis hypocondriaque et donc, j'ai un sommeil d'hypocondriaque.
Petite liste des choses qui m'empêchent de bien dormir et dont, si
aucune n'est vraiment grave, l'accumulation n'est pas
négligeable :
1º Je suis somnambule.
Ce n'est que très léger, heureusement, et ne se produit qu'en début de
nuit, en prenant la forme de confusions
nocturnes où je me demi-réveille en ne sachant plus où je suis
(comme en écho à des situations où, étant petit, je m'étais endormi
dans une chambre peu familière ayant mal repéré les environs, et,
étant réveillé, avais paniqué en cherchant la lumière).
2º Je suis frileux et transpire
facilement, de sorte que le juste équilibre est délicat à
trouver. Ce n'est pas spécifique à la nuit, mais c'est surtout la
nuit que c'est gênant. Je dors donc avec trois couettes, chacune
assez légère, ce qui permet facilement d'en enlever une ou deux. Il
m'est arrivé de transpirer et d'avoir froid en même temps,
auquel cas je ne sais plus quoi faire. Par ailleurs, transpirer
déshydrate, donc je me réveille parfois parce que j'ai soif.
3º Je vais cinquante fois aux
toilettes, probablement parce que je ne supporte pas que ma
vessie ne soit pas parfaitement vide pour m'endormir : du coup, si je
bois un verre d'eau pendant la nuit
(cf. le point
précédent), il faudra que je me relève N fois au cours
de la demi-heure qui suit pour éliminer cette eau jusqu'à la dernière
goutte. (En bon hypocondriaque, je suis allé voir un médecin pour
vérifier que je n'avais pas un problème à la prostate ou à la vessie,
et il semble que non.)
4º Je me retourne
beaucoup dans mon lit. Bon, là, ce n'est pas moi qui suis
gêné, c'est plutôt mon poussinet. Surtout dans un lit double : pour
cette raison, nous préférons de beaucoup des lits jumeaux où chacun a
sa propre couette et on ne doit pas se battre. Mais même quand je
suis seul, ça me gêne un peu, parce que mes couettes tombent
facilement à force que je m'agite, et alors je me retrouve à avoir
froid.
5º Je ne peux dormir que sur le
côté. Sur le dos, je ronfle. Me mettre sur le ventre m'est très agréable
pour m'endormir (ça m'aide à me détendre et à trouver Morphée), mais
il faut absolument que je me mette sur le côté avant d'être vraiment
endormi sans quoi je me réveille cinq minutes plus tard
en étouffant. Sur
le côté, donc. Mais il y a autre chose : si j'ai une narine bouchée
(i.e., quasiment tout
le temps), je dois absolument dormir avec cette narine en
haut — pour aider à la déboucher, mais c'est devenu une habitude
tellement forte que je n'arrive plus à faire autrement — et si elle
reste bouchée, alors je me retrouve coincé sur le même côté sans
pouvoir me retourner, et je finis par ne plus pouvoir dormir, c'est
assez pervers.
6º Les réveils m'empêchent de
dormir. C'est le but, dira-t-on — mais je veux dire, même
avant qu'ils sonnent. Plus exactement, je ne peux m'endormir
correctement que si les deux conditions sont réunies : (a) il n'y a
pas de raison de penser que je serai réveillé dans les trois
heures qui suivent, et (b) il n'y a pas de raison de penser que
je serai réveillé avant d'avoir dormi huit heures (y
comprises les heures que j'ai déjà dormies, bien sûr), même en tenant
compte d'une heure d'insomnie probable. Donc si je mets mon réveil
pour, disons, 8h, il faudra que je me couche vers 23h (pas tant que
j'aie vraiment besoin de 8 heures de sommeil, mais si je suis
certain de ne pas les avoir, ça m'empêche de dormir !), et si je me
réveille après 5h je ne pourrai pas me rendormir.
7º Je suis sensible aux
bruits. Enfin, ça dépend lesquels : les bruits mécaniques,
dans une mesure raisonnable (pas une perceuse…), ne m'embêtent pas
trop, contrairement à mon poussinet qui s'agace du clic du thermostat
du radiateur de notre salle de bains ; en revanche, si j'entends de la
musique ou une conversation de chez les voisins, et dans une moindre
mesure des bruits de pas, je ne dormirai pas (et pour ce qui est
d'être gêné par la musique, je m'aperçois que j'ai
l'ouïe très fine). Par chance, nous habitons dans un
immeuble des années '90, donc bien insonorisé, et nos voisins sont
pour la grande majorité des couples bourgeois pas trop jeunes (et sans
enfants, ou dont les enfants ont déjà quitté l'appartement des
parents) et qui ne font donc que très peu de bruit de toute façon :
chez nous, je suis donc très rarement gêné. (Par ailleurs, si les
bruits me gênent pour m'endormir, ils ne me réveillent pas
trop facilement — de nouveau, perceuses exceptées. La lumière, pour
sa part, me gêne relativement peu, même pour m'endormir — sans doute
parce qu'étant ado je dormais parfois toute une matinée, volets
ouverts, avec le soleil en plein visage.)
8º Je fais des
insomnies, même une fois pris en compte tous les autres
facteurs qui peuvent m'empêcher de dormir : disons que tout tracas un
peu envahissant tournera facilement en boucle dans ma tête et
m'empêchera de m'évader.
9º Je ronfle un peu.
Heureusement, ce n'est que sur le dos, ça ne se produit pas trop
souvent, et ce n'est pas énorme, mais mon poussinet doit parfois me
pousser pour me remettre sur le côté (heureusement aussi, ça ne me
réveille généralement pas) ; la situation est d'ailleurs tout à fait
symétrique entre nous. Quand il n'est pas là ou n'est pas réveillé,
c'est plus ennuyeux, parce que mon propre ronflement me gêne souvent
la nuit (il apparaît dans mes rêves sous forme d'un bruit obsédant, et
ensuite je sens bien que j'ai mal dormi).
10º Je fais de
l'apnée du
sommeil. Si je m'endors sur le ventre, c'est
systématique, mais j'ai l'impression que, depuis récemment, c'est en
train de se manifester aussi sur le dos et peut-être même — ce qui
serait beaucoup plus problématique — sur le côté : je me réveille en
légère asphyxie parce que ma gorge est trop reculée, et je dois
prendre une soudaine respiration. L'ampleur du phénomène n'est pas
claire : que je m'en souvienne n'est pas fréquent, mais je ne sais
évidemment pas combien de fois ça se produit aussi sans que j'en aie
conscience (mais peut-être que le fait que je sois hypocondriaque et
que j'aie peur de faire de l'apnée du sommeil m'aide à ne pas oublier
quand ça se produit !). Je compte consulter à ce sujet, mais quand je
lis les traitements utilisés je suis un peu inquiet : ça me semble
absolument impossible que je puisse dormir avec un dispositif dans la
bouche pour retenir mon palais, ou avec un masque respirateur.
11º J'ai le nez
encombré : indépendamment de questions d'apnée du sommeil, je
respire plutôt mal parce que j'ai le nez qui se charge facilement
quand je suis allongé. Je ne sais pas si c'est une sorte d'allergie
ou un problème mécanique d'évacuation des mucosités. Quand les choses
vont bien, ça se limite à une narine, et il suffit que je dorme avec
celle-ci au-dessus pour qu'elle se dégage (c'est alors l'autre qui se
bouche, et je me
retourne) ; mais si les choses vont moins bien, la même narine
peut rester bouchée très longtemps, et alors il me sera impossible de
dormir tant que la situation ne sera pas réglée ; ou encore, il arrive
que l'autre narine soit elle-même un peu bouchée (hors des jours où
j'ai un rhume, les deux ne sont jamais complètement bloquées). Je
mets du sérum physiologique chaque soir avant de me coucher (une
unidose par narine) et j'ai du Septéal pour déboucher pendant la nuit
si nécessaire, mais parfois ça ne suffit pas.
12º J'ai besoin de beaucoup de
sommeil. Je ne sais pas si c'est parce que j'ai pris
l'habitude de dormir beaucoup, ou parce que je ne respire pas bien, ou
simplement parce que je suis comme ça, mais le fait certain est que je
ne me réveille pas spontanément avant… tard
(or mettre un réveil est
une mauvaise idée). Ceci étant, je ne parle qu'en moyenne :
ponctuellement, je tiens mieux une nuit courte que mon poussinet, qui
a vraiment besoin de ses huit heures chaque nuit.
Chacun de ces points est plutôt mineur, et même quand on les met
tous ensemble, je ne dors pas si mal que ça (en tout cas, il
y a des gens qui sont beaucoup plus à plaindre que moi à ce chapitre),
je m'endors relativement facilement, et s'il est vrai que je me
réveille presque systématiquement pendant la nuit, lorsqu'il n'y a pas
un réveil pour me perturber, je me rendors généralement assez bien, et
la dernière partie de mes nuits, où je
fais beaucoup de rêves, est vraiment agréable.
Je me demande, cependant, comment ça va évoluer en vieillissant, ou
quand je tomberais malade : parce que des tracas mineurs un jour
peuvent devenir beaucoup plus gênants combinés à d'autres
circonstances.
J'avais essayé le snowboard l'an
dernier en prenant juste une heure de cours (pas franchement un
succès : mon poussinet s'était fait mal au poignet et un vautour nous
avait tourné autour de la tête). Pas assez pour apprendre vraiment
quoi que ce soit mais assez pour se faire une petite idée et décider
que ça devrait me plaire. Cette année (après avoir changé d'avis sur
le pied à mettre en avant), j'ai été un peu plus persévérant : nous
avons repris deux heures de cours le
mois dernier à Métabief, et en avons de nouveau fait — par
nous-même — ce week-end à Termignon-Val-Cenis (les photos ci-dessus
sont géolocalisées pour ceux qui veulent voir précisément où nous
étions).
Comme je suis du genre
angoissé, j'avais acheté plein de protections : des protège-poignets
(à mettre entre les sous-gants et les gants), des protège-genoux et un
casque en guise de bonnet (plus le masque de ski, évidemment). Très
encombrant : ça me donnait un peu l'impression d'être un casseur de
manifestant (cf. photo), mais au moins je me sentais rassuré. Et
malgré les remarques ironiques de mon poussinet je ne pense pas que
ç'ait été inutile : c'est justement quand on est débutant qu'on en a
le plus besoin, et de fait, je suis tombé un nombre incalculable de
fois sur les genoux et les poignets, et j'ai fait une fois un vol
plané qui a terminé par un beau choc à la tête.
J'ai, donc, surtout commencé par beaucoup tomber. Notamment parce
que je n'arrivais pas correctement à tourner vers la gauche.
Il faut dire que le snowboard étant fondamentalement asymétrique
(sauf s'il s'agit d'un non-directionnel, c'est-à-dire que les deux
bouts peuvent servir d'avant, mais je ne sais pas pourquoi ça a l'air
d'être rare), on peut tout à fait ne pas être aussi à l'aise dans un
sens que dans l'autre. Faire face à la pente (où on voit
naturellement où on va) semble beaucoup plus naturel et confortable
que faire dos à la pente (où il faudra regarder par-dessus son
épaule). Et comme j'ai choisi finalement de mettre le pied droit à
l'avant (« goofy ») — parce que c'est comme ça que je me positionne
naturellement pour glisser sur de la glace — quand je fais face à la
pente c'est pour descendre un peu vers la droite alors que quand je
fais dos à la pente c'est pour descendre un peu vers la gauche (qui
est alors, pour moi, la droite). Du coup je suis plus à l'aise sur
une piste qui descend en tournant dans le sens des aiguilles d'une
montre autour de la montagne (parce que je peux rester face à la pente
et déraper gentiment vers la droite) que le contraire.
Évidemment, dès que la piste est un peu autre chose qu'une oblique
régulière, il faut alterner entre ces deux positions (face à la pente
et dos à la pente), et c'est surtout là que c'est délicat : j'ai assez
vite maîtrisé le principe du virage qui passe de « dos à la pente » à
« face à la pente » (virage côté dos,
ou heelside[#],
qui pour moi est vers la droite), mais dans l'autre sens (virage côté
face, toeside) je me plantais absolument
systématiquement. Et du coup je maudissais les lacets vers la gauche
et je me retrouvais souvent comme un idiot au bord droit de la piste,
sans savoir quoi faire ensuite. J'ai poussé une quantité de jurons en
hurlant qui ont provoqué une certaine hilarité chez les autres
skieurs. Ou alors je descendais simplement en dérapage (face à la
pente) sans aller ni vers la gauche ni vers la droite, ce qui est un
un peu l'équivalent pour le snowboard du chasse-neige du skieur
débutant.
Le problème semble être que quand je faisais un virage toeside, ça
prenait trop de temps dans la direction de la ligne de pente, je me
retrouvais toujours à aller trop vite et je ne savais plus contrôler :
soit je fonçais dans le talus soit je dérapais trop et je partais en
marche arrière — et la tentation était grande de simplement se pencher
en avant jusqu'à tomber sur la piste pour s'arrêter à grand renfort de
frottement sur les genoux. À la limite j'arrivais à déraper dos à la
pente (vers l'arrière, donc), mais pas me lancer et à contrôler ma
vitesse dans cette position.
Et tout d'un coup (après deux heures hier et trois aujourd'hui à me
manger des talus et à tomber sur les genoux), j'ai eu un déclic et
j'ai « compris le truc ». Mais le plus frustrant, c'est que je ne
sais pas ce que j'ai compris exactement, et je ne suis pas capable de
le réexpliquer. Tout ce que je sais c'est que mon poussinet a insisté
pour que je pratique le dérapage et l'avancée dos à la pente et
l'arrêt dans cette position, et j'ai arrêté de foncer dans les talus
et j'ai réussi à déraper correctement, et finalement à tourner vers la
gauche.
Ce qui est vraiment dommage, c'est qu'à ce point, où enfin je
commençais à pouvoir enchaîner des virages sans tomber, et surtout
à prendre plaisir à surfer, quand j'ai pu prendre un bout de
piste rouge, mes jambes étaient tellement fatiguées (et surtout le
muscle fessier de la jambe arrière=gauche), tellement fatiguées de
toutes ces pentes descendues à 1km/h en dérapant lentement à force de
me crisper, que je n'en pouvais plus, et nous avons dû mettre fin à
notre expérience.
Je réessaierai certainement l'an prochain, mais je ne sais pas si
je me rappellerai le « truc » que j'ai fini par comprendre ou s'il
faudra de nouveau passer des heures à mordre la neige avait de pouvoir
contrôler ma trajectoire.
[#] Certains utilisent
aussi les termes frontside
et backside, mais j'ai l'impression de comprendre
qu'il y a une grande confusion à ce sujet, certains les utilisant pour
exactement le contraire de ce que d'autres font, donc autant
éviter !
Quelle meilleure façon de commencer l'année que par un gros rhume ?
(Ou une mini-grippe, ce n'est pas clair. J'ai mal à la tête, je suis
très fatigué, et j'ai la gorge chargée ; j'ai alternativement très
froid et très chaud, mais je n'ai que très peu de fièvre ; j'ai des
courbatures mais elles sont localisées, c'est probablement des restes
d'une séance de muscu un peu trop intense.) D'ordinaire je fais
plutôt ça en décembre, mais janvier n'est pas mal non
plus. xkcd a très bien
décrit ce à quoi je passe mon temps.
La dernière saison de House MD passe à
partir de demain soir à la télé, ce sera parfait pour l'apprécier.
La rentrée et son déferlement de stress (ce n'est pas un hasard si
ce post vient un an
après celui-ci). J'ai un emploi du
temps d'enseignement passablement lourd jusqu'à mi-novembre, avec tous
ces cours généraux qui se concentrent en début d'année (David, tu
veux bien faire un cours expliquant toute la crypto en quatre heures
pour le master TrucMuche de Paris 42 ? — Oui, pas de problème), et
notamment un cours d'Analyse que je fais pour la première année et
dont je ne sais pas pourquoi je l'ai accepté parce que je suis nul en
Analyse et que du coup je dois le préparer un peu sérieusement.
(Quand je vois la fatigue que je ressens après trois heures de cours,
je dois dire que j'admire comme des véritables héros les profs de
lycée qui non seulement endurent un rythme très lourd toute l'année
mais en plus ont souvent face à eux des élèves véritablement hostiles
et pas seulement indifférents.) Un entretien d'évaluation annuel où
il va de nouveau falloir que je défende mon choix de ne pas publier
des merdes pour faire du chiffre (i.e., on va me dire que je ne fais
rien depuis des années). Et des tracasseries administratives (il y a
eu des conflits d'emploi du temps à régler, mais surtout je n'ai pas
de nouvelles de mon détachement, ce
qui fait que depuis le 1er septembre je suis dans les
limbes administratifs).
Le fait est que je somatise. J'ai la tension qui frôle les 15/8
(c'est uniquement l'adrénaline, je ne suis pas « intrinsèquement »
hypertendu) et j'ai fait plusieurs petits craquages nerveux. (Ce qui
rend peut-être la chose pire, d'ailleurs, c'est qu'en-dehors de
certains moments précis, je donne l'apparence d'être plutôt calme : je
peux dire je suis hyper stressé, surtout en ce moment et les
gens, en fait, ne me croient pas.) Mon poussinet me pousse à aller
voir un médecin, mais si on me mettait en arrêt maladie ça ne ferait
que repousser les problèmes de quelques jours (et sans doute les
empirer s'il faut se demander comment je peux me faire remplacer pour
tel ou tel cours, sans compter la culpabilisation insidieuse qu'on
fait facilement autour de ça) ; peut-être le médecin du travail de mon
École.
Photos prises cet après-midi à la Gay
Pride Marche des Fiertés par quelqu'un qui a dû nous
trouver trop mœugnons :
(En fait, il n'était pas prévu que nous y allassions. Mais j'ai
attrapé un méga rhume carabiné qui nous a fait renoncer à un petit
voyage ce week-end. Donc nous sommes restés à Paris regarder défiler
les jolis garçons et les gentilles filles.)
Je suis finalement allé voir un dermatologue pour
la petite lésion à ma paupière (en
médecine de ville parce qu'obtenir un rendez-vous au service de
dermatologie « pavillon Tarnier » de Cochin prend trois mois, et il
faut une première consultation avant toute intervention ; je me suis
adressé au même spécialiste qui
m'avait traité un grain de beauté
en 2003, et qui m'avait fait une bonne
impression[#], d'ailleurs
confirmée cette fois-ci). Apparemment, donc, c'était une verrue que
j'avais, et il l'a traitée sans difficulté, et sans bistouri, en la
brûlant à l'azote liquide (il m'a prévenu que pendant dix-quinze jours
ma paupière aurait un aspect un peu effrayant) ; et les autres petites
lésions que j'ai au visage sont sans rapport, ce sont des adénomes
sébacés, disgracieux mais d'aucune importance médicale (il m'a traité
deux ou trois des plus gros).
Ce qui m'impressionne avec la dermatologie, c'est qu'il y a un
zillion de trucs différents possibles, chacun pouvant prendre un
zillion d'aspects, mais, en fait, avec énormément de ressemblance
entre certains aspects de X et certains aspects
de Y pour à peu près n'importe quelle paire
(X,Y), et malgré ça les spécialistes arrivent
généralement à faire un diagnostic en un coup d'œil. (Mais pas tous
les médecins, apparemment, puisque mon généraliste ne savait
visiblement pas quoi dire, là.)
[#] Puisque je le
recommande autant donner son nom : il s'agit du Docteur Raoul Triller,
36 ave. Hoche (Paris 8e).
Depuis environ
dix-douze ans, j'ai une sorte de nævus, de kyste ou de petite verrue
sur le bord de la paupière inférieure de l'œil droit. Je ne sais pas
comment cette tumeur a décidé de pousser là, je n'avais rien quand
j'étais petit. Mais bon, elle n'était pas gênante non plus, à part un
peu quand je pleure (ou que je mets des goutte dans mon œil) car elle
doit émettre des sécrétions grasses qui me piquent un peu. Bref.
Mais très récemment (deux-trois jours), elle a changé d'aspect,
développant elle-même en son bord une petite protubérance d'aspect
fort vilain, et un peu noire (ça ne se voit pas vraiment bien sur la
photo ci-contre, où on a l'impression que c'est juste le bord qui est
un peu plus foncé, mais en fait la couleur noirâtre est plutôt vers
l'arrière). Comme en plus elle me gratte un peu plus que d'habitude,
tout ceci fait hurler mes alarmes
d'hypocondriaque[#] (même si mon
poussinet me fait remarquer que la partie altérée est vraiment
minuscule), et je vais vouloir la faire opérer le plus vite possible.
D'ailleurs j'ai pris rendez-vous lundi chez mon généraliste pour lui
demander conseil (qui va-t-on voir dans ce cas-là, quel est le degré
d'urgence…).
Je l'ignorais[#2], mais il
semble
que les
paupières relèvent de l'ophtalmologie et non de la dermatologie.
Un dermatologue (qui avait pratiqué l'exérèse d'un grain de beauté au
menton qui me gênait quand je me rasais) m'avait pourtant assuré qu'il
pourrait m'enlever cette chose (je parle de la tumeur, pas de la
paupière) si je le voulais. D'un autre côté, il l'avait mentionnée en
me demandant qu'est-ce que vous avez à la paupière ?, à quoi
j'ai eu envie de lui répondre que c'était plutôt à lui de me le dire
que le contraire.
En tout cas, l'idée de voir passer un bistouri à quelques
millimètres de mon globe oculaire me réjouit fort peu, mais il va
bien falloir s'y résoudre.
Ajout () : Mon
généraliste m'a conseillé de voir un dermatologue (il m'a suggéré de
m'adresser
au pavillon
Tarnier, qui est une annexe de Cochin), plutôt qu'un
ophtalmologiste, parce qu'il pense que c'est lié à une autre petite
lésion que j'ai à la joue du même côté. En tout cas il m'a dit de le
faire enlever sans trop tarder. (Et comme il n'a pas voulu se
mouiller et a utilisé le mot lésion dans sa lettre au
dermatologue, je ne sais toujours pas de quoi il s'agit.)
[#] D'ailleurs, je viens
de faire un cauchemar dans lequel une araignée venimeuse entrait dans
mes vêtements : et je pense que c'est lié.
[#2] Je ne connaissais
pas non plus le mot palpébral.
Comme promis dans l'entrée
précédente où je raconte la manière dont ce texte a été
récupéré, voici
The Life and
Times of Altcee (being the true and marvelous story of
the life of a young guileless boy growing up in a small destitute
village under the stern sway of a wicked father, told in the most
plain and simple prose without the use of cliché or exaggeration)
écrit vers 1988–1990 par un auteur anonyme dont on ne sait pas bien
comment son œuvre s'est retrouvée sur les disquettes de mon père. Il
n'y a là que sept très courts chapitres (un peu à la manière de
mes fragments littéraires gratuits) et le titre
prometteur d'un huitième mais je ne crois pas que le texte ait jamais
été plus long.
Le sarcasme paternel mériterait sans doute quelques explications,
parce que c'est plein de références à des événements me concernant,
explications que je ne suis malheureusement plus trop capable de
fournir, ayant oublié les événements en question ; je ne peux, par
exemple, que conjecturer que j'avais dû poser un jour six francs sur
le coffre dans l'entrée chez mes parents, que mon père aurait empochés
sans y réfléchir, et que j'ai été très en colère de cette
disparition ; je ne me rappelle plus bien non plus si je faisais des
histoires quand on me demandait d'aller acheter le pain, j'imagine que
je n'aimais pas trop ça, mais je ne sais pas si c'était une occurrence
unique (mon père étant parfaitement capable de se moquer de moi
pendant quinze ans après) ou quelque chose de plus fréquent. Je sais
aussi que je refusais catégoriquement de participer au ramassage des
feuilles mortes dans le jardin, et qu'en représaille mon père avait
décidé de ne plus me faire de cadeaux de Noël. Concernant le
chapitre 4 (à mon avis le plus drôle), il est vrai que j'étais — et
que je suis encore — fort grincheux concernant le bruit que les
voisins pouvaient faire à la moindre fête, et mon père trouvait que si
j'avais déjà une mentalité de vieux pépé grincheux à treize ans ça
n'allait pas s'améliorer.
Le nom du héros, Altcee, vient de ce que mon père m'appelait
tellement souvent crétin qu'il disait qu'il lui fallait définir
un racourci clavier pour ce mot, par exemple Alt-C
(pour the C-word), donc, Altcé ou Altcee.
Dans le genre vacances tranquilles, on peut dire que mon poussinet
et moi faisons très fort : sur cinq jours
passés à la montagne, on aura fait
des sports de glisse pendant… une heure. (Parce que le premier jour
on a juste le temps d'arriver et de s'installer tranquillement, le
deuxième jour il y a des choses à faire à la maison et des cartes
postales à envoyer, le troisième jour le poussinet doit travailler à
écrire l'introduction d'un article parce que ses co-auteurs
s'impatientent, le quatrième jour on arrive à sortir l'après-midi
après s'être levés à 10h, et le cinquième jour il faut plier bagages.)
Bon, nous avons pour excuse des températures de −20°C qui ne donnent
pas trop envie de sortir malgré le soleil magnifique et la neige
abondante. Et comme la maison appartient à mes beaux-parents, nous ne
payons pas de location rubis sur l'ongle. Mais même moi qui suis le
roi des casaniers je dois reconnaître que c'est dommage.
La condition que j'avais posée pour
venir à la montagne était : cette année, on fait du surf. Parce que
le ski, même si je ne suis pas
mauvais, je trouve ça un peu ennuyeux, en fait : c'est plus rigolo
de débuter et de passer tout le temps sur les fesses. Et le snowboard
c'est sexy, les gens qui en font sont souvent
des jolis
garçons (enfin, en tout cas, ce sont souvent des djeunz, j'ai
l'impression qu'il y a plus de garçons que de filles, et mon poussinet
et moi aimons bien le style vestimentaire qui va avec). Bref, nous
avons pris un cours d'une heure auprès de l'école du ski français, le
moniteur nous a assuré que c'était un sport où on progresse très vite
surtout si on a déjà l'habitude du ski, et effectivement en quelques
montées et descentes du tier-fesse et de la piste pour débutants (dont
la neige était d'ailleurs très collante à cause du froid), on a pu
voir un peu l'idée.
Le truc perturbant c'est qu'on ne peut pas freiner sans tourner ;
et que si on freine trop fort, on peut se retrouver à avoir trop
tourné et du coup à repartir en sens inverse, auquel cas c'est la
chute assurée. C'est aussi bizarre que l'engin soit chiral, ou plus
exactement que la fixation le soit : il faut choisir quel pied on
mettra devant, sachant qu'on s'appuie sur celui-là mais qu'on contrôle
avec le pied arrière ; mon poussinet et moi avons choisi la position
gauche-à-l'avant (est-ce un message politique ?) mais mon poussinet,
qui est gaucher, aurait en fait sans doute dû prendre l'autre. En
tout cas, il a fait une chute assez méchante sur la neige bien dure et
s'est fait très mal au poignet (droit), ce qui a mis un terme à notre
peu téméraire expérience.
Sur une note différente, nous avons pu admirer de très près un
gypaète (ou du moins c'est ainsi qu'on nous a identifié ce grozoizo)
qui est venu longuement tournoyer au-dessus de la piste. Hum,
peut-être que ce n'est pas un très bon signe d'avoir un vautour qui
tournoie autour de nos têtes alors qu'on fait un sport dangereux, en
fait.
Bon, l'an prochain, mon poussinet et moi essaierons sans doute plus
sérieusement (peut-être d'arriver à faire vraiment cinq jours de surf,
du style chaque fois une heure de cours puis quelques heures par
nous-mêmes).
Pour la quatrième fois consécutive, j'ai déboursé une somme
ridiculement élevée (et qui augmente, d'ailleurs, nettement plus vite
que l'inflation ; cette année j'ai eu de la chance, je suis arrivé la
veille de la révision des tarifs, et je n'ai craché « que » 840€) pour
m'inscrire au Club Med Gym afin d'y faire de la
muscu.
C'est donc l'occasion de me demander pourquoi au juste je fais ça,
et affronter mes contradictions à ce sujet. Enfin, affronter,
peut-être pas, mais au moins contempler.
La première année je n'ai quasiment pas profité de cette
inscription payée à prix d'or. Mais à partir de fin 2009 (environ),
j'ai été raisonnablement sérieux (raisonnablement sérieux, ça
veut dire quelque chose comme 3–4 séances chaque semaine, d'à peu près
une heure, et en me fatiguant vraiment). Et je ne sais pas, en fait,
pourquoi je le fais. Certainement pas pour la santé : je soupçonne
que c'est même vaguement néfaste, et que si je voulais m'occuper de ma
santé je devrais plutôt faire du cardio-training (j'ai à peu près
autant d'endurance qu'un muon : 2.2µs) et pas de la muscu. Pas non
plus pour regarder des jolis garçons : même si la faune dans une salle
de muscu est à 95% masculine et respire la testostérone, en vérité
elle n'est pas très intéressante du point de vue esthétique.
Pour soigner mon apparence, alors ? La différence (par rapport à
il y a deux ans) est certaine si je me regarde nu dans un miroir, et
c'est sûr que ce n'est pas désagréable. Mais les gens qui me voient
nu ne sont pas très nombreux : il y a mon poussinet, qui s'en fout… et
c'est tout. Comme je n'ai pas l'habitude de mettre des vêtements
hyper moulants (au contraire, je porte plutôt du baggy), à part les
quelques jours de l'été où j'aurai un débardeur, personne ne
remarquera si j'ai des bras musclés ou encore moins des tablettes de
chocolat. (Et même les quelques jours de l'été où je suis peu
couvert, on va surtout voir que je suis blanc comme une endive.) De
toute façon, j'ai un squelette à la carrure d'apparence chétive ; de
toute façon je n'ai sans doute pas un métabolisme à prendre beaucoup
de muscle ; et de toute façon je n'ai pas le temps d'y passer ma vie
comme les gros bourrins qui ont l'air d'être toujours là quelle que
soit l'heure à laquelle je puisse aller à la salle de muscu. Donc
même si j'ai une petite satisfaction intérieure à constater que sur
l'échelle impitoyable du curseur
placé sur le tas de fonte (si certains se demandaient de quoi
parlait ce fragment, vous avez la réponse…) je suis en fait plutôt
dans les meilleurs, je n'ai aucune chance d'approcher le niveau de ces
gros bourrins. Parce qu'il y a vraiment des gens qui prennent ça avec
un sérieux impressionnant quand ils discutent de leur programme, quand
ils parlent de phase de séchage ou de prise de poids, de la différence
entre tel ou tel mouvement, on ne peut qu'admirer tant de science
(même si, à vrai dire, je suis un peu sceptique quant aux fondements
scientifiques de tous ces préceptes ; je crois que c'est juste le
temps qu'ils y passent qui explique tout).
Il y a sans doute le fait de taper dans mes complexes d'ado moche
et nul en sport, et qui m'autoconvainquais que je n'aimais pas le
sport et que c'était un truc à la con. (Pardon, j'ai eu une
discussion interminable avec un ami sur la question de savoir si la
musculation peut être considérée comme un sport. Je corrige donc
virtuellement sport en activité physique ou sportive
dans ce qui précède.) Je voudrais me prouver à moi-même que je peux
ne pas être malingre toute ma vie.
Mais finalement, je pense que c'est un exercice de futilité
absurde. Soulever un poids et le reposer, recommencer, recommencer,
recommencer, et compter les ordinaux, ça fait penser à quelque
chose :
Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son
fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les
dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet
univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile.
Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette
montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte
elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut
imaginer Sisyphe heureux.
Puisqu'en réponse à la note en
bas de texte de l'entrée précédente on me dit que ce n'est pas
problématique de parler sur un blog de ce dont tout le monde parle
déjà, la mort d'un grand génie de l'informatique, si on en parle d'un
point de vue personnel, je me lance, profitant d'un peu de calme avant
que, sans doute, tous les journaux en fassent leur une et que
M. Obama prononce un discours saluant un grand visionnaire américain
qui a changé le monde, puisqu'il n'y a aucun doute que le langage C et
le système Unix ont eu beaucoup plus d'importance et d'influence que
les produits Apple.
Bref, voici une petite histoire (que je recopie très largement d'un
truc posté ailleurs il y a quelques années) de la façon dont j'ai été
mis en contact avec l'informatique en général, et avec Unix en
particulier (bon, le rapport avec Unix est très ténu, c'est juste un
prétexte pour poster ça) :
Un jour, je pense que c'était en '81, donc j'avais juste cinq ans,
mon père m'a emmené avec lui à
l'IHP (à
l'époque ça hébergeait divers labos qui devaient dépendre
administrativement de Paris VI, et notamment celui où mon père bossait
depuis sa thèse, à une brève excursion à Luminy près). Il devait
parler avec quelqu'un donc on m'a laissé dans la grande salle commune
(donnant sur la rue Pierre et Marie Curie — mais de toute façon tout
l'intérieur a été complètement transformé maintenant, il n'y a plus
rien de ce qui était là autrefois). Il y avait
un PET
de Commodore, alors on m'a dit de faire joujou avec l'ordinateur.
Mon père a parlé pendant très longtemps, et s'est rendu compte qu'il
m'avait complètement oublié : un peu inquiet, il est venu me
retrouver, et moi je n'avais pas vu le temps passer, j'avais pianoté
sur le clavier pendant des heures. Pour éviter qu'on me prenne pour
un génie précoce, je précise que je ne savais à peine lire, et je ne
me suis sûrement pas mis à programmer : j'ai juste joué à regarder ce
que les touches pouvaient produire comme effet, à déplacer le curseur
et à afficher des choses partout sur l'écran. Il faut dire que le
clavier du PET avait quelque chose
du Space
Cadet, il y avait toutes sortes de choses qu'une même touche
pouvait produire, et notamment des petits dessins (block drawing, je
veux dire) sous les touches.
Cette révélation du premier contact avec l'informatique a eu pour
conséquence que mon père a décidé d'acheter un micro-ordinateur (pour
moi et lui, ma mère n'étant absolument pas intéressée — mais pour moi
il estimait que ce serait un bon achat éducatif). Il a dû passer un
bon moment à prospecter et à discuter avec moi pour savoir ce qu'on
allait acheter. En attendant j'ai dû revenir plusieurs fois sur
le PET de l'IHP pour programmer mes
premiers trucs en BASIC — à peu près du niveau de 10 PRINT
"BONJOUR"␊20 GOTO 10 ou des choses de ce style.
Je commençais à trouver bizarre de ne recevoir aucune information
concernant ma carte bancaire que
j'ai perdue : j'avais immédiatement fait opposition par téléphone et,
le lendemain, envoyé une lettre à mon agence pour (1) confirmer
l'opposition et (2) demander que la nouvelle carte soit envoyée dans
une autre agence ; une semaine plus tard, pas d'avis de mise à
disposition de carte, pas de code qui arrive, rien. J'appelle un
conseiller qui m'explique candidement que, non, aucune demande de
nouvelle carte n'a été reçue pour moi : apparemment, le fait de faire
opposition sur une carte et de demander que la nouvelle soit envoyée à
tel endroit ne constitue pas une demande implicite de nouvelle carte.
J'ai un peu l'impression de parler à des logiciens ! Bon, maintenant
la demande a été faite, je suppose qu'ils vont trouver moyen d'oublier
ma demande de réexpédition, et qu'entre temps le transfert d'agence va
faire effet, et que ça va tout embrouiller. Face à tant de nullité,
je me prépare donc mentalement à rester des mois sans carte.
Devant les manœuvres sournoises de la météo qui est passée presque
du jour au lendemain du mois de juin au mois de novembre, mon corps a
réagi comme il en a l'habitude : en me gratifiant d'un rhume carabiné.
Si j'ai de la chance, je vais donc passer environ dix jours à
grelotter et à me sentir épuisé dès que je soulève le petit doigt. Si
j'ai moins de chance, ce sera comme l'an
dernier où ça a duré des mois. Mais généralement, quand j'ai un
rhume, le pire n'est pas tant les symptômes du rhume, le pire est la
quantité de choses que je n'ai plus l'énergie de faire parce que je me
sens complètement flagada. (Et loi de Murphy aidant, c'est bien sûr
le moment que choisissent plein de gens pour me proposer des activités
auxquelles j'aimerais participer.)
Dans la catégorie des petits tracas de santé, depuis quelques
mois, mes gencives sont en train de
se rétracter,
surtout au niveau des canines (me transformerais-je en vampire ?), qui
deviennent sensibles au froid et au chaud. Mon dentiste, qui y a vu
l'effet d'un brossage trop agressif, m'a seulement conseillé de faire
plus attention en me lavant les dents, mais j'ai beau le faire avec un
soin infini, toujours de la gencive vers la dent, avec une brosse à
dent souple et un dentifrice spécial gencives sensibles, j'ai beau ne
plus jamais me faire saignoter en me brossant (alors qu'autrefois ça
m'arrivait assez souvent), le problème persiste et semble même
s'accélérer. De même que j'aimerais bien savoir comment j'ai pu vivre
25 ans sans avoir une seule carie et tout d'un coup m'en découvrir
avec une régularité effrayante, j'aimerais bien comprendre comment ce
problème peut apparaître aussi soudainement.
Mes lecteurs réguliers doivent déjà savoir que je suis
pathologiquement hyperanxieux : je fais occasionnellement
des crises d'angoisses et des
troubles mineurs du rythme cardiaque
(tachycardie, extrasystoles)
d'origine à coup sûr psychosomatique (de même, ma tension de base est
bonne, mais elle monte très facilement) ; et comme je suis
gravement hypocondriaque, ça n'aide pas. On m'a prescrit de
l'Atarax pour
les crises d'angoisse, et
du propranolol
pour éviter la tachycardie. Ça marche assez bien : j'ai réduit la
dose de propranolol à 10mg/jour au coucher (le cardiologue m'avait
initialement prescrit 60mg/jour en trois prises), et je ne prends
l'Atarax qu'assez rarement et en quantités faibles (6mg, ce qui
nécessite d'ailleurs de couper les comprimés plus que ce qui est
prévu) ; je compte surtout, en fait, sur la puissance de l'effet
placébo. Et je prends des tisanes, j'essaie de me détendre en
écoutant de la musique douce… Les crises d'angoisse et la tachycardie
sont assez bien sous contrôle, en fait.
Mais j'ai dans les prochains jours quelque chose qui m'angoisse et
me met en colère à la fois (pour des raisons évidentes, je préfère
rester totalement vague sur ce dont il s'agit). De façon totalement
irrationnelle, bien sûr, mais néanmoins incontrôlable. La réaction
psychologique que j'ai est maladive, mais la réaction physiologique
n'est pas moins pathologique en elle-même : il suffit que je pense à
cet événement (notamment la nuit) pour que je sente une véritable
bouffée de chaleur, à tel point que je me mets à transpirer de tout
mon corps. (Je ne sais pas si c'est ce que ressentent des femmes au
moment de la ménopause, mais en tout cas c'est très déplaisant.) Le
propranolol n'a pas l'air d'avoir beaucoup d'effet contre ça,
bizarrement. J'ai l'impression que c'est une nouvelle forme d'anxiété
ou d'hyperexcitation que je ne connaissais pas encore bien.
Mon poussinet et moi sommes rentrés hier soir de Cologne, où nous
avons passé un week-end étendu. Je raconterai sans doute plus de
détails plus tard (là j'écris de façon très pressée), mais nous avons
beaucoup aimé.
Nous n'avons pas choisi Cologne pour ses vieilles pierres (et, de
fait, à ce rayon, nous avons juste fait un tour de la cathédrale au
pas de course, le reste ayant de toute façon été à peu près totalement
détruit pendant la guerre), mais pour voir une ville jeune et vivante,
et parfois décrite comme la capitale gay de l'Allemagne. De fait, ce
que j'aime bien trouver dans une ville, ce sont des rues piétonnes
commerçantes et animées. (Si on se demande quel genre de commerces je
peux trouver à Cologne et pas à Paris, deux exemples seraient
un magasin entier
de Gummibärchen, ou
un supermaché gay où je puisse
trouver des BD de Ralf König en VO.) Comme
la ville n'est qu'à trois heures de Paris en Thalys (et les billets ne
nous ont rien coûté parce que mon poussinet avait des points de
fidélité à dépenser), c'était une destination assez évidente. (En
revanche, les jours n'étaient pas forcément un choix idéal, parce que
le dimanche — encore plus qu'en France — tout ce qui n'est
pas commerce d'alimentation est fermé ; mais nous nous sommes
rattrapés sur le musée du chocolat.)
Par ailleurs, comme je me déplace aussi pour la bonne chère, on n'a
pas mal mangé à Cologne (et pas que des Gummibärchen), malgré la
réputation qu'a la cuisine allemande d'être grasse et lourde et dont
je n'ai absolument pas testé la véracité pour l'instant. (J'ai juste
pu, une fois de plus, m'énerver contre l'impossibilité d'obtenir de
l'eau plate à table. Ne pas boire de bière est un handicap certain à
Cologne.) Il y a aussi plein d'endroits sympa pour prendre un goûter.
Accessoirement, notre hôtel (un bête Mercure) avait le buffet de
petit-déjeuner le plus extraordinairement fourni que j'aie jamais
vu.
Et mon allemand à l'oral est décidément lamentable, malgré tous les
efforts que prodiguait mon poussinet pour me pousser à le pratiquer
(va expliquer à la réception qu'il y a une fuite d'eau dans la clim
qui a provoqué l'effondrement d'une dalle du faux plafond —
ben voyons).
Ah, et j'ai réussi l'exploit d'attraper un coup de soleil malgré la
météo pourrie.
J'ai dans le dos une région ingrattable. C'est-à-dire que quelles
que soient les contorsions que je fasse, si ça me démange dans ce coin
(en gros, sur l'omoplate gauche), je ne peux pas me gratter, sauf à
prendre un accessoire[#] ou à
appeler un poussinet à l'aide.
La faute en est à mon épaule droite. Je ne sais pas comment ça se
fait, mais j'ai beaucoup moins de mobilité dans le bras droit que dans
le bras gauche. Avec mon bras gauche, pas de problème : si je mets ma
main gauche contre mon dos (à plat, ouverte, dos contre dos, paume
vers l'extérieur), je peux sans problème plier le coude pour remonter,
plier le poignet pour remonter encore un peu, et atteindre presque
n'importe quel point de la moitié droite de mon dos (et ceux qui sont
vraiment trop haut pour y arriver comme ça, je peux les atteindre en
passant mon bras gauche par au-dessus de mon épaule droite et en
descendant : les deux régions se recouvrent et il ne me manque rien).
Avec mon bras droit, c'est une autre histoire : si je mets ma main
droite contre mon dos, mon épaule se positionne différemment, et pas
moyen de plier le coude, ni même le poignet, sans me faire mal à
l'épaule : le plus haut que je puisse toucher est un ou deux
centimètres au-dessous de mon omoplate gauche (alors qu'avec la main
gauche je peux remonter presque jusqu'en haut de ma colonne
vertébrale). Je ne peux donc me gratter le haut du côté gauche du dos
qu'en passant ma main droite par-dessus mon épaule gauche et en
descendant jusqu'au point où je m'étrangle : ça n'arrive pas jusqu'à
la base de l'omoplate, et j'ai donc des régions ingrattables.
Bref, mes épaules ne fonctionnent pas de la même façon. Je m'en
rends compte de façon frappante si je me tiens poing contre poing dans
le dos (c'est-à-dire, les deux mains fermées en poing, paume vers
l'extérieur, l'une contre l'autre au niveau de la colonne
vertébrale) : quand je fais ça, mon épaule droite est positionnée
nettement plus en avant que mon épaule gauche, et d'ailleurs je sens
que ça tire déjà un peu. (Je précise que quand je me tiens
normalement il n'y a pas de différence.)
C'est sans doute aussi l'explication que je peux sans problème
enfiler un sac à dos en passant d'abord le bras droit et ensuite le
bras gauche, mais beaucoup plus difficilement dans l'autre
sens.[#2]
Je me demande si je suis irrémédiablement foutu comme ça, ou s'il y
aurait moyen d'assouplir gentiment mon épaule droite pour lui
apprendre à faire comme la gauche.
[#] Idéalement, ce genre
de baguettes, qui ressemble un peu à un sceptre, avec une main au
bout, et qui sert à se gratter le dos. Je ne sais pas où ça peut se
trouver.
[#2] Je ne sais pas
comment font habituellement les droitiers. L'inconvénient de passer
le bras droit en premier, c'est que le poignet gauche a tendance à
râcler un peu contre la lanière gauche du sac, ce qui n'est pas grave
sauf si on porte une montre au poignet (gauche, comme c'est
habituellement le cas pour les droitiers). J'ai déjà pété un bracelet
de montre en faisant ça.
J'aime beaucoup les kilts, je trouve ça à la
fois sexy à regarder et
confortable à porter. Mais il y a deux problèmes : le premier, c'est
que comme tout un tas de choses qui touchent de trop près à un
héritage culturel, les gens ont plein d'idées sur l'importance de
l'authenticité. S'agissant des kilts, ces idées seraient :
qu'il ne
faut rien porter dessous, ou qu'on doit porter le tartan de son
clan — et par conséquence qu'on ne doit pas porter le kilt si on
n'est pas écossais/irlandais/gallois —, ce qui d'ailleurs
n'est même
pas une tradition historique exacte,
comme le
kilt lui-même d'ailleurs, ça semble faire partie de ces traditions
qui sont apparues aussi soudainement que la parution
de Waverley. Mais j'ai
déjà exprimé ce que je pense de la
quête de l''« authenticité », donc passons. Toujours est-il que si on
porte un jean personne ne veut que vous soyez un mineur californien
alors que si on porte un kilt on est censé être écossais : c'est assez
idiot.
Problème nº2 : les kilts n'ont pas de poche. Ça c'est vraiment
embêtant. Moi je me balade avec tout un matériel de survie quand je
vais n'importe où (un psychanalyste m'a dit — la seule fois de
ma vie où j'ai parlé avec un psychanalyste dans l'exercice de ses
fonctions — que c'était probablement parce que mes parents
n'avaient pas bien rempli leur rôle que je me sentais obligé d'avoir
plein d'objets rassurants avec moi partout où je vais —
authentique). Même si je fais au minimum, il y a au moins mon
portefeuille, mon porte-monnaie, mon téléphone mobile, mes clés et un
paquet de mouchoirs ; je n'aime pas mettre ça dans mon blouson parce
que je m'en défais plus facilement, et d'ailleurs en été je n'en ai
pas du tout. Bon ben pour transporter des objets, quand on a un kilt,
on est censé (pour faire « authentique ») utiliser
un sporran : eh
bien ces trucs sont minuscules, malcommodes, et quand on marche avec
ils rebondissent à chaque pas et ils ont l'air spécialement conçus
pour (a) taper dans les couilles du porteur et (b) faire du bruit et
attirer tout le voisinage sur le fait qu'on se balade en kilt (et
qu'on se fait broyer les couilles).
[Digression :] En fait, si on veut attirer l'attention, le kilt ne
marche pas si bien que ça. Ce qui marche beaucoup mieux, et qui
souffre exactement des mêmes défauts que je viens de signaler (la
difficulté d'atteindre l'authenticité, et le manque cruel de poches),
c'est la toge romaine. J'en ai porté une, une fois (ça avait été
super dur de trouver une description précise et fiable de comment le
tissu devait être coupé et comment il fallait le plier), et je peux
témoigner que les gens vous regardent vraiment bizarrement. Et par
ailleurs c'est complètement merdique parce que non seulement on n'a
pas la moindre poche mais en plus la toge monopolise complètement un
bras qui aurait pu, sait-on jamais, servir à quelque chose d'autre
qu'à porter un foutu pli de la chose. On voit que c'était un vêtement
porté par des gens riches qui avaient des esclaves pour leur éviter de
se servir de leurs mains. Ah, et puis ça se défait dès qu'on fait
trois pas (enfin, ça c'est peut-être parce que ma toge n'était pas
dans le bon tissu ou simplement parce que je ne suis pas né dans une
famille de ces gens riches qui n'avaient rien de mieux à faire
qu'apprendre les déclinaisons et à porter la toge). Mais je reviens
au kilt.
J'en avais déjà un (un noir, pour éviter l'épineux problème de
trouver un tartan approprié et « authentique »), acheté ainsi que le
sporran et le ghillie shirt qui vont
avec sur ce site.
C'est joli, mais comme je viens de l'expliquer c'est fort peu
pratique, donc je ne le mets jamais.
Heureusement, les Américains sont venus à la rescousse du kilt
comme ils étaient venus à la rescousse de la pizza (i.e., pendant que
les Italiens se disputent pour savoir si c'est permis de mettre des
champignons sur une pizza, eux n'ont aucun problème à y mettre des
ananas ou du poulet « à la thaïlandaise »).
La rescousse prend la forme d'une compagnie
appelée Utilikilts et qui a
comme le Bauhaus adopté la devise de Louis
Sullivan : Form
follows function. Pas de souci d'authenticité et, par contre,
de vraies poches.
Et ce
n'est pas moins sexy qu'un kilt original si on arrive à croiser
les bras en prenant un air féroce. Mais en contrepartie, c'est vendu
à un prix corsé (et rendu encore plus exorbitant par le fait
qu'UPS prend, en plus du prix du transport, une
demi-dizaine de frais de dossiers différents pour la présentation aux
douanes). Hélas, aucune compagnie européenne ne fait de truc
semblable (peut-être par peur du courroux des Écossais). Bon ben j'ai
fini par craquer et en acheter un.
Et je dois reconnaître que, sauf vice caché, je n'ai pas été trompé
sur la marchandise : la coupe est (une fois suivies leurs instructions
précises sur la façon de mesurer la taille) parfaite, ça tombe bien,
c'est agréable à porter, et les poches sont bien faites (elles sont
spacieuses et largement séparées du kilt, et pourtant elles ne
s'agitent pas quand on marche comme le ferait un sporran).
Globalement je suis content de l'achat, et contrairement au kilt que
j'avais déjà, celui-là je risque de le porter plus souvent que
jamais.
(Photos à venir si je trouve quelqu'un pour en prendre.)
J'étais à Bordeaux ce week-end, et j'ai vu quelqu'un se jeter dans
la Garonne.
Plus précisément, c'était samedi (2011-07-09) vers
17:30+0200, sur
le pont
de Pierre. Mon poussinet et moi traversions le fleuve pour aller
voir quelque chose rive droite, nous avons remarqué un mec (d'une
vingtaine d'années, type arabe, en survêtement, look un peu
« racaille ») qui, vers le début du pont (et côté amont — le
trottoir aval est en travaux), se penchait vers les berges comme s'il
regardait quelque chose. Mon poussinet a remarqué qu'il décalait
dangereusement son centre de gravité, et nous avons continué. Un peu
plus loin (un peu avant le milieu du pont), j'ai voulu prendre mon
poussinet en photo avec mon téléphone, j'ai commencé à cadrer, et le
mec d'avant s'est approché de moi, a fait un signe en direction de mon
téléphone que j'ai vaguement interprété comme signifiant qu'il voulait
nous prendre en photo ou que je le prenne en photo ou quelque chose
comme ça (et en tout cas j'ai imaginé qu'il ne parlait pas français
parce qu'il n'a rien dit), et aussitôt après il est monté debout sur
le parapet. Le temps que je me retourne vers mon poussinet, ce
dernier a dit quelque chose comme « mais il est fou, il va tomber »,
je me retourne de nouveau et le type avait disparu, et mon poussinet
et d'autres passants ont commencé à crier qu'il était tombé. (Plus
tard, l'un d'eux a même dit qu'il l'avait vu faire un saut périlleux.
Moi je n'ai pas vu la chute.) Nous nous sommes rués vers le côté aval
(il fallait passer des barrières de chantier) pendant qu'un des autres
passants appelait les pompiers et décrivait l'endroit. Le mec faisait
des mouvements de crawl en direction de la rive gauche, ce n'était pas
très clair s'il nageait mal ou si le courant était simplement trop
fort (ça c'est certainement vrai, mais ce n'était pas clair si en
plus il nageait mal). Quelqu'un a essayé de lui crier de ne pas
lutter et de plutôt se laisser emporter. De fait, on a vu la tête du
type descendre sous l'eau un certain nombre de fois et on s'est dit
qu'il se noyait. Les pompiers sont arrivés vite (c'est plus le coup
de fil qui était long à faire), au début nous avons cru qu'ils
venaient du mauvais côté (rive droite), mais c'est qu'ils allaient
prendre un bateau de ce côté-là. Le mec a fini par atteindre la rive
exactement ici
(juste en amont d'une espèce de structure en béton dont je ne sais pas
la fonction ; il a donc fait ~280m en ligne droite), mais il ne
bougeait plus. Les pompiers sont arrivés à la fois en bateau par le
fleuve et en camion rive gauche, ils l'ont transporté en bateau
jusqu'à un débarcadère un peu en aval ; mon poussinet et moi sommes
allés voir si le mec était bien vivant (oui), et si la police voulait
des témoignages (ils ont juste noté les coordonnées de celui qui avait
appelé les pompiers et ont posé quelques questions au groupe des
témoins, pour clarifier notamment que le type avait sauté côté
amont/sud du pont, et aussi qu'il était habillé quand il a sauté
— parce qu'apparemment les pompiers l'ont retrouvé nu, et
personne n'a été capable de dire quand et comment ses vêtements se
sont dématérialisés).
Toute la scène était un peu surréaliste. Je ne sais pas pourquoi
le mec a sauté, et je suppose que je n'aurai pas le fin mot de
l'histoire (à moins de lire Sud-Ouest édition de
Bordeaux, colonne des chiens écrasés aujourd'hui, mais je ne trouve
rien sur leur site
Web concernant ce fait divers). Je suis convaincu que ce n'était
pas une tentative de suicide mais un défi stupide (le geste qu'il m'a
fait voulait sans doute attirer mon attention sur son exploit à venir,
surtout s'il a bien fait un plongeon en saut périlleux, et ensuite il
a dû retirer ses vêtements pour mieux nager), dont il n'avait pas
mesuré le danger (outre que le courant était vraiment très fort et
qu'il a failli se noyer, il aurait pu s'écraser contre une des piles
du pont ; pas sûr que ce soit une bonne idée de boire la tasse dans
l'eau très boueuse de la Garonne).
Mais une chose que je trouve intéressante, c'est la difficulté de
faire un témoignage précis. J'ai essayé, ci-dessus, mais je suis sûr
que j'ai déformé les faits et interpolé des choses qui ne sont pas
exactement ce que j'ai vu. Même sur une trame aussi simple (un mec se
jette à l'eau et nage jusqu'à la rive, épuisé), les quelques témoins
que nous étions, et qui avons discuté pendant que les pompiers
s'affairaient autour du noyé, avions une vision différente, voire
contradictoire, de certains détails (combien de temps était-il resté
debout sur le rebord du pont ? comment avait-il plongé ? avait-il fait
un signe ?). C'est dire si, dans une enquête criminelle où de plus
les témoins sont souvent impliqués émotionnellement, les témoignages
doivent être pris avec des pincettes.
Je reviens d'une semaine de
vacances[#] avec mes parents et
mon poussinet. Enfin, ce n'est pas vrai, je suis rentré dimanche
soir : c'est fou le nombre de choses que j'ai à faire en rentrant de
vacances, et le temps que ça prend.
Nous
étions sur
l'île d'Oléron, heureusement juste avant le début de l'invasion
touristique, et nous avons passé notre temps à farniente (et pas à
nous baigner ni à faire de la planche à
voile[#2]). Mes parents ont
tenté sans succès de retrouver l'endroit où mon père avait passé du
temps sur cette île il y a quarante ou cinquante ans (les souvenirs de
mon père sont toujours d'un très grand flou donc ce n'était pas
facile), mon poussinet et moi à dormir, à nous balader, à chercher des
jolis garçons à regarder (guère de succès) et à pester contre la 3G
qui ne passe pas. Ah, et mon poussinet et ma maman ont fait plein de
parties de Scrabble®, aussi, et ma maman nous a préparé plein de repas
délicieux.
Le principal point d'intérêt était le
petit phare
de Chassiron
(ici),
que nous avons visité de jour (ce qui m'a permis de confirmer que j'ai
le vertige même en haut d'une ridicule quarantaine de mètres, si je
suis dehors et que le vent souffle) et admiré de nuit (c'est assez
féerique, un phare allumé vu d'en bas — et c'est amusant qu'il
est difficile de compter le nombre de faisceaux régulièrement
espacés). Du coup, mon poussinet et moi avons lu plein de choses sur
Wikipédia sur les phares (entre autres celui
d'Ar-Men, dont
l'article Wikipédia, au style inimitablement pittoresque, raconte
qu'il ne devait pas être rigolo à gardienner, c'est le moins qu'on
puisse dire — il y a
de jolies
vidéos de ce phare et d'autres sur le Web, mais malheureusement
aucune photo de l'intérieur, ce qui est dommage parce que ça n'a pas
l'air trop visitable et qu'après la lecture de l'article on voudrait
bien voir comment c'est dedans). Et sur les îles, aussi. Résultat,
mon poussinet s'est mis en tête la lubie d'aller une semaine (hors
saison) sur
l'Île de
Sein, j'espère que cette idée va lui passer.
Bon, le truc inutile en pleine mer près d'Oléron, ce n'est pas un
phare, c'est
le fort Boyard,
que nous avons fait une minuscule croisière en mer pour aller regarder
(ainsi très brièvement que l'île d'Aix). S'il y a une chose qui est
impressionnante avec ce phare, c'est bien la longueur et le niveau
hallucinant de détail de
l'article
Wikipédia sur le jeu télévisé qui s'y déroule.
[#] Je suis notoirement
diacopéphobe (c'est comme ça qu'on dit ?), donc c'était un compromis
âprement négocié entre les différentes parties.
[#2] Apparemment c'est
une activité fréquente dans le coin. Ou faut-il maintenant
dire windsurfing ? J'étais tombé un jour dans je ne sais plus
quel journal gratuit sur un article comparant le windsurfing et
le kitesurfing (avec une inteview du champion je-ne-sais-quoi
de l'un de ces deux trucs, qui expliquait la supériorité de son truc
sur l'autre des deux trucs) qui ne prenait même pas la peine
d'expliquer ce que signifiaient au juste ces deux termes hautement
confusants pour le philistin que je suis (un kite
désignant un cerf-volant, à ma connaissance un cerf-volant ça vole
grâce au vent, donc on ne peut pas dire que la distinction saute aux
yeux). Après coup, j'ai plus ou moins compris que
le windsurfing doit être ce qu'un péquenot comme moi appelle la
planche à voile et que le kitesurfing doit être un truc où la
voile est séparée de la planche et prend plus ou moins une gueule de
cerf-volant que le cerfvolantplanchiste tient au bout d'une corde.
Certes, je suppose que tout le monde aimerait savoir comment son
cerveau marche — ou, en fait, peut-être que non parce que ce
serait trop effrayant. (Souvent, je me sers joyeusement de quelque
chose, notamment en informatique, jusqu'à ce que j'apprenne comment ça
fonctionne et que je découvre ainsi avec horreur que c'est contraire à
tous les principes de bonne conception, et que rien qu'à entendre le
principe je devine une pléthore de bugs, et du coup je ne veux plus
m'en servir. Sans doute une raison de ne pas apprendre la médecine
quand on est geek perfectionniste : la conception du machin est à
chier. Bon, c'est vrai que mon cerveau ne me sert pas trop.)
Non, plus sérieusement, je veux dire que j'ai une impression
introspective de pouvoir identifier des processus cognitifs
récurrents, et je serais curieux de savoir s'ils correspondent
réellement à l'activation d'un groupe de neurones localisable. Des
sensations, par exemple — mais par sensation, je veux
parler de quelque chose de beaucoup plus précis que, disons, la
peur : j'identifie déjà un assez grand nombre de peurs bien
distinctes.
Par exemple il y a la peur provoquée par une sensation
de mystère inquiétant et qui dont je me demande s'il n'a pas une
composante surnaturelle, comme une peur
ancienne et ancestrale devant l'inconnu qui apparaît
essentiellement, mais difficilement, quand je lis de la fiction et
nettement plus souvent dans
mes cauchemars (zut, en relisant
cette entrée, je me rends compte que je radote vraiment) ; quand
j'étais petit, je l'appelais la peur surnaturelle ; cette peur
précise ne provoque pas une accélération de mon rythme cardiaque mais
des frissons glacés. Je suis vraiment tenté de penser qu'il y a un
groupe de neurones très ciblé qui s'active quand j'ai cette peur. Je
pourrais aussi mentionner la peur provoquée par la prise de
conscience du fait que je suis mortel et que l'Univers cessera
d'exister avec ma mort, qui viendra inéluctablement (je ne dis pas
juste la peur de la mort, parce que ce n'est pas du tout la
même que celle que je vais ressentir si quelqu'un commence à me courir
après en essayant de me tuer), qui semblerait presque être une sorte
de garde-fou placé là par l'évolution pour éviter que les créatures
devenues trop intelligentes raisonnent contre leur propre survie.
S'agissant de ces deux exemples, d'ailleurs, j'aurais vaguement envie
de prendre un gamma-knife et de blaster les neurones en
question.
Mais sinon, il y a le sentiment que j'éprouve quand on évoque,
notamment de façon inattendue ou en faisant une connexion qui me
surprend et me plaît, mais avec quelque solennité, quelque chose ou
quelqu'un envers quoi j'ai un profond respect, et qui s'accompagnerait
volontiers d'une musique d'Elgar : ma description est totalement
grotesque, parce que je ne sais pas quels mots mettre dessus (disons
que c'est le sentiment du respect majestueux), mais ce
sentiment chez moi est très précis et très fort, et
il me met à coup sûr les larmes aux yeux. (Dans la fiction, c'est le
sentiment que j'éprouve quand le chevalier inconnu s'avère être
Richard Cœur-de-Lion ou dans ce genre de scène.)
Il y a aussi le sentiment émanant de la contemplation de la beauté
en mathématiques, mais là je suis moins sûr de sa constance : mon
appréciation de la beauté combinatoire des corps finis est-elle la
même que mon appréciation de la grandeur des tours d'ordinaux ? Je ne
sais pas.
J'aurais bien envie de passer dans un appareil à IRM
fonctionnelle en activant toutes sortes de ces processus cognitifs (du
moins ceux que je peux activer à la demande, ce qui n'est pas le cas
de tous) pour savoir où ils se positionnent dans mon cortex (et
peut-être découvrir que je suis bien naïf et que j'ai totalement tort
de penser que ce sont des choses localisées et constantes).
Malheureusement, l'IRM fonctionnelle est bien trop
coûteuse pour qu'on puisse s'en servir pour faire joujou.
Mon problème récurrent, sur ce blog, est que je ne sais pas écrire
des entrées courtes. Je conçois l'intérêt du microblogging pour les
gens qui sont placés au premier rang de l'actualité et qui vont
tweeter quelque chose comme Monsieur Ben Laden était mon voisin, et
il est en train de se faire descendre, mais pour ma part, je suis
plutôt le dernier au courant de tout, donc si je peux apporter quelque
chose à mes lecteurs, ce n'est pas une information brève et
percutante, c'est plutôt la logorrhée qui me tient lieu de réflexion
— autrement dit, je
sais ranter
(pérorer ? blablater ? épiloguer ?). Je ne vois
pas l'intérêt d'écrire des entrées du style ce soir, j'ai mangé du
poisson meunière (même si c'est vrai et c'est bon) ou je viens
de compiler un Linux 2.6.38.5 (là, ce n'est pas vrai, mais je
devrais sans doute) et
autres facebookeries ;
et je ne suis pas non plus doué pour les phrases concises et
percutantes.
L'ennui, c'est que ranter prend du temps.
Et donc régulièrement, quand il me vient à l'esprit une idée de
sujet sur lequel je pourrais étaler ici ma sagesse incommensurable, je
n'ai pas le temps de le faire (et en fait, quand je parle de temps,
c'est souvent plutôt que je suis trop fatigué, ou pas dans le bon état
d'esprit, ou que je sais que je serai interrompu, ce genre de
choses) ; et je me contente donc d'inscrire cette idée dans ce que
j'appelle mentalement mon vivier
à mèmes, mais que je devrais
plutôt qualifier de TORANT-list. Parfois, quand je trouve le temps
d'écrire quelque chose, je pioche là-dedans ; mais en fait, j'en
retire beaucoup moins de choses que je n'y mets, parce que la
motivation à écrire un rant décroît très rapidement avec le temps
depuis lequel l'idée m'est passée par la tête. (J'ai aussi le
problème que je ne sais pas comment entrer en matière : c'est con,
mais ça me bloque souvent — j'aime bien commencer mes entrées
par une connexion avec le présent, et si cette connexion manque, j'ai
l'impression de ressortir un poisson pas frais de mon frigo.) Cette
liste des entrées de ce blog que je n'ai pas écrites commence donc à
devenir démesurément longue, et d'ailleurs je ne sais plus trop ce que
je suis censé raconter sur certains sujets.
(Et encore, tous ces problèmes ne sont rien par
rapport aux problèmes analogues que j'ai avec
mes fragments littéraires
gratuits, où il me faut vraiment trouver le bon état d'esprit,
le bon moment pour pouvoir en écrire, et c'est aussi beaucoup plus
long. Cela fait très longtemps que je n'en ai pas écrit, ça me manque
beaucoup, et si vous voulez blâmer quelqu'un, je vais dire que c'est
la faute de mon poussinet. )
Voici la liste, dans l'ordre vaguement chronologique de quand
l'idée m'est venue, de choses sur lesquelles je compte écrire une
entrée Un Jour Peut-Être :
L'indiscernabilité en mathématiques. (Ou : qu'est-ce que cela
signifie — philosophiquement — que deux objets
mathématiques sont le même ? Notamment si l'objet est unique à
isomorphisme près, mais pas à isomorphisme unique près.)
Quelque chose sur les réseaux euclidiens dans le plan. (Et le
rapport avec les courbes elliptiques, la multiplication complexe, et
l'exemple du nombre exp(π√163).)
Mes douleurs cardiaques imaginaires, un chapitre dans la vie d'un
hypocondriaque.
[Fait : 2014-02-27#2195]
Pourquoi je suis pro-nucléaire, ou plutôt anti-anti-nucléaire,
pour des raisons écologistes, et sans doute plus encore depuis qu'on
nous bassine au sujet de la centrale de Fukushima. Pourquoi il faut
absolument développer un réacteur au thorium. Et pourquoi j'ai envie
de donner des baffes aux imbéciles qui ont décidé d'interdire certains
types d'ampoules en Europe. [Partiellement
fait : 2011-06-06#1895 ;
et refait : 2022-05-25#2719]
Les subtilités de l'abiogenèse vue du point de vue ergodique.
(Ou : du point de vue ergodique, si la vie apparaît et se maintient,
c'est qu'un tas aléatoire des bons atomes est déjà vivant
— commenter cette affirmation.)
Mon étonnement devant le fait que la philologie fonctionne.
(C'est extraordinaire que les anglais se soient mis collectivement à
prononcer [ɛ] ce qu'ils prononçaient [aː].)
Les subtilités de l'ordre alphabétique. [Enfin, je ne sais
vraiment plus ce que je voulais en dire.]
Serait-il possible à l'algorithme de suggestion de
YouTube/Amazon/quidlibet de devenir vraiment bon au lieu de suggérer
bêtement vous aimerez X parce que vous avez
aimé Y ?
La manière dont la collectivité fait des choix de groupes dans
lesquels on se retrouve ensuite coincés. Pourquoi c'est une forme de
dépendance collective, et en quoi ça invalide (ou non) l'idée que
chacun est libre de ses propres choix.
Tenter de vulgariser le corps à un élément.
[Fait : 2018-09-06#2551]
Pourquoi certains deviennent enragés au sujet de l'apparition de
leur nom sur le Web (et s'imaginent qu'ils ont le droit moral ou légal
de vous faire effacer la simple mention de celui-ci).
[Fait : 2012-11-03#2087]
On ne devrait pas avoir le droit de vendre du matériel
informatique ou électronique qui soit « briquable » de façon
irréversible en flashant un firmware corrompu ou malicieux (il devrait
toujours y avoir un moyen simple de revenir à un firmware valable).
[Fait : 2016-09-22#2396]
Quand la segmentation du marché est-elle une bonne chose ?
Les choix qu'une société ou un pays fait de ses formes légales
(constitutionnelles, mais aussi, e.g., droit civil
vs. common law) sont-ils vraiment
un choix de cette société ou le simple résultat du hasard ?
[Plus ou moins
fait : 2011-06-12#1896]
Quand la protestation et les manifestations deviennent une forme
de course aux armements.
Pourquoi le rêve de la conquête spatiale est naïf (et celui de
terraformer une planète encore plus). [Plus ou moins
fait : 2014-04-15#2199]
Le risque que les économistes optimisent les mauvaises
fonctions.
Vulgariser quelques trucs pour manipuler les puissances de
10.
Il y a des sujets mathématiques dont j'aimerais avoir quelqu'un
avec qui parler.
Qui a programmé l'interface utilisateur de mon réveil ? (Et
comment a-t-il pu être aussi mauvais ?)
[Fait : 2012-09-26#2074]
Les affiches de jeux vidéos qui me donnent envie de les voir
comme films.
Quelles sont toutes les manières dont une substance peut
être interdite ? (Interdite à l'achat, à la vente, à la
détention, à la consommation, à la production, à l'importation, à
l'exportation… quelles combinaisons sont possibles, et avec quels
exemples ?) [Vaguement
fait : 2017-07-09#2448]
Le petit jeu étrange de la diplomatie : et qui en a inventé les
règles, et comment pourrait-on les changer ? [Rant déjà un peu
fait ici.]
La manipulation exacte des images vectorielles (e.g., écrasement
de transparences superposées) et la géométrie algébrique réelle.
Pourquoi les nombres premiers fascinent les mathématiciens
amateurs ? [Vaguement
fait : 2018-06-14#2527]
Qu'est-ce que l'identité (légale, etc.) d'une personne, et comment
peut-on la prouver ?
Pollution de l'espace Wifi. Ou : Free et compagnie me font
chier.
La courbe algébrique donnée par la caustique d'une réfraction
plane.
Comment faire un cours d'introduction à la géométrie algébrique ?
[Fait : 2011-05-15#1882]
Le vocabulaire allemand que j'ai appris grâce à Ralf König.
[Fait
indirectement : 2011-09-06#1927]
Pourquoi les gens croient-ils à cette dichotomie selon laquelle
l'orientation sexuelle serait soit un choix soit génétique (je crois
que ce n'est ni l'un ni
l'autre). [Fait : 2011-08-24#1924.]
Pourquoi notre peur de la mort résulte de notre perception du
temps (on ne devrait pas en avoir plus peur que de la naissance ou de
l'extrémité gauche de notre corps). [Plus ou moins
fait : 2024-12-07#2813]
La manie des entreprises de tout sous-traiter.
La manie des entreprises de créer des filiales pour se défausser
de ses responsabilités.
Le bon Isaac Asimov par rapport, disons, à Frank Herbert.
[Plus ou moins
fait : 2016-04-15#2365]
Mon obsession de la préservation de l'information. [Très
vaguement
fait : 2011-09-14#1937]
L'accusation politique d'être libéral en France, et celle d'être
socialiste aux États-Unis.
Les causes principales d'homophobie par ignorance, et comment on
pourrait y répondre.
Pourquoi communiquons-nous ? (Résumer notamment les idées de mon
collègue Jean-Louis Dessalles.) [Très vaguement
fait : 2015-11-23#2339]
Comment a-t-on pu inventer une technologie aussi merdique et
foirogène que le Wifi ?
Les technologies qui me donnent envie de les utiliser, juste pour
jouer
avec. [Fait : 2011-06-05#1894.]
Pourquoi les Français sont-ils désespérément incapables de faire
une file unique ?
[Fait : 2019-04-08#2589.]
…ou, inversement, comment répondre à toutes les questions
qui surviennent « naturellement » dans un domaine.
Le mythe que la bisexualité n'existe pas, contre le mythe que tout
le monde est bisexuel. [Fait en
passant : 2011-08-24#1924 ; voir
aussi2023-03-24#2745.]
Le mythe que le succès est reproductible (pire : qu'il est mérité
ou prévisible).
[Fait : 2011-06-24#1898.]
Réencodages et transcodages, le problème
du round-trip, et le théorème de
Cantor-Schröder-Bernstein. [Vaguement
fait : 2014-11-10#2246]
Faudrait-il écrire une nouvelle déclaration des droits de
l'homme ? Et comment ?
Vaut-il mieux que les programmes soient uniformes à travers
les OS, ou que les OS soient uniformes à
travers les programmes ?
Ce que je pense de Bitcoin (pas trop de bien), du point de vue
économique et du point de vue de la sécurité contre
les DoS.
[Fait : 2011-05-16#1883.]
Pourquoi je continue à préférer les
écrans CRT. [Fait : 2012-08-24#2064.]
(J'ai pas mal hésité à publier cette liste, parce que beaucoup de
ces formulations lapidaires peuvent donner une impression complètement
fausse sur le problème dont je voudrais parler, et plus encore sur ce
que serait ma position. Gare à ne pas imaginer des choses,
donc !)
Ce blog a aujourd'hui huit ans,
donc joyeux blogoversaire à moi.
Je continue tout doucement (mais
alors tout
doucement) à lui écrire un nouveau moteur — j'espérais
vaguement pouvoir lui en faire un cadeau aujourd'hui, mais ce sera
pour plus tard. Je vais essayer de quand même me dépêcher pour que ce
soit prêt avant que le grand cycle cosmique de l'Internet fasse que
Facebook tombe à l'abandon et que les gens se rappellent qu'il existe
un Web au-delà, et qu'on peut même y raconter sa vie, si, si.
J'évoquais hier le fait que je
travaillais sur deux questions à la fois : voici que ces deux
questions se sont reliées de façon inattendue, chacune apportant la
solution de l'autre. À savoir :
l'hypothèse
de Riemann est indécidable (dans ZFC et dans des
systèmes beaucoup plus forts, devrais-je préciser), et
il existe un
algorithme en
temps polynomial pour factoriser les entiers (mais la complexité
de cet algorithme n'est pas démontrable dans ZFC).
L'idée-clé de la démonstration du premier fait est d'associer à
chaque zéro de la fonction zêta une démonstration dans un certain
système formel 魚 (un peu compliqué à définir) : si le zéro ne
se trouve pas sur l'axe critique, la démonstration prouvera ⊥
(i.e., une contradiction) dans ce système formel 魚 ; a
contrario, si une contradiction se trouve, alors on peut l'utiliser
pour produire des zéros non situés sur l'axe critique. Donc,
l'hypothèse de Riemann équivaut à la consistance du système formel en
question. Encore faut-il pouvoir en dire quelque chose ! C'est là
qu'intervient le second point : ce système formel peut se voir, en
fait, comme lié un protocole cryptographique 𓆛 (là aussi, les
détails sont un peu compliqués) tel que prouver la sécurité du
protocole 𓆛 revienne exactement à prouver la contradiction du
système formel 魚. Or il est relativement facile de ramener la
sécurité du protocole 𓆛 à la difficulté de la factorisation
des entiers. Reste la dernière pièce du puzzle : ce protocole peut se
voir comme un jeu à deux joueurs et, interprété dans le cadre de la
théorie des
jeux à
la Conway, il définit naturellement un ordinal, qui se décrit
comme
l'écrasement
d'un certain grand cardinal que j'appelle icthy un (c'est
le premier d'une famille infinie), et qui mesure
précisément la
force du système formel 魚. Tout tombe donc
dans ZFC augmenté de l'hypothèse le cardinal icthy un
existe, et si on croit à cette hypothèse, les résultats ci-dessus
sont démontrés.
Je pense à trop de choses à la fois, et ça me fatigue.
Je veux dire, scientifiquement. Je travaille sur deux questions à
la fois (qui d'ailleurs n'avancent pas, justement parce que je
m'éparpille), je donne ceux cours très différents en ce moment (et
même si le niveau intellectuel d'un cours en première année d'école
d'ingénieur ne vole pas très haut, ça me fait quand même fatalement
réfléchir à des questions autour des sujets que j'enseigne, surtout
qu'il y a un de ces cours que je fais pour la première fois) sans
compter un autre qui arrive et que je dois réorganiser par rapport à
l'an dernier, je travaille avec un ami à écrire un livre (sur la
théorie de Galois), et par-dessus le marché il y a ces
histoires de trous noirs qui
m'obsèdent en ce moment. Voilà donc au moins six choses différentes
sur lesquelles je réfléchis en parallèle, juste pour ce qui est des
maths (parce qu'évidemment, il y a aussi plein d'autres choses allant
de ce que je vais manger ce soir à comment faire marcher
WebGL sur mon Firefox 4, qui n'ont rien à voir, mais qui
ne demandent pas énormément de présence d'esprit), et auxquelles
s'ajoutent encore plein de petites questions de maths qui vont et qui
viennent un peu tout le temps.
Cela fait trop de contextes mentaux : chacune de ces
choses demande que je retienne où j'en suis dans ma réflexion (ou que
je sache le retrouver), cela monopolise plus de mémoire et de neurones
que les connaissances brutes qui sont associées. Dans une analogie
informatique-geek, on pourrait dire que j'ai un load
average d'au moins 6, et que mon scheduler a un peu du mal avec
ça, parce que mon cerveau n'est pas vraiment multi-core (je ne suis
pas schizophrène) : les changements de contexte prennent du temps
parce que les caches se font invalider (ou peut-être est-ce une
mémoire plus lente, même, qui sature : j'écris des gribouillis de
notes sur papier pour me rappeler d'où j'en suis, autrement dit, je
swappe).
Il y a des gens qui n'ont pas de mal avec ça, ils sont
contexte-agiles. Moi j'y arrive très difficilement. C'est la raison
pour laquelle mon intérêt à tendance à se focaliser sur une question,
à s'obséder pour elle, même, jusqu'à ce que je la lâche, ce qui se
fait normalement après avoir écrit une trace de mes pensées pour
pouvoir revenir vers elle longtemps après si je dois m'y réintéresser.
Je n'aime pas être forcé à naviguer entre plusieurs questions. (En ce
sens, être examinateur à l'épreuve de TIPE a été très
chaud, parce qu'il fallait dix fois par jour changer de sujet
du tout au tout.)
Demain, il y a un séminaire auquel je n'assisterai pas : je ne veux
pas ajouter encore d'autres contextes mentaux, fût-ce temporairement
le temps d'un exposé. Dans une période plus calme, c'est plutôt
intéressant, mais là, vraiment, non.
Récemment j'ai installé
CyanogenMod (la version communautaire d'Android) sur mon
téléphone HTC Dream (aka G1, aka, dans mon cas, Google
Dev Phone). Comme je le racontais, cela marche pas mal si ce n'est
que c'est plus lent (sauf le navigateur, qui est nettement plus
rapide). Il y a cependant une chose que j'ai mis un moment à
constater, c'est que la batterie s'use beaucoup plus vite depuis ce
passage. J'ai fini par en avoir marre et par m'acheter un nouveau
téléphone, un HTC Desire Z, ce qui m'a motivé étant la
découverte du fait qu'il était possible
d'en acheter
en France avec un clavier QWERTY (j'aime avoir un vrai clavier
physique sur mon téléphone vu que je m'en sers surtout comme terminal
et navigateur Web, d'où mon intérêt pour le Desire Z, et j'exècre les
claviers AZERTY). Je l'ai reçu hier. Pour l'instant, il est encore
un peu trop tôt pour dire si j'en suis content, mais ça a l'air plutôt
bien parti : il est tellement plus rapide que l'ancien, l'autonomie a
l'air bien meilleure (indépendamment du problème spécifique au passage
à Cyanogen), l'écran est plus grand et plus confortable,
le GPS semble marcher du tonnerre, le clavier est certes
moins bon mais néanmoins supportable et le téléphone dans son ensemble
est plus léger et moins encombrant.
Ce qui ne veut pas dire que je n'aie pas rencontré de difficultés
pour créer l'environnement que je veux.
Le téléphone venait avec un Android préinstallé, bien sûr : une
version propriétaire (⇒modifiée) d'Android par HTC.
A priori elle n'avait pas l'air mal (en tout cas, c'est très joli), et
j'ai envisagé de la garder. Ce qui m'exaspère un peu, cependant,
c'est les efforts que ces gens déploient pour que le propriétaire du
téléphone n'ait pas le contrôle de ce qu'il a acheté : il faut donc
faire toutes sortes de singeries
(expliquées ici
et là
dans le cas de ce téléphone précis) pour en acquérir le contrôle
complet, i.e., devenir root dessus. Je ne comprends
vraiment pas pourquoi le fabricant joue à brimer ses clients de la
sorte (éventuellement les opérateurs de téléphonie mobile, je peux le
comprendre, pour éviter qu'on fasse un usage abusif de leurs réseaux,
mais là j'ai acheté ce téléphone nu). Mais ce qui m'a fait vraiment
craquer, c'est quand une mise à jour fournie par HTC m'a
obligé à recommencer ces efforts. Et surtout, il ne s'est pas
contenté de me dé-root-er, il m'a aussi cassé le Wifi (et
je suis certain que ce n'est pas la faute de mes manips
précédentes : je
ne suis pas le seul, c'est bel et bien HTC qui a
distribué une mise à jour qui casse le Wifi ; en fait, l'erreur est
très conne, ils ont distribué un pilote Wifi sous forme de module
compilé pour une version du noyau, et un noyau d'une version
probablement compatible mais néanmoins différente — le module
est estampillé pour 2.6.32.21-g540976a alors que le noyau
est étiqueté comme un 2.6.32.21-gd2764ed — du coup,
le module refuse de s'insérer, et j'ai corrigé le problème en
modifiant le numéro magique de version, mais je me demande bien
comment une erreur aussi idiote est possible, et surtout, ça m'a
décidé à abandonner cette version d'Android).
J'ai donc mis un CyanogenMod 7.0.0-RC2 dessus. J'ai eu un problème
mystérieux avec le GPS (initialement il ne marchait pas
du tout, ne détectait aucun satellite, et même l'icône indiquant son
fonctionnement ne s'allumait pas : exactement comme décrit
dans ce
thread) ; je l'ai résolu en rebootant sur le système propriétaire
de HTC, en faisant fonctionner le GPS
dessous, et en revenant à Cyanogen. Ce n'est peut-être pas vraiment
ça qui a joué, en fait, je n'y comprends pas grand-chose. C'est
d'ailleurs quelque chose d'assez pénible, avec l'écosystème Android :
quand on rencontre un problème, on tombe sur des tonnes de mauvais
webforum où le problème est discuté et où des gens proposent des
solutions qui tiennent plus de la magie noire que d'autre chose (poser
le téléphone par terre, télécharger l'application Voodoo Doll, tourner
trois fois autour…), probablement sans rien comprendre à ce
qu'ils disent ni chercher vraiment à analyser le problème
(voici un
exemple assez caractéristique sur lequel je suis tombé en
cherchant à comprendre mon problème de GPS).
Autre problème : le clavier du téléphone n'avait pas certains
caractères pourtant dans ASCII tout ce qu'il y a de
plus standard : les symboles ‘<’ et ‘>’
(inférieur et supérieur), les crochets ‘[’ et
‘]’, les accolades ‘{’ et ‘}’, le
backquote ou accent grave ‘`’, le backslash
‘\’, le pipe ou barre verticale ‘|’, et
l'accent circonflexe ‘^’. Je suppose que pour les gens
qui veulent juste taper des SMS, ce n'est pas bien grave
(si on a besoin de taper ponctuellement un tel caractère, on peut le
chercher dans une application ad hoc ; d'ailleurs,
vous ai-je parlé
de celle
que j'avais écrite ?). Mais comme l'éditeur que j'utilise (Emacs)
a plein de racourcis basés sur ces caractères, j'en ai absolument
besoin. Heureusement, il y a deux ou trois touches inutiles sur le
clavier, et des combinaisons de modificateurs qui ne servent pas, et
il est possible
(en fouillant
un peu dans la doc) de modifier le mapping clavier, ce que j'ai
fait
(en suivant
cet exemple).
J'ai donné mon ancien téléphone à mon poussinet
(qui s'était fait voler le sien),
pour pouvoir communiquer avec lui par Google Talk, ce qui est bien
pratique.
Une assemblée de copropriétaires, c'est l'occasion annuelle de
s'engueuler entre adultes consentants. Il faut dire que j'ai de la
chance : l'appartement que je partage avec mon poussinet (et dont je
suis propriétaire) est dans un petit immeuble, où il y a beaucoup plus
de propriétaires que de locataires (donc les gens connaissent
l'immeuble et ses problèmes), les gens s'entendent globalement bien
(entre parisiens
bobos-intellos-vaguement-écolos-dans-un-quartier-branchouille), et
donc il y a peu de disputes. Depuis l'an dernier, nous fonctionnons
avec un syndic bénévole (une des copropriétaires se charge de tout,
elle doit y dépenser une énergie incroyable, et ça se passe beaucoup
mieux qu'avec le syndic professionnel que nous avions avant, qui était
certes vaguement compétent mais très cher et impossible à remuer).
Malgré cette chance, on arrive à trouver des sujets de discorde.
Avant-hier, il y a d'abord eu la question des jardins privatifs. Ceci
me concerne, parce que mon appartement, comme les deux autres situés
au rez-de-chaussée côté cour, a un jardinet (le mien est vide de
végétation, il n'y a que du gravier blanc parce que c'est plus
lumineux — qualité appréciable vu que nous sommes contre un mur
aveugle — et plus facile à entretenir, mais il arrive que des
plantes indésirables se mettent à y pousser, comme récemment
un paulownia).
Le règlement de copropriété est très obscur sur la question de savoir
qui doit payer pour l'entretien des plantes qui séparent ou bordent
les jardins, comme les haies de thuyas qui encadrent le mien, ou le
paulownia (le père de celui qui a commencé à prendre ses aises chez
moi) planté dès la construction de l'immeuble dans un coin de cette
cour. Jusqu'à présent, la copropriété prenait en charge l'entretien
de ces plantes. Un copropriétaire du 5e étage, trouvant
que c'était injuste de payer pour quelque chose dont il ne profitait
pas, avec l'appui du syndic bénévole et sans doute d'une majorité de
copropriétaire, a voulu éclaircir les choses et proposer une règle
déterminant l'affectation des charges (quelque chose du type :
l'entretien des plantes hautes ou grimpantes est à la charge de la
copropriété, celle des haies et arbustes à celle des propriétaires des
appartements du rez-de-jardin). Une dame que j'appellerai Mme M (et
qui habite à un étage intermédiaire, mais qui a vue sur les jardins) a
fait valoir que c'était un état d'esprit déplorable que de ne vouloir
payer que pour ce dont on profite immédiatement, et que le fait qu'il
y ait des jardins dans l'immeuble était un point positif pour
l'immeuble qui profitait à tous. Quelqu'un d'autre a suggéré que la
règle pourrait être que les plantes qui faisaient initialement partie
de la conception de l'immeuble (ce qui inclut, donc, les haies)
pourraient être entretenues par la copropriété, et les autres être à
la charge de ceux qui les ont plantées. Ces différents points de vue
me semblent tous assez valables, et pas forcément contradictoires, mais
la discussion, sans vraiment s'envenimer, est partie dans un chaos
complet, où on ne savait plus du tout qui défendait quoi, ou pourquoi
un argument était avancé. De surcroît, Mme M a observé que la
résolution entraînait un changement de répartition des charges et
devait donc être approuvé à l'unanimité, alors que le syndic était
d'avis qu'il s'agissait d'une simple clarification du règlement de
copropriété jugé obscur, ce qui pouvait passer à la majorité des deux
tiers. Finalement, une proposition (proche de la proposition
initiale) a été mise aux voix avec la condition des 2/3, je me suis
abstenu (ignorant, d'ailleurs, que cela revenait exactement au même
que de voter contre), et la proposition a été rejetée (de justesse).
Du coup, on aura la même discussion incompréhensible l'an
prochain.
Un autre point de discorde a été atteint lors de l'élection du
conseil syndical : quand Mme M a annoncé qu'elle se représentait, un
des copropriétaires qui assiste le syndic bénévole (au début il était
lui aussi syndic, mais on a appris qu'une règle idiote impose
l'unicité du syndic, donc il ne l'est plus officiellement) a annoncé
que si elle était élue, lui-même se retirerait complètement. (C'est
que Mme M est un peu procédurière : personnellement je trouve que ça
peut avoir du bon d'avoir quelqu'un comme ça, mais ce n'est sans doute
pas toujours facile à supporter.) Du coup, ça a jeté un froid, et
plus personne ne voulait se présenter. Heureusement, Mme M a retiré
sa candidature, et d'autres se sont présentés : y compris mon
poussinet, après une discussion pour savoir s'il en avait le droit (il
n'est pas copropriétaire, mais nous
sommes PACSés :
le syndic a déclaré qu'elle considérait comme évident que c'était
possible, personne n'a fait d'objection, et il a été élu).
Globalement, les gens du conseil syndical me semblent tous être très
bien, et Mme M n'avait finalement pas l'air fâchée, donc les choses se
terminent au mieux.
Il y a tout de même des choses regrettables dans cette
copropriété : par exemple, la répartition des charges se fait sur deux
clés, une clé principale pour les charges ordinaires, et une clé
séparée pour tout ce qui touche à l'ascenseur (et sur laquelle les
copropriétaires des étages supérieurs paient évidemment plus : moi qui
suis au rez-de-chaussée je n'en supporte qu'une proportion
symbolique) ; en revanche, le même système de clé séparée n'est pas
appliqué pour ce qui est du parking : les appartements, caves et
places de parking sont tous comptés comme des tantièmes généraux, et
l'entretien du parking ou toutes les dépences qui y touchent sont
prises sur la clé générale. Ainsi, quelques personnes qui ne sont
propriétaires que d'une place de parking ne paient quasiment rien,
même de ce qui touche au parking (puisque le nombre de tantièmes d'une
place de parking et minuscule face au nombre de tantième d'un
appartement). Pourtant, comme la décision de changer la répartition
des charges doit se faire (cf. ci-dessus) à l'unanimité des
copropriétaires, on peut être certain que cela ne changera jamais :
ceux qui ont une place de parking ont un droit de véto sur une telle
mesure.
La famille de ma mère a un appartement (il doit être en indivision
entre mes deux tantes, ma mère, et
mon cousin aîné, je suppose) à
Métabief (Doubs), dans le Jura, et c'est là que
j'ai pris mes vacances la semaine
dernière, hors congés scolaires parce qu'il y a beaucoup plus de
difficulté à réserver cet appartement pendant les vacances
officielles. Mon poussinet me pressait pour y aller et, pour ma part,
ça faisait presque vingt ans que je n'y avais pas été (et d'ailleurs,
même si l'appartement lui-même m'était tout de même familier, je n'ai
rien reconnu du village. Nous n'avons bien sûr pas eu de neige, bien
que mon poussinet l'espérât jusqu'au dernier moment (au point de nous
faire transporter de très encombrantes tenues de sports d'hiver qui ne
nous ont servi à rien) : pas de ski
cette année, donc (en fait, si nous en avions eu, j'aurais plutôt
voulu essayer d'apprendre le snowboard). En vérité, il faisait même
dans la journée un temps tel qu'on se serait cru en avril (si ce n'est
que la température tombait pas mal pendant la nuit), et nous nous
sommes promenés tranquillement, ce qui a certainement fait du bien à
mon père qui ne marche plus beaucoup :
notamment le long des
falaises du point culminant
local, jusqu'au
lac de Saint-Point où nous avons mangé dans
un restaurant
où il était de tradition de manger chaque fois que j'allais avec mes
parents à Métabief (et où, cette fois, nous avons eu la chance de
pouvoir manger parce que nous sommes arrivés à 13h30 pile et qu'on
nous avait prévenus que c'était le dernier délai possible),
et autour
du coin. [Ces différents liens pointent vers des
fichiers KML,
à ouvrir avec Google Earth ou
dans Google Maps : pour ce
dernier, il suffit de copier l'adresse du lien, celle
en http://www.madore.org/…kml, dans la barre de
recherche de Google Maps, c'est assez impressionnant à quel point ça
marche bien : je regrette juste de ne pas
avoir réussi
à lui interdire d'afficher tous les points de parcours par défaut : il
faut décocher points si on veut voir quelque chose, au moins
dans Google Maps.] Ceci étant, le fait d'enregistrer le parcours de
ces promenades a aussi un coût : mon GPS est tombé et
l'écran s'est cassé (apparemment à 2011-02-07T13:37+0100
et ici) ;
pourtant j'avais mis la dragonne, mais apparemment pas assez serrée,
et il n'a pas chu de haut.
À part ça, en bon citadin aigri, je m'étonne (et me lamente)
toujours de constater à quel point il est difficile de vivre sans
voiture quand on est en-dehors d'une grosse ville : quasiment aucun
transports en commun (et encore, nous étions chanceux, il y avait bien
quelques cars TER par jour pour aller d'un endroit
à un autre, par exempel de Frasne à Métabief, que nous étions
apparemment les seuls à utiliser), supermarchés et autres commerces
rares et mal placés, ou chers (nous avions le choix entre une
supérette minuscule et très chère, mais juste à côté de l'appartement,
ou un supermarché raisonnable mais situé à trois bons quarts d'heure
de marche), ce qui fait toujours un choc quand on vit normalement à
cinq minutes d'un gros supermarché très bien fourni.
En fouillant dans votre genier, vous trouvez une vieille lampe à
huile poussiéreuse. Lorsque vous la frottez pour la nettoyer, un
génie en sort. Ce n'est pas un génie très puissant : le seul
vœu qu'il peut exaucer est celui de parler parfaitement une
langue étrangère. Par ailleurs, le génie ne sait pas très bien
combien de fois il pourra le réaliser, mais ce sera quelque part entre
1 et 15.
Autrement dit, vous devez lister 15 langues qui existent ou ont
existé (y compris des langues inventées, des dialectes, états
historiques, voire des accents précis si vous voulez griller une
cartouche avec ça), et le génie vous rendra capable de parler (et
comprendre, mais aussi lire et écrire) les n premières
d'entre elles, sans que vous sachiez à l'avance combien (l'intérêt de
cette hypothèse est d'obliger à faire un ordre de préférence ; si cela
a une importance pour votre réponse, vous pouvez considérer
que n est uniformément réparti entre 1 et 15 inclus). Vous
maîtriserez ces langues aussi parfaitement que si vous les aviez
apprises dès la naissance.
Évidemment, vous pouvez demander une langue que vous connaissez
déjà partiellement, mais en ce faisant vous gâchez peut-être un peu le
vœu en question (une meilleure stratégie est peut-être de citer
une langue proche mais différente, en se disant que parler
parfaitement cette langue proche vous aidera à la fois pour améliorer
la langue que vous connaissez parfaitement et pour en avoir une de
plus dans la liste) ; de même, il est peut-être du gâchis d'utiliser
un vœu pour maîtriser une langue facile à apprendre à partir de
celles déjà connues de vous (et de celles plus haut dans la
liste).
Personnellement, je considère que je parle français et anglais, et
je pense que mon choix serait quelque chose comme :
L'arabe classique. Parce que
j'ai essayé d'en apprendre un peu,
mais que j'ai abandonné et que je le regrette.
L'arabe classique parce que la grammaire semble en être la
plus intéressante (lire : compliquée), parce que ça permet d'écouter
ʾal-Ǧazīraẗ ou de lire les Mille et Une
Nuits en VO, et j'imagine que si on le connaît il
est ensuite plus facile d'apprendre tel ou tel arabe vernaculaire que
dans le sens contraire. Bref, s'il y avait une langue que je
devrais apprendre d'un coup de baguette magique (et
d'autant plus que je ne trouve pas le temps ou pas la
motivation suffisante pour l'apprendre par des moyens moins magiques),
ce serait celle-là.
Le chinois mandarin. Je n'éprouve pas la fascination pour la
culture chinoise qui semble être devenue courante, mais une langue
parlée par plus d'un milliard de personnes est indubitablement une
langue très importante, et quand elle a en plus une littérature
immense et un système d'écriture aussi vaste, elle ne pouvait pas ne
pas figurer en bonne place.
Le russe. Une langue que j'ai un peu apprise au lycée et que j'ai
ensuite soigneusement oubliée : que je connais suffisamment bien pour
savoir à quel point cela demanderait un effort démesuré de ma part
pour atteindre le niveau nécessaire pour lire ce que j'aimerais
pouvoir lire dans cette langue (ah, Pouchkine… ah,
Lermontov…). Bon, eh puis quelqu'un qui saurait parler
l'anglais, le français, le chinois, le russe et l'arabe (fût-il
classique) est quand même bien équipé pour parler avec une bonne
partie de la planète : j'écarte l'espagnol parce que ce serait griller
un vœu magique avec une langue décidément trop facile, et
je passe à des choses qui me sembleraient plus rigolotes.
Le suédois. Que je mets plus haut que l'allemand, par exemple,
parce que je parle déjà un peu l'allemand. Tant qu'à apprendre une
langue nordique, autant que ce soit la plus parlée. Au fait, je vous
ai déjà dit que j'adorais ce
webcomic ?
Le grec classique (dialecte attique). La langue (aussi apprise
autrefois et soigneusement oubliée depuis) avec laquelle j'aimerais
pouvoir frimer entre toutes. En plus, le génie me donnerait
exactement la bonne prononciation utilisée à Athènes en 405
avant l'ère commune.
Le japonais. Je ne sais pas bien où le placer sur la liste, mais
il devrait certainement y être, avec les autres langues que j'ai fait
une tentative pitoyable pour apprendre et que j'ai abandonnées parce
que je n'ai aucune volonté.
Le sanskrit classique. Pour l'intérêt philologique (encore qu'à
ce compte-là la forme védique est certainement préférable à la forme
classique), mais aussi parce que parler couramment sanskrit, c'est
quand même ultimement barbot. Alors tant qu'à choisir une langue
indienne, autant que ce soit celle-là.
Le gaélique irlandais. Je n'en connais rigoureusement rien, mais
les langues celtiques ont l'air d'avoir de très jolies sonorités, et
tant qu'à en connaître une, autant que ce soit celle qui est une
langue officielle de l'Union européenne.
L'italien. C'est délicat de décider où mettre une langue que
j'arrive à peu près à lire et à comprendre quand elle est parlée
lentement alors que je ne l'ai jamais apprise. C'est encore plus
délicat de décider si je mettrais l'italien ou l'espagnol (les deux,
je trouverais ça vraiment bête) : l'espagnol est indiscutablement plus
utile, mais je trouve quand même l'italien plus joli. Bon, les génies
dans les bouteilles, ils sont là pour faire plaisir, pas pour être
utiles, donc disons l'italien.
L'allemand. Une langue que je fais semblant de ne pas devoir
mettre beaucoup plus haut sur la liste sous prétexte que je la connais
déjà un peu, mais après mon voyage à
Berlin l'été dernier je devrais être plus modeste à ce sujet.
L'anglo-saxon. D'intérêt essentiellement philologique (même si,
là aussi, c'est certainement assez barbot de parler couramment
l'anglo-saxon) : il n'y a pas grand-chose que je voudrais lire dans
cette langue (la seule chose que tout le monde connaît, c'est Beowulf,
et, franchement, c'est plutôt chiant, même s'il faut avouer
que ça sonne
bien). Mais je ne vais pas mettre l'anglais dans la liste, alors
s'il y a quelque chose qui m'aide à mieux le parler et qui soit quand
même intéressant en soi, j'imagine que c'est l'ancien anglais.
Le latin classique (tel que parlé dans la haute société romaine en
l'an 27 avant l'ère commune). Que je mets si bas parce que c'est
désespérément banal, de parler latin. À ce stade-là, je me dis que si
je suis arrivé aussi loin dans la liste, j'ai eu bien de la chance
avec mon génie, et je peux arrêter les langues qui servent
essentiellement à frimer (certes, je pouvais citer l'ancien égyptien,
mais ce que j'en ai appris m'a surtout semblé ennuyeux, en fait).
Donc je finis en mettant trois langues choisies simplement pour le
fait d'être aussi différentes que possibles entre elles et de toutes
les précédentes (afin de m'ouvrir l'esprit au sens sapirwhorfien), en
étant parlées par un nombre raisonnable de gens dans le monde (et
aussi, en France) :
Le turc.
Le tamoul.
Le wolof.
Maintenant, je n'ai plus qu'à trouver le génie. En attendant,
j'attends les réponses de mes lecteurs (en commentaire ou sur votre
propre blog si vous en avez un).
Le 21 janvier,
je ne porte pas le deuil de Louis XVI, ni celui de Lénine. Mais
qu'est-ce que je fais ?
Aujourd'hui, vendredi 21 janvier 2011, j'ai assisté à des exposés
pour les journées du GdR
IM (je ne sais pas exactement ce que c'est
qu'un GdR, ni à quoi il sert autrement qu'à me spammer,
mais au moins les exposés étaient-ils intéressants), à Jussieu.
Il y a deux ans, mercredi 21 janvier 2009, j'ai fait passer des
oraux de rattrapage d'un de mes cours à l'ENST. Le soir,
mes amis du nanar-club et (mon
poussinet et) moi avons pris l'apéro et avons regardé le
film When
Dinosaurs Ruled the Earth.
Il y a trois ans, lundi 21 janvier 2008, mon poussinet et moi avons
cherché, lors d'une promenade vespérale, à traverser la Seine par le
pont du boulevard Poniatowski de façon à nous rendre à Bercy-Village,
et avons découvert que
c'était quasiment impossible
(j'ignore si la situation a changé depuis ; je pense que non, même si
c'est prévu à terme).
Il y a quatre ans, dimanche 21 janvier 2007, j'ai regardé la télé
(l'émission Arrêt sur images, puis la semaine
des Guignols et le Zapping de Canal+) ;
ensuite, j'ai travaillé sur des articles que j'essayais de déchiffrer,
et le soir, mon poussinet et moi avons dîné au
restaurant Dino Pasta
e Fagioli di Lucca, rue Claude Bernard (que je recommande
au passage à tous ceux qui aiment la bonne cuisine italienne) et nous
avons regardé le
film Sommersturm
(que je recommande au passage à tous les garçons qui aiment les
garçons) sur DVD.
Il y a cinq ans, samedi 21 janvier 2006, j'ai fait une razzia à la
librairie Gibert Joseph (j'y ai
acheté : Ada, or Ardor de
Nabokov, The Handmaid's Tale de Margaret
Atwood, The Line of Beauty de
Hollinghurst, Breakfast of Champions de
Kurt Vonnegut, Jr., Sur l'antisémitisme de Hannah
Arendt, Introduction à la théorie des groupes de Lie de
Roger Godement, et Les caves du Vatican d'André Gide).
Puis j'ai voulu aller
voir Brokeback
Mountain au cinéma (le Mk2 Odéon), mais la
queue m'en a découragé. À la place, j'ai passé un certain temps à
lire et comprendre la démonstration du fait que
le A-module Aℕ n'est pas
projectif dès que A est un anneau (commutatif) noethérien
non artinien. Le soir, j'ai dîné dans un restaurant de crêpes et de
fondues avec une douzaine de normaliens.
Il y a six ans, vendredi 21 janvier 2005, j'ai organisé un écrit
blanc d'agreg à l'ENS : je me suis levé à 6h45 du matin
pour déposer le sujet et je suis passé chercher les copies dans la
soirée (les préparationnaires choisissaient quand ils voulaient faire
le sujet, normalement pendant 6 heures d'affilée). Le soir, j'ai
écouter un ami raconter toutes sortes de choses sur
les Lisp-machines.
Il y a sept ans, mercredi 21 janvier 2004, j'ai appris des choses
sur les variétés toriques dans
le livre de
Fulton à ce sujet. Le soir, je suis allé chez mes parents, qui
avaient des problèmes avec leur ligne ADSL (et parce que
le lendemain, un de mes bons amis allait soutenir sa thèse à
Polytechnique) : je n'ai pas eu de succès auprès du service technique
Wanadoo.
Il y a huit ans, mardi 21 janvier 2003, je n'ai pas fait
grand-chose. Le soir, j'ai regardé sur Arte un documentaire sur le
système carcéral américain.
Il y a neuf ans, lundi 21 janvier 2002, j'ai aussi dîné avec une
douzaine d'amis normaliens, et nous avons discuté (de vive voix, puis
aussi informatiquement, via IRC) de toutes sortes de
choses entre l'introduction de la monnaie en euros et une amie qui
avait des problèmes affectifs compliqués™.
Il y a dix ans, dimanche 21 janvier 2001, j'ai aussi regardé à la
télé la semaine des Guignols. Puis le soir j'ai envoyé
un mail à un un co-thésard (et co-bureau à Orsay), un grand et beau
blond dont j'étais désespérément amoureux, pour lui déclarer très
stupidement ma flamme, ce qui devait me valoir le plus cuisant et
douloureux râteau de ma vie.
Je n'ai malheureusement pas de note précise de ce que j'ai fait les
24 occurrences précédent du 21 janvier de ma vie, parce que ma manie
obsessionnelle compulsive de tenir un journal de ce qui m'arrive n'a
commencé qu'avec le 3e millénaire. Je suppose que je
pourrais reconstituer des choses sur les quatre précédents 21 janvier
à partir de mes archives de mail, mais pour aller encore plus vieux ce
serait difficile. All those moments have been lost
in time… like tears in rain…
Notre chauffe-eau est réparé.
Mais le plombier m'a escroqué dans les grandes largeurs (j'étais prêt
à me laisser escroquer dans les petites largeurs, mais quand mon
poussinet m'a lu le montant du devis par téléphone, j'ai mal entendu
et j'ai donné mon accord parce que j'avais compris quelque chose de
seulement moyennement exorbitant alors que c'était vraiment
exorbitant) ; c'est d'autant plus idiot que mon poussinet aurait
certainement su faire la manip lui-même. Nous allons tâcher de faire
des économies ces prochains mois pour compenser un peu ça.
…C'était bien la résistance qui s'était percée. C'est
d'autant plus mystérieux que le chauffe-eau n'était pas vieux et
encore peu entartré.
Un de mes disques durs est mort, probablement à cause de la
coupure d'électricité elle-même consécutive à la mort du chauffe-eau.
Grâce à la magie
du RAID,
je n'ai perdu aucune donnée, mais je me suis fait bien peur parce que
j'avais cru que plusieurs disques mouraient en même temps (ce qui
aurait été beaucoup plus embêtant, puisque le RAID5
ne me protège que contre un seul défaut ; on a tendance à imaginer que
plusieurs disques mourant en même temps est extrêmement improbable,
mais ce ne l'est pas tant que ça : ce ne sont pas des événements
indépendants, et la même cause — comme un chauffe-eau qui rend
l'âme et qui provoque une coupure de courant — peut provoquer
plusieurs défauts).
Ma santé est maintenant dans un état stable : je fais de la
sinusite la nuit, je me réveille avec l'impression d'être très enrhumé
et j'ai mal à la tête, et au cours de la journée ça se dissipe et le
soir je me sens bien (néanmoins, je suis très fatigué, et j'ai une
toux grasse légère mais continue). Je suis allé voir
un ORL, qui m'a à peine examiné ; il m'a prescrit un
traitement à base d'aérosol (esssentiellement
un corticoïde),
même s'il a reconnu que mes analyses sanguines ne favorisaient pas la
piste allergique. (En plus, je ne suis pas du genre allergique, et
dormir dans un autre lit n'a rien changé.) Si cela ne s'améliore pas
d'ici une semaine, je dois faire une radio un
scanner des sinus.
…[Ajouté ()] Mais j'ai
quand même tendance à croire que j'ai toujours une infection
bactérienne. J'ai oublié de signaler au médecin que j'avais toujours
des ganglions un peu enflés, comme j'ai oublié de lui signaler que ma
toux était grasse (je n'arrête pas d'oublier de dire des choses quand
je vais voir un médecin, à chaque fois je m'en veux en sortant). Et
ce soir j'ai mal à la gorge, même si je n'ai plus mal aux sinus.
Bref, j'ai l'impression de tourner en rond. Je ne comprends pas
pourquoi on ne peut pas me faire tousser dans une boîte et essayer de
cultiver un peu les bactéries qui en ressortiraient.
…Par contre, le traitement par aérosol a quelque chose de rigolo (il
m'a fallu louer un appareil en pharmacie, ça fait une sorte de
brouillard de petites goutelettes de produit, c'est étrange mais pas
déplaisant à respirer) ; mais qu'est-ce que c'est long à préparer !,
il y a quantité de pièces à mettre les unes dans les autres dans le
nébuliseur (et à laver à chaque fois), deux tuyaux à brancher sur
l'appareil, trois substances à mélanger… et ça encombre
beaucoup, aussi. Malheureux les gens qui doivent faire ça chaque jour
de leur vie !
Je suis allé un peu aux Sage Days à Orsay : c'était sympa, mais j'en ressors
un peu déçu parce que le programme était chamboulé et que je n'ai pas
pu entendre ce pour quoi j'étais surtout venu. Je crois aussi que le
niveau de familiarité avec Sage supposé des participants était assez
mal défini. J'ai néanmoins appris quelques choses. (Par ailleurs, il
y avait un orateur qui parlait avec un accent québecois tellement joli
que j'aurais pu venir rien que pour l'écouter.)
Bref, pas de grosse contrariété, mais pas mal de petites, et au
final cela fait quand même beaucoup de temps perdu (et pas mal
d'argent aussi). J'ai l'impression de courir dans tous les sens et de
ne plus savoir où donner de la tête.
J'ai quand même trouvé le temps de finir de lire un
des deux livres que je lisais en ce
moment, celui de Wells sur les accents de l'anglais (enfin, je n'ai
fini que le volume 1, mais je l'ai vraiment lu de bout en bout : je ne
vais probablement pas en faire autant des volumes 2 et 3). Si et
quand je serai moins débordé, j'essaierai d'en tirer quelques choses à
raconter sur ce blog (mais moins techniques que
la dernière fois où visiblement
personne n'avait été intéressé ; je raconterai plutôt ce qui distingue
substantiellement les accents britanniques et américains, ou comment
classifier les voyelles en anglais).
J'avais déjà raconté qu'un de
mes sujets de cauchemar récurrents c'est celui où j'essaie d'allumer
une lampe, et celle-ci fonctionne mal ou ne fonctionne pas du tout, et
je veux de la lumière et je panique. Je me suis réveillé la nuit
dernière, après avoir
regardé Shutter
Island hier soir (qui n'est pas spécialement un film
rassurant pour les angoisses de ce genre), je me
sentais bien malade, fébrile et
désorienté, j'ai voulu prendre un verre d'eau dans la salle de bain et
mesurer ma température : pas moyen d'allumer la lumière de la salle de
bain. J'essaie l'autre lumière : pas mieux. En fait, j'étais dans
l'obscurité totale : coupure de courant. J'arrive à attraper la lampe
torche qui est posée sur ma table de nuit pour voir ce qui se passe,
mais la lampe torche elle-même (qui est un truc chinois acheté à vil
prix sur dealextreme.com)
s'est mise à vaciller. À ce moment-là, j'ai un peu paniqué et craqué
nerveusement. (Pendant ce temps, mon poussinet dormait du sommeil du
juste et du non-tracassé.)
En fait, c'est notre disjoncteur qui avait disjoncté. J'ai essayé
de le réenclencher, mais il saute immédiatement. Je pense que c'est
le différentiel (ce n'est pas très clair sur notre tableau électrique,
mais le disjoncteur combine le général et le différentiel de 500mA en
un seul interrupteur). Si je coupe le circuit du chauffe-eau, je peux
remettre le courant. (J'ai ensuite passé une heure à vérifier que
l'ordinateur n'avait pas souffert de l'opération.)
J'imagine que c'est la résistance du chauffe-eau qui est percée et
qui fait une fuite de courant vers la cuve. On savait déjà qu'elle
était entartrée, au bruit qu'elle fait en chauffant ; néanmoins, comme
ce chauffe-eau n'a même pas cinq
ans, je me sens un peu floué qu'il faille déjà en changer la
résistance (voire, toute la bête).
Je vais aller habiter un petit moment chez mes parents à Orsay.
(Comme je comptais assister
à cette conférence, ce
n'est pas forcément mal.) Reste que si ça avait pu tomber à un moment
où je n'étais pas malade, ça m'aurait arrangé. À ce sujet, j'ai
rendez-vous chez un ORL lundi (et j'ai aussi des
résultats d'analyses sanguines, qui sont normales).
Ayant fini lundi (et scrupuleusement suivi tout du long !) le
traitement de huit jours à
la ciprofloxacine que le médecin
m'avait prescrit, je pensais en avoir fini avec cette infection
persistante. Le week-end dernier j'allais bien (et les quelques jours
précédents étaient plutôt bons aussi), et jusqu'à hier encore je me
considérais comme guéri. Mais ce matin, je me suis réveillé avec le
picotement dans l'arrière-gorge qui caractérise chez moi les débuts de
rhume, et dans lequel, ici, je vois le signe d'une rechute possible ;
et il ne semble pas disposé à disparaître : j'ai cet après-midi le nez
bien chargé, je respire difficilement et je suis très fatigué. Je
garde un peu d'espoir que ce soit une fausse alerte, mais je ne compte
pas trop dessus.
Je ne comprends vraiment pas ce qui m'arrive. Visiblement mes
bactéries répondent aux antibiotiques, puisque j'ai été au moins
provisoirement guéri par la clarithromycine début décembre (mais j'ai
fait une rechute au bout de trois-quatre semaines), et tout récemment
par de la ciprofloxacine (mais rechute, si c'en est une, au bout de 48
heures). Sont-ce des bactéries différentes ?, mais si oui, pourquoi
suis-je aussi souvent infecté ? Ou bien est-ce la même qui
persiste ?, mais alors quel peut être le réservoir ? Devrais-je
retourner voir mon médecin tout de suite, ou attendre que la rechute
se confirme ? Je ne sais ni quoi faire ni quoi penser. Je suis
complètement désemparé.
Et surtout, j'ai le moral qui vient de tomber dans les talons
(référence xkcd
obligatoire à ce sujet) : je pensais, ça y est, je vais de nouveau
bien, je vais pouvoir mettre derrière moi cet épisode à la con,
rattraper le temps perdu (que ce soit au boulot ou dans plein de
choses, jusqu'à la muscu que j'étais trop fatigué pour faire), et
vlan… Je suis fatigué et déprimé.
J'ai tout récemment commencé la lecture de deux livres que je crois
déjà pouvoir recommander (il s'agit de nonfiction
— comment diable est-on censé traduire ça en français ? —
et du genre qu'on n'a pas spécialement de raison de lire dans l'ordre,
donc je ne les « finirai » peut-être pas vraiment, ou pas clairement,
ce qui m'incite d'autant plus à ne pas attendre ce moment hypothétique
pour donner mon avis).
☆
Le premier (que j'ai trouvé en flânant
chez W. H. Smith
dimanche soir)
s'appelle The
Evolution of God
(ISBN 978-0-349-12246-5[#]),
de Robert Wright. Il s'agit d'un essai sur
l'évolution[#2] des trois
grandes religions monothéistes, du concept de Dieu dans celles-ci, et
de leurs croyances de façon plus générale. Il ne s'agit pas à
proprement parler d'un livre d'histoire, mais plutôt d'un livre à
thèse, à mi-chemin entre l'histoire (de la pensée) et la philosophie
(de la religion), écrit par un auteur qui est probablement athée, ou
agnostique entre l'athéisme et le déisme sans confession ; les idées
qu'il expose paraîtront probablement choquantes à un Juif, Chrétien ou
Musulman très traditionnel, mais ne sont pas une attaque aussi
frontale que celles de Dawkins dans The God
Delusion : pourtant, je pense qu'elles sont bien plus
« dangereuses » pour ces religions, parce qu'elles explorent la façon
dont celles-ci sont nées et dont leurs préceptes n'ont pas toujours
été les mêmes.
Wright consacre un chapitre aux religions naissantes, un au
monothéisme juif, un à l'invention du christianisme, un à l'islam, et
un qui semble plus général et plus philosophique sur l'avenir des
religions. Je n'ai pour l'instant lu que le passage sur le
christianisme (j'ai commencé par là) et le début de celui sur le
judaïsme, mais ce que j'ai lu m'a beaucoup intéressé, et j'ai trouvé
le point de vue de l'auteur assez séduisant.
Concernant le christianisme, Wright cherche à reconstituer quelles
ont pu être les croyances du Jésus historique (sur le compte duquel il
expose quelque chose de pas incohérent avec ce que je
proposais ici
et là, d'ailleurs, même s'il ne
s'intéresse pas tant au personnage qu'à ses idées) et comment
elles ont ensuite été revues par les évangélistes et par Paul de Tarse
(aka Saint Paul). Il est assez convainquant, par exemple,
lorsqu'il explique que Jésus, dans le courant millénariste/messianique
juif, ne promettait certainement pas un paradis céleste
et après la mort mais la venue du Royaume de Dieu de son
vivant (ou en tout cas du vivant de ses disciples :
cf. Marc 9:1)
et sur Terre ; et que cette promesse a été revue et corrigée
(en faveur d'un paradis plus céleste, après la mort, et d'un Royaume
de Dieu plus symbolique) après évidemment le décès du prédicateur et
après que le Royaume de Dieu tardait décidément à se réaliser. Il est
aussi convainquant quand il défend l'idée que Jésus ne prêchait
certainement pas l'amour universel et l'égalité entre les hommes, mais
mettait clairement les Juifs en premier dans le Royaume de Dieu, les
Gentils n'ayant leur place que comme serviteurs qui ramassent les
miettes
(cf. Marc 7:25–29),
et que l'idée n'est venue aux Chrétiens que quand ils (notamment Paul
de Tarse) ont voulu cimenter cette religion et l'exporter aux
non-Juifs. Je ne rends cependant pas justice à Wright en résumant ces
thèses de façon aussi succincte. Je souligne que l'évolution qu'il
trace est celle des idées des premiers Chrétiens : il ne s'aventure
pas dans, par exemple, dans la théologie au Moyen-Âge, et évoque à
peine le Concile de Nicée — ce n'est pas le sujet qui le
préoccupe.
Concernant le judaïsme, son intérêt est d'étudier la façon dont le
royaume d'Israël est passé du polythéisme à la monolâtrie puis au
monothéisme, en inventant un dieu unique qui réalise la synthèse entre
des divinités telles
que El
et Baʿal
(l'un ayant défini le dieu de la bible tel qu'il est quand il est
nommé sous ce même nom, l'autre ayant influencé sa version sous le nom
de Yhwh). Là aussi, je trouve qu'il défend bien ses idées, par
exemple quand il signale le parallèle entre l'assemblée des dieux
évoquée
au Psaume 82
(81 en grec) et le conseil des dieux que préside le dieu El.
J'attends de finir ce chapitre et de lire celui sur l'islam pour me
prononcer plus complètement.
[#] Une question qui me
tracasse depuis un moment : quel lien « canonique » utiliser quand je
parle d'un livre ? Je n'aime pas trop en fournir un vers Amazon ou un
autre vendeur de ce genre, parce que je n'ai pas de raison de leur
faire de la pub ; il n'y a pas toujours de site Web officiel du livre,
et même s'il y en a un j'ai peur que ce genre de site soit moins
pérenne que mon blog ou que l'ISBN ; je fournis
généralement un lien vers le gadget-à-ISBN de Wikipédia,
mais je ne trouve pas celu-ci très pratique. Que faire, alors ? Je
me pose aussi un peu la même question pour les films, d'ailleurs :
jusqu'à présent j'ai adopté la politique de faire toujours des liens
vers leur entrée dans IMDB, mais je commence à me dire
que ce n'est pas forcément le plus neutre.
[#2] J'imagine que le
mot est choisi à dessein comme clin d'œil aux cinglés qui
rejettent les théories fondamentales de la biologie pour des raisons
religieuses.
★
L'autre livre (que j'ai reçu ce matin) n'a aucun rapport : il
s'agit d'un traité en trois volumes sur la prononciation de l'anglais
et de ses accents, Accents of English de
J. C. Wells
(ISBN 978-0-521-29719-6
pour le
volume 1, 978-0-521-28540-7
pour le volume 2,
et 978-0-521-28541-4
pour le volume 3). Ceux qui pensent que le sujet est aride se
trompent !
Je connaissais déjà J. C. Wells parce qu'il est aussi l'auteur de
l'excellent Longman
Pronunciation Dictionary
(ISBN 978-1-4058-8118-0
pour la 3e édition), que je recommande également très
vivement (c'est le seul dictionnaire que je connaisse à donner
fiablement la prononciation britannique et américaine, en l'occurrence
en alphabet phonétique, ainsi que de nombreuses variantes, et des
statistiques de préférences dans les cas où il y a des doutes).
Néanmoins, ce Pronunciation Dictionary
reste limité à la Received Pronunciation
anglaise et à la prononciation américaine synthétique connue sous le
nom de General American. Son
livre Accents of English ne se limite pas à
ça : il décrit soigneusement les différents accents britanniques (dans
le volume 2), mais aussi (dans le volume 3), les différents accents
américains, canadiens, australien, néo-zélandais, sud-africain,
indiens[#3] et plus.
Il serait facile de rendre la chose complètement illisible : devant
la masse de voyelles de l'anglais, et la masse d'accents qui existent,
on a vite fait de se perdre. Ce qui est remarquable avec le livre de
Wells, tel qu'il m'apparaît après un examen encore peu approfondi,
c'est qu'il arrive à faire la synthèse d'une masse de faits disparates
de façon qu'on s'y retrouve. Chose que je n'ai
probablement pas réussi à faire
dans une entrée récente de ce blog,
qui ne parlait pourtant que d'un tout petit groupe de voyelles !
Le volume 1 est introductif et peut se suffire à lui-même : il
présente la problématique générale, évoque la définition de ce qu'est
un accent et la manière dont ils diffèrent, puis il décrit les
accents standards Received Pronunciation
et General American et la façon dont ils
diffèrent, la phonémique (notamment des voyelles) et l'évolution
historique. Je pense que ce livre est très précieux pour quiconque
s'intéresse à la phonétique et veut apprendre à « parler l'anglais
correctement » (quoi
que correctement veuille
dire). Les volumes 2 et 3 décrivent ensuite en détail les accents
anglais de différentes parties du monde, comme je l'ai expliqué, avec
toujours beaucoup de soin (par exemple j'y trouve une explication très
claire et soigneuse du
fameux Canadian
rising qui fait que les Américains croient souvent,
complètement à tort, que les Canadiens
prononcent about comme ils
disent a boot).
[#3] Je mets des
pluriels un peu au hasard, puisqu'il n'est pas clair ce que signifie
le fait d'avoir un ou plusieurs accents dans un pays. Mais dans sa
section consacrée au Canada, Wells consacre une sous-section
particulière à Terre-Neuve, alors que pour ce qui est de l'Australie,
s'il mentionne évidemment des différences, il ne distingue pas une
région particulière.
Je ne peux dormir que sur le côté. Si je m'endors sur le dos, soit
je commence à ronfler (et je dors alors mal et me lève avec une gêne
désagréable dans la gorge), soit je me réveille avec la sensation
d'étouffer. Je trouve agréable de me mettre sur le ventre au moment
où je me couche, mais si je m'endors de la sorte, je me réveille aussi
parce que je m'étouffe, ou bien parce que j'ai coupé la circulation
dans un bras ou dans une main. Bref, il n'y a que sur le côté que ça
marche. Et encore : toutes les quelques minutes j'éprouve le besoin
impérieux de changer de côté (je ne saurais pas dire ce qui le cause
au juste, mais heureusement il se synchronise généralement bien avec
le fait qu'une de mes narines soit bouchée — c'est alors elle
qui se retrouve en haut).
Je me demande bien comment je ferai si un jour une blessure ou un
autre obstacle quelconque m'empêche de dormir de la seule façon qui
marche.
Pour soigner mon infection
persistante, mon médecin m'a prescrit de
la ciprofloxacine.
La liste des contre-indications est assez terrifiante. Certes, c'est
le cas pour à peu près n'importe quel médicament qui n'est pas un pur
placébo, mais là c'est vraiment le niveau au-dessus : Dans de rares
cas, des réactions et des chocs d'origine allergique pouvant mettre en
jeu la vie sont observés, et cela dès la première prise ; le
traitement par ciprofloxacine doit alors être arrêté immédiatement et
un traitement adapté doit être mis en route ; Manifestations
cutanées : […] exceptionnellement : nodules rouges et
douloureux situés sous la peau, éruption de papules rouges (lésions de
la peau en relief, de taille variable), qui peuvent s'étendre et
confluer, lésions sévères de la peau à l'aspect de cloques et de
bulles sur le corps (syndrome de Lyell et de Stevens
Johnson) ; Modifications du bilan sanguin : […]
exceptionnellement : diminution de tous les éléments du sang (globules
rouges, globules blancs, plaquettes), appauvrissement de la moelle
osseuse en cellules sanguines pouvant menacer la
vie ; Manifestations hépatiques : […]
exceptionnellement : hépatite et destruction du foie pouvant mettre la
vie en jeu. Eh bien ! L'essentiel des avertissements, cependant,
concerne le tendon d'Achille. Pour ne pas paniquer les
hypocondriaques comme moi, ce serait quand même bien d'avoir une idée
de la fréquence de ces différents effets
indésirables exceptionnels.
Heureusement, j'ai déjà pris de la ciprofloxacine par le passé,
dans une aventure un peu étrange
(où j'étais censé avoir une septicémie causée par une klebsielle alors
que, dans les faits, je me sentais tout à fait guéri), et je n'ai pas
eu d'effet secondaire indésirable.
Vous en avez marre de
m'entendre tout le
temps parler de mon rhume infini
qui dure depuis six semaines
maintenant ? Moi aussi, j'en ai marre. Rassurez-vous, quand il sera
fini, j'arrêterai d'en parler. En attendant, il faut bien que je me
défoule quelque part, et ce blog sert aussi à ça.
(Résumé des épisodes précédents : j'ai eu un énorme rhume fin
novembre, avec une toux bien grasse et bien verte et une sinusite
terrible. Mon généraliste m'a donné de la clarithromycine (je suis
éventuellement allergique à la pénicilline) et un traitement
symptomatique, les choses se sont nettement améliorées, mais j'ai
passé tout le mois de décembre à être crevé et à toussoter. La
semaine dernière, rechute ou nouvelle infection, je ne sais pas, mais
j'étais encore plus crevé et fébrile. Je suis retourné voir mon
médecin, qui a estimé que cette fois c'était viral, et ne m'a donc
donné que des placébos. Puis j'ai eu un petit passage angineux.
Dernière évolution : les symptômes ont de nouveau changé, et je suis
revenu exactement au point de départ, c'est-à-dire le rhume énorme
avec une toux bien grasse et bien verte et une sinusite terrible.
J'essaierai demain de voir mon médecin ou un autre, peut-être me
donnera-t-il de nouveau des antibiotiques : je ne suis pas trop fan de
leur abus, mais enfin, au bout de six semaines d'infection il faut
peut-être faire quelque chose.)
Le jour ça va à peu près, surtout le soir où je finis par me sentir
presque bien. Mais dès que je suis couché, c'est la catastrophe, et
je n'arrive guère à dormir que quatre heures d'affilée avant que mes
sinus (et/ou ma gorge déséchée) me hurlent que je dois me réveiller.
À ce moment-là, je dois accomplir le Rituel, qui consiste à :
(commencer par boire plusieurs verres d'eau, parce que je suis
complètement déshydraté, puis)
me moucher copieusement, en faisant très attention à ne pas me
faire saigner (succès pas du tout garanti),
prendre 500mg de paracétamol, histoire de calmer un peu la
douleur,
croquer un peu de vitamine C, mon placébo préféré,
prendre un sachet
d'acétylcystéine
pour aider à fluidifier mes sécrétions nasales et bronchiques,
parfois, me laver les sinus avec du sérum physiologique (l'ennui,
c'est que j'ai l'impression que ça fait du bien à moyen terme mais
qu'à court terme ça empire plutôt les choses),
une ou deux fois par jour (et si j'ai réussi à ne pas me faire
saigner en me mouchant), faire une pulvérisation
de corticoïde
pour soulager l'inflammation, et
finir par une inhalation
de Balsolène,
pour calmer mes sinus dans l'immédiat.
Je ne suis pas vraiment convaincu que quoi que ce soit ait le
moindre effet, en fait, mais à force d'être debout pour pratiquer ce
Rituel, mes sinus se sont un peu dégagés et je peux soit me recoucher
pour quelques heures soit vaquer à mes activités pour la journée, qui
consistent à poster sur mon blog des conneries comme celle-ci parce
que je n'ai pas la force de sortir et de faire autre chose.
En fait, ce dont je me plains, ce n'est pas tellement d'être
enrhumé en soi (même dans ma vie bien douillette, j'ai connu pire
condition), c'est que je ne peux absolument rien faire, je n'ai
absolument pas la force de sortir pour faire plus que quelques
courses, et le reste du temps je glandouille devant mon ordinateur et
j'écris des longues entrées sans intérêt ici. Comme je ne peux pas
dormir correctement, j'ai des horaires complètement bizarres, je
n'arrive pas à manger correctement, et ça fait bien une semaine que je
n'ai pas vu le soleil : ça ne doit pas trop aider à guérir, ça, et ça
fait un joli cercle vicieux. Mais surtout, je suis complètement
écœuré parce que j'avais prévu de faire des choses pendant ces
vacances, et elles ont complètement passé sans que j'aie eu une seule
journée utilisable.
Quelle façon de commencer la nouvelle année…
Mise à jour : on m'a prescrit de la
ciprofloxacine, cf. l'entrée
suivante.
Légende : Moi dans les bras de mon cousin aîné ; à
gauche, notre grand-mère (maintenant décédée) ; à droite, ma mère (en
rouge) et une de mes tantes. Devant, mes trois cousines, une amie, et
mon autre cousin.
Ce Noël, mon poussinet a pu faire connaissance de ma famille plus
éloignée que mes parents, c'est-à-dire, de mes tantes et de quelques
uns de mes cousins et petit-cousins.
Comme j'ai grandi sans frère ou sœur, mes cousins germains
sont ceux que j'ai de plus proches dans ma génération. Du côté de mon
père, qui a une sœur et un frère, j'ai un cousin (le fils de ma
tante) et une cousine (la fille de mon oncle), qui habitent au Canada
(et, s'agissant de ma
cousine, pas
à l'endroit le plus accessible, à 7835km de chez moi), tous deux
plus âgés que moi, et que je n'ai pas vus depuis respectivement quinze
et vingt-cinq ans environ. Du côté de ma mère, qui a un frère (décédé
avant ma naissance) et deux sœurs, qui ont eu respectivement un
fils, deux filles, et une fille et un fils, si bien que j'ai deux
cousins et trois cousines, là aussi tous plus âgés que moi (mon cousin
aîné a dix-huit ans de plus que moi). Ceci sans compter trois
cousines par alliance (c'est-à-dire des demi-sœurs de mes
cousins ou cousines). Nous, c'est-à-dire cinq des six petits-enfants
de ma grand-mère (et de mon grand-père, mais celui-ci est mort avant
la naissance d'aucun de nous) nous retrouvions à Noël et en d'autres
occasions, et comme j'étais le plus jeune j'étais aussi le plus gâté.
Maintenant, comme les gens suivent généralement la politique de passer
un Noël sur deux dans leur famille et un Noël sur deux dans celle de
leur conjoint, je vois certains de mes cousins plutôt un an sur deux
(et d'autres carrément moins souvent).
Ensuite, mes cousins ont commencé à avoir des enfants, et là
l'arbre généalogique (ou plutôt, la liste des prénoms) est devenu trop
compliqué pour ma petite mémoire. Si je ne me trompe pas, j'ai deux
petits-cousins du côté de mon père, qui ont sept et treize ans, et
onze ou douze petits-cousins ou petites-cousines du côté de ma mère,
qui ont entre cinq et vingt ans. J'écris petit-cousin pour le
lien familial entre un individu et l'enfant de son cousin germain,
mais je crois que le français n'est pas très systématique là-dessus :
certains parlent de neveu à la mode de Bretagne, et d'autres
de cousin issu de germain (i.e., fils ou fille du cousin
germain), mais ce terme est parfois utilisé pour désigner des cousins
ayant des arrière-grands-parents communs, donc c'est ambigu ; par
ailleurs, je ne sais pas comment on devrait désigner les
petits-enfants d'un cousin germain (la logique voudrait dire
les arrière-petits-cousins, mais ça sonne bizarrement parce que
ça laisse penser qu'il y aurait trois générations d'écart). L'anglais
est beaucoup plus logique : deux cousins sont désignés
comme first cousin, second
cousin, third cousin, etc., selon le nombre
de générations qu'il faut remonter (pour le plus proche des deux
cousins) pour retrouver un ancêtre commun : s'il s'agit d'un ou d'un
couple de grands-parents on parle de first
cousins (des cousins germains, donc), pour des
arrière-grands-parents de second cousin, etc. (et
bien sûr, s'il s'agit d'un ou d'un couple de parents on parle
de siblings) ; quant au nombre de générations
d'écart, il est indiqué par once
removed, twice removed, etc. Mes
petits-cousins sont donc mes first cousins once
removed, et le terme est symétrique en anglais, donc je suis aussi
leur first cousins once removed (grand-cousin) ;
des enfants qu'ils auraient seraient mes first
cousins twice removed ; quant à mes différents petits-cousins,
quand ils ne sont pas plus près, ils sont second
cousins les uns par rapport aux autres (en français, des
cousins issus de germains, ou issus de deux germains, le
terme n'est pas clair), et moi-même je crois que j'ai, au Canada, un
nombre assez important de second cousins dont
j'ignore absolument tout.
⁂
L'arbre généalogique fournit une structure combinatoire sur
laquelle beaucoup de lexicologie ou de protomathématiques ont pu être
faites ; à commencer par définir des termes pour toutes sortes de
liens familiaux. Deux individus partageant un seul parent s'appellent
demi-frères ou demi-sœurs : lorsque le parent partagé est le
père, on parle de demi-frères ou demi-sœurs consanguins (de
l'idée traditionnellement sexiste que le sang vient du père), lorsque
c'est la mère, utérins ; je ne sais pas si on doit parler de
demi-cousins pour les enfants de demi-frères et demi-sœurs.
S'agissant de cousins germains, on peut distinguer ceux qui sont
croisés (enfants d'un frère et d'une sœur) et ceux qui sont
parallèles (enfants de deux frères, auquel cas on peut les qualifier
[parallèles] consanguins/patrilinéaires, ou de deux sœurs,
auquel cas on peut les dire [parallèles] utérins/matrilinéaires).
Pour ma part, parmi mes sept cousin(e)s germains, j'ai deux cousins
croisés, un cousin parallèle (matrilinéaire) et quatre cousines
parallèles (trois matrilinéaires et une patrilinéaire). Certains
liens familiaux n'existent que de façon rare : par exemple, des
cousins doubles, c'est-à-dire doublement parallèles (lorsque les deux
pères sont frères et les deux mères sont sœurs), ou doublement
croisés (lorsque le père de chacun est frère de la mère de l'autre).
Plus tordu : si le père de X est aussi le grand-père
paternel de Y et que la mère de Y est aussi la
grand-mère maternelle de X (notez qu'il n'y a aucun inceste
dans l'histoire, au sens où personne n'a eu d'enfant avec quelqu'un de
visiblement apparenté, même s'il y a un très bizarre recouvrement
entre générations), cela fait que X et Y peuvent
être chacun le demi-oncle (ou la demi-tante) de l'autre : j'imagine
que ce cas de figure a bien dû se produire au moins une fois dans
l'histoire de l'humanité.
Cela ressemble à un petit jeu amusant, mais les anthropologues nous
apprennent il y a des cultures qui prennent cela très au sérieux, pour
ce qui est de définir les tabous sur l'inceste et autres règles sur le
mariage :
voyez ce
site-ci, par exemple (que j'avais déjà signalé en parlant
de sujets vaguement semblables).
Un règle qui revient assez souvent, cependant, est que le mariage
entre cousin et cousine est tabou s'il s'agit de cousins parallèles et
encouragé s'il s'agit de cousins croisés (mais bon, il y aussi
d'autres cultures où le mariage entre cousins parallèles est, au
contraire, encouragé). C'est assez surprenant pour nous qui n'avons
pas l'habitude de faire la différence ; mais même en latin, une langue
pas trop éloignée de nous, on distingue l'oncle paternel
(patruus) de l'oncle maternel
(avunculus), la tante paternelle
(amita) de la tante maternelle
(matertera), et les différents sortes de cousins
(les enfants du patruus, donc les cousins
parallèles patrilinéaires, sont les patrueles ;
les enfants de l'avunculus, donc les cousins
croisés du côté de la mère, sont les consobrini ;
les enfants de l'amita, donc les cousins croisés
du côté de la mère, sont les amitini ; et les
enfants de la matertera, donc les cousins
parallèles matrilinéaires, sont
les matrueles).
Puis-je définir mathématiquement une notion de degré de
consanguinité ? Ce n'est pas évident si on veut que ça marche même si
l'arbre généalogique contient des choses vraiment bizarres comme de
l'inceste ou des chevauchements de générations (cf. mon exemple
antérieur). Voici une tentative pour formaliser quelque chose qui
marche absolument dans tous les cas :
On suppose que X et Y sont deux individus à
comparer. Chacun est à l'origine d'un arbre binaire (de ses ancêtres)
dont les arêtes sont étiquetées par ♂ (père) et ♀
(mère) : si s est une chaîne formée de ces deux symboles,
et Z un individu, je note s(Z)
l'ancêtre correspondant de Z, défini par le fait que
♂(Z) est le père de Z,
♀(Z) est sa mère, et pour l'ordre de
lecture s1(s2(Z))
= s1s2(Z) (par
exemple, ♂♀♀(Z) désigne
l'arrière-grand-père qui est le père de la grand-mère maternelle). Je
désignerai aussi par ℓ(s) la longueur
de s, c'est-à-dire le nombre de générations désignées. La
chaîne de longueur vide existe (et renvoie à l'individu lui-même).
Je définis alors la consanguinité absolue
entre X et Y comme la moitié de la somme sur
tous les couples de chaînes binaires
(s,s′) telles
que s(X)=s′(Y) de la
quantité
2−(ℓ(s)+ℓ(s′)).
Remarquer que cette quantité peut très bien être supérieure à 1. Je
définis l'autoconsanguinité de Z comme étant la
consanguinité absolue entre Z et lui-même : comme la somme
ci-dessus comporte au moins les couples
(s,s′)
avec s=s′, elle vaut au moins 1 ; et si
l'arbre généalogique de Z ne comporte pas de surprise (ce
qui est forcément faux si on va assez loin, mais on aura souvent envie
de faire semblant), alors l'autoconsanguinité vaut 1. Enfin,
la consanguinité (normalisée) de X
et Y sera le rapport de leur consanguinité absolue sur la
moyenne géométrique de leurs deux autoconsanguinités ; et
le degré de séparation consanguine entre X
et Y sera l'opposé du log base 2 de cette consanguinité
normalisée.
Lorsque des informations manquent sur l'arbre généalogique, on fera
l'hypothèse qu'il est sans surprise (c'est-à-dire, libre : les seules
relations entre les s(Z) sont celles qui sont
connues). On pourra vérifier, pour aider à simplifier les calculs,
que dès lors qu'on a trouvé un (s,s′) tel
que s(X)=s′(Y),
alors ½ fois la somme des
2−(ℓ(ts)+ℓ(ts′))=2−(ℓ(s)+ℓ(s′)+2ℓ(t))
pour tous les t (de longueur ≥0) possibles vaut
justement
2−(ℓ(s)+ℓ(s′))
(i.e., le facteur ½ a disparu). Donc, dans les cas simples, pour
calculer la consanguinité on peut se contenter de sommer les
2−(ℓ(s)+ℓ(s′))
sur les couples (s,s′) « minimaux » tels
que s(X)=s′(Y).
Exemples :
Si X et Y sont frères/sœurs (germains,
quoi) et qu'il n'y a pas d'autoconsanguinité, la consanguinité entre
eux vaut ½ fois la somme des 4−ℓ(s)
sur tous les s tels que ℓ(s)>0, car
seuls existent les termes où s=s′ (c'est
l'hypothèse d'absence d'autoconsanguinité) ; comme le nombre
de s à valeur de ℓ(s) donnée est
2ℓ, on trouve ½ fois la somme des
2−ℓ pour tous les ℓ>0, autrement dit
la consanguinité vaut ½, donc le degré de séparation est 1.
De même : entre un parent et son enfant, la consanguinité vaut ½
(le degré de séparation est 1). Entre un grand-parent et son
petit-enfant, la consanguinité vaut ¼ (le degré de séparation vaut 2).
Entre oncle et neveu, on a également ¼ donc un degré 2. Entre
demi-frères, la consanguinité vaut toujours ¼ (dans la formule de
calcul simplifié, on a un unique couple
(s,s′) « minimal » tel
que s(X)=s′(Y), avec
2−(ℓ(s)+ℓ(s′))=¼).
Entre cousins germains, le degré est 3 : ce serait 4 pour des
demi-cousins germains, 2 pour des doubles cousins germains, et
4−log2(3)≅2.42 pour des cousins
germains-et-demi. Le grand-cousin et le petit-cousin
(first cousins once removed) sont à un degré 4
l'un de l'autre. Des cousins issus de [deux] germains
(second cousins) sont à un degré 5. ((Notons que
la terminologie française est généralement de les dire aux sixième
degré, la différence provient du fait que la terminologie française
ignore le fait qu'ils ont deux arrière-grands-parents en
commun, alors que mon calcul tient compte de ce fait : des
demi-cousins issus de germains sont au degré 6 avec ma
définition.))
Avec un peu d'inceste, les calculs se compliquent. L'enfant d'un
frère et d'une sœur a une autoconsanguinité de 5/4 ; deux
enfants différents de cette même union incestueuse ont une
consanguinité absolue de 3/4, donc normalisée de 3/5, ce qui diminue
leur degré de séparation à ∼0.74 ; si ces deux enfants ont
eux-mêmes des enfants (avec des individus sans autre parenté), chacun
d'entre eux aura une autoconsanguinité de 17/16, et deux tels cousins
l'un par rapport à l'autre une consanguinité absolue de 5/32, donc
normalisée de 5/34, et leur degré de séparation est donc de ∼2.77.
L'enfant de deux cousins germains a une autoconsanguinité de 9/8, deux
tels enfants ont l'un par rapport à l'autre une consanguinité de 5/8,
donc normalisée de 5/9, ce qui crée entre eux un degré de séparation
de ∼0.85.
Dans l'exemple que j'ai donné plus haut de deux
personnes X et Y qui seraient chacun l'oncle de
l'autre (mais sans inceste), la consanguinité entre eux vaut ½,
c'est-à-dire qu'ils sont à degré 1 (comme le sont deux germains, ou un
parent de son enfant, alors qu'ils ne sont rien de tout ça).
Ajouté () : Un voyageur dans le temps qui
arrive à être son propre père a une autoconsanguinité de 3. S'il est
seulement son propre grand-père, il a une autoconsanguinité de
5/3.
Je devrais étudier d'un peu plus près les propriétés mathématiques
de ce bazar, mais je clos ma digression.
⁂
La photo ci-dessus a été prise il y a trente-quatre ans. C'est
apparemment la durée d'une génération dans ma famille, puisque ma mère
n'est pas loin d'avoir l'âge de ma grand-mère sur cette photo (et ma
tante a un peu plus), et plusieurs de mes cousin(e)s ont des enfants
qui ont à peu près le même âge qu'ils/elles avaient en 1976. Ce qui
est étonnant, aussi, c'est de voir à quel point certaines personnes
changent et d'autres non. On a retrouvé une vidéo prise du Noël 1983
dans ma famille (les couleurs sont épouvantables mais le son est assez
bon) : j'ai été frappé de constater que vingt-sept ans plus tard, une
de mes tantes (celle qui n'est pas sur la photo ci-dessus) et deux de
mes cousines n'avaient quasiment pas changé (même si, certes, on voit
que ces dernières n'ont plus quinze ans).
Je croyais que mon rhume qui dure
depuis un mois était enfin fini, malgré la fatigue rémanente, mais
voilà que soit j'ai fait une rechute soit j'ai chopé un nouveau rhume.
Me voilà de nouveau dans un état fébrile, crevé et avec mal à la tête
et aux sinus.
Mon poussinet s'est fait voler son téléphone (et environ cinq euros
en espèces qui étaient dans son portefeuille) alors qu'il dormait dans
le train. Il pensait depuis un moment s'en acheter un nouveau, donc
ce n'est pas bien grave, mais tout de même, d'ici là, je ne pourrai
plus communiquer avec lui par Google Talk. Et c'est
un peu trop tôt pour acheter un truc avec la toute nouvelle version
d'Android.
Quelques ajouts () :
On lui a volé l'argent dans son portefeuille, mais pas le
portefeuille lui-même. C'est un peu surprenant (même si,
effectivement, rien d'autre n'aurait pu être vraiment intéressant pour
le voleur, on aurait pu croire que c'était plus simple pour ce dernier
de tout voler).
Voler un téléphone dans un train est une idée excessivement
stupide, en fait. Si mon poussinet s'était réveillé avant l'arrivée
et si le mec ne pensait pas à éteindre immédiatement le téléphone, on
aurait pu demander à un autre passager d'appeler le mobile, et ainsi
détecter où ça sonne (quitte à prévenir le contrôleur, et un passager
dans chaque voiture, de façon à localiser le voleur, qui ne pouvait
pas fuir).
De toute façon, voler un téléphone est rarement vraiment utile :
la personne volée fait opposition immédiatement sur la ligne (bien
avant que le voleur ait le temps de faire sauter le code d'accès) et
aussi sur
l'IMEI
du téléphone. Il y a sans doute moyen de forcer le téléphone à
prendre un autre IMEI ou de le revendre à l'étranger,
mais ça ne doit vraiment pas rapporter beaucoup par rapport à la
difficulté de la chose.
Mon poussinet a fait opposition sur sa carte de crédit, par peur
que le voleur ait recopié le numéro. À la limite, c'est la chose la
plus intelligente à voler : prendre juste le numéro de carte, faire un
gros achat avec, en le faisant livrer à un complice qui a un alibi (et
peut-être aussi un autre achat livré à quelqu'un de complètement
aléatoire). La personne volée ne s'apercevra du vol que plus tard (et
de toute façon, c'est la banque qui devra payer). Mais je doute que
les gens aient tant de sophistication.
Le PV de la plainte que mon poussinet a déposée au
commissariat est bourré de fautes d'orthographe. Vraiment bourré.
Mais le plus étonnant, c'est que même l'en-tête du papier
indique qu'il s'agit du commisariat, sic, du
XIIIe arrondissement.
Elle arche un peu aléatoireent, donc si dans les quelques
prochaines entrées vous e voyez utiliser des ots un peu ystérieux,
vous saurez que c'est ça. (Déjà que le Z arche très al… ais
c'est vrai que le Z est substantielleent oins utile que la preière
lettre de on no de faille.)
(Il s'agit bien de la touche à droite du N : j'utilise un clavier
QWERTY ; si j'étais sur un AZERTY, cette touche ferait une virgule, et
la lettre qui e anque se trouverait à droite du L.)
J'ai coandé un nouveau clavier sur le site de Logitech.
Contraireent à la dernière fois, il
seble que j'aie pu deander un QWERTY, justeent.
Mise à jour () : J'ai reçu
mon nouveau clavier. Le confort des touches n'est pas mal, et il est
relativement silencieux (peut-être un peu moins que le précédent, mais
moins aigu aussi). Il a le gros avantage d'être un vrai QWERTY-US
(mieux : international, ce qui fait que j'ai quand même une touche
entre le Z et le shift de gauche). Un inconvénient sur la disposition
des touches, cependant : il n'a que deux touches entre la barre
d'espace et le control de droite, et notamment la touche que j'utilise
comme touche
compose n'est pas exactement à l'endroit auquel je suis habitué
— mais je pense que je m'y ferai sans trop de mal.
Mon rhume interminable s'en va
très très très doucement, je ne tousse presque plus, mais j'ai quand
même de temps en temps à râcler ma gorge et, surtout, je continue
d'être très fatigué. Il faut dire que le temps n'aide vraiment pas,
et je commence à trouver sérieusement déprimant le manque de soleil et
cette espèce de chape de plomb glaciale, mi-nuageuse mi-brumeuse, qui
nous sert de ciel en ce moment.
Je butinais au hasard sur le Web quand je tombe sur une page
parlant du Dr. Seuss. Le nom me dit vaguement quelque chose, qui
était-il, déjà ? Un auteur de livres pour enfants, ou quelque chose
comme ça ? (Un pédiatre ? Non, je confonds avec
le Dr. Spock,
là. Qu'il ne faut lui-même pas confondre avec Mr. Spock.)
Wikipédia me
confirme que Dr. Seuss est le nom de plume de Theodor Geisel,
écrivain mais aussi dessinateur de livres pour enfants ; mais quand je
regarde
le genre
de dessins qu'il fait, ça réveille des neurones dans les couches
bien profondes de ma mémoire. Oui, oui, j'ai déjà vu ce personnage
qui ressemble à un chat allongé… Il me revient à l'esprit une
histoire de ville où on n'a presque pas de soucis, sauf que la clé
pour y rentrer a été perdue… Après plein de recherches Google,
je finis par déduire que j'ai dû
lire I
Had Trouble in Getting to Solla Sollew (le nom de la ville
ne me dit rien, mais le résumé ne laisse aucun doute). Où et comment
ai-je pu lire ça ? Cette fois Google ne m'aidera pas, il n'indexe pas
(encore ?) mes propres neurones, mais à force de me creuser les
méninges, je crois que j'ai retrouvé : c'était chez des amis, qui
avaient (ont ?) une grande maison de vacances aux alentours de Bandol
et qui la prêtaient parfois à mes parents pour les vacances, et je
dormais dans la chambre d'un de leurs fils et je pense que c'est là
que j'ai trouvé ce livre. Au demeurant, les dessins sont assez
mignons.
C'est assez amusant comme ce genre de souvenirs très flous peut
tout d'un coup remonter à la surface avec une netteté surprenante, à
la faveur d'une invocation complètement inattendue.
Dix jours que ça dure, et je
commence à trouver que c'est vraiment long ! Certes, je vais mieux,
j'ai les bronches beaucoup moins chargées, je ne crache plus des
glaires ou en tout cas plus de vertes et grasses (donc les
antibiotiques ont peut-être été efficaces — mais on m'en a
prescrit pour cinq jours et c'est fini), et j'ai le nez beaucoup moins
chargé, je respire librement quand je dors, c'est un vrai
soulagement ; mais je continue à tousser beaucoup pendant la nuit et à
renifler un peu tout le temps, et j'ai les oreilles qui se bouchent
tout le temps ; et surtout, je suis vraiment fatigué. Accessoirement,
les antibiotiques ont pas mal perturbé ma digestion.
Est-ce que je devrais retourner voir un médecin, ou bien considérer
que comme ça semble en train de passer je devrais juste attendre ?
Normalement je suis plutôt abonné aux rhumes, mais les quelques
derniers étaient plutôt des rhumounets de rien du tout, il faut que je
remonte à il y a quatre ans pour en
retrouver un vraiment sérieux. Mais là j'ai l'impression que je suis
en train de rattraper quatre ans de rhumes en une seule fois. Ça a
commencé dimanche par une très grande fatigue puis une belle
bronchite, la nuit dernière j'ai cru me noyer sous des torrents de
morve et je n'ai quasiment pas dormi. Aujourd'hui me voilà avec les
sinus enflammés de toute cette activité, et une toux bien grasse. Je
me soigne au paracétamol (et un peu d'aspirine pour varier de temps en
temps), à l'acétylcystéine, à la vitamine C pour l'effet placebo, au
sérum physiologique pour me laver les sinus, et aux inhalations de
Balsolène. Et en restant au chaud chez moi.
Mise à jour () : Ça ne va pas
mieux. Je suis allé chez le médecin ce soir, qui m'a prescrit (en
plus du paracétamol et de l'acétylcystéine que je prenais
déjà) un
antibiotique des fois que ce serait bactérien,
et un
corticoïde pour soulager mes sinus en feu. On verra si ça fait de
l'effet, mais en attendant je suis incroyablement faible — après
avoir dormi douze heures et passé la journée à comater, je suis déjà
complètement crevé. Et en plus, voilà que je me mets à avoir mal à
l'estomac.
J'avais évoqué jadis quelques
uns des thèmes récurrents de mes rêves. Il m'en est revenu à l'esprit
quelques autres, qui sont plutôt transparents mais néanmoins assez
caractéristiques.
Les volcans. Il y a assez souvent des éruptions volcaniques dans
mes rêves. (Quand je dis souvent, ça ne veut pas dire toutes les
nuits, ni même toutes les semaines, bien sûr, et même une fois par
mois me semblerait très exagéré en tout cas dans les rêves que je me
rappelle, mais ça arrive quand même avec une certaine régularité,
d'autant plus fréquente que je n'ai le souvenir d'aucun rêve
d'innondation, de cyclone, d'incendie d'origine non-volcanique, de
tremblement de terre sans volcanisme associé, ou d'aucune autre
catastrophe naturelle.) J'avais sans doute été terrifié, quand
j'étais petit, quand on m'avait appris des choses sur le volcanisme.
Je me souviens notamment d'une histoire d'un fermier dans je ne sais
quel pays qui avait un jour remarqué que son foin était chaud, et
quelques jours plus tard sa maison avait été détruite — ça
m'avait beaucoup marqué (et de fait, je rêvais souvent que ma maison
était détruite par un volcan). D'un autre côté, les éruptions
volcaniques dans mes rêves ne sont pas si effrayantes que ça, ou, du
moins, j'arrive toujours à m'enfuir à temps et parfois même à
triompher en les regardant de loin. Rien à voir, donc, avec les
cauchemars qui me font vraiment peur (et qui tournent généralement
autour du surnaturel).
La radioactivité. Quand j'étais petit, j'en rêvais vraiment
souvent, et maintenant plus du tout. Je ne sais pas si on m'avait
fait peur avec les dangers de la radioactivité comme on m'avait fait
peur avec ceux du volcanisme, mais c'était vraiment un thème
récurrent, qui prenait la forme d'une sorte de poison invisible qui
contamine les personnes et les lieux. Souvent, par exemple, je rêvais
que ma maison était devenue radioactive, et je devais absolument y
aller pour faire quelque chose… Il est possible que des récits
des liquidateurs
de Tchernobyl m'aient frappé, mais je suis quasiment sûr que je
faisais ce genre de rêves avant. Et ils ont complètement
disparu.
L'électricité. Quand je dis l'électricité, il faut imaginer une
version à l'esthétique un
peu steampunk
de gros transformateurs, de bobines
de Tesla ou de choses de ce genre. En général, l'idée du rêve est
qu'il faut passer à travers un de ces assemblages (qui grésillent et
crépitent), ou bien il faut y faire quelque chose, en évitant de se
faire électrocuter. Mais contrairement aux rêves de volcan (où
l'éruption a bien lieu) ou de radioactivité (ou la contamination est
certaine), dans les rêves d'électricité, je ne me fais jamais
électrocuter, et tout se passe toujours bien. En fait, ce sont des
rêves globalement plutôt agréables.
Le vertige. Dans la vraie vie j'ai très facilement le vertige (je
peux monter en haut d'un escabeau, mais pas à la cathédrale
de Strasbourg), et ce n'est pas
spécialement agréable. Dans les rêves, bizarrement, ça l'est. (Ceci
étant, même éveillé j'aime bien regarder des vidéos
comme celle-ci
ou celle-là
ou encore cette
troisième.)
Les constructions qui s'effondrent. C'est souvent associé au
vertige, mais néanmoins différent. Je rêve de structures qui, pour
des raisons inexpliquées, sont construites au sommet de tours ou sur
des piliers démesurés (j'ai par exemple rêvé d'une gare de train en
haut d'une tour ; mais généralement il s'agit plutôt de maisons ou de
choses comme ça) : et ces structures sont vieilles ou abandonnées (de
nouveau avec parfois un petit cachet steampunk), sont en train de
s'effondrer ou menacent de s'effondrer au moindre mouvement. Et je
dois y faire quelque chose, comme récupérer un objet ou actionner un
mécanisme.
Mon cardiologue (que je suis allé voir pour des problèmes de
tachycardie et de palpitations — apparemment je fais parfois
des extrasystolesbigéminées,
mais il n'a pas l'air de trouver ça grave, et il semble que ce soit dû
au stress) a jugé qu'il serait peut-être bien de traiter un peu
mon anxiété, et les manifestations
physiologiques qui l'accompagnent. Non pas avec un anxiolytique mais
plutôt avec un bêta-bloquant, en l'occurrence
le propranolol
à petites doses. On va faire un essai pendant un mois, pour voir
comment je réagis, mais sur la description qu'il m'en a faite, ça a
l'air d'être vraiment ce qu'il me faut.
Plein d'appareils électroniques (du magnétoscope au four à
micro-ondes en passant par le téléphone sans fil, la station météo et
que sais-je encore) viennent avec une horloge interne, et affichent
l'heure de façon bien visible. Ça part d'une bonne intention, mais
c'est plutôt une source d'emmerdes. Non seulement ça veut dire que
deux fois par an il faut passer par tous ces appareils et se rappeler
comment on est censé les régler (et c'est parfois extrêmement peu
intuitif, comme pour mon autotensiomètre), mais en plus, même
en-dehors des changements d'heure, ces maudits trucs ne sont jamais
foutus de rester à l'heure : le pire chez moi est le four à
micro-ondes qui prend quelque chose comme dix minutes d'avance par
mois, mais même les trucs censés se mettre à l'heure automatiquement
ne le font pas toujours correctement (ma station météo censément
radio-contrôlée ne capte pas bien le signal car mon appartement est au
fond d'une cour, et parfois elle se décale d'une ou deux heures ; et
mon poussinet et moi nous sommes tout juste débarrassé d'un
décodeur TNT qui
trouvait inexplicablement le moyen de se régler chaque nuit à une
heure de retard en été et deux en hiver — non, ce n'est pas le
temps universel, c'est exactement le contraire, je ne sais
vraiment pas comment c'est possible — plus quelques minutes un
peu aléatoirement). La seule chose qui soit vraiment et fiablement à
l'heure, chez moi, c'est mon ordinateur (lui il obtient
l'heure par
réseau), mais même s'il affiche l'heure en haut de mon bureau, je
ne suis pas dessus 24h sur 24 (contrairement aux rumeurs à ce sujet),
et l'écran s'éteint au bout d'un certain temps.
On a beau savoir que les choses ne sont pas à l'heure, on finit
toujours pas se laisser piéger et par les croire, ou au moins par
s'énerver en se demandant quelle heure est-il au juste ? où y
a-t-il une vraie pendule qui donne la bonne heure, dans cette foutue
maison ?
Un jour j'assumerai la geekitude ultime et je m'achèterai une
horloge atomique. (J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles on peut
trouver des horloges à rubidium pour moins d'un demi-millier d'euros,
mais je ne sais pas où.)
A priori, le site
marchand spartoo.com (ils
vendent des chaussures, et quelques vêtements) est bien conçu, leur
catalogue est intéressant (à mes yeux au moins), et leurs prix sont
compétitifs. Ils livrent rapidement, et il est très simple et gratuit
de faire un retour si on s'est par exemple trompé de pointure (on
imprime une étiquette qu'on colle sur le colis, et on le dépose dans
un relais Kiala, c'est-à-dire un
réseau de commerçants qui font du dépôt et de la livraison de colis).
Tout cela est fort attractif.
Quand ça marche. Parce que le problème avec les
mécaniques bien huilées, c'est que quand il y a un problème, il
devient impossible de faire quelque chose. J'avais commandé, le
30 août, une paire de
chaussure Nike
(Air Force 1 Mid, 315123-003) de
couleur noire.
Le 2 septembre (quand je vous dis que c'est rapide !), la commande
m'est livrée. Problème : elle m'est
arrivée bleue.
La couleur bleue n'étant pas dans le catalogue de spartoo.com, je
soupçonne une erreur dans les stocks. De fait, la boîte est
correctement étiquetée par Nike (ces andouilles ne disent
pas blue, ils disent varsity
royal, ce qui est quand même le nom de couleur le plus
grotesquement pompeux qui soit, mais bon, au moins le numéro de
référence est clair, c'est 315123-400 alors que sur ma facture c'est
315123-003).
Pas de problème, il suffit de retourner la chose et de demander un
nouvel article. Le formulaire de retour a même une case le produit
m'est bien arrivé, mais ce n'était pas la couleur commandée, que
je coche, et il y a un champ pour entrer plus d'explications. Je
dépose donc (toujours le 2 septembre) mon colis correctement étiqueté
chez une imprimerie pas loin de chez moi qui fait relais Kiala, et
j'attends des nouvelles. Le lendemain je reçois un mail m'annonçant
que mon retour est accepté.
Le 8 septembre (mercredi dernier), nouvelle livraison, en
remplacement. Très bien, mais c'est toujours exactement la même
chose : la chaussure est obstinément bleue, et porte obstinément le
numéro 315123-400. Cette fois, en plus de faire un retour, j'écris au
service clientèle (enfin, j'écris à une de ces adresses associées à un
prénom féminin évocateur par lesquelles spartoo.com écrit à ses
clients, et qui sont, probablement, toutes exactement la même chose)
un mail détaillé expliquant la situation, avec toutes les références :
je reçois un mail automatisé m'informant qu'un ticket de demande de
renseignement est ouvert. Bon, ce n'est pas une demande de
renseignement, mais on peut au moins espérer qu'ils les lisent. Pour
plus de précaution, je colle sur la boîte des chaussures que je
retourne un post-it sur lequel j'attire de façon très visible
l'attention sur le problème (Vous avez une erreur dans vos
stocks : ceci est la référence Nike 315123-400 (bleue),
j'avais commandé la 315123-003 (noire)).
Aucune réaction du service client, bien sûr, sauf les mails
complètement automatisés me signalant que mon retour est accepté,
qu'une nouvelle commande est en préparation (c'est Amélie qui
signe les mails relatifs aux colis, et Adriana qui signe ceux
concernant les commandes : pourquoi ai-je l'impression que ces
personnes n'existent pas ?). Et ce matin (11 septembre, donc),
nouvelle livraison. La chaussure persiste à être bleue. Je me
demande si je n'ai pas reçu exactement la même, d'ailleurs (j'aurais
peut-être dû mettre un lapin blanc invisible dans la boîte que je
retournais, pour le savoir) ; après tout, ils ne doivent pas avoir
tant de paires que ça, pour un modèle précis et une pointure
précise.
J'ai hésité à être taquin et obstiné, et à continuer les retours
avec demande d'échange pour voir combien de temps ça pourrait durer
avant que quelqu'un se rende compte de la situation. Après tout, même
si visiblement les frais de personnel doivent être très réduits
puisque tout a l'air totalement automatisé, il faut au moins qu'ils
paient à chaque fois une livraison par Colissimo, qui aurait fini par
représenter plus que le prix de la chaussure, et en tout cas
certainement plus que leur marge dessus. Mais bon, je veux quand même
revoir mon argent, à défaut de chaussures de la bonne couleur : je
fais donc un retour contre remboursement. (En ayant quand même la
conscience de décrire, de nouveau, sur un post-it sur la boîte, quel
est le problème, et en le signalant de nouveau au service clientèle.)
J'irai acheter cette paire de chaussures dans une vraie
boutique[#] dans la vraie
vie.
Reste que j'ai perdu du temps, vraiment inutilement, avec cette
connerie, ne serait-ce qu'à fermer des boîtes, à coller des
étiquettes, à déposer des colis dans des relais, et à rédiger des
mails au service clientèle qui ne les lira apparemment jamais. Et eux
ont perdu de l'argent aussi. Ça laisse surtout un goût amer à cause
de l'impossibilité de contacter un humain : il y a probablement
quelqu'un chez spartoo.com qui serait content d'entendre mon
histoire[#2], mais je n'ai
aucune façon de le contacter (mes mails partent directement à la
poubelle, et mes post-its sur les boîtes certainement aussi vu que le
magasinier qui les reçoit n'y est pour rien et ne peut rien y faire).
Et il y a probablement quelqu'un qui chausse aussi du 44 qui aura
envie d'acheter la même paire de chaussures que moi et qui subira la
même surprise.
Mise à jour () : Ils m'ont téléphoné
pour s'excuser, expliquer un peu ce qui s'est passé (il y a eu une
erreur entre la référence qu'ils ont photographiée et enregistrée sur
le catalogue et celle qu'ils ont commandée à Nike), et m'offrir un bon
de réduction pour mes prochains achats chez eux.
[#] C'est ce que
j'aurais dû faire dès le début, me dites-vous ? Pas clair : si j'ai
commandé chez spartoo.com, c'est justement suite à l'agacement du
service chez une boutique Foot Locker : j'ai montré un modèle exposé
(et en promotion) en demandant à l'essayer en 43 (selon les marques,
je chausse entre 42 et 46), j'attends cinq minutes qu'on me l'apporte,
je l'essaie, il est trop petit, et je me rends compte que par ailleurs
ce n'est pas exactement le modèle que j'avais demandé. J'attire
l'attention sur ce fait (la différence entre les modèles n'était
vraiment pas évidente, et la vendeuse n'en avait apparemment pas du
tout pris conscience), et je demande à voir l'autre, et en 44 : de
nouveau cinq minutes passent, et on m'apporte bien du 44, mais
toujours du mauvais modèle. Cette fois, je n'essaie pas les
chaussures, j'insiste pour voir le modèle que j'avais montré et pas
celui d'à-côté, et on me répond, avec le ton de la plus parfaite
évidence, qu'il n'y en a plus. Je suis parti un peu furieux et en
oubliant que comme le modèle exposé (celui que je voulais) était à ma
pointure, je pouvais au moins exiger d'avoir la paire de
démonstration.
[#2] Bien sûr
que le risque de faire ce genre d'erreurs est un coût parfaitement
assumé par le marchand, eu égard aux économies de personnel qu'il
permet de faire. Mais là l'absurdité est poussée jusqu'à un point
vraiment extrême.
J'ai vu mon dentiste cet après-midi pour
ma dent cassée : il m'a recommandé
de poser
un onlay
en céramique (pour 380€, ce qui, en matière de soins dentaires,
est une bouchée de pain). Il a pris l'empreinte pour la transmettre à
son prothésiste, et il a posé un pansement temporaire (je ne sais pas
ce que c'était exactement, une sorte de composite j'imagine ; en tout
cas, c'est dur et grisâtre) pour éviter que la dent se casse encore
plus.
Ça c'était à 15h. À 21h le pansement était déjà tombé : j'ai mangé
un petit peu de chocolat (même pas particulièrement dur ni sorti du
frigo) et je n'ai pas fait suffisamment attention, ou pas réussi, à ne
manger que du côté droit.
Pfff… C'est ce que je déteste avec la chirurgie dentaire : à
chaque fois, je vais de complication en complication. (Pareil quand
on me préparait la seule couronne que j'aie : la dent temporaire
qu'avait mise la dentiste — quelqu'un d'autre que celui que je
vais voir maintenant — était tombée en à peu près 24h. Je sais
que c'est temporaire, mais c'était quand même censé durer un
peu plus longtemps que ça.)
Je suis censé ne manger que des bouillons pendant dix jours, ou
quoi ?
Ce n'est peut-être pas une nouvelle dent qui vient de casser, en
fait, mais peut-être déjà la même que
la dernière fois (la 26 ou la 27,
je ne suis pas très sûr) : en tout cas, elle était déjà réparée avec
du composite, et c'est plus le composite que la dent elle-même qui a
cassé. (La dent était très mal en point, il faut croire : sa
situation n'a peut-être pas du tout empiré, en fait.)
Mais ça se produit toujours au pire moment possible. Mon dentiste
ne peut pas me prendre avant lundi, à cause du rush de la rentrée. Je
ne sais pas si je dois craindre que la dent parte en mille morceaux
d'ici là. D'un autre côté, elle ne me fait pas mal, donc mon
poussinet me suggère d'attendre lundi.
Il existait autrefois un service d'urgences dentaires et
stomatologiques boulevard de Port-Royal : il semble qu'ils aient
disparu. (Leur répondeur suggère de s'adresser à un cabinet de
stomatologues dans le 9e.) Sinon, il y a les urgences
dentaires de la Pitié, mais je pense que c'est pour les gens qui ont
vraiment mal.
Je ne sais pas si ça vaut la peine de chercher quelque chose en
urgence d'ici là : si de toute façon la dent a de fortes chances de se
faire arracher, dévitaliser, couronner, ou tronçonner d'une autre
manière barbare, ça ne sert pas forcément à grand-chose de la colmater
avant. Soupir…
En complément du fait que
les cheveux longs ne semblent
vraiment pas plaire aux homos, la contraposée semble vraie : mon
poussinet s'est rasé les cheveux à zéro (en finissant au rasoir, donc
c'est vraiment à zéro), et l'effet a été stupéfiant si on en juge par
le nombre de regards très manifestement intéressés qu'il a attirés
quand nous nous sommes promenés ensuite dans le Marais (et ce n'est
certainement pas moi qui les causais, et avec juste quelques
centimètres de cheveux il ne provoque vraiment pas les mêmes réactions
non plus). Si j'étais un peu jaloux je l'aurais ramené à la maison
immédiatement.
Et on doit reconnaître que c'est vrai, il est très sexy comme ça,
mon poussinet. Ce qui est rageant, quelque part, c'est qu'on ne
saurait pas dire pourquoi, au juste. Je ne crois pas que ce
soit, par exemple, le fantasme du skinhead qui joue, parce que ce
n'est vraiment pas son look — j'ai bien essayé de le persuader
d'essayer de porter treillis et rangers, mais il n'a pas voulu en
entendre parler… J'avais entendu la théorie que les cheveux
rasés font paraître plus jeune (ce qui est possible, mais je n'en suis
pas complètement convaincu non plus) parce qu'ils évoquent la tête
d'un bébé (là je n'y crois vraiment pas, surtout quand on voit la
racine des poils).
Je suis un lève-tard (à tel point que mes heures de coucher et
lever ont tendance à se décaler progressivement sur la journée,
jusqu'à atteindre le point où ça devient vraiment ridicule, je me
ressaisis et je fais un effort, et ça recommence — c'est un
petit peu énervant). Mais je peine à comprendre pourquoi : pourquoi
est-ce que, au moment où je devrais me coucher, même si je me sens
vaguement fatigué, le lit n'a pas vraiment d'attrait pour moi, je
préférerais continuer à faire n'importe quelle connerie pour perdre
mon temps, alors que, le matin (enfin, matin, ce qui en tient
lieu), au contraire, je tiens tellement à rester au lit ?
Je viens seulement de faire le lien avec un autre phénomène, dont
j'avais pourtant conscience depuis longtemps : c'est que mon sommeil
n'est pas du tout homogène. Au début de la nuit (enfin, dans les
premières heures après mon coucher), mon sommeil est profond, mais
agité, et presque pénible : j'ai parfois du mal à m'endormir, mais
quand je le fais, c'est comme une masse, et si je me réveille, je suis
complètement assommé, j'ai les idées confuses, je titube si je me
lève, je fais des rêves qui tournent parfois à la panique, je suis un
peu somnambule, je transpire beaucoup, j'ai
des confusions nocturnes et des
crises d'angoisse. Bref, tout cela n'est pas très plaisant. Pendant
la fin de mon sommeil, en revanche, dormir devient un vrai plaisir :
je fais rêve sur rêve, et ce sont des rêves généralement agréables,
où j'explore de vastes labyrinthes,
j'accomplis des quêtes cosmiques, je vole, je suis magicien, et,
globalement, je m'amuse beaucoup.
Si je suis réveillé, je peux continuer mon rêve de façon
semi-consciente, en le modelant pour qu'il me plaise encore plus, et
cela m'aide à tomber dans un autre rêve qui me plaise. Bref, tout
cela est un grand plaisir, et j'ai généralement envie d'en profiter le
plus possible.
Dit comme ça, le lien est complètement évident, et je ne comprends
pas qu'il ait pu m'échapper aussi longtemps : cela explique de façon
tout à fait claire pourquoi je n'aime pas me coucher mais que je
n'aime pas non plus me lever.
Or cette différence entre le début et la fin du sommeil ne m'est
certainement pas particulière : il me semble qu'il est bien établi
qu'on fait beaucoup plus de rêves agréables, qu'on a beaucoup plus
de sommeil
paradoxal vers la fin de la nuit. Évidemment, ce n'est pas très
rationnel de vouloir se coucher plus tard (je ne vais pas éviter les
périodes de sommeil profond et un peu désagréable, au mieux les
repousser), et je suppose que tout le monde a toujours un peu envie de
se lever plus tard, mais j'ai quand même du mal à comprendre les
lève-tôt. Est-ce que leurs rêves sont moins intéressants ?
Je prends le temps, parmi les mille et une choses qui réclament
urgemment mon attention au retour de vacances, pour raconter un peu
comment celles-ci se sont passées. Sans ordre ni logique,
cependant :
Neuf jours, ce n'est vraiment pas assez pour visiter correctement
Berlin. En tout cas, pas si on se lève tous les jours à
midi. Ou pas si on ne veut pas visiter les musées
au pas de course. Ou pas si on aime bien se promener à pied, mais que
les pieds, au bout d'un moment, estiment qu'ils ont assez marché. Du
coup, mon poussinet et moi avons tiré un trait sur plein de choses
habituellement jugées indispensables : le musée du Pergamon (enfin, ça
c'était en partie à cause d'une confusion sur ses horaires), le
chateau de Charlottenburg, et Potsdam (ce n'est pas à Berlin, bien
sûr, mais on aurait certainement pu penser à y aller). Et
certainement plein d'autres choses. On a quand même vu un certain
nombre de musées : le musée de la RDA, le musée du mur,
le deutsches historisches Museum (l'idée
étant que tant qu'à venir à Berlin, autant voir des musées qui parlent
de Berlin et de l'Allemagne, plutôt que des antiquités grecques ou
étrusques, aussi remarquables fussent-elles) ; le musée allemand des
techniques (où mon poussinet a pu regarder plein de porno pour
poussinet, c'est-à-dire des trains) ; et
le schwules Museum
(schwul=pédé ; more
about that later).
Plutôt que visiter des musées, nous avons préféré nous promener et
prendre la température des quartiers. Plusieurs choses m'ont frappé :
essentiellement, combien la capitale allemande est étendue, peu dense,
et surtout inégalement animée. La plupart des villes que je connais,
et certainement Paris, ont une structure un peu en oignon, avec des
quartiers centraux très denses, et des couches concentriques de moins
en moins peuplées et fréquentées, couches qui sont, sinon circulaires,
du moins plus ou moins convexes. Berlin n'est pas du tout comme ça :
on peut être à deux pas d'un endroit très animé
(comme Alexanderplatz,
la Potsdamer
Platz ou
le Kurfürstendamm,
et avoir l'impression d'être dans une banlieue très lointaine, avec
des terrains vagues et quasiment personne dans les rues — et
encore deux pas plus loin, on peut revenir dans un endroit très
vivant. C'est très déroutant quand on essaie, comme moi, de se faire
une idée du visage de la ville en marchant un peu au hasard dans les
directions qui ont l'air sympa : en voulant aller au Kurfürstendamm
(la rue commerçante la plus célèbre de Berlin-Ouest) nous avons
commencé par passer par la Kurfürstenstraße qui (comme son nom peut le
laisser penser) est immédiatement adjacente, et nous nous disions que
nous nous étions forcément trompés, qu'on était au milieu de nulle
part, que ça ne pouvait pas être par là.
Nous logions à Berlin-Est, à deux pas de
la célèbre
tour de télé (où nous ne sommes pas montés) et de
la non
moins célèbre Alexanderplatz (que nous avons traversée dans tous
les sens). Je dis Berlin-Est, parce que j'ai l'impression que
la division de la ville pendant trente ans explique en partie le
phénomène que j'évoque ci-dessus que les quartiers animés ne sont pas
adjacents les uns avec les autres ; ceci dit, c'est loin de tout
expliquer, d'une part parce que Berlin a de toute façon changé depuis
1989 (il faut vraiment consulter une carte pour savoir où le mur
pouvait passer) et d'autre part parce qu'on a cette impression qu'il
n'y avait vraiment rien à Berlin-Ouest tant la majorité des choses
intéressantes semble être à l'Est.
Notre hôtel
était dans le genre plutôt luxueux (et à la limite de nos moyens, en
fait, mais c'était un peu notre
voyage de PACS,
et nous avions un peu d'aide de papa-maman ; et en fait, globalement,
à Berlin, les prix ne sont vraiment pas chers par rapport à ce qu'ils
seraient dans d'autres grandes capitales) : il est situé à
l'emplacement de
l'ancien hôtel
emblématique de la RDA, sur une rue portant le nom
d'un socialiste
suffisamment consensuel pour ne pas avoir été débaptisée. Le
gadget de l'hôtel, maintenant, c'était un aquarium de 1000m³ dans le
lobby, où circulent plein de poissons exotiques très jolis, et que
plein de touristes viennent admirer (les visiteurs circulent dans un
ascenseur à l'intérieur de l'aquarium, qui est en forme de double
cylindre, alors que les clients de l'hôtel le voient de
l'extérieur). [Ajout () :
Douze ans plus tard, cet
aquarium vient
d'exploser.]
Pour la téléphonie mobile, nous avons pris des cartes prépayées
(+pack Internet) chez l'opérateur (nouveau
venu) O2,
et donc eu pendant dix jours des numéros allemands, de façon à pouvoir
bénéficier du confort « Internet (surtout Wikipédia et Google Maps)
vraiment partout dans la poche » auquel nous sommes devenus
complètement accros, sans avoir à payer les tarifs scandaleusement
exorbitants que les opérateurs de téléphonie mobile pratiquent pour ls
connexions de donnée en roaming (on en est au
point où ne serait-ce que pour deux jours à l'étranger il me semble
globalement avantageux de prendre une carte prépayée). Notre première
idée avait été d'aller voir chez T-Mobile, mais leur
offre était vraiment pourrie (celle qui semblait la plus intéressante
pour nous était, en fait, une carte SIM pour clé
3G, et le vendeur m'a soutenu obstinément qu'elle ne permettait pas de
faire des appels vocaux — ce qui est complètement faux —
et en plus il leur a fallu quelque chose comme douze heures pour
activer la ligne). Sinon, de façon générale, pour les informations à
ce sujet pour les gens qui voyagent n'importe où dans le monde, je
transmets le conseil qu'on m'a donné de
consulter ce site, qui est
tout à fait excellent. (Ah, et pour ce qui est d'avoir accès aux
cartes de ville avant ou à défaut d'avoir une connexion de données, on
m'a signalé le
programme MapDroyd pour
Android, qui semble bien utile.)
Les transports en commun berlinois sont pratiques et rapides, mais
la clarté des indications laisse parfois franchement à désirer : la
distinction entre S-Bahn et U-Bahn est un
peu gratuite (comme celle entre RER/Transilien et
Métro à Paris), d'autant que les S-Bahn sont parfois
souterrains et les U-Bahn parfois aériens, les lignes
sont numérotées dans deux séries de chiffres qui se recoupent, et le
fléchage pour passer d'un réseau à l'autre dans les stations n'est pas
hyper évident.
Les rues sont (parfois ? toujours ?) numérotées différemment d'en
France, les numéros étant consécutifs d'un côté de la rue, et
repartent ensuite dans l'autre sens de l'autre côté.
On peut vraiment manger pour pas cher à Berlin. Le plat
emblématique de la ville est
le Currywurst
(une saucisse à la sauce au curry ;
éventuellement mit Pommes, c'est-à-dire,
avec des frites), ce n'est pas mauvais mais je m'en lasserais vite ;
par contre, un truc qui présente à la fois une grande variété et un
excellent rapport qualité-prix, ce sont les traiteurs asiatiques sur
le mode du fast-food, notamment les Asia Gourmet (c'est
une chaîne internationale, mais il n'y en a pas à Paris, que je
sache). Pour un truc un peu plus allemand, il y a plein d'endroits où
on peut manger des assiettes de salades certainement plus diététiques
que le Currywurst, et à des prix également imbattables.
Là où les restaurateurs rattrapent le prix très bas du manger,
c'est sur les boissons. Et vraiment le truc que je n'aime
pas du tout avec l'Allemagne, c'est qu'il est en gros impossible dans
un restaurant de demander une carafe d'eau (du robinet, je veux
dire : Leitungswasser
ou Hahnenwasser en allemand) : pas que nous ayons
vraiment essayé, mais c'est évident que personne n'en prend. On en
vient à se demander si les Allemands sont au courant que ce qui
circule dans les canalisations d'eau est potable. En recherchant sur
Internet plus de précisions sur cette question, je suis tombé
sur ce post du blog (en
allemand) d'un Allemand expatrié en Suisse, où on apprend
notamment que même en Suisse allémanique la situation est bien
différente. (J'ai aussi bookmarké quelques pages de discussion qui
montrent que les Allemands n'ont pas l'air de savoir, ou pas l'air
d'accord entre eux à ce sujet, si c'est correct de demander de l'eau
du robinet au
restaurant : celui-ci, celui-là,
et
aussi cette
page de conseils, semblent plutôt dire que oui, mais avec
énormément de réserve.)
Les Berlinois ont l'air de consommer pas mal de cafés et chocolats
glacés (Eiskaffee et Eisschokolade), qui ressemblent un peu, mais pas
tout à fait, à un mélange entre les cafés et chocolats liégeois, et
les cafés frappés, qu'on trouve en France. En tout cas, ça m'a bien
plu. Sinon, nous avons mangé pas mal (et ramené quelques paquets)
de Gummibärchen,
surtout que j'ai appris par un numéro
de Karambolage
(j'ai déjà dit que j'étais fan de Karambolage ?) que les
oursons Haribo qu'on achète en France ne sont que de très pâles
imitations des vrais que l'on trouve en Allemagne.
Je n'ai pas compris si les cartes bancaires allemandes sont
maintenant avec puce, et si oui si le système de puce est compatible
avec le système français : en tout cas, je n'ai payé que deux-trois
fois avec ma carte bancaire (en France je paie quasiment tout comme
ça), parce qu'une fois on m'a demandé mon code et une
signature, et les autres fois une signature — je trouve ça
pénible, alors je me suis rabattu sur les espèces. J'ai aussi
l'impression qu'il y a moins de distributeurs de billets à Berlin qu'à
Paris (et ils ne donnent pas de ticket, ce qui est gravement pénible),
et ils ont l'air plus uniformisés derrière le
logo EC
(electronic cash) qu'en France derrière la Carte Bleue ou Visa,
mais bon, je ne comprends de toute
façon rien au système bancaire et aux relations entre tous ces
sigles et organismes.
Nous avons cherché le ou les quartier(s) gay à Berlin. Il y en a
un qui est facile à trouver, et hautement visible, et très sympa, il
est situé à Schöneberg aux alentours
de Nollendorfplatz.
Il semblerait qu'il y ait aussi des choses
à Prenzlauer
Berg, mais on n'a pas trouvé grand-chose en errant au hasard, et
les rares choses qu'on a effectivement trouvées étaient désespérément
désertes. Même
remarque du
côté de Kreuzberg, où on a quand même pu visiter
le Schwules
Museum, un musée consacrée à l'homosexualité en Allemagne
(essentiellement, le très long combat pour obtenir l'abolition du §175
du code pénal prussien) et à des expositions thématiques — dont
une en ce moment consacré
à Ralf
König, duquel je suis complètement et inconditionnellement fan, ça
tombe bien.
Parmi les choses particulières que nous avons visitées, faites ou
vues :
Le toit du Bundestag. Il y a un restaurant au sommet (très cher,
mais carrément bon), où mon poussinet m'a invité pour mon
anniversaire, et qui offre l'avantage d'éviter la queue pour monter au
toit (les gens qui ont une réservation montent avec les handicapés, en
fait, en priorité sur tout le monde). La coupole est assez
spectaculaire, pas seulement par la vue qu'elle offre sur la ville,
mais aussi par son architecture en elle-même ; et on peut voir
directement, en bas, la salle plénière du parlement. Soit dit en
passant, les bâtiments de la chancellerie, juste en face du Bundestag,
ont l'air très intéressants aussi, mais malheureusement ils ne se
visitent pas (à moins d'avoir un contact avec Mme Merkel ?…
sinon, ils faisaient une journée porte ouverte, mais c'était après
notre départ).
La gare centrale (Hauptbahnhof). Elle est toute nouvelle, et
organisée de façon assez originale (en forme de croix, mais les voies
nord-sud sont en sous-sol, mais les voies est-ouest sont carrément au
2e étage), avec une architecture moderne et vraiment
intéressante, un toit tout en verre et d'immenses espaces à
l'intérieur qui donnent un peu le vertige.
Le Sony dome, une sorte de gigantesque
chapiteau de cirque, à deux pas de la Potsdamer Platz, qui abrite un
certain nombre de restaurants et brasseries, des cinémas, boutiques,
etc., et qui la nuit est éclairé de couleurs changeantes.
L'ancien aéroport
de Tempelhof,
qui est maintenant abandonné comme aéroport, et complètement désert,
mais, bizarrement, les bâtiments ne sont pas tout fermés. (Il doit
encore vaguement servir de lieu pour des tournages ou des réunions ou
quelque chose comme ça. Pendant que nous y sommes passés, il y avait
le tournage d'une sorte de clip, ou de scène de film, sur le tarmac.)
Moi je trouvais ça un peu creepy (voire carrément
effrayant), en fait, un bâtiment aussi gigantesque et tout vide, donc
je n'ai pas osé trop m'aventurer dedans, mais mon poussinet est allé
faire de l'exploration urbaine, et a réussi à entrer dans l'ancien
hall des départs par une porte inexplicablement laissée ouverte.
Le Tiergarten, où il est agréable de se promener.
Malheureusement, la colonne de la victoire
(Siegessäule), qui est au centre, était
fermée pour rénovation, donc nous n'avons pas pu y monter. Et nous
sommes allés voir le zoo lui-même, mais il n'est pas vraiment
passionnant (d'ailleurs, c'est toujours un peu tristounet, un zoo, les
animaux ont l'air d'avoir si peu de place…) ; la chose la plus
intéressante, j'ai trouvé que c'était les hippopotames, parce qu'ils
se sont arrangés pour qu'on puisse bien les voir sous l'eau en même
temps qu'en-dehors.
Dans le quartier homo près de Nollendorfplatz : un « supermarché
homo » (c'est-à-dire essentiellement une
librairie) Bruno's
(comme Bruno
Gmünder), un café d'où on
peut regarder les jolis garçons
passer, plusieurs bars dont un avec backroom (mais la clientèle
n'était pas super intéressante), un magasin de surplus militaire qui
assumait ouvertement le côté fétichiste…
Le
quartier Hackescher
Markt, tout près de notre hôtel, est très intéressant pour la
nourriture. Il y a notamment les Hackescher Höfe, un système de
petites cours intérieures qui communiquent entre elles, et qui sont
jolies à visiter.
Le KaDeWe (Kaufhaus des Westens
= supermarché de l'Ouest), une copie conforme des galeries
Lafayette, mais à l'architecture plus labyrinthique, le temple de la
consommation où, paraît-il, les allemands de l'Est avant 1989 rêvaient
d'aller. Globalement, tout le quartier (de Berlin-Ouest, donc) entre
là et le Kurfürstendamm est très commerçant au
sens corporate, par opposition à d'autres
quartiers commerçants qui ont beaucoup plus de petits commerces.
Il faut que je fasse une mention spéciale d'un adorable petit
café-restaurant
situé sur
la Knesebeckstraße (côté est), appelé Cafe Bistro, où
la cuisine était aussi délicieuse qu'inventive, et pas chère du tout.
(Par contre, la carte était manuscrite, et remplie de termes que je
n'arrivais ni à déchiffrer ni à décoder, donc on a plus ou moins
commandé au hasard.)
Comme je le craignais, mon allemand est pas mal parti aux
oubliettes. Déjà traduire pour mon poussinet les panneaux explicatifs
dans les musées était hautement laborieux, comprendre ce que les gens
disaient l'était encore plus. (Notamment, j'ai eu une expérience
déplaisante dans une boutique T-Mobile, pour essayer de
faire comprendre que, oui, je voulais bien acheter une
carte SIM pour clé 3G pour mettre dans un téléphone
mobile, et que j'étais presque sûr que c'était normal et que ça
permettrait (contrairement aux affirmations du vendeur) de passer des
appels vocaux. Il faut dire que le vendeur ne faisait absolument
aucun effort ni pour se montrer aimable ni pour parler plus
distinctement voyant que je maîtrisais mal l'allemand.) Heureusement,
j'ai pu mettre sur mon téléphone un dictionnaire allemand↔anglais
très pratique pour Android (cherchez QuickDic German Dictionary
dans le marché), c'est beaucoup plus commode que de sortir à chaque
fois mon dictionnaire de mon sac et de trouver laborieusement le mot
dans l'ordre alphabétique. J'ai aussi (re)trouvé une motivation très
forte pour bosser mon allemand : c'est de lire les BD de
Ralf König en VO (j'y arrive, mais à grand renfort de
dictionnaire ; ceci dit, ça permet d'apprendre plein de mots cochons
très importants).
Décidément, je n'ai pas réussi à trouver moyen de contacter un
vrai Berlinois pour lier connaissance (et qui accepterait de jouer un
petit peu au guide touristique), malgré des tentatives pour exploiter
plusieurs sites qu'on m'avait conseillés,
essentiellement couchsurfing.org
(pour trouver des gens qui ont le goût de l'hospitalité)
et gayromeo.com (pour
rencontrer d'autres garçons qui aiment les garçons) ; en fait, un
problème c'est que les gens partent en vacances sans indiquer qu'ils
sont partis, et qu'à la fin on en a un peu marre de contacter les gens
un par uns pour s'entendre répondre qu'ils ne sont pas là — et
si on essaie de passer des annonces collectives, personne ne les lit.
Peut-être que je m'y suis mal pris. Bref, le seul Berlinois avec
lequel on a pu converser quelques minutes, c'est un garçon rencontré
dans un bar gay : comme j'étais en train de baver devant lui et qu'il
était visiblement tout seul, mon poussinet m'a exhorté à aller lui
parler, puis, comme j'étais trop timide pour ça, il est allé le voir
et lui a expliqué que son copain (moi, quoi) le trouvait très mignon
mais n'osait pas lui parler ; bon, le garçon en question (qui se
prénommait Jan) a répondu que je n'étais pas son type (à cause
des cheveux longs, bien sûr), et
par ailleurs il n'était seul que parce qu'il attendait un rencart qui
se faisait attendre — mais ça nous a au moins permis de discuter
un tout petit peu. (Sinon, les trois autres personnes avec qui on a
vraiment bavardé, pendant ce voyage, étaient des
Américains…)
Dans l'ensemble, je crois que je trouve les Allemands plus mignons
que les Français (le poussinet et moi ne manquons pas de nous signaler
l'un à l'autre les jolis garçons que nous croisons, et là ça
n'arrêtait pas, à tel point qu'on a décidé de relever un peu les
exigences sur ce qui mérite d'être signalé, pour ne pas interrompre
tout le temps notre conversation avec nos petits codes). C'est
peut-être simplement un effet du dépaysement (j'ai l'impression qu'à
chaque fois que je me déplace ça me fait un peu cet effet, et je doute
que les Parisiens soient le sommet de la laideur terrestre) ou de la
proverbiale herbe plus verte de l'autre côté du proverbial Rhin. Ou
c'est peut-être que j'ai effectivement une préférence, certes pas
exclusive, pour
les blondinous
aux yeux bleus (je pensais que c'était un peu un mythe que les
Allemands
sont blonds
aux yeux
bleus, mais, de fait, alors qu'en France il est très rare que je
croise des gens plus blonds que moi, à Berlin j'en ai vu un certain
nombre). Peut-être que l'an prochain le poussinet et moi irons
vérifier cette hypothèse du côté de Stockholm.
Les corneilles berlinoises ne sont pas comme les corneilles
parisiennes : elles ont le dos gris (mais la tête noire) alors que les
corneilles parisiennes sont toutes noires. Il doit s'agir
de Corvus
corone à Paris et
de Corvus
cornix à Berlin. Par ailleurs, toujours au rayon de
l'ornithologie, il y a beaucoup moins de pigeons
(Columba
livia) à Berlin qu'à Paris.
Ah, et il faut bien que je finisse en parlant des trains : on a
fait le voyage, dans un train de la Deutsche Bahn, en compartiment de
luxe (c'est-à-dire avec WC et douche dans la chambre).
Même si je dors très mal dans les trains quoi qu'on fasse, c'est une
expérience intéressante (certes un peu onéreuse, mais pas tant que ça
quand on compte qu'elle comprend une nuit d'hôtel). Mais finalement,
ce qui est le plus agréable, c'est encore la voiture-restaurant :
parce que les trains de la Deutsche Bahn, ils ont une vraie
voiture-restaurant — même si on va commander soi-même, ensuite
on mange à une vraie table, assis sur des vraies chaises, et dans de
la vraie vaisselle, pas comme dans les voitures-bar
des TGV français. C'est aussi moins exorbitant au niveau
prix, d'ailleurs.
Voilà, j'oublie certainement encore plein de choses que je pourrais
raconter, mais ça commence à faire assez long comme ça. Il y a un tas
de photos (de très mauvaise qualité…) qui viendront
éventuellement plus tard.
Dans la série des livres pour enfants Monsieur
(Mr. Men
en VO) écrite par Roger Hargreaves, et qui me plaisait
beaucoup quand j'étais petit, mon poussinet m'a
offert M. Inquiet.
Les premières pages sont exactement une description de moi : Pauvre
monsieur Inquiet ! Il était continuellement, perpétuellement inquiet.
Quand il pleuvait, monsieur Inquiet se demandait s'il n'y avait pas de
fuites dans le toit de sa maison. Quand il ne pleuvait pas, monsieur
Inquiet se demandait si les fleurs n'allaient pas se faner. Quand il
partait faire ses commissions, il se demandait si ce n'était pas
l'heure de fermeture des magasins. Quand il trouvait les magasins
ouverts, il se demandait s'il aurait assez d'argent pour payer ses
achats. Quand il rentrait chez lui, il se demandait s'il n'avait pas
oublié quelque chose. Ou s'il n'avait pas perdu quelque chose en
chemin. Quand il avait vérifié qu'il n'avait rien oublié et qu'il
n'avait rien perdu, il se demandait s'il n'avait pas acheté trop de
choses. Et puis il se demandait où il allait ranger toutes ses
provisions. Il n'en finissait pas de s'inquiéter. Pauvre monsieur
Inquiet ! C'est tout moi (même
si je me serais plutôt appelé M. Anxieux que M. Inquiet).
Mais, dans le livre, M. Inquiet rencontre un gentil magicien qui
lui épargne tout un tas de tracas. Si c'est prophétique, voilà une
bonne nouvelle, mais, tout de même, cela m'inquiète : et si le
magicien ne me reconnaît pas ? Et si je le rate parce je n'ai pas
pris le bon chemin ? Comment savoir ?
Un des problèmes avec les clichés, c'est qu'on marche souvent sur
des œufs quand on veut les combattre : d'une part, parce qu'on
est obligé de leur donner voix pour les combattre (et donc de
s'entendre répondre : ah mais non, personne ne croit ça ! ce n'est pas
ça du tout !), d'autre part parce qu'un cliché fait souvent référence
à d'autres clichés (et eux-mêmes, et ainsi de suite en s'insérant dans
toute une Weltanschauung d'idées reçues), enfin simplement
parce que la seconde loi de Newton prévoit qu'à tout cliché il
correspond un contre-cliché qui n'est pas forcément plus reluisant ou
plus correct. (Heureusement et hélas, la réalité est tout en
nuances ; et une nuance subtile, ce n'est pas la hache bénie +3 qu'on
voudrait pour démolir les clichés et enfoncer les portes
ouvertes.)
Prenons l'idée suivante : les hommes homosexuels sont souvent
efféminés. S'il y a un préjugé véhiculé par la société, une forme
d'homophobie, qui m'a gêné dans la construction de mon identité, qui
m'a blessé profondément, et je me
répète en le disant, c'est bien celle-là. (Je ne dis pas que
l'idée l'homosexualité est une abomination ne m'aurait pas plus
blessé, évidemment !, mais j'ai eu la chance de grandir dans un
environnement extrêmement protégé contre une haine frontale.) J'ai su
relativement tôt que j'étais attiré par les garçons (vers 13 ans, je
sais qu'il y a des gens qui s'en rendent compte beaucoup plus jeunes
— mais il y en a aussi qui le découvrent très tard), et je n'ai
pas spécialement eu de réticence à me l'admettre : mais
l'identification de cette attirance avec
l'étiquette homosexualité a été beaucoup moins évidente parce
que l'idée qu'on me présentait de cette étiquette (un on
indistinct qui désigne la socété encore à la fin des années '80, je
suppose) était quelque chose comme le rôle de Michel Serrault
dans La Cage aux folles, quelque chose avec quoi je
n'arrivais pas du tout à m'identifier. Jamais je n'aurais eu l'idée
de porter une robe ou de jouer à la poupée. Et si je me masturbais en
regardant des icônes de masculinité qu'on pouvait trouver dans les
magazines pour ado que je lisais, j'étais trop innocent pour
m'imaginer faire l'amour avec eux — je fantasmais plutôt sur le
fait d'être eux. Mais je digresse.
Pour revenir à ce cliché, le problème est qu'à vouloir le
combattre, on s'expose à autant de chausse-trapes qu'il y a de
réponses évidentes au cri du cœur mais ce n'est pas vrai du
tout ! — par exemple, à se faire qualifier de misogyne
(c'est vrai, c'est quoi le problème, à être efféminé ?),
« follophobe », voire transphobe… On s'expose à présenter une
vision de la masculinité pas moins caricaturale que la vision de
l'homosexualité qu'on veut dénoncer (et à être très embarrassé, en
fait, pour répondre à la question : c'est quoi, au juste, être
efféminé ? et le contraire ?). On s'expose à ouvrir la porte à
plein d'autres clichés (du style : d'abord, il y
a plein d'homos dans l'armée
— ah, et depuis quand est-ce que l'armée est la
négation de la féminité ? merci pour les femmes militaires). Soit
dit en passant, pour une définition de la masculinité qui dépasse un
peu les clichés pour arriver au stade ô combien exigeant de la nuance
et de la subtilité, je recommande la lecture de l'excellent livre
d'Élisabeth Badinter, XY —
de l'identité masculine.
Pour continuer à rabâcher les choses que j'ai déjà
dites cent fois, ma théorie est
que le cliché en question est un biais d'observation : à la fois du
fait qu'on identifie plus facilement quelqu'un comme homo quand
justement il se conforme à ce cliché, et inversement qu'il soit plus
difficile de s'assumer ouvertement comme homo quand on ne s'y conforme
pas du tout (là aussi, insérer d'évidents contre-clichés sur les mecs
de banlieue et les militaires qui n'assument pas). Plus, évidemment,
un effet d'émulation (pour les gens qui veulent s'afficher comme
manifestement homos, c'est plus évident de se conformer aux clichés
pré-établis), et l'effet des médias, notamment la présentation de
l'homosexualité au cinéma.
Ce n'est pas tellement le côté efféminé, en fait : c'est
surtout que le spectre des types, de codes de conduite ou
vestimentaires, sur lesquels on peut coller l'étiquette mec
homo est incroyablement réduit. En fait, à Paris, on a parfois
l'impression qu'il y en a exactement deux : le look branchouille style
je-m'habille-au-BHV-homme (qui serait le efféminé
du cliché précédent), et le look
clientèle-du-Cox
(tout le contraire de efféminé) ; certes, il y a des sous-types
et peut-être un ou deux cas hybrides (style
sportif-soigné-propre-sur-lui, ou
qui-essaie-de-se-faire-passer-pour-une-racaille-mais-sans-grand-succès),
mais ça reste ridiculement étroit. Le titre de cette entrée souligne
un point anecdotique, mais néanmoins illustratif : je n'ai jamais
rencontré (ni en réalité, ni même en fiction, d'ailleurs) un seul mec
ouvertement/ostensiblement homo, à part moi, qui ait les cheveux
longs.
La vérité derrière le fait que je dis tout ça, en faisant passer ça
pour de la socio vachement sophistiquée (mais mon lectorat n'est pas
dupe), est juste que je suis terriblement frustré.
Frustré, parce que les mecs de mes fantasmes vestimentaires — le
skater, le punk, le un-peu-goth-mais-pas-trop, ou d'ailleurs parfois
le look acheté au Vieux Campeur — ils ne rentrent
pas du tout dans ce spectre. Alors je ne vois jamais deux jolis
garçons au look urban grunge ou jah-jah se faire des bisous dans la
rue : ça me frustre. Et tant que je serai frustré comme ça, je prends
sur moi de m'habiller comme j'aimerais
le voir et de faire des bisous à mon poussinet dans la rue :
peut-être qu'à force, ça prendra. Et sinon, j'ai au moins la
satisfaction de faire quelque chose d'inhabituel.
Le poussinet et moi partirons dans deux semaines pour dix jours à
Berlin (du 2010-07-30 au 2010-08-09, en train évidemment,
CO2 et passion de
poussinet obligent). Je préviens en avance, comme ça, si
quelqu'un me
voit par hasard à Berlin, il pourra
m'identifier.
Je suis d'ailleurs déjà en train d'angoisser en me rendant compte
que mon niveau d'allemand a l'air d'être vraiment parti dans les
toilettes (et ce n'est pas comme le
ski, les langues, ça s'oublie vraiment) : du coup, j'essaie de me
persuader de faire une révision intensive. Bon, d'accord, les
Berlinois parlent certainement tous l'anglais, mais ce serait vraiment
trop la honte d'en arriver là. (Pour mon poussinet, le
problème est différent : il n'a jamais appris l'allemand, donc il n'a
pas de scrupule à avoir.)
Si quelqu'un a des suggestions de choses à voir (pas complètement
évidentes, i.e., pas déjà contenues dans tous les guides touristiques
imaginables), qu'il n'hésite pas à les donner en commentaire.
Sinon, je me disais : tiens, on pourrait essayer de profiter de ce
voyage pour faire des rencontres — essayer de mettre à profiter
le pouvoir censément extraordinaire de rassembler les gens des réseaux
sociaux, visagelivres et autres webforums en ligne, mettre une petite
annonce ou quelque chose comme ça de façon à trouver un(e)
Berlinois(e) avec qui nous pourrions sympathiser et qui serait prêt(e)
à nous faire un peu visiter la ville. Peut-être plutôt (mais pas
forcément) un homo d'à peu près nos âges, ou ayant d'autres points
communs avec nous. OK, l'idée est excellente, mais par
où commencer ? Sur le Web on trouve facilement des myriades de forums
désertés
(genre,
ça), le référencement d'un webforum par les moteurs de recherche
n'a pas l'air vraiment corrélé à sa fréquentation ou à sa vivacité :
je suis globalement peu convaincu par l'utilité du Web social pour
rencontrer des gens qu'on ne connaît pas déjà (sauf peut-être s'il
s'agissait d'un but explicitement matrimonial, ce qui n'est pas le
cas). Ah, peut-être
que ce
site Web est un bon point de départ.
(Ouais, c'est un peu con, c'est juste en même temps que
les Gay
Games à Cologne.)
Strasbourg était une des villes où
j'avais candidaté comme maître de
conférences il y a trois ans (argh, déjà ?), et qui m'avait fait
une impression très agréable. (J'aime les centre-villes piétonniers
et commerçants, pittoresques et ombragés, et c'est exactement ça.)
Comme mon poussinet est fou de
trains, c'était une destination tentante pour une escapade d'un
week-end par le TGV Est. Escapade un petit peu
contrariée par la chaleur insupportable (surtout samedi) et par
mes crises d'angoisse qui
continuent (moins intenses, mais pas vraiment moins fréquentes), mais
néanmoins fort plaisante.
Nous avons surtout bien mangé : samedi midi
à La Corde à
Linge, place
Benjamin Zix (filet de cabillaud et crumble aux amandes avec sauce
au Riesling, accompagné d'un peu de choucroute au goût presque sucré,
et en dessert un assortiment de glaces, notamment au yaourt et à la
violette, avec de la chantilly et des chamallows, ce n'était pas très
léger mais c'était un régal), samedi soir
au Caveau
Gurtlerhoft, place
de la Cathédrale (tarte aux oignons, poulet au Riesling et
Spätzle, que j'ai malheureusement eu du mal à finir parce qu'une crise
d'angoisse m'a noué l'estomac), et même dimanche midi dans un
restaurant (Le Pilier des
Anges, rue
mercière) qui de loin faisait un peu piège à touristes mais où
finalement j'ai mangé une bonne flammekueche pour pas cher. Comme le
poussinet et moi ne buvons pas d'alcool, on n'a pas profité des bières
d'Alsace, ni de ses vins (autrement qu'en sauce), mais c'était déjà
très intéressant.
Nous nous sommes aussi beaucoup promenés, sur la Grande Île et
en-dehors. Je n'avais encore jamais vu le bâtiment du parlement
européen, notamment, et je dois dire que c'est vraiment très
impressionnant :
les photos
ne rendent pas du tout compte à quel point ce bâtiment est colossal.
Je ne savais pas non plus que le siège du Conseil de l'Europe était
immédiatement à côté (juste de l'autre côté d'un de ces nombreux bras
de la rivière Ill qui sillonnent Strasbourg), ainsi que la Cour
européenne des Droits de l'Homme. Nous n'avons fait qu'admirer tout
ça de l'extérieur, bien sûr (je ne sais pas si le vulgum pecus
a le droit d'y mettre les pieds, mais de toute façon c'était un
dimanche, et d'ailleurs il n'y avait pas un chat en vue). Par contre,
quelque chose qu'on peut visiter à proximité, c'est
le parc
de l'Orangerie, un jardin à l'anglaise (qui m'a fait penser aux
Buttes-Chaumont à Paris ou, encore plus,
au Englischer Garten de Munich)
délicieusement aménagé
et vraiment
joli. Et nous avons pu y constater qu'il y a effectivement des
cigognes en Alsace, ce n'est pas une blague.
Dans le centre-ville, rien que de très classique : nous avons
visité
la cathédrale,
qui est frappante pas tellement par sa
hauteur[#] (même s'il paraît
qu'elle est restée l'édifice le plus haut du monde de l'achèvement de
sa flèche jusqu'en 1874) mais surtout par son aspect tout en dentelle
de pierre et presque labyrinthique ; j'ai vu la
fameuse horloge
astronomique que j'avais ratée la dernière fois, et nous avons
cherché à monter sur la plate-forme, mais j'ai eu le vertige donc le
poussinet y est allé seul. Nous avons aussi visité le musée
historique de la ville de Strasbourg, où on nous a fait la faveur de
nous laisser entrer gratuitement parce que nous sommes arrivés juste
avant la fermeture. Mais nous avons surtout marché au hasard dans les
petites rues piétonnes du centre-ville, et sur les berges de la
rivière. Et nous avons fait un pèlerinage au premier restaurant
MacDonald's ouvert en France
(en 1979,
il y a même une plaque pour le signaler).
Beaucoup de touristes allemands, ou en tout cas beaucoup plus qu'à
Paris et probablement plus que d'Américains, et tous les commerçants
avaient l'air de bien parler l'allemand. Nettement plus de supporters
de l'Espagne que des Pays-Bas en ce jour de la finale de la Coupe du
monde. Enfin, nous avons cherché sans succès des traces d'une vie gay
strasbourgeoise.
(À part ça, c'est mon poussinet qui a pris les photos, je
rajouterai peut-être un lien vers son album Picasa s'il les met en
ligne.)
[#] L'hôtel où nous
logions (L'Hôtel de
l'Europe, rue
du Fossé des Tanneurs, on peut difficilement faire plus central,
et je le recommande au passage), a d'ailleurs dans son lobby une
réplique de la cathédrale, faite dans la même pierre, qui est
intéressante à voir en elle-même.
Je suis d'un naturel anxieux. Maladivement anxieux, même : la
moindre contrariété, la moindre mauvaise nouvelle, me mettent dans un
état d'agitation tel que je peux en perdre le sommeil (surtout si la
contrariété arrive le soir, ou si j'attends quelque chose d'angoissant
pour le lendemain). Ajoutez à cela que je
suis notoirement hypocondriaque :
j'ai fait par le passé des crises de tachycardie nocturnes qui se
sont, après examen, avérées être uniquement dues à l'angoisse, et qui
ont quasiment complètement disparu maintenant que j'ai dérangé un
cardiologue pour être convaincu que mon cœur était en bonne
santé ; je me réveille parfois en sursaut panique (la cause la plus
fréquente étant simplement que je m'endors sur un de mes bras et que
l'engourdissement finit par percer mon sommeil) ; il suffit qu'un
médecin me prenne la tension pour que celle-ci (qui est de base autour
de 115\70mmHg) monte à un point qu'on me demande si je fais de
l'hypertension. Même mon cardiologue a été impressionné par mon
niveau d'anxiété.
Malgré cela (et malgré ma tendance à me plaindre au sujet de mon
sommeil), en général, je ne dors pas du tout mal : notamment, quand je
n'ai pas de raison de mettre un
réveil pour le lendemain, et que je n'ai pas de souci immédiat, je
m'endors plutôt sans problème. Et je n'avais jamais fait de réelle
crise d'angoisse, le genre qui tourne à la panique, jusqu'à
maintenant. Mais depuis dix jours, j'en ai fait plusieurs, plus ou
moins aiguës.
Je ne sais pas pourquoi ça me prend maintenant. J'ai fait passer
ces dernières deux semaines, comme les trois
années précédentes, des oraux
(de TIPE) pour le concours des ENS, ce
qui est à la fois fatigant et stressant, mais ce n'est pas la première
fois, justement, et je ne vois pas ce qu'il y aurait de différent
cette année. Il est aussi vrai qu'il y a des soucis dans notre
appartement (un volet coincé et,
surtout, une fuite d'eau chez les voisins d'au-dessus dont le syndic
ne trouve pas bien la source), et dernièrement que mon père a un
problème de santé. Tout ceci doit peut-être jouer.
Vendredi (), j'ai eu la première crise, la plus forte.
J'étais en train de déjeuner dans un restaurant avec un collègue et
j'ai commencé à me sentir mal : j'ai eu un moment d'étourdissement ou
de vertige passager, et aussi une sensation d'engourdissement dans la
main droite (de l'auriculaire au poignet). Au début je me suis dit
que ce n'était rien, mais ça s'est reproduit plusieurs fois, de plus
en plus fort : à un moment j'ai eu une sensation de froid glacial dans
tout le corps et l'impression d'étouffer, et même quand c'est passé
j'avais l'estomac complètement noué et je ne pouvais plus rien avaler,
et l'impression d'avoir la main engourdie était de plus en plus forte.
Je me suis dit qu'en marchant ça irait peut-être mieux, alors nous
avons quitté le restaurant, mais mon oppression a plutôt empiré, et en
plus j'avais l'impression d'avoir la bouche complètement sèche. J'ai
fini par faire appeler les pompiers (et par me faire remplacer au
concours).
Les pompiers ont été laissés perplexes par les symptômes (ils ne
sont pas médecins, bien sûr, ils ont une sorte de grand cahier avec
plein de conditions « si symptôme + symptôme + symptôme alors faire
ceci »). Ils m'ont mis sous O2 et, après consultation avec
leur médecin, emmené aux urgences de Cochin. Quand j'étais allongé
dans le véhicule des pompiers je me suis mis à aller un peu mieux,
sauf un moment où j'ai eu une douleur terrible à l'arrière de la tête,
comme si elle allait exploser, mais qui est passée en quelques
minutes.
Aux urgences, évidemment, j'ai attendu très longtemps avant de voir
quelqu'un, et pendant ce temps ça allait mieux, sauf pour la sensation
de bouche sèche et l'engourdissement dans la main droite (et un peu la
gauche aussi). Un externe m'a fait un examen neurologique
(c'est-à-dire en gros il passe un crayon sur le chemin de différents
nerfs à gauche et à droite du corps et demande si on ressent la même
chose), complètement normal. Puis j'ai vu (très brièvement) le
médecin en charge, qui m'a expliqué qu'ils pensaient en gros que
c'était une crise d'angoisse aiguë et que mes symptômes n'étaient pas
bien inquiétants, sauf peut-être l'engourdissement à la main et la
douleur à la tête quand j'étais avec les pompiers : à cause de ça, ils
m'ont fait passer un scanner et un ECG pour être sûrs.
Les deux étaient complètement normaux, donc on m'a relâché, en me
conseillant quand même de consulter un neurologue mais pas de façon
urgente. (Sur le compte-rendu hospitalier ils ont
marqué : hypothèses : épilepsie partielle ou crise d'angoisse
aiguë.)
La nuit qui a suivi, j'ai très mal dormi. Les suivantes, ça
allait, mais je me suis quand même réveillé à chaque fois dans les
deux heures suivant mon coucher avec une sensation de fourmillement
dans le bras droit et la main (plutôt du côté de l'annulaire cette
fois). Le jour, pas de problème. Il faut dire que j'avais trois
jours de pause au milieu des oraux (dimanche, lundi, mardi).
La nuit de mardi () à mercredi () a été
vraiment horrible : j'ai eu beau me coucher à 22h pour me lever à 7h,
j'ai dormi à peine cinq heures, en me réveillant sans arrêt en
panique, sans raison précise, juste avec une impression de nervosité
extrême. J'avais aussi des spasmes un peu partout, surtout dans le
biceps droit. Enfin, j'ai réussi à atteindre un sommeil à peu près
convenable vers 6h du matin, mais à cause du réveil il n'a vraiment
pas duré longtemps.
Du coup, mercredi, j'étais dans un sale état ; le matin, j'ai
encore à peu près tenu le coup, mais j'étais complètement zombie, à la
fois mort de fatigue et hyper-tendu (comme si je n'avais pas dormi
depuis quatre jours et que j'avais pris douze tasses de café pour me
tenir éveillé), et le midi j'ai eu du mal à avaler quoi que ce soit
parce que j'avais l'estomac complètement noué. De nouveau, j'ai dû
demander à être remplacé, et je suis allé à l'infirmerie de
l'ENS (cette fois j'avais quand même compris qu'il ne
fallait pas déranger les pompiers). Là, j'ai pu me détendre un peu,
et l'infirmière m'a recommandé un médecin (qui, de surcroît, a
l'habitude des normaliens).
Le médecin avait l'air de bien comprendre ce genre de symptômes, et
de bien connaître les gens angoissés comme moi, il m'a dit que je
devais être surmené ; il m'a prescrit de
l'Atarax et des
placébos (Euphytose, magnésium), une prise de sang pour vérifier que
je n'ai pas de problème à la thyroïde, et surtout de me reposer.
Depuis, les oraux sont finis, mais j'ai encore fait deux ou trois
petites crises (essentiellement la nuit), moins importantes, mais
pendant lesquelles je me sens tout agité et tout tremblant (sans pour
autant être capable de trouver raison précise à mon angoisse), parfois
avec de petits spasmes et globalement un état qui correspond assez
bien à la description de certains sympômes mineurs faite
dans cet
article
ou celui-ci ;
donc, même à mon niveau d'hypocondrie, j'arrive à peu près à me
convaincre que je ne souffre pas d'un problème réellement médical
(neurologique, par exemple), et j'imagine que je vais finir par faire
disparaître ces crises comme j'ai fait disparaître celles de
tachycardie. En attendant, ça reste assez gênant.
Dans la série Les petits tracas de la vie qui ont le don de
m'énerver au plus haut point, le volet roulant de la
porte-fenêtre de mon salon ne descend plus : la partie droite descend
correctement, mais la partie gauche bloque au bout d'une dizaine de
centimètres quand on tourne la manivelle. Comme le guide n'a pas
l'air de bloquer, j'imagine que le problème vient d'une lame vrillée
(et mes efforts pour insister n'ont pas dû améliorer les choses).
Le problème est surtout que d'accéder à ce truc pour le réparer
doit être une horreur. Dans le meilleur des cas, il va
falloir déplacer la moitié des meubles de l'appartement, ouvrir le
caisson contenant le store (et mettre en ce faisant une poussière
noire partout), et décoincer la lame. Dans un cas un peu moins
meilleur, il va falloir le changer — ce n'est pas le prix qui me
chagrine mais la quantité d'emmerdes qui va avec une telle opération.
(Question subsidiaire, comment on trouve quelqu'un qui ne soit pas un
escroc ? Je n'ai jamais réussi à résoudre ce problème pour les
plombiers, alors j'imagine que pour les réparateurs de volets roulants
ce n'est pas mieux.) Quant au pire cas,
on essaie
de ne pas y penser.
En attendant, j'ai plein de bestioles qui rentrent dans
l'appartement. (La porte-fenêtre est entrouverte pour laisser passer
le câble entre les deux blocs de clim.)
Le contexte : nous nous apprêtons à aller chez des amis pour un
apéro dinatoire où chacun est censé apporter quelque chose à manger
(surtout sans se concerter entre nous, c'est plus rigolo). Comme
d'habitude, nous nous y sommes pris à la dernière minute, donc nous
voilà chez Tang frères (ouvert le dimanche) en train de
chercher ce qu'on pourrait bien apporter.
Poussinet
Oh, une pastèque ! Si on prenait une
pastèque ?
Ruxor
Mais non, c'est ridicule, voyons. Ça fait beaucoup
trop, et d'ailleurs… Oh, des physalis ! Si on prenait des
physalis ?
Poussinet
Mais on ne les mangera jamais. Tiens, si on
prenait un durion ?
Ruxor
C'est une blague, j'espère ?… Oh, des
boissons aux goûts rigolo… tiens, on va prendre de la boisson à
l'aloe vera… j'en prends une grosse bouteille ?
Poussinet
Tiens, prends une canette de jus de grenade, et
peut-être un jus de tamarin. Oh, et une canette de jus de coco,
aussi. Tu regardes quoi ?
Ruxor
Il me semble qu'il y avait des choses intéressantes
dans les biscuits apéritif.
Poussinet
Tu ne crois pas qu'on a déjà assez de choses,
comme ça ? On devrait s'en tenir là… Oh, du beef jerky !
Prenons du beef jerky !
…Et ainsi de suite. Chacun de nous n'en fait qu'à sa guise,
prend n'importe quoi sur un coup de tête, et se moque des coups de
tête de l'autre. Globalement, les choses se passent mieux quand je
fais les courses tout seul… enfin, se passent mieux pour
moi.
Je fais collection de sphères. (Il se trouve que ma collection est
actuellement réduite à zéro éléments : en bon mathématicien, je n'ai
peur ni du nombre zéro ni de l'ensemble vide, donc je n'hésite pas à
appeler quand même ça une collection : si je trouvais une
sphère qui me plaise, je n'hésiterais pas à l'ajouter à ma
collection.) Je veux dire, d'objets à symétrie
sphérique[#], boules ou sphères,
aussi parfaites que possibles (et idéalement d'une taille d'environ
3cm à 25cm de diamètre).
Un exemple
de porno
pour sphérophile, ce sont les gyroscopes
de la
mission Gravity Probe B, avec une
erreur relative de 2×10−7, les objets les plus
parfaitement sphériques[#2]
créés par l'homme, peut-être même de tout l'Univers (étoiles à neutron
exceptées). Actuellement concurrentes en sphéricité, et probablement
meilleures à l'avenir, il y a les sphères en silicium
du projet
Avogadro, dont le but est de créer, puis de peser (de façon à
redéfinir le kilogramme en utilisant le nombre d'Avogadro) une sphère,
taillée dans un monocristal de silicium, d'environ 93.6mm de diamètre
avec une précision de un atome sur la sphéricité, soit une
erreur relative de mieux que 10−8. De quoi vous
donner un sphèregasme !
Mais sans aller jusqu'à ce niveau de perfection, on peut trouver
des sphères intéressantes en silicium, en quartz, ou d'en d'autres
matériaux (et jusqu'à des sphères en plastique transparent avec
lesquelles certains cirqueux/danseurs s'amusent à une sorte
de Glasperlenspiel
— je ne sais pas comment ça s'appelle). Il s'en vend
même sur eBay
ou ailleurs.
Malheureusement, c'est fort cher ; on peut aussi trouver des sphères
de quartz (boules de cristal) vendues chez des occultistes, mais je
n'aime pas trop l'idée de donner de l'argent à ces gens-là (j'ai
dépensé assez chez eux en tarots
divinatoires pour pouvoir inventer le jeu
d'Arcanoïd). Voilà
pourquoi ma collection de sphères est actuellement vide.
[#] Normalement, là, un
petit facétieux devrait me faire remarquer que l'ensemble vide est un
objet à symétrie sphérique, donc que je peux l'ajouter à ma
collection, qui devient donc non-vide. J'ajoute donc le critère que
ma collection est composée de sphères de diamètre strictement
positif.
[#2] Hélas,
l'expérience a été en partie un échec car, si la
symétrie mécanique des sphères était quasiment parfaite, il
n'en allait pas de même de la symétrie électrique, et il
s'est avéré qu'elles avaient un léger moment dipolaire électrostatique
— juste suffisant pour que le champ magnétique leur applique un
moment environ comparable à
l'effet
Lense-Thirring qui était un des effets qu'on cherchait à mesurer
(l'autre,
l'effet
de Sitter a été mesuré fiablement, mais il était beaucoup moins
difficile et déjà beaucoup mieux confirmé expérimentalement).
J'ai déjà dû signaler ce phénomène (qui a un rapport subtil avec
celui de l'autruche), mais il ne
cesse de m'étonner par sa force psychologique : plus on retarde
quelque chose, plus il devient difficile de s'y mettre, et ceci est
particulièrement vrai quand il s'agit, par exemple, de répondre à un
mail (plus j'attends pour répondre, plus je me dis que je dois faire
une réponse à la hauteur de cette attente, une réponse dont la
longueur ou la qualité justifie que j'aie attendu autant de temps, et
moins il devient probable que je fasse cette réponse), mais aussi, je
m'en aperçois, quand il s'agit d'écrire dans mon blog.
C'est complètement stupide : le lecteur doit considérer, même si ce
n'est pas vrai, l'apparition d'entrées dans un blog comme un phénomène
poissonnien[#] — le temps
écoulé depuis la dernière entrée ne donnant aucune
information sur le temps à attendre avant la prochaine, ni sur la
longueur de celle-ci. Mais je n'arrive pas à m'en défaire. Je n'ai
pas écrit depuis deux semaines : j'ai du mal à m'y remettre en
écrivant une entrée, par exemple, pour dire, de but en
blanc, j'aime la musique du
film La Révolution française. C'est sans doute pour
ça que je ne sais pas écrire des
entrées courtes, même quand j'en ai de la matière (j'ai emménagé
dans mon nouveau bureau ; j'ai
commencé à enseigner un cours de géométrie algébrique ; mon poussinet
s'est coupé les cheveux ; c'est absolument scandaleux qu'on ne sache
pas
si déterminer
si une suite récurrente rationnelle s'annule est un problème
décidable ou non ; le brunch au Café Léa en bas de la rue
Claude Bernard est très bon ; j'aimerais acheter de l'eau lourde pour
en faire des glaçons qui coulent,
mais à
70$ les 100g ça fait cher du glaçon ; Randall
Munroe me
piquemes idées).
Je comprends de mieux en mieux que les sites de microblogging
fonctionnent si bien. Il faut peut-être que je me trouve une solution
dans ce sens.
[#] Dédicace en passant
à mon poussinet, qui aime beaucoup signaler (et parfois à tort, à mon
avis) que telle ou telle chose est probablement un phénomène
poissonnien.
Comme finalement je trouve que le
Java n'est pas un langage trop mal,
et que j'avais par ailleurs depuis longtemps envie
de programmer quelque chose
pour Android, j'ai écrit un petit
programme pour réparer une lacune qui m'agaçait :
une liste des
caractères Unicode avec quelques possibilités primitives de
recherche et de saisie des caractères (pour pouvoir les copier-coller
ensuite ailleurs). Vous pouvez la télécharger sur le marché Android
(cherchez Unicode Map) ou depuis un ordinateur
via le lien précédent. Vous pouvez aussi me faire part de vos
suggestions d'amélioration, je promets de les ignorer très
soigneusement (sauf peut-être si elles sont
accompagnées d'un patch ou d'une proposition
de git pull). Vous
pouvez également
me dessiner
une icône qui soit moins complètement pourrie que celle que j'ai
« dessinée » en dix secondes en découvrant qu'il était obligatoire
d'en avoir une.
C'est d'ailleurs impressionnant le nombre de sites Web qui
répercutent l'arrivée d'une nouvelle application Android (et j'imagine
que pour iPhone c'est environ 1000 fois ça) : pour une application que
j'ai mise sur le marché avant-hier, il y a
déjà plein
de listings (automatiquement générés) qui sont indicés par Google
et qui en parlent (en parlent veut dire, évidemment, ont
recopié le petit blabla que j'ai écrit en cinq secondes — encore
moins que l'icône — dans le formulaire d'upload). Ça semble
surtout là pour combler ce manque qui me semble insupportable et
criant : Google n'a prévu aucun listing Web officiel des applications
Android, ce que je ne comprends pas du tout (ça ressemble à une
tactique d'Apple, mais à la sauce Google) ; je comprends
éventuellement qu'ils ne prévoient aucun moyen de télécharger
l'application autrement qu'en passant par leur application de marché
sur le téléphone, mais pourquoi ne même pas avoir un mécanisme de
recherche via le Web et des pages fixes rappelant les informations
basiques sur l'application ? ça n'a pas de sens. Et c'est clairement
intentionnel : quand on regarde
la page Web du marché, on
voit que tout a été fait exprès pour éviter les liens Web. Je ne
comprends pas. (Et je comprends d'autant moins que, du coup, plein
d'autres gens s'engouffrent dans la brèche, justement.)
Aujourd'hui, j'ai fait mes cartons : je quitte mon bureau de la rue
Dareau où je m'étais installé il y a
deux ans et demi (déjà ‽) pour en rejoindre un
autre, rue
Barrault, plus près de chez moi mais, en contrepartie, plus petit
(ou peut-être plus grand, mais que je partagerai avec un collègue
alors que jusqu'à présent j'étais seul). En fait, tous les gens de
mon département qui étaient comme moi rue Dareau déménagent, mais les
autres
vont avenue
d'Italie dans des locaux neufs : moi je profite de ce déménagement
collectif pour rejoindre les collègues les plus proches de mes
thématiques (disons, les plus matheux-algébristes qu'il y ait à
Telecom). A priori, ce nouveau bureau est lui-même temporaire : je
devrais de nouveau déménager (mais dans le même couloir !) quand des
travaux auront rendu des locaux plus beaux — et tout cela en
attente d'un hypothétique futur déménagement à Palaiseau
en 2012201420152020
2070.
Toujours est-il que je n'aime pas faire les cartons, parce que ça
oblige à ranger tout le foutoir qui s'est étalé sur le bureau et à
décider ce qu'on veut mettre où, à trier les 1001 articles qu'on a
imprimés (ah, je lirai ça sans doute un jour, refrain connu)
pour essayer de les organiser d'une manière ou d'une autre, et à se
rendre compte qu'on a vraiment trop de livres (j'en ai fait trois et
demi cartons bien pleins, à raison d'environ 40 livres par carton).
Et on angoisse que les livres puissent être abîmés, que les affaires
puissent se perdre (surtout quand tout le monde va avenue
d'Italie et que je suis le seul à partir rue Barrault !).
J'ai pris mes vacances à contretemps du calendrier
scolaire[#] et suis allé passer
trois jours à Bordeaux la semaine dernière, histoire de voir comment
mon poussinet y est installé
(verdict : c'est petit, mais cozy), et de visiter
un peu cette ville que je n'avais jamais vue que quelques heures
(j'étais passé en coup de vent
pour candidater sur un poste à
l'université de Bordeaux I). Eh bien, si on aime les belles pierres
et les demeures de riches marchands, c'est une ville intéressante ;
j'ai surtout aimé
la rue
Sainte-Catherine (c'est quelque chose qui manque vraiment, à
Paris, une rue commerçante animée et piétonne) et les petites
places
comme celle-ci, celle-là, cette
troisième
ou cette
quatrième (j'aime bien les places petites
mais cozy, et ça non plus il n'y en a pas
énormément à Paris).
En revanche, ce n'est pas la peine d'aller voir de l'autre
côté de la Garonne pour voir s'il y a des choses intéressantes rive
droite : il y a certes un jardin botanique pas trop mal (quoique
manquant cruellement d'ombre quand on est un blondinet à la peau
claire), mais ce n'est vraiment pas très animé. Et il faut du temps
pour la traverser, la Garonne, quand on est un Parisien habitué à ce
que les ponts fassent 150m à tout casser et qu'il y en ait tous les
autant.
[#] Et du volcan
islandais dont je suis fier de pouvoir dire que j'arrive à prononcer
le nom. (Pas qu'on ait voyagé en avion — mon poussinet est fou
de trains — mais je n'aime
pas quand les trains sont bondés.)
J'avais déjà constaté ça
empiriquement depuis bien longtemps, mais je crois avoir réussi à
dégager assez précisément la façon dont fonctionne mon sommeil. En
général, je dors plutôt bien. C'est-à-dire, si j'ai un lit
raisonnablement confortable et que je n'ai pas de besoin
particulier de me réveiller, je fais de bonnes nuits, j'ai besoin
de sept ou huit heures de sommeil mais je peux me contenter d'un peu
moins sans être trop dérangé, bref, tout va bien. Le problème, c'est
la règle suivante, qui est un peu hallucinante :
Loi du Sommeil de David : Si, à un moment donné, je
suis réveillé, et qu'il est prévisible que je doive me lever dans
moins de x heures (c'est-à-dire, que je ne pourrai plus
dormir après), alors j'ai beaucoup de mal à m'endormir ;
ici, x dépend du temps que j'ai déjà dormi, mais il est
toujours compris entre 3½ (quand j'ai déjà dormi) et 9 (quand je n'ai
pas dormi).
Autrement dit, si je me couche, disons, à 1h du matin, et que je
n'ai pas de raison particulière de mettre un réveil, alors je me
lèverai typiquement vers 8h ou 9h du matin. En revanche, si, toujours
en me couchant à 1h du matin, je sais que je devrai me lever à 8h,
même si sept heures de sommeil a priori me suffisent, cela me
stressera si bien que j'aurai énormément de mal à m'endormir, je n'y
arriverai que vers 2h ou 3h du matin et, du coup, je n'aurai
effectivement pas assez dormi. Ceci ne dépend pas de la façon dont je
serai réveillé (par un réveil, par mon poussinet qui me fait des
bisous dans le cou, ou par n'importe quel autre moyen) : ce qui
m'empêche de dormir est la certitude que je devrai être
réveillé, pas la façon dont je le serai. Pas non plus le fait
que je serai réveillé : si, par exemple, je me couche à 1h et
que mon poussinet doit partir à 6h du matin pour prendre son
train pour
Bordeaux[#] et que je sais
qu'il me réveillera en partant, si je sais que je peux dormir autant
que je veux ensuite, ça ne pose pas de problème : le poussinet me
réveille, mais je ne dois pas me lever, donc je n'angoisse pas, donc
je dors quand même bien (et je peux très bien dormir de 1h à 6h et de
6h30 à 8h et être raisonnablement frais à 8h). Par contre, si le
poussinet doit partir à 6h et que moi je dois me lever à 9h, c'est une
catastrophe : quand le poussinet me réveille à 6h, il reste moins de
3½ heures pendant lesquelles je peux dormir, donc je n'y arrive pas,
donc je me réveille, de fait à 6h, et comme la loi ci-dessus
s'applique récursivement, finalement, il faudrait que je me couche à
21h pour avoir un sommeil correct.
Tout cela est terriblement contrariant, et le poussinet se moque de
moi, mais je n'ai pas trouvé de moyen d'éviter le phénomène : dès que
je sais que je dois me lever à une certaine heure, ma capacité à me
rendormir rapidement après un petit réveil accidentel est anéantie.
J'ai de la chance d'avoir un travail où les horaires sont très
flexibles ! Il n'y a que les jours où à la fois j'ai un cours le
matin et où le poussinet doit prendre un train encore plus tôt, qui
posent vraiment problème. Néanmoins, ce matin, nous devions nous
lever à une heure plus que décente, mais j'ai été réveillé
successivement par le facteur qui livrait un colis, par un voisin qui
jouait de la perceuse, par le chat d'un autre voisin qui miaulait à
notre porte, et par un coup de téléphone publicitaire : si à chaque
fois la certitude de devoir me lever prochainement ne m'avait pas
empêché de me rendormir rapidement, j'aurais passé une nuit bien
meilleure.
[#] Pour ceux qui
s'inquiéteraient pour lui : le poussinet, lui, il dormira dans le
train, il y arrive très bien. La règle du sommeil du poussinet est
qu'il a besoin de 8h de sommeil, mais qu'il peut les prendre n'importe
comment et n'importe quand. C'est plus simple !
Pourquoi je ne sais pas écrire des entrées courtes ?
Je ne comprends pas comment les gens arrivent à twitter. Enfin,
peut-être que je comprends comment on peut faire des posts de
taille SMS : ce sont plutôt les blogueurs qui arrivent
régulièrement à écrire des entrées d'environ 200 mots qui
m'impressionnent. Moi, à chaque fois que je me lance sur un sujet,
j'en écris des
tartines[#]. Même quand
je commence en me disant, bon, vraiment, sur ce sujet-là, je n'ai
pas énormément de choses à dire. Surtout quand je
commence mon entrée par je vais essayer de dire un mot rapide sur
<telle ou telle chose>, sorte d'incantation propitiatoire
que je finis en règle général par retirer quand je me rends compte
qu'elle est devenue totalement ridicule. Et pourtant, je n'ai pas
l'impression de délayer. Et pourtant, je n'étais pas mauvais à
l'épreuve de résumé en français au lycée (d'ailleurs, je me faisais un
point d'honneur de toujours produire le nombre exact de mots
demandé, sans jamais taper dans la marge ni dans un sens ni dans
l'autre : si on peut faire N mots à 10% près, ce n'est pas
beaucoup plus dur de faire N mots exactement).
Du coup, évidemment, je poste peu : quand je commence à écrire
quelque chose, je sais que presque toujours il me faudra des heures
pour finir. Du coup, aussi, j'ai un backlog énorme d'idées que je me
dis qu'il faut que je développe un jour, voire d'entrées commencées et
jamais finies.
Il y a au moins une raison que je comprends : j'ai du mal à entrer
en matière ou à passer d'une partie à une autre. Je suis beaucoup
plus efficace quand il s'agit de répondre à ce que quelqu'un à dit que
quand il s'agit de dire quelque chose moi-même (où je me sens obligé
de situer le problème, de rappeler plein de choses à son sujet, etc,
de ménager des transitions…).
[#] Sauf pour
mes fragments littéraires gratuits, qui
ont effectivement tendance à être courts, mais qui n'en sont pas moins
longs à écrire (je peux passer facilement une nuit entière sur deux
paragraphes).
Ruxor et le poussinet ont le plaisir de vous faire part de
leur PACS, enregistré en grande solennité dans
l'ambiance chaleureuse et conviviale du greffe du tribunal d'instance
du 13e arrondissement de Paris.
Sérieusement, je n'ai pas souvent vu des endroits aussi glauques et
sinistres que le hall d'entrée de ce tribunal d'instance : imaginez
une porte d'entrée comme dans une église, qui débouche sur un immense
escalier éclairé par deux néons blafards en fin de vie, d'où on peut
accéder à un couloir très étroit et haut, lui aussi éclairé de par des
néons blafards (quoiqu'en meilleur état), flanqué de banquettes, et
dont la seule ouverture transparente est un hygiaphone (je
pensais que ça n'existait plus depuis vingt ans) pour parler à un
guichetier. Quant à la solennité : on donne tout un tas de papiers au
guichetier (celui qui parle par hygiaphone), il vous donne un
rendez-vous environ une semaine plus tard, et une semaine plus tard on
rencontre la greffière (qui, au moins, est aimable et a un bureau
moins sinistre que le couloir qui y mène) qui appose un tampon et une
signature sur la convention qu'on avait déposée. Voilà, on
est PACSés.
J'ai pris conscience que je naviguais entre des Univers parallèles
en regardant attentivement la rue
Mouffetard : au
51 de la rue il y a un magasin qui vend des conneries du genre
souvenirs pour touristes, oreillers à l'effigie de Claude François ou
autres cadeaux pour des amis particulièrement détestés. Une des
décorations de ce magasin est une vache volante (un gadget qu'on
accroche au plafond et qui fait des tours en battant des ailes : même
un maître zen formé dans les meilleurs temples shaolin doit perdre son
sang-froid en cinq minutes à le regarder tournoyer, ce qui prouve que
les vendeurs de cette boutique ne peuvent pas etre complètement
humains).
Sauf qu'un jour je suis passé devant ce magasin et ce n'était plus
une vache volante qui était là, c'était un cochon volant. Un petit
détail, certes, mais le petit défaut qui trahit l'existence
de la
Matrice : quelqu'un avait remplacé l'Univers d'où je venais par
quelque chose de beaucoup plus bizarre et de plus inexplicable.
Depuis je fais très attention, et je me suis rendu compte que les
petits hommes verts (ou peut-être des gros monstres violets, je ne
sais pas) n'arrêtent pas de changer l'Univers dans lequel je vis.
Cela se manifeste souvent par les choses les plus insignifiantes et
les plus enrageantes. Cela ne concerne pas toujours l'informatique,
mais c'est tout de même le plus fréquent. Une chose qu'ils aiment
bien faire, c'est censurer Internet : une page Web peut disparaître
sans laisser de traces, tout laisse à penser qu'elle n'a jamais existé
(et de fait, dans l'Univers où je me trouve, elle n'a jamais existé,
alors que dans l'Univers dont je viens, je suis certain que j'avais vu
une telle page par le passé). Un exemple idiot : dans l'Univers
parallèle où j'ai grandi, il existait un mot, logon, qui
désigne une quantité d'information égale à la quantité qu'on peut
stocker dans un bit (c'est-à-dire, celle dans laquelle on utilise le
log base 2 pour calculer la quantité d'information) ; dans cet
Univers-ci, personne n'a jamais entendu parler de logon, on
parle simplement de bits d'information. Perturbant. Un autre
exemple : dans le monde parallèle d'où je
viens, mon fournisseur d'accès
avait une page Web où il recensait les anomalies récentes sur son
réseau ; je me suis rendu compte lors d'une anomalie récente que non
seulement cette page n'existait pas, mais que personne dans cet
Univers ne l'avait jamais vue. Dans le monde parallèle d'où je viens,
il y avait une version 2.5
de Thunderbird,
sortie il y a environ un an les versions 2.0 et 3.0 (cette dernière
vient de sortir) : dans ce monde-ci, elle n'a jamais existé.
Bon, trêve de plaisanterie, c'est étonnant la facilité avec
laquelle on se
persuade de quelque chose qui n'a jamais été le cas. (Ce n'est
pas la seule explication possible, d'ailleurs : dans le cas du cochon
volant, j'ai constaté après coup qu'il y avait tout simplement bien
deux gadgets différents mais semblables, l'un représentant un cochon
et l'autre une vache…) Et depuis que j'ai commencé à y faire
attention, j'en vois vraiment tout le
temps.
Un jour je vais finir par me retrouver dans un Univers parallèle où
Isabelle de Castille n'aura jamais été convaincue de l'intérêt de
financer la mission de Christophe Colomb de trouver une route vers les
Indes par l'ouest, et où le Nouveau monde aura été découvert par
Amerigo Vespucci ; j'imagine que dans cet Univers parallèle le
continent porterait du coup un nom comme Amérique, et là je
saurai qu'il y a vraiment quelque chose qui ne va pas.
Ajout 2 () : Le terme
psychiatrique standard
est confabulation ;
mais l'« explication » avec des univers parallèles, que je ne suis
apparemment pas le premier à « découvrir », traîne sur Internet, et il
y a des gens qui, au moins quand il s'agit d'un phénomène collectif,
appellent ça le Mandela Effect (parce
qu'ils viennent d'un monde parallèle où Mandela est mort en prison
dans les années '80) : voir
notamment ici, ici
(un peu clickbaitesque, mais bon…) ou
enfin cette
vidéo qui reprend les mêmes exemples. (Et bien sûr, on peut aussi
faire référence
au Tlön
de Borges.)
Il fut un temps où je parlais plus souvent sur ce blog de
mes expérimentations vestimentaires
(genre, là
ou là), c'est-à-dire ma façon de
mélanger n'importe quoi jusqu'à satisfaire — en me regardant
dans un miroir — mon attirance instinctive pour la provocation
involontaire (ou pour le ridicule), mon sens esthétique d'ado
post-attardé et décalé, ou mon goût de chiottes notoire en
matière de garçons (le poussinet ne doit pas se sentir vexé, ce n'est
pas systématique).
Récemment je me suis acheté le
livre Dictionnaire
du look (Une nouvelle science du jeune) de Géraldine de
Margerie et Olivier Marty (éditions Laffont)
(présenté
ici) : c'est un inventaire assez éclectique et disparate de tout
un tas de looks de djeunz ou de moins djeunz (bcbg,
bling-bling, bobo, caillera, fluokid, metalleux, modasse, punk à
chien, skateur, teuffeur…), tentant parfois de présenter les
modes de vies de tribus urbaines. Ce n'est pas très sérieux,
mais c'est justement rigolo parce que ça ne se prend pas au sérieux.
Par contre, on peut regretter que le choix des looks traités manque un
peu de cohérence ou d'exhaustivité, au moins superficielle (pourquoi,
par exemple, ne pas avoir consacré un chapitre aux gothiques alors
qu'il y en a un pour les plus spécifiques gothic
lolitas ?).
Mais j'ai au moins apprécié qu'ils proposent un nom pour un look
dont je me suis souvent demandé comment l'appeler : ces jeunes
dreadlockés bohême, vaguement néohippies ou cirqueux, en pantalon
bouffant, vieux pull, keffieh et parfois bonnet péruvien, qu'on
imagine facilement arpentant, pétard à la bouche, les couloirs d'un
hypothétique cours de médiation culturelle à Paris VIII. (Mon
poussinet les appelle les je-vais-sauver-le-monde.) Le
dictionnaire en question les nomme les Jah-Jah : même si
une recherche
Google images ne confirme pas trop la popularité du terme, il a le
mérite d'être assez inambigu.
Mon look actuel n'est pas recensé, évidemment. Pour ceux qui
veulent l'imaginer (non, je n'ai pas de photos, il faudra que je
propose au poussinet d'en prendre), je peux le décrire façon magazine
de mode et avec des liens[#]
puisque j'ai quasiment tout acheté en ligne. Le Ruxor, donc, porte
un hoodie DC Shoes
noir avec logo blanc au
ventre[#2],
un pendentif
dent en acier Oxbow (au-dessus du sweat),
un blouson
en
cuir Schott[#3]
à capuche avec logo au dos,
un treillis
camouflage de surplus[#4]
militaire (armée française)
et ceinture
assortie (ou bien, certains jours,
un jean
baggy non marqué), des baskets
« street » DC Shoes
ou Rip Curl[#5] et
des mitaines
en cuir portées sur des sous-gants en soie
noirs Go Sport[#6][#7].
Les tee-shirts (généralement plusieurs épaisseurs, le Ruxor étant
frileux) varient évidemment beaucoup. Mais l'accessoire vraiment
unique pour parfaire la Ruxor touch et
s'habiller en
rouge et noir, accessoire fort approprié en cette saison de
saturnales,
c'est le
bonnet rouge (mais alors vraiment rouge vif, uni : en fait, c'est
un bonnet de pompier[#8]), à
porter bien enfoncé sur la tête (en laissant juste dépasser une ou
deux mèches dans le cou), et avec un air gentiment niais. Le bonnet
rouge permet qu'on me repère de loin (pratique quand le poussinet
s'est attardé pour faire une bêtise, et se demande où je suis passé),
ou d'attirer le regard. D'ailleurs, hier, à la Fnac, je me suis fait
draguer[#9] par un djeunz habillé
assez comme moi (treillis, chaussures de skate, hoodie sur les épaules
et pendentif au cou) mais qui n'avait pas un joli bonnet rouge comme
le mien : je suis sûr que c'est ça qui l'a rendu envieux !
[#] Liens qui seront
inévitablement cassés dans trois mois, puisque les gens qui tiennent
des sites marchands tels que ceux-ci n'ont pas encore compris
l'avantage qu'il pouvait y avoir pour eux à ne pas casser
leurs URL à chaque refonte du site.
[#2] Le logo
me vaut d'ailleurs un certain nombre de questions (les gens qui ne
connaissent pas lisent souvent DG et demandent par
exemple si c'est Dolce &
Gabbana : décidément,
non, par contre, il y a une ressemblance indéniable avec
le logo Chanel).
[#3] Tiens, il est
nettement plus cher que quand je l'ai acheté, celui-là.
[#4] Ce n'est pas par
ce site-là que je l'ai acheté, mais le principe d'un article
réglementaire doit être qu'il ne varie pas beaucoup.
[#5] Ce modèle précis
n'a plus l'air d'exister.
[#6] Article que je
renonce à trouver sur le site Web
de la marque Go Sport, vu combien celui-ci est mal
organisé (les articles ne semblent trouvables que dans le rayon d'un
certain — et unique — sport, et je ne sais pas quel serait
le sport dont des sous-gants en soie seraient un accessoire).
[#7] Je suis content de
la trouvaille de porter des sous-gants en soie sous des mitaines :
quand il ne fait pas atrocement froid, c'est un bon compromis pour se
protéger les mains tout en gardant une certaine dextérité et
sensibilité digitale.
[#8] Enfin, paraît-il !
Je n'ai en fait jamais vu un pompier porter un pareil bonnet. Mais au
moins c'est la couleur emblématique rutilante.
[#9] Le poussinet et
moi ne nous privons pas de mater copieusement (et de nous signaler
mutuellement) les jolis garçons que nous croisons, et il y a sans
doute du vrai dans l'idée que les homos sont sans doute les seuls à le
remarquer — ou en tout cas, à comprendre pourquoi on les
regarde. Le mec en question, j'ai commencé à le regarder par les
pieds (parce que je regardais d'abord des livres situés au niveau du
sol), j'ai remonté le regard parce que le look me plaisait, et le
temps que j'arrive à la tête et que je m'aperçoive qu'il n'était pas
mal du tout, il avait bien vu que je le zyeutais : il me souriait
copieusement, et il a engagé la conversation. Ce sur quoi j'ai fui
dare-dare, parce que (malgré mon bonnet rouge)
je suis timide comme un écureuil
bleu. Quand je lui raconte ce genre de choses, mon poussinet rigole
gentiment de moi.
Ce matin[#], mon poussinet veut
faire une lessive : le lave-linge ne répond pas (aucune lumière ne
s'allume, rien du tout). Panique à bord ! Le poussinet commence à
vérifier la prise et les fusibles, mais je me rends compte qu'en fait
c'était juste le couvercle qui était mal fermé. Ouf.
Sauf que deux lessives plus tard, en début de cycle d'essorage, on
entend un grand POUF, et on sent une odeur de caoutchouc brûlé
dans toute la cuisine. Cette fois, le lave-linge est réellement mort
(et un fusible de 20A avec lui), après environ dix ans de plus ou
moins bons et raisonnablement loyaux services. Je suis estomaqué de
la coïncidence — le matin on pense ce serait horrible que la
machine à laver tombe en panne et le soir c'est une
réalité —, mais je ne vois vraiment pas quel lien de cause à
effet il pourrait y avoir.
Le problème n'est pas tant qu'un lave-linge-combiné-séchant coûte
cher (ça a plutôt baissé en prix depuis dix ans). C'est plutôt qu'un
30 décembre on ne va pas obtenir une livraison avant une semaine et
qu'on a besoin de faire des lessives avant (et que le lavomatic, c'est
vraiment une perte de temps vu qu'il faut rester tout le temps
surveiller qu'on ne se fait pas voler). Mais c'est surtout que, vue
la façon dont les meubles de notre cuisine sont encastrés, bouger quoi
que ce soit ressemble à un jeu
de sōkoban
(il faut commencer par retirer le frigo, puis tirer la machine à
laver, puis déplacer le meuble adjacent au frigo, pour pouvoir enfin
bouger latéralement la machine à laver…) : ce n'est pas
seulement compliqué, c'est fatigant et on risque sans arrêt de casser
plein de choses. On a même cru un instant qu'il faudrait démonter des
placards posés au mur depuis l'installation de la machine.
Mon poussinet, qui aime bien jouer au MacGyver, démonte tout en me
jurant mais si, c'est certainement un truc évident qui a grillé, et
ça doit se remplacer facilement (tu parles, il ne retrouve même
pas quelles vis vont en face de quels trous quand il s'agit de remonter
ce qu'il a défait), puis on peut quand même faire appel à un
réparateur (sauf que là c'est pas une semaine sans lave-linge
qu'il faudra tenir, c'est un mois). Je finis par le convaincre que,
non, le plus raisonnable est vraiment de mettre l'appareil cassé aux
encombrants (en espérant qu'ils contactent Emmaüs pour voir si ça peut
être sauvé) et d'en
racheter un
neuf. Miraculeusement, la mairie de Paris peut enlever l'ancienne
machine un 31 décembre, et Darty me propose une livraison pour
dimanche. Et aussi, heureusement que nous habitons au
rez-de-chaussée.
Par contre, entre temps, on abîme le pas de la porte en jouant à
déplacer le frigo, on découvre une fuite dans une gaine de l'immeuble
qui passe dans le coin de notre cuisine, le poussinet finit sa lessive
dans la baignoire et attrape des ampoules aux mains et son linge
déteint, etc. Les contrariétés ne viennent jamais seules !
(Le POUF s'est produit à 21h, il est maintenant 1h30 du matin,
et on n'a toujours pas fini de s'occuper des conséquences indirectes
de cette panne.)
Je me réveille assez souvent pendant la première partie de la nuit
(c'est-à-dire, très grossièrement, dans les 3h après m'être endormi)
en étant complètement désorienté par exemple quant à l'endroit où je
me trouve. Généralement cela fait suite à un rêve, ou une sorte de
rêve.
Un thème commun de ce rêve, par exemple, serait que je suis entré
dans un endroit plus ou moins labyrinthique et que je ne sais plus en
sortir ou que je suis enfermé (les psychanalystes de comptoir auraient
certainement beaucoup à dire sur ces thèmes-là !). Ou encore je rêve
que quelqu'un a éteint la lumière alors que je suis dans un endroit
qui m'est très peu familier et que je veux en sortir mais que je ne
sais plus bien où est la sortie ni où est la lumière (ou même je rêve
que je me suis endormi dans une maison que je ne connais pas, et que
je me réveille et que je ne sais plus où sont les toilettes) : dans
ces derniers cas, le rêve touche de très près à la réalité, et même
lorsque, dans la réalité, je suis simplement chez moi, je me réveille
complètement perdu. (Et parfois, je cherche la lumière une fois
réveillé, justement je ne la trouve pas, ce qui alimente encore le
même rêve.) Parfois aussi je fais un peu de somnambulisme et je me
mets dans un état semi-endormi à chercher la sortie du labyrinthe de
mes rêves[#]. J'en
ai déjà parlé.
Ma confusion ne concerne pas forcément l'endroit où je suis.
Parfois je me réveille en disant quelque chose de complètement
incompréhensible (enfin, cela devait probablement être
compréhensible si on connaissait le rêve qui précédait, mais moi-même
je l'oublie très rapidement). Je réveille de temps en temps mon
poussinet, comme ça, qui ne comprend pas plus que moi ce qui lui
arrive. D'ailleurs, la même chose lui arrive aussi (mais plus
rarement, je crois, et je ne crois pas qu'il ait jamais cette
sensation d'être perdu).
Ce qui est bizarre, c'est que ça n'arrive presque que dans les
premières heures du sommeil. Quand la nuit est bien plus avancée, je
peux faire rêve sur rêve (et il m'arrive là aussi de rêver de
labyrinthes, même s'ils prennent une forme assez différente) et même
si on me réveille au cours de ceux-ci, je n'ai peut-être pas l'esprit
complètement frais, mais je n'ai pas cette confusion caractéristique
des débuts de nuit.
[#] Il m'est arrivé
d'appeler au secours, cependant, quand j'étais plus petit, notamment
quand j'étais vraiment dans un endroit que je ne connaissais
pas et que je n'avais pas repéré les lieux. La panique de ne
retrouver ni la porte de sortie de la pièce, ni l'interrupteur de
lumière, pouvait être vraiment terrible.
Ce week-end, j'ai mis en contact deux amis que je connaissais
séparément, en espérant qu'ils sympathisent. Chose qui n'a rien de
remarquable (sauf à la rigueur le fait que ces deux amis habitent à
8977km(±2km) de chez moi à vol d'oiseau) ; mais, finalement, je n'ai
pas souvent l'occasion de le faire : beaucoup de mes amis se
connaissent déjà entre eux, ou quand ce n'est pas le cas, il est
souvent soit peu souhaitable (humeurs probablement incompatibles,
centres d'intérêts trop disjoints) soit probablement difficile
(connaissance limitée à un cadre restreint, emplois du temps
difficiles à concilier) de les amener à se rencontrer. C'est
dommage.
Je pense pourtant que je devrais — et qu'en général
« on » devrait — faire des efforts pour rassembler des
gens qu'on connaît et qui auraient des chances de pouvoir s'entendre,
voire devenir amis (ou, pourquoi pas, plus) si affinités : on
s'extasie sur des sites web de réseaux sociaux (le plus récemment
Facebook, même si celui-ci exploite en vérité assez peu la notion
d'ami d'ami), mais dans la vraie vie j'ai l'impression qu'on
explore assez peu qui nos amis d'amis et amis d'amis d'amis peuvent
nous amener à rencontrer[#].
Il y a déjà assez longtemps,
j'avais proposé un système pyramidal
consistant, pour résumer, à inviter à dîner six amis qui (autant que
possible) ne se connaissent pas les uns les autres, afin
qu'ils se rencontrent et lient connaissance, puis leur demander que
chacun reproduise le schéma (en plaçant celui qui les a invités au
préalable dans la liste des convives) — et ainsi de suite
récursivement. Comme beaucoup d'idées que j'ai eues, je me sens idiot
de ne jamais l'avoir mise en pratique ; je devrais y reréfléchir ou,
au moins, rédiger proprement des « règles » d'un tel système de
rencontres et lui donner un nom accrocheur, après tout ça pourrait
être un mème à
succès[#2].
[#] Sauf peut-être quand
il s'agit d'obtenir une faveur (le piston social) : c'est sans
doute utile d'apprendre à cette occasion qu'on a forcément un ami qui
connaît un proche de tel ou tel ministre, mais il y a beaucoup
d'autres gens intéressants dans la vie que des proches de
ministres.
[#2] Il y a des petits
jeux du même genre avec des livres, par exemple (comme des chaînes, où
on reçoit un livre qu'on est invité à lire et à donner à quelqu'un
d'autre après avoir inscrit son nom dedans), qui ne sont pas moins
sympathiques.
Cet après-midi, mon poussinet et moi nous sommes fait des bisous en
public. C'est pas que ça nous arrive rarement, mais là c'était
appuyé,
et organisé :
à 16h, place Carrée du Forum des Halles (et au même moment dans
d'autres villes de France), plein de couples de garçons, et plein de
couples de filles, et aussi des couples garçon+fille, se embrassés
sous les regards généralement curieux, souvent amusés, parfois
hostiles, de la foule de passants du samedi après-midi, et aussi de
beaucoup de gens qui visiblement avaient eu vent de l'événement mais
qui n'y participaient pas (je ne comprends pas bien pourquoi : homos
célibataires ? hétéros qui n'osaient pas participer ? curieux qui se
demandaient pourquoi tant de gens se rassemblaient là ?). À la fin,
il y a eu des applaudissements assez appuyés. Je ne sais pas si ça
fait beaucoup progresser la lutte contre l'homophobie, mais c'était
amusant.
Après
ça, nous avons profité de la ligne 1 pour aller à la Défense. C'est
idiot : ce n'est vraiment pas loin de Paris, mais je n'y suis
quasiment jamais allé, et pourtant, ça vaut la peine, parce que c'est
un endroit finalement assez agréable (bien aménagé pour le piéton) et
architecturalement intéressant (il y a quelques horreurs, certes, mais
la composition d'ensemble me plaît).
Nous sommes allés visiter
le musée de
l'Informatique au toit de la Grande Arche. Ce n'est pas bien
grand (c'est même tout petit), mais leurs collections sont tout de
même intéressantes pour qui aime les ordinateurs plus ou moins vieux ;
par contre, elles manquent vraiment d'organisation, il y a un sens de
la visite marqué, mais il ne respecte que très approximativement
l'ordre chronologique, on repasse aléatoirement des années '80 à la
carte perforée. Et les explications sur les caractéristiques des
machines exposées sont un peu sommaires. En ce moment, ils ont une
exposition sur le Macintosh, qui expose (quasiment tous ?) les modèles
du précurseur
(le Lisa)
au présent, en passant par le tout premier Mac, le iMac, mais aussi
le NeXT : cette
exposition est beaucoup mieux organisée, pour le coup.
Par contre, le toit de la Grande Arche n'est guère intéressant pour
ce qui est de la vue (bizarrement, elle est presque meilleure depuis
la base). Il n'y a que la montée en ascenseur qui vaille le coup de
ce point de vue-là. À condition de ne pas avoir le vertige comme
moi.
Mon poussinet part demain (à l'aube) pour Bordeaux, où il va
commencer une thèse. C'est-à-dire que désormais (ou en tout cas,
prochainement) il habitera une partie de la semaine en Aquitaine et
une partie de la semaine en Île-de-France (quelle partie exactement,
cela reste à déterminer avec l'usage et les besoins de sa
recherche !). On se demande comment ça va se passer pour nous d'être
célibataires à mi-temps… Mais même si c'est a priori
pour trois ans, finalement je suis moins inquiet que quand il
était parti au Canada : l'idée de ne
pas le voir pendant longtemps était beaucoup plus pénible que l'idée
de le voir moins souvent. Après, le temps nous dira comment ça se
passera. En attendant, mon poussinet s'est armé d'une clé 3G et de
son fidèle téléphone Android : les
moyens de communication ne nous manqueront pas.
De leur côté, mes parents partent aussi bientôt, mais dans leur cas
c'est pour quelques vacances au Canada (pour y
voir là-bas
ma famille — c'est-à-dire la famille de mon père).
(Et hop, cinq
entrées pour le même jour. Je crois que je n'avais encore jamais
fait ça.)
Quand je me trouve dans une situation où je n'ai pas fait quelque
chose que j'aurais dû, il m'arrive d'avoir une réaction d'autruche.
C'est-à-dire, ne plus réagir, et occulter mentalement la question en
espérant que « personne ne remarque ». C'est complètement idiot et
puéril, mais c'est souvent plus fort que moi. Par exemple c'est
souvent le cas pour ce qui est de répondre à un mail : quelqu'un
m'envoie un mail, pour une raison ou une autre je ne réponds pas
immédiatement, je laisse traîner, et plus je traîne plus je me sens
mal à l'aise à l'idée de répondre, donc moins il est probable que je
finisse par le faire. Mais en plus, cette attitude idiote peut faire
que je vais éviter la personne concernée (de peur qu'elle évoque le
sujet), ou que je ne la contacte pas pour tout autre chose. Et il n'y
a pas que les mails qui sont concernés par ce phénomène — ça
peut devenir une vraie maladie.
D'où les deux graves questions que je me pose : comment faire pour
l'éviter (préventivement) et comment guérir le phénomène une fois
qu'il s'est installé ? La réponse évidente, c'est de l'ignorer
(puisque c'est quelque chose d'auto-entretenu) — mais
l'expérience montre que ce n'est pas si facile !
Une autre questio, car je ne suis sans doute pas le seul à souffrir
de ce phénomène, c'est comment organiser mes interactions avec
d'autres pour leur éviter cet effet autruche.
Le Adidas Team Force est-il en voie de disparition ?
Après je ne sais combien de tentatives, j'avais fini par trouver un
parfum dont j'étais content : Adidas Team Force, à la
fois comme gel douche, déodorant bille, déodorant spray et eau de
toilette. Globalement je n'aime pas trop les eaux de toilette « de
marque » (c'est-à-dire vendues en parfumerie : Calvin Klein, Hugo
Boss, Ralph Lauren, ce genre-là), je trouve que ce sont des odeurs
trop marquées, j'aime porter quelque chose de plus basique (ou
peut-être de plus jeune, je ne sais pas comment dire, et en tout cas
moins cher). Donc a priori plutôt du côté de chez Adidas ou Airness
ou Axe. (D'accord, c'est sans doute aussi un peu un truc d'homo :
Adidas et Airness, ce sont des marques très nettement homo-érotiques,
non ? ) Mais même de ce côté-là, je suis loin d'être
content de tout. Bref, la série Team Force d'Adidas
avait fini par me donner satisfaction.
Et voilà qu'Adidas a l'air d'être en train de la supprimer ! En
tout cas, les déodorants (bille et spray) ne se trouvent plus ni dans
mon Champion Carrefour local ni
dans un ou deux Monoprix que j'ai essayés, l'eau de
toilette à peu près non plus, et je me demande si le gel douche ne va
pas subir le même sort.
C'est con, mais j'ai fini par associer mentalement assez fortement
cette odeur à moi-même, ça m'embête vraiment si elle disparaît.
J'ai cette théorie selon laquelle les gens mythomanes ne sont
(généralement) pas des gens qui inventent des choses fausses mais qui
savent raconter des choses vraies en les présentant de façon qu'on les
trouve beaucoup plus remarquables qu'elles ne le sont vraiment.
(Comme l'a écrit Asimov et que j'aime bien le
citer : The closer to the truth, the better the lie,
and the truth itself, when it can be used, is the best lie.)
Chacune des affirmations suivantes me concernant est rigoureusement
exacte (en tout cas, pour autant que je sache). Pourtant, aucune
n'est remarquable : soit elles omettent des précisions qui font que,
bien que vraies, elles n'ont pas le sens qu'on pourrait leur prêter,
soit elles sont simplement formulées de façon gratuitement
sensationnaliste, et certaines sont même vraiment tirées par les
cheveux (bien que techniquement vraies).
J'ai déjeuné au restaurant de l'Assemblée nationale, et j'ai été
reçu dans le salons privés de la présidence du Sénat.
J'ai rencontré un ancien Premier ministre du général de
Gaulle.
À une certaine époque, ma mère serrait régulièrement la main de
Jacques Chirac.
Mon père a été en tête-à-tête avec la reine d'Angleterre, qui l'a
salué.
J'ai échangé des mails avec l'inventeur d'Internet.
J'ai parlé avec Stephen Hawking.
Un article sur moi est paru dans Le Parisien, et
j'ai fait l'objet d'un reportage télé.
J'ai discuté avec un membre de l'Opus Dei ouvertement
homosexuel.
Un de mes amis d'enfance a été tué dans un attentat.
J'ai circulé dans la rue à Paris en toge romaine.
J'ai été pris en photo, entièrement nu, dans une salle de cours, à
l'ENS, et de même dans le lycée de Nogent-sur-Marne.
J'ai fait cadeau à un ami d'un rubis d'une dizaine de carats.
J'ai eu un découvert d'environ 60000€ pendant à peu près une
semaine sur mon compte en banque, et je n'ai pas payé d'intérêts.
Je suis
l'arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-thésard
de Lagrange.
Victor Hugo était le cousin germain de mon
arrière-arrière-(arrière?)-grand-père ; et l'arrière-grand-mère de
Napoléon est mon ancêtre.
Je porte le nom d'un chevalier de la table ronde.
J'ai fait l'objet d'un culte religieux.
J'ai reçu des menaces de mort.
Je suis l'objet d'un article d'une encyclopédie très
consultée.
Le guide Who's Who m'a demandé
l'autorisation d'ajouter une entrée sur moi.
J'ai récemment passé un bon nombre d'heures en compagnie du
beau-frère d'Ewan McGregor à interviewer de jeunes talents.
J'ai été le petit ami de la petite-nièce (ou arrière-petite-nièce,
ou arrière-petite-cousine, je ne sais plus exactement) du maréchal
Leclerc.
Je dois pouvoir en sortir un certain nombre d'autres mais, surtout,
je suis sûr qu'à peu près n'importe qui doit pouvoir trouver des
choses de ce genre (et, de fait, je connais des gens qui se sont
livrés au même exercice, et avec un succès assez étonnant).
Je ne crois pas que je donnerai la clé des mystères (ou en tout
cas, pas de tous — parce que certains ont déjà été éclaircis sur
ce blog), parce que c'est un peu comme un tour de magie : quand on
connaît le truc, c'est désespérément banal et inintéressant.
Comme chaque année depuis quelques unes (années), je vais passer
quelques jours en montagne où j'y retrouve mon poussinet (et je vais
essayer de calmer mes nerfs après la perte d'une de mes machines
— celle, regulus.xn--kwg.net, qui me servait à
recevoir mes mails : ça ne veut pas dire que mon mail ne marche plus,
mais j'ai perdu beaucoup de temps dans l'opération).
En attendant, je mentionne une webbédé sur laquelle je suis tombé
(et qu'on m'avait en fait certainement déjà signalée à plusieurs
reprises, et que j'avais dû à chaque fois oublier ou avoir la flemme
d'aller voir, shame on me), parce que ce que j'en
ai lu pour l'instant me semble vraiment
excellent : Khaos
Komix. Ce n'est pas vraiment un webcomic, plutôt une
histoire qui se suit (ou des histoires qui se suivent et se
répondent), et, oui, ça intéressera surtout les homos, mais les
histoires sont toute mignonnes et j'aime beaucoup le dessin —
disons même que je trouve très sexys la plupart des garçons qui
apparaissent. (Message personnel : je pense que ça plaira à mon
poussinet, qui est cependant vivement invité à lire ses articles
en priorité. )
Quand j'étais petit,
mes parents (enfin, surtout ma maman) m'ont fait suivre des cours de
flûte à bec. (C'est d'ailleurs sans doute pour ça que je manie si
bien le pipo maintenant.) Leur raisonnement était sans doute que,
comme j'étais (étais ?) du genre pénible et flemmard, c'était
l'instrument le plus facile à me faire avaler (façon de parler), et
pour passer la pilule ils m'ont mis dans une petite école de musique
sans prétentions et pas un conservatoire (ça c'était certainement un
bon choix). En fait, la flûte était probablement un mauvais calcul :
d'une part, le répertoire de la flûte à bec, pour quiconque n'est pas
mordu de musique baroque, est, pardonnez-moi le terme, prodigieusement
chiant : ce ne sont que gigues, gavottes, bourrées, menuets,
gaillardes, rondeaux, pavanes, sarabandes, passacailles, courantes
(quand je disais que c'était chiant — OK, je
sors) et autres danses baroques au nom rébarbatif. Jamais le moindre
air mémorisable ou connu (je crois que le seul morceau qui m'ait
vraiment plu de mes années de flûte, c'était un ensemble de variations
sur Greensleeves).
Certes, j'imagine que le problème est un peu le même (mutatis
mutandis, c'est-à-dire en remplaçant les danses baroques par je ne
sais quoi) avec n'importe quel instrument autre que le piano ou le
chant (si on considère le chant comme un instrument), puisque aucun
des thèmes célèbres qui peuvent nous flotter dans la tête n'a été
écrit pour un instrument seul sauf l'un de ces deux-là, et puisque les
gens ont une répugnance assez idiote à faire jouer sur un
instrument Y ce qui était prévu pour un
instrument X. Mais je m'égare. Toujours est-il que j'ai
abandonné l'étude de l'instrument quand j'ai eu l'impression de trop
tourner en rond. Et l'autre problème avec la flûte, c'est que quand
quelqu'un vous demande et tu as appris à jouer d'un instrument de
musique ? et que vous lui répondez la flûte à bec, il
ricane en disant je ne voulais pas dire au collège et vous êtes
obligé de lui expliquer que, si, si, vous avez bouffé des
gigues-gavottes-bourrées-menuets ad nauseam — bref, c'est
socialement handicapant. Peut-être parce que les musiciens ont ce
petit côté snob qui veut que quelqu'un qui joue sur un instrument en
plastique qui a coûté 30€ à tout casser, et qui a une tessiture
minable de deux octaves et un ton, il ne mérite guère de
considération.
Mais il y a une chose qui me fascinait (quand
j'étais gamin, et encore maintenant), avec la flûte, c'était qu'il y
en avait plusieurs modèles, tous avec exactement le même
doigté à transposition près : en descendant alternativement d'une
quarte et d'une quinte, la sopranino (en fa), la soprano (en do),
l'alto (en fa), la ténor[#] (en
do), la basse (en fa) et la grande basse (en do) ; et, si on va
chercher des choses ésotériques, il y a même la garklein (en do)
au-dessus de la sopranino, et la contrebasse ou plus loin en-dessous
de la grande basse. Ça a quelque chose de profondément satisfaisant
pour l'esprit d'un matheux ou d'un geek (et probablement de beaucoup
de gens, en fait), cette idée d'une famille d'instruments qui
fonctionnent tout pareil en changeant juste la note de base. Il y a
bien sûr beaucoup d'instruments qui fonctionnent comme ça, c'est même
très commun. Mais à part l'exemple évident, quoique imparfait, du
violon, de l'alto, du violoncelle et de la
contrebasse[#2], dans la plupart
des autres exemples qui viennent à l'esprit un des modèles s'est
nettement imposé par rapport aux autres : un saxophone soprano, une
clarinette alto ou un hautbois d'amour, c'est un petit peu inhabituel
— en tout cas, je ne crois pas en avoir croisé autrement qu'en
photo. On me rétorquera que la flûte à bec soprano est elle aussi
plus commune que les autres (on en trouvera dans n'importe quel
supermarché), à cause de son usage
scolaire[#3], mais d'une part
c'est récent (on me souffle 1979 pour l'introduction de cours de flûte
à bec au collège en France) et d'autre part les flûtes autres que
soprano restent très courantes, c'est juste que la soprano
est extraordinairement courante. Mais je m'égare.
J'ai joué de la flûte soprano et alto quand j'étais petit, et je
n'avais jamais eu que ces deux modèles. J'ai bien parfois tenu les
parties pour ténor dans des morceaux
(gigues-gavottes-bourrées-menuets), mais notre prof de flûte me
prêtait alors la ténor pour l'occasion et si je devais la répéter chez
moi je la répétais sur une
soprano[#4]. J'ai peut-être
brièvement joué sur une basse, mais guère. Quant à la sopranino, elle
était inconnue au bataillon[#5]
(il paraît qu'elle sert surtout dans des œuvres orchestrales).
Bref, je n'avais même pas eu la satisfaction mentale d'avoir un jeu
raisonnablement complet.
Alors j'ai décidé l'autre jour que, flûte à la fin !, je pouvais
bien remplir ce rêve de gamin :
je me suis acheté
une sopranino, une soprano, une alto et une ténor (du même fabricant,
et autant que possible du même modèle, toujours pour la satisfaction
intellectuelle d'avoir une série cohérente). Il faut bien profiter du
fait que la flûte à bec est le seul instrument (à part l'harmonica ?)
pour lequel on puisse avoir quelque chose de convenable pour un prix
complètement dérisoire. Je n'ai pas pris de basse parce que c'est
quand même un peu cher et très
encombrant[#6], ni de garklein
parce que j'avais oublié que ça existait. Mon but n'est certainement
pas de me remettre à l'étude de la flûte. Plutôt de flûtoter
comme on peut pianoter, c'est-à-dire, jouer des airs qui me
passent par la tête (parce que ce sont des mélodies connues, des
thèmes que j'essaie d'identifier, n'importe quoi de ce genre)
et certainement pas des morceaux composés pour flûte
(gigues-gavottes-bourrées-menuets !). Les voisins vont me haïr (mais
pas tant que ça : les notes aiguës passent mal à travers les murs, et
notre immeuble est bien insonorisé, et de toute façon je m'en lasserai
vite).
Par contre, il y a une chose qui m'intrigue nettement : c'est
pourquoi les flûtes ne sont pas des images homothétiques les unes des
autres. L'espacement entre les trois derniers trous est le même sur
ma ténor que sur l'alto : pas dans les mêmes proportions, mais bien le
même dans l'absolu.
[#] Le Club Contexte souligne que, malgré les
ressemblances de nom avec les noms des registres pour de chant, ils ne
collent pas du tout : la flûte à bec ténor a approximativement la
tessiture d'une voix humaine soprane, la grande basse a
approximativement la tessiture d'une voix humaine ténor, etc. (La
flûte à bec sopranino monte une bonne octave au-dessus des très hautes
notes des voix sopranes dans les opéras italiens.) Globalement, les
flûtes à bec sont une octave plus haut que ce que leur nom semble
indiquer, et par ailleurs — et le Club Contexte jubile —
on les note généralement une octave plus bas que le son qu'elles
produisent, ce qui alimente la confusion.
[#2] Il y a des trous
dans cette liste : s'il existe un instrument qui joue comme un violon
mais pile une octave plus bas, cet instrument doit être passablement
rare. Et de toute façon la contrebasse est un intrus puisque ses
cordes sont normalement accordées par quartes et non par quintes.
[#3] Pourquoi
précisément la soprano ? Manifestement la ténor (ou a fortiori
n'importe quoi de plus gros) est trop grosse pour des doigts
d'enfants, trop encombrante pour un cartable, et trop chère pour un
instrument que tous les collégiens achèteraient en masse : donc le
choix était entre la sopranino, la soprano et l'alto. Peut-être que
le choix a été fait car on préférait une flûte en do (mais il n'y a
pas de raison, en fait, comme les partitions à la flûte sont toujours
marquées telles que jouées, le doigté en do n'a rien de plus
« fondamental » que le doigté en fa si on va n'en apprendre qu'un) ;
ou peut-être que la sopranino risquait d'être trop stridente (je
frissonne à l'idée d'une classe entière jouant — mal — sur
une sopranino) et l'alto encore un peu trop grosse ou encombrante.
[#4] La soprano et la
ténor ayant le même doigté (celui des flûtes en do, si on a bien
suivi). En fait, mon cerveau avait un peu du mal avec ça, parce qu'à
force de jouer sur la soprano et l'alto, il avait câblé : grosse flûte
entre les mains ⇒ jouer les doigtés de la flûte en fa. Du coup
j'avais du mal sur une ténor.
[#5] C'est dommage,
parce que je la trouve vraiment adorable, la sopranino : elle a
quelque chose d'un petit jouet miniature qui la rend irrésistible.
Et son son n'est pas aussi perçant qu'on pourrait le craindre !
[#6] Les instruments à
vent sont forcément, à hauteur donnée, beaucoup plus encombrants que
ceux à corde, puisque le son voyage plus vite dans un solide que dans
l'air : or la taille de l'instrument est grosso modo corrélée à la
longueur d'onde — quoique avec des subtilités comme pour savoir
si on produit un nœud ou un ventre d'onde aux
extrémités —, alors qu'on perçoit le son par sa fréquence. Une
flûte à bec basse n'est pas si grave que ça : mais elle fait un
mètre de long.
Je fais passer cette année encore
des oraux de TIPE (de maths) du concours
des ENS : ce sera un peu plus léger qu'en 2008 ou 2007
(mon co-examinateur a demandé à avoir moins d'heures pour des raisons
personnelles, donc c'est l'autre jury qui prend la charge en plus),
mais c'est quand même fatigant. Par chance, cette année, j'avais
justement un jour de libre entre les oraux (qui ont lieu même le
week-end) en ce dernier samedi de juin, donc j'ai pu aller à
la gay pride marche des fiertés avec mon poussinet (qui,
pour sa part, sortait tout juste d'un torticolis très
torticolesque[#]). Et nous avons
photographié plein de garçons mignons, mais je ne sais pas si les
photos, prises par téléphone, rendront très bien.
Parce que j'ai un nouveau téléphone : non, pas celui
dont je parlais il y a quelques jours
(un HTC Touch dont mon papa ne voulait plus, et qui s'est
avéré franchement insupportable à l'usage) mais un vraiment nouveau,
un Android
Developer Phone[#2] (je suis
donc enregistré comme développeur Android, mazette !). Je dirai plus
dans une (voire, des) entrées ultérieures ce que je trouve bien et pas
bien avec ce gadget, mais c'est sûr que pour un geek c'est vraiment
intéressant comme jouet. Je pense que je vais faire un peu de
programmation Java cet été !
[#2] Le cours du dollar
par rapport à l'euro est assez bas pour qu'il soit vraiment
intéressant d'acheter ça : même en comptant les frais de port et de
douane, ça revient finalement moins cher qu'un téléphone sensiblement
équivalent, mais verrouillé, acheté en France. (L'intérêt principal
du developer phone est qu'il est complètement déverrouillé.) Par
ailleurs, la livraison a été très rapide (moins de 48h entre
la commande en ligne et la réception du paquet, qui venait de
l'Illinois, je trouve que c'est assez fort).
Je voulais vérifier que j'arrivais à transférer des
données depuis mon téléphone à la con
(ce qui, soit dit en passant, marche
assez mal), alors j'ai pris une photo
de la peluche que je n'avais pas
encore montrée sur ce blog : je vous présente Daisy, la vache-bouboule
anti-stress et anti-anxiété (ici sur un lit chez mes parents).
Le jour (entre août et octobre 2007, je ne sais plus exactement quand) où
mon poussinet est rentré en me disant qu'il avait acheté une nouvelle
peluche, j'ai fait une mine sceptique ; et puis il m'a montré cette
bestiole toute souriante et j'ai immédiatement craqué.
Voilà, c'était l'entrée pour perdre le vague semblant de sérieux
qu'il pouvait rester à ma réputation.
J'ai déjà dû raconter que mon père est dans le genre
technogadgetophile impulsif qui achète tout ce qui lui passe sous les
yeux (comme en témoignent chez mes parent les tiroirs entiers remplis
de webcams). Il y a un certain temps, il s'était acheté un téléphone
à écran tactile, que j'avais pris de
loin pour un iPhone
(mon père m'en avait fait une description confuse) et qui est en fait
un HTC
Touch. Il a ensuite décidé qu'il n'en voulait plus (notamment à
cause de l'autonomie exécrable et de problèmes d'utilisabilité).
Comme mon propre téléphone
mobile, nettement
moins sophistiqué, commençait à devenir franchement inutilisable à
force de touches qui se mettaient à marcher de moins en moins (comme
la touche flèche haut, ce qui est gênant), je me suis dit qu'un
mauvais téléphone à écran tactile vaudrait toujours mieux qu'un
téléphone basique dont le clavier est mourant, et j'ai récupéré la
bestiole (que mon poussinet a trouvé pour moi comment
désimlocker).
Je ne dirai pas que j'y ai perdu au change, ce truc a bien quelques
fonctions intéressantes (pouvoir gérer le Wifi, ce n'est pas mal, et
puis le navigateur Web,
fût-il Pocket IE,
est toujours plus pratique que ce que j'avais sur le précédent). Mais
question ergonomie, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi pourri :
outre que le principe même de l'écran tactile me semble assez agaçant
(je ne sais pas pourquoi les gens trouvent ça génial), comment peut-on
aimer ce Windows Mobile ? Toutes les options de configuration sont
cachées dans un labyrinthe d'icônes et d'onglets organisés sans aucune
logique, il a fallu à mon poussinet et à moi un temps fou pour deviner
où entrer les paramètres de connexion de
données GPRS/Edge, ou encore comment choisir ou activer
une connexion Wifi. Tout est, évidemment, en français-mal-traduit et
il n'y a aucun moyen de changer de langue (la première chose que je
fais sur un téléphone, normalement, c'est le mettre en anglais où au
moins on a l'impression de ne pas avoir affaire à des bribes de
phrases mises côte à côte par quelqu'un dont la langue maternelle
était sans doute le klingon).
Mais le pire, ce sont les méthodes d'entrée (c'est-à-dire, comment
taper des SMS, par exemple, ou toute forme de texte) : le
téléphone en propose six, toutes plus pourries les unes que les
autres. L'une fait apparaître en bas de l'écran un clavier imitant la
disposition d'un clavier d'ordinateur : ça me conviendrait à peu près,
si ce n'est que le clavier est azerty, et qu'il n'y a apparemment
aucun moyen d'en changer la langue — outre que je déteste en soi
le layout azerty (sur les ordinateurs, je tape toujours en
qwerty US), je n'ai vraiment pas envie de faire un shift
pour taper le moindre chiffre. Une autre fait apparaître
un clavier touch (je ne sais pas ce que c'est censé vouloir
dire : c'est eux qui disent ça) qui imite encore la disposition d'un
clavier d'ordinateur mais où, cette fois, les touches sont regroupées
deux par deux — on a le choix entre appuyer deux fois sur la
touche pour choisir la deuxième lettre ou bien utiliser un
dictionnaire du
style T9 ;
cette fois, on peut le mettre en qwerty, mais malheureusement
uniquement avec un dictionnaire anglais (or mes SMS, pour
leur immense majorité, sont écrits en français). Une troisième
méthode d'entrée fait apparaître un pavé semblable aux touches
numériques d'un téléphone mobile non tactile : là aussi, on peut
entrer une lettre en répétant la pression sur une touche ou en
utilisant un dictionnaire T9 — c'est encore ce que
j'ai trouvé le moins mauvais. Les trois autres méthodes d'entrée
m'ont l'air absolument identiques : elles se basent sur la
reconnaissance de caractères tracés au stylet sur l'écran tactile (je
ne sais pas s'il y en a trois pour faire joli, ou parce qu'il y a des
différences subtiles dans la forme des lettres à tracer ou dans la
façon dont on est censé s'en servir). Ce truc est à peu près
inutilisable : on perd son temps à refaire douze fois le dessin de la
lettre avant que le mobile accepte de reconnaître celle qu'on voulait
(et il décide de reconnaître une lettre dès qu'on lâche le stylet,
alors je ne comprends même pas comment on est censé arriver à
dessiner, disons, un ‘D’ : il me reconnaît à chaque fois
les lettre ‘LY’, la première pour la barre verticale et la
seconde pour le ventre du ‘D’).
Mon poussinet, qui a, lui,
un HTC
Magic (et ça ça a l'air plutôt bien, comme téléphone), se moque de
moi.
Ma mère me dit que je m'habille comme un ado attardé et que ça ne
fait vraiment pas sérieux. Elle a complètement raison — et
c'est sans doute parce que je suis un ado
attardé[#] — mais je ne vois
pas le problème avec ça. Au contraire : j'aime l'idée de perturber
ceux qui jugent les gens à leurs habits. Accusation dont je plaide
moi-même complètement coupable : le jour où je vois dans le métro un
type que son look qualifie subliminalement de racaille de
banlieue sortir et se mettre à lire une édition (bilingue…)
de la Guerre civile de
Lucain[#2] ou un goth avec
des piercings partout un exemplaire de Linux Magazine, je
tomberai un peu des nues — et en même temps je jubilerai de
savoir qu'on ne vit pas encore dans un monde où les gens rentrent
sagement dans les petits cases où ils ont l'air de devoir rentrer.
Pour le prouver, et pour revendiquer ma liberté, j'ai essayé toutes
sortes de looks que j'avais simplement envie d'essayer pour voir
comment on me regarde ou comment je me vois moi-même : jean
baggy DC shoes tee-shirt Quiksilver ; pantalon noir à
lanières tee-shirt tribal poignets de force ; survêtement Umbro
baskets casquette tout en blanc ; crâne rasé treillis bombers ; ou
encore, kilt et ghillie shirt (d'ailleurs, j'aime bien le kilt, c'est
juste dommage qu'il n'y ait pas de poches et que le sporran censé les
remplacer soit vraiment trop petit) ; ou enfin, toge romaine (là les
gens vous regardent vraiment bizarrement) ; ou toutes sortes
de mélanges éclectiques de tout ça. Si on me demande pourquoi je
porte ça, je dénonce l'inanité de la question : parce que c'est
interdit par la loi d'être nu en public.
Or s'habiller comme on veut est une liberté difficile à prendre.
J'ai tendance à considérer que la cravate est le symbole le
plus crétin d'oppression vestimentaire qui puisse exister (si on on
excepte ceux qui apprécient sincèrement de la porter — car
évidemment ils existent — c'est tout de même l'accessoire
vestimentaire le plus ridicule de l'univers, qui ne sert absolument à
rien, ne recouvre rien, ne protège rien, et pourtant il y a des gens
qui y sont astreints et qui risqueraient de sérieux ennuis
professionnels à l'enlever). Heureusement, j'ai un métier dans lequel
on n'a pas à porter de cravate, et si le dress-code du chercheur
ressemble à jean délavé et pull informe, on peut néanmoins se
permettre d'en dévier significativement (témoin un éminent professeur
de l'ENS de Lyon qui, la dernière fois que je l'ai vu,
portait une lavallière). Je me permets le style ado attardé, mais je
ne me permettrais pas tout ce que je me suis permis dans la rue. Et
plus on prend de l'âge et un soupçon de respectabilité plus il est
difficile de se permettre de s'habiller comme on veut : bienheureux
les adolescents s'ils connaissaient leur bonheur !
En tout cas, je trouve un peu affligeante l'uniformité
vestimentaire qu'on peut voir, par exemple, dans le Marais : il y a
dix-douze ans c'était cheveux ras doc martens, jean et bombers,
maintenant c'est le look vintage branchouille chic vendu
au BHV Homme qui domine tout, toujours
est-il que c'est triste.
[#] Par ailleurs, comme
les ados sont fauchés, c'est très économique de s'habiller comme
eux.
[#2] Je dois avouer que
je n'ai pas encore vu exactement ça. Mais c'est tout de même
« inspiré de faits réels » (disons je me souviens d'avoir dans le
métro vu ce livre lu par quelqu'un dont je ne me rappelle plus
exactement à quoi il ressemblait mais je sais que c'était vraiment
tout le contraire de l'image qu'on peut se former d'un agrégatif de
lettres classiques ; maintenant, c'est difficile de savoir si c'est
sur les habits des gens dans le métro ou sur la poésie de Lucain qu'on
a des préjugés, finalement).
Le titre de cette entrée est ridicule, mais c'est la vérité : c'est
une des choses que j'aime énormément faire quand j'ai du temps libre,
prendre un café (de préférence juste après le déjeuner) à un endroit
où on peut voir la rue, et le savourer en regardant les gens qui
passent. Il y a ceux qui ont une tête amusante à voir, d'autres dont
les habits surprennent, et il y a quantité de petites saynètes à
contempler. Parfois, mon poussinet et moi nous amusons à essayer de
deviner le métier de chaque personne qui passe — on ne saura
jamais combien on est à côté de la plaque, mais c'est certainement
rigolo de constater que nous tombons souvent d'accord.
Dans le train entre Chambéry et Lyon il y avait un groupe de trois
djeunz pas méchants mais un peu remuants. L'un était un skinhead avec
la tenue qui va avec (treillis-rangers-à-lacets-blancs-bombers), un
autre était plutôt dans le
genre métalleux,
et le troisième (plus jeune que les autres) faisait juste lycéen
endormi — endormi dans le sens presque en coma éthylique, en
fait, et du coup il était moins remuant que les deux autres (pas que
ceux-ci fussent sobres !). Comme je portais moi-même un treillis et
des chaussures de chantier (qu'on peut prendre pour des rangers), ils
(les deux pas encore trop endormis) sont venus discuter avec moi.
J'ai donc appris que c'étaient des fans d'AC/DC qui allaient à Paris
pour un concert au palais de Bercy : ils tenaient absolument à savoir
si j'en étais moi aussi un, et ils étaient persuadés que oui, et que
j'allais forcément au même endroit qu'eux ; personnellement, je ne
connais pas trop la sociologie du fan typique d'AC/DC, mais si j'en
juge par leur look à eux, et si on veut absolument que l'habit fasse
le moine, ça ne doit pas être trop le genre à porter les cheveux
longs, un blouson de ski rouge vif et un tee-shirt Rip Curl. 'Fin
bref… Ils m'ont demandé ce que j'écoutais comme musique
(la question que je déteste), j'ai
esquivé la question, mais le fait que je ne réponde même pas le nom
d'un groupe de métal les a désopilés, ils m'ont proposé de boire un
coup avec eux, et quand j'ai dit que je ne buvais pas ils ont eu l'air
de me considérer comme complètement irrémédiable et ils ont laissé
tomber.
Peu de temps après, une jeune femme visiblement dérangée par leurs
braillements est venue s'asseoir dans mon compartiment. Moi à ce
moment-là je faisais joujou avec mon GPS pour enregistrer
le parcours du train : elle m'a demandé ce que c'était, et je crois
que je suis passé pour complètement irrémédiable auprès d'elle
aussi.
Dans le TGV de Lyon à Paris, je me suis retrouvé de
nouveau dans le même wagon la même voiture que les trois
djeunz AC/DC. Là ils ont vraiment emmerdé le monde parce qu'ils se
sont mis à vomir. Du coup, il y a encore deux jeunes filles qui, pour
les fuir, sont venues s'installer à côté de moi (note pour les mecs
hétéros, donc : si vous voulez que des jeunes femmes s'assoient à côté
de vous dans le train, arrangez-vous pour être dans la même voiture
que des skins bourrés et pour avoir l'air moins lourd qu'eux).
Ensuite, je ne sais pas ce qui s'est passé, ils sont sortis pour aller
au bar du train, puis un contrôleur et une contrôleuse sont venus dans
notre voiture regarder le vomi, et enfin les djeunz sont revenus et
ils se sont complètement tenus à carreau pour le reste du trajet.
Au moment où je sortais du train, un autre passager m'a
demandé : Vous aussi, vous allez écouter AC/DC ?
Si je compte bien, la dernière fois que j'ai fait du ski, c'était à
l'hiver 1990–1991 (dans la petite station jurassienne de
Métabief, où la famille de ma mère a un appartement ; j'y étais
d'ailleurs avec ma cousine et nous avons essayé le monoski, dont la
difficulté un peu gratuite ne nous avait finalement pas trop
convaincus). Mon poussinet
m'ayant persuadé de réessayer, je me
demandais quel serait mon niveau : est-ce que je me retrouverais à
faire du chasse-neige pour descendre les pistes vertes ? Peut-être
que je l'espérais, en fait, comme prétexte pour essayer autre chose
(comme le surf/snowboard, il paraît que ça s'apprend plus facilement ;
ou simplement, diront les mauvaises langues qui me connaissent, pour
ne rien faire du tout). Beaucoup de gens m'ont dit ah, mais ça ne
s'oublie pas ! (ma maman, maman Mouton, et jusqu'à la dame qui m'a
loué les skis) : je me demande d'où tous ces gens tirent leur savoir
parce que, franchement, des gens qui font du ski un peu correctement,
puis qui arrêtent complètement pendant au moins 15 ans, et
qui réessayent ensuite, il ne doit pas y en avoir des masses. En
plus, les skis ont changé depuis le temps : maintenant ils sont plus
courts et ils ont une forme différente (qualifiée de parabolique, même
si je ne vois pas bien où est la parabole).
Ceci étant, je dois reconnaître qu'ils n'avaient pas trop tort : si
j'ai oublié beaucoup de choses apprises consciemment (par exemple,
comment prendre les remontées mécaniques), il m'est resté des réflexes
que je ne pensais plus avoir. Donc je savais encore tourner,
m'arrêter en dérapant, bref, les mouvements de base qui font qu'au
final je n'étais pas toujours parmi les plus mauvais (même parmi les
djeunz qui ont l'air de trouver que c'est une façon de se la péter que
de plaisanter à l'idée de prendre une piste qui ne soit pas au
moins rouge). Et je continue à ne pas savoir à quoi mes
bâtons sont censés servir. Il y a pourtant des choses qui ne sont
plus comme quand j'avais quinze ans : d'une, j'ai beaucoup plus
facilement le vertige (heureusement pas trop sur les télésièges, mais
sur les pistes je devais parfois m'arrêter pour une raison qui n'ait
rien à voir avec la difficulté technique). De deux, j'ai beaucoup
moins de force dans les jambes (par rapport à mon poids), ce qui
m'interdit de dépasser une vitesse modérée de peur de perdre la
stabilité de mes skis (surtout le gauche) : mon poussinet refuse
d'ailleurs de me croire et prétend que je suis juste trop peureux ou
trop flemmard pour aller plus vite.
Mais surtout, ce qui a changé, c'est que je n'arrive plus à trouver
ça grisant en soi, de skier : si autrefois j'ai pu trouver jouissif de
descendre les murs tout schuss, ou (comme mon poussinet semble
aimer) batifoler dans les champs de bosses, l'idée de convertir de
l'énergie cinétique en frottements sur neige m'amuse beaucoup moins
maintenant. L'intérêt est plutôt de pouvoir regarder le paysage #1
(celui où on espère apercevoir un lagopède alpin, mais ça ne nous est
pas arrivé) et le paysage #2 (celui constitué des jolis garçons au
look sexy, surtout du côté des surfers). Or le paysage #1 ne bouge
pas, et le paysage #2 se voit mieux si on prend le temps de s'arrêter
pour le regarder passer (d'autant que ça évite les accidents) ; bon,
il est vrai qu'il peut y avoir motivation à aller un peu vite pour le
rattraper ensuite (et le poussinet et moi nous sommes pas mal
débrouillés, en somme, entre nos petits codes pour nous signaler le
paysage, et notre façon d'alterner entre le dépasser puis de le
laisser nous dépasser — après, peut-être qu'ils pensaient
exactement la même chose de nous ).
Sinon, un autre intérêt est la conversation du poussinet qui, après
s'être découvert une passion de geek pour les remontées mécaniques,
m'explique à chaque télésiège que celui-ci est un des seuls
débrayables construits par cette compagnie ou que celui-là est un fixe
dont le moteur et les pylônes sont prévus pour qu'il puisse être
converti en débrayable un jour (mais ça n'arrivera pas), et à chaque
téléski quelle est la différence entre un lâcher sous poulie et un
lâcher sous pylone ou pourquoi on ne peut pas faire deux virages de
sens contraires sur un téléski, et encore toutes sortes d'autres
choses que je vivais sans la joie de savoir.
Bon, et enfin, une chose qui ne risquait pas de changer en
quinze-vingt ans, c'est qu'il faut une quantité invraisemblable
d'accessoires à la con pour faire du ski, et qu'ils sont parfois plus
embêtants qu'autre chose (entre les gants et les sous-gants quand il
s'agit d'attraper un mouchoir parce qu'on a le nez qui coule, ou
encore le masque qui fait tout voir d'une couleur ambrée — mais
pourquoi diable ne font-ils pas des masques qui atténuent la lumière
visible uniformément, donc de couleur grise dans le visibile et opaque
dans l'ultraviolet ? pourquoi faut-il que tout
devienne jaune ?).
Mais où mon inconscient va-t-il chercher tout ça ?
Dans un rêve, la nuit dernière, j'ai entendu la phrase suivante
(imaginez-la prononcée sur un ton de documentaire sur
Arte) : Jusque récemment, les œuvres pour piano de Brahms
étaient considérées comme injouables par un seul pianiste, et les
éditeurs de partitions y ajoutaient donc des annotations pour indiquer
comment les jouer à quatre mains ; ces indications ne sont plus
portées maintenant, à l'exception d'une seule, en forme d'abeille,
placée au-dessus d'un accord pour signaler qu'il rompt la cadence.
(Pendant ce temps défilent des images de partitions musicales avec des
annotations un peu étranges, finissant par un zoom sur quelque chose
qui ressemble plus
au hiéroglyphe
du scarabée qu'à une abeille.)
Mais comment est-ce que j'ai pu imaginer ce truc ?
Peut-être un lointain souvenir
de cette
célèbre partition rigolote ? Mais tout de même, j'ai rarement
fait un rêve dans lequel figurait une idée aussi précise,
cohérente, raisonnable, et naturellement complètement
fausse.
Régulièrement je suis confronté à la difficulté d'acheter les
objets les plus anodins, et je tombe souvent des nues de voir à quel
point les choses les plus banales peuvent être introuvables. Le
dernier épisode de cette saga, donc, concerne l'achat d'une paire de
lacets : des lacets coaxiaux (j'utilise ce mot, qui visiblement n'est
pas le bon, parce que je ne sais pas comment on est censé dire ; je
m'explique).
J'ai une paire de chaussures de sécurité (des chaussures de
chantier, si on
veut) Caterpillar —
d'un modèle très proche ou identique
à celui-ci
mais peu importe. Je trouve ça très agréable à porter, surtout par
temps pourri.
Elles ont des lacets très épais que j'aurais envie de qualifier de
coaxiaux ou gainés (mais visiblement aucun de ces termes
n'est le bon ou, en tout cas, ils ne sont compris par personne) :
c'est-à-dire que ce sont des lacets tubulaires (sans doute en
nylon/polyester) à section circulaire, sauf que dans cette gaine il y
a un lacet intérieur, lui aussi à section circulaire, mais
probablement plein, et plus fin. Les deux parties sont indépendantes,
reliées seulement extrémités. (Vraisemblablement c'est fait pour que
la gaine extérieure protège le lacet intérieur de l'usure.) Ils sont
longs de 150cm et noirs, mais ça ce n'est pas très important, ce qui
est vraiment difficile à trouver c'est la largeur et la structure
coaxiale.
Or un de ces lacets a cassé (au niveau de la gaine extérieure), et
je cherche à le remplacer, à l'identique parce que des lacets plus
fins ne se nouent pas de façon aussi confortable. Je n'aurais pas
imaginé une seule seconde que ce pût être aussi difficile de trouver
une paire de lacets ! J'ai cherché partout : mon Champion local, un
cordonnier, un Go Sport (sur la recommandation du
cordonnier), au Vieux
Campeur… et même une boutique de vêtements de chantier où
ils vendent des chaussures de ce genre mais apparemment pas les lacets
qui vont avec. Non seulement personne n'a des lacets comme ça, mais
quand je cherche on me regarde comme si je demandais
un dé-ψ-onduleur métatronique à polarité inversée pour ma
navette spatiale ! Pourtant, les chaussures elles-mêmes, elles ne
sont ni rares ni difficiles à trouver.
Même son de cloche sur Internet : de toute façon, sur Google,
chercher lacets chaussures Caterpillar est forcément compris
comme chaussures à lacets Caterpillar, et quelle que soit la
façon dont je varie ma recherche je n'ai trouvé personne qui vende des
lacets en ligne avec un choix qui ne soit pas ridicule.
Ce serait tout de même crétin que je doive racheter une paire juste
pour avoir de nouveaux lacets !
Essayons de hacker Amazon.co.uk et la poste anglaise
Je viens de lancer une petite expérience : que se passe-t-il si on
commande quelque chose chez Amazon.co.uk qui n'a pas le droit d'être
livré en France et qu'on indique comme adresse de livraison
David A. Madore 11 rue Simonet F75013 Paris FRANCE - ignore following lines None, XY0 0AA United Kingdom
Alors, arrivera ou arrivera pas ? Je n'aurais pas pris le risque
pour l'Eee PC, mais là
il s'agit d'un clavier à environ £9, ce ne sera pas catastrophique si
ce truc n'arrive jamais nulle part (ou si on me fait payer une amende
pour le défaut de frais de port). Pour le code postal, j'ai choisi
celui-là grâce
à l'aide de
Wikipédia : Within Royal Mail, outward codes
beginning XY are used internally as routing codes to route
mis-addressed mail, and to route international outbound mail. (Ce
que j'espère est que chez Amazon personne ne se rende compte de rien
vu que tout est automatisé au possible, et qu'une fois le paquet
arrivé dans les mains de Royal Mail l'adresse bizarre force un humain
à la lire, à comprendre ce qui se passe, et à agir
intelligemment.)
Mais sinon, je veux bien savoir comment on est censé se procurer,
en France, un clavier QWERTY (US ou GB, pas
espagnol, hein) plat USB filaire (et avec un vrai pavé
numérique, trois touches entre la barre d'espace et le control de
droite, et surtout un vrai pavé de flèches surmonté d'un rectangle
3(horiz.)×2(vert.) de touches insert/home/pageup et
delete/end/pagedown — je précise ça pour exclure certains
modèles de
chez Logitech
ou Labtec
qui sont des horreurs). Je crois que je sais remplir toute
combinaison de toutes ces contraintes sauf une, mais pas toutes à la
fois.
Mise à jour : Ça n'a pas marché, probablement
parce que l'objet n'était pas vendu directement par Amazon mais par
une « boutique » d'Amazon qui doit traiter les choses de façon moins
automatisée. On m'a prélevé le prix de l'article, puis immédiatement
remboursé avec comme explication qu'ils ne livrent pas en France (et
j'ai perdu 0.03€ dans l'opération).
Mercredi matin il y a neuf jours (le 2008-08-27, donc), alors que
j'étais de passage chez mes parents à Orsay, je me suis réveillé tôt
avec un mal au ventre, qui n'a cessé d'empirer, évoluant vers une
sensation de brûlure à l'estomac, accompagnée de nausées, puis de
vomissements (si ce n'est que je n'avais pas grand-chose à vomir).
J'ai passé la journée, une bouillotte sur le ventre, à me shooter au
paracétamol. Le soir j'ai cru que j'allais un peu mieux et j'ai pris
un léger bouillon et un fruit, mais mon état s'est de nouveau
détériorié, mes vomissements se sont intensifiés, j'ai fait de la
fièvre (38.6°C malgré le paracétamol) avec des frissons, et j'ai eu un
énorme mal de tête (comme l'impression que ma tête était une grosse
cloche et que mon pouls donnait des coups dedans à 100 battements par
minute).
Je suis tout sauf héroïque face à la douleur
(on le sait déjà), donc j'ai persuadé
mon père de me conduire — vers 2h du matin le 28 — aux
urgences de l'hôpital d'Orsay (je voulais initialement
appeler SOS médecins, mais apparemment ça n'existe pas
aussi loin qu'Orsay). Là j'ai été très bien reçu par une infirmière
et un externe pas trop débordés et très gentils, on m'a mis sous
perfusion pour me réhydrater et m'injecter du
Primpéran et
plus de paracétamol (et encore autre chose que j'oublie) et on a lancé
quelques analyses. Les premiers résultats étaient normaux et je me
sentais mieux, donc on m'a fait sortir vers 4h30 et je suis rentré
chez moi avec une ordonnance symptomatique (sans antibiotiques,
car a priori il se semblait agir d'une gastro-entérite virale).
J'ai passé encore une journée peu agréable jeudi, et j'ai pu manger un
peu le soir ; vendredi j'étais toujours un peu barbouillé, mais
rapidement je me suis estimé guéri (et je suis rentré chez moi à
Paris).
Acte II
Lundi 1er dans l'après-midi (alors que j'allais désormais
parfaitement bien, et c'est toujours le cas) je reçois un coup de fil
du service des urgences d'Orsay où je m'étais présenté, m'avertissant
qu'une des hémocultures qu'on m'avait faites (c'est-à-dire des
prélèvements sanguins qu'on met en culture pour détecter des
bactéries) était retournée positive : on m'a trouvé une bactérie du
genre Klebsiella
dans le sang. (Enfin, je donne le nom, mais pour réussir à décoder ce
que j'ai entendu par téléphone, il m'a fallu du temps à Googlifier des
choses comme clef de ciel.) On me demande donc de revenir à
l'hôpital pour analyses complémentaires — et éventuellement pour
être mis sous antibiotiques. J'explique que je vais bien et que je
n'ai pas vraiment envie de revenir à Orsay pour ça : on me suggère
alors de me présenter aux urgences de l'hôpital le plus proche de chez
moi, auquel ils faxeront le dossier.
Les urgences de la Pitié, vers 18h, si on n'est
pas in articulo mortis, ça doit vouloir dire
trois heures d'attente au bas mot avant d'avoir la moindre chance de
voir un médecin. Je me suis donc dit que, pour épargner mon temps
comme celui du personnel, je pourrais y revenir à une heure plus
creuse : je m'y suis donc pointé à 3h du matin (le mardi 2 septembre,
si vous suivez bien), et effectivement il n'y avait plus personne.
Là, on m'a fait savoir, en gros, que je n'avais rien à y faire : que
mon cas n'était pas urgent puisque visiblement je n'étais pas malade,
qu'on ne pouvait rien pour moi sans les résultats des analyses, que ce
n'était pas à eux de demander celles-ci à l'hôpital d'Orsay et que
d'ailleurs à 3h du matin ce serait impossible (j'ai rétorqué que
c'était un service d'urgences et qu'il tournait 24h/24h, labo compris,
mais on ne m'a pas écouté), bref, que je n'avais pas à être là. J'ai
répondu que, d'accord, j'étais désolé de faire perdre du temps à tout
le monde parce qu'on m'avait expressément recommandé d'aller aux
urgences de l'hôpital le plus proche, et que je voulais bien, moi, me
présenter en médecine de ville ou bien à un autre service de
l'hôpital, juste qu'on me dise quoi faire. On m'a alors renvoyé sur
le service des maladies infectieuses (…parasitaires,
tropicales et de santé publique), service du professeur
Bricaire, dans le même hôpital.
Le lendemain (enfin, toujours le mardi 2), j'ai pris rendez-vous
auprès du service en question : le plus tôt possible étant le
vendredi 5 au matin — soit. Je demande le numéro de fax du
service, qui fut apparemment difficile à retrouver, mais que j'ai
obtenu. J'ai ensuite appelé l'hôpital d'Orsay pour leur demander
d'envoyer les résultats des analyses au service des maladies
infectieuses de la Pitié, à l'attention du médecin dont on m'avait
donné le nom pour le rendez-vous.
Acte III
Ce matin j'arrive au rendez-vous (pile à l'heure) et voilà,
évidemment, que personne n'a entendu parler de moi au service des
maladies infectieuses. J'imagine que ce qui s'est passé est que la
difficulté à trouver le numéro de fax a fait oublier le rendez-vous
lui-même à la personne qui devait l'inscrire dans les registres, ou
quelque chose comme ça. J'offre comme indice de ma bonne foi le fait
que je connaisse le nom du médecin qui devait me recevoir. On finit
par ajouter mon nom sur les listes et par me faire patienter.
Heureusement, les fax de l'hôpital d'Orsay, eux, étaient bien
arrivés.
Le médecin que j'ai enfin pu voir, et à laquelle j'ai fait subir le
récit de mes aventures jusqu'à présent, m'a concédé que c'était une
drôle d'histoire. D'après elle, normalement, une infection
bactérienne de ce genre ne se guérit pas toute seule, donc il est
bizarre que j'aille bien. J'ai demandé si un faux positif était
possible, mais elle ne semblait pas y croire. Et elle prétend que
l'hôpital d'Orsay n'aurait pas dû me laisser sortir. Bref, elle m'a
mis sous antibiotiques : comme j'ai déjà fait par le passé une
allergie à l'amoxicilline, elle m'a prescrit de la ciprofloxacine
(j'ai de la chance, d'après l'antibiogramme réalisé à Orsay, la
bactérie est sensible à tous les antibiotiques testés), à des doses
néanmoins diminuées puisque je n'ai pas de symptômes. Et je dois
reprendre rendez-vous une fois le traitement fini pour faire des
nouvelles analyses (y compris pour contrôler la glycémie, qui était
apparemment trop élevée dans les premières analyses, même si je
n'étais pas vraiment à jeun), puis une troisième fois pour l'analyse
des résultats.
Je me remets à ma tentative
d'apprendre un peu d'arabe,
interrompue par deux semaines de
concours (ce qui n'est pas peu vu que ça ne fait que deux mois que
j'ai commencé à étudier cette langue…). J'en suis à la leçon
36 sur les 77 que compte la méthode : cela ressemble à presque la
moitié, mais en fait cette impression est trompeuse parce que j'ai
l'impression que la difficulté des leçons croît très vite, du coup
j'ai vaguement le sentiment de me faire arnaquer. Plein de points de
grammaire sont renvoyés à une hypothétique explication ultérieure avec
des encouragements conciliants (ne vous en préoccupez pas pour
l'instant — soit, mais du coup c'est plus lourd à apprendre
si on ne connaît pas la règle). Et surtout, j'ai l'impression qu'une
difficulté majeure de la langue — celle des pluriels, qui ne
suivent aucune logique — est complètement glissée sous le tapis
avec la recommandation apprenez bien chaque mot avec son
pluriel : moui, moi je veux bien, mais encore faut-il que je
puisse le savoir, le pluriel en question, or le lexique en fin de
volume a l'air de ne pas les donner systématiquement, ni de renvoyer
chaque pluriel à son singulier, pas plus que le petit dictionnaire
(pas terriblement bien fait) que je me suis acheté. Par
exemple, je
ne sais toujours pas quel est le (masculin) pluriel d'un adjectif
aussi commun
que جَمِيلٌ
(qui signifie beau et qui est un des rares adjectifs que je
connaisse), donc c'est mal parti pour apprendre chaque mot avec son
pluriel.
Peut-être que je m'y prends mal, mais cette langue est quand même
terriblement décourageante.
À partir de vendredi (après-demain), je rempile pour faire passer
des oraux de TIPE aux ENS, avec comme l'an dernier un
planning bien chargé (80 oraux à faire passer en 9
jours[#] répartis sur deux
semaines), donc je vais un peu disparaître pendant cette période qui
sera assurément fatigante.
Je m'abstiens évidemment de faire des remarques sur le fond de
l'épreuve : pour cela, on pourra voir
le rapport
que nous avions écrit. Sur la forme, comme l'an dernier, il y
a(ura) le sentiment excitant mais frustrant de voir 80 sujets
scientifiques souvent intéressants passer à toute vitesse et de
n'avoir qu'un temps très limité à pouvoir consacrer à chacun ; et
c'est en fait très angoissant de se demander vais-je trouver des
questions intéressantes à poser sur ce
sujet[#2] : il est vraiment
dommage qu'on ne puisse avoir les dossiers que si peu de temps à
l'avance, mais le calendrier du concours est incroyablement serré.
[#] Y compris le samedi
28 juin — dommage pour la gay pride.
[#2] Les examinateurs
des oraux autres que TIPE peuvent choisir assez librement ce qu'ils
vont poser comme questions : nous nous devons faire avec le sujet que
le candidat a choisi, ce qui rend l'exercice très dur pour nous (même
en étant deux examinateurs, c'est impossible d'avoir une culture qui
recouvre toutes les mathématiques).
Je suis un grand fan de la
méthode Assimil, pas forcément
que je la trouve excellente dans l'absolu, mais il me semble qu'elle
convient très bien à quelqu'un qui, comme moi, a une mémoire
essentiellement auditive[#] :
la meilleure façon d'apprendre une langue serait donc bien d'écouter
des phrases prononcées dans cette langue, en en comprenant le sens, en
cherchant juste à activer les connexions neuronales entre les deux,
jusqu'à ce que « ça rentre ». Et je pense qu'en allant au bout d'une
méthode Assimil avec beaucoup de régularité, on doit arriver à un
niveau pas complètement ridicule dans une langue donnée : c'est là que
ça pèche, bien sûr, parce que je n'arrive pas à garder une motivation
suffisante pour maintenir la régularité. Il faut y passer une bonne
demi-heure par jour (et encore, je pense que c'est une minoration,
parce que le temps de bien réécouter la leçon de la veille, écouter
trois ou quatre fois la leçon du jour, s'exercer un peu à l'écriture,
faire les exercices, préécouter la leçon du lendemain, trente minutes
sont déjà justes), et, mine de rien, ce n'est pas facile à
trouver.
En 2001, je n'étais arrivé qu'à la
douzième[#2] leçon de l'Assimil
hongrois — il est vrai que c'était
un crash-course puisque je partais une semaine à
Budapest et que je voulais au moins pouvoir prononcer correctement
Nem beszélek
magyarul![#3][#4]
avant de partir, ce qui est tout de même un niveau qu'on dépasse à la
12e leçon. Il y a deux ans j'avais poussé un peu plus loin pour le
japonais, en allant jusqu'à la 29e leçon (j'avais fait un an d'étude
du japonais en grand débutant à l'ENS mais je n'avais
strictement rien retenu). À la limite, qu'il ne m'en reste
consciemment rien n'a aucune importance : mon but n'était pas vraiment
d'apprendre du hongrois, respectivement du japonais, mais de me faire
une représentation mentale de ces langues, d'assimiler un peu de leur
structure
(voire
d'assouplir mes propres mécanismes de pensée). Bref, de transformer
quelque chose de complètement opaque en quelque chose de
certes toujours opaque mais où je peux imaginer de progresser.
Là je me suis acheté l'Assimil
arabe[#5]. Pourquoi l'arabe ?
Peut-être parce que je m'efforce à trouver des langues aussi éloignées
que possible les unes des autres (auquel cas il faudrait sans doute
que je programme ensuite le tamoul, le chinois et le swahili), de
façon à avoir une petite image de la forteresse de Babel. Peut-être
parce que c'est une langue
importante parlée
en France (mais l'argument est un peu pipo : l'arabe parlé en
France est dialectal, et a priori ce n'est pas spécialement celui-là
que je vais/veux apprendre). Ou peut-être parce que l'écriture en est
absolument fascinante. Toujours est-il que je ne pense pas
sérieusement arriver à un stade où je pourrais lire quoi que ce soit
d'intéressant[#6], encore moins
comprendre la langue parlée, mais l'idée est juste de picorer quelques
notions sur comment l'arabe fonctionne, et de voir si ma patience va
cette fois au-delà de la 29e leçon (en ce moment j'en suis à la 3e, où
on voit des phrases aussi passionnantes
que دَخَلَ
الْوَلَدُ
وَ دَرَسَ
— l'enfant est entré et il a étudié).
[#] Et dont
l'apprentissage des langues reste quelque chose de complètement
théorique vu que je n'ai aucune intention de voyager pour essayer
de m'en servir. C'est vrai que je suis un cas un peu spécial.
[#2] Pour comparaison,
le nombre total de leçons d'une méthode Assimil a l'air de tourner
entre 75 et 100 en général (mais en fait on est censé faire deux
vagues d'apprentissage, ce qui veut dire qu'ils estiment qu'il faudra
environ cinq ou six mois pour atteindre le niveau qu'ils
proposent).
[#3] Je ne parle pas
hongrois !
[#4] Mon directeur de
thèse (qui partait au même congrès à Budapest) s'est mis au hongrois
au même moment, et avec la même méthode, mais il a eu plus de
persévérance que moi et il semble que maintenant il ne baragouine pas
trop mal la langue.
[#5] Chose amusante,
ils ont retiré du titre leur célèbre marque de fabrique : sans
peine (même si la collection s'appelle encore ainsi). Est-ce
qu'ils n'osent plus dire que c'est le cas ? Ou est-ce qu'ils sont
tombés victimes de la fameuse blague : — Il paraît que vous
avez appris à jouer du violon en cinq leçons
faciles. — Oui, c'était les neuf mille neuf cent
quatre-vingt-quinze suivantes qui étaient difficiles.
[#6] Surtout que
l'arabe a (comme l'hébreu ou d'autres langues de la même famille) ce
défaut pour les débutants que — à part pour écrire le Coran ou
des textes poétiques — on n'y note normalement pas les voyelles
brèves. Donc à moins de connaître la langue, celui qui aurait juste
appris l'alphabet ne peut même pas prononcer un texte écrit.
D'ailleurs, l'égyptien ancien — j'en
ai fait un peu — est dans le
même cas, sauf que, là, personne ne sait quelles sont les bonnes
voyelles sauf dans un petit nombre de mots, donc on prononce tout
‘e’.
Étant très myope (−9 dioptries sur le contre-axe à
l'œil droit), j'ai besoin de lunettes à verres amincis, voire
ultra-amincis (disons, avec un indice de réfraction autour de 1.75).
En France, de telles lunettes coûtent cher : on peut compter sur un
gros 300€ la paire, au moins. Certains opticiens proposent deux
paires pour le même prix (si on demande exactement les mêmes verres,
voire la même monture), mais presque toujours on voit que cette offre
est limitée aux verres non amincis (ou pas trop amincis) ou encore aux
vergences dans un certain intervalle, ou encore aux non-astigmates
— toujours est-il que je suis hors course. Mon père s'est
récemment fait réaliser des lunettes tarif sécu, mais, là
aussi, il ne faut pas compter sur des verres amincis.
La raison pour laquelle c'est aussi
cher est simplement que les opticiens prennent une marge énorme (c'est
aussi la raison pour laquelle ils peuvent se permettre de faire des
offres deux-pour-le-prix-d'une, voire trois-pour-un-pouillème-de-plus
aussi facilement). Heureusement, pour les gens qui comme moi ne
tiennent pas à passer des heures à choisir leur monture, qui n'ont pas
peur de recopier eux-mêmes les nombres de l'ordonnance et de mesurer
la distance pupillaire, et qui achètent volontiers en ligne, il y a
une solution bien pratique : les opticiens de Hong Kong !
On trouve en effet des sites Web sur lesquels acheter une paire de
lunette qui sera réalisée à Hong Kong à un prix défiant toute
concurrence : les deux paires de lunettes photographiées ci-dessus
m'ont coûté 61.41€ pour la verte (qui a des verres amincis en
polycarbonate, d'indice de réfraction 1.67) et 94.50€ pour la
rouge (qui a des verres ultra-amincis minéraux, d'indice de réfraction
1.80) que j'ai achetée après m'être assurée que la première paire
était satisfaisante. Précisons que ces prix incluent les frais de
port et les frais de change prélevés par ma banque. Et la qualité est
irréprochable : les cadres sont confortables et solides (c'est du
titane), les verres n'ont pas un défaut, le traitement anti-reflet est
bon, bref, je suis complètement satisfait. J'aurais également pu
faire réaliser des solaires, y compris auto-obscurcissantes ou avec
dégradé, des verres teintés de plusieurs couleurs amusantes, ou avec
un revêtement métalisé.
Le site que j'ai choisi d'utiliser
s'appelle Optical4Less,
parce que c'est le seul que j'ai trouvé qui proposait effectivement
les verres minéraux d'indice 1.80 (il paraît que la vente de tels
verres est interdite aux États-Unis, soit dit en passant ; en France,
on en trouve évidemment, mais cher) ; pour ceux que ça intéresse,
c'est aussi apparemment le seul qui permet d'ajouter une correction
prismatique. En contrepartie, leur choix de montures est un peu
restreint : mais pour ce qui me concernait, ça allait très bien.
Sinon,
le méta-site GlassyEyes.com
propose un certain nombre d'autres liens et des comparatifs et revues
entre différents
sites : 39DollarGlasses.com
et EyeBuyDirect.com
m'avaient l'air assez bien et assez professionnels, mais je ne
garantis évidemment rien.
Pour le choix de la monture, on ne peut évidemment pas essayer : il
y a la possibilité d'utiliser une petite application Flash (ou Java,
je ne sais plus) pour voir les lunettes sur une photo de soi, mais,
évidemment, ce n'est pas aussi bien que d'essayer en vrai. Ceci dit,
je trouve que pour ce prix on peut se permettre de prendre un peu de
risques — au pire ça fera une paire de rechange. Pour entrer
les caractéristiques des verres, il suffit de savoir lire ce que
l'ophtalmo a écrit (certes, vues les pattes de mouches de certains
médecins, ce n'est pas forcément une mission facile) : la façon de
noter les caractéristiques est apparemment
standardisée[#] dans le monde
entier, et on donne toujours l'œil droit
(oculus dexter) en premier et l'œil gauche
(oculus sinister) ensuite.
Il y a une chose que l'ophtalmo ne mesure pas, cependant (mais je
suppose qu'il peut le faire si on lui demande), c'est la distance
pupillaire. C'est quelque chose de très important, qu'il faut mesurer
soigneusement, au millimètre près (voire au demi-millimètre près), si
on veut que les lunettes aillent bien : il s'agit de la distance entre
les centres des pupilles des deux yeux, donc entre les centres
optiques des verres des lunettes (au moins pour la vision de loin ;
pour la vision de près, les choses seront plus compliquées !). Pour
bien la mesurer, je recommande la procédure suivante : se tenir debout
devant un miroir plan vertical en faisant bien face au miroir, avec un
feutre non-permanent dans la main et les anciennes lunettes sur le
nez. Cacher son œil gauche avec un carton (c'est mieux que de
le fermer, ça assurera qu'on ne changera pas de direction de regard),
regarder dans le miroir le reflet de l'œil droit bien en face :
faire un petit point avec le feutre sur le miroir et sur les
anciennes lunettes. Le point doit être parfaitement au centre de
l'œil. Puis, surtout sans bouger la tête (on s'en
assurera en vérifiant que le point sur le miroir est toujours bien
centré), cacher l'œil droit au lieu du gauche et recommencer la
procédure (faire un point sur le miroir et un sur ses lunettes, au
centre de l'œil gauche). Ensuite, prendre une règle et vérifier
que la distance entre les points sur le miroir est exactement la même
que sur les lunettes : c'est la distance optique recherchée. Si on ne
trouve pas la même mesure, effacer les points et recommencer :
j'aurais tendance à dire que la mesure sur le miroir est meilleure,
mais il vaut mieux perdre du temps que de risquer d'avoir une mauvaise
valeur. Pour tous les cas compliqués, je suppose qu'il vaut mieux
demander à l'ophtalmo de faire la mesure. D'autres conseils
sont donnés ici.
Une autre chose à savoir, c'est si la monture sera de la bonne
taille : pour ça, il faut mesurer les dimensions de son ancienne paire
et chercher une paire qui ait à peu près les mêmes. On trouvera par
exemple sur
cette page une explication de ce que les mesures signifient (la
moins évidente étant temple length, qui désigne
la longueur du bras, mesurée projetée sur son axe). Si on a
un doute sur le fait qu'un cadre convienne, Optical4Less propose la
possibilité d'entrer les mesures de la monture antérieure et ils
choisiront une paire proche qui convienne : c'est ce que j'ai fait
pour ma première paire. Mais globalement, la commande est vraiment
facile[#2] à faire.
Pour le paiement, j'utilise pour ma part des
numéros de carte de crédit à usage unique fournis par ma banque, donc
je n'ai pas eu à m'inquiéter, mais je crois qu'on peut de toute façon
avoir confiance (l'opticien ne voit pas le numéro de la carte, c'est
une banque de Hong Kong qui sécurise le paiement). Quant à la
livraison, elle a pris quatre semaines : ça arrive dans un tout petit
paquet avec des jolis timbres de la poste de Hong Kong et qui contient
juste les lunettes dans un étui basique.
[#] On donne la
partie sphérique, qui est en fait la vergence selon l'axe dont
la direction est indiquée (s'il y a astigmatisme) en degrés par
rapport à l'horizontale, plus la partie cylindique, qui est la
vergence à ajouter (algébriquement, bien sûr) selon le
contre-axe c'est-à-dire la direction perpendiculaire à l'axe. Par
exemple, à l'œil droit, j'ai −8.25(−0.75@130°), ce
qui veut dire −8.25 dioptries sur l'axe à 130° et −9.00
dioptries sur le contre-axe à 40°. Cela pourrait aussi bien s'écrire
−9.00(+0.75@40°).
[#2] Lors de ma seconde
commande, j'ai eu un tout petit problème avec le site Web de
Optical4Less, qui ne m'affichait pas le bouton pour continuer la
commande. Je suppose que ce problème a été corrigé depuis, mais s'il
ne l'a pas été c'est facile d'utilise
le DOM
inspector de Firefox pour rendre visible le bouton qui était
simplement caché (et non absent).
Jean-Gustave et moi avons finalement décidé de nous séparer : c'est
ainsi que je révèle le nom de celui que je ne voulais
qu'appeler mon copain en même temps qu'il ne l'est plus.
Précisons que c'est d'un accord commun que nous mettons un terme à
notre relation : nous avons échangé plusieurs SMS pour
négocier les conditions de cette rupture, et nous restons en très bons
termes (d'ailleurs son avocat vient de m'annoncer qu'il me laissait
48h de rallonge pour évacuer l'appartement). Cela valait sans doute
mieux : j'avoue ne jamais avoir réussi à bien partager sa passion pour
la philatélie et pour Claude François, tandis que pour sa part il n'a
pas pu dépasser sa phobie des ordinateurs.
Bref, une page se tourne. J'ai voulu l'annoncer ici sobrement.
Il y a des airs qui m'amènent encore les larmes aux yeux même si je
les ai entendus mille fois — même si je les écoute en boucle.
En ce moment, par exemple, l'Hymne
d'Opéra
Sauvage de Vangelis. En général, il s'agit de tubes (le
genre de musique qu'on ne peut pas admettre aimer dès qu'on est face à
quelqu'un d'un tant soit peu snob) : Greensleeves, le
choral Ein
feste Burg ist unser Gott, n'importe quelle composition sur
la succession d'accord du Canon de Pachelbel, etc.
Finalement, ce ne sont pas forcément les musiques que je préfère, ce
ne sont certainement pas celles que je trouve les plus parfaites, mais
ce sont celles qui parlent le plus directement à mon système
limbique.
Normalement je suis d'avis que le succès — dans tous les
domaines mais surtout dans les domaines artistiques — est dû au
hasard et à l'accumulation d'effets de bouche-à-oreille, guère au
talent (un certain nombre
d'études
tendent à me donner raison). Mais parfois il faut admettre qu'il y a
vraiment quelque chose : comme le roi Édouard VII l'avait
prédit à Elgar en entendant l'air de la première
marche Pomp
and Circumstance, certains airs sont nés pour faire le tour
du monde.
Je suis un peu attristé de constater que je ne trouve plus guère le
loisir d'écrire dans ce blog que le week-end. En fait, ce n'est pas
seulement que je manque de temps : on peut très bien tenir un journal
bien vivant en y consacrant peu de temps, pour peu qu'on soit prêt à
écrire des entrées brèves — mais j'ai une certaine répugnance à
ça, que je ne saurais pas bien expliquer, disons que j'éprouve le
besoin d'élaborer ce que j'écris. Peut-être qu'au lieu de
tenir un blog je devrais carrément écrire des essais : comme ça
j'aurais l'assurance absolue que personne ne les
lirait. L'ennui, en tout cas, c'est que les textes
longs (et les essais à plus forte raison), c'est non seulement long à
lire mais aussi à écrire (je tape vite, mais que la densité de bêtises
que j'écris ne vous fasse pas penser que je réfléchis vite !). Quant
aux fragments littéraires gratuits que j'aime écrire — que
j'ai soif d'écrire — ils prennent encore plus de
temps.
⁂
Je peux quand même raconter que j'ai reçu les microfiches de ma
thèse : en effet, toutes les thèses françaises sont reproduites à
l'Atelier National de
Reproduction des Thèses de Grenoble (Université Pierre
Mendès-France) ou Lille (Université Charles de Gaulle : on remarquera
le choix judicieux des universités qui équilibre les tendances
politiques — dans mon cas c'était Grenoble), sous forme de
microfiches, pour être ensuite distribué dans un certain nombre de
bibliothèques universitaires. Un format un peu obsolète, les
microfiches, diront les moqueurs, mais qui résiste apparemment mieux
au temps que les formats numériques (par ailleurs, le dépôt
électronique
sur thèses-en-ligne est
aussi presque obligatoire maintenant). Réduction d'un facteur
linéaire de 60 environ, ce qui permet de faire tenir 28×18=504 pages
A4 sur une petite fiche A6 : du coup, mon mien mémoire ne prend même
pas le cinquième de la fiche, c'est assez embarrassant quand on se dit
que c'est là le résultat de quatre-cinq ans de travail ! (Certes, sur
le disque dur c'est encore plus petit.) Enfin, voilà, j'en ai reçu
cinq exemplaires, je me demande bien ce que je peux en faire.
⁂
J'ai aussi reçu[#] ce matin un
stéthoscope électronique que j'avais commandé (j'ai un léger souffle
au cœur que je veux entendre par moi-même, notamment parce qu'il
semble qu'il varie un peu ; aussi parce que j'ai parfois l'impression
d'avoir des anomalies dans le battement, et je veux pouvoir les
enregistrer histoire de faire la part
d'hypocondrie et de réalité. A priori il suffit de relier le
stéthoscope (qui a une sortie jack) à
mon Eee PC et
d'enregistrer : naïve idée, cependant, car le diable est dans les
détails, et entre les niveaux d'amplification à une demi-douzaine
d'endroits et l'Eee PC qui marche carrément mal depuis
que je l'ai passé sous Debian (du
style le son qui ne marche plus après une mise en veille), l'affaire
est loin d'être conclue. Mais le son
du stéthoscope
lui-même est vraiment excellent.
[#] Avec des droits de
douane qui n'ont pour une fois atteint que 35% du prix de la
marchandise. D'habitude j'en ai plutôt pour 150%. Ce qui est rigolo
avec les frais de douane c'est que c'est complètement aléatoire et
arbitraire.
Le durion, la mer, la boussole d'or, la trigo et l'Eee PC
Hier soir à une petite soirée, un ami avait apporté —
rapporté de Malaisie plus exactement — des bonbons
au durion. Ce fruit
à l'odeur très forte a l'air assez extraordinaire en ce qu'il y a des
gens qui en sont fous alors que d'autres trouvent que ça sent les
pieds, le vomi, le camembert cru à point avec des nuances d'ananas
et d'ail (sic), ou encore des excréments de porc, de
thérébenthine et d'oignons, le tout garni par une vieille
chaussette (re-sic !). En faire des bonbons peut rappeler le
sketch crunchy
frog des Monty Pythons, mais apparemment les Malais aiment
vraiment ça. Bon, mes amis étaient plutôt de l'avis des vieilles
chaussettes — moi je n'ai pas eu le courage de goûter, mais une
chose m'a vivement frappé, c'est que l'odeur des bonbons quand
quelqu'un en mangeait était exactement le parfum très
caractéristique d'un médicament (probablement un antibiotique) qu'on
m'avait donné un jour quand j'étais petit. (Une odeur si particulière
et si marquante que je m'en souviens plus de vingt ans après et
pendant longtemps elle a été associée dans mon esprit au médicament
« typique ».) Je trouve ça très mystérieux, parce que je ne peux pas
imaginer qu'on ait voulu parfumer un médicament pour enfants au
durion : c'était sans doute censé être un arôme de fraise (un autre
ami qui avait le même souvenir que moi disait qu'il se rappelait que
c'était un sirop ou bien une poudre rose vif). Pour un peu, je
lancerais un appel à témoins !
J'ai de nouveau vu la mer, mardi,
mais cette fois-ci c'était la Manche (à
Calais, par
ici).
⁂
Comme je n'ai pas trouvé
mauvais le film qui
en a été récemment tiré, j'ai entamé la lecture
de la
trilogie His Dark Materials de Philip
Pullman qui, bien que destinée aux adolescents, a de quoi intéresser
les adultes. « Localement » je trouve ça bien écrit et maîtrisé, mais
j'ai tendance à penser (sans être encore arrivé jusqu'au bout pour
juger vraiment) que l'auteur accumule vraiment trop de péripéties et
de rebondissements dans tous les sens qui ajoutent au nœud de
l'intrigue de façon artificielle.
⁂
Quelqu'un a
corrigé tout récemment une erreur (de signe dans une formule) que
j'avais
introduite (bien évidemment involontairement !) dans la Wikipédia
de langue française il y a trois ans. Si j'étais un de ces
journalistes français qui se font un sport de taper sur Wikipédia à
tout propos (surtout quand ils ne comprennent rien à ses principes),
je me moquerais de cette encyclopédie qui met trois ans à vérifier une
formule qu'on trouve dans n'importe quel précis de trigonométrie
sphérique ; comme il se trouve, j'ai plutôt envie de me cacher sous le
tapis.
⁂
J'ai passé mon Eee PC
sous Debian parce que j'avais besoin de faire un peu plus de
configuration que ce que la Xandros (pour laquelle je n'ai pas accès
aux dépôts) me permettait — notamment recompiler mes propres
noyaux (or la seule
version que je puisse faire marcher du driver wifi a
une API incompatible avec ce que certains programmes de
la Xandros supposaient). Depuis, plein de petits détails me posent
des problèmes (le Wifi décide parfois aléatoirement de ne plus
fonctionner, et il n'aime vraiment pas les mises en veille, le
touchpad se met parfois sans aucune raison visible à avoir une
sensibilité extrêmement mal réglée, le gestionnaire réseau me
redemande des clés que je lui ai déjà données, ce genre de choses) :
je pense que j'arriverai à les résoudre à terme, mais ça prendra
beaucoup de temps. Je déconseille donc fortement la manœuvre
(peut-être que j'aurais dû préférer Ubuntu à Debian, en tout cas
vraiment la Debian testing mérite son nom).
Pour ce qui est de mon idée de mettre Wikipédia sur une
clé USB, j'ai résolu que la bonne façon de faire était de
construire
un SquashFS
à partir des dumps
statiques : en éliminant les pages de discussion, les pages
utilisateur, etc., et en utilisant
la compression LZMA
(une des raisons pour lesquelles j'ai dû recompiler un noyau sur mon
Eee), on descend ainsi à 6.1Go pour la Wikipédia de langue anglaise et
2.0Go pour celle de langue française… malheureusement un chouïa
trop pour les mettre ensemble sur une clé de 8Go (qui ne font pas 8Go
mais plutôt de l'ordre de 8 milliards d'octets soit 7.5Go), mais je
pourrai mettre l'anglaise sur une clé et la française sur le
disque.
Aujourd'hui, j'ai revu la
mer. Ici,
précisément. Ça n'a rien de remarquable si ce n'est que (1) ça
faisait, si je ne m'abuse, neuf ans jour pour jour que je n'avais pas
vu la mer (sauf
depuis
un avion mais bon… disons alors que ça faisait neuf ans et
quelques jours que je n'avais pas touché la mer) et que (2) la
dernière fois était pile au même endroit (et à la même occasion : une
conférence
au CIRM).
C'est même le souvenir de cet endroit précis qui m'avait
inspiré ce texte.
Je peux même faire mieux qu'un simple lien vers
Google local : si vous avec Google
Earth, ce
fichier KML devrait pouvoir se charger dedans (faire
quelque chose comme open file — je ne l'ai
pas sous la main pour vérifier) et montrer exactement la promenade que
j'ai faite aujourd'hui (exceptés les derniers mètres, où j'ai rangé
mon GPS dans ma poche pour des questions d'équilibre).
On n'arrête pas le progrès.
Je ne crois guère aux théories freudiennes sur les rêves, ou en
tout cas à l'idée que ceux-ci véhiculent des messages refoulés sous
forme cachée : le plus souvent, j'arrive à en déchiffrer une bonne
partie (je m'étais déjà livré ici à
l'exercice) et ce sont de simples associations d'idées un peu
fumeuses. Il y a cependant certains thèmes qui, en revenant souvent,
doivent nous renseigner sur des peurs ou des désirs dont nous n'avons
pas toujours directement conscience ; cela n'implique pas
nécessairement un codage compliqué : par exemple,
j'ai souvent rêvé
(cf. aussi ici) que je passais un
examen, que le temps arrivait à la fin et que je n'avais encore rien
écrit parce que j'avais perdu mon temps à recommencer sans cesse la
même chose — c'est une angoisse assez transparente.
Pour ce qui me concerne, il y a quelques motifs que j'ai remarqués
comme récurant fréquemment dans mon sommeil :
Celui qui est peut-être le plus particulier, c'est celui de la
lumière faible : je rêve que je suis chez moi ou dans un endroit
familier, il fait noir ou sombre, je veux allumer la lumière, et
celle-ci est étonnamment sombre (imaginez une lampe incandescente sur
variateur avec le variateur pratiquement à sa position minimale),
alors j'essaie d'autres lampes mais toutes produisent le même effet
(ou ne s'allument carrément pas). Au bout d'un moment, souvent, je
panique et je me réveille (mais pas toujours, et parfois ce n'est pas
vraiment angoissant). Je ne crois pas que rien de tel me soit arrivé
dans la vraie vie (sauf peut-être cette
petite péripétie, mais rien d'angoissant, et je faisais le rêve
depuis bien plus tôt).
J'ai des tendances somnambules légères, qui se manifestent presque
toujours de la même façon : je rêve que je suis dans un endroit qui ne
m'est pas familier, et au moins une des trois choses suivantes se
produit : (i) je suis perdu, (ii) il fait totalement noir, ou (le plus
souvent) (iii) je suis emprisonné. Typiquement, je pourrais rêver que
je suis entré dans un sous-sol, un coffre-fort, un placard, que
sais-je, et que la porte s'est fermée derrière moi, et que pour
l'ouvrir il me faudrait voir ce que je fais mais je suis dans
l'obscurité totale ; ou bien que je suis entré dans une grotte et que
la lumière s'est éteinte et que je suis perdu. C'est en tentant de
m'échapper quand même que je me réveille à moitié seulement et que je
commence à errer dans ma chambre (une fois je suis vraiment entré dans
mon placard comme ça, en cherchant la sortie de je ne sais quel
rêve).
Toujours au rayon des labyrinthes, il m'arrive fréquemment de
rêver de vastes dédales inexplorés : mais cette fois-ci plus comme un
rêve agréable (ou prometteur et excitant) que comme un cauchemar (cela
peut faire un peu peur tout de même, mais pas de la même façon). Je
rêve, par exemple, que j'apprends qu'un endroit que j'ai l'habitude de
fréquenter possède des souterrains immenses, dont certaines parties
n'auraient jamais été explorées par l'homme (même si elles sont en
béton : ne pas chercher la logique, c'est un rêve !). Généralement,
dans le rêve, je n'en vois que l'ouverture qui donne sur des tunnels à
perte de vue et qui à la fois m'effraient et me donnent envie de m'y
aventurer. Ce ne sont pas forcément des endroits totalement
inexplorés, cependant, et pas non plus forcément des sous-sols (je
rêve aussi assez souvent de hautes tours comportant des milliers
d'étages).
Un peu lié au rêve des labyrinthes, il y a mes rêves de métro. Ne
riez pas : c'est un des thèmes très fréquents de mes rêves
(bon, la réalité fait
coucou à ce niveau-là, mais je faisais ce rêve depuis bien longtemps).
L'argument est généralement que le réseau du métro a été modifié ou
n'est pas ce que j'attends, et en général c'est plutôt un plaisir, un
étonnement ou éventuellement un ennui (mais jamais une angoisse) de
découvrir ces changements. Parfois je tombe sur des résidus
d'infrastructures anciennes ou inachevées, ou des choses plus
mystérieuses (et ça peut alors rejoindre le côté labyrinthe-inexploré
du point précédent).
Un thème que j'ai plus de mal à définir exactement, mais qui
revient assez souvent et parfois de façon très nette, c'est celui
du grand final cosmique : il faut imaginer un cadre un peu
comme dans un jeu d'aventure, de rôle (type fantastique), où on a des
instructions un peu compliquées à suivre, des éléments disparates à
rassembler, pour gagner, pour activer une sorte de dispositif qui
demande des circonstances très précises (du style : lorsque se produit
une certaine syzygie astronomique, réussir à regrouper à un endroit
précis aux connotations mystiques un certain nombre d'objets magiques,
ce qui va déclencher quelque chose de titanesque). Peut-être que mon
inspiration, ici, vient du
film Dark
Crystal, qui m'avait énormément marqué quand j'étais petit.
Ça peut se combiner avec l'aspect labyrinthe, vu que parfois un
élément déclencheur pour « gagner » consiste à trouver un endroit
donné dans le labyrinthe. Malheureusement, ce que je gagne, le plus
souvent, c'est de me réveiller (et je suis déçu, alors, de ne pas voir
le monde merveilleux auquel je devais pouvoir accéder en accomplissant
le rituel) : mais il m'est arrivé de continuer à rêver, et d'accéder
ainsi à une phase totalement différente de rêve. Cette nuit, par
exemple, j'ai rêvé que je devais résoudre une sorte de casse-tête
cosmique (trois cubes emboîtés dont je devais changer l'ordre —
tâche impossible en apparence — pour réveiller d'anciens
dieux).
Enfin, je peux mentionner un thème qui se rapproche du « rêve
lucide », c'est-à-dire quand je commence à prendre contrôle de ce qui
m'arrive dans mes rêves, et c'est généralement assez agréable comme
sensation : c'est typiquement un rêve qui commence par un certain
nombre de malheurs et tout d'un coup je me rebelle et je dispose alors
de pouvoirs extraordinaires (parfois la conscience de rêver est
totalement explicite et je dis clairement à un personnage qui veut me
faire du mal qu'il n'est qu'un personnage de mon rêve, mais le plus
souvent c'est juste que je me découvre une sorte de don de Jedi ou
d'archimage et je balaie une attaque d'un revers de main).
En revanche, je ne fais que rarement le rêve souvent décrit comme
le plus fréquent de tous, celui de pouvoir voler (ça m'est bien arrivé
une ou deux fois, mais beaucoup moins que les thèmes que j'ai cités
ci-dessus).
Aujourd'hui j'ai fait mes cartons : j'ai rassemblé tous les livres
et l'essentiel des papiers[#] qui
s'étaient accumulés[#2] dans mon
bureau au 45 rue d'Ulm et je les ai entassés dans cinq cartons (de
petit volume mais très lourd poids). Lesquels seront transportés au
37–39 rue Dareau dans environ une semaine. J'ai un peu peur
qu'ils soient abîmés pendant l'opération : il faut dire que j'y tiens
beaucoup, à mes livres de maths. J'en ai profité pour trier un peu
mes papiers (comme les je-ne-sais-combien de lettres d'universités qui
me disent que ma candidature n'a pas été retenue pour le poste
truc-chose, ou les arrêtés divers et variés que le ministère
m'envoie avec amour[#3]).
Avec toutes les choses que j'ai eu à faire cette semaine, j'ai un
petit peu fait connaissance de mes nouveaux collègues, mais je n'ai
guère eu le temps de visiter l'école (je n'ai même pas encore mis les
pieds en bibliothèque, par exemple). J'ai quand même découvert la
cantine, qui est assez semblable à celle d'où je viens mais un peu
moins chère (pour moi) et avec une plus jolie vue (sur la vallée de la
Bièvre ). Ça reste un peu labyrinthique à mes yeux :
je me demande combien de temps il faudra pour que je connaisse tous
les recoins comme je connais ceux de l'ENS. Je n'ai pas
encore cherché à savoir pour les heures d'accès. Et je n'ai pas
encore vraiment vu à quoi ressemblaient les élèves (pour l'instant,
ils sont en train de s'intégrer).
Aucun rapport : je suis tombé
(via Boing Boing)
sur cet
essai très intéressant à lire (quoique brouillon) sur l'évolution
de l'esthétique du Web. Que vous vous souveniez ou non (et avec
nostalgie ?) des années '90, de leur choix douteux de polices et de
couleurs, et du bienvenue sur ma home page
avec fond étoilé et bouton en construction jaune et noir, ça
vaut la peine de regarder ce truc. L'histoire de l'informatique ce
n'est pas qu'une histoire des logiciels et des standards, c'est aussi
une histoire des coutumes !
[#] Enfin, ceux qui ne
sont pas partis à la poubelle, parce que j'ai fait un carton-poubelle
à peu près aussi rempli que les autres.
[#2] C'est fou la
quantité de choses qu'on peut accumuler en trois ans… bon, le
papier ça ne me surprend pas trop, mais les livres, quand je pense
qu'il a fallu les acheter ça me fait un peu peur d'en voir le nombre.
(Ils n'ont pas été achetés en trois ans, cependant : ma phrase est
peut-être mal formulée, ils ont été accumulés dans mon bureau en trois
ans et achetés sur une douzaine d'années.)
[#3] Le suivi de ma
situation d'agrégé est assez amusant : de 1998 (date à laquelle j'ai
passé l'agreg) à 2000 (où j'ai quitté l'ENS) j'étais
en report
de nomination, de 2000 à 2003 (monitorat à Orsay)
j'étais stagiaire en congé spécial, de 2003 à 2004
(ATER à Orsay) j'étais titulaire détaché à
l'Université de Paris-Sud XI, de 2004 à 2007
j'étais affecté hors académie à l'ENS, et
maintenant je suis de nouveau détaché, cette fois auprès
du GET. Chacun de ces changements de situation m'a
valu au moins un arrêté ministériel nominatif.
Voilà, j'ai signé mon contrat, et j'ai pris possession de mon
bureau : ce dernier n'est pas aussi grand que celui à
l'ENS mais il est plus confortable. Je ne suis —
au moins temporairement — pas sur le site principal rue
Barrault, mais
sur une
annexe rue Dareau (à 800m de là à vol d'oiseau, soit quelque chose
comme 1200m de chez moi). Le Club
Contexte félicite d'ailleurs l'École d'avoir des locaux rue
[baʀo] et d'autres rue [daʀo], ça aide vraiment bien à
comprendre. Toujours est-il que de ma fenêtre je
vois passer les trains du RER B, c'est rigolo. Ah, et il
y a les plaisirs du geek à être dans une grande école de
télécommunications : on a de l'IPv6 natif au bureau
(2001:660:330f::/48) et un serveur NTP de
strate 1.
Plus sérieusement, dans l'immédiat je n'ai guère de charge
d'enseignement donc je vais pouvoir me concentrer sur ma recherche, et
avant tout sur le fait de bien comprendre l'état de l'art en ce qui
concerne les applications de la géométrie algébrique à la crypto.
J'ai fini hier soir de faire passer
les TIPE : j'en aurai vu 81 (chacun durant
40–45 minutes) répartis sur neuf jours d'interrogation entre le
2007-06-30 et le 2007-07-14 (oui, on fait passer des oraux le
14 juillet). Je ne ferai évidemment pas ici de commentaire sur le
fond (j'essaierai d'écrire dans le rapport du jury pour l'épreuve
toutes mes observations générales, notamment sur les défauts communs
que j'ai constatés) ; mais du point de vue de l'examinateur, le fait
que les candidats soient interrogés sur le sujet de leur
choix rend cette épreuve à la fois très difficile et très
enrichissante. Nul ne pouvant être spécialiste de tout, même à deux
dans le sous-jury il y avait parfois beaucoup de travail pour nous
afin d'être parfaitement au point ; et j'ai apprécié d'avoir pris mon
portable dans la salle d'examen pour pouvoir non seulement taper mes
observations en direct mais aussi avoir ainsi virtuellement accès à
une plus grande bibliothèque mathématique ou scientifique que je
n'aurais pu transporter sous forme de papier. Et c'est assurément
aussi très fatigant (j'admire, du coup, le courage de l'examinateur de
l'oral de maths spécifique Ulm, qui a vu 120 candidats chacun pendant
une heure) : je ne suis pas fâché d'en avoir fini.
Il me reste maintenant à m'occuper de quantité de choses que j'ai
laissées de côté, faute de temps, pendant ces deux semaines. J'ai un
nombre faramineux de mails à traiter (auxquels je ne pourrai pas tous
répondre), un article à référer qui va être un gros travail, beaucoup
de questions mathématiques à étudier[#]… Et toujours de la paperasse. Je vais quand même prendre
le temps de me reposer, parce que mes nerfs en ont vraiment besoin.
Hier soir j'ai regardé les feux d'artifices depuis les
toits du département de biologie de l'École. Je regrette
d'ailleurs que la cour d'honneur (dite cour aux Ernests)
de l'ENS ne soit pas encore revenue à son état normal (il faudra,
apparemment, attendre la rentrée : mais moi je ne serai plus là),
parce que j'avais beaucoup aimé, l'an dernier, d'y passer du temps à
profiter du soleil, lire, et bavarder avec des amis.
Sinon, c'est demain matin que mon copain rentre enfin du Canada.
Question technique, enfin : je suis encore en train de m'apprêter à
migrer ce site vers une « Dédibox »,
mais pour l'instant je suis bloqué par le fait que ce nouvel hébergeur
potentiel n'aime pas le nom de domaine xn--kwg.net (j'ai signalé
le bug, on verra s'il sera corrigé — mais il faut admettre que
ce genre d'ânerie incite très peu à la confiance).
[#] Pour le boulot ou
pour le plaisir. À ce sujet, nous avons eu mercredi à l'École un
séminaire par John
McKay (célèbre pour avoir remarqué que 196884 = 1 + 196883
) sur le monstrueux
clair de lune (Monstrous Moonshine) :
faites-moi penser à en dire un mot, parce que j'ai trouvé ça très
intéressant (même si parfois ça ressemblait plus à de la magie
noire qu'à des mathématiques).
Suite à votre audition le 26 juin 2007 par la Commission de
recrutement pour un emploi d'enseignant-chercheur à
l'ENST en « Cryptographie », j'ai le plaisir de vous
faire savoir que vous avez été classé premier.
Vous voudrez bien prendre contact avec […] afin de mettre en
œuvre votre recrutement.
En vous félicitant pour ce succès, je vous prie de croire, Monsieur
et Cher Collègue, en l'expression de mes salutations les
meilleures.
Je quitte donc l'ENS l'an prochain pour devenir maître
de conférences à l'ENST (je gagne une lettre de plus,
quoi, et je me rapproche un peu de chez moi).
Avec un double défi : celui de faire de la recherche qui soit
intéressante et de haut niveau à la fois mathématiquement et
informatiquement. Informatiquement parce qu'on m'a recruté pour faire
de la crypto et que je compte bien honorer ce devoir. Et
mathématiquement parce qu'être mathématicien est mon rêve d'enfant et
que je ne le lâcherai pas.
Mais on ne quitte pas sans une larme à l'œil un endroit qu'on
a fréquenté assidûment pendant onze ans. Madame notre
Directrice organisait justement aujourd'hui un pot pour le départ
de ceux qui s'en vont (principalement des élèves, bien sûr, ceux de la
promotion 2003, et j'en connais aussi beaucoup de cette année-là, qui
commencent une thèse ou deviennent enseignants du secondaire),
l'occasion de nous dire que nous serions toujours les bienvenus. Ça
tombe bien, j'ai un copain dans cette École et il y a une bibliothèque
de maths extrêmement bien fournie donc j'y serai sans doute encore
souvent.
Comme une bonne nouvelle ne vient pas seule, j'apprends que le Bulletin de la
Société Mathématique de France engage enfin la publication
d'un article que j'y avais soumis en août 2004, et qui avait été
accepté en janvier 2005. Les mathématiques ne sont pas trop pressées,
mais trois ans c'est tout de même exceptionnellement long : la raison
en est apparemment des difficultés techniques liées à une
réorganisation de la chaîne de production du journal. J'espère tout
de même que la revue sera datée de 2006, parce que sinon on risque de
dire que le résultat de Madore (2007) a été ultérieurement généralisé
par Hassett et Tschinkel (2006), ce qui me rend quand même un peu
ridicule dans l'affaire.
Sinon, cela n'a pas de rapport, mais je viens de tomber sur une
jolie suite d'entiers assez naturelle qui ne figurait pas encore dans
l'encyclopédie
des suites d'entiers de Sloane : j'ai donc proposé son ajout.
J'espère qu'elle sera acceptée, parce que c'est quelque chose dont je
suis assez fier que d'avoir fait rajouter quelques suites dans cette
fabuleuse mine de numérologie scientifique (en l'occurrence, A033623,
A046873,
A051917
et A100002[#]).
Je propose donc cette nouvelle suite comme une énigme mathématique
du jour (mais je serais vraiment très impressionné si quelqu'un la
résolvait avant que la suite passe dans le Sloane) :
Deux indications, tout de même, pour que ce ne soit pas
complètement infaisable : premièrement, ça a un rapport avec les
tableaux de Young (ou avec les représentations du groupe symétrique
𝔖n sur n objets),
deuxièmement on peut considérer que c'est la continuation logique de
A000041,
A000085
et A000142.
Pour savoir la réponse, il suffira d'attendre que la suite soit
ajoutée à l'encyclopédie…
[#] La
A100002, d'ailleurs, malgré sa très grande simplicité
(son mode de construction est tout à fait explicable à un enfant), a
eu l'honneur d'attirer un peu sérieusement l'attention de Neil Sloane
lui-même : je suppose que c'est pour ça qu'elle a eu droit à un numéro
aussi spécial. Et par ailleurs elle produit une musique vraiment très
intéressante.
Ça fait
aujourd'hui un an que nous sommes
ensemble, et même si je regrette que quatre de ces douze mois
aient été passés à longue distance
(mais le compteur a dépassé les 80%,
youpi !), je continue à voir des petits cœurs et des petites
étoiles partout. Mais comme il paraît que je suis ennuyeux à trop dire que je suis amoureux, je vais
éviter de trop me répéter.
Quelle chance j'ai, cependant, d'avoir grandi à une époque, dans un
pays et dans un milieu tels que je n'ai pas une seule fois eu à
souffir de l'homophobie ! Certes Paris n'est pas encore tout à fait
au niveau de Toronto[#] ; mais si
je ne fais normalement pas de bisous à mon copain dans la rue c'est
plus par pudeur générale que spécialement parce que nous sommes deux
garçons. Certes, j'ai attendu l'âge de 22 ans[#2] avant de dire que j'étais homo ;
mais quand je l'ai fait je n'ai recueilli que des réactions positives
(au sens large, tout de même ). Tellement de chance,
en fait, que j'ai tendance à prendre ça pour acquis, alors que ce ne
l'est pas forcément pour tout le monde : même à l'ENS, où
la tolérance et la visibilité homosexuelle sont, disons, visibles[#3], il y en a toujours qui ont
beaucoup de difficulté à s'assumer. (Et si j'ai des exemples en tête,
c'est aussi parce que j'ai parfois pu faire un peu pour aider dans ce
sens certaines des personnes concernées.)
[#] Les paris sont
ouverts pour savoir en quelle année (≥2012, manifestement) les
mariages des couples de même sexe seront reconnus en France… Je
ne suis pas spécialement un militant de cette cause, mais je suis
persuadé qu'elle finira par s'imposer comme une évidence : la question
est, combien de temps on peut refuser de voir l'évidence.
[#2] Soit quelque chose
comme 8–9 ans « dans le placard » : mais maintenant j'en ai
passé à peu près autant « en-dehors ».
[#3] Grâces soient
rendues au très sérieux club Chaises longues et Journalisme
d'investigation (et à son fondateur, le mystérieux M), le mensuel Têtu est maintenant déposé
régulièrement dans la K-fêt des élèves, ainsi que d'autres monuments
au prix Pulitzer : Gala, L'Équipe,
Jeune & Jolie et l'incontournable Journal de
Mickey. Car à Normale Sup` nous sommes tolérants de tous les
modes de vie et toutes les sexualités… et nous apprécions
l'humour glacé et sophistiqué du 5824e degré.
L'autre jour je suis tombé (dans la librairie Les Mots à la
bouche, mais peu importe) sur le Manuscrit trouvé à
Saragosse de Jean Potocki, dans la collection
L'Imaginaire de Gallimard (le roman étant vendu avec le
DVD d'une adaptation cinématographique). Un livre dont
je pensais depuis longtemps que je devais le lire — c'est un
grand classique de la littérature fantastique, après tout, à la fois
récit initiatique et roman picaresque, avec une structure qui n'est
pas sans rappeler les Mille et une nuits (notamment par
la manière d'imbriquer des récits les uns dans les autres : les
personnages n'arrêtent pas de rencontrer d'autres personnages qui leur
racontent leur histoire dans laquelle, à leur tour, ils rencontrent
d'autres personnages, etc.), et il se trouve que j'ai beaucoup aimé
les différentes traductions que j'ai lues des Mille et une
nuits.
Bref, j'ai acheté ça, j'ai sauté la préface (personne ne lit jamais
les préfaces, pas vrai ? elles servent uniquement à faire croire que
le livre est plus gros qu'il ne l'est vraiment, donc à impressionner
plus les gens quand on dit qu'on l'a lu) et j'ai attaqué directement
l'histoire — qui est organisée sous forme de journées
(donc décidément il y a de l'inspiration des Mille et une
nuits). Il y est question de brigands, de revenants et de
cabalistes, et j'ai vite été captivé ; en fait, l'histoire-cadre (je
veux dire, celle dans laquelle les autres s'imbriquent) fait
apparaître un certain mystère dont on a hâte de savoir la clé : le
héros est-il le jeu d'une machination ? est-il maudit ? possédé ? le
met-on à l'épreuve ? et si oui, que doit-il faire ? Je n'en dirai pas
plus pour ne pas spoiler, mais, décidément, je voulais savoir le fin
mot de l'intrigue.
Et voilà que ça se termine en queue de poisson.
Mécontent, je commence à faire un peu plus attention aux notes de
l'éditeur et à essayer de lire la préface — je dis
essayer parce qu'elle semble avoir été écrite de façon à être
incompréhensible par quiconque n'est pas déjà parfaitement au courant
des péripéties qu'a traversé le véritable manuscrit du Manuscrit
trouvé à Saragosse (qui n'a pas été trouvé à Saragosse). Sans
doute parce que personne ne lit les préfaces (ou alors pour savoir que
Potocki s'est suicidé avec le couvercle de sa théière).
Voici ce que j'ai fini par comprendre : le roman a été écrit en
français mais, du vivant de Potocki, n'en a été publié (aux alentours
de 1810 sous le nom des Dix Journées de la vie d'Alphonse van
Worden) que le début ; à part cette édition publiée, on ne
dispose que de quelques fragments épars, plus une mauvaise traduction
polonaise (réalisée de façon posthume, en 1847, à partir d'un original
maintenant disparu). Et le volume que j'ai acheté ne donne que le
texte dont on dispose en français : donc si je veux lire la suite, il
faudra acheter une (re)traduction de la version polonaise (Rękopis znaleziony w Saragossie) —
heureusement, cela
existe.
Pour résumer : j'ai été pris au piège que j'aime moi-même tendre à
mes lecteurs.
Pour me venger, je pense que les deux prochains fragments que je
publierai seront les deux premiers chapitres d'un roman que j'ai commencé et jamais
continué.
[Ajout () :
J'ai fini par avoir le fin mot de
l'histoire en lisant l'intégralité du Manuscrit.]
Hier soir j'ai rêvé que je revenais dans le passé — ou dans
un simili-passé — vaguement moyenâgeux, avec un groupe de
scientifiques et d'ingénieurs. Et notre « but » (s'agissait-il d'une
émission de télé-réalité ?) était de reconstituer autant que possible
la technologie moderne à partir des moyens du bord (c'est-à-dire une
petite communauté disposant des outils et connaissances de l'époque).
Le rêve était bizarre comme souvent les rêves le sont, et partait
rapidement dans des directions scientifiquement pas très correctes (je
me rappelle notamment que nous faisions l'électrolyse d'un gros bac
d'eau salée pour générer du courant). Mais c'est une question
intéressante : en partant de rien ou presque comme moyens mais de
toutes les connaissances théoriques et pratiques possibles, combien de
personnes et combien de temps faut-il pour atteindre tel ou tel but
concret ? (Je pourrais proposer un ordinateur, mais ce serait un peu
méchant, quand même.)
Je suppose qu'un des éléments qui ont pu me faire avoir ce rêve est
que j'ai réfléchi (et parlé à plusieurs personnes) des connaissances
scientifiques que j'aimerais que le citoyen moyen comprenne, et qui,
malheureusement, semblent lui échapper totalement. (À titre
d'exemple, on pourrait espérer que les gens comprennent un tout petit
peu ce qu'est que l'énergie : par exemple, j'ai trouvé plusieurs
personnes qui avaient du mal à comprendre que, l'hiver, quand on se
chauffe au chauffage électrique thermostaté, ce n'est presque pas un
gâchis d'énergie de laisser toutes les lumières allumées. Ou la
conservation du carbone : il y a des gens qui s'imaginent que les
plantes font magiquement disparaitre le CO2 de
l'atmosphère, et ne comprennent pas que cette disparition correspond
précisément à l'augmentation de la biomasse, donc qu'une
forêt n'absorbe du CO2 que dans la mesure où elle augmente.
J'ai tout plein de petits exemples aussi idiots que ces deux-là.)
Plus loin dans le même rêve, je parlais d'Unicode : c'était
totalement incongru, parce que dans un rêve où il était question de
rois et de dragons (et aussi d'une incompréhensible histoire de
moulins à eau qui allaient s'effondrer) je me mets à donner une
explication très précise de l'utilisation des combinants et des formes
canoniques de décomposition dans Unicode. Explication non seulement
très précise mais aussi parfaitement correcte pour autant que je me
rappelle. Et ça finissait dans un jardin où poussaient des caractères
combinants. C'est mignon, les rêves.
Aucun rapport, mais ce soir, avec des amis, nous avons regardé
quelques épisodes d'une série documentaire scientifique surprenante,
The
Future Is Wild, qui spécule sur ce que pourrait être
l'avenir des espèces animales (et végétales) sur Terre après la
disparition de l'Homme (dans 5, 100 et 200 millions d'années, et en
tenant compte de changements climatiques et géologiques plausibles),
montrant en images de synthèse tout un tas d'espèces
imaginées. Il y a l'air d'avoir des trouvailles assez géniales
là-dedans.
Suite de mes résultats :
je n'ai pas été classé à Strasbourg ; à Rennes, je suis 2e mais, de
nouveau, les chances que celui qui est devant moi aille ailleurs sont
très faibles. Je suis encore auditionné mardi après-midi (le 22) à Télécom Paris [cet endroit n'est pas
répertorié sur le site Opération Postes, sans doute parce
que son ministère de tutelle est le ministère de l'Industrie] et
mercredi matin (le 23) à Bordeaux ; sinon, je ne sais pas
encore si Paris VIII
m'auditionne.
Voilà, j'ai fait en quatre jours
plus de tourisme que je ne fais normalement en une année (et je
pourrais presque en dire autant sur la lecture vu que j'ai passé mes
seize heures de train à bouquiner, ce qui m'a permis de lire deux
romans[#]).
Mes photos sont en ligne
ici. Enfin, c'est surtout Strasbourg qu'on y verra, puisque mes
passages à Rennes et Lyon ont été en coup de vent, alors que pour
Strasbourg, vue la durée du trajet[#2], j'ai passé la nuit là-bas ; mais
il y a aussi que j'ai déjà un peu visité Rennes et Lyon alors que
c'était la première fois de ma vie (je crois) que je mettais les pieds
à Strasbourg. Laquelle me fait une très bonne impression,
d'ailleurs : moderne et pittoresque à la fois, et faisant une belle
part aux piétons et vélos ; j'ai aussi une bonne impression de Rennes
et Lyon, du reste.
Un résultat est déjà tombé, celui
de l'ENS Lyon (de mon audition de jeudi, donc), où je
suis classé 2e — je l'ai appris cinq minutes avant mon audition
de ce matin à Strasbourg, d'ailleurs, par quelqu'un qui en a parlé
tout haut dans un couloir. J'en suis très agréablement surpris[#3], même s'il y a peu de chances
que celle qui est devant moi[#4]
préfère aller ailleurs.
[#] L'Immeuble
Yacoubian [عمارة
يعقوبيان, mais
je ne lis pas l'arabe] d'Alaa El Aswany [علاء
الأسوانى] d'une part,
et d'autre part Specimen Days de Michael
Cunningham. Je les avais offerts à ma mère pour Noël, faut bien que
j'en profite un peu aussi. Et comme elle j'ai pensé
du bien du premier et j'ai été très déçu par le second, surtout en
comparaison de The Hours (du même
auteur).
[#2] Le
TGV Est va représenter un énorme changement. Pas
seulement dans le temps de trajet, d'ailleurs : les trains Corail que
j'ai pris en allant à et en revenant de Strasbourg avaient 30 et 10
minutes de retard respectivement, alors que les TGV m'ont
l'air globalement bien à l'heure ; et pour ce qui est de l'aménagement
intérieur aussi : dans mon train au retour de Strasbourg, qui était à
moitié Deutsche Bahn puisque venant de Munich, quand je suis passé de
la moitié Corail à la moitié DB pour me dégourdir les
jambes, j'ai eu l'impression d'être passé de la 4e à la 1re
classe…
[#3] En fait, je
pensais n'avoir aucune chance à Lyon, j'y allais plus pour
l'entraînement et parce qu'il est intéressant d'expliquer ce qu'on
fait à des gens qui viennent d'autres branches des maths. Ils posent
d'ailleurs des questions qui montrent qu'ils écoutent attentivement et
s'intéressent vraiment à ce qu'on raconte.
[#4] Que je connais
bien. D'ailleurs, je dînais avec elle hier soir… Je suis nul,
hein : je dîne avec mes concurrents et je ne mets même pas de poison
dans leur verre !
Mes billets de train pour me rendre à mes auditions sont achetés : 333€ tout
rond (hum, ce que c'est de ne pas avoir de réduction 12–25 ou
autre gadget de ce genre) en trois parts à peu près égales, qui me
permettront donc de comparer, pendant ces seize et quelques heures de
trajet, le réseau TGV Atlantique au départ de la gare
Montparnasse (mercredi), le réseau TGV Sud-Est au départ
de la gare de Lyon (jeudi) et le réseau
TGVCorail Est au départ de la gare
de l'Est (vendredi–samedi).
J'ai de la chance : non seulement il n'y a pas de conflit (ils
essaient de les éviter, bien sûr, mais ce n'est pas toujours
possible), ni de conflit avec mon TD du vendredi matin,
mais en plus les deux premiers sont à des moments franchement
commodes. Strasbourg est un peu plus ennuyeux (je vais devoir y
passer la nuit de vendredi à samedi) mais c'est loin d'être
ingérable.
Well, if there's a bright centre to the Internet, you're on the
blog that it's farthest from.
[De nouveau, je
n'ai pas besoin de dire d'où sort la citation ; hélas, je ne suis
même pas la
premier à avoir l'idée de l'appliquer à ce contexte : c'est le
problème d'être arrivé trop tard dans un monde trop vieux.]
Hop, une pensée émue pour le jour où j'ai commencé ce blog, il y a quatre ans.
Taratata, je peux me proclamer un des pionniers[#] de la blogosphère francophone
(oui, souvenez-vous, en 2003 la petite sœur de tout le monde
n'avait pas déjà un skyblog, puisque les skyblogs n'existaient pas).
J'aimerais en faire un résumé par phases, mais il faut bien admettre
que ce n'est pas facile, tout ça manque quand même de cohérence.
Quand je relis des entrées passées, je me souviens les avoir écrites,
mais l'ordre me paraît souvent bizarre (tiens, cette entrée, ça
fait déjà trois ans que je l'ai écrite ? je croyais que c'était il y a
trois semaines ! ah, et celle-là j'aurais dit que c'était super vieux,
elle date de seulement deux mois… — ça n'a rien de
spécifique à ce blog, bien sûr, c'est toujours le cas quand je repense
à des choses passées, la séquence des événements est toute chamboulée
par mon souvenir). Peut-être que quand je serai vieux et célèbre[#2], mes exégètes nombreux et bardés
de diplômes définiront ma période bleue et ma période
rose, et quand mon blog sera publié en Pléiade avec des notes un
des commentaires sur celle-ci expliquera ce que je ne sais pas vous
expliquer maintenant, mais en attendant je vais me coucher.
[#] Ah, pour être
pionnier dans quelque chose, il faut que quelqu'un vous ait vu et vous
ait imité ? Zut. Ben tant pis, alors.
[#2] Quoi, je ne suis
pas crédible ? Quoi, la page parlant de moi a été retirée de la
Wikipédia francophone ? Mais euh, d'abord.
J'ai complètement craqué vendredi soir : pour aucune raison de plus
qu'un malentendu idiot, j'ai paniqué de ne pas avoir de nouvelles de
mon copain parti pour le week-end à New York. Il est vrai que je suis
assez fragilisé nerveusement en ce moment, mais c'est certainement la
plus grosse crise de nerfs que j'aie jamais piquée… Donc je
comprends maintenant clairement le sens des vers[#] :
Un songe, un rien, tout lui fait peur Quand il
s'agit de ce qu'il aime.
Bon, excusez-moi si je suis pénible avec mes trucs d'amoureux transi, c'est encore tout
nouveau pour moi — à trente ans, ce n'est pas trop tôt —
alors je fais ma bluette d'adolescent attardé, et bientôt si vous êtes
sages je m'enregistrerai chantant, d'une voix de midinette,
La solitudine fra noi Questo
silenzio dentro me E l'inquietudine di vivere La vita senza
te
Ti prego aspettami perché Non posso stare senza te Non è
possibile dividere La storia di noi due
(Les stagiaires de Google rigolent !)
✯ Bon, je digresse, parce que ce n'est pas du tout de vie
sentimentale que je voulais parler quand j'ai intitulé cette entrée :
peur, incertitude, doute. Mais bien d'avenir scientifique.
Je ne parle pas uniquement du mien. Il se trouve que par ma
profession et ma position à la fois je suis un observateur
(tristement) privilégié du spleen des jeunes mathématiciens, voire
jeunes scientifiques en général, français : je parle de jeunes qui
auraient dû être promis à une brillante carrière au service de la
Science avec un grand ‘S’ et qui abandonnent avant même de
l'entamer parce que l'horizon est si sombre qu'ils ne se sentent pas
le courage d'entamer une bataille tellement désespérée. Vraiment, les
mathématiques françaises, en tout cas les mathématiques pures, et
peut-être en fait toutes les sciences qui ne sont pas directement
applicables, sont en train de mourir, privées de leurs forces vives,
par faute de postes. (J'insiste sur les postes, car ce n'est
pas tellement d'argent qu'on manque : comme il est toujours plus
facile de débloquer de l'argent que des postes, c'est ce qu'on fait de
temps en temps, et cet argent sert entre autres à créer des emplois
précaires qui ne font que prolonger la galère des jeunes
chercheurs.)
Il est tentant de penser que si on donne n postes et
qu'on met un jury de spécialistes pour déterminer à qui ils vont
aller, on récupérera les n meilleurs à la sortie : c'est
faux pour plein de raisons (la première étant que meilleurs n'a
pas de sens et que, quand bien même il en a, il ne peut se déterminer
qu'avec énormément de recul, et que le jury est humain donc
faillible), et ce n'est même pas forcément souhaitable (au risque de
choquer, le but des mathématiques n'est pas uniquement de produire des
théorèmes, par exemple, je l'ai déjà
dit), mais, surtout, si n est trop petit, une bonne
partie des meilleurs va de toute façon abandonner avant même d'arriver
à l'étape où ils seraient confrontés à la sélection. C'est ce que
j'observe. Peur, incertitude, doute. Et ça me fait mal au cœur
de voir ça.
Il est certainement difficile de défendre l'utilité du métier de
mathématicien (pourquoi chercher le
secret des étoiles ?), mais quand je vois des gens me dire qu'ils
vont devenir (ou sont devenus) traders, ou des métiers de ce genre (se
vendre au Grand Capital personnifié par la banque est assez commun
dans le cas présent), qu'ils gagnent largement plus dès leur embauche
qu'un chercheur en fin de carrière et qu'ils considèrent ça comme
un échec et qu'ils ne voient pas en quoi ils sont plus utiles
dans ce métier-là que dans celui qu'ils auraient voulu, eh bien je
trouve qu'il y a quelque chose qui cloche.
[#] Ce qui est bien avec
Internet, c'est qu'on n'a plus besoin de préciser les auteurs des
citations, ceux qui ne trouvent pas peuvent toujours demander
au Grand Oracle Omniscient Gardien du Livre de l'Entendement. Un ami
avait même trouvé une expression pour traduire ça : les stagiaires
de Google rigolent (l'idée sous-jacente étant d'imaginer que
Google emploie des stagiaires pour regarder toutes les requêtes qui
passent et dès que quelqu'un fait une référence qu'il n'explique pas,
ces stagiaires la voient passer et s'en amusent).
Ça n'a rien d'une surprise, mais les résultats (encore officieux)
du CNRS sont tombés tout à l'heure, et je ne suis pas
admissible (ni classé). Bon, je commence à avoir l'habitude, et par ailleurs quand
on voit qui d'autre ils n'ont
pas pris, on ne peut pas dire que ce soit déshonorant. Mais j'aurais
quand même mieux fait de ne pas écouter les gens qui m'ont soufflé que
j'avais peut-être une chance, et éviter de perdre mon temps à
candidater (ne serait-ce que pour rester un peu plus longtemps à
Toronto…).
Non, 44.6%, ce n'est pas le score de Ségolène Royal au second
tour : c'est l'avancement du temps avant le retour de
mon copain. Ce n'est pas un nombre spécialement remarquable, 44.6,
mais je commence vraiment à trouver le temps carrément long (oui, je
l'ai vu il y a à peine plus d'une
semaine, mais malgré — ou peut-être à cause de ça
— il me manque déjà énormément), alors le fait de n'avoir même
pas atteint 50 sur le retour-o-mètre est un peu dur, là.
C'est fascinant comme le fait d'être en couple me
semble complètement naturel. Il n'y a même pas un an j'ai pu me
croire plutôt solitaire, trop jaloux de ma liberté, ou simplement pas
fait pour les relations stables : je ne sais pas si je dois dire que
je m'étais trompé dans ma perception de moi-même ou si j'ai
changé, mais me voilà devenu ce que certains appellent un
Putain de Romantique de Merde. (J'ai pourtant l'impression que
la transformation dans l'autre sens est plus commune.) Et je suis
loin de m'en plaindre : si j'en suis actuellement à compter les heures
et à m'inquiéter à tout propos de savoir si mon poussinet[#] va bien (mon tempérament anxieux,
lui, il n'est pas près de changer), c'est toujours beaucoup mieux que
de déprimer épisodiquement comme je
faisais avant. Je suis extraordinairement plus heureux que par le
passé (et j'aimerais proposer ce bonheur en signe d'espoir à ceux qui
pensent tristement que leur soif d'affection n'aura pas de fin, comme
j'ai pu le croire et en souffrir) ; néanmoins, le manque n'en est pas
moins réel, presque comme le manque d'une partie de moi-même, surtout
la nuit dans le lit.
Encore deux mois et demi à tenir, pfff…
(Ils sont tout meugnons, hein, mes mini canards de bain ?)
[#] Non, ce n'est pas
comme ça que je l'appelle. Mais les mots doux que nous nous
échangeons, je préfère les garder pour nous, justement.
J'ai fait[#] une petite
sélection de photos de mon voyage
à Toronto (215 photos et 8 petits films, pour être précis).
Il y a aussi une galerie un peu plus complète
(i.e., comportant une trentaine de photos et une demie-douzaine de
petits films que je n'ai pas voulu rendre publics) : ceux qui me
connaissent personnellement et que ça intéresse, n'hésitez pas à m'en
demander l'adresse.
[#] Après m'être pas mal
battu pour réussir à avoir un affichage correct de la date des photos
(c'est-à-dire heure locale + fuseau horaire).
J'ai passé mon audition CNRS ce matin, qui s'est bien
passé (en cinq minutes, j'ai réussi à énoncer un résultat que j'ai
démontré assez récemment), ce qui ne veut rien dire puisque c'est un
exercice purement formel. Enfin, si, ça veut dire que je n'ai pas
dormi de la nuit et que du coup je suis hors d'état de faire quoi que
ce soit d'utile aujourd'hui.
Les sous-jurys ont des noms rigolos : celui devant lequel je suis
passé s'appelait mathématiques déterministes et aléatoires, et
il y en avait d'autres avec pour noms mathématiques pures et
appliquées et mathématiques discrètes et continues (et sans
doute encore d'autres). Apparemment le truc est qu'ils sont obligés
de donner un nom qui ne soit pas un simple numéro, mais ils ne veulent
exclure aucun domaine des mathématiques dans aucun titre, alors ils
utilisent toutes sortes de divisions en deux antonymes (il y avait
peut-être aussi mathématiques finies et infinies,
mathématiques des petites et grandes dimensions, etc.).
☛ J'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi quand on va dans
un minable MacDo on a droit au Wifi gratuit illimité (pour le prix
d'un quelconque MacChose, donc autour de 2€) alors que dans un
aéroport, auquel on a payé quand même significativement plus qu'un Big
Mac, non. Quelqu'un peut m'expliquer ça ? Je suis le seul à trouver
que c'est puant de mesquinerie de la part des aéroports ? (J'aurais
pu penser que c'était une radinerie française, mais, non, à Montréal
et Toronto c'est pareil.) Remarquez que tous les gens passant à
proximité du MacDo peuvent profiter du Wifi de celui-ci, alors que
pour l'aéroport il est quand même plus rare de passer par là par
hasard (celui qui veut faire le voyage jusque loin à l'extérieur de la
ville juste pour le Wifi, quelque part, il mérite qu'on le lui donne).
Ce n'est pas de payer qui me gêne (je veux dire, s'il fallait
augmenter epsilonesquement la taxe d'aéroport pour avoir le Wifi
gratuit partout, je trouverais ça normal), mais payer à la minute et
devoir donner un numéro de carte bancaire, c'est vraiment plus que
pénible.
☛ Au chapitre des prix des communications : de Montréal j'ai
voulu appeler mon copain — qui a un téléphone mobile à Toronto
— pour lui dire que j'étais bien arrivé. Je mets un quarter (25¢) dans une cabine téléphonique publique,
je compose le numéro, et elle me dit que je devrai rajouter…
3.65$ pour une communication de 1 minute.
Allô ‽‽‽ 3.80$ pour une minute ‽ Je paie
largement moins cher pour l'appeler de France ! Personne n'a été
capable de m'expliquer ce tarif délirant. (Je crois que les tarifs
des communications sont en train de suivre le même chemin que ceux des
vols d'avion, c'est-à-dire le chemin de l'incompréhensibilité la plus
totale.)
☛ Mon appareil photo numérique a une notion de fuseau
horaire : quand je suis parti il m'a suffi de lui dire que j'allais à
Toronto (et que c'était l'heure d'été là-bas aussi — il est
normal qu'il ne sache pas les règles pour ça vu qu'elles changent tout
le temps) et il était à la bonne heure. C'est une très bonne chose.
Hélas, il ne semble pas enregistrer cette information dans les photos
qu'on prend ! (Par exemple, dans les données Exif,
il y a une heure indiquée, mais les imbéciles qui ont écrit cette norme n'ont pas jugé bon de
prévoir de mention de fuseau horaire, ni même, d'ailleurs, de préciser
clairement si le temps indiqué doit être le temps universel ou l'heure
locale.) Or moi j'ai envie que mes photos soient toujours triées
chronologiquement (ce qui implique de leur associer le temps universel
de prise, puisque j'ai pu prendre des photos dans l'avion avant et
après avoir changé le fuseau donc l'heure locale fera un saut brutal
en arrière), mais que l'heure montrée par un logiciel quelconque
d'affichage soit l'heure locale (+ indication explicite du fuseau,
d'ailleurs) parce que si une photo a été prise à 22:00−0400 à
Toronto j'ai envie de voir affiché 22:00−0400 et certainement
pas 04:00+0200 sous prétexte que je la regarde en France. Combien de
temps faudra-t-il avant que les gens comprennent qu'une indication de
temps doit toujours[#] comprendre
une heure et un fuseau horaire ?
D'ailleurs, je m'étonne que les appareils photos ne soient pas plus
couramment équippés d'un récepteur GPS pour pouvoir plus
facilement enregistrer le temps universel (au moins Exif prévoit-il un
champ GPSTimeStamp pour l'heure GPS !), et évidemment la
position des photos ⇒ on pourrait les localiser automatiquement
sur des sites comme Panoramio
et naviguer dans ses propres photos par espace aussi bien que par
temps.
[#] Bon, en fait, il
faut prévoir plusieurs cas : soit on a une heure locale et une
indication de fuseau (ou, de façon équivalente, un temps universel et
une indication de fuseau), soit on a un temps universel mais pas de
fuseau naturellement associé (par exemple, pour un phénomène
astronomique), soit dans de rares cas on a uniquement l'heure locale
sans connaître le fuseau ou sans que le fuseau ait vraiment de sens.
Le dernier cas pose évidemment problème pour trier par ordre
chronologique, le mieux étant sans doute de considérer
artificiellement pour les besoins du tri que c'est dans le fuseau
local courant.
Un peu d'élection présidentielle française, maintenant :
☛ Mes pronostics de victoire soufflés par mon pipotron
intégré (je ne parle pas de souhaits, hein, uniquement de
pronostics) : je 69% de chances à Nicolas Sarkozy, 22% à Ségolène
Royal, 9% à François Bayrou. Largement moins de 1% à n'importe quel
autre candidat. Ce n'est pas trop loin de la cote que donnent les bookmakers
anglais (et ils sont normalement un bien meilleur indicateur que
n'importe quel sondage : surprenant que les journalistes français ne
s'en soient pas encore rendu compte). Je maintiens ma prévision de cohabitation possible même
si j'en diminue la probabilité vu que le PS fait
apparemment tout ce qu'il peut pour s'assurer de perdre les
législatives s'il perd la présidentielle (et à force d'essayer
très fort, il va finir par y arriver, c'est sûr : leur
intérêt naturel était de minimiser l'importance de la présidentielle
et de répéter le mot législatives aux électeurs, et il a fait
exactement le contraire).
☛ On ne dira jamais assez les aberrations causées par le
mode de scrutin (majoritaire à deux tours). La seule chose qui va
compter vraiment, demain, c'est qui arrive deuxième. Avec
pour conséquence que si les partisans de Ségolène Royal,
respectivement François Bayrou, ont intérêt à voter pour Ségolène
Royal, respectivement François Bayrou, ceux qui veulent voir Nicolas
Sarkozy avoir le plus de chances de triompher doivent naturellement
voter pour… Ségolène Royal ou Jean-Marie Le Pen ! (Puisque
Sarkozy sera de toute façon au second tour, ce qui importe pour eux
est de lui donner un adversaire qu'il a le plus de chance d'arriver à
battre : donc soit renforcer Ségolène Royal si François Bayrou est une
menace, soit renforcer Jean-Marie Le Pen si c'est Royal qui est une
menace. Enfin, tout ça à condition que cette stratégie ne soit pas
trop répandue : la stratégie que tous les partisans de
Sarkozy devraient appliquer c'est de voter pour ce dernier avec une
probabilité de 85% environ et pour Le Pen avec une probabilité de 15%
environ, ce qui garantirait à peu près à coup sûr d'éviter que Bayrou
soit au second tour.) Je ne sais pas si les électeurs sont trop peu
calculateurs pour concevoir ce genre de tactique ou s'ils ont la
candeur de penser que le vote a une portée symbolique et qu'ils
refusent de donner leur voix à un candidat qu'ils détestent juste pour
maximiser les chances de celui qu'ils préfèrent : sans doute un peu
des deux. En tout cas, aucun homme politique n'aurait le courage
d'expliciter ce genre de tactique : c'est peut-être à leur honneur,
mais ça signifie qu'on s'interdit aussi le débat sur les inconvénients
du système électoral appliqué.
Pour ma part, j'essaie de voter de façon complètement calculatrice
et totalement dénuée d'idéalisme ou de symbolisme (c'est-à-dire que
j'essaie d'évaluer froidement, avec toutes les données que j'ai à ma
disposition, l'espérance d'amélioration, pour ma définition du bien,
apportée par chaque vote en tenant compte uniquement des conséquences
qu'il aura, pas d'un idéal que j'aurais).
☛ Il y a tellement de gens qui disent qu'ils n'aiment aucun
candidat et qu'ils ont de la répugnance à choisir le moins pire
(alors qu'ils verraient bien, disent-ils, qui serait le pire) que j'ai
envie de proposer, pour montrer un peu le ridicule de la chose, de
faire une élection présidentielle à l'envers. Autrement dit, on vote
pour le candidat qu'on aime le moins, les deux qui ont le
moins de voix passent au second tour et de nouveau on vote pour
celui qu'on aime le moins et c'est celui qui a le
moins de voix qui est élu. C'est tout à fait dans l'air du
temps : voter pour le candidat qu'on veut éliminer, tout ça tout ça.
Et ce serait complètement grotesque, c'est sûr, mais certainement
amusant.
☛ J'aurais aimé regarder tous les spots de campagne parce
que j'aime bien regarder la façon dont les hommes politiques font leur
communication (et je trouve même qu'ils dégagent parfois une poésie
intéressante). Il semble que ces spots soient là, mais je ne suis
pas sûr que la liste soit complètement totalement et absolument
exhaustive. Malheureusement c'est un peu long. À défaut j'aurais
aimé trouver un site un tant soit peu officiel qui les recense tous
avec leur durée et la transcription du texte. Apparemment ça n'existe
pas. Pire encore, les spots ont semble-t-il été retirés du site de
France Télévisions sous prétexte que la campagne officielle est
fermée : c'est ahurissant d'être abruti à ce point.
☛ Aucun rapport avec le schmilblick : que se passe-t-il si
quelqu'un porte plainte contre l'Église catholique romaine pour
discrimination à l'embauche parce qu'elle refuse d'ordonner les
femmes ?
Je ne sais pas trop comment organiser cette entrée, parce que
j'aurais plein de choses à raconter mais je suis vraiment trop fatigué
pour tout dire… Ce qui est sûr, c'est que je ne regrette pas
d'être parti, et que je reviens plus amoureux que jamais — ça va
être long d'attendre encore trois mois que mon copain rentre pour de
bon : même si les adieux hier soir à l'aéroport de Toronto n'ont pas
été aussi difficiles qu'il y a deux
mois à Roissy, les retrouvailles ont été trop courtes à mes
yeux.
Cela faisait six ans que je n'avais pas pris l'avion et douze ans
que je n'avais pas traversé l'Atlantique. L'avion, j'avais oublié à
quel point c'était fatigant : je suis décidément incapable d'y dormir
(non pas à cause du bruit ni de la lumière, mais à cause de la
position) ; par contre, le décalage horaire n'a pas l'air spécialement
dur à vivre (je veux dire que si j'avais pu dormir dans
l'avion je tiendrais bien le coup, dans les deux sens).
Toronto, j'y ai vécu un an en '84–'85, un
mois à l'été '88, et une semaine à l'été '95. Les souvenirs de ces trois séjours sont
complètement mélangés dans ma tête (et, bien sûr, les années passant,
il en sera de même de mes souvenirs de 2007). Par conséquent, plutôt
que vraiment visiter la ville, je cherchais à retrouver ce
que je me rappelais, à faire coller ma mémoire à la réalité, à
localiser une image parfois très incertaine, une idée vague, une
impression : et, dix ou vingt ans plus tard, ce n'est pas évident.
Difficile de savoir quand les choses ont changé ou quand mes souvenirs
sont faux : il y a des mystères que je n'ai pas pu résoudre (par
exemple, le chemin précis que suivait la promenade que mon père et moi
avions l'habitude de faire dans la Don Valley) — mais, dans
l'ensemble, je ne m'en suis pas si mal tiré (j'ai bien réussi à
retrouver une boutique d'objets scientifiques que j'aimais quand
j'étais petit, alors que je n'en connaissais plus ni le nom ni
l'endroit ni la disposition exacte).
Certaines choses sont définitivement devenues du passé et c'est
dommage, comme le planétarium
du centre ville qui n'existe plus (et j'y suis allé, faut-il croire,
peu de temps avant sa fermeture). Plus triste à mes yeux, le musée des
sciences, qui a joué un rôle important dans mon éveil à la
science, a essentiellement cessé d'être un musée de sciences pour
devenir une attraction pour gamins : un grand nombre des expositions
ou articles que j'ai connus (le film Powers of Ten, en gros toute la section
astronomie, une démonstration avec des lasers, les gouttes d'eau vues
au stroboscope, le couloir sans écho…) ont apparemment disparu
et il y a à la place toutes sortes de jeux prétendument scientifiques
pour les enfants (je ne peux pas juger, les adultes n'ont pas le droit
d'aller à certains endroits) ; en tout cas, ce musée n'a plus le
moindre intérêt si on a plus de, disons, 14 ans, alors qu'il en avait
autrefois (quand moi-même je n'avais pas 14 ans !).
Autrement, ce qui m'a frappé, peut-être plus cette fois
qu'auparavant, c'est à quel point la ville est grande : le downtown où se trouvent les buildings, ou toute la
région qu'on peut espérer connaître, est perdu au cœur d'un sprawl interminable (une trentaine de kilomètres de
diamètre) de petites maisons ou d'immeubles très largement espacés.
On peut trouver, en plein milieu de la ville (je pense à la vallée du
Don), de vastes paysages qui ressemblent furieusement à de la
campagne !
Dans le downtown lui-même, des passages
piétons souterrains entre buildings forment un gigantesque complexe de
centre commerciaux reliés entre eux, le PATH.
En '95, mon père s'était moqué de moi parce que j'avais passé tout mon
temps à Toronto à visiter les centres commerciaux, mais, à bien y
réfléchir, ce n'est pas absurde : c'est une des attractions de la
ville comme la tour la
plus haute du monde (laquelle n'en revient pas, d'ailleurs,
d'avoir toujours ce titre trente ans après sa construction alors
qu'elle espérait ne le garder que quelques années… mais elle va
sans doute le perdre dans un an ou deux). Ah, et puis, comme la ville
aime apparemment les superlatifs, il y a une
librairie qui se prétend aussi (de façon très certainement pipo)
la plus grande du monde.
Pour ce qui est de l'aspect multiculturel (parce que dans le rayon
des superlatifs il y a des gens pour prétendre que Toronto est la
ville la plus ethniquement diverse du monde), je ne suis pas
terriblement impressionné — disons que ça ne me semble pas
sensiblement plus varié que Paris, peut-être même moins — mais
il est vrai que ça a un côté plus institutionnel, avec des quartiers
où les noms des rues sont aussi donnés en chinois, ce genre de choses.
Et le fait est qu'on trouve facilement de la nourriture de toutes
origines. Globalement, à Toronto, on mange bien (même s'il m'a semblé
discerner une tendance à favoriser ce qui est un peu gras et
lourd).
On voit très peu de gens obèses dans la rue. Peut-être est-ce le
climat qui aide à brûler les graisses ? Mais globalement,
l'impression est que les Canadiens, sans être extrêmement différents
de leurs voisins du sud, savent rester plus modérés ou — qu'on
me pardonne le terme — civilisés : ce ne sont pas des fanatiques
religieux, ils ont un embryon de sécurité sociale, ils reconnaissent
le mariage des couples de même sexe, ils ne tiennent pas à tout prix à
pouvoir porter une arme (pour tuer tout le monde dans les campus
universitaires, ahem), ils ne s'imaginent pas que faire la guerre en
Iraq aidera à lutter contre le terrorisme, et pour les poids et
mesures ils utilisent même le système métrique dont toute la Terre a
très compris l'avantage sauf un certain pays d'irréductibles. Je ne
prétends pas que les Canadiens n'ont aucun des défauts des
Étatsuniens, hein : ils persistent eux aussi à ne pas faire figurer
les taxes dans les prix (ni le service au restaurant, ce qui fait
qu'on doit en permanence se balader avec une calculatrice pour ajouter
15% à la somme qu'on vous indique, et je trouve ça vraiment stupide et
insupportable). Et quand ils racontent leur vie (en anglais), un mot
sur deux qu'ils prononcent est like (en entendant
certaines personnes, c'est à tel point que je me dis qu'il serait plus
efficace de sous-entendre ce mot à chaque fois qu'il est possible, et
de dire explicitement unlike si on ne veut pas le
dire !). Ah, et ils ne tiennent pas les portes pour ceux qui passent
après : c'est bizarre, parce que généralement ils sont nettement plus
polis et serviables que les Français, mais ça, apparemment, ça ne leur
vient pas à l'idée que c'est une bonne idée de regarder quand on
traverse une porte s'il n'y a pas quelqu'un juste derrière. Sinon, il
y a quelques petites différences rigolotes avec les États-Unis, comme
le fait qu'au lieu d'aller chez Wal★Mart et
Starbucks on peut aller chez Loblaw et Second Cup, dont vous n'avez probablement jamais
entendu parler si vous n'êtes pas allé au Canada.
Et le climat, bien sûr, qui est merdique. Enfin, là, je suis aigri
parce qu'il a fait un temps glacial pendant toute la semaine que
j'étais là et que le jour où je repars il se met à faire beau.
Revenir de vacances, en tout cas, ce n'est pas bien agréable : on
est assailli par des centaines de mails qui réclament une attention
urgente, par des tâches domestiques de tous genres (laver tous les
vêtements sales qu'on rapporte, trier le courrier postal, remplir le
frigo qui est vide…), d'autres bureaucratiques et d'autres
informatiques (comme s'occuper de l'ordinateur nº2177335616 dont un
disque dur a eu des ratés). Et écrire une entrée dans le blog,
évidemment. Est-ce que le monde ne peut vraiment pas
tourner tout seul pendant une semaine sans que je sois là pour le
pousser ?
Des photos viendront prochainement illustrer tout ça (pas le
dernier paragraphe, quand même). Enfin, sans doute. Sinon, comme
souvenir, je rapporte un maillot des Maple Leafs.
Histoire de faire le plein de printemps avant une semaine d'hiver,
j'ai fait une promenade à Paris dont je ramène plein
de photos absolument sans intérêt. (Le but de la chose, on l'aura
compris, est plutôt de tester un générateur d'album parce que je
ramènerai sans doute plein d'images de Toronto. BINS, en
l'occurrence : je n'en suis pas du tout content, mais c'est le mieux
que j'aie trouvé pour l'instant ; du coup, si d'autres gens peuvent
suggérer des programmes qui génèrent des pages statiques de ce genre
— pas de PHP — je suis intéressé. Sinon,
petite pensée pour la prochaine fois que j'achète un appareil photo
numérique : avoir un capteur gravimétrique, ce serait vraiment
pratique.)
Hélas, un lundi de Pâques, impossible d'acheter de la lecture pour
les huit heures d'avion qui m'attendent, et encore moins une paire de
gants chauds. Tous les commerces sont ouverts sauf ceux où
on voudrait aller.
Petite scène observée rue
des Archives : un pédé promène son chien, une sorte de caniche, et
croise un autre pédé qui fait la même chose. Les deux chiens
commencent à se flairer avec intérêt à un endroit que la pudeur
interdit de nommer. Les deux propriétaires s'en amusent. L'un
précise, en montrant son animal : C'est une fille. L'autre, en
désignant le sien : Elle aussi.
Il
l'avait bien dit : quand on est élevé par des homos, on le devient
soi-même. CQFD
Je crois que ça va être un peu dur de passer de ça
à ça.
Brrr… Surtout que mon copain me dit innocemment que le
chauffage ne marche plus là où on va habiter.
Mon vol décole mardi à 10h30 heure de Paris (et je fais escale à
Montréal avant d'arriver à Toronto à 15h18 heure locale).
Ai-je bien fait tout ce que je devais faire avant le départ ?
(Zut, par exemple, il y a un recommandé que je ne suis pas allé
chercher à la poste, maintenant c'est trop tard, et le délai de garde
expire pendant que je serai à Toronto.) Ne vais-je pas oublier
d'emporter des choses importantes ? Devrais-je prendre mon portable avec moi ? (Et s'il se fait
voler ? Et si les douanes m'embêtent ?) Devrais-je prendre un seul
ou deux sacs en cabine (apparemment on a le droit à deux si l'un est,
justement, un portable, mais je serais vraiment trop embêté si cette
règle était fausse) ? À quelle heure devrais-je me réveiller ?
Arriverai-je à dormir dans l'avion ? Bref : je suis stressé.
Mais bon, ce n'est pas grave, dans cinquante heures et quelques je
serai beaucoup moins stressé et beaucoup plus heureux.
Aucun rapport, mais c'est aujourd'hui mon deuxième anniversaire de
soutenance.
Ça y est, mes neuf enveloppes ont
été postées ! Elles pesaient au total 2.75kg représentant quelque
chose comme 30m² de papier et ça m'a coûté 48.60€ à expédier.
Que j'aurais pu faire payer à l'ENS, bien sûr, mais la
hâte de me débarrasser de ces enveloppes qui brûlent les doigts a fait
que j'ai préféré faire la queue à la poste pour les déposer moi-même
plutôt qu'attendre demain pour les confier au service courrier de
l'École. Et si c'était fastidieux de remplir les bordereaux d'envoi
recommandé je plains les employés de la poste du 5e qui doivent en
traiter un nombre invraisemblable parce que, apparemment, j'étais loin
d'être le seul à déposer des dossiers universitaires, aujourd'hui (et
la guichetière m'a demandé si c'était bien demain la date limite,
l'air de dire qu'ils allaient en recevoir des tonnes, du coup). Le
Monsieur après moi devait en avoir quelque chose comme 30 (il
s'apprêtait d'ailleurs à les envoyer en courrier simple mais je lui ai
fait remarquer que, à ma connaissance, il fallait un recommandé).
(En fait, je vais peut-être même en envoyer un dixième, de dossier,
pour faire bon compte. Après tout, mieux vaut donner du travail aux
rapporteurs et les laisser décider si mon profil leur convient plutôt
que de m'écarter d'office.)
Prochaine étape dans mon périple des candidatures : le 23 avril,
audition pour le CNRS.
D'ici vendredi je dois avoir fait le choix définitif, entre les postes
parus au JO (ceux qui me concernent sont ceux de la
25e section), des endroits où je vais me porter candidat, et avoir
posté les dossiers en question. Bon, cette année le choix a été moins
difficile que l'an dernier. En revanche, ce qui n'a pas changé et ne
cesse de m'étonner, c'est à quel point ces dossiers sont pénibles à
remplir : et je ne parle pas du contenu scientifique, je parle de la
paperasse administrative.
Je dois préparer neuf grandes enveloppes (correspondant à
treize postes, parce qu'il y a des postes qui ont le même profil alors
heureusement on n'a pas à doubler tout le dossier), chacune contenant
deux petites enveloppes identiques avec toutes sortes de
choses dedans. Chaque enveloppe, grande ou petite, doit contenir,
entre autres, une copie d'un accusé de réception de candidature
électronique que je dois signer : rien que ça, ça veut dire que j'ai
dû vingt-sept fois (27=9×(1+2), vous suivez ?) écrire fait à Paris
le 27 mars 2007 et signer : ben rien que ça, on en a bien marre
quand on arrive à la 27e feuille. Écrire les choses qu'il faut sur
les enveloppes, c'est encore pire.
Et je ne parle pas du papier gâché : 16 pages de CV
(ou plus si j'y ajoute mon résumé de thèse intégral) reproduites en 27
exemplaires, plus 10 pages de rapports de thèse en 18
exemplaires… au final il va falloir compter plus de 350
feuilles de papier A4, et 36 enveloppes, dans ces dossiers. Je ne
sais pas combien de candidats, comme moi, en pondent, mais au
CNRS nous
sommes 225 à concourir, donc si tous ces gens postulent aussi à
l'Université ça fait 75000 feuilles de papier envoyées… juste
pour les maths, et peut-être deux millions pour l'ensemble des
candidatures comme maîtres de confs (je ne compte pas les professeurs,
là). Est-il vraiment indispensable de faire transiter deux
millions de bouts d'arbres morts pour des dossiers qui pourraient
aussi bien être complètement électroniques comme c'est le cas,
justement, au CNRS ?
Seriously, both passports were delivered quickly and are very nice
to look at: they have all sorts of colorful holograms on page two,
background watermarks on all pages and other presumably very advanced
anti-piracy features which I can't show you because I'm sure if I do
as much as put a photo of the inside on this blog I'll spend the rest
of my life rotting in jail. (That, and the fact that my
ID photo looks really awful.) The French one has more
bells and whistles because it has an RFID
chip inside which conclusively guarantees the end of my privacy
wherever I carry it, and also it has everything inside written in
eleven languages; but the Canadian one has this very nice letter by
the Minister of Foreign Affairs of Canada, in the name of Her Majesty
the Queen, requesting all those whom it may concern to allow the
bearer to pass freely without let or hindrance. Both have a
spiffy golden coat of arms on the front cover and I notice that Canada's
now bears the motto desiderantes meliorem patriam which wasn't there on my
previous Canadian passport (ah, indeed, it was added in '94). Oh, and
while I'm at it, I was shocked to find out that no portrait of Her
Majesty the Queen is displayed in the Canadian embassy in Paris
(though there is one of the Lieutenant-General and one of the Prime
Minister).
Whatever. The good news is that I'm leaving for Toronto on April 10–19 since I
was able to find a flight (for less than 650€)—and a week's
free time.
Sérieusement, les deux passeports m'ont été remis rapidement et
sont très jolis à regarder : ils ont toutes sortes d'hologrammes
colorés en page deux, des empreintes de fond sur toutes les pages et
d'autres mesures certainement très avancées contre le piratage que je
ne peux pas vous montrer parce que je suis sûr que si je me risque à
mettre une photo de l'intérieur dans ce blog je passerai le reste de
ma vie à pourir en prison. (Ça, et le fait que ma photo d'identité a
vraiment une sale gueule.) Le français a plus de gadgets sophistiqués
puisqu'il a une puce
RFID à l'intérieur qui garantit de façon concluante
la fin de ma vie privée partout où je le porterai, et il a aussi tout
écrit en onze langues ; mais le canadien a cette jolie lettre du
ministre des Affaires étrangères du Canada, au nom de Sa Majesté la
Reine, priant les autorités intéressées de bien vouloir accorder
libre passage au titulaire de ce passeport. Tous les deux ont
d'étincelantes armoiries dorées sur la couverture et je remarque que
celles du
Canada portent maintenant la devise desiderantes meliorem patriam qui
n'était pas là sur mon précédent passeport canadien (ah,
effectivement, elle a été ajoutée en '94). Ah, à ce propos, j'ai été
choqué de voir qu'il n'y a pas de portrait de Sa Majesté la Reine
affiché dans l'ambassade canadienne à Paris (alors qu'il y en a un du
Lieutenant-Général et un du Premier ministre).
Bref. La bonne nouvelle, c'est surtout que je pars à Toronto les 10–19 avril puisque
j'ai réussi à trouver un vol (à moins de 650€) — et une
semaine de temps libre.
Le fait de chercher à remplir les formalités pour un passeport m'a fait me
poser la question de savoir si j'étais vraiment canadien. Après
examen, il semble que la réponse (au moins en un sens légal, je ne
vais pas réfléchir au sens plus vaste parce que je l'ai déjà fait) soit positive, mais
j'ai eu un doute.
Il y a des pays dont le droit de la nationalité relève
exclusivement du droit du sang : on est citoyen de ce pays
lorsqu'on a un parent qui l'est, et y naître n'apporte aucun droit à
la citoyenneté. Le Canada est dans l'extrême inverse, c'est-à-dire
que c'est le droit du sol qui importe avant tout.
Quiconque naît au Canada (sauf un fils de diplomates) est canadien ;
et il suffit de passer trois ans au Canada comme résident permanent
pour pouvoir être naturalisé. En revanche, le fils d'un Canadien ne
l'est pas automatiquement : avant février '77, il fallait faire un
enregistrement de la naissance à l'étranger (ce que mes parents ont
fait), et encore, peut-être fallait-il que spécifiquement le
père soit canadien. Depuis février '77, c'est automatique ;
mais quelqu'un qui est Canadien de deuxième génération à naître à
l'étranger perd la nationalité canadienne à 28 ans s'il n'a pas,
auparavant, fait une démarche pour la conserver, qui implique d'avoir
habité un certain temps au Canada. Comme autre preuve d'attachement
au droit du sol, on peut mentionner le fait qu'avant '67 le fait de
passer dix ans à l'étranger vous faisait perdre la citoyenneté
canadienne (et jusqu'à '77 le fait d'acquérir une autre nationalité,
mais ça ce n'est plus vraiment une question de sol/sang).
Je me demande si ces règles conduisent à créer des apatrides ; on
peut supposer que non, il y a probablement des exceptions visant à
empêcher ça (exceptions que les articles Wikipédia, ici
et là,
où j'ai lu ces règles, ne mentionnent cependant pas). En tout cas, ça
doit être un imbroglio juridique assez pénible d'être, disons,
petit-fils de Canadiens installés durablement en Suisse.
Toujours est-il que je passe entre ces diverses restrictions, donc
apparemment je suis bien canadien. Le contraire n'aurait pas été une
catastrophe (je peux bien aller passer une semaine à Toronto sans être
canadien), mais tout de même passablement vexant vu qu'on m'a quand
même fait chanter O Canada! We stand on guard for thee! tous les
matins d'école pendant un an. (Bon, après ça, on nous faisait réciter
une prière, ce qui ne manqua pas de scandaliser ma maman vu que
j'allais, après tout, dans une école publique.)
Comme il n'aura pas échappé à certains lecteurs de mon blog, je
voudrais partir une semaine à
Toronto, histoire de retrouver mon copain un peu plus tôt que son retour
définitif, et aussi de revoir Toronto. Cela devrait se faire vers la
dernière semaine d'avril si tout se passe bien (ce dont je commence à
douter, hélas).
La première nécessité, pour voyager, c'est d'obtenir un passeport
(actuellement je n'en ai pas). Là où j'ai de la chance, c'est que
j'ai à la fois la nationalité canadienne et la nationalité française,
donc j'ai deux chances au lieu d'une seule d'arriver à obtenir un
passeport à temps.
Soit dit en passant, je ne sais pas du tout ce qui
est le mieux. Par exemple, si j'ai les deux, serait-il légitime de
faire le voyage France→Canada avec un passeport canadien et le
Canada→France avec un passeport français ? Il y a des gens qui
m'ont dit qu'il était de toute façon interdit d'avoir deux
passeports : mais dans ce cas je me demande ce qu'on est censé faire,
vu que, après tout, si je veux demander à entrer en France, je dois
bien prouver que je peux y résider, et je ne vois pas comment faire
autrement qu'en prouvant que je suis Français (mais me
laisseraient-ils entrer avec une simple carte d'identité ?)… Le
Canada n'est pas trop pénible au niveau des visas, donc je pourrais y
entrer avec un passeport français, mais si ce n'était pas le cas, je
serais bien obligé d'avoir une preuve de nationalité des deux pays
pour pouvoir entrer dans chacun.
Je regarde les formulaires à remplir et les pièces à fournir dans
les deux cas, et je tombe à la renverse devant la stupidité des
exigences aussi bien de
la France que du Canada. Je
me dis vraiment que j'aimerais savoir qui est la personne qui
a le pouvoir de décider de ce genre de conditions grotesques (et
surtout, comment on pourrait la chasser de son poste et la remplacer
par quelqu'un de moins fou). Récapitulons :
Dans les deux cas, il me faut des photos, évidemment. Les crétins
qui fixent les règles ont inventé toutes sortes de conditions idiotes
que doivent vérifier ces photos et, naturellement, elles ne sont pas
les mêmes pour le Canada (photos 50mm×70mm) et pour la France (photos
35mm×45mm). J'aime.
La France demande un acte de naissance original. Ça c'est le
genre de choses qui me semblent le plus aberrant : ce n'est
pas à moi de servir de messager entre l'administration française et
l'administration française, bordel de merde ! Si la France
veut un acte de naissance original, pourquoi elle ne se le demande pas
à elle-même, enfin ??? (Quitte à me faire payer les frais de dossier,
soit.) Je ne comprends décidément pas ce genre de mesures : le
commissariat n'est pas foutu d'écrire à la mairie, si je lui dis où et
quand je suis né ? (Mise à jour : En fait, la
demande d'extrait d'acte de naissance peut se faire en ligne, ce qui
est quand même bien pratique.)
La France demande aussi… un acte de naissance de ma mère
(pour prouver que je suis français) ! Heureusement que ma mère est
vivante, sinon je me demande comment je serais censé produire ça.
La France me demande mon précédent passeport. Ça c'est aussi très
ennuyeux, parce que je ne sais pas si je l'ai perdu ou pas.
J'ai eu un passeport français il y a très longtemps (délivré en '90 ou
'91, très probablement, puisque je m'en suis servi pour aller en
Russie en février '91), il est périmé depuis belle lurette, et je ne
sais pas du tout ce qu'il est devenu. Je peux certainement faire une
déclaration de perte, mais comme je ne sais ni quand il a été perdu ni
comment ni n'en suis vraiment sûr, ça sent un peu la fausse
déclaration. Je peux aussi essayer de dire que c'est une première
demande, mais ils risquent de ne pas aimer, si c'est faux.
Le Canada, lui aussi, me demande une preuve de nationalité. Par
chance, j'ai ça : un certificat de citoyenneté canadienne et de
naissance à l'étranger (de validité perpétuelle ; je n'ose imaginer ce
qui se passerait si je perdais ce document, qui serait certainement
impossible à refaire). Eux n'ont pas l'air de trop s'intéresser à mes
anciens passeports (dommage, parce que j'aurais pu en fournir un)
s'ils sont plus vieux que cinq ans.
Là où c'est plus ennuyeux, c'est que le Canada demande des
pièces d'identité supplémentaires. La notice explicative
précise : Les pièces d'identité supplémentaires doivent être
valides, doivent avoir été délivrées par des autorités compétentes
fédérales, provinciales, ou municipales, au Canada, ou autre pièce
d'identité équivalente, et doivent inclure le nom et la signature du
titulaire. (Suivent des exemples qui ne peuvent en aucun cas me
concerner.) Ce n'est pas du tout clair si une pièce
d'identité française peut faire l'affaire ! Bon, la version anglaise
du document est un tout petit peu moins incompréhensible : Supplemementary documentation must be valid, must be
issued by a federal, provincial or municipal authority in Canada, or
local equivalent, and must include the bearer's name and
signature. (On se dit que or local equivalent
doit permettre la pièce d'identité française.) N'empêche que
j'aimerais bien en avoir le cœur net (⇒appeler l'ambassade
du Canada pour savoir ⇒perdre des heures au téléphone).
Mais le plus succulent est pour la fin. Le Canada tient non
seulement à ce que je fournisse l'adresse et les coordonnées de deux
personnes qui ne soient pas de ma famille et me connaissent
personnellement depuis au moins deux ans (Joël, j'ai mis ton nom,
j'espère que ça ne t'embête pas), mais aussi à ce que propose un
répondant (en anglais ils disent guarantor) pour certifier les renseignements que je
fournis (et témoigner que les photos sont bien de moi), qui lui aussi
me connaisse personnellement depuis au moins deux ans, qui doit être
avocat, notaire, dentiste, médecin, juge, magistrat, agent de police,
maire, notaire public ou signataire autorisé d'une banque. Bigre !
Il y a vingt ans les professeurs d'université étaient sur la liste,
mais ils ont été retirés, donc c'est assez ennuyeux. Par chance, ma
cousine est médecin (ils ne disent pas que ça ne doit pas être un
membre de la famille), donc je vais pouvoir lui demander ce service.
Mais sinon, ce serait bien ennuyeux.
Que de soucis ! (Il faut par ailleurs aussi compter des frais pour
fabriquer le passeport : 60€ pour la France et 100$ pour le
Canada. Au moins ce n'est pas gigantesque.) Heureusement, le Canada
promet de fabriquer le passeport en normalement deux semaines, alors
que pour la France il paraît que c'est plutôt six que deux.
Toronto, c'est loin (6020km de
chez moi, pour être précis), et cinq mois c'est long (146 jours, en
fait). C'est la distance et le temps par lesquels je vais être séparé
de mon amour, qui part en stage la semaine prochaine.
J'avoue que j'ai peur. Peur de la façon dont lui et moi allons
vivre cette durée ; peur de perdre cette joie qui éclaire ma vie depuis huit mois ; peur à cause de cette
prophétie ; peur que nous devenions fâchés ou distants l'un de
l'autre ; peur que les choses ne soient plus pareilles. Peur de ne
plus savoir gérer ma solitude sans le soutien d'une caresse
réconfortante, sans l'étreinte d'un bras que j'aime.
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur,
que tant de mers me séparent de vous ? Que le jour recommence et
que le jour finisse Sans que jamais Titus puisse voir
Bérénice, Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?
J'essaierai de lui rendre visite à mi-parcours, vers le mois
d'avril, si j'arrive à prendre des vacances (ce qui n'est pas gagné
pour toutes sortes de raisons), ce qui serait l'occasion de revoir
Toronto ; mais j'ai peur de ne pas y arriver. Je vais repasser cette
année un concours qui, l'an dernier, m'avait conduit au bord du craquage nerveux et qui ne
devrait pas être moins stressant cette fois-ci : j'ai peur que ce
moment-là soit particulièrement éprouvant. Je devrais aussi quitter,
cet été, l'endroit où j'ai passé des jours si heureux (et dont la destruction des lieux symboliques sonne
à mes oreilles comme un étrange avertissement) ; que j'aie ou non le
droit de vivre encore dans la ville que j'aime avant tout dépendra des
jugements impénétrables des commissions de spécialistes qui
examineront mon dossier scientifique. J'ai peur.
Mais bon, mon amour et moi avons échangé quelques gages de notre souvenir et témoignages
de notre affection, je suis rassuré qu'il sera bien accueilli là où il
va et que tout va bien se passer. Malgré ma peur, je suis
confiant.
Zut, je me suis coupé en froissant un papier (sur lequel j'avais
écrit des calculs faux) pour le mettre à la poubelle. Comme quoi la
vie du mathématicien est pleine de dangers. (Et je ne vous parle pas
de la poussière de craie qui salit, du café[#] qui tache et des autres
inconvénients directement liés à nos outils de travail
indispensables.)
Ce site
(en Flash) permet de réaliser des portraits robots (c'est très
rigolo) : on se rend compte que c'est vraiment très difficile d'en
produire un qui ressemble… J'ai essayé d'en pondre un de
moi-même, ça donne l'image ci-contre, qui n'est pas
complètement sans rapport avec moi, mais on a quand même
l'impression que ça pourrait être n'importe qui.
J'ai installé Google Earth
(la version aux stéroïdes de Google
Maps), un peu par désœuvrement. Comme mon copain part
bientôt à Toronto, j'y ai pointé la souris, histoire de lui montrer
quelques-unes des choses qu'il y a à voir dans une ville où j'ai passé
du temps et que j'ai beaucoup aimée. Il faut dire que Google Earth
n'est pas mal du tout, pour visiter virtuellement un endroit, parce
qu'on n'a pas seulement des vues aériennes mais aussi des photos au
sol que des gens ont pu prendre, ou encore des liens vers des articles
Wikipédia, etc. Par exemple, j'ai pu lui « montrer » l'hôtel
de ville de Toronto, endroit qui me plaît particulièrement.
Puis c'est devenu un petit jeu, pour moi, de voir ce que j'arrive à
reconstituer, comme ça, à partir de souvenirs lointains et nébuleux.
J'ai vécu un an ici
(je ne suis pas complètement sûr de la maison, mais je suis sûr de la
rue), en '84–'85, alors que j'allais à l'école là.
Puis j'y suis retourné à l'été '88, pour un mois — je ne sais
plus où j'habitais mais c'était sans doute quelque part dans
ce coin. Je retrouve aussi les endroits où j'aimais aller, comme
ce
musée ou celui-ci,
le
grand centre commercial, le
quartier chinois, etc. La dernière fois que j'ai été à Toronto,
c'était à l'été '95, je logeais en auberge de jeunesse dans
ce coin-là approximativement.
Voilà qui me donnerait envie de voyager. Quel dommage que
traverser l'atlantique soit devenu une opération
aussi compliquée.
Au lycée je n'étais pas spécialement bon en dissertation (que ce
soit en français ou en philo). J'avais l'impression que mon prof de
philo de terminale mettait des bien ou des mal dit ou
d'autres annotations pipo dans les marges de mes copies sans même les
lire, et au final foutait aléatoirement la note 12, 13, 14 ou rarement
15. À la fin je m'amusais, j'inventais des citations dénuées de sens
d'un auteur inexistant (Edgar Kampfenberg) qui reprenaient vaguement
les mots du sujet pour les saupoudrer n'importe où dans le
raisonnement (il faut veiller à ne pas devenir esclaves de notre
liberté, il faut concevoir la réalité de la conception
artistique comme une possibilité de libération, etc.).
Au bac j'ai eu 19 : le sujet était connaît-on la vie ou
connaît-on le vivant et j'ai essentiellement repris plein
d'arguments (notamment sur la difficulté à définir la vie en général)
tirés de Le Hasard et la Nécessité de Jacques Monod que
j'avais justement lu peu de temps avant et que j'avais énormément
aimé. Mais bon, je ne sais pas dans quelle mesure je suis tombé sur
un correcteur particulièrement bien luné : je n'ai pas l'impression
que ma copie avait quoi que ce soit de brillant à part montrer que je
connaissais les mots holisme et réductionnisme pour les
plaquer sur ma thèse et mon antithèse, et que j'avais quelques
citations à saupoudrer çà et là.
En sup je ne me rappelle pas avoir fait de dissertation. J'y suis
revenu en spé, en me disant je n'en ai rien à foutre, de toute
façon les matières littéraires comptent peanuts, j'ai juste envie de
m'amuser. Le premier sujet de l'année portait sur Les Villes
tentaculaires de Verhaeren et demandait :
La poésie sera de la raison chantée, écrivait
Lamartine en <telle année> : pensez-vous que cette définition
caractérise l'inspiration de Verhaeren dans l'oeuvre inscrite à votre
programme ?
Bon, alors Verhaeren c'est pas vraiment bandant, et c'est même
plutôt gnian-gnian, comme littérature. Mais comme j'avais envie de
m'amuser, j'ai balancé toute la sauce que je pouvais, j'ai fait les
comparaisons les plus grotesques que je pouvais, sur la base d'un
parallèle saugrenu entre la dualité Brahms (la musique pour
elle-même) / Wagner (la musique dans le cadre du Gesamtkunstwerk) en musique et Théophile Gautier
/ Émile Verhaeren en poésie, en faisait les comparaisons les plus
gratuites que je pouvais : avec Virgile qui commence son Énéide par arma virumque cano — vous voyez le rapport
avec la raison chantée, n'est-ce pas ; avec Dante qui, ensuite,
prenait Virgile pour guide dans sa traversée des enfers en lui
annonçant tu duca, tu signore e tu maestro (le
but étant aussi de me la péter en citant le plus de langues
différentes possibles, donc évidemment j'ai aussi trouvé moyen de
citer Pushkine en russe, Goethe et Stefan Zweig en allemand et Homère
en grec) ; avec Elgar dont la musique de pompe et de
circonstance ne pouvaient pas ne pas rappeler Verhaeren ;
avec Wagner dont je trouvais des savants rappels des titres de la
Tétralogie dans les poèmes de Verhaeren ; et je ne sais
plus qui encore. Et je concluais sur les mots : Et Stefan Zweig
s'est suicidé en 1942. (ça devait avoir un rapport avec le fait
que Zweig était un grand admirateur de Verhaeren, mais c'était surtout
un cheveu sur la soupe).
Le prof a trouvé ça admirable et m'a mis 18. Pour un truc que
j'avais conçu comme du pur pipo et de l'étalage de savoir
totalement sans rapport avec le schmilblick, j'ai trouvé ça fort bien
payé donc je me suis dit que la dissertation, maintenant, ce serait
comme ça. Le prof de philo[#]
résistait un peu mieux que le prof de français à ce traitement, mais,
globalement, j'avais des bonnes notes en spé en sortant des trucs
gratuits et absurdes (et pour corser le jeu, nous convenions de
rajouter des phrases aléatoires dans nos dissertations : par exemple
une fois les derniers mots de ma conclusion étaient automorphisme
involutif de corps suite à un défi stupide).
Au concours, le sujet nous demandait de commenter une phrase
d'Alain au sujet de la ville,
Ici gouvernent le fer et le charbon, signes de
l'orgueil et de l'enfer. C'est le règne de la force, assis sur la
nature décomposée.
en nous appuyant sur les trois oeuvres de notre programme
(Les Villes tentaculaires de Verhaeren, L'Emploi du
temps de Butor et Dans la jungle des villes de
Brecht). Comme il était Notoirement Très Mal de faire un plan avec
pour parties (1) Verhaeren, (2) Butor et (3) Brecht (ou toute
permutation de ceux-ci), j'ai fait un plan (1) le fer et le charbon,
(2) l'orgueil et l'enfer et (3) le règne de la force assis sur la
nature décomposée. Si, si. Enfin, je ne l'ai pas annoncé de façon
aussi odieusement visible, mais c'était l'idée. Et j'ai suivi la même
technique je balance toute la sauce de pipo que j'ai que
j'avais suivie en spé.
J'ai eu 15. Au début j'ai cru que c'était une note plutôt moyenne, et
que les profs d'Ulm (enfin, je ne sais pas qui, exactement, corrige
les copies de français des concours scientifiques) avaient été moins
dupes de mon pipo que ceux que j'avais en spé, mais on m'a dit après
(je n'ai pas vérifié dans le rapport du jury) que 15 est vraiment une
très bonne note. Allez savoir.
Bon, je ne sais pas quelle est la morale de tout ça. En revanche,
il est certain que je n'en tire pas un grand respect pour le sérieux
intellectuel de cet exercice formel qu'est la dissertation ou sur la
manière dont il est corrigé. S'il s'agit de me dire que je ne
m'exprime pas totalement comme un pied et que j'ai une certaine
aptitude à jeter la poudre aux yeux, je veux bien : mais pour ce qui
est du fond de mes dissertations, je suis assez bien placé pour
revendiquer que, le plus souvent, il était absolument vide : ça a bien
mieux marché quand j'ai considéré ça comme un exercice de style que
quand j'essayais d'y mettre un peu de contenu.
[#] À cette époque au
moins, à Louis le Grand, dans les spés scientifiques, le cours de
lettres était traité par un prof de français et un prof de
philo, histoire de nous donner un double point de vue sur les oeuvres
à notre programme.
Mon copain m'avait offert pour Noël une peluche
de chat Naughty Naughty Pets (techniquement
il s'appelle Marty
Cohen, mais moi je l'appelle juste Naughty). Alors
moi, en retour, je lui ai donné une peluche de vache placide et
débonnaire, Dotty (la vache à pois). Voilà que nos peluches
sympathisent sur l'oreiller.
Suite des aventures du David Madore hypocondriaque… J'ai encore
ajouté, ces derniers jours, une nouvelle variante à mon vaste
répertoire[#] de troubles du
sommeil : je me suis réveillé, complètement en nage, avec une
sensation d'oppression au niveau du cœur et l'impression de
manquer d'air. Et le battement du cœur qui, au lieu de faire
lub-dubcomme il est
censé, sonnait plutôt comme fff-dub. Et une fois de plus
j'ai dérangé un médecin pour rien, un cardiologue cette fois-ci, qui
m'a osculté (résultat : j'ai bien un petit souffle systolique, sans
doute une toute petite malformation congénitale de la valve mitrale,
qui peut être la cause de mes crises de tachycardie), m'a fait un
ECG (résultat : complètement normal[#2]), et a conclu que toute mon
histoire n'avait rien d'inquiétant ; il m'a quand même prescrit une
prise de sang et va me faire une échographie cardiaque.
Alors, d'accord, je veux bien que ma vie ne soit pas en danger,
tout ça tout ça. N'empêche que c'est rudement pénible d'être réveillé
comme ça régulièrement par des crises de toutes sortes. Je suis
peut-être convaincu d'être hypocondriaque, mais (1) ça n'aide pas
vraiment à trouver ça moins désagréable, et (2) j'en ai vraiment marre
de ces signes qui jouent au loup, parce que quand j'aurai
vraiment une maladie grave je ne verrai pas forcément la
différence.
Je vais quand même faire une expérience : la prochaine fois que mon
pouls bat de façon anormale, je l'enregistre avec un micro, et je fais
sur ordinateur une analyse du signal — au moins j'aurai le
cœur net, c'est le cas de le dire, quant au fait qu'il y ait ou
non une différence ou si c'est juste dans ma tête.
Et je continue à militer pour l'instauration d'un numéro d'appel
d'urgence 24h/24, SOS hypocondriaques. Si
j'étais la reine d'Angleterre,
j'aurais un médecin personnel, mais ce n'est pas le cas, zut.
[#] Précédents épisodes,
par exemple, ici, là, là,
là, là et là. C'est impressionnant à quel point
je me répète, d'une part, mais aussi à quel point j'arrive à trouver
de subtiles différences d'une fois sur l'autre.
[#2] Naïvement j'aurais
trouvé que le V1 faisait vraiment
n'importe quoi, mais bon.
Je suis retourné au boulot aujourd'hui, avec le sentiment d'avoir
un million de choses à faire. Il faudrait peut-être que j'arrête de
culpabiliser ou de stresser de ne pas m'employer assez, parce qu'en
fait je crois que ce n'est pas une question de temps passé mais plutôt
d'organisation. Notamment, j'ai un problème sérieux de
« fragmentation » du temps : je me retrouve sans arrêt avec des petits
morceaux de temps (qu'on m'excuse l'expression) dans lesquels je
n'arrive pas à faire quoi que ce soit d'utile parce qu'ils sont trop
courts, et que je suis donc forcé de perdre. Je ne sais pas comment
les gens qui ne souffrent pas de ce problème s'arrangent pour éviter
ça ! Je crois qu'il y a des gens qui en profitent pour lire : mais
j'ai du mal, personnellement, à entrer et sortir d'un livre aussi
rapidement.
Quelques nouveautés chez moi : mon copain m'a ramené un décodeur
TNT — en
fait, je regarde rarement la télévision, mais ça m'arrive quand même
de temps en temps (par exemple pendant les petits fragments de temps à
tuer que je mentionne ci-dessus), et je ne suis pas mécontent d'avoir
ainsi un peu plus de choix. J'ai aussi commandé une mise à jour de ma
ligne ADSL pour passer en ADSL2+
(actuellement j'ai un abonnement à débit plus bas et prix
plus élevé, ce qui n'est pas forcément idéal), donc je vais
probablement, un jour prochain, devoir faire un peu sans Internet à la
maison, le temps que le dégroupage soit effectué.
Dans la catégorie voyage vers le
passé, j'ai récemment rejoué un peu au jeu King's Quest (le premier), qui m'avait tant
captivé quand j'étais petit (c'est quasiment la première chose que
j'ai faite avec un ordinateur, jouer à King's
Quest). Ça n'a pas été évident de trouver un interpréteur
capable de faire tourner les fichiers de données (il y a au moins deux
versions du jeu, la version AGI
que j'ai connue, et la version SCI
qui correspond à un remake de 1990 : les deux formats ont des
interpréteurs qui existent sous Linux, mais certains ne marchent pas
suffisamment pour qu'on puisse finir le jeu). Mais c'était amusant de
refaire un tour là-dedans. J'en ai profité pour mettre une carte, et
des screenshots comparés, sur la Wikipédia (anglophone, cette fois, en
espérant qu'ils seront moins maniaques).
Ce genre de choses me fait penser qu'il serait bien de créer un
petit méta-moteur permettant facilement de concevoir des jeux
d'aventure. Le compilateur Inform s'approche assez
de cette idée (en tout cas telle que je la conçois), mais ses gros
défauts sont que (1) il n'est pas libre et (2) il compile du code pour
une machine virtuelle complètement obsolète, la Zork-machine. C'est
dommage.
Aucun rapport. L'autre jour, alors que je dînais avec mon copain
dans un restaurant japonais de la rue de Choisy, nous avons vu passer
des gens qui venaient de la direction de la place d'Italie et qui
allaient vers le boulevard Masséna. Pas que ces gens eussent quoi que
ce soit de remarquable (ils pouvaient être des touristes, ou quelque
chose comme ça), mais il y en avait beaucoup : pendant tout notre
repas, ils n'ont pas arrêté de défiler, généralement par petits
paquets d'une douzaine ou d'une vingtaine, parfois plus, parfois
moins ; difficile d'expliquer ce qui nous a fait prendre conscience
que tous ces gens étaient ensemble, mais c'était assez clair. Ça
rappelait un peu la promenade en rollers à travers Paris du vendredi
soir, sauf que là c'étaient des gens à pied. En sortant, nous étions
curieux et nous les avons suivis : apparemment ils rejoignaient des
dizaines de cars parqués au niveau de la porte d'Ivry. Nous n'avons
pas vraiment eu le fin mot de l'énigme, à part que c'étaient
apparemment des marcheurs genre randonneurs (l'un d'eux nous a dit
être Belge et faire partie d'une association appelée Les
Godillots, mais il semble que ce soit une toute petite
association, et certainement pas la seule derrière cet événement).
→Encore aucun rapport. Je me suis rendu
compte soudainement, hier, que le concept de flèche
était un des éléments culturels non évidents les mieux partagés au
monde. C'est quelque chose qui peut paraître tellement bête que ça ne
nous saute plus aux yeux, mais il n'y a, finalement, aucun rapport
intrinsèque entre un trait orné de deux autres petits traits à une
extrémité, stylisant une flèche (le projectile), et le fait d'indiquer
une direction. Je crois que ça doit être compris dans tous les pays
du monde, quasiment par tout le monde (sauf peut-être quelques tribus
reculées ayant eu vraiment très peu de contact avec la civilisation
globale) : et pourtant, je pense que ce n'est pas si vieux que ça,
d'utiliser ce symbole, surtout sous une forme aussi hautement
simplifiée (je crois qu'on a commencé par utiliser des dessins
beaucoup plus figuratifs, soit de flèches soit de mains qui pointent,
pour évoluer vers les formes plus épurées qu'on connaît
maintenant). Je serais curieux d'en savoir plus (malheureusement,
Wikipédia ne dit rien, pour une fois) sur la manière dont ce symbole
s'est imposé.
Je remarque que j'ai tendance en ce moment à faire des entrées dans
ce blog qui sont rares mais plutôt longues et composées de tout un tas
de petits paragraphes sans aucun lien, ou presque, entre eux. Je n'en
suis pas très content : je devrais m'efforcer, pour ce genre de
petites réflexions à ¤0.02, de faire une entrée séparée à chaque fois,
ça me permettrait de garder une fréquence raisonnable et une
séparation des sujets. Après tout, il n'y a pas de taille minimale
pour une entrée de blog.
J'imagine que je ne suis pas le seul auquel cette nouvelle année
fait l'effet de James Bond, le retour. Heureusement, Wikipédia
est là pour nous
rappeler des choses plus sérieuses, par exemple qu'aujourd'hui si nous
étions Américains nous porterions à 27 le nombre d'étoiles sur le
drapeau de l'Union européenne (qui, en fait, en comporte, et en a
toujours comporté, 12 — peut-être parce que ce serait trop cher
de tous les refaire à chaque fois qu'on s'étend un peu plus vers
l'est). On y apprend aussi que 2007 est l'année internationale
polaire et l'année internationale de l'héliophysique ; Google en
sait plus et j'y vois que 2007 semble aussi être l'année
internationale : de la planète Terre, du dauphin, de solidarité avec
le peuple sahraoui, du football africain, et d'encore quantité de
choses. Ça va être dur, pour cette pauvre petite jeune de porter
tellement de fardeaux. Question numérologie, en revanche, 2007 a
l'air d'être un nombre singulièrement peu intéressant. Wikipédia, en
bon dépositaire de toute la science du monde, peut aussi nous dire
plein de choses intéressantes sur le mois de janvier, y
compris le fait qu'il est dédié au dieu Janus et que c'est depuis ~153
qu'il commence l'année, tradition qui a été perdue puis retrouvée plus
tard (vers le XVIe siècle). Bref.
J'ai passé le réveillon avec des amis dans un obscur (mais sans
doute charmant au demeurant) village
au voisinage d'Orléans. À partir de demain, je vais passer quelques
jours dans ma belle-famille du
côté d'Arras : on en profitera pour faire un tour à Lille, que je
ne connais pas du tout et qui vaut certainement la peine d'être
visitée. J'essaie de lire Twelfth Night d'ici le 5. J'ai pris des
bonnes résolutions, mais je ne les dirai pas de peur qu'on me fasse
remarquer, dès la semaine prochaine, que je ne les suis déjà
plus.
Tout ceci étant dit, bonne année à tous. Et rappelez-vous : soyez
optimistes.
Vacances, nostalgie, calculatrices, Tera, Wikipédia, etc.
L'effet typique des vacances, et ça ne rate pas cette fois-ci,
c'est que plein de choses que j'avais remises à plus tard en me disant
je le ferai pendant les vacances me retombent dessus à ce
moment-là, en plus de diverses occasions sociales de la période (des
gens à voir, des choses à faire), bref, ce n'est pas forcément de tout
repos. Mais bon, le vrai problème c'est que je me dis je suis en
vacances, je ne fais rien et, du coup, ça s'accumule.
Mais parlons d'autre chose. Ces derniers jours, j'ai eu une phase
nostalgie informatique. Ça a commencé quand je suis tombé sur
un émulateur de la
calculatrice TI-92,
une calculatrice que j'ai utilisée pendant un temps. Par association
d'idées, j'en ai trouvé un autre
pour la HP-48,
la calculatrice que j'avais en prépa. J'ai toujours été fasciné par
les émulateurs, et ceux-ci sont particulièrement soignés (pour la HP-49,
il n'y a pas d'aussi jolie chose, même si on nous en
promet un jour pour la 49g+ — en attendant, il faut
se contenter de ce
truc moche pour la 49). D'une part je trouve ça mignon tout
plein, d'avoir une calculatrice émulée sur le bureau de l'ordinateur
(le plus mignon, en fait, c'est quand elle s'« éteint » pour
économiser ses « piles ») ; d'autre part, c'est utile, parce que,
finalement, je n'ai pas vraiment d'équivalent sous la forme d'un
programme natif (le plus souvent, quand je veux faire des calculs,
j'utilise dc
ou carrément Pari/GP).
Après une phase
émulateurs de calculatrices, je me suis rappelé que j'avais
aussi un émulateur de PC, le fabuleux QEMU, et
là j'ai commencé à essayer de repêcher des vieux trucs de l'époque du
MS-DOS. Notamment, un jeu de mon enfance,
dont je m'étais brusquement souvenu
il y a quelque temps et dont vous voyez ci-contre quelques écrans
(tirés de la séquence d'introduction, mais très caractéristiques du
jeu) illustrant, notamment par quelques monstres qu'on peut être amené
à y combattre, le niveau fulgurant et la perspective fabuleuse des
graphismes de l'année 1986 bénie soit sa mémoire. Tellement plus
poétique que ce
qu'on fait de nos jours.
Dans la foulée, je me suis dit que j'allais mettre une ou deux
capture d'écran (en tout cas moins que je n'en présente ici) sur
l'article Wikipédia.
Évidemment il s'agit de contenus en théorie sous droit d'auteur
(jusqu'en 2056, même, sans compter que la durée du copyright sera
étendue plusieurs fois d'ici là). Enfin, ce n'est pas complètement
sûr, puisque la compagnie Loriciels n'existe plus : il
faudrait voir les termes de sa liquidation, mais il est effectivement
probable que les droits aient été transférés en bloc ; en revanche, il
est complètement certain que celui qui les détient (1) n'en a aucune
idée (le jeu était confidentiel déjà en 1986 et la compagnie a
disparu), (2) même s'il le sait, n'en a rien à foutre (un jeu de ce
niveau, vingt ans après, on ne cherche plus trop à le protéger) et
(3) même s'il en avait quoi que ce soit à foutre, n'irait quand même
pas protester pour trois malheureuses captures d'écran. Quand bien
même il aurait la folie de se plaindre et, au lieu de simplement
demander que les images soient retirées, porter l'affaire devant les
tribunaux, il serait amusant de prétendre à un quelconque préjudice du
fait de la diffusion de ces images — qui, de toute façon, est à
mon avis parfaitement légale sous l'application de la loi stipulant
que lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut
interdire […] sous réserve que soient indiqués clairement le
nom de l'auteur et la source […] les analyses et courtes
citations justifiées par le caractère critique, polémique,
pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle
elles sont incorporées. Après tant de qualifications, je ne
risque pas grand-chose en affichant ça sur mon blog.
Mais sur Wikipédia, qui ne connaît pas la nuance, les images en
question ont été effacées en quelques heures : des gens ont
en effet décidé que le fair use n'y avait pas
droit de cité. Je ne sais pas pour ce qui est du cas général (fair use n'existe pas en droit français ou d'autres
pays francophones, mais le droit de citation existe clairement, et
pourtant Wikipédia-fr ne propose pas d'invoquer ça quand on uploade
une image), mais dans le cas des captures d'écrans de vieux jeux
vidéos, c'est vraiment d'une connerie inimaginable. Je ne veux pas me
battre contre des moulins à vent et les fanatiques de tous poils, cependant :
donc je jette l'éponge, et j'arrête de contribuer à la Wikipédia
francophone.
Quoi d'autre ? Aujourd'hui j'ai rencontré un industriel qui
cherche à recruter un géomètre algébriste (ce ne sera pas moi, mais je
vais peut-être lui souffler quelques noms) : c'est tellement
inhabituel que j'en suis assez scié. Aujourd'hui, aussi, je me suis
acheté un nouveau modem ADSL (compatible
ADSL2+, pour pouvoir passer à un abonnement à la fois
plus rapide et moins cher), un Netgear
DM111P : au bout du compte, je le trouve très satisfaisant, mais
j'ai quand même passé plusieurs heures avant de lui faire faire
exactement ce que je voulais : je ne veux pas qu'il fasse la
négociation PPP, je veux qu'il la laisse à mon odinateur
et qu'il se contente de transmettre des paquets PPPoE :
l'option de configuration pour faire ça, c'est RFC2684
bridging (j'ai beau lire la RFC en question, je ne
vois vraiment pas le rapport), et ce n'était évidemment expliqué nulle
part.
Toujours sans aucun rapport, il y a deux films qui sortent
prochainement, Apocalypto
et La
Môme, dont l'affiche a ceci de commun qu'elle présente un
personnage (probablement le personnage central ou éponyme du film) au
centre en contre-jour. Je les ai vues, tout à l'heure, l'une à côté
de l'autre, et l'effet était involontairement comique. Je me demande
si les publicitaires ont prévu des mécanismes pour éviter, en général,
que deux publicités placées de façon adjacentes (dans le temps ou dans
l'espace) produisent un effet trop désastreux. Ah, et, sinon, un
autre film qui vient de sortir (en France), c'est la suite du plus extraordinaire nanar
de tous les temps ; je sais que c'est une qualification qu'on est
souvent
tenté de donner, mais j'ai vu des nanars grandioses et aucun n'arrive
à la cheville, en nanaritude, de ce Dünyayı kurtaran adam / Turkish Star Wars (quand je l'ai vu, toute
l'assistance était pliée de rire d'un bout à l'autre). Alors je me
demande ce que cette suite peut donner.
J'ai donné un exposé de maths, aujourd'hui, devant une assistance
un peu inhabituelle pour moi puisqu'il s'agissait essentiellement de
spécialistes d'informatique, de théoriciens du codage, du signal et
des réseaux : parler de géométrie algébrique ou arithmétique de façon
tout à fait accessible — et pourtant intéressante — pour
le non spécialiste, c'est un défi amusant, et où j'espère n'avoir pas
totalement échoué, dans cette introduction aux surfaces cubiques.
J'ai cependant passé très longtemps, ces derniers jours, à préparer
cet exposé : pas faute de bien connaître le sujet, mais pour trouver
comment le présenter, et dans un temps raisonnable. Peut-être que
maintenant que l'exposé est prêt j'essaierai de le recycler dans un
autre cadre. En tout cas j'en ai rêvé la nuit, lundi et avant-hier :
c'est d'ailleurs amusant, quand on rêve qu'on va faire un exposé
mathématique, de voir la part de vraies maths et de délire complet
dans ce qu'on raconte.
Hier, en revanche, j'ai fait un songe tout à fait différent : sans
doute influencé par un film que j'ai
vu il y a quelque temps, j'ai rêvé qu'on m'apprenait que la reine
Élisabeth II était morte, mais, qui plus est, depuis longtemps (depuis
1986, je crois, précisément), et que j'étais sans doute le dernier à
ne pas le savoir. J'allais même vérifier sur Wikipédia que cette
information était correcte, tant j'avais du mal à le croire, et elle
l'était. L'actuelle reine d'Angleterre s'appelait Élisabeth IV, et
elle avait quinze ans (ne cherchez pas la logique, hein !) ; je me
demandais comment il se faisait que le prince Charles n'ait pas
succédé, et on me répondait que personne n'avait voulu de la couronne
et qu'il avait fallu faire une douzaine[#] de personnes, qui avaient toutes
abdiqué, avant de trouver quelqu'un qui accepte. Et elle avait dû, à
quinze ans, choisir entre devenir reine et aller à une
soirée (oui, bon, c'est un rêve, quoi). La reine Élisabeth IV se
promenait un peu dans son palais qui semblait très labyrinthique. Ensuite, j'ai rêvé que
je me réveillais et que je racontais ce rêve dans mon blog (sauf que
j'hésitais très longuement entre écrire
Élisabeth avec une ‘s’ ou Elizabeth avec un
‘z’) : autant que cette partie-là du rêve soit
prémonitoire, tant qu'à faire, d'où cette entrée.
Un rêve, c'est sans doute normal que ce soit plutôt surréaliste,
comme ça. Un truc qui m'a fait vraiment disbeliever, ce soir,
en revanche, c'est d'apprendre que l'ENS hébergeait,
aujourd'hui et demain, un colloque
international sur le mariage gay (gai ?), ce dont,
évidemment, aucun des nombreux normaliens homos que je connais n'avait
rien entendu. (Il est vrai que les titres des communications me
donnent assez peu envie d'écouter, mézenfin…)
[#] En vérité, si on
croit cette
liste (qui me fait irrésistiblement penser à Noblesse
oblige), il aurait fallu passer environ 80 personnes avant de
trouver une autre Élisabeth.
Ce soir je suis allé revoir Le
Prestige : il est rare que je retourne voir un film au
cinéma (les prix sont, il faut bien le dire, assez prohibitifs,
surtout quand on n'est plus étudiant), mais la constuction
sophistiquée du Prestige, que j'ai énormément aimé la
première fois, m'a convaincu de le revoir. Je préfère ne pas en dire
plus sur ce film, s'il y a des gens qui ne l'ont pas encore vu, parce
que je pense qu'on l'appréciera d'autant plus qu'on est ignorant de ce
dont il est question : je me contenterai de le recommander à ceux qui
aiment les intrigues compliquées et savamment construites, un peu à la
façon d'Agatha Christie ou d'Isaac Asimov.
Après ça j'ai dîné dans un restaurant japonais (un faux, cette fois-ci, où on mange du
sushi et où les serveurs parlent chinois), ce qui a été l'occasion
pour moi, une fois de plus, de m'étonner de ce mystère profond de la
vie : mais où les restaurants japonais se fournissent-ils en glace au
thé vert ? J'adore ce parfum de glace, et il semble n'exister, dans
cet Univers, que dans les restaurants japonais (et encore, pas tous).
Je ne comprends pas pourquoi les grandes marques industrielles, comme
Häagen-Dazs, Carte d'Or ou autres, n'ont pas
ajouté ce goût à leur répertoire…
En attendant le métro pour rentrer, je regardais la carte du
réseau : ce n'est pas comme si je ne la connaissais pas bien, j'en ai un chez moi, mais maintenant ils
affichent fièrement le tramway ; comme si on n'avait pas déjà bien
compris qu'il ouvrait au public dans une semaine, ce nouveau tramway
figure et sur la carte du réseau métroet sur
la carte du réseau bus (et aussi sur la carte
d'Île-de-France). Je le prendrai peut-être pour aller au parc André Citroën ; mais ce qui me
semble, à moi, autrement plus important que le tramway, c'est le fait
que le métro restera bientôt ouvert une heure de plus le samedi
soir (c'est enfin arrivé).
Dans le métro, je me suis étonné d'un autre des mystères profonds
de l'Univers : pourquoi les publicités dans les wagons sont-elles si
différentes de celles qu'on voit sur les quais (ou partout ailleurs
dans la ville) ? Notamment, pourquoi y voit-on tellement d'offres
pour des cours particuliers à domicile (mais il n'y a pas que ça : il
y a aussi les cours d'anglais Wall Street
Institute — dont je me demande ce qu'ils valent
vraiment —, les dernières expositions de la Cité des Sciences,
parfois des assurances du style SOS Malus,
les solutions de stockage une pièce en plus, et encore quelques
autres, plus la presse people sous forme de
bandeaux accrochés au toit). Le marché du cours particulier doit être
vraiment juteux, j'imagine. Ici il s'agissait d'une pub dont le
visuel me semble particulièrement grotesque, montrant un visage qui
est celui d'un enfant sur une moitié et celui de Victor Hugo
âgé sur l'autre, avec un slogan pas tout à fait aussi ridicule que
votre enfant aussi peut être Victor Hugo mais presque : outre
que cette pub est nulle, je trouve que l'image est presque
effrayante.
Je pensais me coucher tôt : en ce moment non seulement je dors
beaucoup trop (jusqu'à treize heures par nuit, et après ça je suis
encore fatigué), mais j'ai aussi tendance à me coucher tard.
Seulement, alors que je tournais dans la rue pour rentrer chez moi, je
me suis rappelé que je devais absolument faire quelque chose
au bureau, ce soir impérativement. Certes, l'ENS n'est
pas du tout loin de chez moi (environ 20′ de marche), mais je me
serais bien passé de cet aller-retour inutile dans le froid (si j'y
avais pensé plus tôt, j'aurais pu au moins sortir du métro à un arrêt
plus judicieux). Je donne un séminaire jeudi après-midi et je
commence déjà à paniquer parce que rien n'est prêt et que j'ai mille
choses à faire d'ici là ! Et demain, j'ai encore un rendez-vous chez
le dentiste, le matin qui plus est.
Je suis hypocondriaque, et j'ai d'ailleurs l'impression que cette
condition a tendance à empirer avec le temps (ou alors peut-être
suis-je méta-hypocondriaque ? ce serait assez typique de moi, en
fait). Toujours est-il que c'est surtout la nuit que ça se manifeste,
sous la forme de crises d'angoisse
qui prennent des formes variées (maux de tête qui me réveillent,
réveils en sursauts de terreur, crises de tachycardie ou douleurs
diverses au cœur, ou simplement mal-être général et
indéfinissable). Des médecins consultés au sujet de certains de ces
maux m'ont diplomatiquement fait savoir que j'étais simplement
angoissé, et je suis porté à les croire, mais ça ne m'aide pas tant
que ça à faire disparaître ces symptômes.
Bref, je passe souvent des périodes plus ou moins longues de ma
nuit à attendre, dans un état mentalement plus ou moins cohérent, de
retrouver la sérénité nécessaire à me rendormir. J'ignore si c'est la
proximité des phases de sommeil
paradoxal qui m'y conduit, ou le stress supposé causer ces crises
d'insomnie, ou quoi, mais je ressens souvent en ces moments-là une
certaine fermentation des pensées (parfois à la limite du délire).
Parfois j'ai des idées en ces moments-là (ou juste après le réveil)
qui, sur le coup, me semblent géniales et dont je me rends compte,
dans un état plus conscient et éveillé, qu'elles sont tout à fait
banales ou idiotes ; parfois j'ai un rappel inopiné d'un souvenir que
je n'avais pas vraiment perdu mais simplement laissé de côté et qui
semble venir de façon vraiment saugrenue.
Hier ou avant-hier, pendant une période d'insomnie (à vrai dire peu
inquiète), je me suis souvenu, je ne sais pourquoi, d'un jeu auquel
j'avais joué il y a bien longtemps (au début des années '90, sans
doute) sur mon premier PC : tout d'un coup, tout m'est
revenu avec une clarté presque fulgurante, du détail des graphismes
(en CGA 320×200, quatre couleurs noir-rouge-vert-jaune ou
noir-magenta-cyan-blanc selon les scènes), aux méandres d'un scénario
très approximatif. Il s'agissait d'un jeu sans doute écrit par deux
programmeurs (français) amateurs, en Turbo-Pascal, et qui se
qualifiait lui-même avec humour de superproduction en
graphmodcolor (GraphColorMode étant le nom de la
procédure Turbo-Pascal qui activait le mode graphique) et dont le but
était de bannir d'un monde futuristico-fantastique le démon Arioch. Je suis assez
scié de voir que ce jeu, pourtant hautement confidentiel, Tera, la Cité des
crânes, n'est pas inconnu de notre source de
wikirenseignement préférée (ceci étant, l'article en question est
assez orphelin). Il va falloir que je retrouve le jeu lui-même et que
je le lance dans un émulateur pour faire
quelques captures d'écran.
Tout aussi récemment, j'ai eu un autre souvenir qui m'est revenu de
façon inexpliquée : je me rappelle que mes parents m'ont emmené
autrefois (j'avais peut-être autour de dix ans, et c'était peut-être
aux États-Unis, mais tout cela est très flou) dans une sorte de musée
qui était rempli de quelque chose qui m'échappe (peut-être des
poupées, mais c'est vraiment très très très flou, et peut-être que je
confonds avec autre chose — ou alors des chinoiseries) qui
ressemblait plus à un labyrinthe qu'à un musée : il y avait un nombre
faramineux de salles, sans fenêtres, et la visite guidée durait un
temps invraisemblable, j'avais trouvé ça terrifiant de voir salle
après salle se succéder dans ce dédale et de ne jamais en atteindre le
bout. C'est bizarre, parce que c'est un souvenir qui m'a ensuite
hanté dans des rêves, mais ce n'est que maintenant que je me rappelle
qu'il correspond à une situation réelle (même si je suis complètement
incapable de retrouver les détails — il faudra que je demande à
ma maman si elle sait de quoi il peut s'agir).
De façon plus terre-à-terre, dans ces moments de demi-sommeil, j'ai
toutes sortes d'idées qui me viennent à écrire dans ce blog, et le
lendemain soit je suis incapable de les retrouver soit je me rends
compte qu'elles n'ont guère d'intérêt. Alors pour me consoler, je
fais une entrée sur mes insomnies elles-mêmes.
Ma dent va mieux : on vient de me
retirer deux grosses caries (qui avaient évolué de façon foudroyante)
sur deux dents adjacentes (la
26 et la 27). On ne sait pas encore s'il faudra dévitaliser l'une
ou l'autre ou les deux (les caries étaient bien près du nerf, sans le
toucher cependant), mais il y a encore une petite chance que je m'en
tire bien. Je pense que je vais garder comme dentiste régulier celle
qui m'a pris en urgence pour ces opérations (elle me fait très bonne
impression, et son cabinet est vraiment à deux pas de chez moi). En
attendant j'ai droit à un goût de clou de girofle dans tous mes
aliments (goût dû au pansement que les dentistes utilisent : il paraît
que le clou de girofle a des propriétés très intéressantes) ;
heureusement, je ne trouve pas ça (trop) mauvais.
Aujourd'hui j'ai fait le garde-malade pour mon copain, qui était
pris de nausées terribles. Il a été plus courageux que moi et ne
s'est pas rendu aux urgences. Moi
j'ai l'air malin parce que, fait exceptionnel, c'est moi qui ai « fait
la cuisine » (i.e., qui ai mis les surgelés dans la poêle) pour le
dîner hier soir ; si c'est une gastro-entérite, on verra demain si je
suis malade à mon tour.
Ma recherche mathématique avance en zig-zag. Plus encore que
d'habitude : je crois avoir prouvé un résultat potentiellement
intéressant, je trouve une erreur, je trouve une façon de contourner
ce problème, je trouve une erreur dans cette façon de contourner, etc.
On ne le dit pas assez, mais c'est vraiment angoissant de
parcourir une démonstration en se demandant : Tiendra ? Tiendra
pas ? Surtout quand sa carrière en dépend !
Au rayon des divertissements, en revanche, j'ai pratiquement fini
Underworld II (d'accord,
je triche — mais il reste quand même beaucoup de choses
intéressantes à faire). Je reste persuadé que ce jeu (et ses
cousins), même une douzaine d'années après, sont encore inégalés sur
le plan de la richesse du scénario et de la variété des épreuves à
accomplir.
Cela fait longtemps que je n'ai
pas écrit un fragment littéraire gratuit
et ça me manque — mais je n'arrive pas à trouver le temps pour
rassembler de l'inspiration et me concentrer. J'avais quelques idées
qui m'étaient venues, mais elles sont pour l'essentiel parties avant
que j'aie le temps de les noter.
J'ai décidé (entre autres pour éviter le problème signalé au point
précédent…) de me promener maintenant toujours avec un
mini-bloc-notes (un PDA
serait plus geek, mais c'est pénible à transporter, même les plus
petits), histoire de noter les idées qui me viennent, les choses que
je dois faire, les recherche à faire dans Wikipédia (j'en ai déjà dit un mot) — et les prix à
entrer dans Gnucash.
J'ai encore un bout de dent qui vient de se détacher pendant que je
mangeais un biscuit. Cette fois-ci il s'agit d'une molaire de la
mâchoire supérieure (côté gauche, la 26
pour être précis).
Je suis effondré.
Je vais voir si mon dentiste peut me recevoir d'urgence demain ou
mardi, mais je n'ai pas d'espoir que la dent puisse être sauvée, tant
le morceau qui manque est important (et ce qu'on voit n'est pas bien
joli). Dans le meilleur des cas, j'imagine que ça veut dire une
nouvelle couronne, i.e., encore des mois et des mois de rendez-vous
fréquents chez le dentiste (sans parler du coût pharaonique des
opérations). Mais surtout, ça veut dire une perte irrémédiable (une
fois atteinte, la dent est morte, il n'y a plus rien à faire).
Je suis effondré, parce que je ne comprends pas ce qui se passe :
il n'y a pas si longtemps je n'avais jamais eu le moindre problème aux
dents (jamais une carie pendant 25 ans) ; en juin 2004, une de mes
dents, qui ne m'avait jamais fait mal, a soudainement et complètement
explosé (une prémolaire de la mâchoire inférieure : la 45 pour être
précis), puis pendant l'été 2005 j'ai eu une carie qui a fait qu'on a
dû me dévitaliser et couronner une molaire (la 36) — ça a pris à
peu près tout l'hiver dernier et j'en ai abondamment parlé ici — et sa
voisine (la 37) a également dû être plombée. Perdre trois dents en
l'espace de trois ans c'est un rythme plus qu'effrayant. D'autant
plus que ça ne fait même pas six mois que j'ai vu mon dentiste pour la
dernière fois et qu'elle est censée avoir vérifié qu'il n'y avait rien
comme menace urgente ! Il faut croire que je suis frappé de caries à
évolution fulgurante. Pourtant, j'ai l'impression d'avoir une bonne
hygiène bucco-dentaire, je me brosse soigneusement les dents deux fois
par jours et je ne mangue que très peu de bonbons. Et je n'ai jamais
eu la moindre petite douleur à une dent quelconque (peut-être que je
suis insensible, en fait). Je ne comprends pas.
Mise à jour () : J'ai trouvé
une dentiste qui a bien voulu me prendre en urgence, mais comme j'ai
eu le malheur de dire que j'avais un léger souffle au cœur, elle
n'a pas voulu traiter la carie, elle s'est contentée de mettre un
pansement provisoire et de me faire revenir sous antibiotiques. Elle
a quand même fait une radio, qui montre qu'il va probablement falloir
dévitaliser (donc poser une couronne) mais ce n'est pas complètement
sûr non plus.
Je n'ai jamais été un grand fan de jeux sur ordinateur : ni quand
j'étais petit ni maintenant ; et les trucs comme Kraland ou World of
Warcraft (ce dernier fait des ravages chez les
normaliens… quoique peut-être pas autant que dans South Park) ne m'attirent absolument pas.
J'ai toujours été prodigieusement nul aux jeux d'arcade, et sans
aucune patience pour les jeux de réflexion ou de stratégie : ce qui
m'attirait un peu, quand même, ce sont les jeux de rôle et
d'exploration, où on a une quête à remplir dans un monde à découvrir,
et, parmi ceux là, il y a deux séries qui m'ont beaucoup plu, ce sont
les King's Quest et les Ultima.
J'ai joué au tout
premier King's Quest (jusqu'au bout, et
j'étais incroyablement content quand j'ai gagné), ça a été un de mes
émerveillements avec les ordinateurs ; et plus tard j'ai joué aux
numéros V
et VI :
il faut dire qu'il y avait un effort de création vraiment
impressionnant dans l'intrigue — en revanche, ils souffraient du
défaut qu'on se retrouvait souvent à essayer successivement tous les
objets possibles devant chaque difficulté, jusqu'à trouver celui qui
marche, bref, ça devenait un peu lassant.
S'agissant des Ultima, j'ai surtout joué au VI et au VII (la première
partie), ainsi qu'à Underworld : les deux premiers sont surtout
impressionnants par la richesse du monde présenté, qui se laisse
vraiment très longuement explorer, quant à Underworld, c'est essentiellement, je crois, le
jeu qui a créé la version « moderne » de l'affichage en première
personne. J'ai tellement aimé Underworld
que j'ai créé un éditeur de donjon pour ce jeu et je m'amusais à
inventer toutes sortes de labyrinthes diaboliques bourrés de pièges à
téléportation et de mécanismes invraisemblables, ou simplement des
palais soigneusement conçus que j'aimais ensuite parcourir pour
admirer.
Mais il y a un jeu auquel j'ai très longtemps été frustré de ne pas
avoir pu jouer, c'est Ultima
Underworld II. Je ne sais plus ce qui
s'est passé, au juste : un ami à moi devait l'avoir et il l'a perdu
dans un crash disque ou quelque chose comme ça, si bien que je n'ai
joué qu'un peu au début, juste assez pour me rendre compte que le
monde était encore bien plus riche et vaste que dans le premier Underworld (et que, malheureusement, mon éditeur
de donjon ne marchait plus et que je ne savais pas décoder les
structures de données), mais je ne suis pas allé plus loin que ça.
Ensuite, je n'ai plus eu de DOS, et j'ai plus ou
moins oublié l'existence de ce jeu, mais tout en conservant le vague
regret de ne pas avoir pu vraiment mettre les mains dessus. En plus,
la musique (dont voici une
interprétation MIDI) utilise un thème que je
trouve vraiment excellent, et qui m'a trotté dans la tête pendant
toutes ces années.
Eh bien j'ai fini par me prendre en main et par aller chercher sur
des sites d'abandonware, où
j'ai trouvé une
copie du jeu en question. Un petit coup de FreeDOS et de QEMU et
j'étais doté d'une machine DOS virtuelle (déjà bien
plus puissante que le 486 que j'avais autour de '93) capable de faire
tourner le truc. Avec le son, même (AdLib, seulement, cependant).
C'est donc avec une certaine émotion que j'ai replongé dans le monde
de Britannia et de l'Avatar.
Premier choc : c'est quand même moche. J'ai beau rester totalement
isolé des jeux vraiment modernes (et même des premiers grands du
genre, comme Myst), j'ai apparemment changé de regard en
une douzaine d'années. En fait, le plus frappant, ce n'est pas tant
que c'est moche mais que ça manque d'ergonomie (l'usage de la souris
et du clavier est, disons, déconcertant — et pourtant Underworld m'avait semblé vraiment excellent sur
cet aspect, à l'époque). Cependant, on s'y habitue, et la magie
fonctionne encore. Je pense que je vais essayer de finir le jeu, ou
en tout cas de l'explorer, pour purger cette frustration de n'avoir
pas pu, à l'époque : probablement en trichant un peu (pour booster un
peu mon personnage ou pour lire sur le Web la solution des énigmes qui
me bloqueraient trop), parce que je n'ai pas envie d'y passer beaucoup
de temps, mais tout de même un petit peu sérieusement.
Je me plains périodiquement que Têtu est un torchon branchouille-snob et vide de contenu.
Pour être honnête, je ne sais pas s'il pourrait vraiment en être
autrement : je ne suis pas certain de ce qui devrait figurer,
dans le meilleur des mondes, dans un magazine gay et lesbien (enfin,
s'agissant de Têtu, le et lesbien il faut le dire
très très vite) qui ne soit pas totalement nul ; j'ai l'impression que
Têtu eut été moins nul, mais ce n'est peut-être qu'une
illusion, un souvenir faux du temps où j'étais jeune-con-et-fou (ce
qui est vrai, en revanche, c'est qu'il y eut un temps où la couverture
ne représentait pas systématiquement un minet à poil[#]). Il y eut même un temps où on
eut vu une femme en couverture de Têtu : si, si,
c'est possible : sur le nº38 (octobre 1999), par exemple. il y a une
jolie photo de Christine
Angot en couverture. Passons.
Pourtant, il m'arrive encore de l'acheter. Pourquoi ? À la
limite, ce n'est même pas pour le lire : c'est parce qu'acheter
Têtu, vu qu'il s'agit du seul magazine gay que le grand
public connaît, c'est dire publiquement je suis pédé : c'est un
exercice qui a du bon, de temps en temps. Pour le jeune homo ne
s'assumant pas du tout que j'ai été un jour, ce fut un peu une épreuve
initiatique, d'aller à un kiosque et de l'acheter. Et de se rendre
compte, bien entendu, que le buraliste n'allait pas soulever un
sourcil, parce qu'il n'en a vraiment rien à foutre ; il arrive
cependant qu'on ait droit à un sourire complice (ou est-ce mon
imagination ?). S'abonner, c'est trop facile : ce qui est intéressant
c'est de l'acheter en public, et éventuellement de le lire en public.
Il est à soupçonner que les évolutions de la société rendant de moins
en moins difficile l'achat de Têtu (aujourd'hui ça
s'achète vraiment partout, ce n'est pas du
tout Le Gai Pied) sont compensées par les couvertures
et les titres toujours plus aguicheurs, comme s'il fallait que
l'épreuve initiatique reste de difficulté constante.
Aujourd'hui, découvrant que mon magasin Champion (qui
s'est étendu récemment, j'en ai déjà dit
un mot) vendait maintenant aussi la presse, j'en ai acheté un
exemplaire, qui promettait de dévoiler les secrets de l'orgasme
entre hommes (résultat : le caissier n'a pas soulevé un sourcil).
Eh bien, c'est tout aussi vide de contenu que d'habitude.
Bref, Têtu est emblématique. C'est juste dommage que
l'emblème soit aussi nul.
[#] Je dis bien à
poil. On n'est pas prêt de voir un mec à poils en
couverture de Têtu.
[Diantre, cela faisait longtemps que je n'avais pas laissé passer
autant de temps entre deux entrées de ce blog. Je pourrais dire que
j'ai été débordé : ce serait un léger mensonge — en revanche, il
est vrai que j'ai des journées bien remplies.]
Il y a quelque chose dont je prends fortement conscience en ce
moment, c'est à quel point le confort, si c'est quelque chose
d'agréable, est aussi un piège redoutable, car on prend très vite
l'habitude de tout ce qui le procure et il devient, dès lors, à peu
près indispensable — en ce sens que son manque se fait très
cruellement ressentir.
Je pourrais multiplier les exemples dans le domaine informatique,
déjà : depuis que j'ai un joli
portable capable de faire du Wifi (quoique de façon parfois
aléatoire, mais il semble que ce ne soit pas spécialement ma faute),
je commence à trouver normal d'avoir un accès Internet partout, tout
le temps, et si je me rends compte, en m'asseyant dehors pour prendre
l'air, que pour une raison quelconque je n'ai pas de Wifi, je suis
tout contrarié. Dans la nouvelle bibliothèque de maths de
l'ENS (car depuis la rentrée la bibliothèque a déménagé
dans le bâtiment nouvellement construit, qui borde la rue Rataud),
chaque table est munie d'une prise Ethernet, de sorte que, même en
bibliothèque, pendant que je travaille, je peux consulter une
référence sur le Web, ou envoyer un mail pour poser une question
mathématique, sans même avoir à me lever de ma chaise pour aller au
poste de travail le plus proche. Mine de rien, ça fait gagner un peu
de productivité (au hasard, tout à l'heure, pour trouver les numéros
de volume aux Publications mathématiques de
l'IHÉS du volume III des ÉGA,
je n'ai eu qu'à aller sur Wikipédia) ; mais mine de rien, c'est aussi
un petit confort auquel on prend goût et dont l'absence, un jour, sera
irritante.
Mais ce n'est évidemment pas vrai qu'en informatique. À côté de
chez moi, mon supermarché Champion s'est agrandi pendant
l'été. La durée des travaux a été un peu pénible, parce que je ne
trouvais plus rien (en fait, l'organisation des rayons changeait
toutes les semaines, au fur et à mesure qu'ils réaménageaient) ;
maintenant, il y a plein de nouveaux rayons et je vais pouvoir y
trouver toutes sortes de choses que je devais auparavant aller
chercher plus loin (exemple idiot : des slips) — eh bien je vais
y prendre goût et me déclarer très fâché le jour où, inévitablement,
un de ces rayons sera vide.
Et, de façon plus fondamentale, le fait d'habiter Paris, le fait de
travailler à 15′ de marche de là où j'habite, le fait de pouvoir
prendre tous mes repas sur mon lieu de travail, toutes ces choses sont
des éléments de confort qui sont pour moi une chance exceptionnelle et
dont je devrai peut-être (sans doute ?) un jour me passer. Ça me fera
mal.
Ce que je ne sais décidément pas, c'est comment éviter ces écueils.
On peut, évidemment, refuser tout nouvel élément de confort, mais
c'est stupide (ou, en tout cas, ça défeate le purpose) : je
voudrais trouver une façon de profiter, au maximum, des conforts qui
s'offrent à moi sans en devenir dépendant. Je cherche encore.
J'ai l'habitude de gérer mon argent de façon très simple, mais pas
très sérieuse : une fois de temps en temps je jette un coup
d'œil au solde de mon compte courant (vial'interface
Web proposée par ma banque), je vérifie qu'il me semble
raisonnable, s'il est trop élevé je vire de l'argent vers mon compte
dépôt, s'il est trop bas je fais des efforts pour limiter mes dépenses
sur une période mal définie. Ça ne marche somme toute pas trop mal
— sauf quand je dois faire de
grossesdépenses que je n'avais
pas vues venir — mais, surtout, ça ne me permet pas d'avoir la
moindre idée d'où va mon argent.
Du coup, je prends une bonne résolution de rentrée : je vais tâcher
de tenir désormais une comptabilité un minimum sérieuse, en utilisant
le logiciel GnuCash. Lequel a
le bon goût de savoir importer les formats dans lesquels ma banque me
permet de télécharger les écritures sur mon compte, du coup ça me
simplifie beaucoup la tâche ; il faut se familiariser avec la comptabilité
en partie double, mais ce n'est pas bien difficile une fois qu'on
a compris que le principe était de toujours déplacer de l'argent d'un
compte à un autre (et heureusement, le manuel
est bien fait). Et le programme lui-même a l'air bien pratique
(jusque dans des détails comme me permettre d'utiliser le format YYYY-MM-DD que
j'affectionne pour les dates, et ce, bien que je lui demande de me
parler en anglais et d'utiliser l'euro comme unité de monnaie),
notamment avec une organisation hiérarchique des comptes qui permet de
gérer la comptabilité avec le niveau de détail qu'on souhaite.
[Note : je ne prétends pas faire ces remarques comme comparaison de
GnuCash avec un logiciel X ou Y : je n'en ai
jamais utilisé d'autre, et je n'y compte pas, donc je ne cherche pas à
savoir ce que les autres ont.] Le problème, c'est même que, là, je
serais presque tenté de dépenser de l'argent juste pour le rentrer
dans la comptabilité.
Mon petit frère m'a offert,
comme cadeau d'anniversaire, un joli, et très symbolique, casse-tête :
il est formé d'un signe « mars »
argenté et d'un « vénus » doré, initialement emboîtés, qu'il s'agit de
détacher. Très approprié, et il comptait d'ailleurs me l'offrir place des
Terreaux (d'hétéros, compris ?). En général je n'aime pas trop les casse-tête, mais
celui-là m'a séduit par sa simplicité : pas de ficelle, pas de boule
ou d'anneau ad hoc, juste deux morceaux de métal, et pas non
plus de gags du genre « plein de protubérances dont l'une serait très
subtilement différente »… pourtant, il faut en gros six
étapes[#] de mouvement pour
résoudre le puzzle, et chacune est très « pure », si j'ose dire.
Ce qui me fascine, en fait, c'est qu'on puisse inventer ce genre de
trucs. Étant mathématicien, je pense à un casse-tête comme à un
labyrinthe dans un espace des configurations d'assez grande dimension
(en l'occurrence, six : si on fixe une des parties, l'autre a trois
degrés de liberté pour le déplacement et trois pour la rotation) : ce
n'est donc pas étonnant que ce soit difficile à résoudre, mais ce qui
est surprenant, à mes yeux, est qu'on puisse effectivement
mettre au point de tels casse-tête. Utilise-t-on des ordinateurs ?
Ou est-ce entièrement conçu à la main ? Fait-on toujours appel aux
mêmes astuces ou en invente-t-on de nouvelles ? De quelle marge de
liberté dispose-t-on ? (J'ai l'impression que certaines
anfractuosités servent deux ou trois fois au cours de la manip, du
coup je m'étonne qu'on ait pu les tailler correctement.) Bref, je
suis assez impressionné.
[#] Spoiler,
d'ailleurs : (1) faire passer l'anneau « femelle » autour de la flèche
de l'anneau mâle, (2) faire un demi-tour et revenir à la situation
initiale, mais symétrique, (3) faire passer l'anneau « mâle », cette
fois, autour de la croix de l'anneau femelle, (4) sortir une des
branches de la croix, (5) en faisant passer l'anneau dans le creux de
la croix, faire faire un demi-tour à celle-ci et (6) sortir l'autre
branche de la croix.
Bon, voici un
souci de moins : j'ai trouvé un plombier un peu moins escroc
(1060€ TTC, avec un devis en bonne et due forme,
pour changer mon ballon) et apparemment compétent, et j'ai maintenant
un chauffe-eau neuf qui, j'espère, tiendra un petit moment.
Mais comme un souci ne part jamais sans qu'un autre le remplace,
mon disque dur (enfin, un de mes très nombreux disques durs)
est mourant. Pfff… va encore falloir débourser des sous rue Montgallet, et surtout,
du temps pour copier les ~250Go de données. Hmmm… En fait,
c'est pire, c'est peut-être deux disques durs, ou la carte mère (le
contrôleur des disques). Ou quelque chose comme ça. Je ne sais pas
si j'ai perdu des données, mais j'ai certainement perdu des
heures. Update () : En fait, c'était
apparemment juste un problème d'alim.
Je m'étonne moi-même de constater à
quel point la contrariété peut me toucher, et à quel point je perds
facilement la sérénité de l'esprit. Cette histoire de chauffe-eau, que beaucoup de
gens auraient le bon sens de prendre pour un tracas mineur, m'affecte
énormément : pour résumer, j'ai le choix entre accepter l'offre d'un
plombier qui m'arnaque dans les grandes largeurs — j'en suis
conscient et tout le monde en convient — ou bien risquer que mon
ballon actuel se mette d'un instant à l'autre à fuir en grand et
inonde[#][#2] l'appartement. Je fais
finalement le premier choix, mais je m'en suis rendu vraiment malade :
d'être réduit à une pareille impuissance parce que je ne peux pas
supporter l'idée du risque ; et d'être certain que c'est la mauvaise
décision (mais que l'autre décision était aussi la
mauvaise).
Au-delà de cette affaire précise d'eau chaude (qui à ce stade doit
lasser mes lecteurs autant qu'elle me pourrit la vie), c'est un
problème d'attitude que j'ai en général face aux difficultés : au lieu
de savoir les mettre de côté et ne plus y penser quand ce n'est pas
nécessaire, je n'arrête pas de les ruminer, je deviens incapable de
penser à autre chose, tant que ce n'est pas réglé, à moins de trouver
un souci encore plus importante ou éventuellement une joie plus grande
(ce qui, en ce moment, n'est pas
facile). Bref, c'est un comble que malgré l'éclectisme de mes goûts
j'aie tellement de mal à me changer les idées. Voici un
élément important à rajouter à mon enfer
et mon paradis personnels.
[#] Pourquoi est-ce
soudain devenu si urgent ? D'abord parce que j'ai l'impression que
son état a empiré de plus en plus vite au cours des derniers jours
(cela se devine à l'apparence extérieure et aussi au bruit qu'il fait
quand il chauffe ou quand on ouvre l'eau chaude). Aussi parce que je
compte partir en vacances la semaine prochaine (je pourrais certes
vidanger le chauffe-eau avant de partir, mais je n'oserais pas le
remplir en revenant, ce qui voudrait dire vivre absolument sans eau,
cf. la note suivante). Certes, c'était une erreur de ma part de
laisser les choses en arriver là, mais le chauffe-eau est dans une
partie du placard que je n'ouvre normalement jamais.
[#2] Une solution
convenable à mes yeux aurait été de vidanger la cuve
complètement et de vivre quelque temps sans eau chaude, pendant que je
trouve un plombier moins vorace. Las ! les installateurs incompétents
ou crétins de ma tuyauterie n'ont pas prévu de vanne permettant de
couper l'arrivée d'eau à mon chauffe-eau : donc, pas moyen de
le vidanger sans couper complètement l'eau dans l'appartement. (C'est
d'ailleurs ridicule, il y a une vanne dans un des conduits
connexes au chauffe-eau, mais elle sert à autre chose !) Je ne suis
pas convaincu que simplement couper le courant et ne pas utiliser
d'eau chaude me protège contre tous les risques.
La fuite est réparée (le plombier
doit encore repasser pour des fignolages). Mais mon plombier vient de
m'annoncer que pour changer mon chauffe-eau il me demanderait
1200€… hors taxes ! Ce prix me semble colossal — il
me semble comprendre que l'objet lui-même (un cumulus 100–150L
électrique de base) coûte plutôt dans les 200€, et je ne vois pas
comment une ou deux journées-hommes de main d'œuvre peuvent
expliquer la différence (à moins qu'un plombier gagne dans les
15000€/mois ? je pense quand même que non). Bon, je peux le
débourser (et manger des patates pendant quelques mois), mais je
voudrais savoir si je ne suis pas en train de me faire pigeonner
complètement si j'accepte. Difficile sur le Web de trouver la moindre
information… ici on trouve une
vague (très vague) fourchette sur le prix de l'objet, là
quelques idées sur le prix de la pose, mais avec tout ça il n'est pas
clair du tout si le prix demandé est raisonnable. Le problème est que
je n'ai pas vraiment le temps de faire faire plein de devis.
Dimanche treize août : le jour le plus mort de l'année. J'écris
cette entrée depuis le Starbucks de la rue des Archives,
où j'espérais trouver une connexion WiFi mais apparemment l'enseigne n'est
pas à la hauteur de sa réputation. Faute de quoi[#], je regarde les gens passer[#2] et la pluie tomber en buvant un
chocolat viennois. (Je me croirais dans un de mes fragments.) Je ne voulais pas
rester toute la journée chez moi, mais j'aurais pourtant mieux fait :
il va être dur de rentrer sans être trempé. On voit marchant sous des
parapluies des couples d'amoureux (hétéros ou homos), parfois je me
dis qu'il faudrait que Doisneau soit là pour les photographier…
je me rends compte que mon copain me manque. J'essaie de comprendre
un mot à la conversation des deux japonaises derrière mois, en
vain.
Ah, la pluie se calme et ma batterie se vide. Il va être temps de
chercher de quoi dîner.
[#] C'est dans ces
circonstances qu'on se rend compte à quel point on est terriblement
dépendant d'Internet. Dans les quelques minutes depuis lesquelles
j'ai allumé mon ordinateur, j'ai voulu regarder sur le Web combien de
temps la pluie risquait encore de durer, récupérer un certain nombre
de fichiers qui sont sur mon fixe, et encore quantité d'autres
choses… pour m'apercevoir à chaque fois que, non, je ne pouvais
pas, faute de connexion réseau. Devrais-je m'acheter une carte
Bluetooth, pour me servir de mon mobile comme modem (lui, il a accès
au Web, après tout, et j'ai un crédit invraisemblable dont je ne me
sers pas sur mon compte-recharge).
[#2] Ou le contraire :
je suis pour ainsi dire en vitrine.
J'ai vraiment urgemment besoin d'un plombier : il n'y a plus
seulement mon chauffe-eau (j'en ai déjà
parlé) qui a besoin d'être changé parce qu'il est gravement
attaqué par la rouille, il y a maintenant aussi le robinet de ma salle
de bain : il s'est inexplicablement mis à fuir — par le bon
côté, heureusement… je veux dire que, même fermé, il laisse
passer un filet d'eau (pas énorme, certes, mais il remplit tout de
même de l'ordre de 15cL en une minute, ce qui représentera 200L dans
une journée, ou plus de 6m³ dans un mois ! je n'ai pas les chiffres
mais ça doublerait pratiquement ma consommation). Ça doit être le
joint qui est défait. <Insérer ici un rant sur le fait qu'il est
complètement ridicule qu'on fasse des robinets qui n'aient pas un
clapet de sécurité ou quelque chose comme ça, permettant de les fermer
de façon complètement sûre.>
Deux problèmes : d'abord, trouver le moyen de faire venir un
plombier alors que c'est le week-end étendu du 15 août et que je pars
dans une semaine : faire établir un devis et faire la réparation
elle-même, en ce temps-là, ça semble totalement impossible ! Et
pourtant je ne vois pas comment je peux y couper. Deuxièmement,
toruver le moyen de ne pas me faire arnaquer et payer une somme
colossale malgré l'urgence et malgré mon ignorance totale des tarifs
pratiqués dans ce domaine. (Tout ce que j'ai en tête, c'est l'idée
que tous les
plombiers sont des escrocs, ce qui est probablement faux, mais ce
qui m'aide assez peu pour détecter ceux qui le sont et ceux qui ne le
sont pas, surtout si je n'ai pas le temps d'en faire venir plusieurs
pour des devis différents à comparer.) Que valent, par exemple, ces gens-là ? Ou ceux-ci ? Comment
savoir ? Vaut-il mieux rechercher une boîte d'une certaine taille ou
une petite entreprise dans le quartier ? Pourquoi ne trouvé-je aucun
tarif sur le Web ?
C'est vraiment le genre de petit tracas dont je n'arrive pas à
faire une montagne, et qui me pourrissent rapidement la vie.
Sans aucun rapport, mais pour ne pas me mettre de bonne humeur, il
y a un routeur du côté de chez RAP (apparemment situé au niveau de l'Odéon,
si j'en crois son nom) qui dysfonctionne depuis cet après-midi et qui
perd autour de 20% des paquets[#]
qu'il reçoit (de ma part en tout cas) : or il me sert pour me
connecter à mon boulot où je reçois
mes mails, que je ne peux donc lire qu'avec la plus grande
difficulté. Là aussi, j'ai peur que le problème ne soit pas résolu
avant un certain temps !
Mise à jour (2006-08-11T16:45+0200) : Bon, un
plombier est passé (si j'en suis satisfait je recommanderai son
adresse). Il n'avait pas les têtes à clapet nécessaire pour changer
le robinet tout de suite (il me dit que c'est très rare que ce genre
de têtes fuient), mais il m'a promis de revenir lundi midi, et pour le
chauffe-eau il va me faire un devis (la cuve est percée, il faut le
changer rapidement). Quant au routeur
cr-odeon.rap.prd.fr, apparemment il refonctionne.
[#] J'avoue ne pas
comprendre comment une défaillance d'un routeur peut perdre ~20% des
paquets reçus… aussi bien un ordinateur qu'un lien physique, ça
a quand même fortement tendance à fonctionner en mode
tout-ou-rien.
OK, je plaide coupable, ça fait un moment que je n'ai
rien écrit ici. Je pourrais expliquer que je suis un peu débordé,
mais ce n'est pas spécialement plus vrai en ce moment que d'habitude :
c'est plutôt que je passe un peu moins de temps devant des ordinateurs
parce que je préfère aller dehors pour travailler en profitant du
soleil radieux — or dehors (i.e., dans la cour d'honneur de
l'ENS) il n'y a pas vraiment de wifi (et de toute façon
je n'ai pas de portable). Peut-être que la semaine qui vient, je vais
aller ailleurs, cependant, parce que l'École héberge un festival de science pour
lycéens qui a trouvé malin d'installer des œuvres d'art assez
hideuses[#] dans la cour en
question, qui me donnent envie de fuir. Mais pas forcément devant un
écran. Ah, et puis, sinon, je préfère passer mon temps libre avec mon
copain qu'avec un ordinateur. Enfin, ces derniers jours, le temps que
j'ai passé sur un clavier je l'ai surtout passé à faire des calculs
(plus ou moins idiots
d'ailleurs) et, avant ça, à m'engueuler avec mes logiciels.
Trêve de justifications foireuses, ce n'est pas mon propos : je
voulais parler des entrées que je n'écris pas dans mon blog. Parce
que quand il me vient une idée pour laquelle je pourrais écrire une
entrée, mais que je n'en ai pas le loisir, je rajoute ça dans une
liste que j'intitule vivier à mèmes en me disant que j'aurai
le temps plus tard. En fait, souvent, plus tard veut dire
jamais, par exemple parce que l'idée ne me semble plus si
intéressante plus tard ; le pire, ce
sont les fragments littéraires gratuits, là la liste des idées qui
me restent à traiter est carrément impressionnante, et s'écoule très
lentement (parce qu'il me faut énormément de temps pour écrire un
fragment, et il est rare que j'aie et le temps et
l'inspiration[#2]). Mais même
pour les autres sortes d'entrées j'ai un petit stock d'idées à
traiter : cela va des remarques idiotes (du style : il y un bonhomme
que je croise régulièrement rue Claude Bernard et qui est le sosie de
Bertrand Russell — enfin, du Bertrand Russell tel qu'il était
par semple sur cette
photo) à des réflexions sur moi-même (par exemple, j'aimerais
écrire un portrait de moi comme mathématicien, c'est-à-dire de ma
façon de percevoir les mathématiques et d'en faire) en passant par des
idées que je trouve géniales (comment utiliser les aficionados de
sites pornos comme vaste réservoir de coprocesseurs indiens) ou canulars (si
vous êtes sages, un jour je vous parlerai du Club
Contexte, qui n'est pas un canular mais je dis ça pour vous
embrouiller).
Plus tard !
[#] Il s'agit de statues
intitulées passe-muraille qui représentent des bonshommes en
train de traverser des portes ou des arbres ou des tables
(c'est-à-dire, en gros, qu'ils ont collé des membres de mannequins sur
un arbre pour donner l'impression qu'il y a quelqu'un dedans). En
fait, c'est surtout moche et anxiogène (ça donne l'impression que le
type est en train de se faire transpercer par un arbre plutôt que le
contraire). Il y a aussi des fils rouges, façon rayons laser, qui
partent des yeux du buste de Voltaire dans la cour, je ne comprends
pas ce qu'ils sont censés vouloir dire mais je trouve que c'est un peu
un manque de respect envers ce grand homme. Accessoirement, je ne
comprends pas vraiment le rapport entre ces machins et un festival de
science pour lycéens.
[#2] Réminiscence d'une
vieille blague de physicien à propos des problèmes sexuels de
Heisenberg qui, à chaque fois qu'il avait le temps, n'avait pas
l'énergie, et à chaque fois qu'il avait la position, n'avait pas
l'impulsion.
J'ai beau connaître maintenant plus que bien les bâtiments
principaux de l'ENS (ceux du 45 rue d'Ulm), je suis très
peu allé dans les bâtiments annexes. Notamment ceux de la rue
Lhomond, qui abritent les laboratoires de physique, chimie et sciences
de la Terre : inaugurés en 1936 et semblant avoir été préservés dans
une bulle temporelle, ces bâtiments sont presque une caricature du
laboratoire vieillot et poussiéreux de sciences expérimentales, avec
une quantité hallucinante d'objets en tout genre dans tous les coins,
énormément de choses cassées ou dont personne ne doit savoir ce
qu'elles font là, des pièces de musée qui côtoient des appareils de
technique de pointe (mes ces derniers ont tendance à être mis derrière
des portes fermées à clé), bref, c'est assez épatant à explorer. Ce
que j'ai fait cette nuit avec deux amis.
Nous sommes d'abord montés sur les toits, qui sont nettement plus
hauts que ceux à côté de mon bureau, et d'où on a, donc, une bien
meilleure vue. On a passé un moment, donc, (avec jumelles et pointeur
laser), à tenter d'identifier ce qu'on voyait de Paris. Notamment, il
y a quelque chose qu'on voit assez nettement depuis les toits de
l'ENS, à peu près en direction du palais omnisports de
Bercy, mais sans doute plus loin, peut-être vers Saint-Mandé ou le
bois de Vincennes, qui m'intrigue beaucoup : cela ressemble à une
petite montagne (je dirais presque un terril, mais en région
parisienne c'est assez peu vraisemblable), avec une lumière rouge qui
clignote en haut. Même après une fort longue exploration de Google Maps, je n'ai pas réussi à
localiser ce truc.
Puis nous sommes descendus dans les sous-sols. Il y a un endroit
quasiment mythique dans les profondeurs du département de physique
(j'en ai d'ailleurs déjà parlé),
c'est une petite pièce enfouie à peut-être trente-quarante mètres sous
la Terre où le père
Rocard faisait des expériences à l'abri des rayons cosmiques ;
j'en avais entendu parler par un maître de conf' du département de
physique : ces parties, où on descend par un ascenseur qui ressemble
plus à un monte-charge, sont largement en-dessous du niveau des
égouts, donc il y a des pompes pour faire remonter l'eau, mais
l'histoire veut qu'un jour l'endroit ait été inondé, quelqu'un est
descendu par le monte-charge, qui l'a noyé et il est mort, et depuis
tout l'endroit a été abandonné. Toujours est-il que le passage qui y
mène était mystérieusement ouvert ce soir (il est derrière une porte
normalement protégée par un digicode). C'est assez impressionnant à
voir : au bout d'un couloir étroit où il n'y a plus de courant depuis
au moins trente ans, on tombe sur un ascenseur désaffecté et une
échelle ponctuée de trois trappes séparées d'une dizaine de mètres.
Moi qui ai fortement le vertige et qui n'aime trop ni les lieux trop
étroits ni le noir absolu, je n'ai pas osé m'aventurer là-dedans :
peut-être qu'avec un meilleur éclairage je l'aurais fait, mais avec
juste une lampe de poche douteuse et un pointeur laser en cas
d'urgence, j'ai préféré rester en haut pour attendre mes amis et
donner l'alarme s'ils ne revenaient pas. Peut-être aussi que les
histoires de cloportes gros comme la main m'ont inquiété (mais
apparemment c'est des mythes, en tout cas mes amis n'en ont pas vu ;
oui, oui, je sais, les cloportes sont totalement inoffensifs pour
l'homme). Donc je ne peux pas rapporter comment est cet endroit qui
n'a pas bougé depuis des dizaines d'années, mais indéniablement il
existe. D'après un tableau à l'entrée du couloir, il semble que
quelqu'un y descende environ tous les deux mois, pour s'assurer qu'il
n'y a pas de problème majeur.
À quelques jours d'intervalle je reçois deux avis de lettres
recommandées avec accusé de réception : l'une chez mes parents à Orsay
(mais qui est adressée à moi) et l'autre chez moi. Je n'ai pas les
lettres elles-mêmes, bien sûr — je n'habite plus chez mes
parents et quand le facteur est passé chez moi il était trop tôt pour
que je lui ouvre — donc je ne peux qu'émettre des conjectures
sur leur contenu. La première, qui m'est adressée chez mes parents,
pourrait provenir de ma mutuelle, à
laquelle j'ai fait il y a trois mois un chèque de régularisation[#] qu'ils n'ont jamais encaissé, de
sorte que j'en viens à me demander si le courrier n'est pas perdu ;
mais je les ai appelés pour leur demander des précisions sur ce
chèque, ils ont dit qu'ils chercheraient et me rappelleraient, mais en
attendant le type au bout du fil a semblé trouver que c'était normal
qu'ils mettent trois mois à encaisser un chèque de 1700€. Bon.
L'autre lettre recommandée pourrait provenir d'une société de recouvrement de
créances allemande, qui m'écrit depuis un moment des lettres (en
allemand, pour l'instant non recommandées) pour me demander de
l'argent pour une dette complètement imaginaire[#2] : pour l'instant j'ai purement
et simplement ignoré leurs courriers, au motif qu'ils n'ont pas à
m'écrire en allemand, encore moins pour me réclamer de l'argent que je
ne dois à personne, et encore moins sans explication quelconque.
(J'imagine que quelqu'un en Allemagne a trouvé mon adresse sur
Internet et l'a entrée comme adresse de facturation dans un formulaire
quelconque, et que ces cons ne se sont même pas demandé si c'était
plausible avant de commencer à me spammer.)
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi les gens vont chercher
des lettres recommandées à la poste ? Ce sont systématiquement des
emmerdes, donc on a tout intérêt à les refuser ! Comme ça, celui qui
l'a envoyée ne pourra pas utiliser une signature quelconque sur un
recommandé comme preuve de réception.
De fait, pour la lettre reçue chez mes parents, comme je n'ai pas
envie de passer deux heures juste pour aller à Orsay chercher une
lettre, j'ai demandé à mes parents de remettre l'avis dans la boîte
aux lettres avec la mention inconnu pas à l'adresse indiquée
(pourquoi n'y a-t-il pas une case à cocher, d'ailleurs ? qu'est-ce
qu'on est censé faire, normalement, dans ce cas ?). J'en profite pour
envoyer une lettre à tous ceux qui étaient susceptibles de m'écrire à
Orsay pour leur demander de tenir compte de mon changement d'adresse.
Pour l'autre lettre, je ne sais pas encore, peut-être que je la
refuserai aussi.
Mais un problème fondamental, à la base, c'est qu'on peut faire
perdre un temps fou à quelqu'un en lui expédiant des lettres
recommandées, et que le quelqu'un n'a pas moyen de se retourner contre
l'expéditeur pour courrier abusif. Ou alors devrais-je chercher ces
lettres et envoyer une facture de 150€ à chacun des expéditeurs
pour frais de déplacement et de dossier ? (Facture elle-même envoyée
par recommandé, évidemment…)
[#] Ils avaient oublié
de me prélever mes cotisations pendant plusieurs années, et ils ont
fini par me les réclamer sous forme de chèque.
[#2] Ils ne disent même
pas en quoi elle consiste, ils citent juste le nom de mon créancier
supposé (leur client, donc), qui est apparemment une vidéothèque à
Düsseldorf dont je n'ai jamais entendu parler avant de recevoir ces
courriers (au moins, du coup, je n'aurai pas de mal à prouver, le cas
échéant, que je n'ai rien à voir avec ça, puisque je n'ai jamais mis
les pieds à Düsseldorf). Mais jamais la moindre explication sur la
dette elle-même, juste des in obiger
Angelegenheit et Hauptforderung non
explicités. Je trouve ça quand même d'une grossièreté incroyable de
demander de l'argent à quelqu'un sans même expliquer pourquoi ! En
revanche leurs lettres sont très polies et mielleuses sur la façon
dont je peux échelonner les paiements ou des trucs de ce style. Mais
il n'y a aucune case vous délirez, je ne vous dois pas d'argent
dans les formulaires à remplir.
Ça m'a repris cette nuit — ça faisait longtemps que ça
n'était pas arrivé. Je pense (sans être sûr) que l'élément
déclencheur doit être que je m'endors sur un membre (en l'occurrence
probablement mon bras gauche), dont la circulation est donc coupée, ce
qui me cause une alarme dans un sommeil très profond : je ne m'en
réveille qu'à moitié, je suis totalement désorienté, je ne comprends
pas ce qui m'arrive, et je me lève avec l'impression d'être en danger
mais sans savoir comment ni pourquoi et avec pour toute explication un
bras (ou une jambe) engourdi. Mais ce n'est pas fini : cette nuit,
j'ai fait quelques pas dans mon appartement, toujours sans être bien
réveillé (d'ailleurs, je ne le suis pas encore même en écrivant ces
lignes), puis je me suis recouché, et ce n'est qu'encore quelques
minutes plus tard, alors que j'essaie de me rendormir, que je fais une
crise de tachycardie (je ne sais pas ce qui justifie ce délai : il me
semble que l'adrénaline agit pourtant très très rapidement ; mais
peut-être que le fait que je sois à moitié endormi tout du long joue
un rôle, ou peut-être que c'est parce que je me demande ce qui s'est
passé que je panique, vu que je suis encore dans un stade de
semi-conscience où je ne peux rien expliquer). Ce coup-ci, je suis
monté à ~200 pulsations par minute pendant ce qui m'a semblé une
éternité, avant de réussir enfin à me réveiller suffisamment et à me
contrôler assez pour me persuader que, non, il n'y avait rien de grave
et que mon rythme cardiaque allait de lui-même redevenir normal (ce
qui aide, justement, à ce qu'il le redevienne effectivement).
Paradoxalement, c'est peut-être justement le fait que je me sois
endormi facilement (et tranquillement, heureux) qui a rendu d'autant
plus facile le fait que je me bloque sur un bras (si c'est bien ça
l'aspect déclencheur) d'où ma panique. Toujours est-il que lors de
ces terreurs nocturnes irrationnelles, ce qui me manque le plus est
d'avoir quelqu'un à qui parler (juste le fait de prendre le téléphone
en main, d'ailleurs, m'aide à me calmer). À la place, j'écris ceci
dans mon blog…
Quels sont votre enfer et votre paradis personnels ?
Je n'aime pas trop, en général,
les « chaînes de blogs » (où quelqu'un pose une question ou bien
propose un défi que tout le monde reprend ensuite), mais voici une
question qui me tient assez à cœur, donc j'invite les blogueurs
qui me lisent à y répondre (et à m'envoyer un lien vers leur entrée,
que je rajouterai ici — ça me fera aussi l'occasion de découvrir
de nouveaux blogs) ; les non-blogueurs ont aussi le droit de répondre,
bien sûr, dans les commentaires. Bref, il s'agit de répondre à
ceci :
Les dieux ont préparé un enfer et un paradis à votre intention
particulière : pouvez-vous décrire à quoi ils ressemblent ?
Quelques remarques sur cette question : d'abord, il n'est pas
demandé d'être cohérent (par exemple, se demander ce qui se passe au
bout de cent trillions d'années, et si on finit par s'ennuyer), encore
moins matériellement concevable — il s'agit plutôt de se mettre
dans une perspective de rêve malheureux et heureux, de présenter une
vision complètement naïve et instinctive, sans trop de questions.
S'agissant de l'enfer, évidemment, on peut imaginer toutes sortes de
supplices particulièrement cruels, le but n'est pas de décrire le plus
atroce mais celui qui vous serait propre, et peut-être
faut-il s'inspirer de cette citation de Kazantzakis dans la
Dernière Tentation du Christ (citation dont je rappelle que je cherche toujours
l'original) : Les portes du Paradis et de l'Enfer sont côte à côte,
identiques toutes les deux.
En ce qui me concerne :
Je commence par décrire mon enfer, ce que je ne peux faire qu'en
termes abstraits, car il est sans cesse en mouvement : il s'agit
justement de me placer dans des situations toujours différentes,
désagréables sans être vraiment atroces, de sorte que je finis par m'y
habituer, mais à chaque fois que je m'y habitue, précisément, je suis
placé dans un endroit différent. À chaque fois que je m'attache à
quelque chose ou à quelqu'un, ce quelque chose ou ce quelqu'un
disparaît. Jamais on ne me renseigne sur l'avenir, de sorte que je
suis toujours dans le doute sur ce qui va m'arriver, mais je me forme
des espoirs qui sont sans cesse déçus. À cette peur, cette
incertitude et ce doute s'ajoutent un ennui profond, viscéral, rendu
d'autant plus insupportable qu'on sent qu'on devrait faire quelque
chose, mais toute possibilité en est trompée, car dès que je commence
à le tenter, la possibilité m'en est soustraite.
À présent voici mon paradis, présenté dans des termes beaucoup plus
concrets (de façon abstraite, je l'ai déjà expliqué : le paradis, c'est les autres). Je suis
dans un palais gigantesque, à la fois labyrinthique (on ne se lasse jamais de
l'explorer) et pourtant familier (je m'y sens parfaitement chez moi) ;
il a des portes et des fenêtres qui donnent sur toutes sortes de lieux
pourtant très distants, notamment une baie vitrée au sommet d'une tour
d'où on a une vue dégagée sur une ville dans
laquelle je peux sortir me promener, d'autres sur des parcs, tandis qu'un autre côté donne sur
une terrasse ensoleillée comme au milieu des champs de la Toscane dans
un été perpétuel ; la maison héberge également une très grande bibliothèque (imaginez plutôt des livres neufs que de vieux poussiéreux),
et, bien entendu, quantité de tableaux noirs pour pouvoir faire des
maths . Il va sans dire que le palais serait toujours
parfaitement propre, et que la cuisine regorgerait des meilleurs
plats, apparus de nulle part. Mais surtout, je ne suis seul que quand
je veux l'être : j'ai, pour compagnie, un joli garçon que j'aime, et
aussi tous mes amis et mes proches et même tous ceux que j'admire et
que je veux rencontrer ; personne ne disparaît jamais (ou ne tombe
malade) ni ne se fâche, et nous avons un temps infini pour deviser de
toutes les choses que l'on peut savoir et de quelques autres, autour
de repas délicieux. (Bizarrement, je remarque que les ordinateurs ne
jouent presque aucun rôle dans mon rêve de paradis : peut-être parce
qu'ils sont l'instrument du diable et n'ont donc aucune place au ciel,
peut-être parce que je les conçois essentiellement comme des
instruments de communication et que dans ce paradis je pourrais
toujours parler aux gens face à face.)
Les jours qui viennent risquent d'être furieusement chargés. Comme l'an dernier, je coordonne les
soutenances d'exposés de maîtrise des élèves matheux de première année
à l'ENS, donc de lundi à vendredi en huit je passerai mes
journées à écouter des exposés très variés (six par jour) : c'est
passionnant, mais aussi assez épuisant. Il y en a déjà deux cette
semaine (mercredi et vendredi matin), auxquels il faut rajouter (jeudi
après-midi) la soutenance d'un étudiant indien qui était venu chez
nous dans le cadre d'un échange et à qui j'ai fait faire un peu de
maths-info. Jeudi matin, j'irai sans doute assister aux délibérations
(pour l'admissibilité) du concours d'entrée à l'ENS. Et
vendredi après-midi, comme je l'ai déjà
fait savoir (et tous ceux qui m'entourent commencent à vraiment le
savoir ), je donne un exposé sur un résultat de Kollár
(et j'ai l'impression angoissante de ne vraiment pas être assez prêt,
j'ai encore plein de références à regarder de plus près). Hier soir
(jusque fort tard, d'ailleurs) je mettais au point un texte explicatif
(sur le polygone de Newton) pour mes agrégatifs chéris. Jeudi
soir, enfin, il y a à l'École une conférence, ouverte à tous (et
organisée par l'association Pollens), sur la
loi sur le droit d'auteur, à laquelle
parlera mon ami (et néanmoins collègue) David Monniaux : venez-y
(c'est en salle Dussane, il y a projection d'un film à 20h et débat à
20h30) !
Bon, tout ça est intéressant, je ne suis pas en train de me
plaindre. Mais il est quand même vrai que je fatigue facilement.
Peut-être aussi qu'en ce moment je voudrais avoir un peu plus de
temps pour nous.
Un jour on m'a demandé ce que j'avais de plus précieux au monde.
La réponse me semble tout à fait claire : mes amis. C'est
peut-être une réponse de bisounours, mais j'y crois vraiment, et je
pense que c'est une chance inouïe d'avoir des amis comme j'ai. Ça va
de pair avec quelque chose d'autre : l'activité que j'aime le plus au
monde, c'est converser avec des gens intéressants (parler ou les
écouter parler, de tout et de rien, de science, de culture, de ragots,
du temps qu'il fait, ou de beaucoup de private
jokes). En ce moment, j'y passe souvent mes soirées (parce que la
météo est propice au fait de passer de longs moments dehors à bavarder
en profitant de la douceur du crépuscule), c'est d'ailleurs un peu
problématique quand je rentre chez moi trop tard pour faire les
courses, mais bon… C'est bizarre, je suis un être à la fois
très timide (pour ne pas dire solitaire) par certains aspects et
complètement social de l'autre (j'ai vraiment besoin de
compagnie pour me sentir bien, et c'est la raison pour laquelle le
mois d'août est pour moi chaque année un moment vraiment difficile à
passer.
De plus, je me rends compte que, épigone revendiqué de l'éclectisme
oblige, ce que j'apprécie le plus chez mes amis, c'est leur diversité.
Il y a des gens qui me parlent parfois de leur meilleur ami ou,
encore plus fort, de leur n-ième meilleur ami (pour
n allant éventuellement loin : quelqu'un m'avait un jour parlé de
son 8e meilleur ami avec un naturel confondant), comme s'ils
avaient un ordre de préférence très net dans leur tête : moi, ça me
semble complètement absurde — si j'ai des amis variés, c'est
parce que j'apprécie la diversité de leurs caractères, de leurs
qualités (et parfois même, de leurs défauts[#]), chacun m'apporte quelque
chose d'irremplaçable et je ne peux pas mettre d'ordre dessus (bon,
après, c'est évident qu'il y en a dont je me sens plus proche que
d'autres). Un petit plaisantin me faisait remarquer, d'ailleurs, que
cette vision de l'amitié pourrait se dire : in
varietate concordia ; alors que d'autres bandes de potes préfèrent
le e pluribus unum[#2].
Voilà. Désolé pour le ton gentiment niais,
mais j'ai envie de dire, là : merci à tous (ceux qui m'entourez, et
même ceux que je ne connais pas bien ou que je ne vois pas souvent),
pour ce que vous êtes.
[#] J'aime bien dire,
citant en cela Liz Taylor, que je me méfie des gens qui n'ont pas de
défauts : souvent on découvre qu'ils ont des qualités assez pénibles.
Donc tous mes amis ont des défauts (certes pas autant que
moi ), et je ne m'en passerais pour rien au monde.
[#2] Si par hasard il
faut expliciter : in varietate concordia (unis
dans la diversité) est la devise de l'Union européenne tandis que
celle à laquelle elle répond manifestement, e
pluribus unum (quelque chose comme de plusieurs, un seul)
est (ou a été) celle des États-Unis, et est d'ailleurs explicitement
utilisée par Saint Augustin (au livre IV des Confessions),
pour décrire sa conception de l'amitié. Comme je ne suis pas
spécialement adepte de Saint Augustin, je ne m'étonne pas de penser
différemment…
On sait quelle propension j'ai à raconter ma vie (et sans doute, me
fait-on remarquer, à en dire trop). Aujourd'hui, j'ai essentiellement
écouté celle des autres, plusieurs personnes indépendamment (bon,
mettons deux et demi) m'ayant fait l'honneur de me faire des
confidences. La conclusion principale que j'en tire, c'est :
persuader les gens d'être heureux, ça peut être difficile… mais
qu'est-ce que c'est gratifiant ! Alors je vais me coucher, fatigué
mais content, avec l'impression d'avoir peut-être un peu servi à
quelque chose.
Mon degré d'incompétence avec la paperasse m'impressionne…
Chaque année, donc, remplir la déclaration de revenus est un calvaire.
Là, j'ai réussi à franchir une première grande étape pour cette
année : la génération du certificat pour la déclaration en ligne
— pour cela, il fallait retrouver trois obscurs numéros
(nº fiscal, nº de télédéclarant, et revenu fiscal de référence de
l'année précédente) figurant parmi des centaines d'autres numéros dans
les différents papiers que m'envoie l'administration fiscale. Bon,
après coup je me suis rendu compte que j'avais intelligemment noté
tous ces numéros sur un fichier sur mon ordinateur, mais bien sûr je
n'y ai pas pensé avant, du coup j'ai perdu une heure à éplucher ces
foutus papiers (et à ne pas comprendre pourquoi je ne trouvais pas mon
revenu fiscal de référence sur mon avis de taxes foncières, parce que
j'avais confondu avec la taxe d'habitation). L'étape suivante
s'annonce plus dure : le revenu principal (mon salaire, case
AJ) est évidemment prérempli, ce qui ne me sert pas à
grand-chose parce qu'il est de toute façon très facile à trouver, mais
il y a des cases obscures (TR, TS et
CA, pour être exact) où doivent s'inscrire des revenus,
très faibles, de comptes rémunérés, et les montants à faire figurer
dans ces cases sont quelque part dans des courriers que ma banque m'a
envoyés — chez mes parents, sinon ce ne serait pas drôle —
il y a quelques mois et qui n'ont, évidemment, pas été ouverts et sont
perdus sous une montagne d'autres (et apparemment ma banque n'est pas
fichue de faire figurer ces chiffres sur le site Web de gestion de mes
comptes par Internet, ni de la communiquer directement à
l'administration fiscale). Comme chaque année, j'hésite entre partir
à la recherche de ces fichus papiers ou bien simplement inscrire dans
la case une majoration grossière du montant qui pourrait y être (une
solution tentante, vu que je me fous assez de payer au maximum
30€ d'impôts en trop parce que j'aurais surestimé le montant en
question, mais je ne peux pas faire comme ça à chaque fois).
Globalement j'ai quand même l'impression de perdre un temps fou
juste pour recopier quelque chose comme cinq nombres.
En revanche, je suis vraiment très content du nouveau site de
télédéclaration : autant l'an dernier j'en avais été très mécontent, autant cette année ça
semble vraiment bien fait.
Dans la série mes petits problèmes de santé racontés sur mon
blog : depuis ce matin au réveil, j'ai très mal à l'épaule
(droite), à tel point que je me demande s'il n'est pas possible
qu'elle soit déboîtée. Pourtant, je ne comprends pas comment j'ai pu
faire un faux mouvement dans mon sommeil !
Comme la douleur devenait vraiment pénible et que je me voyais mal
retourner aux urgences, je viens
d'appeler SOS Médecins.
Suite : Apparemment c'est musculaire. Ah oui,
vous avez un joli nœud, là… Du coup, on m'a prescrit
un anti-inflammatoire, une crème myo-relaxante et des antalgiques.
(N'empêche que je ne comprends pas, si c'est musculaire, pourquoi ça
fait crac quand je la bouge d'avant en arrière, et le médecin
n'a pas été super clair, là.)
Conversations de matheux, corps à un élément, apprentissage et petits gâteaux
Le mercredi après-midi, au département de maths de
l'ENS, nous avons notre thé hebdomadaire : tout le monde
(enseignants, chercheurs, invités de passage, étudiants… et
quelques informaticiens déçus qu'il n'y ait rien de tel dans
leur département), enfin, tous ceux qui veulent venir, se
retrouve en salle Jean-Louis
Verdier[#] pour partager
thé[#2], jus d'orange et petits
gâteaux achetés sur les fonds secrets du département
(enfin, aujourd'hui, on était à court de petits gâteaux, mais
normalement il y en a). Et c'est décidément un moment très
convivial.
La conversation, naturellement, outre les sujets récurrents chez
les normaliens[#3], tourne autour
de potins et de ragots mathématiques[#4], mais aussi autour de
mathématiques proprement dites, souvent de façon plus ou moins
ludique. Par exemple on évoque régulièrement des résultats
mathématiques qui nous semblent particulièrement surprenants, ou
choquants : le fait que la somme de deux convexes du plan de frontière
C∞ a une frontière C6 mais
pas C7 en général ; le fait que toute variété
différentiable homéomorphe à Rn est
difféomorphe à Rnsauf pour
n=4 ; le fait qu'une série de distributions delta, en des
points tous distincts, pondérées par des coefficients tous non nuls
peut converger vers la distribution nulle ; etc. Nous avons également
débattu de savoir quel style de rédaction mathématique offre la plus
grande clarté (vaut-il mieux une démonstration compréhensible ligne à
ligne et dont la rigueur est inattaquable mais dont on ne parvient pas
à dégager les idées directrices générales, ou au contraire une
démonstration qui fasse clairement ressortir les idées sous-jacentes
mais demeure perfectible dans beaucoup de détails parfois fastidieux à
compléter ? et comment parvenir à allier les qualités de ceux styles
tout en évitant leurs défauts ?).
Aujourd'hui, nous[#5] nous sommes mis à papoter sur le
corps à un élément et sur le corps résiduel des
réels. Cela va sembler complètement sibyllin aux
non-mathématiciens, mais il s'agit (surtout pour le premier) d'une
fantaisie récurrente des algébristes (dont le statut varie, selon les
circonstances, entre de la recherche sérieuse et une blague de
matheux) ; la plupart des personnes ayant fait des maths au niveau du
second cycle savent bien qu'un corps doit avoir au moins deux éléments
(à savoir 0 et 1, qui ne coïncident que dans l'anneau nul, ce dernier
n'étant pas un corps) : mais il se trouve qu'un nombre
important de résultats d'algèbre ou de théorie des nombres semblent
pouvoir s'expliquer, par analogie, comme si elles provenaient de
l'existence d'un objet que, à l'heure actuelle, personne ne sait
définir correctement (et qui n'est certainement pas un corps au sens
usuel, et qui n'a probablement pas non plus un élément en aucun sens
naïf[#6]) mais que suite à ces
analogies on appelle corps à un élément (sur lequel, notamment,
l'anneau des entiers serait une algèbre), F1. Là où
il s'agit d'une blague, c'est quand on se met à explorer les analogies
les plus fumeuses sur le corps à un élément, du style :
comme tout corps fini, le corps à un élément à une extension de
degré n, qui est le corps à 1n
éléments, qui n'est bien sûr pas la même chose que le corps à un
élément ; et il a un frobenius, qui est l'élévation à la puissance 1,
qui n'est bien sûr pas l'identité… si vous êtes un être
humain normal, donc pas un algébriste, il est sans doute naturel que
vous ne trouviez pas ça drôle. Là où c'est plus
sérieux, c'est quand on espère qu'une définition rigoureuse de cet
objet mystérieux permettrait de tirer correctement des analogies :
notamment, l'hypothèse de
Riemann (dont la tête est
mise à prix) aurait des chances de pouvoir être abordée comme
l'analogue des conjectures de
Weil (qui, comme leur nom ne l'indique pas, sont maintenant des
théorèmes) pour le spectre des entiers vu comme variété sur le corps à
un élément. Malheureusement, si des définitions partielles ont été
proposées pour le corps à un élément (ici
et là par
exemple), non seulement aucune n'est complète (aucune, notamment, ne
permet de donner un sens intelligent au produit tensoriel de Z
avec lui-même au-dessus de F1) mais en plus elles ne
sont pas d'accord entre elles. Quant au corps résiduel des réels,
c'est quelque chose dans le même style… ce serait un corps fini
qui aurait la bizarre propriété d'avoir une unique extension, de degré
deux (le corps résiduel des complexes) qui soit algébriquement close ;
là, personne n'a trop d'idée de combien d'éléments il serait censé
avoir (on peut donner des arguments pour 0, 1, 2, 3, ou même
2.718… ou une infinité ; personnellement, j'ai tendance à
croire qu'il a un seul élément mais dont deux sont non nuls !).
Bon, heureusement, pendant que certains mathématiciens se demandent
combien d'éléments a un corps à un élément, d'autres font des choses
utiles, comme se pencher sur les manières de construire un filtre à
spam efficace : mes collègues statisticiens organisent à
l'ENS un colloque sur les fondements
mathématiques de l'apprentissage, ou comment apprendre (à un
ordinateur, disons), à partir d'un échantillon de données et de
réponses associées (du style, ceci est un spam, ceci n'est pas un spam
— mais je ne voudrais pas donner l'idée que l'apprentissage ne
sert qu'à trier le spam !), à tirer des réponses correctes sur
d'autres données. Par exemple, le filtre à spam que j'utilise,
qui est essentiellement un filtre bayesien avec quelques
améliorations (comme je ne suis pas statisticien, je ne comprends
pas grand-chose, là), a tendance à se faire avoir à cause du problème
suivant : quasiment tous les mails que je reçois en anglais sont du
spam, contre très peu des mails en français — du coup, au lieu
d'apprendre à reconnaître le spam et le ham (= non-spam), il a surtout
appris à reconnaître l'anglais du français, et quand on m'envoie un
mail en anglais, très souvent il passe à la poubelle… alors
je me sens assez concerné par ce genre de questions !
[#] Note mentale : il
faudra créer un article Wikipédia sur Verdier.
[#2] Il est vrai que
c'est plutôt le café que les matheux sont censés transformer en
théorèmes, mais il faut un peu de tout : avec du thé on produit
des conjectures, l'espresso donne des lemmes, le capuccino des
corollaires, le jus d'orange des définitions, etc. En revanche, il
faut éviter le déca : avec ça, on produit des contre-exemples —
ça a la saveur d'un théorème, mais on send bien qu'il manque quelque
chose. Et évidemment, le Coca-Cola, lui, donne des programmes
informatiques.
[#3] Comme
l'incompréhension totale devant les dernières mesures prises par les
responsables hygiène et sécurité de l'établissement, ou la
difficulté de trouver un quatrième partenaire pour jouer au
bridge.
[#4] En cette saison de
l'année, ce genre de potins prennent assurément une tournure la vie
est dure, mais ce n'est pas toujours le cas. Un de mes collègues
soutient bientôt sa thèse, alors on discutait de comment il faut
décoder les phrases dans les rapports du jury : si c'est écrit
a prouvé de bonnes qualités d'enseignant, ça veut dire qu'ils
pensent que tu es un mauvais chercheur…
[#5] Nous, en
l'occurrence, c'est surtout Xavier Caruso et moi.
Il peut tout nier mais des gens l'ont vu.
[#6] D'ailleurs, on
remarquait justement que, selon les auteurs, le corps a un élément
semble avoir (au sens du nombre de points de le droite affine sur ce
corps…) deux ou trois éléments. Mais si on
tient absolument à avoir une réponse intuitive, l'idée serait que le
corps à un élément a un 1 mais n'a pas de 0 — explication à ne
pas prendre très au sérieux, cependant !
Non, le titre de cette entrée n'est (heureusement !) pas un
diagnostic médical qu'on aurait formulé à mon sujet. C'est plutôt une
impression « artistique » — si j'ose dire — d'un état
mental, pas forcément désagréable, où je me trouve. L'impression
d'avoir quantités d'idées, de sentiments, de mèmes, qui me tournent autour de la
tête, mais où aucun ne semble s'imposer nettement. Je poursuis
mentalement une de ces idées pendant quelques secondes, puis une
autre, puis une autre, et je papillonne sans aller nulle part, mais
sans en ressentir d'angoisse particulière pour autant. C'est un état
fréquent lorsque je m'apprête (surtout le soir) à écrire une entrée
dans mon blog (surtout après une pause) et que je me demande de
quoi vais-je parler aujourd'hui ? — quantités d'idées se
présentent à moi, puis repartent. C'est l'état de l'écrivain devant
la feuille blanche, particulièrement l'adorateur de l'éclectisme.
Parfois des potentialités peuvent se
former dans ce magma. Dans ces cas-là, souvent, je préfère ne pas
gâcher cet état et ne rien écrire (choisir une idée pour la poursuivre
durablement a tendance à me faire sortir de cette sorte d'euphorie) :
j'écoute des morceaux de musique variés, passant aléatoirement d'un
style à un autre comme mon imagination vagabonde d'une idée à une
autre.
Mais là, en fait, je crois qu'il est surtout temps de me
coucher.
Bon, je crois que je vais mieux, notamment après avoir passé une
vingtaine d'heures à dormir et m'être aéré les idées (je suis allé
voir Transamerica,
que j'ai trouvé très bon). J'ai aussi reçu des mails qui m'ont
remonté le moral en me faisant comprendre que je ne devais vraiment
pas prendre mes résultats de concours comme un désaveu de la part de
la communauté mathématique.
Après une nuit passée à alterner cauchemars et insomnies, je me dis
que je suis en train de craquer complètement.
Je pense qu'un bout d'aide médicamenteuse ne serait pas inutile le
temps que j'arrive à recoller un peu les morceaux : à moins d'une
(improbable) amélioration rapide, je vais sans doute me mettre à la recherche d'un psychiatre
compétent. En attendant, je vais au moins essayer que tout ça
n'affecte pas mon travail…
P.S. : La lecture de mon blog
doit être vraiment inintéressante pour plein de gens, en ce moment,
surtout si on vient pour l'éclectisme habituel de mes sujets de
discussion… Je vais sans doute parler encore un peu de mes
échecs, histoire d'évacuer ce que j'ai à dire, et puis, promis,
j'essaie de passer à autre chose et de ne pas ruminer.
Là je ne gagne même pas un lot de consolation : ils ne m'ont pas
classé. Sans doute mon impression
d'avoir assez bien réussi mon exposé était fausse, ou peut-être la
commission avait-elle déjà fait son choix.
Je ne suis pas sûr de poser de nouvelles candidatures l'an
prochain : je ne me sens vraiment pas capable, ni de passer un an à
être sous la pression infernale de « si je ne publie pas un truc de
plus, je suis foutu », ni de vivre une fois de plus un effondrement
nerveux tel que je l'ai connu ces derniers jours. D'un autre côté, si
je n'ai pas le droit d'être mathématicien, je ne sais pas ce que je
suis capable de faire d'autre (si c'est juste pour avoir de quoi
manger, je peux certainement faire prof en lycée, mais je ne sais pas
si je suis mentalement capable de ne pas faire des maths).
Me voilà revenu de ma dernière
audition pour cette année. Difficile, évidemment, de juger si ça
s'est bien passé, mais disons au moins que je n'ai pas l'impression
d'avoir fait beaucoup moins bien que ce que j'aurais pu (au moins
compte tenu du fait que j'étais mort de trouille et que je n'avais
dormi que trois heures la nuit précédente). L'exercice consistant à
faire un exposé à la fois compréhensible pour les non spécialistes du
domaine (pour leur donner quand même une idée de la portée de mes
travaux) et intéressant pour les spécialistes (donc qui ne reste pas
dans de vagues généralités) était assez impossible, mais je crois ne
pas avoir complètement échoué pour autant. Les questions, d'ailleurs,
avaient plus tendance à porter sur le contenu mathématique que lors de
mes deux précédentes auditions, et c'était plutôt agréable. En somme,
si on ne retient pas ma candidature, je prendrai ça comme un signe que
mes thèmes de recherche ne sont pas ceux qu'ils veulent
prioritairement voir développés à l'ENS Lyon et pas comme
un échec personnel.
Sur le plan de l'aménagement intérieur, l'École (que je ne
connaissais que très vaguement), ou au moins ce que j'ai vu du
département de maths, m'a fait bonne impression, d'ailleurs : je ne
saurais pas dire en quoi exactement, mais il y a un petit effet
cocon assez plaisant. En revanche, ça ressemble aussi à un
labyrinthe, et il faut un badge partout (j'ai dû laisser une pièce
d'identité à l'entrée juste pour pouvoir franchir la porte, ce qui
n'est vraiment pas le genre à Paris). Merci, au passage, à celui qui
m'a aidé à retrouver mon chemin pour sortir (et pour localiser le
bureau d'un ami, qui n'était cependant pas là). Et merci à Maman
mouton qui m'a amené sur place dans les temps et malgré les
embouteillages.
Bon, pour me remettre de ces émotions, je vais de
ce pas faire quelques courses.
Je passe après-demain matin mon audition à l'ENS Lyon. Ce sera la
dernière pour cette année. L'originalité de cette audition, c'est
notamment qu'il s'agit de la création d'une nouvelle équipe (algèbre /
théorie des nombres : domaines encore non représentés à Lyon ; c'est
une idée que je trouve excitante), donc il s'agit de « vendre » mon
domaine de recherche à des mathématiciens spécialistes, pour la
plupart, de tout autres branches : heureusement, j'ai un peu plus de
temps pour ça (15′–20′) que je n'en avais à Paris VI. Hélas, j'ai peur d'être
assez peu doué pour me « vendre » ; et c'est d'ailleurs un exercice
hautement périlleux : parmi les capacités qui me rendraient, je pense
éventuellement désirable pour la création d'une nouvelle équipe
d'algébristes, il y a le fait que je connais beaucoup de gens
(typiquement normaliens) un peu ou beaucoup plus jeunes que moi, dans
des domaines voisins du mien ou plus éloignés, et que je m'intéresse
aussi à ce que font les matheux dans les branches plus lointains, que
j'arrive à tenir des conversations scientifiquement intéressantes avec
eux : mais tout ça, c'est à peu près impossible à faire ressortir dans
ce genre d'exposé (si je dis j'ai une grande culture
mathématique, ça fait ridiculement prétentieux, par exemple). Et
bien sûr, tous les candidats auditionnés sont terriblement forts.
Bref, globalement, je ne dois pas trop compter sur ce poste (qui,
pourtant, me plairait énormément) ; mais ce serait absurde de ne pas
tenter quand même de le décrocher.
Je voyage demain, donc (mes transparents et mon pointeur laser sont prêts, mon exposé a
été répété, et maman Mouton m'accueille pour la nuit de lundi à mardi
— où je vais sûrement bien peu dormir à cause du stress).
Université de Paris VI, recrutement des maîtres de conférences,
section 25, poste nº0971 (algèbre et arithmétique effectives), sur
sept candidats auditionnés :
Pierre Charollois
David Madore
Amaury Thuillier
Gabor Wiese
Je repars avec comme cadeau de consolation un dictionnaire de poche
des mathématiques… ah non, même pas. Bon, je repars avec le
droit de prier pour que le Monsieur avant moi trouve très rapidement
un poste payé dix fois plus, ou qu'il ne supporte pas l'idée de
l'amiante de Jussieu ou quelque chose comme ça. Peu probable, quand
même.
Sur l'autre poste à Jussieu, et sur le poste à Caen, je ne suis pas
classé. Il me reste une audition à passer pour cette année, à
l'ENS Lyon.
Je ne sais pas ce que je m'attendais à trouver dans les urgences
d'un grand hôpital, mais certainement pas ce que j'ai vu. En fait, je crois que je
pensais trouver des salles d'attente bondées et vaguement crasseuses
où les lits s'entassent et où on poireaute des heures pendant que les
médecins et infirmiers courent dans tous les sens pour s'occuper de
tout ce monde. Comme dans la série, quoi. Eh
bien absolument pas. D'abord, ce n'est pas crasseux, c'est
incroyablement propre : en fait, je n'ai jamais vu, nulle
part, un endroit aussi impeccable que les couloirs des urgences de la
Pitié-Salpêtrière ;
c'est rassurant, évidemment, s'agissant d'un hôpital, mais je pouvais
imaginer un bon niveau d'asepsie sans une telle propreté
— apparemment les deux vont ensemble. Ensuite, ce n'était pas
bondé : c'était même plutôt désert quand je me suis pointé vers 8h30,
et ce n'était toujours pas très chargé quand je suis reparti vers 13h.
En revanche, comme on peut le constater sur ces horaires, on attend
effectivement. Beaucoup. Longtemps. Et on ne sait pas très bien
quoi : tout le personnel a l'air très affairé, mais il a aussi l'air
de beaucoup ignorer les patients, comme si ceux-ci étaient des
spectateurs, autorisés à regarder mais sûrement pas à participer, dans
leurs tâches ésotériques. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne soient
pas gentils : les quatre soignants à qui j'ai principalement eu
affaire étaient tout à fait amicaux et souriants. Mais affairés.
Revenons donc au début : j'ai commencé à me sentir nauséeux hier
soir, et pendant que j'étais au cinéma (voir C.R.A.Z.Y.
— j'essaierai d'en parler plus en détail plus tard — que
du coup je n'ai pas vraiment pu apprécier) je me suis trouvé de plus
en plus mal, j'ai pensé que rentrer à pied (depuis Bercy)
me ferait du bien, mais ça n'a fait qu'empirer, puis j'ai commencé à
vomir énormément, et du coup je n'ai à peu près pas dormi de la nuit.
Comme je ne sais pas distinguer, moi, les symptômes d'une
gastro-entérite de ceux d'un empoisonnement alimentaire ou de quelque
chose de plus grave, je me suis dit que j'allais pointer aux urgences
(où, par exemple, ils pourraient faire des analyses qu'un médecin en
consultation ne pourrait pas faire). Bon, c'était peut-être exagéré
(d'un autre côté, quand je vois la plupart des autres gens qui étaient
là, aux urgences, je ne crois pas) mais j'avoue que je me sentais
vraiment mal et que j'appréciais l'idée d'être pris en charge.
On commence donc vers 8h30. Je passe sur le premier problème qui
est de trouver les urgences dans cet immense dédale qu'est la Pitié
(je ne sais pas s'il y a un classement quelque part des hôpitaux par
leur taille, mais il est certainement en bonne place) : en fait, une
fois qu'on a la bonne idée de se rendre compte que c'est fléché au
sol, c'est facile. Une fois dans le bon bâtiment, on est déjà étonné
de trouver l'endroit désert (je veux dire, le hall d'accueil). On
demande à être admis : mais avant cela il faut poireauter une bonne
vingtaine de minutes pendant que la secrétaire (seule, appparemment, à
sa machine) s'occupe de trouver le dossier informatique du Monsieur
qu'une demi-douzaine de beaux pompiers musclés ont amené (le Monsieur,
apparemment, est un habitué, rigolent les pompiers, mais trouver son
dossier s'avère un peu compliqué puisque l'orthographe de son nom est
au mieux incertaine — est-ce Caquelin, Caquelain,
Caclain… ? — et que la date de naissance ne coïncide
pas). Après quoi, on vous fait passer devant une infirmière (ou
peut-être pas une infirmière, je ne sais pas, en fait) qui fait une
première interrogation rapide sur les symptômes (et prend température,
tension et pouls — seul le pouls est un peu rapide) et qui
trouve manifestement très exagéré (même si elle reste impeccablement
professionnelle) qu'avec un tableau comme nausées, vomissements,
diarrhée on se présente aux urgences. Ce en quoi elle n'a pas
forcément tort, en tout cas elle dit qu'elle va demander un
avis, mais voilà que passe un grand ponte des urgences (enfin, je
pense), le docteur Mohamed B. (praticien attaché de sa fonction), qui
fait un grand sourire et qui dit que, évidemment qu'il faut admettre
cette personne : Monsieur se présente à l'hôpital pour être soigné,
Monsieur sera soigné à l'hôpital (phrase prononcée avec un brin
d'humour — mais pas moqueur — et on verra dans un instant
pourquoi).
Ensuite on vous fait attendre devant le poste infirmier 2,
et une grosse demi-heure passe sans qu'on sache au juste à quoi on
doit s'attendre. Là, une charmante jeune personne vient vous mener
dans une chambre qui, ici, s'appelle un box : elle explique
qu'elle s'appelle Katharina H., qu'elle est élève externe (et
allemande en bourse Erasmus — mais elle parle plus que
correctement le français), qu'elle va poser un certain nombre de
questions et quelques examens sommaires, dont les réponses seront
notées et ensuite présentées à un interne. (À ce stade-là, il est
environ 9h30.) Elle, elle ne semble pas penser que ce soit absurde
d'être venu aux urgences pour des nausées (ou, si elle le pense, elle
le cache fort bien). L'interrogatoire est mené avec précision (on
apprendra ensuite qu'elle a oublié quelques questions, comme savoir
s'il y avait du sang dans mes selles), je m'efforce d'y répondre de
façon claire et fonctionnelle, et toutes les réponses sont saisies
dans mon dossier informatique. Puis on me laisse un moment dans le
box, et l'interne arrive et se présente, il s'agit du docteur
Anne L. (et elle est également tout à fait charmante) : elle me pose
une ou deux questions que l'externe avait oubliées, elle conclut que
tout va bien, mais elle explique qu'avant de me laisser partir elle
doit faire approuver le dossier par un sénior, et qu'elle va le
chercher.
Le sénior en question, c'est le docteur Mohamed B. déjà
évoqué plus haut. Il se pointe et il dit que tout va bien mais que
pour en être sûr on va se livrer à quelques analyses
supplémentaires (i.e., une prise de sang, pour vérifier que je ne
fais ni d'anémie — il paraît que j'ai le teint pâle — ni
de déshydratation). En fait, on comprend vite que son idée est de
profiter d'un patient sans complication particulière (moi, donc) pour
se servir de moi pour permettre à une élève infirmière de s'exercer à
la prise de sang et pour expliquer à l'externe comment mener l'examen
neurologique sommaire qu'elle avait omis (mais que l'interne n'avait
pas non plus pensé à mener). Du coup, je gagne une petite
prolongation de parcours (et le droit de porter pendant un moment
l'uniforme bleu ciel des patients), à laquelle je me soumets de bonne
grâce (surtout que je vais y gagner un bilan sanguin, ce qui est
toujours bon à prendre). Une élève infirmière, donc, me pose un
cathlon, qui est un petit orifice placé dans une veine et qui
sert à ne piquer qu'une fois même si on aura besoin de faire plusieurs
prises de sang, une perfusion, etc. (enfin, dans mon cas, ça n'a servi
à rien) : elle est plutôt timide, elle semble assez paniquée à l'idée
de me faire mal, ou de mal faire, et du coup elle est d'un soin
méticuleux presque maniaque pour ce qui est d'asurer l'asepsie. Mes
échantillons de sang partent au laboratoire, et on me laisse seul un
moment, puis le sénior revient avec l'externe (il doit être
environ 11h15) et lui montre comment faire le fameux examen
neurologique (genre, ensuite vous lui dites de se lever et de se
tenir debout les pieds reserrés et les yeux fermés, maintenant
on teste ses réflexe, là la réflexe au tendon d'Achille <bim>,
là au genou <boum>, etc.), ce qui était plutôt rigolo :
j'aurai pu servir à l'instruction des futurs médecins (allemands, en
plus).
Ce qui est moins rigolo, c'est qu'il me faut ensuite encore
poireauter plus d'une heure et demie devant le poste infirmier en
attendant que mes résultats d'analyse reviennent, soient lus par
l'interne (qui confirme que tout va bien et que le diagnostic est :
gastro-entérite virale) et approuvés par le sénior. Mon
conseil, donc, si on va aux urgences par ses propres moyens, c'est d'y
apporter de quoi bouquiner, parce que même en regardant les pompiers
qui amènent de temps en temps des nouveaux patients (ou, selon les
goûts de chacun, les charmantes internes/externes/infirmières), on
finit par s'ennuyer ferme. Il est vrai que dans la copie que j'ai
reçue du dossier hospitalier il est écrit priorité 4, qui est
sans doute le plus bas possible (et c'est normal, évidemment —
mais je n'ai pas non plus vu de gens qui avaient vraiment l'air
d'avoir besoin de soins terriblement urgents).
J'en ressors, donc, avec plein de papiers (dont le bilan sanguin et
un compte-rendu très détaillé de la journée) et un petit trou dans une
veine qui va me donner un joli look de junkie. Et surtout le
conseil : Buvez du jus de pomme !
J'ai la nausée comme j'ai rarement eu depuis quand j'étais petit :
j'ai commencé à avoir mal au cœur vers 21h, je crois, il est
maintenant 2h30 du matin et j'ai l'impression que ça va de pire en
pire. Je viens de passer deux fois au vomitorium et je ne sais pas si
j'en ai encore fini.
Ai-je mangé quelque chose qui ne m'allait vraiment pas (je pense
que c'est ça — et je soupçonne soit les nuggets de poulet
de la cantine soit un verre de jus d'orange que j'ai bu plus tard), ou
est-ce la contrariété ? Ou encore, ai-je pris à tort pour un rhume quelque chose qui m'attaque
également ailleurs ? Toujours est-il que c'est vraiment peu
agréable.
Mise à jour () : Après
quelques heures de vague sommeil entrecoupées de séances devant la
cuvette des toilettes, il est possible que les vomissements soient
terminés, mais le problème est maintenant surtout que je suis dévoré
par la soif, et ça ne sert à rien de boire puisque mon estomac est en
mode où il ne laisse décidément rien passer, même de l'eau plate.
Mise à jour () : Bon, pour ne
pas prendre de risque avec ça, je vais aux urgences (de la Pitié).
Mise à jour () : J'en suis
sorti. C'était un peu surréaliste, mais je raconte ça plus tard.
Mon premier jeu d'auditions est fini (suite et fin mardi prochain).
Je passe donc du stade de craquage
nerveux au stade de déprime avancée. Pas que ce se soit mal passé
(enfin, ça ne s'est pas spécialement bien passé non plus
— à vrai dire, je n'en ai aucune idée, je sais juste que j'ai
été plutôt trop court, question temps, à force de m'entraîner à aller
vite, mais ce n'est sans doute pas très important) : mais l'exercice
— me faire connaître en 10′ alors que j'aurais eu
tellement de choses à faire comprendre — est tellement absurde
que c'est profondément déprimant.
Je ne tiens pas à en parler plus pour le moment, alors je vais me
coucher.
(En revanche, mon rhume, lui,
n'aura pas été trop gênant : c'est un rhume plutôt léger. Il y a même
un soir où il m'a aidé à dormir, puisque j'étais un peu plus fatigué,
du coup ; bon, en revanche, la nuit dernière, c'était gênant parce que
j'avais du mal à respirer, mais de toute façon, même sans rhume, je
n'aurais pas beaucoup dormi.)
Je crois que je suis retombé malade (tiens, ça faisait un certain temps). Le timing est vraiment
idéalement choisi : il y a des
chances pour que le pire moment soit justement… ben dans cinq
jours… c'est-à-dire quand je serai censé jouer ma carrière en
dix minutes chrono.
Les résultats du concours du CNRS seront probablement
connus d'ici un ou deux jours. Je n'ai que très peu d'espoir pour
moi-même (ne serait-ce que parce que, comme m'a averti un jour mon
directeur de thèse : votre thèse ne contient pas de cohomologie, et
donc n'impressionnera jamais les Français), donc je ne suis pas
trop stressé[#], mais cela m'offre
l'occasion de réfléchir à ce système bizarre de recrutement des
mathématiciens par concours.
Outre que le nombre de places est ridiculement faible eu égard au
nombre de candidats (12 places pour autour de 260 candidats), je vois
au moins deux problèmes graves à recruter par concours. Le premier,
c'est que concours implique classement et qu'il est impossible de
comparer deux candidats, étant donné qu'ils ne passent pas une épreuve
mais présentent un dossier, et que le jury en est donc réduit à
l'absurdité de savoir s'il vaut mieux avoir démontré le théorème
foo ou le théorème bar[#2], sachant qu'en général l'un
n'implique pas trivialement l'autre donc un classement ne correspond
pas à un ordre logique, bref, de faire un tri plus entre les domaines
de recherche qu'entre les candidats. Le second problème, encore plus
grave, c'est que c'est fondamentalement contraire à l'esprit de la
recherche, telle que je la conçois, que de placer les chercheurs
dans une situation de compétition : le principe même de la
science est d'être une collaboration entre les hommes contre,
disons, globalement, l'adversité (les forces de la nature ou, dans le
cas des mathématiques, la difficulté à mettre de l'ordre dans le
paradis platonique). Et même si le métier du mathématicien est
largement solitaire (ce en quoi il diffère radicalement de celui qui
travaille dans les sciences expérimentales), il n'en demeure pas moins
que nous travaillons pour une cause commune et que nous
mettre en concurrence les uns avec les autres est exactement opposé à
ce que nous voudrions faire.
J'ai néanmoins l'impression, pour ce que je vois d'autres branches
de la science, que les mathématiques sont très gentlemanly, c'est-à-dire qu'on ne se tire pas dans
les pattes (en refusant de communiquer des résultats, ou ce genre de
choses), du moins beaucoup moins qu'ailleurs. C'est sans doute une
des raisons qui m'ont poussé dans cette direction (après mon
inclination naturelle, bien entendu) : je m'en réjouis donc. Mais
même : personnellement j'ai découvert que je travaillais bien plus
efficacement lorsque j'ai l'impression que ma réflexion est dénuée de
tout enjeu — et surtout celui de ma carrière — lorsque je
travaille, donc, gratis pro amore arithmeticæ[#3] ; je suppose que je suis loin
d'être le seul dans ce cas, et, par conséquent, cela doit faire
beaucoup de productivités qui sont réduites par le simple fait de
placer les gens en situation de concurrence.
Je n'irais pas jusqu'à honnir celui qui travaillerait pour la
gloire : je comprends que, pour certains, c'est un stimulant utile,
voire nécessaire. Ce n'est pas mon cas, et je trouve que la
satisfaction d'avoir démontré un théorème prime sur toute réputation
qu'il peut vous valoir. (Ou, pour dire les choses autrement, si un
génie pervers m'offrait le choix entre réussir par moi-même à
démontrer l'hypothèse de Riemann mais devoir n'en tirer aucune gloire,
ou bien en trouver une démonstration toute cuite par magie dans mon
tiroir et pouvoir la publier à mon nom, je n'hésiterais pas une
seconde à choisir le premier.) Je suis donc partagé quant au bon goût
de nommer les théorèmes d'après les mathématiciens qui les ont trouvés
— c'est une chose, d'ailleurs, que Bourbaki a toujours refusée.
Et si un jour j'estime ma carrière suffisamment avancée, je pense que
je ferai publiquement savoir que toutes mes publications seront
désormais anonymes (ce qui ne veut pas dire que l'auteur soit
totalement secret[#4],
mais qu'il ne figure pas sur l'article et qu'on doive donc citer ce
dernier par son simple titre) et j'inciterai d'autres à en faire de
même : l'idéal étant même d'être complètement oublié sauf dans la
mesure où cela aide à la recherche[#5] (par exemple, pour savoir qui
est compétent pour répondre à telle ou telle question).
J'allais dire que la compétition devrait être laissée à l'esprit
combatif des plus jeunes, mais même dans ce cas c'est douteux. Plutôt
qu'organiser des olympiades de mathématiques, ne devrait-on
pas concevoir des défis où des groupes de jeunes reçoivent des
problèmes à résoudre collectivement, se les répartissent
comme ils veulent, partagent leurs idées pour arriver à une solution,
et sont collectivement récompensés s'ils parviennent au bout d'un
nombre important de problèmes ? Car l'idée du concours, une fois
qu'elle rentre dans les esprits, n'est pas si facilement délogée (ma
maman, par exemple, n'a toujours pas compris que c'est une bêtise
dangereuse que sa fierté maternelle d'avoir eu un petit garçon qui
réussissait bien).
Hélas, mille fois hélas ! Si je dis que le concours est gravement
délétère pour les mathématiques (et sans doute pour les autres
sciences, même si je ne peux pas vraiment parler pour elles), je ne
sais pas quoi proposer à la place. Je me suis dit un moment que ce
serait peut-être un moindre mal d'avoir un examen avec un numerus
clausus roulant sur plusieurs années, mais au mieux cela reviendrait
au même et au pire cela conduirait à des spéculations malsaines sur
qui pourrait venir les années suivantes. Je reste du moins persuadé
que tant qu'à avoir des concours, il faut qu'ils soient placés
relativement en amont dans la carrière (donc, si possible,
avant la thèse), pour éviter que des jeunes se retrouvent
devant la situation où, ah, vous avez passé dix ans de votre vie à
travailler pour ça ? merci d'avoir joué, nous n'avons pas de place
pour vous…
[#] Ce qui m'inquiète
plus, en fait, est de savoir combien de places de maîtres de
conférences seront libérées par le fait que les candidats déjà admis
au CNRS sont essentiellement rayés des listes.
[#2] Déjà, il est
douteux que la qualité d'un mathématicien (c'est-à-dire sa capacité à
faire avancer la recherche) se réduise à sa production de théorèmes
(qui mesure sans doute, plutôt sa consommation de
café) : c'est faire l'impasse sur sa capacité à reformuler des
démonstrations qui existent déjà, à discuter avec d'autres
mathématiciens pour les aider à éclaircir leurs propres idées ou leur
proposer des pistes intéressantes, etc. Et bien sûr, à poser les
bonnes questions : car la recherche, c'est au moins autant de poser les bonnes questions que d'y
trouver la réponse.
[#3] Certains
pourraient être tentés de me rétorquer que j'ai bien réussi des
concours, dans ma jeunesse. En vérité, je n'ai jamais travaillé
pour eux : j'ai travaillé avant, et j'ai passé ces concours
pour voir ce qu'ils donnaient.
[#4] Je ne veux pas
priver les historiens des mathématiques de leur travail, en le rendant
impossible !
[#5] Ou à
l'enseignement, d'ailleurs… un effet positif inattendu de sa
relative déconsidération dans le système français est qu'il n'y a pas
de compétition à ce niveau-là : enseigner, c'est vraiment se mettre
dans le même camp que les autres enseignants et aussi que ceux à qui
on enseigne.
J'ai une mémoire essentiellement auditive, au moins par opposition
à visuelle (je ne parle pas de mémoire conceptuelle ou procédurale).
Sans avoir fait des statistiques sérieuses, j'ai l'impression que
c'est relativement rare : la plupart des gens me disent, quand ils
retiennent un texte par cœur, qu'ils « voient » mentalement le
texte écrit, alors que moi, indiscutablement, je l'« entends ».
D'autres signes sont également clairs : si on me montre brièvement un
arrangement de sept signes géométriques simples (dans le genre carré /
rond / triangle / croix), je ne suis pas capable de les reproduire,
alors que si on prononce sept syllabes dénuées de sens, je peux sans
difficulté les répéter. (Je me tiens à sept, parce que c'est
généralement admis comme le nombre le plus commun de cases de stockage
pour ce genre de mémoire à court terme, et d'ailleurs peut-être lié à
des raisons dans la structure du cortex.) Autre exemple : je connais
une cinquantaine de décimales du nombre π (normalement je n'ai pas
trop « la mémoire des chiffres », là je les ai apprises quand j'étais
petit et jamais oubliées depuis), mais je les retiens comme une
contine : trois virgule un quatre un cinq neuf deux six cinq trois
cinq, etc., et je serais incapable de prononcer les chiffres groupés
diffémment (comme : trois virgule quatorze quinze quatre-vingt-douze
soixante-cinq trente-cinq, etc.) ou dans une autre langue (comme :
three point one four one five nine two six five
three five), alors que quelqu'un qui « verrait » les chiffres
défiler pourrait plus facilement les lire dans une autre langue.
Accessoirement, il m'est deux fois plus difficile de retenir un zéro
qu'un autre chiffre, pour la raison totalement idiote qu'en français
le mot « zéro » a deux syllabes !
La chose est assez frappante comme en ce moment (depuis
trois-quatre semaines) j'essaie d'apprendre le japonais avec la
méthode Assimil (dont le
principe, qui me semble globalement très bon, est : commencez par
écouter, répéter, lire et comprendre, ne cherchez pas spécialement à
apprendre le vocabulaire, essayez juste de vous familiariser avec le
texte jusqu'à ce qu'il vous semble naturel, puis passez à la leçon
suivante) : la compréhension à l'écoute me vient vite, je retiens
énormément de bouts de phrase ou de phrases entières[#], alors que l'écriture me reste
décidément opaque (je me suis forcé à apprendre à lire au moins tous
les kanas — ce qui ne veut pas dire que je ne mets pas un temps
considérable à en reconnaître certains — mais je ne sais même
pas les retracer, et pas non plus les kanjis sauf un ou deux). Il
faut dire que, là, la méthode incite à la paresse parce qu'elle
transcrit systématiquement tout en rōmaji (Hepburn) : du coup,
je retape les textes sur mon ordinateur pour pouvoir le relire ensuite
en écriture japonaise (mais avec ruby[#2]).
Une conséquence de ma mémoire auditive, c'est que je connais pas
mal de textes par cœur. Je veux dire : je ne suis pas du tout
du genre à retenir des tables de capitales des pays du monde (quelle
est la capitale du Bhoutan ? Timphou — etc.). En
revanche, des pages célèbres, des discours, des poèmes, des chansons,
oui, tout à fait. Enfin, au total, pas énormément (sans doute moins
qu'un acteur qui apprendrait par cœur les répliques d'une seule
pièce), mais des textes extrêmement éclectiques. Souvent je
n'ai même pas fait d'effort particulier pour apprendre (un jour par
exemple je me suis rendu compte que je connaissais les quatre premiers
paragraphes de la déclaration
d'indépendance des États-Unis alors que je n'avais pas
spécialement voulu, je m'étais contenté de la lire attentivement et
d'en apprécier la construction). Et j'ai aussi tendance à ne pas
oublier ce que j'ai appris : c'est ainsi que je connais encore par
cœur un long passage de
Pouchkine en russe que javais dû apprendre en terminale, alors
qu'il y a beaucoup de mots dont j'ai oublié le sens (parce que le
russe, lui, je l'ai beaucoup oublié). Globalement, les choses que
j'apprends sont tout de même surtout des répliques théâtrales qui me
semblent particulièrement fortes ou célèbres (comme le fameux
monologue de la
scène 1 de l'acte III de Hamlet ou les
scènes 4 et 5 de l'acte I du Cid), des poèmes que j'aime lire et réciter, et, parmi les
chansons, des hymnes (on a déjà eu un
exemple ici, et, de peur qu'on me prenne pour un dangereux
gauchiste parce que je connais les six strophes de
l'Internationale (mais en français, pas en russe), je
sais aussi les hymnes nationaux anglais, allemand, américain ou
canadien) et des paroles de génériques
idiots et quelques tubes en tous genres — parce que c'est
conçu pour rester facilement en mémoire. D'ailleurs, c'est pareil
pour les vers : je crois que j'ai une affinité particulière pour la
structure de l'alexandrin, et décidément les sonnets de Heredia passent mieux que de
la prose ; je suppose que quelqu'un qui a une mémoire surtout visuelle
n'y trouverait pas trop de différence.
Tout ceci est tragiquement inutile, évidemment. Certes, une fois
j'ai pu faire impression en maudissant quelqu'un à la manière
d'Agrippine (dans Britannicus) : Tes remords te
suivront comme autant de furies, etc. Mais généralement on
s'aperçoit assez vite que mon répertoire est, finalement, assez
pauvre, et que quand je cite
Faust, ce sont essentiellement toujours les mêmes
vers.
(Et, non, avant que quelqu'un me pose la question, je ne fais pas
de théâtre, et je n'ai pas l'intention d'en faire. Même si plein de
gens me disent que je devrais.)
[#] En fait, j'avais
fait un an de japonais quand j'étais élève à l'ENS :
c'est-à-dire que j'avais juste assisté aux cours sans rien chercher à
retenir, et évidemment, du coup, il ne m'en est rien resté, à part
quelques hiraganas et une unique
phrase, この 着物 は
青く ありません —
mais je précise que je sais seulement la prononcer, pas l'écrire,
justement. Cela signifie : ce kimono n'est pas bleu. Un peu
difficile à placer dans la conversation, surtout quand c'est
la seule phrase qu'on connaisse.
[#2] Et j'en profite
pour déplorer le fait que Mozilla/Firefox ne gère pas
du tout le ruby ; et le
pire, c'est que s'il y a moyen de contourner cette limitation en
faisant du CSS un peu sioux (à base de display:
inline-table et autres horreurs), une obscurité dans un point
de la norme CSS (sur l'existence d'une ligne de base de
certaines boîtes) et un changement d'interprétation dans certaines
versions du Lézard font que je n'ai absolument pas réussi à produire
un document qui s'affiche correctement partout (l'alignement vertical
est aléatoire).
Suite :cette
entrée ultérieure est une sorte de suite, de complément ou de
redite de à celle-ci (je l'ai écrite alors que j'avais plus ou moins
oublié celle-ci).
Il y a à peu près trois ans, au moment où j'ai commencé ce blog, j'avais une certaine
vie sociale : par exemple, je fréquentais une (voire deux) associations d'étudiants
gays&lesbiennes, je traînais sur des canaux IRC (je
veux dire, des canaux où les gens se rencontrent parfois en vrai, ils
ne se contentent pas de se parler virtuellement), je lisais un bon
nombre de blogs, et je sortais régulièrement (au moins pour me
promener). Et puis, je ne sais pas bien comment, mais sans doute à
cause de périodes de déprime que j'ai traversées, je me suis isolé de
tout ça. Un des prétextes que j(e m)'avance est que « je n'ai pas le
temps », mais, en fait, le temps a une bizarre propriété d'élasticité
qui est que quand on arrête de faire certaines choses parce qu'on est
débordé, on est toujours aussi débordé après qu'avant, donc ça doit
pouvoir marcher à l'envers. Bref, en ce moment, je me trouve trop
coupé du monde, il faut que je fasse un effort pour m'y replonger (au
moins dans la mesure où je l'ai déjà fait par le passé).
Décidément, je n'ai pas de chance avec les cinémas : avant-hier je voulais voir Brokeback Mountain (à 16h15 au
Mk2 Odéon) et j'ai été découragé par la longueur de la
file d'attente, hier soir j'ai voulu aller à la séance de 18h45 à
l'UGC Ciné-Cités des Halles de Good
Night, and Good Luck mais il ne restait plus qu'une place,
alors j'ai voulu revenir pour la séance de 20h40 mais je suis parti de
chez moi trop tard, et comme (à la manière de Woody Allen dans Annie
Hall) je ne supporte pas de rater les premières minutes
d'un film au cinéma, finalement je n'ai rien vu.
Ça ne m'a pas empêché de me coucher tard, parce que mon ordinateur
m'a fait des difficultés. (J'avais acheté un nouveau disque dur pour
remplacer un vieux devenu trop bruyant, et j'ai eu toutes sortes de
soucis avec le RAID1 logiciel, ce qui m'a bouzillé
un système de fichiers XFS, si vous voulez savoir.) Bon,
ce n'est pas forcément mal que je me
sois couché tard.
Sauf que j'avais oublié un rendez-vous chez le dentiste, ce matin.
Heureusement, me réveillant au milieu de la nuit (enfin,
milieu… vers 6h30), je me suis souvenu de ce
rendez-vous. Du coup j'ai mis mon réveil, et, du coup, stressé par
l'idée de ne pas plus dormir, je n'ai effectivement pas plus dormi
(soit un peu moins de quatre heures au total) : ce qui fait que je
suis mort de fatigue, là.
Toujours pour la même dent, bien sûr : c'était la troisième (et
dernière) séance pour sa dévitalisation, là. Je ne sais pas pourquoi
c'est aussi long et compliqué ; et j'évite de poser des questions,
parce que mon dentiste n'est pas trop prompte à donner des
explications ; je sais juste que cette fois-ci elle a
obturé. Ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'elle me fait mal,
maintenant, cette dent, qui est censée être dévitalisée — bon,
de toute façon je revois mon dendiste dans pas longtemps (pour une
petite carie dans une autre dent). Cette dévitalisation n'est, bien
entendu, que le début de mes soucis sur
cette dent (qui durent depuis six mois, quand même) : ensuite, il
va y avoir la pose d'une couronne, ça me fait un peu peur. Pas que
les opérations soient douloureuses, mais ça peut quand même être
extrêmement désagréable (de maintenir la mâchoire ouverte et la langue
en arrière pendant très longtemps, ou d'éviter d'avaler des produits
dégueulasses, notamment de l'eau de Javel, qu'on me met dans la
bouche, ou encore de sentir qu'on m'enfonce des choses dans la
mâchoire et qu'on me la charcute dans tous les sens). Tiens, je n'ai
pas demandé à quoi sert le machin en forme de spirale et qui fait un
bruit genre glou-glou, qui est la première chose qu'on me met dans la
bouche.
Sur le trajet entre le dentiste et l'ENS, j'ai été au
moins réconforté de voir le beau
temps[#] : décidément, c'est
la météo que je préfère, quand il fait beau et froid. Pourtant, je
suis frileux : mais le soleil d'hiver a un caractère vraiment agréable
que n'a pas le soleil d'été.
Le soleil devrait bien se voir de mon bureau, sauf qu'en ce moment
je le fuis à cause du bruit des travaux dans le couloir. On remet
toute l'École aux normes de sécurité. Personnellement je juge ce
genre d'opération perfaitement grotesque (qu'on construise de nouveaux
bâtiments aux normes, oui, mais là, je suis persuadé que le nombre de
vies statistiquement sauvées avec la somme d'argent mise dans ces
travaux est au moins dix fois plus faible que si la même somme
d'argent avait été donnée à un quelconque hôpital ou à une association
charitative ; et je ne parle pas des règles idiotes qui interdisent
maintenant de mettre des affiches dans les escaliers sous prétexte que
ça peut brûler — tiens, bientôt il faudra sans doute supprimer
les bibliothèques si ça continue). On a passé de bons mois sans faux
plafonds, par exemple ; c'est d'ailleurs étonnant à quel point toute
l'ambiance du couloir est transformée par la réapparition de ces faux
plafonds. Toujours est-il que ces travaux font un bruit incroyable et
que je ne peux pas travailler avec un marteau-piqueur à côté de moi,
donc je vais ailleurs. Par exemple dans une salle informatique au
sous-sol (dommage pour le soleil !).
Bon, finalement, je n'irai pas aux États-Unis ce printemps : en
effet, les États-Unis ont des exigences sur les
passeports que je ne peux pas remplir (actuellement je n'ai pas de
passeport, et si je m'en fais faire un, malgré le
décret à ce sujet, il ne sera pas
électronique/biométrique) : du coup, il me faudrait un
visa et, outre que je n'ai pas l'intention de faire des heures de
queue à l'ambassade américaine, ils sont de toute façon complètement
débordés et je ne pourrais pas avoir le visa à temps (surtout qu'on ne
peut même pas prendre rendez-vous pour obtenir le visa avant
d'avoir un passeport valable). Il resterait la possibilité de
chercher à me faire faire un passeport canadien, mais je crois que
c'est encore plus désespéré, là (les formalités étaient, il y a quinze
ans au moins, plus délirantes que tout ce que vous pouvez imaginer,
donc je doute qu'en me pointant comme une fleur à l'ambassade du
Canada avec presque rien pour prouver ma nationalité canadienne, je
puisse avoir le truc en six semaines). Bref, je ne vais pas me tuer à
essayer de voyager quand les obstacles sont tellement énormes : tant
pis pour la science américaine…
En revanche, je vais bien à Caen, vendredi : là, au moins, il ne
faut pas de passeport. D'ailleurs, je dois préparer mon exposé.
[#] Occasion comme une
autre pour faire un lien vers www.meteo-paris.com, que je
recommanderais très vivement si ce n'était que la quantité de pub sous
forme de popups et autres (il y a vraiment de tout !) est
extraordinairement abusive. Faut que je trouve un moyen de désactiver
complètement JavaScript quand mon navigateur va sur ce site, parce que
c'est vraiment insupportable. Parlant de navigateur, d'ailleurs, faut
que je décide, un de ces jours, si je laisse tomber mon très vieux
Mozilla, et, si oui, pour passer à quoi (Firefox m'insupporte
profondément à cause de cette connerie monumentale de barre Google
séparée de la barre d'URL ; et la reprise en main de
Mozilla SeaMonkey par une autre équipe ne me plaît décidément
pas).
Ce soir j'ai vu, avec des amis, trois films inspirés de la légende
de Robin des bois : le très classique avec Errol
Flynn en flamboyant technicolor, le plus récent avec Kevin
Costner et la version déjantée par Mel
Brooks qui parodie les deux précédents. De cette dernière, que je
ne connaissais pas, il n'y a pas grand-chose à dire à part que c'est
de l'humour à la Mel Brooks : donc il y a dedans le meilleur et le
pire (parfois les deux à la fois) ; mais j'ai bien apprécié certains
jeux de langage (ou sur les accents), des trouvailles scénaristiques
(avoir fait de Frère Tuck un rabbin, ce n'était pas mal, par exemple),
ou même les passages musicaux (les morceaux de rap sont vraiment
excellents) et quantité de clins d'œil. L'humour évoque assez
celui de Princess Bride (sans conteste un de mes films préférés : en tout cas, à voir
absolument) ; d'ailleurs, parlant de Princess
Bride, on me souffle que le roman est encore meilleur que le
film qui en est tiré, donc il faudrait que je le lise.
Pour revenir à Robin des bois, j'ai vu les deux autres films quand
j'étais petit. Celui de 1938 quand j'avais peut-être dix ans : si je
suis maintenant complètement incapable de le regarder au premier
degré, à l'époque j'avais été très impressionné par le coup de théâtre de Richard qui se
dévoile devant Robin (et tout le monde s'agenouille ; j'avais, du
coup, tenu à reprendre une scène de ce genre dans l'histoire que
j'écrivais alors).
Le film de Kevin Reynold (qui est bizarre parce qu'il y a des
passages qu'on doit clairement prendre au premier degré alors que la
fin est à la limite aussi burlesque que Mel Brooks, et puis il y a des
scènes où on ne sait vraiment pas à quel degré les voir), je l'avais
vu peu de temps après sa sortie (1991) : il m'avait énormément marqué.
Rien que la musique, j'en étais complètement fan (et d'ailleurs je
trouve toujours qu'elle est bien, et pas seulement Everything I
Do (I Do It for You)). Il y a plusieurs scènes, là aussi, qui
m'avaient marqué (et inspiré, je vous laisse deviner quoi). Et puis
je craquais pour les beaux yeux de Daniel Newman (cherchez pas, c'est
un petit rôle) et surtout de Christian Slater.
Bizarre mythe que celui de Robin des bois dont si j'en crois
Wikipédia on ne sait même pas bien quand il est apparu (et en tout
cas, si le personnage a existé ce n'était pas sous le règne de
Richard Ier Plantagenêt mais plus tard) et qui n'était apparemment pas
au départ un personnage sympathique. Certainement Sir Walter Scott,
dans Ivanhoé (encore une œuvre qui m'a marqué quand
j'étais petit…) a beaucoup contribué à former l'image que nous
en avons maintenant. Dans la réalité, d'ailleurs, Richard
Cœur-de-Lion ne semble pas avoir été particulièrement chagriné
du fait que son petit frère ait comploté contre lui en son absence ;
et il ne semble pas non plus avoir été un roi exceptionnellement
bon.
Un autre film classique de Robin des Bois, c'est la version de Disney,
qui est vraiment bien, mais ça fait assez longtemps que je ne l'ai pas
vue. Je mentionne ça surtout parce que, parlant de ce dessin animé à
un ami, d'autres souvenirs me sont revenus.
Notamment, on m'a mentionné le film Bedknobs and Broomsticks (en français,
L'Apprentie Sorcière), également de Disney : ça ne me
disait rien jusqu'à ce qu'on me parle de la partie bedknobs du titre, des boules d'ornement sur un lit,
qui, quand on les tourne, font un effet magique — et ça, tout
d'un coup, ça a évoqué très fortement quelque chose en moi. Bizarre,
je ne me rappelle rien de ce film (qui est, d'ailleurs, un
mélange de film avec des vrais acteurs et de dessin animé) sauf ce
mème-là… Est-ce que je l'ai vu, ou est-ce que je n'en ai vu
qu'un extrait ? Il faudrait que je me le procure pour en avoir le
cœur net.
Ce souvenir revenu inopinément en rappelle d'autres : des films ou
dessins animés que j'ai vus quand j'étais petit et qui m'ont laissé
des souvenirs ou des images qui remontent sans raison à la
surface.
Par exemple, je me souviens avoir vu autrefois un dessin animé au
graphisme assez raffiné mais très sombre dans lequel un personnage
méchant (un sorcier ou une sorcière) avait un grand miroir magique
ovale de hauteur d'homme (je ne parle pas de Blanche
Neige, bien sûr, mais d'un film qui serait probablement sorti
dans les années '80). Je ne me rappelle rien d'autre : ni le nom ou
la nature du héros ni quoi que ce soit de l'histoire, juste cette
image d'un grand miroir ovale au contour vaguement violet. (Peut-être
que le héros était un petit animal, mais peut-être aussi que je
confonds avec un autre dessin animé.) Hélas, on ne peut pas utiliser
Google ou IMDB pour rechercher tous les films d'animation
sortis dans les années '80 dans le genre fantastique et où
apparaîtrait quelque part sur la fiche le mot miroir (et même
si on pouvait, ce n'est pas sûr que ça donne des résultats
intéressants, par exemple si le dessin animé était français et peu
connu et qu'IMDB n'a rien dessus). Je trouve ça assez
désagréable d'avoir des souvenirs orphelins, comme ça, que je ne sais
pas rattacher à quoi que ce soit.
Toujours en parlant de miroirs, d'ailleurs, en voici un autre : un
film ou un téléfilm (pas un dessin animé, cette fois) où il était
question de magiciens dont je ne me rappelle pas grand-chose sauf un
seul point — la façon de priver un magicien de ses pouvoirs
était de casser un miroir pendant qu'il se regardait dedans (et
peut-être même qu'un liquide vert s'écoulait alors du miroir brisé,
mais peut-être que c'est moi qui extrapole sur un souvenir très flou,
là). Je n'ai pas non plus le moindre souvenir de ce que ça pouvait
être.
Quelle que soit l'évolution ultérieure (mais je pense que le pire
est passé), ceci aura été le pire
rhume que j'aie jamais eu. Je viens de passer 24 heures à dormir la
plupart du temps, en me réveillant toutes les quelques heures avec
l'impression de me noyer tant mon nez est congestionné. Pour me
donner l'impression de faire quelque chose, je me mouche, je nettoie
mes fosses nasales au sérum physiologique, je vérifie si j'ai de la
fièvre (non) et je contrôle l'état de mes ganglions (bien enflés),
j'alterne paracétamol et aspirine (pas terrible, l'aspirine, parce
qu'ensuite j'ai tendance à saigner du nez) et un occasionnel
anti-histaminique (quand ça devient vraiment trop pénible), je prends
de la vitamine C et du magnésium (bonjour effet placébo), je fais
éventuellement une inhalation à l'huile essentielle d'eucalyptus et au
benjoin du Laos (ça c'est plutôt agréable), je bois beaucoup (et je
mange un peu, aussi, parce que, mine de rien, 24h à dormir, ça creuse
l'appétit), et je retourne me coucher. Je pourrais aussi bien agiter
des grigris, pour tout ce que ça fait.
J'en suis au stade où je commence à tousser ce qui, suivant le
tableau clinique[#] habituel de
mes rhumes, veut dire que c'est à peu près fini (avec la nuance que
à peu près autorise tout de même que je tousse pendant des
mois), mais j'ai un peu peur de m'orienter maintenant vers une
sinusite.
Sur ce, je retourne me coucher. (Je ne sais plus très bien quel
jour on est, là, mais j'avais une réunion prévue lundi soir, ce qui
est dommage parce que du coup je vais probablement la rater.)
[#] Il m'échappe un mot,
là, je crois : quel est le terme habituel qui désigne la succession
(et l'évolution) des syndromes qui constituent une maladie
donnée ?
Je pensais naïvement qu'après le rendez-vous d'aujourd'hui j'en
aurais enfin fini de devoir sans arrêt retourner voir le
dentiste. Hélas ! Trois fois hélas ! Elle se contente de me refaire
un pansement (le précédent était tombé) et m'annonce (avec quelques
explications assez obscures et des dessins) que les caries étaient
profondes et mal situées et que pour sauver la dent il faut la
dévitaliser[#], ce qui prendra
déjà au moins trois séances (elle m'a fait déjà prendre trois
rendez-vous en janvier), puis poser un truc dont j'ai oublié le nom,
puis une couronne encore dessus, ce qui prendra encore un temps
invraisemblable et coûtera beaucoup (beaucoup !) de zorkmids.
C'est tellement décourageant, et le processus a l'air tellement
long, tellement incroyablement compliqué et tellement pénible (et
tellement coûteux, mais ça c'est secondaire), tout ça pour « sauver »
(façon de parler) une seule dent, que je commence à me dire que ça ne
vaut pas la peine. Est-ce que je ne devrais pas, simplement, me la
faire arracher ? Après tout, j'ai déjà perdu une dent de l'autre côté (je
ne la fais pas bridger ou quoi que ce soit), et ça n'est pas trop
gênant (dans les deux cas ça ne se voit pas).
[#] Ah, this is
obviously some strange use of the word sauver
that I wasn't previously aware of.
On m'a demandé d'établir une liste de mes films préférés comme j'en
ai déjà fait une
(par ailleurs hautement approximative) de mes livres préférés. Je me
rends compte que c'est encore plus difficile pour les films que pour
les livres, je ne sais pas bien pourquoi : trop de titres me viennent
à l'esprit, aucun ne sort du lot de façon vraiment spectaculaire. Il
y a aussi que, les livres que j'ai lus, je les ai tous (je n'emprunte
jamais un livre), donc quand j'aime je vais avoir tendance à relire
souvent (des passages seulement : je ne relis presque jamais un livre
de la première à la dernière page — je préfère l'ouvrir au
hasard et lire quelques pages, puis éventuellement me rappeler un
autre passage qui m'a beaucoup plu, le relire, etc.). Les films, au
contraire, il y en a beaucoup que je n'ai pas (en DVD ou
autrement), et quand je revois un film, pour le coup, c'est presque
toujours du début à la fin (tout le contraire des livre, donc). Donc
il y a une barrière de volonté plus importante à franchir que pour les
livres (disons que j'ai plus de mal à me motiver pour lire un livre
une première fois que pour aller voir un film, alors que pour relire
un livre ça va tout seul alors que revoir un film il faut que je sois
dans le bon état d'esprit, que j'aie deux heures devant moi, etc.).
Bref, je connais peut-être plus de films que de livres, mais je les
connais moins bien, et ces deux facteurs contribuent à rendre le
classement plus difficile.
Néanmoins, voici une tentative (l'ordre de classement est très
grossier, et j'ai parfois préféré aligner plusieurs films de même
genre que de chercher à établir un ordre total de préférence —
et en tout cas je serais incapable de dire quel est mon film
préféré) :
Bon, on va arrêter là… De toute façon, ce classement n'a
guère de sens : comment pourrais-je comparer un chef d'œuvre
classique comme Citizen Kane ou Blade
Runner (j'ai hésité à les mettre dans la liste : mais je ne
les ai vu qu'une fois, et il y a assez longtemps, donc je ne sais plus
bien), ou un film culte comme l'ancienne trilogie Star Wars, que j'ai pu admirer respectivement
comme chef d'œuvre ou comme film culte et trouver effectivement
« à mon goût », avec un petit film sans grande prétention que j'ai
trouvé absolument excellent comme c'est le cas de George Lucas in Love (probablement le film que
j'ai le plus souvent revu, je dois en être à plus de vingt fois, mais
il faut dire qu'il ne dure que huit minutes !). Sans parler d'un
court métrage complètement obscur comme Le Cas
d'O (je ne l'ai pas trouvé digne de figurer sur la liste,
mais pas très loin). Et puis, il y a des films que j'aurais envie de
revoir mais je ne l'ai pas fait et mon souvenir est donc flou, ce qui
fait que je ne peux pas vraiment les classer, comme Long
Island Expressway ou France
Boutique ou encore Bullworth
(je sais que j'ai vraiment adoré ce dernier quand je l'ai vu, mais
c'est trop loin pour que je sache précisément si je serais encore de
cet avis maintenant). D'autes, comme 8 Mile ou La
Virgen de los sicarios (La Vierge des tueurs),
que je ne sais pas bien juger. D'autres que j'ai appréciés quand je
les ai vus, mais que je n'aurais pas envie de revoir (Charlie's
Angels, par exemple : un moment très distrayant, mais c'est
tout). Sans compter, enfin, tout ce que j'oublie (certainement plein
de classiques du cinéma français, parce qu'ils étaient peu présents
dans les diverses listes que j'ai écumées pour retrouver des
titres) !
Quoi qu'il en soit, on peut prendre chacun des titres mentionnés
dans cette entrée (y compris dans le paragraphe précédent) comme une
recommandation de voir ce film. Et inversement, j'aimerais bien avoir
une grosse base de données qui prendrait cette liste de films et me
sortirait des recommandations (j'avais déjà trouvé un cite de ce
genre, mais il était très orienté USA,
malheureusement).
Le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard
Récemment
un commentateur anonyme (enfin, je sais qui c'est, mais laissons-le
rester anonyme s'il le souhaite) me donna (ou plutôt, me redonna, car
je lui avais moi-même donné, un certain temps plus tôt) ce conseil :
Trouve-toi une (autre) vie. Me trouver une vie (qui ne soit pas
celle d'un freak) ça fait quelque temps que j'y
bosse, en fait. Le problème, c'est qu'on ne trouve pas de cours de
vie, ni de professeurs compétents, et qu'il y a des domaines où j'ai
des années de retard : même en bossant assidûment je ne suis pas
convaincu d'arriver à combler mes lacunes plus vite que les années les
entassent. (Je redouble, voire retriple ou requadruple, mon
adolescence, mais il y a des examens où je me fais tout le temps
recaler.)
Cela fait maintenant plus de deux
ans que je bloggue et, dans cet intervalle, la « blogosphère
francophone » est vraiment devenue un phénomène de masse (disons qu'en
2003 le Français moyen ou même légèrement branché n'avait jamais
entendu le mot blog, en 2005 il est vraiment passé dans le
vocabulaire courant). Au centre de cette sphère, il semble y avoir un
petit cercle[#] assez fermé de
blogs généralement anciens tenus par des gens qui se connaissent, se
lisent les uns les autres, se référencent les uns les autres, et
évoquent généralement des sujets relativement semblables. Une partie
significative sont homos[#2],
d'ailleurs. Trouver quelques-uns de ces blogs (et donc, tous) devrait
être un exercice très facile : il n'est pas nécessaire que je
fournisse des exemples. Un observateur acerbe pourrait être tenté de
ridiculiser le nombre d'entrées de ces blogs consacrées à la
blogosphère elle-même, ses potins, ses blagues, ses mèmes qui passent d'un blog à
l'autre… un peu (dirait cet observateur acerbe) comme si les
célébrités du show-biz lisaient la presse people où on parle
d'elles. Je ne pense pas que ce soit une critique sérieuse :
c'est plutôt, en fait, un signe de santé, un indice d'émergence d'une
communauté dans un sens assez fort et plutôt positif, que cette
tendance à devenir réflexif, à s'observer soi-même. Mais je
digresse.
Je suis moi-même, je veux dire, ce blog est, très éloigné, de ce
centre lumineux de la blogosphère. Pourquoi ? Je ne sais
pas. C'est étrange, finalement, parce que j'ai globalement les
mêmes préoccupations, la même forme de geek-attitude, et je connais
bien quelques-uns de ceux qui y sont beaucoup plus profondément. Mais
la teneur ou, en tout cas, la longueur de mes entrées, est différente,
ce que je serais tenté de résumer en disant que mon blog est plus
chiant (et, tout simplement, plus mauvais) que ceux des autres, mais
je ne sais pas pourquoi. (Et peut-être certains de mes lecteurs[#3] seront-ils tentés d'être en
désaccord, mais il y a un biais évident parce qu'ils sont —
justement — mes lecteurs. Mais même certains de mes amis
proches qui au départ lisaient mon blog ont décroché, plus ou moins
rapidement, et cela me fait très mal : si je n'arrive pas à susciter
l'intérêt chez eux, où le susciterai-je ?) Zeus, même mes lecteurs
sont d'un genre très différent, comme un ami (un bloggueur plus
conventionnel, justement) me le faisait remarquer aujourd'hui : dans
le sens positif (pour moi), le lecteur moyen du blog typique n'a pas
cinq DEA et n'est pas capable de disserter de tout et de
n'importe quoi ; dans le sens négatif, le lecteur moyen du blog
typique n'est pas cinglé. (Avertissement : si vous vous demandez si
vous êtes visé par cette dernière phrase, c'est probablement que vous
ne l'êtes pas…)
Une autre remarque cruellement vraie qu'on m'a faite aujourd'hui,
pour reprendre le fait qu'il y a beaucoup de « blogs gays » dans la
blogosphère (francophone, c'est de celle-là que je parle, mais dans
les autres aussi), c'est que le mien ne peut certainement pas passer
pour tel : il n'y a quasiment pas de « contenu gay » dessus. Ce que
ça veut dire, bien sûr (et c'est pour ça que c'est cruellement vrai),
c'est qu'il n'y a pas de « contenu gay » dans ma vie, pour commencer :
le blog n'en est que le reflet.
J'ai donc un assez triste sentiment d'échec, que ne pourra pas
aténuer l'idée (réelle ou feinte) que mon blog a un intérêt
différent[#4] : le fait
est qu'il n'est pas ce que je voudrais qu'il fût. (Et, de
nouveau, mon blog n'est en cela que le reflet de ma vie.) Et je tire
mon chapeau à d'autres — qui ne le sauront pas parce qu'à deux
ou trois exceptions près ils ne lisent pas mon blog.
[#] Il y a un
cercle au centre de la sphère ? OK, je
craque, mais il est tard, tout ça.
[#2] À moins que ce
soit un biais d'observation de ma part ? Il y a sans doute de ça,
mais je pense vraiment que le nombre de pédébloggueurs est une
proportion plus significative du nombre de bloggueurs « en vue » (dans
n'importe quel sens raisonnable) que 5% ou 10%.
[#3] En excluant les
petits cons qui me lisent juste pour pouvoir poster une méchanceté sur
chaque entrée. Et à qui j'ai envie de donner ce conseil amical : get a life.
[#4] Imaginer
différent exactement comme dans le vocabulaire politiquement
correct : on ne doit plus dire disabled mais differently abled.
I read Peter Beagle's classic, The Last Unicorn, the
other day. I can't quite make up my mind as to whether I liked it.
It's a strange book: much like a fairy tale, but with a number of
elements which seem alien to the “fairy tale” genre, often
humorous and sometimes bordering on the satirical, or which lead
(apparently) nowhere—red herrings, if you will. I mean, in a
conventional fairy tale, every part of the story is supposed to belong
to some kind of general pattern, it takes the plot a step toward its
conclusion or something of the sort: not so in Beagle's
book—most of the time the story is rambling about with no
definite aim. For example, the author doesn't seem to be able to
decide whether the (eponymous) unicorn is very wise or very ignorant,
or very powerful or very weak: well, maybe that paradox is part of
what being a unicorn entails, but really every character is like that
(Schmendrick, Molly, King Haggard, Prince Lír, even the Red
Bull…). On the other hand, the work is beautifully poetic, and
exudes a genuine charm of naïve innocence: somewhat, but not exactly,
like The King of Elfland's Daughter (another classic
which I read some time ago and which it sort of reminds me of),
because the language is much plainer (Lord Dunsany's verb is highly
sophisticated), but more “lively” in a subtle way.
I have the dimmest memory of seeing the motion picture of
The Last Unicorn when I was young (perhaps just when
it was released in France). All I remember was that I had found it
somewhat frightening or, at least, disturbing: I guess that King
Haggard's strange sort of nihilism could have been, indeed,
disturbing, and I have a vision of the Red Bull, made of flame, which
must have frightened me because it is essentially the only image I can
conjure. Probably my memories are quite mixed up with those of a film
I saw more recently (and which is also about unicorns and vaguely in
the same spirit): Legend
(not a motion picture, this one, but a genuine movie, with Tom Cruise
at his debuts—and Zeus was he f*ckinggood
looking in his early twenties). There's also something of Miyazaki's magic in The Last
Unicorn, so I'm not surprised to learn that the Topcraft
studio, responsible for the animation in the movie, was later hired by
Miyazaki to produce Nausicaä.
In a completely (completely! despite the misleading word
tale) different genre, I picked up on one of my bookshelves a
copy of Armistead Maupin's Tales of the City, which, I am
told, is a must read for queers. But I confess finding it a bit hard
to follow: not because of the English as such, but because of all the
references to obscure facts of American, or, more often, Californian,
San Franciscan, or even (I guess!) San-Franciscan-of-the-early-eighties
culture (or all sorts of other cultural references: I found a few
lines undecipherable, for example, because I didn't know what Gertrude Stein's
last words were: fortunately, Google enlightened me). Or take he
following excerpt:
The sun in the park was warmer now, and the birds were singing much
more joyously.
Or so it seemed to Edgar.
‘Madrigal. That's lovely. Aren't there some Madrigals in
Philadelphia?’
Anna shrugged. ‘This one came from Winnemucca.’
‘Oh… I don't know Nevada too well.’
‘You must've been to Winnemucca at least once. Probably when
you were eighteen.’
He laughed. ‘Twenty. We were late bloomers in my
family.’
‘Which one did you go to?’
‘My God! You're talking about the Paleolithic period. I
couldn't remember a thing like that!’
‘It was your first time, wasn't it?’
‘Yes.’
‘Well, then you can remember it. Everybody remembers the
first time.’ She blinked her eyes coaxingly, like a teacher
trying to extract the multiplication tables from a shy pupil.
‘When was it—1935 or thereabouts?’
‘I guess… it was 1937. My junior year at
Stanford.’
‘How did you get there?’
‘Christ… a dilapidated Olds. We drove all night until
we reached this disappointing-looking cinder-block house out in the
middle of the desert.’ He chuckled to himself. ‘I guess we
wanted it to look like the Arabian Nights or, at least, one of those
gaslight-and-red-velvet places.’
‘San Franciscans are spoiled rotten.’
He laughed. ‘Well, I felt we deserved more. The house was
ridiculously tame. They even had a photo of Franklin and Eleanor in
the parlor.’
‘One has to keep up appearances, doesn't one? Do you
remember the name now?’
Edgar's eyebrows arched. ‘By God… the Blue Moon
Lodge! I haven't thought of that in years!’
‘And the girl's name?’
‘She was hardly a girl. More like forty-five.’
—I guess one is supposed to know that Winnemucca is renowned
for its brothels: I did not (I still worked it out, but I was rather
baffled on first reading, especially as I tend to skim more than I really read). One is
also supposed to know, of course, that an Olds is an Oldsmobile
(that's something I knew: my grandfather had one) and that Franklin
and Eleanor are the Roosevelts (all right, that one really wasn't
hard, but it still requires an extra fraction of a second of brain
activity to process). Reading this book is something of an advanced
Turing test: I guess I fail because I didn't catch the pun in Sanskrit (actually, there
is a mention of the Bhagavad-Gītā
just before the reference to Gertrude Stein's last words).
Ça fait la troisième fois en assez peu de temps que je me réveille
en sursaut tôt le matin (entre 6h et 7h du matin) avec un sentiment de
panique inexplicable. Ce n'est pas un cauchemar : quand je me
réveille d'un rêve ou d'un cauchemar, j'ai toujours au moins quelques
images qui m'en restent — là rien, je me trouve juste à bondir
de mon lit avec, sans savoir pourquoi, l'impression que merde, je
suis en train de mourir. D'évidence, non, je ne suis pas mort :
et, à part un rythme cardiaque élevé à cause de la décharge
d'adrénaline (même pas une crise de tachycardie comme il m'est arrivé d'en
faire — mais ça a appremment cessé) et de la transpiration parce
qu'il fait trop chaud chez moi, je n'ai pas trouvé quoi que ce soit
qui justifie cette alerte. Mais bon, c'est quand même inquiétant :
même s'il s'avère que c'est purement dans ma tête (je sais que je suis
hypocondriaque), c'est au minimum gênant puisque soit je me lève et je
suis crevé toute la journée par manque de sommeil soit je me recouche
et je ne me rendors qu'une heure après (il faut du temps pour éliminer
l'adrénaline de la circulation sanguine) et je ne peux me lever que
fort tard.
Ce matin, ça m'est arrivé et j'ai eu le souvenir nébuleux (car
perdu dans les brumes de l'instant précédant immédiatement le réveil
en sursaut) d'un bruit bizarre dans ma bouche (comme si je disais
glop très vite — mais tout cela est très flou dans mon
esprit) ; c'est peut-être une piste : il est possible que je fasse de
l'apnée
du sommeil et que je me réveille quand mon cerveau manque
d'oxygène. Pourtant, en temps normal, je ne crois pas que je ronfle
(je dors sur le côté). Une autre possibilité (plus inquiétante) est
qu'il y ait un lien avec certains maux de
tête qui me prennent parfois de façon très subite, vive et
localisée.
Je devrais peut-être consulter. D'un autre côté, la dernière fois
que je suis allé voir un généraliste, c'était pour un problème pas
très différent (sauf que c'était une douleur thoracique qui me
réveillait), il m'a dit que je n'avais rien et il m'a prescrit du
magnésium et de l'euphytose (en clair, rien du tout).
Tant que j'y suis à parler de symptômes nocturnes, une autre chose
qui se produit de temps en temps (mais là, ça fait des années —
au moins dix ou quinze ans, en fait), c'est que, pendant que je suis
couché mais pas encore endormi (et, bizarrement, beaucoup plus souvent
quand je suis couché du côté droit que du gauche),
j'ai une sorte de vertige : ça ne dure qu'une fraction de seconde,
mais ça me fait l'effet d'un éclair — j'entends un son très
puissant (un bourdonnement) qui n'existe évidemment que dans ma tête
et mon champ visuel devient tout lumineux. Il semble que ça ne prête
à aucune conséquence (là il n'y a pas de choc d'adrénaline, donc ça ne
m'empêche pas de m'endormir), ça m'arrive peut-être une fois par
semaine, mais c'est en tout cas assez intrigant. Je n'ai jamais
ressenti rien de tel une fois debout. (Si je dormais en permanence
avec un EEG, on y verrait
peut-être plus clair…) Mise à jour
() : ce phénomène est en fait connu et porte un
nom : exploding
head syndrome. Ajout
() : voir
aussi cette
vidéo de SciShow sur un sujet proche, et qui mentionne le
phénomène.
Je disais récemment que je ne
rêvais jamais que j'enseignais, mais ça m'est arrivé cette nuit. En
fait, le rêve était très semblable à celui dans lequel je panique de
ne pas arriver à avancer un examen : je donnais un cours (ou un
TD, que sais-je… ça avait l'air d'être au niveau
lycée ou début de fac) et j'étais épouvantablement mauvais, je
m'embrouillais, je perdais mon temps sans arriver à traiter ce que je
devais traiter, et les élèves s'en allaient les uns après les autres.
Bon, c'est plus vrai qu'avec l'examen parce que, si je n'ai jamais
vraiment eu de problème de manque de temps pendant un examen, lorsque
je donne un TD j'avance toujours très lentement (enfin,
je ne peux pas vraiment dire que ça me panique non plus).
La nuit précédente, j'avais fait un autre rêve dont je me souviens,
où se mêlaient des éléments aussi divers que le voyage en Inde de Joël, l'inondation de la
Nouvelle-Orléans, quelques séries télévisées sur lesquelles je suis
tombé en zappant, et La Planète
interdite que j'ai récemment revu. Toujours est-il que ça
se passait sur un des satellites d'Uranus, Miranda (mais dans mon rêve
Miranda et Uranus lui-même se confondaient assez), qui abritait (sous
dôme, un peu glauque, d'ailleurs) une colonie humaine dont on avait
perdu trace, et que j'étais chargé de retrouver, ce qui n'avait pas
été bien dur ; mais voilà qu'une terrible tempête allait
dévaster la colonie (ensuite le rêve partait dans d'étranges
considérations concernant les meilleurs restaurants indiens sur
Miranda, et dans un dédale de petites rues). Au moins une association
d'idées est transparente : Miranda est un des personnages de La
Tempête de Shakespeare, dont La Planète interdite
(où il est question de retrouver une expédition perdue à destination
d'Altaïr) est souvent considéré comme une adaptation.
Certains se rappellent peut-être mes déboires avec mes lampes halogènes : ils ne sont pas
finis. Pour résumer, j'en avais une depuis longtemps qui marchait
fort bien, mais un jour elle a cassé (je parle du circuit électrique
dans le socle, hein, pas de l'ampoule) ; j'en ai donc racheté une
autre (à un prix défiant toute concurrence), mais d'une part elle
était d'une couleur horrible (je parle toujours du support, pas de
l'ampoule) et d'autre part elle a cassé en quelques jours ; alors j'en
ai racheté encore une autre (stupidement, du même modèle),
blanche, cette fois, et elle marche encore… vaguement.
Vaguement ça veut dire que l'intensité lumineuse a baissé
progressivement au fil des semaines, et maintenant elle éclaire à peu
près autant qu'une incandescente ordinaire de, euh, 50W à tout casser,
alors que c'est une halogène de 300W. Ça doit être le variateur qui
est fondamentalement buggué, mais là il est vraiment en position
maximale, il n'y a pas de doute.
Demain je vais donc au BHV et je compte en revenir
avec une lampe qui marche. J'aimerais bien en trouver deux,
en fait, une halogène (mais une bonne, cette fois) et une lampe à diodes : je ne sais pas si c'est
trouvable, pour l'instant je n'ai vu des lampes à diode que sous forme
de spots muraux, jamais ajustables sur pied, je ne vois vraiment pas
de raison pour ça, mézenfin… Au moins les diodes il ne devrait
pas y avoir besoin de les changer tous les deux mois.
Accessoirement, je ne comprends vraiment pas comment le
support d'une lampe halogène peut casser. Ce n'est qu'un
unique fil électrique avec un interrupteur et un rhéostat !
Il faut croire que j'ai dû être traumatisé par mes années de lycée,
parce qu'il y a des rêves que je continue à faire alors que ça fait
neuf ans que j'ai quitté le lycée (prépa comprise ; décompter deux ans
pour arriver jusqu'à mes derniers examens en temps limité).
L'un de ces rêves est un cauchemar, où je suis en train de passer
une épreuve écrite d'examen / de concours / de contrôle, j'arrive au
bout du temps imparti et je me rends compte que je n'ai presque rien
fait, je me suis empêtré dans des erreurs dès la première question,
j'ai écrit des pages entières qui ne servent à rien et que j'ai
rayées, et finalement j'ai perdu tout mon temps : je commence alors à
paniquer en me disant que je dois vraiment faire quelque chose, plus
je panique plus je perds mes moyens, je rature ma copie dans tous les
sens, elle devient impossible à rendre, et finalement je me réveille
en sursaut. Ce n'est pas quelque chose qui m'est arrivé en réalité
(j'ai bien parfois été pressé par le temps, mais jamais jusqu'à en
paniquer et perdre mes moyens).
L'autre rêve n'est pas spécialement inquiétant, c'est juste que je
me figure que je suis au lycée, mais l'aspect « au lycée » se
manifeste essentiellement à travers l'emploi du temps : mon rêve
consiste en gros à me dire qu'aujourd'hui j'ai cours de ceci, puis de
cela, et demain de ceci puis de cela… et il ne se passe pas
grand-chose. Parfois je prends conscience (dans mon rêve, je veux
dire) que c'est un peu ridicule de suivre des cours de maths de lycée
alors que j'en sais plus que ça, mais je ne décide pas pour autant de
les sécher. Enfin, ça reste assez vague.
En revanche, je ne me souviens pas avoir jamais rêvé que
j'enseignais. Pourtant, la première fois que j'ai dû donner un
TD, je n'ai pas dormi de la nuit tellement j'étais
terrorisé. De même, j'étais terrifié la première fois que j'ai parlé
dans un séminaire (et d'ailleurs, contrairement aux TD
dont je n'ai vraiment plus peur, cette crainte-là ne s'est pas
complètement dissipée), mais je n'ai jamais rêvé non plus que
j'exposais. À l'inverse, je me souviens avoir une fois rêvé que je
jouais dans une pièce de théâtre (je précise que je n'ai jamais fait
de théâtre, même si beaucoup de gens m'ont affirmé que j'aurais dû) et
que je ne connaissais pas du tout mon rôle (c'était même très précis
puisque la pièce était Hamlet et que le rôle était celui
de Bernardo, le premier personnage en scène — d'ailleurs dans
mon rêve j'avais retrouvé au moins les deux ou trois premières lignes
avant de faire mon trou de mémoire). Bizarre.
J'avais déjà écrit sur un sujet
proche : il est curieux de constater que malgré mon individualisme
et mon indépendance revendiqués, j'éprouve un besoin indéniable
d'appartenir à des groupes (je parle, là, de groupes plutôt petits
— plus des « bandes » que des « communautés »), et je souffre
d'une certaine manière de ne pas arriver à en trouver dans lequel je
m'intègre complètement.
Disons globalement que c'est peut-être finalement un de mes loisirs
préférés que de discuter avec des gens, des groupes de gens, d'à peu
près n'importe quoi (ou, à défaut de parler, d'écouter parler). Tout
simplement, j'aime la compagnie.
Je suis mathématicien (enfin, ce n'est pas encore acquis, on vous
met tellement de bâtons dans les roues pour rentrer dans ce métier !
mais admettons que je le sois). Pourtant, je ressens beaucoup de
timidité, et finalement assez peu d'affinité, par rapport aux autres
matheux ; quand ils parlent de maths, je ne comprends jamais rien (je
me demande toujours si c'est une impression partagée et qu'on n'ose
pas le dire, ou si c'est juste moi qui suis vraiment très lent à
comprendre) ; et quand ils parlent de « potins mathématiques » (du
style, qui a eu un poste à quel endroit, qui a fait des progrès dans
tel domaine, qui est influent, voire, qui couche avec qui) ça ne
m'intéresse pas du tout (bon, a posteriori je me rends souvent
compte que ça peut être dommage pour moi de ne pas plus tendre
l'oreille, mais le fait est que je trouve ça plutôt ennuyeux). De
toute façon, les mathématiciens ne forment pas vraiment des groupes,
ils se côtoient mais ne se fréquentent pas beaucoup — ils sont
assez solitaires.
Je suis geek, au moins au sens passionné d'ordinateurs (enfin, je
suppose — disons que j'ai plutôt une relation d'haine-amour avec
ces sales machines). Mais les geeks non plus ne forment pas vraiment
des groupes. Et quand ils le font, d'ailleurs, ça a tendance à
devenir limite glauque, et en tout cas tout à fait monothématique pour
ce qui est de la conversation, ce que je n'aime pas du tout (une des
choses qui m'insupportent le plus, ce sont les gens ou les groupes de
gens capables de ne parler que d'un seul sujet).
Je suis pédé, mais je trouve de plus en plus que je n'ai rien en
commun avec les autres homos (déjà assez peu avec ceux de la culture
mainstream, et généralement encore beaucoup moins
avec ceux qui sont fiers de dire qu'ils s'en éloignent). À commencer
par le fait que je n'en connaisse aucun autre (qui se revendique
ouvertement homo) qui ne soit pas en couple et qui n'ait aucune forme
de vie sexuelle (et pas par choix, ni par attachement à un idéal de
couple, ou quelque raison de ce genre) : mine de rien, ça fait quand
même une singularité marquante (dont je me passerais bien !) qui rend
un peu bizarre la fréquentation de groupes unis justement par
l'orientation sexuelle ou les préférences affectives. Je crois aussi
avoir assez peu de goûts en commun avec le gay le plus visible (par
exemple, au niveau vestimentaire — enfin, bon, je n'ai pas de
goûts tout court, en fait).
Ces temps-ci je fréquente surtout des normaliens, mais il est
indéniable que la différence d'âge se fait sentir (ou alors l'idée que
les élèves et les enseignants ne doivent pas se mêler ?), en tout cas
il y en a qui ne m'adressent pas la parole (sans doute pour des
raisons diverses, mais l'idée générale doit être que je suis un boulet
qui piétine leurs plates-bandes). Heureusement j'arrive encore à y
avoir un cercle d'amis très chers, mais le fait est que les gens
finissent par se disperser : ce n'est pas quelque chose de
durable.
Enfin, bien sûr, c'est l'idée générale : j'ai des amis auxquels je
tiens beaucoup dans toutes ces catégories, ou dans plusieurs d'entre
elles, ou dans d'autres. Mais la morale, c'est que parfois le critère
qui constitue le groupe rend le groupe, finalement, moins intéressant.
Je ne sais pas si je suis clair. Je pourrais essayer de rencontrer
des gens, mettons, en jouant à des jeux de rôle (c'est un exemple
arbitraire, ça marche avec n'importe quel autre jeu, ou en faisant je
ne sais quel sport, ou en pratiquant d'un instrument de musique, ou
n'importe quoi) : mais, finalement, ce n'est pas le jeu qui
m'intéresse, ce sont les gens, et le groupe de gens est rendu en un
sens moins intéressant parce qu'il est relié par quelque chose qui
n'est pas mon intérêt primaire.
Un vrai maître (ou un α-mâle, comme dirait quelqu'un)
constituerait ses propres bandes autour de lui par son seul charisme,
et sans avoir besoin d'un prétexte fédérateur.
Hum… peut-être que je derais fonder une secte ? Argh, zut,
c'est déjà fait.
C'est magique, le système immunitaire. Hier soir je me suis couché avec 38.5°C
de fièvre, complètement crevé, la gorge chargée, et mal au ventre,
j'ai dormi comme une pierre pendant treize heures (la preuve : je n'ai
pas été réveillé par les gosses d'à côté, alors que le mercredi,
normalement, c'est terrible), et je me suis réveillé frais comme une
rose, plus du tout de signe de maladie (enfin, je tousse encore
vaguement, mais c'est plutôt par réflexe qu'autre chose — mes
rhumes finissent toujours comme ça). Je suppose que pendant ces
treize heures, une terrible bataille a dû se livrer dans mes
entrailles, une bataille en comparaison de laquelle — en nombre
de combattants, en nombre de morts — les plus sanglantes guerres
de l'histoire de l'humanité ne sont rien du tout. (Enfin, je n'ai pas
une idée très précise du nombre de cellules qui se font infecter et
détruire lors d'un rhume typique, mais ça doit être assez
colossal.)
Bon, l'aspect négatif, c'est que moi qui avais réussi à reprendre
presque vaguement des horaires un peu civils, c'est de nouveau perdu.
Déjà aujourd'hui j'ai raté le traditionnel thé hebdomadaire du DMA.
C'est bizarre, les rhumes : hier
je me sentais très bien, j'en concluais que mon rhume était passé, et
aujourd'hui j'ai eu l'impression d'être vraiment malade —
fébrile, très fatigué, vaguement nauséeux. Du coup, j'ai passé ma
journée à ne rien faire. À propos, j'ai déjà dit que je hais les
enfants de mes voisins, qui trouvent nécessaire de jouer en hurlant
dans leur jardin où tout s'entend parfaitement depuis ma chambre à
coucher ? Bon, eh bien c'est dit ; mais c'est un fait bien connu que
les voisins sont une invention diabolique pour gâcher toute vie qui,
sans ça, pourrait être heureuse.
Le mois de mai est fini, et le
bilan n'en est franchement pas intéressant : je n'ai rien accompli de
notable, et il ne m'est rien arrivé de particulièrement plaisant (ni
déplaisant).
Sans suite logique, voici un joli petit problème de maths sur
lequel je sèche en ce moment : soit
p un nombre premier impair, et on considère un ensemble
Q de cardinal p+1 de points de
P2(Fp) (le plan
projectif sur le corps fini Fp à
p éléments), dont on suppose que trois (points de
Q) quelconques ne sont jamais alignés ; peut-on conclure
que Q est une conique ? J'arrive à démontrer plein de
choses (par exemple à construire une dualité intéressante sur la
donnée), mais absolument pas à conclure. Donc s'il y a des amateurs
de jolis problèmes.
Mise à jour (2005-06-01) : La
réponse est oui (c'est une conique), et c'est un théorème de
Segre.
Toujours sans aucun rapport : quelqu'un écrit ce qui suit à mon
propos :
Le problème majeur de David, en réalité, c'est que, tel qu'il se
présente au monde, tel qu'il apparaît aux yeux de tous, même à des
inconnus, il est un cerveau avant d'être une bite (resp. une Grande
Puissance Émotionnelle). Et ça, ce n'est tout simplement pas attirant
sexuellement (resp. sentimentalement).
La solution au problème madorien passe donc par un shutdown du
cerveau — exercice extrêmement difficile, j'en conviens —
pour exalter ses autres aspects.
C'est une remarque… intéressante.
Bon, j'avais d'autres choses à dire, mais ça ne me revient pas,
alors شهرزاد va se coucher (pour
le peu de temps que les garnements d'à côté me laissent avant de me
plonger dans l'enfer de leurs cris sauvages).
Je pensais vaguement ne pas aller voter, à la fois parce que je ne
vois pas l'intérêt de me déplacer quand l'issue du scrutin est connue
d'avance[#][#2] et parce que je trouve de plus en plus que la démocratie
(aussi bien au niveau très local
qu'au niveau national) ressemble à une masquarade dans laquelle je ne
vois pas vraiment l'intérêt de participer. Pourtant, j'avais fini par
décider de le faire, mais un concours de circonstances vraiment
impressionnant m'a quand même fait abstentionniste (pour la première
fois depuis mon inscription sur les listes électorales,
d'ailleurs).
Première circonstance notoire : je suis (toujours) inscrit à Orsay.
Mauvaise idée, parce que les lumières du progrès et de la civilisation
(i.e., la fermeture[#3] des
bureaux de vote à 22h, ce qui est quand même vaguement décent) n'a pas
encore atteint cette barbare contrée reculée. Enfin bon, peu importe.
Mes parents votent aussi là-bas (pour eux, c'est normal, ils y
habitent vraiment). Comme ma mère avait affaire à Paris aujourd'hui,
elle devait m'appeler pour que nous rentrions ensemble sur Orsay et
allions voter ensemble. Jusque là, tout va bien. Je me suis mis à
travailler, en attendant son coup de fil, et, deuxième circonstance,
j'ai perdu le fil de l'heure (notamment parce que je suis malade et que ça affecte bizarrement ma
conscience).
Troisième coup de malchance : ma mère avait laissé allumé son
téléphone mobile (normalement elle l'éteint car elle ne s'en sert que
pour appeler, pas pour recevoir) et il s'était déchargé. Or
(quatrième circonstance) elle n'avait mon numéro que dans la mémoire
de celui-ci, elle ne le connaissait pas par cœur parce que j'en
ai changé récemment. Du coup, elle a
appelé depuis une cabine mon père à Orsay pour qu'il lui dicte mon
numéro de mobile. Cinquième hasard : mon père se trompe en lui
dictant le numéro, ou elle entend mal, ou quelque chose comme ça.
Toujours est-il qu'elle a appelé un mauvais numéro, et, sixième
hasard, tombe sur un répondeur qui n'est pas le mien, mais pas de
façon identifiable (ce n'est pas comme si elle était tombé sur une
voix étrangère, elle aurait bien vu qu'elle n'avait pas le bon numéro,
mais là, le répondeur était une annonce préenregistrée qui répète
simplement le numéro appelé) ; bref, elle laisse un message, que,
évidemment, je n'ai pas eu. Septième coup de malchance : je ne suis
joignable à aucun autre numéro parce que je ne suis ni chez moi ni
dans mon bureau (je suis descendu prendre un thé).
Ma mère finit par me joindre une fois rentrée à Orsay, où elle peut
trouver le bon numéro de mon mobile. À ce moment-là, il est 18h55,
donc il est encore possible pour moi, normalement sans trop de
problème, de rentrer à Orsay pour voter avant 20h. Je me rends à la
station Luxembourg, où j'arrive à 19h pile. Les écrans d'annonce des
prochains RER indiquent le prochain à 19h15. Pas de
problème, je devrais être à l'heure. Je prends mon temps pour
descendre sur le quai, et je vois que je viens de rater un train
(d'une demi-seconde, environ) : normal, les écrans se croient plus
malin que les voyageurs et n'indiquent pas les trains déjà à quai,
pour éviter que les gens courent essayer de les attraper (et se
fassent du mal). Donc, j'ai raté le train de 19h à un instant près
(on en est à huit, là). Et voilà que le train annoncé à 19h15 est
signalé comme retardé. Un peu après il est prévu pour 19h25 (ce
serait vraiment très juste pour arriver à voter, mais encore vaguement
jouable, si le train va un peu plus vite pour rattraper son retard),
puis il avance jusqu'à 19h20, et en fait il passe dans la station à
19h22, mais… sans prendre de voyageurs. Apparemment, il y a eu
un problème technique. Évidemment, on ne nous annonce rien, pas
l'ombre d'une explication ou d'une excuse. Finalement, les horaires
sont réévalués et le train est prévu pour 19h30, puis pour encore un
peu plus tard. Plus la peine d'attendre, j'abandonne et je quitte le
quai (j'ai vaguement pensé à demander remboursement de mon billet,
mais la lassitude à l'idée de devoir m'engueuler avec le guichetier
m'a fait laisser tomber).
Il y a des moments où on se dit que l'Univers est ligué contre
vous, et à la puissance dix, alors je crois que je ferais mieux de me
coucher.
[#] Oui, oui, si tout
le monde pensait pareil… — le fait est que tout le
monde ne pense pas pareil et que ce n'est pas un raisonnement dont on
peut croire qu'il a eu une influence notable sur un scrutin
quelconque, et en l'absence de ça, il est raisonnable.
[#2] Pour prendre les
choses plus au pied de la lettre, d'ailleurs, en 2005, la loi
française qui dit qu'on ne peut pas publier les résultats avant la
fermeture des derniers bureaux de vote n'est plus gênante, il suffit
d'aller chercher sur un site Web étranger, par exemple, Suisse.
[#3] Soit dit en
passant, trouver un site Web fiable indiquant exactement quels bureaux
de vote ferment à quelle heure s'avère apparemment mission impossible.
Le Ministère de
l'Intérieur donne des horaires
pour les élections de… mars 2004. Ha, ha, ha. Très drôle.
Et voilà, je suis de nouveau enrhumé. (Oui, je suis au courant
qu'il a fait dans les 30°C aujourd'hui. D'ailleurs, c'est
intolérablement chaud. Mais ça n'a
aucun rapport.) Sam, je te hais : que tous tes PDP-10
sous ITS deviennent des PC sous
Windows XP !
Homonormalité organise
ce soir une soirée Plumes, et j'ai eu peur, un instant,
d'avoir perdu la plume
mythique d'il y a trois ans. Ouf, je l'ai retrouvée (et vous savez où
elle était ? euh, non, rien, en fait).
Régulièrement sur ce blog Ruxor
vous parle de ses cheveux — qui sont parmi mes pires ennemis
— et ce temps est revenu. J'en ai eu marre de les avoir longs,
donc, parce qu'il se remet à faire chaud et aussi parce que j'ai voulu
recommencer à porter des lentilles de contact et que les cheveux qui
tombent dans les lieux c'est terrible pour les lentilles (ça les
contamine, même quand ils sont bien propres).
J'avais pensé me les raser complètement, ce que j'aurais fait si
j'avais trouvé quelqu'un pour faire la même chose en même temps (c'est
plus rigolo à deux), mais comme William est un lâcheur et un dégonflé
(<pub target="membres du COF">enfin, votez quand
même pour lui</pub>) c'est tombé à l'eau ; j'ai
aussi vaguement pensé essayer de me faire une coupe à l'iroquoise
(sachant que si ça ne rendait pas bien je pouvais toujours tout
raser), mais j'ai fini par décider qu'en fait bof ça ne m'irait pas
(parce que j'ai les cheveux trop fins ; c'est dommage, parce que
j'aimais bien l'idée — je trouve ça mignon, une coupe à
l'iroquoise).
Alors je suis bêtement allé chez le coiffeur en pestant d'avance
parce que je sais que, typiquement, quand on dit très court à
un coiffeur, il comprend vaguement court, et quand on dit
vraiment très très très court il comprend plutôt
court, d'ailleurs ça n'a pas manqué ; mais bon, peut-être que
c'est normal, la coiffeuse me voyant arriver avec des cheveux qui
descendent sous les épaules elle se demande si par court je
veux vraiment dire court. Quoi qu'il en soit, j'avoue que le
résultat n'est pas trop
catastrophique, enfin, en tout cas, j'ai eu pire. J'ai eu le bon sens
cette fois d'éviter les coiffeurs à homos-branchouilles, qui savent
peut-être faire des choses bien, mais pas avec mes cheveux à moi (il
n'y a rien à en tirer), et qui en tout cas font payer cinq fois plus
cher : je suis bêtement allé chez Saint-Algue, qui est à la coiffure
ce que les cafétérias Casino sont à la haute cuisine.
Ah oui, la tradition veut aussi, quand je sors une nouvelle photo de moi que je parle aussi de colorimétrie. Hmmm…
Peut-être que c'est ça, l'idée : au lieu de varier la coupe de mes
cheveux, je pourrais essayer de varier la couleur — si je me les
teignais ?
Sinon, à propos de pilosité (désolé), j'ai vu
un de mes collègues sortir du Bears' Den,
tout à l'heure, j'ai eu comme une illumination (bon sang, mais
c'est bien sûr ! pourquoi je n'ai pas compris plus tôt ?).
Je me suis enfin décidé à me racheter un téléphone mobile (le
précédent est définitivement perdu) :
c'est le 06 98 03 41 80 (soit +33 6 98 03 41 80 si vous appelez de
l'étranger). Je pourrais répéter presque exactement les mêmes choses
que la dernière fois.
C'est encore un Nomad :
comparaison rapide des tarifs faite, ce sont toujours eux les moins
chers si on n'appelle jamais (ce qui est à peu près mon cas), juste
pour maintenir la ligne ouverte. Le téléphone lui-même est un Sagem my C-4 (et je ne
peux pas fournir de lien sur le site du fabricant parce qu'apparemment
ils ne connaissent pas ce modèle — pourtant, je vous assure,
j'en ai un sous les yeux !) ; j'aurais aimé pouvoir échapper à l'écran
couleur et avoir en contrepartie quelque chose de plus solide ou de
moins cher, mais apparemment on ne peut pas (et je n'avais pas de
temps à perdre à chercher), alors tant pis, ça m'aura coûté 109€.
Côté ergonomie, il n'a l'air pas trop mauvais sauf pour une chose : si
je commence à composer un numéro, il apparaît un onglet store (pour stocker le numéro dans le répertoire,
logique), mais si je tape dessus il ne me demande pas un nom sous
lequel le stocker, il dit juste OK et apparemment
il ne fait rien : il doit y avoir quelque chose que je n'ai pas
compris, mais en tout cas ce n'est pas très conforme au principe de
moindre surprise.
Je n'ai pas fait d'effort pour tenter de garder l'ancien numéro.
En fait, c'est pire que ça, je l'ai laissé se périmer (maintenant il y
a un message qui stipule que ce numéro n'existe plus), et ça c'est
dommage, j'aurais voulu changer l'annonce du répondeur pour préciser
mon nouveau numéro. C'est bien bête parce que sur la version imprimée
de l'annuaire
des élèves de l'ENS j'apparaîtrai avec cet ancien
numéro.
Et évidemment, je continue à très mal capter dans mon appartement :
donc il faudra toujours essayer de m'appeler au 01 45 88 39 61 avant
le mobile.
Comme la dernière fois, je termine avec un fichier MP3 dont la
lecture contre un combiné de téléphone fixe devrait composer le
numéro : comme ça des gens vont devoir trouver un prétexte pour
m'appeler pour essayer ce gadget.
[Résumé
en anglais de ci-dessus.] My new cell phone number is
+33 6 98 03 41 80 (same operator as
previously, and the phone itself is a Sagem my C-4). Again,
since cell phone coverage inside of my apartment is very poor,
+33 1 45 88 39 61 is the first number to try if one wishes to reach
me.
Bon, normalement mon exposé est au point (c'est-à-dire autant qu'il
le sera), j'ai fait une répétition hier où je ne m'en suis pas trop
mal sorti, mes transparents sont nuls mais il faudra faire avec. J'ai
récupéré le dossier de soutenance au service de la scolarité (une
enveloppe scellée que je dois remettre au président du jury — je
me demande bien ce qu'il y a dedans[#]), j'ai récupéré les exemplaires
imprimés de mon mémoire (où j'ai consciencieusement inséré une feuille
d'errata) et j'en ai distribué quelques-uns. Ma mère a confirmé pour
le pot (cinquante personnes). Bref : tout est prêt, et j'en suis à
m'ennuyer en attendant que le temps passe.
Je serai le
premier de l'année
2005 à soutenir une thèse de maths à Orsay (ben oui, les thèses se
font par saison — à cause de deadlines administratives débiles —, et je
suis complètement hors-saison, là). Ah, et, je me demande si tout le
monde arrivera à tenir dans la salle où a lieu la soutenance
J'espère par ailleurs que l'administration n'aura pas la bêtise de
me chercher des ennuis parce que sur les papiers officiels j'ai
indiqué mon sujet comme étant
Hypersurfaces cubiques: équivalence rationnelle,
R-équivalence, et approximation faible
alors que sur le mémoire c'est
Hypersurfaces cubiques: R-équivalence,
équivalence rationnelle et approximation faible
J'ai moyennement envie de soutenir une deuxième fois sur le même
sujet en permutant deux termes.
Bon, pour parler d'autre chose que de ma thèse, voici quelques
pointeurs Web. Je viens de jeter un coup d'œil aux images de la
dernière édition de l'IRTC, c'est-à-dire
janvier-février 2005, sur le thème Out of place,
et je dois dire que les lauréats sont
excellents : à la fois techniquement réussis, esthétiquement
intéressants, et drôles ; je conseille donc de regarder ça (de façon
générale les images de l'IRTC méritent l'attention, mais
cette fournée me semble vraiment bien, sans doute parce que le sujet
était propice à l'inspiration). Je viens aussi de découvrir un
poisson d'avril qui fera rire tous ceux qui connaissent Boing Boing : Boring Boring (A
Directory of Dull Things).
Je viens aussi de découvrir un passage de la toute nouvelle version
(4.1.0) du standard Unicode
(béni-soit-son-nom) qui m'a fait hurler de rire :
@ Gender symbols
26A2 DOUBLED FEMALE SIGN
= lesbianism
26A3 DOUBLED MALE SIGN
* a glyph variant has the two circles on the same line
= male homosexuality
26A4 INTERLOCKED FEMALE AND MALE SIGN
* a glyph variant has the two circles on the same line
= bisexuality
26A5 MALE AND FEMALE SIGN
= transgendered sexuality
= hermaphrodite (in entomology)
26A6 MALE WITH STROKE SIGN
= transgendered sexuality
26A7 MALE WITH STROKE AND MALE AND FEMALE SIGN
= transgendered sexuality
26A8 VERTICAL MALE WITH STROKE SIGN
= ferrous iron sulphate (alchemy and older chemistry)
26A9 HORIZONTAL MALE WITH STROKE SIGN
= magnesium (alchemy and older chemistry)
@ Circles
26AA MEDIUM WHITE CIRCLE
= asexuality, sexless, genderless
= engaged, betrothed
* base for male or female sign
26AB MEDIUM BLACK CIRCLE
* UI symbol for record function
26AC MEDIUM SMALL WHITE CIRCLE
= engaged, betrothed (genealogy)
* can represent wedding ring
@ Genealogical symbols
26AD MARRIAGE SYMBOL
x (infinity - 221E)
26AE DIVORCE SYMBOL
x (infinity negated with vertical bar - 29DE)
26AF UNMARRIED PARTNERSHIP SYMBOL
x (double-ended multimap - 29DF)
26B0 COFFIN
= buried (genealogy)
x (white rectangle - 25AD)
26B1 FUNERAL URN
= cremated (genealogy)
À quand la marche des fiertés lesbienne, gaie, bi, trans,
hermaphrodite, sulfate ferreux et magnésium ? À part ça, je
trouve amusant de voir le Saint Standard donner dans le politiquement
correct ; ils n'ont toujours pas ajouté, d'ailleurs, le svastika dans
les symboles divers (alors qu'il y a plein de croix religieuses, il y
a le symbole marteau-et-faucille, le symbole peace-and-love,
yin-et-yang, et plein d'autres choses de ce genre, même, très
récemment, la fleur-de-lis), je me demande si c'est parce qu'ils ont
peur des réactions ou simplement parce que personne n'a fait de
proposition formelle. Ah, et, par ailleurs, faudrait que je me dévoue
pour faire une proposition qui se tienne pour ajouter les smileys dans
Unicode (je veux dire, le « répertoire standard », c'est-à-dire les
smileys qu'on retrouve en commun dans énormément de systèmes de
communication électronique, ceux qui servent vraiment à transmettre
des informations et pas à faire de l'ASCII-art).
[#] En fait, je
soupçonne quand même que ce sont les rapports. Mais comme mes
rapporteurs font de toute manière partie de mon jury de soutenance, ça
n'a pas énormément de sens de me donner sous enveloppe scellée à leur
remettre une copie des rapports qu'ils ont eux-mêmes écrit. Et je
crois qu'après la soutenance j'aurai le droit de les voir, les
rapports en question.
On vient de me signaler deux problèmes graves avec ma thèse :
premièrement, une erreur irrécupérable dans la deuxième partie, qui
met à l'eau la totalité de celle-ci, et deuxièmement le fait que
plusieurs résultats de la quatrième et cinquième parties sont des
conséquences immédiates d'un résultat connu depuis longtemps (dû à
Manin). Autant dire que c'est tout mon travail qui est réduit à
néant. Je dois voir mon directeur de thèse tout à l'heure pour
décider s'il faut annuler la soutenance et retirer le manuscrit, mais
il est plus que probable que ce soit la décision prise (en une
semaine, il n'est pas envisageable de refaire le travail de trois
ans).
Hier soir on m'a appris qu'une des idées dans les cartons des Powers That Be était de faire passer la charge
d'enseignement des maîtres de conférences dans les universités
françaises à 384 heures annuelles (contre 192 actuellement, 384 étant
la charge d'un professeur agrégé dans le supérieur), ce qui voudrait
dire en pratique qu'ils ne feraient plus de recherche. De toute
façon, la recherche
fondamentale française (publique — mais la recherche
fondamentale privée ça n'existe pas) a l'air destinée à mourir prochainement
telles que les choses sont parties. Sale temps pour les
mathématiciens purs et, pire encore, algébristes ou apparentés.
Mauvaise nouvelle suivante : le Conseil européen a adopté un texte
favorable aux brevets logiciels dans l'Union, avec une entorse à la
procédure (le lien précédent contient des explications très détaillées
à ce sujet). L'étape suivante de la procédure de codécision est une
deuxième lecture au Parlement, qui ne se fera peut-être même pas (si
elle n'a pas lieu le texte est adopté) où il faudrait un vote à la
majorité absolue des membres pour arrêter la procédure.
Malheureusement, il est peu probable qu'on puisse faire quoi que ce
soit : des lobbys très puissants et très riches veulent absolument que
les brevets logiciels soient ouverts en Europe, au mépris de l'intérêt
de tous les utilisateurs d'ordinateurs, et les pressions exercées sur
toutes les instances dirigeantes européennes sont gigantesques, ainsi
que Michel Rocard l'a exposé dans une
interview au journal Le
Monde (daté du 17 février).
À un niveau plus local, celui de l'ENS, il y a également des
mauvaises nouvelles qui se préparent (venant de l'administration), et
il semble qu'elles soient de taille. On n'en sait pas plus pour le
moment (sauf un petit nombre qui sont dans le secret des dieux et qui
refusent de lâcher le morceau), des choses seront révélées dans une
semaine environ, mais il semble qu'on doive s'attendre au pire. Je
m'abstiendrai de polémiquer plus largement contre l'administration de
l'École sur un site Web qui y est hébergé, mais disons qu'on (élèves,
anciens élèves, enseignants et chercheurs) a eu déjà certaines causes
de mécontentement ces derniers temps.
Pour me remonter le moral, je viens de voir un téléfilm incroyablement déprimant
(Résumé en bref et avec spoilers : ça commence en 1941 dans la France
occupée ; Sarah est juive, elle voit toute sa famille se faire
massacrer presque sous ses yeux, elle se réfugie auprès de son seul
ami, Jean, dont elle est amoureuse, et elle apprend qu'il est
homosexuel ; le frère de Jean, Jacques, par jalousie, fait arrêter son
frère, comptant le faire relâcher immédiatement, mais Jean est accusé
à tort d'avoir eu une relation avec un officier allemand, et déporté ;
ensuite, Sarah voit l'amant de Jean, qui était résistant, se faire
descendre, elle est recueillie par Jacques, plein de remords, qui
l'épouse et lui donne un fils ; mais à la libération Jacques est
accusé de collaboration et de traffic avec l'ennemi, on témoigne que
c'est lui qui a fait arrêter son frère, et il se suicide en prison ;
enfin, à la libération des camps, Jean revient, mais il a été torturé
puis lobotomisé pour tenter de le rééduquer, et il meurt
stupide peu de temps après son retour.) Le genre d'histoire qui vous
remonte le moral et vous redonne la joie de vivre, quoi.
À part ça, je suis assez mécontent du TD que j'ai
donné tout à l'heure (j'ai été très mou, et obscur sur plusieurs
points), j'ai plein de petits changements triviaux mais pénibles à
faire dans ma thèse, et j'ai encore des problèmes informatiques
idiots.
Est-ce que quelqu'un pourrait me donner une bonne nouvelle, pour
changer un peu ? Quelque chose qui remonte le moral ?
J'aurais dû me coucher sagement il y a cinq heures environ, mais
j'ai été réquisitionné pour participer à la mise en page de ça.
Comme si je n'avais pas déjà trop de boulot comme ça (mumble copies
d'agreg mumble relecture de thèse mumble).
(Wow, j'ai trouvé un super titre si un jour je dois réaliser un
film d'horreur, moi.)
J'ai fait un rêve assez mémorable, cette nuit. Mémorable d'abord
par la foison des détails, des scènes et des situations qui le
peuplaient (une fois dans l'onde
bleue j'ai entrepris de gribouiller tout ça sur papier avant
d'oublier, puis de retrouver les connexions qui se faisaient entre les
mèmes dans mon cerveau, c'était
assez amusant). Je ne sais pas si c'est les pages que j'ai lues d'un
bouquin sur le lambda-calcul (genre, un terme du lambda-calcul est
fortement normalisable si, et seulement si, il est typable dans le
système D) juste avant de m'endormir qui m'ont causé une telle
activité intellectuelle, mais c'était assez intense. Petit spécimen
du brain dump (ce que je mets entre crochets est
un commentaire fait après coup) :
canalisations d'eau qui pètent à l'ENS (mais c'est
pénible à changer [sans doute une association avec ma dernière entrée ici] donc on ne va bien
changer) — petit bonjour à la femme de ménage — soutenance
de thèse dans un avion (le dernier jour possible ! sinon il n'aura pas
son visa) par un japonais sur les obstructions [en théorie des
nombres] apportées par le foncteur des droites — exposé (de
thèse) très clair, on y apprend que le plan est un quasi-groupe de
Lie [sans doute faut-il comprendre groupoïde de Lie, ce qui
ne veut rien dire, mais il était question d'automorphismes de droites]
— on voit passer dans le ciel la navette spatiale [Columbia] au
décollage, et on leur fait coucou avec les mains — esprit
japonais dans l'aménagement intérieur, la pièce zen sans téléphone
portable — mes parents me conduisant chez des amis [les
Tourniaire ?], ma mère cherche à obtenir quelque chose (rapport à son
groupe de chant) — un chien et plusieurs chats [là, je pense
probablement à l'écrivain France Nespo, qui s'est récemment installée
dans la même rue que mes parents] — je discute avec
Sally : on se tutoie ?, j'ai de très vieilles lunettes
— lecture du livre [sans doute une vague association avec le
Livre de Sable de Borges] dans la bibliothèque [celle
qu'avait ma grand-mère, en fait] — (dans le livre :) le Christ a
traversé le plan [je pense sans doute à Trois Versions
de Judas de Borges et aussi à la fin étrange de The Planiverse de Dewdney] — (toujours dans
le livre :) comment compter les choses (des nuits d'insomnie, les
œuvres d'un auteur) ? — [là, le rêve devient cauchemar] on
frappe à l'intérieur de la bibliothèque — la clé de la
bibliothèque se met à tourner, mais il n'y a rien, la clé se déforme
— je dis je suis entré dans le cauchemar —
l'horreur se déchaîne
Je peux expliquer (au moins de façon conjecturale) la plupart des
éléments qui interviennent (pas tous, cependant : je ne comprends pas
comment est apparue la navette Columbia, par exemple, même si je sais
pourquoi je lui fais ensuite coucou avec les mains), mais évidemment
il n'est pas question que je tente cela ici (ce serait trop long,
chaque élément exigeant une explicitation assez détaillée de mes
mécanismes d'associations d'idées, et surtout pas très intéressant ;
j'ai déjà fourni un échantillon de telles
explications par le passé).
À la fin, le rêve se transforme en cauchemar. Souvent, pour moi,
le passage vers le cauchemar (ou le cauchemar tout court, d'ailleurs)
est caractérisé par l'apparition d'un élément surnaturel de nature que
je ne peux pas maîtriser (pas n'importe quel élément surnaturel :
comme beaucoup de gens, je rêve parfois que je vole, et ça n'est pas
du tout un cauchemar) ; en l'occurrence : j'entends frapper à
l'intérieur de la bibliothèque (qui a des portes qu'on peut fermer à
clé), j'ouvre, et je ne vois rien, je referme, et les coups
recommencent, puis la clé se met à tourner toute seule. (Je suppose
en fait que les coups que j'entendais dans mon rêve étaient de vrais
coups de marteaux donnés chez un voisin quelconque.) Cette petite
scène se répète deux ou trois fois, puis je dis à haute voix (enfin,
dans mon rêve — je ne sais pas si j'ai parlé dans mon sommeil) :
Je suis entré dans le cauchemar. (Imaginez cette phrase
prononcée comme si c'était : Vous êtes entré dans la quatrième
dimension.) À ce moment-là, et c'est presque une volonté
consciente de ma part (allonz-y carrément), l'horreur se
déchaîne de façon caricaturale, on a une succession très rapide de
scènes un peu gore, comme dans une bande-annonce de film
d'horreur (de petit budget). Je pense quelque chose comme
bon, ça suffit maintenant, il faudrait se réveiller — et
je le fais.
Il doit y avoir un groupe de neurones, quelque part, au moins chez
moi, qui est responsable des peurs les plus primales, les plus
ancestrales, la peur de ce qu'on ne sait pas expliquer, la peur du
noir, la peur qui n'a rien de sophistiqué mais qui n'est pas non plus
la simple peur d'une menace physique (qui décharge l'adrénaline), la
peur qui provoque un frisson et qui hérisse le poil. L'activité
cérébrale un peu aléatoire (enfin, j'imagine) du rêve doit tomber sur
cet endroit-là et l'activer. Au réveil, il est encore facilement
excitable. Ainsi, même conscient et bien pénétré de l'idée que ce
n'était qu'un rêve, j'arrivais facilement à trouver des idées (pas
forcément présentes dans le rêve, je pense, mais d'autres idées
mémétiquement proches) qui provoquaient ce genre de peur, qui me
causaient ce frisson si particulier (entre autres choses, j'ai repensé
à cette surprise qui m'avait vraiment
eu, et visualiser mentalement l'image associée était très
fort). J'avais en quelque sorte trouvé les portes de la peur, celles
dont sortent les légions des terreurs nocturnes. J'ai pensé un moment
les affronter, je me suis dit que ça me ferait du bien de m'en moquer,
mais elles ne sont pas si faciles à exorciser, je n'ai pas réussi à
chasser les spectres ou à vaincre les frissons, j'ai même dû allumer
la lumière (qui mieux que toute autre chose dissipe cette sorte
d'angoisse) et me résoudre à ne plus y penser, refermer les portes de
la peur, faute de pouvoir les vaincre de front. Tout ce qui
accompagne le rêve et l'onde bleue est facilement oublié, et j'ai de
nouveau (heureusement ?) perdu le chemin de ces portes de la peur, les
notes prises sur papier ne me permettent pas de les retrouver, mais je
trouve fascinante l'idée qu'il y a quelque part dans mon cerveau une
commande aussi précise. (Si j'avais pu faire une cartographie
cérébrale à ce moment, on aurait peut-être eu la chance de la
localiser de manière exacte. Ça aurait sans doute un intérêt,
d'ailleurs : on détruit cette zone du cerveau, et, hop, plus jamais de
cauchemars de ce genre ?)
Je déteste toujours autant les week-ends et ce sentiment
d'isolement que je ressens dans un entourage déserté (peut-être
d'ailleurs que c'est une bonne mesure de la manière dont on est
apprécié par autrui que de considérer combien notre entourage est
peuplé lorsque les gens n'ont pas de raison extérieure particulière
d'être là par rapport à lorsqu'ils doivent l'être par exemple parce
qu'ils sont nos collègues ; si oui, j'ai des motifs de m'inquiéter).
Encore une sinistre soirée, donc, passée à essayer (sans grand succès)
de bosser, autour d'un petit dîner pris dans mon bureau (je n'aime
vraiment pas manger seul au restaurant, donc j'ai juste acheté un plat
à mettre au micro-onde). Au moins, j'ai l'impression d'avoir un peu
amélioré ma compréhension de la théorie (locale,
au moins) du corps de classes, quelque chose que je suis censé
connaître depuis le DEA mais que je n'ai pas encore bien
assimilé (d'ailleurs, je n'ai pas vraiment résolu le problème sur
lequel je réfléchissais).
En fait, je suis un peu injuste : quelques
personnes ont rompu la monotonie de ma journée en échangeant quelques
mots avec moi (par dialogue électronique). Qu'ils soient
remerciés.
J'ai écrit un compte-rendu assez long sur le forum interne de
l'ENS, je ne vais pas le reproduire ici parce qu'il y a
toutes sortes de personnes nommées que je ne veux pas forcément
impliquer (et aussi tout plein de private jokes).
Je peux quand même faire quelques remarques pour ce qui me concerne
plus personnellement. C'était la deuxième fois que je venais au
week-end d'intégration : la première fois, donc, depuis celui que j'ai
fait quand j'étais moi-même conscrit, en '96, du côté de Saint-Malo.
Du point de vue « intégration », ce dernier n'avait vraiment pas
fonctionné pour moi, je n'avais parlé pratiquement à personne que je
ne connusse déjà — mais ce n'était pas la faute du Méga, c'était
la mienne, parce que j'étais vraiment asociable (ce en quoi je me suis
nettement amélioré) en plus d'être timide (là, j'ai plus légèrement
progressé, mais j'ai progressé tout de même). Cette fois, j'arrivais
en connaissant un peu plus de la moitié de la cinquantaine de « vieux
cons » qui organisions la chose, et quatre ou cinq conscrits (sur
environ deux cents) — c'est forcément moins intimidant ; je ne
suis toujours pas fabuleusement doué pour faire connaissance, mais j'y
suis quand même un peu arrivé (même avec quelques « vieux »,
d'ailleurs).
À part ça, je ne vais pas trop m'étendre sur les circonstances
matérielles : la météo était bonne, l'endroit était assez joli ; le
village de vacances qu'on occupait était plutôt bien (nous logions
dans des mobile-homes tout à fait convenables) — sauf qu'à la
fin, au moment de faire l'état des lieux, les responsables du centre,
apparemment échaudés par des expériences de week-end d'intégration
d'écoles d'ingénieurs, ont été invraisemblablement pénibles et
pinailleurs sur l'état dans lequel ils voulaient retrouver les lieux ;
et le voyage en car s'est bien passé (en plus, les chauffeurs étaient
sympas) à part la dernière cinquantaine de kilomètres en revenant sur
Paris où nous avons été pris dans les bouchons.
Une autre chose sur laquelle il faudra que je revienne, c'est ma
place à l'ENS et la question de savoir pourquoi je
m'accroche à cette École et si je devrais m'en éloigner. Disons
brièvement que je considère que tant que je n'aurai pas quelque chose
pour mettre à la place (un autre endroit, par exemple, où je
connaîtrais une bonne centaine de personnes et où je me sentirais
parfaitement à mon aise), je garde ce lien : même s'il n'est pas très
sain, ça ne servirait à rien qu'à me rendre plus malheureux de le
couper ou d'abandonner les amis que j'y ai. Également délicat est le
problème de ce que doivent être mes rapports avec les conscrits 2004
vu que je suis passé dans l'équipe enseignante : d'un côté je me dis
que tout l'intérêt de l'ENS est justement entre autres de
mélanger les promotions et de ne pas former de barrière nette entre
étudiants et enseignants (j'avais apprécié ça quand j'y étais
moi-même), et puis après tout je me retrouve aussi à faire la prépa
agreg pour certains des promos 2000 à 2003 que je connais de toute
façon depuis un moment ; de l'autre côté, j'ai peur que certains
petits jeunes n'aient pas la franchise de me dire, s'ils me trouvent
lourd à traîner avec eux, d'arrêter de m'accrocher (j'essaie d'être
réceptif aux signes dans ce sens, parce que je trouve moi-même
pénibles les gens collants, mais ce n'est pas toujours évident). Au
moins, le fait que ce Méga se soit très bien passé me donne bon espoir
pour le reste de l'année. Et puis, il y a toujours le risque, surtout
avec la réputation que j'ai, qu'on me reproche de draguer mes
étudiants (en réalité, je n'ai jamais su draguer qui que ce soit, et
j'ai trop perdu l'espoir pour même essayer).
C'était super, mais je suis crevé
(et probablement malade : merci à Fabrice de m'avoir fait partager son
rhume ). Je vous raconterai tout ça plus tard.
Je disparais demain pour trois jours, histoire d'aller faire un
tour à Montigny-en-Morvan (département de la Nièvre, 357 habitants au
recensement de 1999) où se déroule le week-end
d'intégration de l'ENS (comme moi aussi je rentre à
l'ENS cette année, je me suis dit que je pourrais bien y
aller).
Alors voilà, je me casse à me créer un joli site Web professionel
achement bien foutu et tout et tout, et le perfide Google décide de le classer 62e sur
une recherche de
mon nom, derrière des pages complètement obscures dont on se
demande ce qu'elles foutent aussi haut (remarquez, 62e sur 4280, si
j'en crois ce qui est annoncé, ce n'est pas mal du tout : on se
demande d'ailleurs ce que peut bien être la 4280e page, mais Google
refuse de le dire).
C'est vachement dangereux, le pouvoir de Google (témoin
l'utilisation qui a été faite du Googlebombing
à des fins politiques). Imaginez par exemple des charmants conscrits
blonds (conscrits comme dans élèves de première année à
l'ENS, et blonds comme dans petites têtes
blondes) qui cherchent à utiliser le Grand Oracle Omniscient
Gardien des Lettres Enchantées pour en savoir plus sur les enseignants
de l'illustre établissement qu'ils ont préféré à la morne plaine de
Palaiseau, ils cherchent quelques noms, et, hop, ils tombent sur des images que leurs yeux
chastes ne sauraient voir. Hum. Ou imaginez qu'en cherchant
conscrit blond on tombe sur un site à moi : ma réputation est
foutue, on va m'imaginer affreux pervers chasseur de proies sans
méfiance, tout ça tout ça, alors que, comme chacun le sait, je suis
pur et innocent tel l'agneau qui vient de naître.
Pour remédier à ce problème, M a proposé de créer une petite
étiquette à coller sur une page Web, comme on en voit tant sur le site
de n'importe quel übergeek,
pour dire, à côté de mon cheutemeuleu il est conforme aux standards
du weuweuweu, vous pouvez le brouter comme vous voulez,
vous n'aurez pas ma liberté de penser et sauvez un arbre,
mangez un castor : je soutiens la réputation de David
Madore. Et les gens se la disputeront, cette petite image, parce
que ce sera une pièce rare à rajouter à votre collection de rubans (rouges, bleus, verts, arc-en-ciel
et autres codes de
couleurs compliqués).
Bon, et puis tant qu'à faire, je propose de me déclarer espèce en
voie de disparition : c'est vrai, quoi, les David Alexander Madore, il
n'y en a pas tant que ça, sur Terre, et comme en plus certains ne se
reproduisent pas, c'est vachement menacé. L'avantage, c'est que vous
prenez n'importe quelle sale bestiole, vous la déclarez en voie de
disparition, et immédiatement elle devient immensément sympathique :
l'ours blanc, par exemple, c'est une vraie teigne que l'ours blanc
(non, la teigne n'est pas en voie de disparition, je crois, mais ça
finira par venir, peut-être), ou encore le loup — il y a
quelques siècles, on aurait eu du mal à trouver des gens pour
s'apitoyer sur le sort des loups (ils mangent des moutons, ce sont
bien des sales bêtes). Pardon, je digresse. Donc, on pourrait
alerter la WWF, fonder des comités de parrainage (pour
la modeste somme d'un bi-Opteron avec 8GHz de mémoire, parrainez un
David Alexander Madore et offrez-lui un environnement confortable dans
lequel évoluer), ce genre de choses. Fort heureusement, des
amis[#] bien intentionnés,
soucieux de mon image de marque et tout et tout, se sont lancés dans
une vaste campagne de sensibilisation sur la condition du David
Madore, en préparant la publication dans un prochain BOcal d'un grand jeu-test
quel vieux con êtes-vous où je figure, en fort charmante
compagnie, comme archétype (de la vieillesse et de la connerie, donc,
nous disions).
Il me resterait plein de ressources, là : par exemple, me pendre,
boire de la ciguë ou sauter par la fenêtre. Malheureusement, je suis
une espèce protégée, donc je n'ai pas le droit. Enfin, si, sauter par
la fenêtre, comme j'habite au rez-de-chaussée, j'ai le droit, mais ça
ne marche pas bien. Ou sinon, m'engager dans la légion (et arrêtez de
ricaner bêtement !).
Eh ben moi je dis pouêt.
[#] Comme tous les
animaux en voie de disparition, j'ai énormément d'amis. J'ai aussi
peu d'ennemis. Ça tombe bien, avec des amis comme ça, je n'ai pas
besoin d'ennemis.
En admettant le principe que, pour espérer combattre ma dépression,
je dois aller voir un psy* (je ne sais pas si c'est bien parti, parce
que l'idée m'ennuie — au sens classique — plus qu'autre
chose, mais bon), il me reste encore à trouver la bonne valeur de
« * ». Mon ami Davide — qui fait son internat de médecine à
Pavie en psychiatrie — m'a conseillé (quand je lui ai décrit mes
symptômes) de m'adresser au service de psychiatrie de la
Pitié-Salpêtrière. D'un côté j'ai tendance à avoir généralement
confiance aux médecins (en tout cas plus qu'à des gens qui ne le
seraient pas) ; de l'autre, j'ai un peu peur que la solution proposée
par les psychiatres soit essentiellement à base d'antidépresseurs, ce
que je veux absolument éviter. Par ailleurs, rien qu'à entrer dans un
hôpital, je me sens très mal. Pour ce qui est de la psychanalyse,
j'ai déjà expliqué ce que j'en
pensais, et de façon générale, je me méfie des qualifications qui
ne sont pas attribuées d'une façon sanctionnée par une institution que
je juge assez sérieuse (comme l'Université ou la Faculté de
médecine). Pas évident de savoir par où commencer.
Si je n'écris pas beaucoup ici ces jours-ci, ce n'est pas qu'il ne
se passe pas grand-chose, au contraire : mais il est bien connu que
quand on a des choses à raconter de sa vie, le temps passé à vivre ces
choses fait qu'on n'a pas de temps pour les raconter (autre variante
de la fameuse loi de McCain). Après la pénible période
d'estivation, les activités reprennent, la vie sociale peut de nouveau
exister parce que les gens reviennent, et ça me fait vraiment plaisir
de revoir certains. Et en parallèle, c'est la rentrée des nouveaux (à
l'ENS pour l'instant, mais j'ai d'autres cercles de
fréquentations dans lesquels j'espère voir des nouveaux) que je prends
également plaisir à rencontrer. Il y avait d'ailleurs tout à l'heure
une soirée fort sympathique pour mélanger un peu tout ça.
Curieux à quel point je suis devenu une créature sociale (au moins
pour ce qui est de mon besoin de compagnie, pas tellement pour ce qui
est de la réussite effective) : il n'y a pas si longtemps (mettons, il
y a quatre ans, par exemple) j'avais surtout besoin de solitude, et je
n'allais dans une soirée qu'à reculons. Je ne sais pas au juste ce
qui a fait que j'ai changé.
Enfin la rentrée est là.
Aujourd'hui j'ai pris possession de mon nouveau bureau à
l'ENS : par rapport à ce que j'avais à Orsay (où je
n'allais jamais), c'est un net progrès, ne serait-ce que parce que j'y
suis seul (au moins pour l'instant) et que j'y ai un ordinateur.
Jolie vue, aussi, sur le panthéon et, malheureusement, sur les travaux
côté rue Rataud. Demain et après-demain les normaliens nouveaux débarquent. En
attendant, je retrouve plein de gens connus et que ça me fait plaisir
de revoir. (Bon, à côté de ça, mon moral n'est pas comme je le
voudrais, et je recommence à déprimer sérieusement dès que je suis
tout seul. Mais j'avais dit que
j'éviterais d'en parler — de toute façon, il n'y a pas
grand-chose à dire.) Ah, et, par ailleurs, j'ai fait quelques progrès
vers la rédaction de ma thèse, ces derniers jours.
J'ai craqué : je me suis créé un passeport .NET pour utiliser MSN (enfin, Gaim, bien sûr, puisque je
n'ai pas de quoi utiliser le vrai MSN messenger). C'est
davidamadorehotmailcom (mais seul l'avenir dira si je prends
effectivement l'habitude de le lancer ou non).
Une grande victoire : après je ne sais combien d'années, j'ai enfin
réussi à obtenir une carte orange et à acheter un coupon mensuel.
Vous allez dire, qu'est-ce qu'il y a de difficile à aller à n'importe
quel guichet RATP et demander une carte orange et un
coupon mensuel (deux zones) ? Eh bien chaque mois, je prenais la
résolution de le faire dès le mois suivant, et le 5 ou le 6 du mois je
me rendais compte que j'avais oublié et je reportais au mois
suivant… et ce, pendant des années.
À bientôt pour de nouvelles aventures de Gro-Tsen en environnement
urbain.
Il est indubitable que le mail (et d'autres moyens de communication
électronique, je pense notamment au forum des élèves de
l'ENS) est une forme de servitude. Je m'oblige à traiter
de l'ordre d'une cinquantaine de mails quotidiens (spams non
compris, évidemment) : cela constitue un travail de secrétariat non
négligeable, et parfois je traîne vraiment les pieds à le faire. Ne
pas relever mon courrier (électronique ou, d'ailleurs, postal) pendant
quelques jours est donc bien reposant, et le retour à la connexion est
un peu dur (il faut plusieurs heures pour vidanger la file la plus
urgente). Parfois je me dis que je comprends Donald Knuth,
l'auteur de TeX, qui a arrêté
d'utiliser l'e-mail (même si ses raisons ne sont pas tout à fait
les mêmes). D'un autre côté, le mail est un moyen de communication
bigrement pratique pour rester en contact avec des gens à qui je
tiens : et j'aurais tort de projeter sur le contenant
l'agacement que je ressens devant certaines corvées apportées par le
contenu alors même que certains courriers m'ont fait
énormément plaisir à recevoir ; d'autant plus que je dénonce parfois
cette erreur (ou ce que je considère comme une erreur) s'agissant du
téléphone mobile[#].
Quoi qu'il en soit, une circonstance pas tout à fait élucidée[#2] a fait que la connexion n'était
pas disponible là où j'étais pendant mes quelques jours passés près de
Lyon : je serais le dernier à m'en plaindre, ça m'a fait de vraies
vacances, et j'ai vraiment pu souffler un grand coup. Plus longtemps,
l'isolement loin de l'Internet serait sans doute devenu agaçant, mais
là, c'était parfait. Et surtout : j'avais sur place largement assez
de gens avec qui interagir pour me sentir tout à fait à l'aise, pas
besoin d'en chercher électroniquement.
Là,
normalement, je devrais glisser une transition vraiment subtile pour
m'amener à parler de la photo ci-contre (à droite), mais je ne trouve
pas comment. Elle a été prise il y a environ deux mois (le 2004-07-04
précisément), lors du précédent séjour dans la famille de mon frangin.
D'accord, il y a déjà quantité de
photos de moi sur ce site, mais je prends toujours (plus ou moins mal,
c'est une autre question) la pose : en voici donc une où je suis
« naturel », surpris en train de rire. Enfin, je suppose : je ne me
suis jamais vu rigoler moi-même (j'ai envie de dire :
« heureusement »…), donc je ne peux que faire confiance à
l'appareil ; ceci étant, en figeant ainsi un unique instant d'un
mouvement (quoi de plus dynamique que le rire ?), je ne sais pas si
l'image est plus vraie ou plus fausse que celles où on construit une
figure statique. Je laisse la décision à l'œil du proverbial
spectateur.
[#] J'ai moi-même refusé
pendant longtemps d'avoir un mobile, considérant qu'il rendrait plus
service aux autres qu'à moi, en me forçant à être toujours disponible.
Mais j'ai fini par me dire que je pouvais toujours choisir de ne pas
décrocher ou de ne pas l'allumer, et je m'en porte très bien. Le
téléphone fixe, à la limite, m'ennuie plus, mais j'ai acquis une
compétence certaine dans l'art de ne pas répondre au téléphone parce
que je suis au lit ou parce que ça m'ennuie : ce n'est vraiment plus
une corvée. (Pour une question de vie ou de mort, on peut toujours
m'appeler obstinément plusieurs fois de suite, je finis par
décrocher.)
[#2] Concours de
circonstances remarquable : le même jour, un orage très violent, une
manœuvre de dégroupage sur la ligne téléphonique, et la date
mentionnée sur une mise en demeure suite à défaut de paiement (un
règlement s'étant sans doute perdu), seraient tous les trois
susceptibles d'expliquer la perte de la ligne. Impossible de tirer
l'affaire au clair.
Je repars demain soir de Paris pour passer de nouveau quelques jours à Lyon.
J'espère que ça me permettra d'éliminer une certaine quantité de
stress accumulée pendant cet été (en
clair : il me faut des vacances pour me remettre de mes vacances
— vous saisissez ?). Peut-être aussi dire un petit coucou à mon
ami Yann, qui s'installe à Lyon où il a trouvé un poste au
CNRS.
Je pars de Paris Gare de Lyon 2004-08-26T20:00+0200 et j'arrive à
Lyon Perrache 2004-08-26T22:14+0200 ; et comme j'ai pris mon billet à
la dernière minute, je voyage en première classe (mais en contrepartie
je n'ai pas le droit de rater mon train — ça va, à 8h du soir je
devrais être levé). Pour le retour, ce sera probablement le 31, sauf
si je change mon billet d'ici là (celui-là, j'ai le droit ; en
revanche, il me coûte près du double du prix de l'aller).
Et puis après, enfin la rentrée, tout ça tout ça…
PS : Il est possible que je n'aie pas du
tout accès à mon mail pendant ces quelques jours. Tant pis pour
ceux qui voudront m'écrire.
Il y a cinq ans et quelques jours je postai un
message sur Usenet qui conduisit à une petite engueulade suite à
laquelle je me laissai mettre à la porte — pour cinq ans —
d'Usenet (francophone au moins, parce que pour le reste je ne me suis
pas privé de poster, en fait) : façon de partir drapé dans ma dignité,
dirent certains, crise de paranoïa, peu importe, cet épisode peut
maintenant être enterré et oublié car ces cinq ans sont passés. De
toute manière, je n'ai pas l'intention de « revenir » : je n'ai eu que
l'occasion de constater à quel point sur les newsgroups de la hiérarchie
fr règne une ambiance bien puante (la partie la plus
infecte étant la manière dont les « habitués », ou « dinosaures »
/ « cabalistes » / autres noms privatejokesques, bref, les petits rois des lieux,
regardent les « neuneux » de haut avec gouaille en plaisantant entre
eux de leur supériorité de classe et en se délectant de leur humour
de potaches), ça me suffit. (Ou peut-être, diront certains, que
je n'ai toujours pas digéré, même après cinq ans ? Laissons-les
penser ça, ça leur fera plaisir.)
J'avoue par ailleurs que, même après tout ce temps, l'adoption d'Unicode peine encore un peu (et par
ailleurs je me suis planté en écrivant le type MIME
du message par où le scandale est venu, j'aurais dû mettre
UTF-8 tout court et pas UNICODE-2-0-UTF-8,
enfin bon). Je me demande si on se ferait encore autant engueuler en
postant en UTF-8.
Mais bon, revenons à moi-même (le centre de mes préoccupations,
tout ça tout ça). Qu'est-ce qui a changé depuis cinq ans ? En vrac
et dans le désordre…
J'ai ouvert un blog. Ça vous surprend, hein ?
J'habite Paris. De façon permanente, je veux dire : j'ai à peu
près arrêté de squatter chez mes parents tout le temps.
Les licornes ont arrêté de bouffer ma moquette grâce à
l'Unicorn-B-Gone® que j'ai pulvérisé dans les coins.
J'ai changé de directeur de thèse (après un divorce par
consentement mutuel avec le premier).
Je déprime (les jours pairs) parce que je deviens vieux (ben oui,
n'ayant pas fait de voyage relativiste, j'ai cinq ans de plus qu'il y
a cinq ans).
Je me suis fait quelques nouveaux amis. Et je me suis aussi
éloigné de certains vieux amis (pas toujours volontairement).
J'ai reçu quelques coups de râteau supplémentaires. Et j'ai dû en
envoyer, aussi, ce qui n'est guère plus plaisant.
Je me suis mis à aimer les moutons. Pardon, rectification, j'ai
toujours aimé les moutons.
J'ai maintenant un petit frère (qui,
pourtant, a plus de cinq ans !).
Et plein de choses que j'oublie, certainement…
Et du côté de ce qui n'a pas changé :
Je m'appelle toujours David Alexander Madore, né le 3 août 1976 à
Paris (13e arrondissement). Et il faut que j'assume l'héritage
encombrant des précédentes versions de ce personnage (comme celle qui
s'est fait bannir d'Usenet).
Je fais souvent des rêves qui se passent dans des tours immenses,
avec un nombre faramineux d'étages, et où se déroulent des
courses-poursuites dans les ascenseurs (ou parfois aussi dans les
cages d'escaliers). En général, ce ne sont pas des cauchemars,
d'ailleurs (même quand je suis poursuivi, le rêve n'est pas vraiment
effrayant, c'est même plutôt rigolo et ça ressemble un peu à une
partie de cache-cache dans un labyrinthe en trois dimensions). Cette
nuit, j'essayais de me réfugier dans un étage que mes poursuivants
n'auraient pas deviné à l'avance, et c'était technique, parce qu'ils
faisaient preuve de beaucoup de psychologie. Curieux.
Mon ami italien Davide (que j'ai déjà
évoqué plus d'une fois ici) vient de passer quelques jours (en
vacances) à Paris. L'occasion pour lui et moi de faire plein de
choses ensemble (flâner dans les rues, voir Montmartre la nuit,
visiter le parc André Citroën, dîner
au Loup Blanc,
aller voir Tout
le plaisir est pour moi au cinéma, etc.), mais surtout, de
discuter de tout et de rien.
C'est une chose qui me fascine, la manière dont, selon les
personnes avec qui j'essaie de parler, soit la conversation « prend »,
soit elle ne « prend » pas et chacun s'enferme dans le mutisme le plus désespérant. Avec
Davide je n'ai vraiment aucun problème à converser pendant des heures
sans grands silences gênants, sans avoir l'impression de meubler par
des phrases de contenu vide, et sans que ça tourne au monologue
ennuyeux de l'un ou l'autre participant. Ce n'est même pas tellement
une question de centres d'intérêt communs : il est vrai qu'avec un
geek unixien, par exemple, je pourrai toujours papoter à l'infini sur
ma façon de faire ceci ou cela. Mais là, mon Milanais, il n'apprécie
ni les maths ni l'informatique et nous n'en avons donc pas parlé du
tout (pas plus, évidemment, que je ne partage avec lui certaines des
private jokes que j'ai avec mes collègues
normaliens ou ex-normaliens) : ça n'empêche rien, au contraire (j'aime
bien pouvoir parler d'autre chose de temps en temps !). Nous
n'avons pas des masses de points communs (à part être gays tous les
deux, ce qui est quand même maigre). Et on a aussi évité le mode « je
raconte ma vie sur les <n> derniers semaines / mois /
années, pour occuper le temps ». Non, plutôt, nous avons discouru sur
quantité de petites choses du quotidien qui nous entoure, de Paris, de
culture, de société, que sais-je encore.
Mais alors pourquoi cela ne marche-t-il pas avec tout le monde ?
Je ne sais pas. Soit il y a des gens qui sont intrinsèquement
taciturnes et rêtifs à la conversation, soit c'est juste une question
d'incompatibilité d'« humeur bavardante ». Mais c'est un certain
mystère.
J'ai un peu l'impression d'être coincé dans une bulle hors du
temps, le genre de choses dont on parlerait dans un mauvais téléfilm
de science-fiction (en raison d'une faille spatio-temporelle, vous
êtes passés dans une dimension[#]
parallèle : le seul moyen de rejoindre le temps réel est de vous
trouver exactement à l'endroit où la foudre frappera le plutonium
avant que les Langoliers vous dévorent). L'attente m'est
insupportable. Comme si le mois de septembre devait (re?)mettre en
jeu tout une machine soigneusement huilée d'événements qui se sont
surnaturellement figés et qu'en attendant je dois me contenter de
contempler en me demandant comment ils vont évoluer (le piano, là,
il va me tomber dessus, ou juste à côté ?). Oh, ce n'est pas
comme si je n'avais pas des millions de choses que je
pourrais faire d'ici là, mais il y en a pour lesquelles je
n'y arriverais vraiment pas avant que les choses aient bougé —
et pour cela, je dois attendre la rentrée (pour le meilleur ou pour le
pire).
Mais en septembre, ce sera bien (tout ne sera peut-être pas
parfait, mais on y honorera certainement les jardiniers —
mauvaise référence, pardon) : un certain nombre de gens dans mon
entourage proche vont pouvoir faire un certain nombre de choses pour
un autre nombre de gens, et puis il va y avoir plein de nouvelles têtes à rencontrer, et tout et
tout. Vivement ce moment !
Tiens, je ne résiste pas à recopier ce que mon dictionnaire
français-anglais indique sous le mot rentrée :
La rentrée (des classes) in
September each year is not only the time when French children and
teachers go back to school, it is also the time when political and
social life begins again after the long summer break. The expression
à la rentrée is thus not restricted to an
educational context, but can refer in general to the renewed activity
that takes place throughout the country in the autumn.
J'allais le dire…
[#] J'aimerais savoir,
d'ailleurs, qui le premier a eu cette idée saugrenue d'une
dimension comme quelque chose dans laquelle
on va. Comme l'espace ordinaire a trois dimensions, j'aimerais savoir
dans laquelle (entre les trois — comme si cela avait un
sens de les identifier précisément !) cette personne croyait
être… Sans parler de la notion de dimension parallèle,
un magnifique oxymore.
La charmante petite bestiole
noire et blanche à quatre pattes qui égayait la maison de mes parents
de ses miaulements réclamant notre attention et notre affection, nous
a quittés aujourd'hui.
Nous avions adopté Hilbert en '96 (je m'en souviens bien parce que
je préparais les oraux des concours), et il avait sans doute environ
un an. Il avait été sauvé de la fourrière (parce que c'était lui qui
miaulait le plus fort) par une association qui stérilise des chiens et
chats errants avant de les remettre en liberté (pour tenter de
contrôler leur nombre sans les tuer) : la responsable de l'association
s'était vite rendu compte que ce chat était tellement affectueux et
avide de tendresse humaine qu'il ne pouvait pas être lâché dans la
nature, donc elle avait passé une petite annonce pour le donner, et ma
mère avait décidé qu'un animal très affectueux (ce n'était pas
de la publicité mensongère) était ce qu'elle voulait.
Cet amour pour les humains qu'avait Hilbert, d'ailleurs, lui était
bien rendu : quasiment toutes les personnes qui l'ont vu sont tombés
sous son charme, même des gens a priori peu sensibles à la
séduction féline, et ont admiré son caractère si amical. Parfois il
était un peu « pot de colle », et rarement il brillait par son
intelligence ou par son agilité, mais sa douceur et sa gentillesse
étaient des qualités vraiment appréciées. Dès qu'il se sentait un peu
abandonné, il poussait des miaulements déchirants : pas moyen de le
laisser seul ; au moins, il sera mort bien entouré (à la différence de
notre précédente chatte, que nous avions retrouvée sur le carrelage de
la cuisine en revenant de chez ma tante à Noël en 1995).
J'avais promis de ne plus parler
de ma déprime d'ici que j'aille mieux. Je peux donc dire : je vais
mieux. Beaucoup mieux, même. Je sais à quel point mon humeur a
tendance à être cyclique, donc rien ne promet que ce soit durable,
mais j'ai quand même l'impression d'avoir compris certaines des causes
qui me plongeaient dans cet état (pour différentes raisons, je ne veux
pas en parler plus précisément au-delà de ce que j'ai déjà dit) et de
savoir un peu agir dessus. Je continue à entretenir mentalement
l'idée de consulter un psy (et pourtant, je viens de revoir Annie
Hall ! qui, d'ailleurs, est fabuleux pour le moral), mais
il me faudra certainement longtemps pour trouver quelqu'un qui ait une
chance de me convenir (quoi ? trouver un psy serait aussi dur que
trouver un petit copain ? je suis mal parti). Une autre chose qui
m'aide à m'en sortir et que quelques circonstances fortuites me
donnent une chance, dans une certaine mesure, d'aider (peut-être pas
dans des aspects très importants, mais c'est tout de même quelque
chose) une personne ou deux (là non plus je ne veux pas en dire plus,
mais j'avais déjà constaté qu'aider
quelqu'un peut être une excellente façon de s'aider soi-même).
Enfin, en tout cas, je voudrais remercier les personnes qui m'ont
apporté un soutien (ne serait-ce que par un petit mot gentil) au
moment où j'en avais besoin, et entre autres (dans un ordre absolument
quelconque) : Pierre, Antoine, Laurent, Adrien, Izys, Ska, Erwan,
Benny, Fabrice, Jean-Louis, Lionel, Dimitri, mon petit frère Mouton,
la maman de celui-ci (qui est donc un peu ma maman aussi), ma maman à
moi (celle qui me supporte vaillamment depuis très bientôt 28 ans), et
un certain nombre d'anonymes (ou pseudonymes) commentateurs de ce
blog, plus ceux que j'oublie. Quelqu'un me demandait récemment,
justement, la chose dont j'étais le plus fier dans cette vie, et je
crois que j'ai eu raison de répondre : mes amis.
Premier cercle vicieux : plus on déprime, plus on fatigue les gens
autour de soi (à force de répéter qu'on va mal, qu'on va mal, qu'on va
mal). Même si ce n'est pas vrai, on s'en persuade soi-même.
D'ailleurs, on a tendance à envoyer promener les gens qui essaient
vraiment d'aider. Du coup, on se retrouve d'autant plus seul. Et
plus on se sent seul, plus on déprime.
Deuxième cercle vicieux : plus on est susceptible de déprimer à
cause d'une mauvaise image de soi, plus cette image s'aggrave, et plus
on déprime. Troisième cercle vicieux : plus on déprime, moins on est
motivé pour agir (y compris pour faire des choses permettant de
sortir, sinon de la dépression, au moins de l'ennui), et donc moins on
a de chances de s'en sortir.
Bon, tout cela n'est pas très encourageant. J'ai fait une petite
plongée introspective dans les profondeurs de ma personnalité, j'y ai
trouvé des choses vraiment pas jolies à voir. Ceci dit, peut-être
qu'il y a le début d'un fil qui va me conduire quelque part… À
suivre, donc.
Et à part ça, je vais arrêter de parler du fait que je vais mal,
jusqu'à ce que quelque chose ait changé, parce que ça n'a plus aucun
intérêt.
Je reprends les choses rapidement là où je les avais laissées.
Ça a commencé par un râteau, qui,
vous l'aurez remarqué, est le deuxième en peu de temps ; ce qui
n'empêche qu'il n'a en fait pas grand-chose à voir avec le précédent. Je n'en dirai pas beaucoup,
parce que la page est déjà tournée et que je ne suis d'ailleurs pas
certain que l'autre personne concernée tienne à ce que j'en dise
beaucoup : disons pour différencier du cas précédent qu'il est homo
(ce qui m'a permis de réviser la deuxième partie de la leçon fondamentale) et que j'avais
beaucoup moins eu le temps de m'attacher émotionnellement à lui de
sorte que ce coup-là était moins dur (et il n'est pas question, là, de
chercher à cultiver a posteriori une relation fraternelle ;
savoir ce que seront nos rapports — ou s'ils seront tout court
— reste encore à déterminer).
Ce qui est dur à porter, ce n'est pas la déconvenue elle-même,
c'est le profond sentiment de vide et de désespoir qui fait place
ensuite. Être amoureux, c'est une situation parfois dangereuse et
anxiogène, mais ça a aussi du bon, parce que ça donne un sens au temps
qui passe (pas un sens à la vie — rien de si général —
mais au moins un but immédiat qui n'est pas trop futile) : et quand
cela cesse, on se retrouve avec un énorme trou à la place du sentiment
qu'on a effacé (d'où la tentation possible de maintenir le sentiment,
même désespéré — mais ici je m'en suis bien gardé). Sentiment
de désespoir, aussi, parce que cela s'ajoute à une interminable série
d'échecs. Je voudrais bien garder de l'espoir, parce que l'espoir est
une motivation, et même si cet espoir est vain il est nécessaire pour
pouvoir vivre heureux (car nous nous nourrissons d'espoir vain —
c'est pourquoi même si en fin de compte tout aura été futile nous
arrivons tout de même à vivre de rêves immédiats, qui ne sont pas
méprisables). Je voudrais bien pouvoir me dire que j'ai, moi aussi,
droit de penser qu'un jour je rencontrerai l'amour (peut-être pas
l'Amour avec un grand “A” éternel et impérissable, mais au
moins quelque chose de réciproque et de pas complètement fantasmé), je
voudrais bien ne pas me sentir victime d'une profonde injustice du
destin (surtout que je n'y vois pas de raison objective) ; mais j'ai de plus en
plus de mal à y croire, et ça c'est aussi un grand vide désespérant.
(Et je ne suis pas facile à tromper : si à bientôt vingt-huit ans je
n'ai toujours rien trouvé, ce n'est pas pour une raison
passagère ou sans importance — c'est qu'il doit y avoir un
problème basique et fondamental, et c'est de fort mauvais
augure.)
En cet instant, je ne suis pas vraiment déprimé : je me sens
surtout « sec », si j'ose dire. Maintenant, le côté positif, c'est
que j'ai quand même appris (je crois) des choses, au cours des
dernières semaines, sur les relations humaines en général : rien de
bien profond ou révolutionnaire, mais des choses qui se sont un peu
éclaircies dans ma tête et qui pourraient me servir plus tard ;
j'essaierai d'en dire plus ultérieurement.
Reprenons. J'ai passé trois-quatre jours à Lyon avec mon petit frère d'adoption
et avec sa famille (qui est donc, du coup, un peu la mienne aussi).
Jours qui ont été exceptionnellement heureux et m'ont permis de
combler un peu, ou en tout cas de reporter, le vide que je ressentais
et dont je viens de parler. Il est toujours risqué de rester lié à
quelqu'un dont on a été amoureux (pour ceux qui suivent en diagonale,
le petit frère d'adoption, c'est le premier des deux râteaux), mais je
crois que là c'est vraiment une réussite (pour nous deux), et c'est
quelque chose dont je peux me réjouir. Maintenant, ça aussi ça a un
coût, forcément : c'est que le petit frère part en stage à Toulouse
jusqu'à fin août, et du coup mon vide affectif me revient à la figure,
avec le manque de sa présence en plus (ou en moins, je ne sais pas
comment on doit dire). L'idée de partir
en Allemagne m'enchantant particulièrement peu, j'ai eu un nouveau
gouffre devant moi (le pire étant juste après mon retour de Lyon).
Il n'y a pas énormément à raconter de mon voyage à Göttingen
proprement dit (pour le côté touristique, voyez les photos que
j'y ai prises). C'était une erreur de voyager en train couchette,
parce que je n'ai pratiquement pas dormi (et même si je ne suis pas
claustrophobe, le sentiment qu'on a à six dans un compartiment est
étouffant — heureusement, au retour j'ai été miraculeusement
placé en première classe et nous n'étions que quatre). Sur place,
l'hôtel était très confortable et très agréable ; je n'aime pas trop
être en chambre double, mais là c'était tout à fait supportable (ce
qui était potentiellement embarrassant était que mon coturne —
l'autre étudiant de mon directeur de thèse, en fait — était un
garçon que j'eus trouvé vraiment très séduisant autrefois, et je ne
crois pas qu'il eut énormément apprécié ce fait). Le contenu
scientifique de la conférence était tout à fait intéressant (surtout
s'agissant des « cours » donnés par Jean-Benoît Bost, Brendan Hassett et Richard Pink, qui exposent
tous les trois remarquablement bien). Mon exposé à moi s'est bien
déroulé, et a semblé convaincre l'auditoire. C'était amusant de se
trouver dans une ville où Gauß, Hilbert et d'autres grands
mathématiciens ont passé l'essentiel de leur carrière, et qui cultive
activement leur souvenir. Göttingen est d'ailleurs une petite ville
allemande typique bien propre et pleine de charme. Mais à part ça, on
s'y ennuie ferme, parce qu'il n'y a vraiment rien à faire. Comme peu
d'efforts étaient faits dans la conférence pour que les participants
se rencontrent un peu et échangent (notamment, les déjeuners n'étaient
même pas pris en groupe, alors que c'était le cas de toutes les
conférences de maths auxquelles j'avais jusqu'à présent assisté),
chacun partait dans son coin, et s'ennuyait séparément, si j'ose dire.
(Ou bien on en était réduit à regarder les matchs de l'Euro 2004,
c'est dire.) Et comme en plus je ne parle pas terriblement bien
l'allemand (c'est d'ailleurs effrayant de constater le peu qu'il m'en
reste alors que j'ai étudié cette langue pendant neuf ans) je n'étais
pas spécialement aventureux. Bref, il y a eu des moments d'un ennui
mortel, surtout le dernier jour (hier) pendant les longues heures, que
j'ai comptées une à une, entre la fin de la conférence et mon retour à
Paris.
Ceci étant, cet ennui profond n'était paradoxalement pas forcément
trop mauvais pour mon état d'esprit : je me suis ennuyé, mais je n'ai
pas déprimé. Sans doute parce que l'engourdissement intellectuel, si
j'ose dire, s'accompagne d'une sorte d'anesthésie des sentiments, y
compris de la tristesse. Certes, mon Mouton m'a manqué (mais Paris
aussi me manquait), et heureusement que nous avons pu communiquer,
mais cela m'a aussi aidé à récupérer, et je n'ai pas trop souffert
— si ce n'est de l'ennui.
J'ai sans doute d'autres choses à dire, mais ça attendra. Il faut
quand même que je note deux points dont je me suis aperçu :
premièrement, que ne pas lire mon mail toutes les cinq
secondes, ça me faisait du bien, et que ce serait donc sans doute
utile de m'en passer un peu, du coup (surtout quand j'ai des gens avec
qui parler en vrai). Et deuxièmement, qu'écrire dans ce blog me
faisait aussi du bien, parce que ça m'a manqué pendant tout ce temps ;
en revanche, je crois que je ne vais pas continuer à m'imposer de
faire forcément et systématiquement une entrée par jour (même si je
compte bien maintenir ce rythme approximatif).
Une petite entrée en passant pour rompre le silence momentané. Je viens de rentrer
de Lyon.
La bonne nouvelle, c'est que j'y ai passé quatre jours vraiment
merveilleux, loin de tout souci, et complètement heureux. C'était
vraiment bien, et j'en avais beaucoup besoin. Un grand
merci, donc, à tous ceux que j'ai vus pendant ces quatre jours.
La moins bonne, c'est que je subis à présent le contrecoup. Si je
me suis maintenant remis du deuxième
râteau (si j'ose dire) de ces derniers jours, je reste avec un
sentiment de vide affectif complet, je ne sais plus de quel côté
trouver le commencement de l'espoir d'avoir un jour une vie affective
normale — je ne vois même plus à l'horizon quelqu'un dont je
pourrais être amoureux (or, quelque part, j'ai un besoin d'être
amoureux). Et mon petit frère d'adoption (pour ceux qui ont besoin
d'un résumé des épisodes précédents : il s'agit du Mouton — chez
qui j'étais à Lyon), qui sait aussi prendre le rôle de confident quand
il le faut, je ne vais peut-être plus le revoir avant septembre, et
ça, ça va me faire très bizarre après l'avoir vu (pour ne pas dire :
avoir passé avec lui l'essentiel de mon temps) chaque jour depuis
trois semaines. Bref, je suis envahi d'une profonde sensation de
solitude et d'isolement. Que ne va pas aider mon séjour dans une
ville peu animée (Göttingen) d'un
pays dont je connais mal la langue, entouré de gens qui me sont
étrangers.
Ô divinités qui présidez aux destins des humains, est-ce que je ne
pourrais pas avoir un ou deux petits miracles supplémentaires en ma
faveur ?
J'ai encore fait un crise de
tachycardie ce matin : elle a duré nettement plus longtemps que les
précédentes (au bout de dix minutes j'avais toujours un pouls dans les
140 ; forcément, ça m'a inquiété encore plus, donc mon cœur a
battu encore plus vite), j'ai fini par appeler le SAMU, qui
après interrogatoire (mené avec compétence et efficacité — déjà
c'est rassurant en soi) m'a renvoyé sur SOS médecins.
Le médecin qui est passé m'a assuré que ce n'était pas dangereux
tant que mon rythme cardiaque restait bien régulier. Elle m'a
prescrit un anxiolytique. Quoi, je suis anxieux, moi ?
Peut-être qu'il faudrait créer SOS
hypocondriaques, en fait, pour les gens comme moi, pour éviter
d'encombrer inutilement le SAMU : d'après Google,
ça n'existe pas encore (dommage !).
(Et hop, encore un mot à orthographe
traîtresse : c'est hypocondriaque en français, mais hypochondriac, avec un ‘h’, en
anglais.)
Une façon de piéger un David Madore, c'est de lui poser une
question de maths qui a l'air parfaitement innocente et qu'il
va avoir envie de résoudre rapidement et élégamment, et qui
en fait s'avère être un piège redoutable. Je suis capable de passer
un temps invraisemblable sur certains problèmes de ce genre : en fait,
c'est quasi obsessionnel — je n'arrive plus à penser à autre
chose tant que je n'ai pas résolu la question ou que je ne me suis pas
convaincu (parfois avec une certaine mauvaise foi, heureusement, sinon
je pourrais y rester bloqué indéfiniment) que le problème n'a pas
autant d'intérêt que je le pensais.
Un exemple de tel problème qui m'a bien eu il y a quelque temps
était celui-ci :
Considérons un polyèdre (convexe, pas forcément régulier). Sur
chaque face du polyèdre il y a une fourmi, qui parcourt les arêtes de
la face en question (au rythme qu'elle veut, mais de façon continue,
bien sûr ; elle a le droit de s'arrêter, de ralentir ou d'accélérer,
mais pas de revenir en arrière) toujours en tournant dans le sens
trigonométrique (le sens contraire des aiguilles d'une montre). On
suppose qu'entre deux instants donnés, chaque fourmi a accompli un
nombre entier non nul de tours (autrement dit, chaque fourmi a fait au
moins un tour, dans le sens trigonométrique, de la face dont elle
parcourt les arêtes, et est revenue à son point de départ, qui est
quelconque). Il faut montrer que, pendant ce laps de temps entre les
instants considérés, deux fourmis (au moins) se sont croisées.
Cela a l'air parfaitement innocent, mais c'est absolument
diabolique. Je me suis torturé pendant des heures sans rien trouver
(pourtant, ce n'étaient pas les pistes qui manquaient). Un ami a fini
par trouver une démonstration, mais elle est sophistiquée et peu
intuitive, et utilise le théorème de l'indice[#] de Hopf. C'est décevant, parce
que le problème est compréhensible par ma maman et je voudrais une
solution qui le soit aussi. Et c'est décevant parce je n'ai pas
trouvé, moi. Notons au passage que l'hypothèse que le
nombre de tour de chaque fourmi est entier est indispensable.
[Ajout () : Le problème —
qui est apparemment standard sous le nom
de Klyachko's Car Crash Theorem — a reçu des
réponses dans les commentaires (notamment celui signé Tiens un
touriste et daté ) ; mais on vient aussi de
me faire remarquer qu'il fait l'objet
d'une discussion
sur MathOverflow. Il faut noter que la variante plus standard du
problème est de demander que les fourmis font un nombre de tour qui
tend vers l'infini quand le temps tend vers l'infini, au lieu de
demander qu'elles fassent un nombre entier de tours dans un intervalle
fini (ce qui est plus particulier, parce qu'on peut alors rendre le
mouvement périodique et se ramer au cas du nombre de tour tendant vers
l'infini).]
Mais récemment, on m'a posé un problème qui me semble encore pire :
son énoncé n'est peut-être pas aussi élémentaire que celui des
fourmis, mais il est extrêmement naturel et semble très joli :
Trouver la dimension maximale (si elle existe, ou même simplement
un majorant de la dimension) d'un espace vectoriel de matrices réelles
(je veux dire, un sous-espace vectoriel des matrices
n×n réelles, pour n non précisé) dans
lequel la seule matrice singulière (de déterminant nul) soit la
matrice nulle.
Je sèche complètement. Je suis arrivé à la conclusion, et
plusieurs autres ayant réfléchi au même problème y sont parvenus
indépendamment, que la dimension 8 est possible (consulter n'importe
quelle introduction aux octonions pour en savoir plus), mais quant à
savoir si c'est ou non le mieux possible… Je ne trouve vraiment
rien. Et j'y ai passé déjà un certain nombre d'heures.
C'est dur, les maths !
(Bon, là, on va voir si les lecteurs de mon blog sont des
torscheurs. À chaque fois que je parle de quelque chose, il se trouve
un commentateur qui connaît parfaitement le sujet pour intervenir avec
une expertise impressionnante. Voyons donc si je vais me faire
ridiculiser par une résolution en trois lignes de ces deux problèmes !
En vérité, ça me plairait bien.)
[#] Il est certain, au
moins, qu'il faut employer quelque part une propriété topologique de
la sphère, parce que le résultat n'est pas vrai si le polyèdre a la
forme d'un tore, comme on le voit assez facilement. Donc l'hypothèse
de genre zéro est cruciale. Ceci étant, il devrait y avoir des façons
plus simples de caractériser ce fait que le théorème de l'indice de
Hopf.
Mon intérêt pour le jeu de tarot tourne à la collectionnite (j'en
ai maintenant sept) ; mais après tout, j'ai une collection
impressionnante d'exemplaires de la Bible alors que je suis athée, je
ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas avoir une collection de tarots
divinatoires sans croire à la cartomancie (j'y accorde aussi peu de
crédit qu'à l'astrologie, la chiromancie, l'informatique et toutes les
autres sciences occultes). Quand bien je n'aurais pas trouvé quelque chose à faire avec,
ces cartes sont déjà intéressantes simplement à regarder.
Bref, après notre promenade (et
après un petit-déjeuner dans une cour de l'École), Mouton et moi
sommes allés à la boutique Jeux Descartes
de la rue des Écoles (tiens, il me semblait qu'ils avaient leur propre
site Web, autrefois ? je ne retrouve plus ça…) pour augmenter
notre liste de jeux. Mouton a choisi le Black
Tarot de Luis Royo (je ne l'ai pas regardé de près, mais il
est dans le style gothique, vaguement érotique, et il semblait beau),
tandis que j'ai préféré le Tarot
Art nouveau d'Antonella Castelli (après examen des
cartes, c'était un bon choix : il est effectivement bien fait surtout
si, comme moi, on aime l'Art nouveau ; et puis, quand on aime bien
regarder de beaux garçons, les valets du jeu, ainsi que quelques
autres arcanes, ne sont pas mal du tout).
Nous en avons profité pour laisser à la boutique deux-trois
exemplaires des règles d'Arcanoïd, l'idée étant qu'il doit y avoir
dans cette boutique tout un tas de clients réguliers qui connaissent
bien le personnel, qui aiment essayer des jeux de cartes bizarres, et
qui pourraient avoir envie d'essayer celui-là. Sait-on jamais.
Peut-être en feront-ils du PQ, mais ça ne coûtait rien
d'essayer.
Ma journée d'aujourd'hui n'était pas spécialement marquante, mais
néanmoins riche en petits faits globalement plutôt agréables. J'ai eu
peu après mon réveil un coup de téléphone d'un lecteur ce blog (que je
ne dénoncerai pas, et je n'en dirai pas plus, mais il peut le faire
s'il le veut). J'ai reçu d'Amazon le DVD de Sebastiane,
sans doute le seul peplum homoérotique entièrement en latin (si, si) :
je suis curieux de voir ce que ça donne. J'ai réussi la cuisson la
plus parfaite des œufs à la
coque que j'aie jamais réussi (et j'ai mangé un pamplemousse en entrée, qui était aussi
particulièrement bon). Il n'y avait pas grand monde ce soir à >Dégel! (vacances de Pâques
obligent), mais c'était néanmoins bien sympathique. J'ai perdu plein
de temps à créer un donjon LambdaMOO de base
— plus pour comprendre le fonctionnement du système que pour
vraiment en tirer quelque chose — et c'était assez rigolo (même
si je suis un peu déçu par le manque de flexibilité du langage et la
lourdeur de l'architecture). Enfin, j'ai reçu quatre mails (tous de
la même personne, hé, hé) qui m'ont fait vraiment plaisir.
Bon, mais là il est cinq heures (classique, avec David
spécialement), alors je vais me coucher.
Ceci est la dernière entrée dans ce blog. Ma rencontre récente
avec P., et le coup de foudre réciproque que nous avons éprouvé, vont
sans doute changer ma vie : enfin je sais ce que c'est qu'un amour
partagé, et je compte le vivre pleinement — or pour cela, je
tire un trait sur tout un tas de « geekeries » qui se mettent en
travers du chemin dont, justement, ce blog. D'ailleurs, ce journal a
été essentiellement le réceptacle de mes jérémiades sur mes problèmes
de cœur, donc il est d'autant plus opportun d'y mettre un terme.
Pour cette raison aussi, je ne parle pas plus de P., je tairai jusqu'à
son nom : ce n'est pas un secret, mais ce n'est pas ici que
j'en dirai plus. Plus généralement, j'ai sacrifié trop de ma vie sur
l'autel du dieu Ordinateur, et il est temps de la reprendre pour moi
— et pour P.
Je vais aussi arrêter les maths. Ma thèse est un échec complet, il
n'y a rien dedans, et je n'ai jamais été doué pour en faire, de toute
façon j'ai depuis longtemps perdu toute motivation, il faut que cela
cesse. Je vais complètement changer de domaine ; en fait, je pense
essayer de vivre comme écrivain — ça ne sera sans doute pas
facile, mais dans le fond l'écriture est vraiment ma passion. Un
jour, dans la vie, il faut faire le choix entre la carrière trop
facilement dessinée et les vrais rêves qu'on a : suivre la voie
évidente est plus rapide, plus facile, plus séduisant, mais
plus tard les rêves reviendront nous dire, pourquoi m'as tu
abandonné ? Je ne veux pas me retrouver dans cette situation.
Et enfin, j'en ai assez de Paris. Je pars en voyage —
avec P. — pour découvrir d'autres horizons et faire de nouvelles
expériences. Ça commencera par un voyage en Chine cet été, je veux
visiter les monastères zen (et peut-être y rester, qui sait ?) et voir
comment on élève le saumon dans le Sichuan.
C'est bien une des premières leçons que, comme sans doute beaucoup
de pédés, j'ai dû apprendre dans la vie affective : quelque chose
comme 95% de la population (masculine — enfin, féminine aussi,
mais c'est la première qui m'intéresse en l'occurrence) est
hétérosexuelle, et le fait qu'un garçon soit joli et charmant, de
compagnie agréable et amical avec moi, ne signifie pas que j'aie la
moindre chance[#]. Il n'y a pas
de promesse des cieux, et personne n'a jamais dit que la vie devait
être juste. Depuis le temps, je l'ai bien compris, je crois, et j'ai
appris à vivre avec ; reste que c'est un peu agaçant de devoir subir
des piqûres de rappel de temps en temps.
Allez ! C'est le printemps ! Vive la vie !
[#] Bon, je n'ai
pas de chance avec les pédés non plus, mais ça ça a été la
deuxième leçon, bien plus tard, et je n'ai toujours pas fini
de l'apprendre, celle-là, donc n'en parlons pas.
Le Ruxor est toujours à la recherche d'un look qui lui convienne, alors, en
attendant d'avoir trouvé, j'expérimente. (Ce qui est un peu un
prétexte, puisque justement, ce côté éclectique-caméléon me plaît
bien, le fait de changer sans arrêt, de mélanger tout et n'importe quoi
pour voir ce que ça donne.) Ce qui est amusant, c'est de regarder la
manière dont les gens me regardent. Hier soir et ce soir j'ai fait la
même promenade dans Paris. Mais hier j'étais habillé dans le genre
aussi tapiole que possible (je ne suis pas sûr d'y arriver très bien,
mais enfin, je fais ce que je peux, merci à quelques boutiques utiles). Alors que
ce soir c'était un genre vaguement « craignos » (relativement proche
de celui que je portais l'été dernier
mais en plus hivernal et plus gothique, notamment grâce à un zouli
tee-shirt représentant l'allégorie de la mort, à un pantalon avec des
lanières qui dépassent de partout, et une paire de rangers bien
employée ; attention, il ne faut pas confondre avec le look racaille, qui est très différent). Dans
les deux cas, j'attire plus les regards que si je me promène en
jean-baskets, mais pas de la même façon ; simplement, je ne suis pas
sûr de pouvoir décrypter les regards en question, donc finalement
l'expérience n'est pas si concluante que ça pour me décider sur le
genre de piste que je veux suivre.
(Je mettrais bien des photos, mais je n'ai toujours pas trouvé de
solution satisfaisante pour me photographier en pied, sans
l'assistance d'un tiers.)
Récapitulons. En ce moment je me
lève vers 15h (d'autres pourront
témoigner : ce doit être un effet particulier de cet appartement et de
l'obscurité totale qui peut régner dans ma chambre que de faire qu'on
se lève naturellement en milieu d'après-midi). Je n'arrive jamais à
être prêt à faire quoi que ce soit en moins de quatre heures après mon
lever. Donc je suis vraiment « levé » vers 19h–20h. Or à ce
moment-là il est trop tard pour faire quoi que ce soit : la journée
civile, pourrait-on dire, est déjà finie. Mais je ne peux pas me
coucher tout de suite, parce que, n'ayant rien fait du tout, je ne
dormirais pas. J'arrive à me mettre au lit (et m'endormir) vers 3h du
matin (ce qui me fait 10–12 heures de sommeil par nuit en ce
moment). Comment échapper à ce cycle infernal ?
Me lever plus tôt ? Il suffit que je mette un réveil à côté de
moi, peu importe l'heure sur laquelle il est réglé pour sonner, pour
que mon sommeil soit tout perturbé. J'ai essayé pendant une semaine
(pas la semaine dernière, mais celle d'avant) de le mettre chaque
matin à 10h15, dans l'espoir de finir par m'y habituer : peine perdue,
le samedi j'étais tout simplement transformé en zombie par la fatigue,
et j'ai jeté l'éponge. Me coucher plus tôt ? Je ne dors tout
simplement pas. Avancer progressivement l'heure du réveil ? Mais ce
n'est pas l'heure du réveil qui pose un problème, c'est le fait même
de mettre un réveil.
J'arrive parfois, au prix d'un effort immense et coûteux, à me
remettre un peu dans un rythme normal. Mais il suffit que pour une
fois, après une journée fatigante et se terminant tard, je succombe à
la tentation de ne pas m'imposer de me lever « tôt », pour qu'aussitôt
je retombe dans le cercle vicieux.
J'en ai marre ! Qu'est-ce que je donnerais pour pouvoir
me lever un matin vers 8h sans être accablé par le manque de
sommeil.
Bon, demain j'ai rendez-vous pour déjeuner avec un ancien camarade
de classe (pas vu depuis dix-douze ans !), il faudra bien que je
réussisse un exploit…
J'ai eu de nouveau un moment
d'anxiété vers 9h ce matin, et je me suis retrouvé avec le
cœur qui battait à autour de 200 pulsations par minute ; sauf
que cette fois-ci je n'ai pas vraiment paniqué, donc je pense que ce
n'est pas juste un effet de feedback positif (genre : je m'inquiète
donc mon cœur bat plus vite, donc je m'inquiète encore plus)
mais qu'il y a vraiment quelque chose de physiologique là-dessous. Le
médecin avait eu beau me dire, en substance, c'est dans votre tête, je
suis persuadé que ce n'est pas normal de se réveiller sans raison
(fût-ce une fois tous les neuf mois) et de trouver que son rythme
cardiaque monte rapidement à 200 pendant une minute ou deux. Comme le
rythme était rapide mais bien régulier (pas de signe de fibrillation),
je ne m'inquiète pas trop, mais je vais voir si je peux faire
des examens complémentaire (à commencer par l'échographie cardiaque
qu'on m'avait prescrite et que j'avais eu la flemme de faire).
J'essaie d'écrire au moins une entrée par jour dans ce blog : si je
ne l'ai pas fait hier (sauf pour dire
que je ne le faisais pas, justement : je sais que certains sont très
énervés par le je n'ai rien à dire et je le dis, mais il y a
des gens qui seraient susceptibles de me croire mort si je n'écris pas
à temps dans mon blog ), c'est parce que j'ai hébergé
quelqu'un chez moi hier soir (chose que je fais rarement, pour toutes
sortes de raisons, mais là je n'allais pas laisser un adorable petit
pixie aux cheveux rouges à rentrer dans le froid dans le XVIe depuis
le XIIIe), et je n'allais pas dire, à 4h du matin, que je comptais
attendre encore une petite heure avant de me coucher, histoire de
composer une entrée convenable pour mon blog. C'est bon, je suis
pardonné ?
Avec des amis (de 1h à 3h du matin, donc…) j'ai regardé le
film 千と千尋の神隠し
(Le Voyage de Chihiro en français, Spirited Away en anglais) : c'est moi qui en
avais fourni le DVD, mais je ne l'avais encore jamais
regardé. Ce dessin animé est vraiment somptueux. Souvent très
déroutant, parce que les choses n'ont souvent aucune logique au sens
où nous y sommes habitués (et notamment la notion de « gentil » et de
« méchant » est toute relative…), mais absolument
magnifique.
Soirée Superficial
au Banana café. Vestiaire très cher (2×2€ pour y
laisser mon manteau et mon sac, c'est mesquin), consos hors de prix.
Atmosphère relativement respirable (à ma grande surprise), volume
sonore presque supportable. Gogo dancers sans intérêt. Dance floor
beaucoup trop petit et trop peuplé. Musique sans grand intérêt.
Faune sympathique (beaucoup de gens connus de moi), jeune et plutôt
jolie. Je trouve qu'Olivier est décidément très mignon (vu le nombre
d'« Olivier »s que je dois connaître, pas de risque qu'on devine
duquel je parle). Un gosse Américain (un dénommé Thomas, 18 ans, de
San Francisco) complètement bourré (manifestement venu se saouler en
Europe puisqu'il n'en a pas le droit chez lui), qui n'arrêtait pas de
dire qu'il adorait les Français mais ne parlait pas un mot de français
(la langue), a commencé à rouler des pelles à Sylvain, à réclamer
bruyamment qu'on lui offre une vodka, et à essayer d'enrôler tout le
monde dans une partouze ; quand je suis sorti (je ne suis resté que
deux heures), le gérant venait de le foutre à la porte (apparemment
parce qu'il s'était mis à dancer sur les tables).
Je ne sais pas pourquoi, cette soirée m'a mis de bonne humeur.
Je ne sais pas exactement ce que c'est que l'« intelligence », mais
je crois savoir la reconnaître quand je parle avec quelqu'un : il y a
des gens qui ont une façon de comprendre les choses (je ne parle pas
de rapidité d'esprit, parce qu'on peut avoir une intelligence profonde
mais très lente) qui fait que je les classe naturellement comme
« intelligents ». Ce n'est pas pareil que le niveau d'études, la
culture générale, la logique (ou encore moins le talent pour les
mathématiques), la facilité d'expression, la vitesse de réflexion, la
capacité d'analyse ou de synthèse, ni la clarté du discours —
même si ce n'est pas sans lien avec certaines de ces choses.
Je ne suis pas sûr que les tests de QI mesurent bien ce que je considère comme
l'intelligence (les meilleurs semblent surtout se focaliser sur la
logique, la capacité de taxonomie, ou parfois la maîtrise du langage,
qui ne sont au mieux que des aspects particuliers de l'intelligence et
parfois vraiment sans rapport ; les pires tests sont tellement mauvais
que quand ils proposent le choix entre six réponses pour compléter une
suite je peux typiquement expliquer de façon parfaitement sensée
pourquoi chacune de ces réponses est valable pour des raisons
extrêmement simples) ; finalement, ce que j'ai trouvé de mieux pour
caractériser l'intelligence abstraite, c'est encore les problèmes
de Bongard (en tant que tels, ils ne peuvent pas servir de tests
d'intelligence, mais je pense qu'on pourrait créer des tests basés sur
le principe des problèmes de Bongard, par exemple en proposant six
images à répartir entre la gauche et la droite).
Et alors ?
Je trouve bizarre la manière dont on semble considérer que c'est
une qualité individuelle positive : pour ma part, je ne vois pas
pourquoi il serait plus flatteur de dire à quelqu'un tu es très
intelligent que tu es très fort ou même tu es très
grand, tu as les cheveux très blonds, ton nom est très
haut dans l'ordre alphabétique, etc. Rien n'empêche de prendre
toutes ces choses comme des compliments, évidemment, ou même de les
dire comme tels, mais il n'y a pas de raison à cela non plus. Dire
tu es gentil et attentionné, en revanche (et pourtant ce n'est
pas très souvent utilisé comme compliment !) est clairement une marque
d'appréciation, puisque la gentillesse s'exerce vis-à-vis des
autres, c'est une qualité exotrope (alors que l'intelligence, la
force physique, la taille, la couleur des cheveux ou la position du
nom dans l'ordre alphabétique sont intrinsèques). Si quelqu'un est
intelligent, grand bien — ou grand mal — lui en fasse,
mais ça ne concerne pas vraiment les autres. Expérimentalement, je ne
trouve même pas que la conversation (ou à plus forte raison la
compagnie) des gens intelligents soit plus appréciable que celle des
autres (donc ce n'est même pas la qualité exotrope ta conversation
est passionnante).
La valeur sociale de l'intelligence est d'ailleurs douteuse au
mieux. Je ne connais pas beaucoup de situations ou de positions où
elle s'avère utile. Léonard de Vinci était sans doute quelqu'un
d'extrêmement doué sur ce terrain, mais le temps des Léonards est
passé, et même dans le domaine de la recherche et de la découverte il
est plus besoin de méthode et de travail que d'intelligence. Pourquoi
donc certains ont-ils tendance à considérer l'intelligence comme plus
« noble » (si j'ose dire) que la force physique ?
Et moi ?
Il y a des gens qui m'ont qualifié d'intelligent. Pour les raisons
que je viens de dire, je ne prendrais pas ça spécialement comme un
compliment même si j'y croyais ; mais de toute façon je pense que
c'est surtout dû à une confusion de leur part entre de la maniaquerie
intellectuelle (une certaine tendance à couper les cheveux en quatre
et à abuser de la taxonomie) et l'intelligence véritable. Pour ce que
ça vaut, parmi les personnes les plus intelligentes que je connais (au
moins si je me fie à mon propre jugement) sont Péter Horvai, Marjorie Luzet (qui prouve
au passage que ça n'a pas de rapport avec les maths) et Nat Makarevitch.
Les commentaires sur la précédente
entrée me désolent (ce ne sont pas les seules choses, évidemment :
ils ne sont que des gouttes d'eau de plus dans la cascade — je
ne dis pas dans le vase, parce que les gouttes d'eau ne s'accumulent
pas, elles coulent). Il y a vraiment
des moments où je me demande pourquoi je ne tire pas un trait
définitif sur toute tentative d'avoir une vie sentimentale, affective,
ou sexuelle : manifestement, quelque obscure divinité dont les
desseins sont impénétrables a Écrit, du fond de l'abysse, que je n'y
aurais pas droit, ce n'est pas la peine d'essayer de comprendre
pourquoi, je n'ai qu'à m'y plier et à laisser tomber les tentatives
ridicules (aussi pitoyables que de changer de coupe de cheveux) pour faire
évoluer ma situation. Arrêter de me dire homosexuel : c'est aussi
prétentieux que si je me disais athlète, apparemment je suis asexuel,
et mon insatisfaction vient de ma comparaison avec le milieu gay en
général ou mes amis homos (comparaison qui fait que ne pas avoir eu un
seul copain stable en 27 ans d'existence est, quelque part,
« anormal », alors que pour les hétéros ce n'est pas franchement
extraordinaire). Mais qu'est-ce que je fous à fréquenter la
communauté homo, bon sang ? Plutôt couper tout lien avec elle, avec
laquelle je n'ai semble-t-il aucun
rapport (et parler d'autre chose dans ce blog, ça intéressera sans
doute plus les lecteurs). Il y a d'autres façons de trouver le
bonheur (que ce soit les mathématiques, le soleil qui brille et les
oiseaux dans les arbres, ou la musique, que sais-je encore), plein de
gens y trouvent d'ailleurs leur compte et puisque je suis malgré tout
d'un naturel heureux, je ne devrais pas le laisser gâcher ainsi. (Et
d'aucuns ne manqueront pas d'observer que je suis, d'ailleurs,
terriblement prétentieux de me plaindre alors que j'ai toutes les
conditions nécessaires à la félicité, quand il y a des gens qui ont de
vraies raisons de se plaindre.) Comme ça je pourrai même
offrir mon témoignage à une secte chrétienne fondamentaliste (voyez,
j'étais homosexuel et j'étais terriblement malheureux, et j'ai décidé
d'arrêter de vivre dans le péché) — ahem.
Et pourtant non. On sait tous que ce qui se cachait au fond de la
boîte de Pandore…
J'ai fait aujourd'hui des courses avec un ami — pour acheter
des fringues, je veux dire. Forcément on en est venu à parler de mon
look. Il faut dire que nous avons une certaine divergence de goûts
puisqu'il s'habille plutôt de façon BCBG (dandy
serait exagéré mais il y a un peu de ça) et que j'ai positivement
horreur du style bourge, et que réciproquement il n'aime pas
du tout les sweats à capuche ou les choses de ce genre et que c'est
exactement ce que je porte.
Il me fait observer ceci : que ce n'est vraiment pas la peine que
j'essaie de me donner un look de racaille (note : ce n'est pas exactement
ce que je cherche à faire, c'est un peu plus compliqué que ça, mais ce
n'est pas la question, donc admettons-le pour les besoins de
l'exposé), je ne peux pas y arriver, je n'ai pas le comportement d'un
mec de banlieue et je ne l'aurai jamais ; tout ce que je peux réussir
(me dit-il), c'est à me rendre ridicule ou à rendre les gens
complètement confused (ce qui est peut-être plus
grave, en fait). Ce n'est pas la peine (m'avertit-il encore)
d'essayer de paraître ce que je ne suis pas, je ferais mieux de
m'occuper d'avoir l'air de ce que je suis (pas forcément tout
ce que je suis, il n'est pas nécessaire de faire resortir mon côté
geek), et notamment, pédé. Parce qu'en l'état on ne
m'identifie pas comme pédé en me regardant (ça c'est bien possible,
oui), et il peut être tout à mon avantage qu'on le fasse. Je devrais
donc (me conseille-t-il pragmatiquement) essayer de suivre un peu la
mode homo.
Bon, normalement j'achète des vêtements dans lesquels je me sens à
l'aise. C'est le premier critère, et on m'a souvent dit de m'y tenir.
Malheureusement, c'est vaguement incompatible avec le conseil
précédent. Mais bon, expérimentalement, les habits dans lesquels je
me sens à l'aise n'ont pas trop l'air de plaire aux autres (enfin, je
n'en sais rien, en fait : à part cet unique ami qui a le bon sens de
me donner des conseils, il est impossible de tirer le moindre jugement
de la part des autres gens que je côtoie, ils restent obstinément
évasifs).
Admettons donc que j'essaie de suivre le conseil. Je m'adresse
donc à toutes les personnes de bon goût qui lisent mon blog (oui,
vous, c'est à vous que je parle) pour lancer ce défi :
Relookez le Ruxor !
Vous disposez d'un budget maximum de 1000€ (tout compris,
notamment le passage nécessaire chez le coiffeur) avec lequel il faut
faire au mieux, c'est-à-dire faire un miracle. Comment feriez-vous
(aussi précisément que possible) ? Vous pouvez répondre par mail
(davidwwwmadoreorg) ou par les commentaires de ce blog (vous savez, le petit
lien en bas à droite de chaque entrée, si, si). Je précise qu'il n'y
a rien à gagner (sinon la gloire quand on me demandera comment il se
fait que je sois aussi sexy et que je répondrai que c'est grâce à
Untel). Attention, ce n'est pas facile : le Ruxor a une furieuse
tendance à avoir l'air violemment pas naturel quand on essaie de
changer sa façon de s'habiller.
Je trouve amusante la manière dont les rêves partent de souvenirs
existants (et parfois oubliés), en recombinent les mèmes et obtiennent ainsi de
nouvelles idées. Ce qui est épatant, c'est qu'ils ne semblent jamais
pouvoir rien créer de nouveau, seulement faire du neuf avec du
vieux. (Mais peut-être est-ce le cas de tout processus créatif, les
mèmes n'évoluant que par lentes mutations ?)
Quoi qu'il en soit, la nuit dernière j'ai rêvé à un jeu de société,
ou, en fait, deux jeux mélangés, que j'avais quand j'étais petit.
L'un d'eux (qui doit s'appeler Labyrinthe ou quelque
chose de ce genre) était une idée assez bien trouvée : des pions
évoluent sur un plateau formé de petites plaques carrées mobiles (en
fait, une sur quatre était fixe) portant des éléments de couloirs et
constituant dans l'ensemble un grand labyrinthe ; le but du jeu était
de récupérer un certain nombre de trésors dans ce labyrinthe (indiqués
par des cartes tirées dans le paquet), et avant chaque déplacement du
pion il fallait faire évoluer le plateau en poussant une colonne ou
une ligne, ce qui changeait largement la configuration du dédale.
L'autre jeu était une chasse au vampire, aux règles assez compliquées,
sur un plateau quadrillé représentant un pays féerique avec des noms
un peu inquiétants (du genre monts du loup, arbre au
pendu, torrent du diable, et ainsi de suite). En réalité,
j'ai assez peu joué aux jeux en question de la manière qui avait été
prévue, surtout que j'arrivais rarement à rassembler plus que deux
personnes susceptibles de jouer (et quand j'avais plusieurs amis
ensemble chez moi, nous trouvions d'autres jeux que des jeux de
société). Les plateaux dans ce genre me servaient plutôt à inventer
des jeux de rôles sortant complètement du cadre imaginé par les
concepteurs du terrain, et les dessins et les noms figurant sur
celui-ci alimentaient mon imagination dans la création d'un
topos pour l'aventure. Plus tard, c'est vraiment cette
opération démiurgique, la création d'un monde, la quintessence de
l'imagination, qui m'a motivé dans l'écriture de romans (l'intérêt
pour la construction de l'intrigue, puis pour la langue elle-même, ne
sont venus que plus tard).
J'en reviens à mon rêve. Je présentais (à des personnes non
identifiées) un jeu de société, justement, dont le plateau ressemblait
beaucoup aux deux jeux dont j'ai parlé. En fait, il s'agissait d'un
labyrinthe mobile autour de cinq lieux cardinaux, mais dans mon esprit
la nature du jeu était essentiellement un jeu de rôle (ou au moins
d'aventure). Ces lieux cardinaux étaient illustrés, et il faut
imaginer un type de graphisme qui ressemble à celui du jeu
Vampire dont j'ai parlé mais aussi aux tableaux de la
série King's Quest (je pense notamment au
IV et au V, auquel j'ai longuement joué quand j'étais au lycée, et
peut-être aussi au tout premier, qui a été ma première vraie plongée
dans le monde de l'informatique ludique). De plus, les lieux
cardinaux en question portaient des noms. Je ne me rappelle
malheureusement pas les cinq noms (les souvenirs des rêves s'estompent
à une vitesse impressionnante, ce qui tient sans doute à leur nature
de connexion temporaire entre des souvenirs « vrais »).
Le lieu central s'appelait tout bêtement chambre centrale.
Je pense que c'est le mot chambre qui m'a fait faire
l'association d'idées avec cette fameuse « phrase » (si on peut dire)
de l'Aiguille creuse d'Arsène Lupin (je veux dire, de
Maurice Leblanc, bien sûr) : en aval d'Étretat… la chambre
des Demoiselles… sous le fort de Fréfossé… l'Aiguille
creuse. Ce sont ces noms à la sonorité un peu solennelle et
hautement rythmique que j'ai mélangés avec toutes sortes
d'associations d'idées pour former les quatre ou cinq noms de mon
rêve. L'un d'eux était, je m'en souviens nettement, l'aiguille
noire (imaginez un château de sorcière de conte de fées, orné de
quantités d'ogives noires), et c'est ce qui m'a permis
rétrospectivement de me comprendre que j'avais fait l'association
d'idées avec Arsène Lupin. Un autre lieu s'appelait le fort de
Malachut (je ne suis pas sûr du mot fort), et il est
amusant d'expliquer comment je suis arrivé à ce mot
Malachut : des associations d'idées totalement
invraisemblables, des connexions bizarres qui sont faites dans mon
cerveau.
L'aiguille noire, donc. Il n'y a pas si longtemps je
réfléchissais à différents noms de couleurs et de produits chimiques
colorés ou colorants. Notamment le bleu de méthylène et le
rouge Soudan (le rouge Soudan III — je ne sais pas
pourquoi ce III — est le réactif des lipides, comme je l'avais
appris en cours de biologie au collège). Il m'est alors venu à
l'esprit, avec une netteté incomparable, l'alexandrin suivant :
Le bleu de méthylène et le vert du Bengale.
Je ne sais pas comment je l'ai fumé (je soupçonne en fait une série
hallucinante de connexions à partir de l'alexandrin de De
Nerval, Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie), mais
il n'est assurément pas classique, ne serait-ce que parce que le terme
bleu de méthylène date de la fin du XIXe siècle et surtout
parce que le vert du Bengale, si j'en crois Google, ça n'a pas
l'air d'être un terme qui existe. Le vert qui existe, en revanche,
c'est le vert de Malachite. Ça m'a rappelé un roman d'Agatha
Christie (After the Funeral) que j'avais lu
assez récemment où une petite table en malachite jouait un rôle
important. J'ai posé la question dans le forum des élèves de
l'ENS de savoir s'il fallait préférer la prononciation
[malakit] ou [malaʃit], et apparemment la première est
meilleure. Mais tout près de Malachite, dans mon réseau
d'idées, il y a aussi Malachie, le nom d'un des moines dans
Le Nom de la rose d'Umberto Eco. Umberto Eco qui, dans
Le Pendule de Foucault cite la « phrase » de
l'Aiguille creuse (lors du décodage du prétendu texte des
templiers). Umberto Eco dont Gérard de Nerval est un des auteurs
préférés (et qui en parle longuement dans Six promenades dans
les bois du roman et d'ailleurs que j'ai lu il n'y a pas
longtemps). Et Umberto Eco qui structure aussi tout son roman (je
parle toujours du Pendule de Foucault) selon l'arbre des
séfirots de la kabbale ; or un des séfirots s'appelle Malchut,
et Malchut, comme je l'ai récemment
signalé, ce n'est pas un cocktail. Mettez tout cela ensemble et
vous avez une idée de l'état de la bouillie qui me sert de cerveau, et
dont est sorti ce mot bizarre, Malachut (prononcez
[malakut]).
Quand on rencontre quelqu'un dont on ne sait absolument rien et
qu'on cherche à engager la conversation, il y a diverses répliques
toutes faites de small talk qui peuvent
s'utiliser. Une des plus populaires (à part les évidences comme tu
t'appelles comment ? et tu fais quoi dans la vie ?) est
sans doute tu écoutes quoi, comme musique ?
En vérité, ce n'est pas ça la question. La question est plutôt,
à quelle tribu appartiens-tu ? : car outre l'apparence
vestimentaire, l'affirmation du ralliement à tel ou tel style de
musique est une des manières dont on se colle une étiquette pour dire
je suis de la tribu foo. Il est certain qu'on
imaginera des choses assez différentes sur celui qui répond selon
qu'il déclare préférer, au hasard, Eminem, Mylène Farmer, Céline Dion,
Marilyn Manson, les Beatles, Louis Armstrong, Marlene Dietrich,
Jean-Sébastien Bach, Frédéric Chopin ou Karlheinz Stockhausen (j'ai dû
oublier quelques pôles importants, sans doute ; ce serait d'ailleurs
amusant de faire un sondage grandeur nature pour demander qui les gens
préfèrent entre ces différents artistes et faire des statistiques
là-dessus). À tel point qu'on se demande dans quel point on n'en est
pas arrivé à écouter une musique pour revendiquer son identité
(tribale, disais-je). Autrefois on pouvait prétendre dis-moi ce
que tu manges et je te dirai qui tu es ou dis-moi ce que tu lis
et je te dirai qui tu es, maintenant c'est vraiment la musique qui
marque les frontières de la démosphère.
Comme d'habitude, je n'ai pas
d'étiquette tribale définie, pas plus en ce qui concerne la musique
que j'écoute qu'en ce qui concerne mon style vestimentaire. Jusqu'à il y a
quelques années, mes goûts musicaux
étaient exclusivement dans le « classique » (nom donné par convention
à cette période qui ne s'étend que de Monteverdi à Debussy ou
quelque chose comme ça), et mes connaissances musicales s'arrêtaient à
la mort de Verdi (date emblématique : Verdi est mort en janvier 1901,
quelques jours après la formidable reine Victoria, en quelque sorte le
symbole de la fin du XIXe siècle), et c'est tout juste si je ne
considérais pas que la musique était née le jour où un certain Ludwig
van B. avait posé la plume sur ce qui allait devenir la partition de
sa symphonie Héroïque. Quoi qu'il en soit, je suis
revenu de ces errements de jeunesse et j'ai appris à reconnaître aussi
le génie de la Star
Academy. Sérieusement, je veux dire que
j'ai tâché d'abandonner le snobisme à la con dans lequel je m'étais
enfermé. Mais ni avant ni après je n'avais de tribu musicale : ni
avant, car j'avais beau écouter « du classique », je n'étais pas
capable de disserter sur les auto-plagiats de
Bach, de critiquer l'interprétation de Rameau par William Christie
et les Arts florissants ou d'expliquer la mesure de
l'influence de Honegger dans l'œuvre de Ligeti, ce qui fait
évidemment partie des rituels d'admission dans la tribu (de toute
façon, je n'ai pas l'oreille absolue, donc c'est perdu d'avance), et,
pire encore, je ne trouve Wagner ni divinement génial ni nul à brûler
(or il faut, semble-t-il, qu'une porte soit ouverte ou fermée) ; ni
après, car je ne sais décidément pas quoi répondre à la question tu
écoutes quoi, comme musique ? (comme c'est dur d'être épigone de
Potamon d'Alexandrie !). Bon, j'avoue : à l'instant, j'écoutais le
générique de l'Île aux
enfants, et ça ne se fait pas d'admettre ce genre de
perversions en bonne société.
Je pourrais essayer de prendre un ton docte et répondre, ben tu
vois, j'écoute de tout, j'essaie de ne pas me cataloguer, j'aime pas
les étiquettes. Ce serait simplement parfaitement faux : j'aime
énormément les étiquettes, et je cherche à les collectionner, et s'il
y a une tribu qui m'agace, c'est celle des gens qui refusent les
étiquettes (parce qu'ils se croient « plus uniques » que les
autres ?).
Je ne suis pas à la recherche de l'âme sœur (enfin, frère),
ou d'un mec avec qui partager ma vie.
Si je prends la peine de le dire, c'est que pour une raison qui
m'échappe, beaucoup de gens qui me connaissent semblent en être
convaincus.
Quand j'essaie de rencontrer des gens, c'est soit pour être amis,
soit pour coucher ensemble (ou les deux à la fois, éventuellement : je
ne vois aucune raison pour laquelle ça devrait être incompatible), ou
en tout cas pour faire connaissance parce que c'est toujours
intéressant de lier connaissance — et j'essaie de ne pas avoir
trop d'a priori sur ce que je veux avoir comme relation. Mais en tout
cas l'idée de chercher à avoir une relation stable monogame fidèle
exclusive tout ça tout ça n'est pas ce qui me motive (je ne dis pas
non plus que j'en exclus complètement la possibilité). Il est vrai
que par le passé j'ai pu tenir un discours différent.
Je ne sais pas pourquoi, beaucoup de ceux qui me connaissent
semblent pourtant persuadés que c'est ça que je veux : me trouver
un copain. Peut-être est-ce une projection de ce qu'ils
souhaitent eux-mêmes (l'idée que l'épanouissement affectif et sexuel
ne peut être pleinement satisfaisant que dans le cadre d'un couple
stable est un mème très
répandu). Peut-être pensent-ils que je suis un garçon sérieux
(mwahahahahaha), et qu'un garçon sérieux ne peut chercher qu'une
relation sérieuse. Peut-être leur est-il absolument inimaginable
qu'un homo ni trop vieux ni trop moche ne puisse trouver personne avec
qui baiser — c'est vrai que je suis Très Fort. (Et peut-être
que je ne trouve personne avec qui baiser parce que tout le monde
s'imagine que ce n'est pas ça que je cherche ?)
Globalement, ma vie n'est pas quelque chose que je cherche à
partager. D'ailleurs, je ne conçois pas bien comment ça peut se
partager, une vie — c'est un peu étroit pour ça, si j'ose dire.
Mais enfin. De toute manière, je pense que je suis assez invivable
sur le long terme, et je suis certain que je suis trop jaloux de ma
liberté pour laisser quelqu'un foutre son nez dans mes affaires. Ce
n'est pas tellement le point. Par ailleurs, j'ai un assez grand
nombre d'amis — ou en tout cas de connaissances — qui ont
tous leurs qualités propres, toutes différentes et toutes précieuses,
et je ne vois absolument pas comment une seule personne pourrait se
substituer à la moitié du quart du commencement de tous ces rapports
humains. Ceci étant, ça n'a pas beaucoup de sens de justifier
pourquoi je cherche ceci ou cela : ce n'est pas exactement une envie
raisonnée.
Je ne dis pas que je cracherais sur le mec idéal si je le trouvais,
évidemment. Mais le mec idéal ne se trouve pas, il se construit :
deux personnes peuvent s'apprivoiser l'une l'autre, se changer chacune
sous l'influence de l'autre, et se rendre compte au bout d'un temps
qu'elles sont devenues quelque chose de très fort l'une pour l'autre.
Je ne renie absolument pas ça. Je trouve juste que se dire au départ
d'une relation qu'on veut qu'elle devienne ceci ou cela, c'est un peu
inutilement orgueilleux. Notamment — mais je me suis déjà exprimé à ce sujet — je trouve que
la fidélité en couple est quelque chose qui doit venir naturellement
et qu'on ne doit sans doute pas chercher à s'imposer.
Alors pourquoi diable, me demanderont certains, si je cherche juste
à baiser (parce que pour les amis, je suis très satisfait de ceux que
j'ai, même si bien sûr je m'estime toujours prêt à m'en faire de
nouveaux), ne vais-je pas dans une
des nombreuses boîtes à sexe que compte la capitale française ?
Tout bêtement parce que ce n'est pas du sexe furtif et anonyme que je
cherche. Une comparaison rendra peut-être ma position plus
claire :
Ruxor en a assez de manger tout seul, mais il ne trouve décidément
personne avec qui partager ses repas. Le problème n'est pas tant
qu'il fait partie des 5% de la population préférant le salé (alors que
90% préfèrent le sucré, et peut-être 5% aiment autant les deux) : il a
après tout un certain nombre d'amis qui ont des goûts sans doute
compatibles avec les siens. Mais il est considéré comme terriblement
malpoli de demander à quelqu'un de partager sa table, et la réponse
sera forcément non si des manœuvres d'approche savantes
n'ont pas été employées. Déjà, il y a tous ceux qui se sont trouvé
quelqu'un avec qui manger en tête-à-tête, et il serait alors
inacceptable pour eux de le faire avec quelqu'un d'autre (et parfois
même mal vu de dîner seul). De faire un repas en groupe entre amis,
il n'est évidemment pas question : l'idée même est presque choquante.
Évidemment, on peut toujours aller au restaurant, et là, il y en a
pour tous les goûts, et pour tous les styles. Certainement la
nourriture peut y être meilleure que ce qu'on se prépare soi-même en
vitesse. Seulement, est-on vraiment moins seul quand on mange au
restaurant, à la même table qu'un inconnu (ou plusieurs), que quand on
le fait seul ?
D'accord, cette analogie est sans doute exagérée. (À la base, la
raison principale pour laquelle je ne veux pas baiser avec un inconnu,
c'est que je suis trop timide pour ça.) Je ne peux pas honnêtement
dire qu'un acte sexuel soit exactement aussi anodin que celui de se
nourrir. Dans les deux cas il s'agit d'accomplir socialement un acte
biologique fondamental, mais il y a quand même des raisons assez
naturelles pour que le sexe se fasse à deux — maintenant, il y a
aussi des raisons assez naturelles pour qu'il se fasse entre un homme
et une femme, alors… Ceci étant, dormir c'est aussi accomplir
un acte biologique fondamental, et ce n'est vraiment pas quelque chose
que j'aime faire en compagnie.
Tiens, dormir, ça c'est une idée. Je crois que je vais faire ça
(et seul) au lieu de débiter des conneries plus grosses que moi.
Mes journées suivent en ce moment presque toutes le même schéma :
je me lève vers 16h, je n'arrive à décoller de l'ordinateur que vers
20h, le temps de courir faire des courses au Champion
local, je dîne vers 22h, et si j'essaie de sortir faire quelque chose,
je me rends compte qu'il n'est pas loin de 23h et qu'il n'y a pas
grand-chose que je puisse faire si je veux rentrer avant le dernier
métro qui est à 1h. Ensuite je n'ai plus qu'à glandouiller jusqu'à ce
que le sommeil me prenne, vers 4h du matin. Je caricature, mais c'est
l'idée. En tout cas, je n'arrive décidément pas à être opérationnel à
une heure où les commerces sont encore ouverts, par exemple : ainsi,
j'ai des draps à aller chercher au pressing depuis dix jours, mais je
n'ai toujours pas réussi à y être avant sa fermeture à 19h30.
Les perturbations à ce rythme ne sont que locales : si je dois me
lever tôt pour une raison impérative, je ne dors pas de la nuit qui
précède, du coup je suis complètement crevé de la journée, je me
couche tôt mais me réveille quand même dans l'après-midi. Si je me
force à me coucher plus tôt, je ne dors vraiment pas. Même si
j'arrive à m'extraire de ce cycle infernal pendant quelques jours, j'y
replonge bien vite. Je m'en sens prisonnier, et c'est oppressant.
Décidément, je n'arrive pas à échapper à la recherche du temps
perdu !
(Puisque certains
amis se moquent de moi en disant que les deux tiers des entrées de
ce blog sont consacrées à mes problèmes affectifs, il faut bien que je
remplisse mon quota.)
Il y a des gens qu'on appelle normaux. Enfin, je ne sais pas s'ils
existent vraiment ou si c'est seulement un idéal, mais on voit assez
bien ce que c'est. Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel. Et
puis il y a des gens qui s'éloignent plus ou moins de cet idéal. Moi,
par exemple, je dois être vraiment anormal, parce que les gens normaux
ne s'intéressent pas aux subtilités du calendrier (ils savent qu'il
y a une année bissextile tous les 4 ans — 2004 par exemple
— et ça leur suffit), ils ne s'amusent pas, s'ils programment, à
écrire des quines, ils
ne jouent pas à des jeux de
cartes cinglés, ils ne trippent pas sur la réflexivité de la philosophie Zen, et, de façon générale,
ils ne pratiquent pas la masturbation intellectuelle ; d'ailleurs, ils
n'écrivent pas non plus des blogs et ne racontent pas
leur vie sur le Web.
Il y a une tendance qui voudrait faire de la normalité un défaut,
ou au moins un sommet de l'ennui, et de toute idiosyncrasie qui
s'éloigne de la normalité une qualité. Cette tendance est aussi
absurde que celle, exactement contraire, qui voudrait condamner toute
forme d'originalité. En vérité, évidemment, il n'y a rien en soi de
bien ou de mal à être normal ou anormal ; certaines anomalies sont
manifestement « mal » (comme le fait de se transformer à chaque pleine
lune en loup-garou et d'aller égorger les passants dans la rue),
d'autres sont « bien », et la grande majorité ne sont ni bien ni mal.
Le culte de l'originalité pour l'originalité, quant à lui, est une
parfaite idiotie.
Le fait, aussi, est qu'on a une certaine tolérance pour l'anomalie,
et cette tolérance n'est pas infinie. Les particularités des gens
sont parfois amusantes ou pittoresques, mais elles fatiguent aussi la
tolérance qu'on peut avoir à leur égard, et, tout tolérant qu'on est,
on finit par atteindre des limites et par trouver pénibles les gens
dont la bizarrerie va au-delà de ces limites. À petite dose, la
déviation de la normalité donne une identité aux gens, leur évite
l'ennui d'être tous semblables, mais quand cette déviation devient
énorme, on ne peut plus interagir convenablement (pensez aux gens qui
font un jeu de mot par phrase, à ceux qui ressortent sans arrêt leur
dada, à ceux qui se sentent obligés de dire la consommation par
voie respiratoire de substances nicotiniques peut entraîner à terme
une cessation générale des fonctions vitales là où n'importe qui
dirait fumer tue, et ainsi de suite).
Bref, moi, par exemple, je dois passer pour un cinglé auprès de pas
mal de gens. (Il y en a auprès de qui je passe pour un génie, aussi,
ce qui est encore plus faux. À tout le moins, je dois très souvent
être considéré comme un personnage pittoresque.) Sur le plan
intellectuel et même, peut-être, me signale-t-on, sur le plan moral ou
caractériel. Sans doute beaucoup de gens sont rebutés par mes
excentricités : ça ne veut pas forcément dire qu'ils vont me fuir,
mais ils vont toujours me cataloguer comme un weirdo. Ou alors c'est souvent qu'eux-mêmes sont
largement déviants.
Eh bien j'en ai parfois marre d'être considéré comme une créature
étrange, parce que, pour bizarre que je suis, j'ai une véritable soif
de normalité. J'ai de très bons amis, qui me sont très chers, qui ont
toutes sortes d'excentricités dans tous les domaines, ce n'est pas le
problème. J'ai suffisamment de difficultés dans le domaine affectif
pour ne pas devoir y ajouter l'éloignement causé par une anormalité
excessivement visible. Parce que les extra-terrestres, on peut les
trouver drôles ou pénibles, parfois on les admire, parfois on les
déteste, mais on les aime rarement (à moins d'en être soi-même —
or pour ma part je cherche à être aimé par des humains, pas par des
extra-terrestres, surtout que ma tolérance pour la bizarrerie est
nettement en-deçà de ma propre bizarrerie).
Le mot visible est important. Car au fond ce n'est pas
écrit sur mon front que le standard Unicode est mon livre de chevet, je
peux le cacher. Il est permis d'être aussi anormal qu'on veut, tant
qu'on n'impose pas cette anormalité aux autres — tant qu'on ne
leur prend pas la tête, notamment. Déjà, je suis nettement
moins bizarre dans la vraie vie que je ne l'apparais sur le Web. Et
je suis nettement plus normal, aussi, quand je suis entouré de gens
eux-mêmes plutôt normaux. Mais apparemment pas encore assez, puisque
je continue à être marginalisé — plus ou moins inconsciemment de
la part du groupe — par des milieux où je cherche à
m'intégrer.
Je voudrais corriger cette apparence, mais ce que j'ignore
largement c'est : qu'est-ce qui trahit le plus fortement que je suis
un cinglé ? Est-ce la manière dont je m'habille (ceci dit, ça change
tout le temps), la manière dont je me déplace, la manière dont je
parle, ce que je dis quand j'ouvre la bouche, le fait que je ne boive
pas, mes goûts musicaux (ou absence thereof)… ?
[Zut, je me suis vraiment embrouillé, et je n'ai pas du tout réussi
au final à dire ce que je voulais dire. Il est tard, je réessaierai
une autre fois.]
Le chat de mes parents
(c'est la photo de droite, hein), qui est aussi un peu le mien (à
moins que ce soit le contraire ; de toute façon, un chat, ça
n'appartient qu'à soi-même), est malade : il souffre d'une grave
insuffisance rénale, a dit le vétérinaire. (On avait remarqué qu'il
buvait énormément d'eau, alors ma mère l'a emmené faire une prise de
sang.) Il est au régime sévère avec des croquettes spéciales, qu'il
n'aime pas du tout, bien entendu. Il a environ neuf ans (on l'a
recueilli au printemps '96, et il a alors été estimé qu'il avait à peu
près un an).
Tiens, pour faire un coq-à-l'âne (ou, plus exactement, un
chat-au-chien), hier soir j'ai vu Didier (d'Alain
Chabat) à la télé, et je suis assez bluffé : l'idée de départ (un
chien qui prend un jour corps humain) est vraiment débile, mais il a
réussi a en faire quelque chose de plutôt réussi. Bon, le scénario
n'est pas exceptionnel, et il est plutôt attendu ; mais le jeu d'Alain
Chabat est absolument époustouflant : réussir à jouer un chien
transformé en homme de façon — je n'oserais pas dire
crédible — convaincante, de façon qui soit drôle sans
être complètement ridicule, c'était vraiment dur — et
il y est arrivé. Je lui tire mon chapeau. (À ce propos, je crois
bien que j'irai voir RRRrrrr
quand il sortira.)
Je me suis dit en début de soirée que j'allais sortir trouver
quelque chose à faire. J'ai croisé un wandering Faré en chemin, d'ailleurs (sur la
Butte aux Cailles). J'ai aussi croisé quelques milliers de gens sur
la rue de Rivoli : apparemment tout le monde allait faire ses courses
de fin d'année aujourd'hui (notamment tous ceux qui ont reçu de
l'argent à Noël, ou ceux qui avaient des cadeaux à rapporter, que
sais-je encore). Du coup j'ai fait comme les moutons
autres, je suis allé m'acheter des chaussures (chez et par Quiksilver) — je ne suis pas
sûr que c'était un achat très réfléchi, d'ailleurs, mais si je
réfléchissais à ce que je fais, ça se saurait. Après le dîner j'ai
voulu de nouveau aller dehors : j'avais même — ce qui est très
rare — l'envie pressante de sortir (n'importe où, mais
sortir). Mais il pleuvait, alors je suis resté chez moi. À
la place, j'ai fait un tour sur le canal #gay de Rezosup (un réseau IRC
français orienté « universités et grandes écoles »).
Si vous êtes sages, demain, pépé Ruxor vous racontera comment
j'aurai rangé mon appartement, ou, ce qui est plus plausible, comment
j'aurai capitulé devant l'ampleur de la tâche.
Nicolas m'a fait observer, après le
repas, ce soir, que s'il trouvait qu'il y avait un domaine où mon
'blog lui semblait problématique, c'est vis-à-vis de mes
étudiants.
La réflexion est assez théorique, parce que je suis quasiment
certain que jusqu'à présent aucun d'entre eux n'a eu l'idée
de chercher
« David Madore » sur le Web. C'est un peu surprenant, parce que
c'est typiquement la première chose que je fais, moi, quand j'entends
parler de quelqu'un, que de chercher son nom dans Google. Mais ils
ont beau être nés vers '85 (c'est-à-dire que le Web est apparu quand
ils entraient à l'école primaire), ils n'ont pas encore la culture
d'Internet, ces étudiants, c'est bizarre. Qu'ils ne passent pas tous
tout leur temps devant un écran, c'est heureux, mais que pas l'un ait
eu la curiosité de faire cette recherche, c'est surprenant ; et si
l'un le faisait, je suis certain que la nouvelle que le chargé de
TD de maths est pédé serait immédiatement connue de
tous, et que j'aurais entendu quelques ricanements idiots à ce sujet
(ou alors est-ce que je sous-estime leur civilité ? j'en doute assez).
Les ricanements ne me gênent pas, d'ailleurs (j'y ai déjà eu droit,
des années passées), ils m'amusent plutôt, en fait ; et, quand bien
même, la possibilité qu'un seul étudiant puisse apprendre la nouvelle
en se disant, tiens, je ne suis pas le seul homo dans cette fac
vaut bien le risque de supporter tous les ricanements du monde. Mais
passons, ce n'est pas le point.
La question que je m'efforce de me poser toujours, c'est, adopté-je
toujours une attitude parfaitement correcte ? Ce que j'ai raconté sur la surveillance d'examens
est-il décent, par exemple ? Il ne faut pas se voiler la face (ni
porter le tchador) : sur une vingtaine de garçons de dix-huit-vingt
ans, il y a forcément quelques belles figures ; mes collègues hétéros
ne pensent pas autrement, mutatis mutandis.
Disons même qu'il y en a un ou deux dans le groupe qui sont beaux à se
cogner la tête contre les murs. Mais je n'ai pas l'habitude de me
branler en regardant le trombinoscope (de toute façon la qualité des
photos est trop mauvaise ) ; je n'ai pas l'intention
de les violer ou de me livrer au moindre début de commencement de quoi
que ce soit qui ressemblerait à de la drague avec chantage
(d'ailleurs, je ne sais pas draguer).
Et dans mon attitude envers eux je crois adopter un comportement
impeccablement stoïque (autant que je puisse penser, intérieurement,
rhâ, mais c'est pas possible d'être aussi beau gosse).
Simplement, ici, je ne vois pas pourquoi je me priverais de faire
quelques remarques comme je viens d'en faire (étant évidemment entendu
que je ne donnerai pas de nom) : ceux qui lisent ceci sont a
prioriavertis, ils ont fait
l'effort de venir jusqu'ici, etc. Suis-je néanmoins trop direct ? Je
me pose la question.
La situation : le buffet de fin d'année d'une association étudiante gaie &
lesbienne. Donc tout un tas de garçons et de filles, pour
l'essentiel homos ou bis, qui bavardent bruyamment autour de paquets
de chips et de bouteilles de sodas (ou de bières). Et dans le tas il
y en a un — qui vient pour la première fois à l'association
— que je trouve vraiment gravement mignon, dans le genre
blondinet aux yeux bleus (bon, c'est peut-être vrai, en fait, que j'ai
un petit faible pour les blonds). D'accord, il est polytechnicien,
mais enfin, personne n'est parfait. (Hum, à ce stade-là, tous les
lecteurs de mon 'blog qui se trouvaient être à ce buffet ont compris
que c'est de J. que je parle. Mais je m'en fous assez, après tout.)
La question à deux cents zorkmids : comment je suis censé faire passer
le message qu'il ne m'est pas indifférent ? Dans un lieu anonyme (la
rue, un bar, une boîte), je conçois qu'on peut faire ça par le regard, mais là, c'est quand même
plus technique, vu qu'on discute déjà ensemble, et c'est assez normal
de regarder son interlocuteur quand on parle. J'ai avec tout le monde
à peu près le même comportement gentiment sociable et relativement
loquace. Comment on est censé draguer, dans ces circonstances ? Je
n'en sais rien, moi, on ne m'explique jamais rien, à moi. Et ça doit
bien être possible, puisqu'il y a des gens qui ont réussi. Quand il a
dit qu'il aimerait bien que quelqu'un l'héberge pour la nuit, flemme
de rentrer à Palaiseau par le dernier RER, je lui ai
innocemment offert de coucher chez moi, mais finalement, comme la
soirée devait se prolonger en nuit blanche chez Y. et qu'il a voulu y
aller, ma manœuvre innocente a échoué.
Bah, je ne suis vraiment pas doué, moi. Mais j'en ai l'habitude,
ça fait 9999 jours que c'est comme ça. Je ferais mieux de vous
raconter ce que sont la voûte étoilée de Zariski, la Longue Droite, et
le compactifié de Stone-Čech des naturels. Au moins c'est dans
mes cordes.
Tiens, dans le genre idiot, au cours de la conversation, il a été
question du « Prince Albert ». J'ai été surpris de voir que
pratiquement personne ne savait ce que c'était. Faisons donc
l'éducation des masses : c'est un piercing au pénis, qui traverse le
gland, et qui est nommé de la sorte en l'honneur du mari de la reine
Victoria, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, cela se portait souvent à
l'époque, et servait à retenir le pénis, par une petite chaîne, pour
éviter qu'on pût distinguer la moindre protubérance. J'ai raconté
tout ça, et j'ai sans doute rougi un peu (euphémisme : je rougis
très facilement, en fait à peu près systématiquement si
j'adresse la parole à plus de deux personnes), et « on » a conclu que
je rougissais parce que j'avais moi-même un Prince Albert. Bon, eh
bien je ne dirai pas ce qu'il en est : ceux qui veulent la réponse,
vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Je ne sais pas pourquoi, je trouve les films pornographiques fort
peu excitants. D'accord, ce jugement se base sur un nombre
d'observations très limité — vu le prix des productions (et vu
qu'à la télé je n'ai que les chaînes hertziennes non cryptées), étant
donné que je bâille d'ennui au bout de cinq-dix minutes, j'avoue que
je n'ai pas tellement envie d'approfondir mon étude. Enfin, quand je
dis je ne sais pas pourquoi, je peux quand même être plus
précis que ça : je ne vois pas ce qu'il y a d'intéressant à regarder
deux (ou plus) mecs faire l'amour (et à plus forte raison un mec et
une fille, ou deux filles) — ce qui est intéressant, c'est de
le vivre, pas de le regarder. Mais bon, ça ne doit pas être une
opinion trop répandue, sinon l'industrie du porno n'existerait
pas.
Je ne dis pas que je ne peux pas être stimulé par des images : mais
pas par juste celles d'un acte sexuel. Les images qui m'excitent ne
sont pas celles qui montrent mais celles qui suggèrent. Même les
images, par exemple, des célèbres et kitschissimes photographes Pierre
& Gilles, me font en général plus d'effet que du porno cru :
souvent derrière la plastique plus que parfaite on sent affleurer une
force érotique incroyable. J'exagère : leurs images à l'esthétique
onirique ne font pas non plus de bons excitants, mais entre ces
extrêmes il y a de la place pour des choses très fortes. En images
fixes, ce n'est pas difficile à trouver : il suffit de descendre au
sous-sol des Mots à la
bouche pour en trouver quantité d'exemples. Mais n'y
a-t-il rien d'analogue en film ? (On croirait que non : Bel Ami, qui
fait des photos fixes relativement soft, quand il
prend une caméra, réalise des pornos tout à fait ordinaires,
semble-t-il.) J'imagine que ce n'est pas forcément évident à
produire : on sera forcément plus exigeant sur le scénario si le but
du jeu n'est pas simplement d'enfiler les orgasmes que si on demande
qu'ils soient entourés de — ah, euh — préliminaires
plausibles. Pourtant, les films érotiques (de charme, doit-on
peut-être dire) hétéros, ça existe. N'y a-t-il rien de semblable au
rayon gay ?
(Pffffff… Ce que je me retrouve à raconter, moi ! Et dire
que j'ai hésité entre écrire ça et raconter — avec les mains
— ce que c'est que la voûte étoilée de Zariski ! Bon,
ben les amateurs de maths attendront un autre jour. En plus,
maintenant je vais à nouveau passer pour un romantique éperdu ou une
autre sottise de ce genre. )
J'ai passé mon après-midi au Festival de Films Gays et Lesbiens de
Paris, comme je l'avais décidé.
Un parfum nommé Saïd (à 14h15) était franchement
mauvais : une sorte de souvenir de vacances interminable sur fond
d'une aventure du réalisateur qui n'avait rien d'intéressante et qui
ne donnait de beau rôle ni à lui ni à son amourette ; à part pour dire
« le Maroc c'est beau, allez-y », ça n'avait aucun intérêt. Frisk (à
18h30) était moins mauvais, mais quand même un peu vide (comme
beaucoup de films qui croient que faire trash suffit à remplir
— néanmoins j'ai vu largement pire). En revanche, ce
qui m'a vraiment emballé, c'était les courts métrages (à 16h30).
Notamment deux films français : Far West
(que j'avais déjà vu, cependant), et surtout Le Cas
d'O d'Olivier Ciappa (un petit thriller comique, dont le
rapport avec l'homosexualité était un peu distant, mais absolument
excellent dans l'ensemble, et puis Orient est incroyablement beau
gosse — dommage que l'acteur, qui était présent, ait précisé
qu'il était hétéro) ; et deux films nord-américains, Straight in the Face et Target
Audience, tous deux absolument hilarants ; j'ai aussi bien
aimé Œdipe
N+1, et Avant j'étais triste de
Jean-Gabriel Périot. Bref, quasiment tout ce qui était là était entre
très bon et absolument excellent (seul un tout petit métrage de cinq
minutes m'a déplu, une animation de dessins de Tom de Pékin).
Vraisemblablement certains de ces courts métrages sortiront dans la
collection Courts mais gays (c'était déjà le cas de
Far West et il est certain que ce Le Cas d'O
viendra, puisque c'est Antiprod qui produisait), et je ne manquerai
pas de les acheter.
Lorsque j'ai un air de musique qui me trotte dans la tête, il m'est
absolument insupportable de ne pas arriver à en retrouver l'origine.
J'ai failli devenir fou, par le passé, parce que j'avais un air qui me
revenait obstinément à l'esprit, que je savais que je le connaissais,
et que je n'arrivais pas à mettre un nom dessus. Par exemple, pendant
plusieurs mois j'ai eu le thème principal — très caractéristique
— du 2e mouvement (Allegro moderato) de
Finlandia de Sibelius qui me passait régulièrement dans
les oreilles. Finalement, quand j'ai réussi à remettre un nom dessus,
complètement par chance, ç'a été une révélation ; ce n'est pas que je
sois spécialement fan de Sibelius, ou de Finlandia, ou de
cet air en particulier, mais à force de le chanter pour essayer de me
remémorer son origine, il était devenu obsédant ; je ne sais pas
comment il m'était revenu à l'esprit, vu que je n'avais pas écouté
Finlandia depuis une éternité, mais c'est justement ce
qui rendait l'identification très difficile.
Ça m'arrive aussi pour des citations littéraires, par exemple, ou
pour un nom que je n'arrive plus à relier à quoi que ce soit (j'ai le
souvenir aussi d'avoir longtemps cherché qui pouvait bien être Morris
Fuller Benton avant d'arriver à me rappeler que c'était le créateur de
la police Century). Mais pour tout ça j'ai un outil génial : Google. Malheureusement, si Google
est parfait pour retrouver la source d'une citation ou la
signification d'un nom, on n'a rien de semblable pour un air de
musique.
L'autre soir ma mère m'a parlé d'un cas semblable où elle avait
entendu à la radio un air célèbre qui lui trottait depuis longtemps
dans la tête et qu'elle trouvait très beau, un air qui était (ou avait
été) le générique d'une émission de télé. L'ennui c'est qu'elle
n'arrivait déjà plus à se rappeler ni quel était cet air, ni de quel
morceau il était tiré, ni quel était le compositeur, ni quelle était
l'émission. Et là, chercher à retrouver un air inconnu d'un
compositeur inconnu, extrait d'un morceau inconnu, ayant servi de
générique à une émission inconnue, c'était mal parti. Cependant,
quand je lui ai parlé de mon cas avec Finlandia, il lui a
semblé que son morceau était justement de Sibelius, et par ailleurs,
c'était un air joué au violon. D'autre part, en y réfléchissant, elle
s'est souvenu que l'émission était Océaniques (sur Arte). Je me suis donc acheté le
CD du concerto pour violon (en ré mineur opus 47) de
Sibelius, et je viens seulement de l'écouter. Et dès les premières
notes du premier mouvement j'ai immédiatement su que c'était bien à ça
que ma mère avait pensé, parce que (même si je ne sais même plus de
quoi Océaniques pouvait bien parler) mon neurone a
imméditement fait la connexion avec l'émission. C'est d'ailleurs un
très beau morceau que ce concerto pour violon de Sibelius ; je suis
sûr de l'avoir déjà entendu (outre le générique dont j'ai parlé),
probablement plusieurs fois, mais je ne sais plus quand et comment :
je suis content de pouvoir mettre clairement un nom dessus.
Dans le genre recherche désespérée, je crois que le pire a été le
jour où je cherchais à me rappeler le nom et l'auteur d'un livre dont
je ne savais rien du sujet parce que je ne l'avais pas lu. Les seules
choses que j'arrivais à me rappeler étaient d'une part que le livre
contenait en un endroit une citation particulièrement célèbre (mais je
ne savais plus quoi ni à quel sujet) et d'autre part qu'il avait un
très vague rapport avec une Licorne. Ça n'a vraiment pas été facile
de secouer les mèmes jusqu'à
tout retrouver, et pourtant : le livre en question, c'est The Silver Stallion de James Branch Cabell (le
rapport avec la licorne étant que celle-ci sert d'illustration sur la
couverture) et la citation c'est : The optimist
proclaims that we live in the best of all possible worlds; and the
pessimist fears this is true.
Je ne pense pas que ce soit la
grippe ; d'ailleurs, d'après les GROG,
l'activité
de la grippe est encore sporadique (au moins pour la semaine
dernière, 2003-W45). J'ai essentiellement un gros rhume, qui par
moments se fait oublier et par moments me laisse complètement
sonné.
Au moins j'ai bien dormi la nuit dernière (de 22h30 à 7h30 environ,
même si je me suis levé plusieurs fois pour boire, parce que ma bouche
était complètement desséchée à force de respirer par là).
Je suis complètement KO, et je me sens mal. Le
thermomètre indique 38.1°C — pas concluant pour savoir si c'est
un rhume passager ou la grippe qui s'annonce. Je ne sais pas si c'est
la fatigue qui me rend malade ou la maladie qui me rend fatigué, mais
en tout cas ce n'est vraiment pas la forme.
Et pourtant demain matin je dois me lever vers 7h30 (sauf si je
suis vraiment in articulo mortis), parce qu'on
reçoit individuellement les étudiants de la section du
DEUG MIAS pour faire le point à
mi-semestre et confronter les points de vue des différents
enseignants. Et ça n'a vraiment pas été facile de faire la
communication entre le secrétariat (pour trouver la salle), les
étudiants et les quatre chargés de TD (maths, info,
physique, chimie) : ce serait vraiment embêtant si je ne venais
pas.
À supposer que j'aie la grippe, je me demande si ça vaut la peine
de voir un médecin, puisque de toute façon il me prescrira un
traitement symptomatique assez inefficace : je peux aussi bien rester
chez moi au chaud, me doper au paracétamol (plus un chouïa d'aspirine)
et vitamine C, me rincer les sinus au sérum physiologique, et calmer
les nausées avec du sirop nausicalm, j'ai tout ça dans mes placards.
Et boire beaucoup, bien sûr.
Nous étions tous plus ou moins affalés les uns sur les autres après
une soirée où on avait beaucoup rigolé ; la conversation commençait à
tourner un peu à vide.
Je m'étais arrangé (sans pour autant devoir faire des efforts
démesurés) pour être assis à côté de lui. Pas une beauté
extraordinaire, mais un visage souriant et d'apparence plutôt jeune,
une allure sportive sans excès, un look décontracté ; et un caractère
ouvert, un esprit sain dans un corps sain. Il lance une petite
provocation à mon intention (je ne me rappelle même plus quoi). Je
réplique d'un air faussement sévère, Tu crois que tu me fais peur,
blondinet ? ; pour souligner le dernier mot, je lui ébouriffe un
peu les cheveux (il les a châtain clair, et en brosse) en passant la
main dedans. Moqueur, il réplique exactement la même chose et fait le
même geste. Tout le monde rit. Puis je m'allonge (en essayant de
paraître naturel) juste contre lui.
Peu de temps après, nous sommes serrés dans les bras l'un de
l'autre, en train de nous rouler une pelle.
Malheureusement, c'est seulement un rêve, que j'ai fait avant-hier
soir. (Ce qui est bien quand on doit se réveiller tôt, c'est que
souvent ça interrompt un rêve, et du coup on se le rappelle au lieu
qu'il aille bêtement se perdre — comme la grande majorité des
rêves — au pays des ampoules grillées et des phrases jamais
prononcées.) La suite (ou en tout cas une autre partie, je ne sais
plus bien s'il y avait une transition et ce qu'elle pouvait être) est
fort différente, je fais partie d'une sorte de Ligue des
gentlemen extraordinaires, et nous menons une sorte de jeu de
piste, la dernière étape consistant à comprendre dans une indication
énigmatique sur le temps qu'il faut remettre à l'heure les aiguilles
de la grande pendule de la pièce ce qui provoque l'ouverture d'un
coffre-fort dérobé dans lequel se trouve un petit récipient contenant
un produit infiniment précieux, à moins que ce soit un objet magique.
Bref. Mais revenons à l'autre partie.
J'avais conscience, au moment où j'embrassais mon blondinet, que ce
n'était qu'un rêve et que j'allais le perdre rapidement parce qu'il
n'existait pas. Ça ne m'a pas causé de déception, en fait, mais au
contraire ça m'a incité à profiter d'autant mieux de l'instant
présent. (Ensuite, j'ai dû rêver que je me réveillais, sans me
réveiller vraiment. Ce qui n'empêche, d'ailleurs, que le blondinet en
question a continué, il me semble, à apparaître dans le rêve. Enfin,
tout cela est très confus comme beaucoup de rêves le sont.)
Mais je me connais : aussi détendue que soit l'atmosphère, aussi
naturelle que soit la situation, j'aurais toujours un mal fou
à agir comme j'ai agi dans cette bribe de rêve, à mettre ma main dans
les cheveux de quelqu'un en gardant l'air décontracté ; et je dois
rayonner un air de « distance » tel que personne n'ose apparemment
faire pareil avec moi. C'est le genre de choses qui me laisse souvent
un sentiment de solitude douceâtre
après une soirée entre copains.
Je tombe de sommeil. Je n'ai eu qu'environ 20h de sommeil sur les
4 dernières nuits, alors qu'il m'en faut normalement près de 10h par
nuit pour me sentir en forme.
Mon directeur de thèse (que j'ai vu ce matin) n'a pas eu l'air trop
inquiet par la tournure que prenaient mes
calculs. Il a réussi à me persuader que c'était la peine de
continuer, que j'avais des chances pas trop faibles d'arriver à un
résultat intéressant, et que même si je ne désingularisais pas
jusqu'au bout je pouvais peut-être obtenir un résultat en fin de
compte. Bref, il m'a un peu remotivé.
Après déjeuner je suis allé au secrétariat du
DEUG MIAS pour récupérer des
copies d'interro à corriger, et je les ai d'ailleurs corrigées sur
place (flemme de trouver un autre endroit où travailler pas trop loin
sur la fac), ce qui m'a permis de bavarder un peu avec la secrétaire,
qui est très gentille (et compétente — j'aimerais
pouvoir dire ça de tous les secrétariats auxquels j'ai affaire). Bon,
j'espère que ma correction ne se ressent pas trop du manque de
sommeil, mais je crois que ça va. Le prof qui fait les cours d'amph a
insisté pour faire une rotation des corrections sur cette interro
(i.e. les chargés de TD ne corrigent pas leur propre
groupe), ce que je trouve un peu bête (ça me semble très sain pour les
partiels, mais pour les interros c'est dommage parce que ça empêche
d'avoir un bon suivi du niveau de nos étudiants).
Je comptais rester sur le campus parce que l'association HBO organisait un petit buffet ce soir, mais je me
suis rendu compte que j'étais vraiment trop crevé (en plus, mon sac à
dos pesait une tonne vu que j'y transportais des choses à ramener de
chez mes parents). Je me suis assis pour essayer de lire le début de
Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs
d'Umberto Eco, mais les mots dansaient sous mes yeux, donc j'ai vite
abandonné et je suis reparti chez moi.
Le nombre de mails que j'ai en retard de réponse commence à devenir
très important. C'est stressant, il suffit que j'aie pour quelques
jours un débit un peu moins important, et ça s'accumule. Il faut dire
aussi que ma page sur le
calendrier (avec laquelle j'espérais
en avoir fini) a été signalée sur une mailing-list
consacrée au calendrier et que plein de gens m'ont fait des
remarques intéressantes que je marque mentalement comme « il va
falloir que j'y réponde quelque chose ». Tiens, il va falloir que
j'écrive un petit script cgi qui affiche les calendriers
lunaire et solaire d'une année quelconque, ce sera utile et agréable
(surtout maintenant que j'ai pondu des noms pour les mois). Pfiou, je
tiens bien ça de mon père, moi, qui nous annonce (à ma mère et moi)
pour la n-ième fois que cette fois, c'est promis, il arrête
de passer des nuits blanches devant son ordinateur à essayer de faire
fonctionner je ne sais quel programme à la con, et qui le lendemain
soir replonge dans sa drogue.
Demain je vais voir Matrix, avec
une bande de copains principalement de l'ENS (enfin, des anciens de
l'ENS), à la séance de 10h15 de mon cinéma
préféré. (Oui, je sais, je l'ai déjà dit plein de fois.) Je me
suis défendu de lire quelque critique que ce soit sur ce film.
C'est une sensation vraiment horrible que de faire des calculs avec
d'abord le sentiment qu'ils marchent, que tout se comporte bien comme
on s'y attend, et de se rendre compte tout d'un coup qu'on interprète
mal les choses, qu'en fait rien ne va, et puis finalement qu'on ne
comprend rien aux calculs qu'on était en train de faire mécaniquement,
qu'ils semblent se contredire, etc.
Bref, mes éclatements ne me mènent à rien. Je les multiplie, les
variables s'accumulent, les composantes s'ajoutent, et ça ne cesse
jamais d'être singulier.
Je n'ai dormi que 3h en tout la nuit dernière (de 22h30 à 1h puis
de 7h30 à 8h). Ce que c'est que d'essayer de se recaler sur un rythme
normal (mais faut bien, j'ai quelque chose de prévu chaque matin cette
semaine).
Ce matin j'ai occupé tout mon TD à corriger le partiel
dont j'avais corrigé les copies (mais d'un autre groupe). Je n'ai
même pas pu donner leurs notes aux étudiants de mon groupe, ni leur
montrer leurs copies, parce que celui qui les a corrigées ne les a pas
encore transmises au secrétariat. J'ai juste la moyenne, qui est
autour de 7.5 (pas fameux, ça, pas fameux).
Je suis allé voir mon père à l'hôpital. Les hôpitaux me terrifient
toujours, même quand j'y vais sans être malade moi-même ; je m'y sens
complètement perdu, entouré par ces indications barbares et
effrayantes, genre « chirurgie viscérale » (pourquoi ont-ils mis mon
père dans ce service, je n'en sais rien). En plus, celui d'Orsay est
un véritable labyrinthe. J'ai trouvé mon père en compagnie de son
étudiant de thèse qui, je lui en sais beaucoup gré, s'est vraiment
très bien occupé de lui (il lui avait même apporté un ordinateur
portable pour lui faire regarder un film des frères Marx pour le
distraire). Peu de temps après ma mère nous a rejoints. Et encore
peu de temps après, le médecin est arrivé et a annoncé qu'il faisait
sortir mon père. Celui-ci n'a plus trop mal, mais il est assez dans
les choux. Enfin, au moins il ne me fait
plus la gueule.
Sur un registre plus léger, j'ai trouvé (cette nuit, pendant que
j'insomnisais, puis aidé par DH pour
compléter les trous) des noms à donner aux douze ou treize mois du calendrier
lunaire grégorien : terminus, lipidus, vénus, ambre, pouque,
jouve, tibre, claud, septil, octil, novil, décil et parfois mercuaire
(en anglais, Terminus, Lipidus, Venuch, Amber, Pook, Jupe, Tibery, Claudy, Septil, Octil, Novil, Decil, Mercuary). Il
y a des raisons pour tous ces noms, mais elles sont tellement idiotes
et nazes que je ne sais pas si j'ose les raconter.
Nous sommes actuellement le 10 novil 2003, et ça me permet de
souhaiter un bon anniversaire à Antoine, parce que
même si je suis en retard d'un jour pour le calendrier solaire, je
suis en avance d'un jour pour le calendrier lunaire, na.
L'euphémisme pipo, ce serait de dire que je « travaille mieux dans
la contrainte ». La vérité c'est que je fais tout à la dernière
minute possible parce que quand je peux faire autre chose je perds mon
temps avec des conneries sans
intérêt. À la dernière minute, comme pour corriger les copies,
par exemple. Ou pour faire les calculs que je dois faire d'ici jeudi
(pour les raconter à mon directeur de thèse, parce qu'ensuite il
s'absente quelques jours). Bref, je vais avoir quelques jours
complètement dingues, là, pour essayer de finir à temps tout ce que je
dois finir.
Vivement le week-end ! (Et pourtant je ne dis pas souvent ça.)
Je viens d'apprendre que mon père (il a 65 ans) est à l'hôpital
avec une infection pulmonaire. On l'a mis sous oxygène et on le garde
en observation. On n'en sait pas plus pour le moment.
Il devait partir au Bénin (où il était invité pour un colloque).
Ma mère, elle, était en week-end. Heureusement l'étudiant de thèse de
mon père a pris un peu les choses en main. (Mon père a d'abord cru à
un rhume, mais il allait vraiment de plus en plus mal, alors il s'est
rendu aux urgences.)
Mise à jour (2003-11-03T21:15+0100) : Merci de vos
témoignages de sympathie. Apparemment c'est une infection virale ; il
a très mal à la gorge mais son état ne semble pas critique. J'irai
lui rendre visite demain.
Il est 6h du matin (2003-10-31T06:00+0100, mais je date cette
entrée du 30 parce que, justement, je n'ai pas dormi, donc c'est
plutôt 2003-10-30T30:00+0100) et je voudrais bien dormir. Seulement,
si je me couche maintenant, je me lèverai vers 15h : or je dois
absolument aller à la fac (à Orsay, je veux dire) le matin,
pour remplir un papier qu'une secrétaire a oublié de me faire signer
et pour récupérer les copies du partiel de DEUG que
je dois corriger pour le début de la semaine prochaine. Je préfère
encore ne pas me coucher que faire une « nuit » de deux ou trois
heures. L'ennui, c'est que je ne pense qu'à dormir : je n'arrive plus
à faire quoi que ce soit, là ; raconter des bêtises (comme ceci) sur
mon 'blog, ça va encore, même écrire un truc sur le calendrier (mais c'est pour ça que je
suis encore debout à cette heure-ci !) ça va aussi parce que ça ne
demande pas vraiment d'effort intellectuel tant que je continue sur ma
lancée. Mais les cinquante mille choses que je devrais faire depuis
longtemps (genre, traiter mes mails en retard), je suis incapable de
les faire, là ; je n'aurais même pas le courage de faire la vaisselle.
Pfiou. Je voudrais dormir.
Alors je vais faire un aller-retour Orsay au pas de course, ce qui
va me prendre trois heures à peu près, et puis je vais rentrer et me
coucher illico, pour me réveiller à je ne sais quelle heure. Quelle
connerie !
Is this the author of the 'blog that launched a thousand comments?
Nul — c'est ce que j'ai été. Absolument pathétique.
Je ne sais plus qui faisait cette remarque qu'il ne fallait
peut-être pas essayer de rencontrer dans la Vraie Vie® les gens qu'on
connaît virtuellement (notamment ceux dont on lit le 'blog) parce
qu'on ne peut être que déçu : j'avais été assez agacé de cette
remarque, parce que, pour moi, rencontrer des gens en vrai est une
source d'énergie dont je ne peux pas me passer, mais je la comprends
mieux maintenant. Enfin, je ne sais pas ce qu'ont pensé de moi les
deux lecteurs qui m'ont rencontré ce soir, je ne sais pas s'ils ont eu
pitié de moi ou s'ils n'avaient aucune attente ou quoi ; mais
moi, en me voyant, j'étais à la fois effondré et hilare.
Ce n'est pas que je considère qu'il soit une obligation de faire
bonne conversation, de prouver ma mondanité, de débiter des
mots d'esprit. Je n'aime pas avoir l'impression de me produire en
spectacle (car c'est le sentiment que j'ai parfois ; et dans ce
registre je pourrais dire, ici, je me suis pris un bide, le
trou, le néant complet). Cependant, si j'invite des gens à me tenir
compagnie, ce n'est pas pour leur imposer ensuite des moments
embarrassants de vide intersidéral, ce n'est pas leur servir une
compagnie aussi intéressante que celle d'un moine trappiste qui aurait
une extinction de voix. (Quand on connaît bien les gens, on apprend à
ne plus être gêné des blancs dans la conversation, même s'ils sont
longs. Mais cela demande une certaine habitude.) Je ne peux donc que
présenter mes plates excuses pour la pauvreté de ma prestation.
Heureusement, M. Allen, lui, était au rendez-vous, et nettement plus disert et
witty.
Je pourrais me trouver des excuses, évidemment. Dire que j'étais
mal à mon aise à rencontrer des gens que je ne connaissais pas
(argument bien faible : c'est moi qui l'ai voulu ; et d'ailleurs je me
suis connu moins nul en semblable circonstance, il me semble). Noter
qu'il n'est pas évident de parler à des gens dont j'ignore à peu près
tout (surtout quand la réciproque est beaucoup moins vraie). Observer
que Woody Allen a de tellement bons mots qu'il est vraiment difficile
de parler avant ou après lui. Tout cela est vrai, mais peu pertinent.
J'aurais peut-être proposé de boire un verre quelque part après le
film, pour déglacer l'ambiance, mais le temps qui passe (minuit et
demi) et le temps qu'il fait (un petit crachin qui n'incite qu'à
rentrer chez soi) m'en ont découragé. Bref, sentiment d'un échec
lamentable.
Et je suis d'autant plus désolé d'avoir fait si mauvaise figure que
les deux garçons en question m'ont, eux, donné une très favorable
impression (de façon certes bien différente). Simplement, quand, dans
un trio, un des instruments ne connaît pas sa partie, on ne peut rien
faire.
On me signale que l'émission Vis ma vie sur le tournage duquel je m'étais retrouvé
comme figurant (il y a cinq mois) va passer demain soir sur TF1 (je cite Télérama :
Daivy, un jeune parisien qui partage un appartement avec quatre
colocataires, reçoit Christophe, très épris de solitude. Daivy a deux
jours pour convertir Christophe à son mode de vie). Bon, il y a
fort peu de chances pour que j'apparaisse à l'écran (ou en tout cas
plus que quelques secondes). De toute façon, les gens bien ne
regardent pas TF1, n'est-ce pas ? Mais
ce n'est pas tant le point : j'étais à cette soirée et je voudrais
voir quelle impression déformée elle donnera sur le petit écran (et je
serai au passage curieux de savoir si l'émission va juger utile de
signaler que quelque chose comme les deux tiers des protagonistes
filmés sont homos).
J'étais membre d'une assemblée parlementaire quelconque. Très
nombreuse (nous devions être largement plus de mille). Très jeune
aussi (et comprenant plein de gens que je connais plus ou moins pour
des raisons différentes). L'ambiance était un peu folle : le genre
d'ambiance qui caractérise les moments historiques que vivent les
pionniers où we will tread bravely where no man has
trodden before; peut-être un peu à la façon de 1789. Les
ressources étaient faibles, aussi : notre hémicycle ressemblait plus à
un amphi de fac qu'à un temple républicain, et nous avions devant nous
des tables comme on en trouve dans les salles de classes. Il n'y a
pas de partis ni de places réservées — tout le monde s'asseoit
où il peut.
Un rapporteur présente une proposition de loi visant à soumettre à
l'impôt sur le revenu un certain type de compte rémunéré qui y
échappait jusqu'à présent. Cette proposition me convient et je résous
de voter pour. Le président de séance décide une brève interruption
des débats avant les explications de vote. J'en profite pour aller
parler avec le rapporteur et demander à voir le texte complet. Et là
je découvre que la proposition contient également un appel à une
manifestation pour protester de façon plus générale contre le fait que
certains comptes bancaires ne sont pas imposés. Je suis consterné.
J'essaie d'expliquer à mon collègue qu'on ne doit pas mettre dans un
texte de loi un appel à manifester, ce n'est tout simplement pas
l'endroit pour ça. Il se met en colère, me considère comme un
pinailleur formaliste, m'accuse de ne pas voir l'importance de sa
manifestation. J'essaie de lui dire que ce n'est pas contre cette
manifestation que j'en ai, et qu'au contraire je suis tout à fait
d'accord avec lui sur le fond, mais que c'est la forme qui me déplaît.
Il me dit qu'il est essentiel que son appel de la plus haute
importance soit entendu. Je lui propose de faire voter dans ce
cas la création d'une tribune de libre expression des députés au
Journal Officiel et de publier là son appel mais de le
retirer de la proposition de loi. Il me regarde comme si j'étais un
demeuré et ne répond pas. Désemparé, je lui annonce que dans ce cas,
à mon immense regret je devrai voter contre sa proposition.
Le rêve se termine là, au moment où la séance reprend : je vais
voir le président pour demander à prendre la parole au moment des
explications, je me rassois (à une autre place, parce que ma place est
occupée, et je fais connaissance avec mes nouveaux voisins, je leur
explique brièvement le problème), et je me réveille — à moins
que mon rêve ne parte dans une autre direction.
Je n'ai pas besoin de souligner l'aspect surréaliste, le mélange
complètement bizarre entre le plausible et l'incongru : tous les rêves
sont comme ça. Ce qui me paraît le plus significatif, c'est cette
conversation et cette incompréhension entre moi et le rapporteur du
texte de loi : j'ai effectivement vécu assez souvent des situations
pénibles de la sorte, où j'essaie de faire comprendre à quelqu'un que
je suis d'accord avec lui sur le fond mais que les moyens ou
les formes qu'il se propose d'employer me semblent inadmissibles ou
tout simplement inappropriées, et où mon interlocuteur refuse de
comprendre à quel niveau se situe mon objection, refuse de discuter
sur les formes, soutient obstinément que sa cause est tellement
importante que tous les moyens sont bons pour arriver à son but, et
considère que si je ne suis pas avec lui je suis forcément contre lui.
Et moi je me demande si je ne suis pas un pinailleur qui pour le
simple respect des formes et des principes vais m'opposer à quelque
chose d'autrement plus important.
— Parce que j'ai glandouillé devant mon
ordinateur…
— Ah. Et tu en as profité pour rédiger des choses pour ta
thèse, évidemment ? Ou as-tu entamé l'écriture d'une œuvre
littéraire riche et personnelle ? Ou peut-être t'es-tu livré à des
réflexions profondes qui vont changer la face du monde ? Ou au moins
as-tu tapé quelque petit texte utile et productif ?
— Pas vraiment…
— Alors tu as traité tes mails en retard ? Répondu à tous
ces gens qui attendent depuis des jours ou des semaines que tu leur
écrives ?
— À vrai dire… j'ai flâné sur le Web et puis j'ai
bavardé sur IRC.
— Ben, euh… Mais je n'ai pas passé toute ma
journée devant l'ordinateur ! J'ai regardé la télé, aussi. Et puis
je suis allé au cinéma (bon, d'accord, c'était un film pas très
intéressant). Mais au moins je suis sorti.
— Ah, tu es sorti ! Et tu en as profité, alors, pour écumer
les endroits chauds de la capitale, pour afficher ton charme
irrésistible, pour draguer, quoi, et pour te trouver un mec ?
— Euh, non. Je me suis promené un peu, j'ai bu…
— Tu as bu ? Tu es entré dans un bar ?
— Oui euh non : j'ai bu un Yop vanille que j'ai acheté chez
un Arabe en sortant du ciné.
— Argh !
— Ben quoi ? Au moins tu n'as pas à me reprocher de m'être
vautré dans le stupre et la fornication.
— Rassure-toi, ce n'est pas pour empêcher ce risque-là qu'on
m'a engagée. Bon, et à part ça ?
— Euh… Ben rien… On était dimanche, on ne peut
rien faire, le dimanche : tout est fermé.
— C'est exagéré, mais ce n'est pas faux. Mais chez toi, tu
pouvais travailler : finir les calculs d'éclatement qui traînent
depuis un moment, ou corriger les copies des devoirs maison de tes
étudiants de DEUG.
— Heu… Je n'aime pas travailler le dimanche.
— Tu as quand même posté le courrier au service du personnel
de l'Université (pour qu'il parte demain au plus tôt) pour pouvoir
enfin être payé ? Tu as envoyé ta taxe d'habitation ? Tu as fait le
ménage chez toi ?
— Bah non.
— Bon, soit. Tu n'as rien fait. Tu vas donc te coucher tôt
et te lever de bonne heure demain matin.
— Ben c'est qu'il est déjà 4h du matin passé.
— Et pourquoi tu ne vas pas te coucher tout de suite, dans ce
cas ? Tu tombes de sommeil !
— Je ne peux pas, il faut que je finisse de rédiger une
entrée dans mon 'blog. Une conversation avec ma
conscience…
Petite annonce : Suite vacance poste cause suicide,
cherche conscience humaine, pour travail à mi-temps. Débutantes
acceptées. Rémunération incertaine. Conditions difficiles.
S'adresser au 'blog, qui fera suivre.
Qui suis-je ? C'est une question qui me revient périodiquement à
l'esprit. Dans un sens non métaphysique mais bêtement culturel (et
« identitaire »).
Prenons l'exemple de la nationalité ou de l'origine ethnique :
beaucoup de gens se servent de cette base pour se construire une
identité, soit parce qu'ils sont fiers de « leur » pays, soit parce
qu'ils sont fiers de leurs origines dans un pays d'adoption. Et moi,
que suis-je ? Je suis Français et je vis en France ; mais je n'ai pas
d'attachement particulier à la France en tant que pays : je l'aime
simplement parce que c'est là que se trouvent la plupart de mes amis,
et c'est à eux que je suis attaché, et non à elle. Je ne vibre pas
spécialement en entendant La Marseillaise ou en voyant
flotter les couleurs nationales ; et à la limite j'ai encore plus
d'attachement pour la République française (qui a tout de même
certaines lois dont je ne suis pas trop mécontent) que pour la
France-idée-immortelle. La seule langue que je parle (et que j'écris)
assez correctement, c'est le français, et je doute que j'arrive dans
mon temps de vie à en maîtriser parfaitement une autre (même
l'anglais), mais ça ne me donne pas un amour particulier pour le
français : toutes les langues ont leur beauté, parfois je sais la
reconnaître en lisant, parfois je ne vois que la beauté formelle de
l'écriture, mais je ne crois pas à la supériorité de telle ou telle
langue dans la mosaïque de Babel (ou d'Unicode…). Mon père,
d'ailleurs, parle à peu près également l'anglais, le français et
l'allemand, mais aucune de ces langues parfaitement (il vit en France
depuis maintenant presque quarante ans, mais continue à commettre des
fautes de français, même si sa prononciation, elle, est parfaite ; il
voyage régulièrement en Allemagne, et comme il fait beaucoup plus
d'efforts pour apprendre l'allemand que pour le français, comme il lit
énormément en allemand, il possède à peu près aussi bien la langue de
Goethe que celle de Molière ; quant à l'anglais, qui est sa langue
maternelle, il en a beaucoup oublié, faute de pratique). J'ai une
culture largement française (même s'il s'y greffe des éléments
étrangers surtout anglo-saxons) ; mais je considère que c'est plus un
hasard que quelque chose qui me définit vraiment.
Et qu'en est-il du Canada ? J'ai la nationalité canadienne car mon
père l'a (même s'il est aussi Français, maintenant), mais je n'ai vécu
au total qu'un an et quelques mois au Canada. J'y ai appris à parler
(relativement) l'anglais, j'y ai regardé Sesame Street quand
j'étais petit, ainsi que The
Wizard of Oz, j'y ai même fêté Thanksgiving et Halloween;
mais est-ce que je peux vraiment me considérer comme Canadien ? je
n'en ai pas l'impression. Si je me lève quand on chante God Save the Queen, c'est par plaisanterie.
À l'intérieur de la France, je n'ai pas d'identité régionale
claire. Les Bretons revendiquent souvent leur identité de Bretons,
les Corses de Corses, etc. Mais je suis né à Paris (dans le 13e
arrondissement, où j'habite d'ailleurs, même pas à Montmartre où il
peut y avoir une identité de « poulbot »), j'ai grandi à Cassis (près
de Marseille) et surtout à Orsay (en banlieue parisienne) ; ma mère
est née à Sannois (aussi en banlieue, mais au nord), la famille de son
père vient du Centre, celle de sa mère vient de Lorraine. Bref, je
suis un pur produit, sans identité, du melting-pot francilien.
À la rigueur je peux me sentir Européen. La construction de
l'unité européenne, cela me semble une grande et noble idée ; il est
dommage qu'elle se fasse surtout, pour l'instant, par la monnaie
(l'euro), mais c'est déjà quelque chose. Cependant, tellement de
choses restent à faire ; et si j'arrive assez facilement à me sentir
proche des Allemands, des Italiens, des Espagnols, des Hollandais, ce
m'est beaucoup plus dur pour les Polonais, ou d'ailleurs les Grecs (je
veux dire, les Grecs d'aujourd'hui) : réactions complètement
irréfléchies, et que je ne prétends pas justifier, mais qui n'en
existent pas moins.
Je n'ai pas non plus d'identité religieuse. Je suis moi-même
athée. Personne dans ma famille proche (même par alliance) n'est ni
juif ni musulman. Ma mère a été baptisée dans la foi catholique, mais
elle n'y a jamais vraiment cru, et ça fait plus de quarante ans
qu'elle a clairement quitté l'Église ; même sa mère n'a jamais
vraiment pratiqué. Mon père est d'origine protestante (un de ses
oncles était pasteur, d'ailleurs), mais lui aussi est athée depuis sa
jeunesse, et son père était plutôt agnostique. Mes parents se sont
mariés à l'église pour faire joli, mais ils ne m'ont pas fait baptiser
(m'épargnant ainsi le souci de faire acte d'apostasie). En même
temps, je ne vois pas dans le fait d'être athée un élément d'identité
(pas plus que dans le fait de ne pas croire aux éléphants roses,
disons) ; je n'ai juste pas besoin de concevoir un Dieu pour donner un
sens à ma vie ou pour me fonder une éthique, et il m'importe peu de
savoir si les autres gens font ou non cette hypothèse. Une des seules
circonstances où je me rappelle spécialement que je suis athée, c'est
lorsque j'entends, par exemple un musulman (je ne sais pas pourquoi,
j'ai déjà entendu ça un certain nombre de fois avec un musulman,
beaucoup plus rarement avec d'autres religions) dit quelque chose
comme, vous autres, que vous soyez catholiques, ou protestants, ou
juifs, et j'ai envie de lui signaler que tout le monde n'a pas une
religion, que ce serait sympa de ne pas reléguer les agnostiques et
athées à la poubelle des énumérations. (Bon, pour essayer de marquer
le coup, j'évite de dire « mon Dieu » : je dis « par Zeus » à la
place. Je dis aussi « avant l'ère commune » au lieu de « avant
Jésus-Christ », mais ça c'est plutôt pour une question d'exactitude
historique, Jésus étant sans doute né autour de l'an 4 avant l'ère
commune.)
Quelqu'un me racontait qu'un clacissite de ses amis, parlant de la
bataille de Marathon, tellement imprégné de culture classique, s'était
exclamé, mais c'est nous qui l'avons gagnée. Je
trouve cette histoire très belle. Malheureusement je parle trop mal
le grec, barbare que je suis, et je suis incapable de courir 42195m,
je n'aurai donc pas le culot de revendiquer l'identité d'Athénien.
Je n'ai pas vraiment d'identité politique non plus. Je suis plus
proche des sociaux-démocrates que d'autre chose, mais en même temps
les questions que je trouve politiquement les plus importantes sont
rarement celles que les hommes politiques abordent, et vice versa.
Les libéraux me
considèrent comme un odieux étatiste parce que je crois qu'une
sécurité sociale forte est une bonne chose, et les antimondialistes comme un odieux
droitiste parce que je ne suis pas spécialement révolté par la
mondialisation (ni par la pub).
On me souffle que je suis au moins trois choses : mathématicien,
geek, et homosexuel. Moui. Mais être mathématicien me relie aux
mathématiques, pas aux autres mathématiciens : si j'ai une certaine
affinité pour certains d'entre eux, je reste convaincu que c'est un
métier solitaire, et je ne peux pas imaginer mettre
mathématicien dans mon identité. Geek, c'est quelque chose que
je suis un peu malgré moi ; quelque chose dont on ne sait pas
exactement ce que ça veut dire, au juste, d'ailleurs. Et dans
« homosexuel » il y a « sexuel », donc ce serait un peu déplacé de ma
part de le revendiquer comme identité.
Oh, je suis encore plein d'autres choses comme je le disais il y a un mois : masculin,
humain, mammalien… Mais ce ne sont pas exactement des identités
culturelles.
Il ne faut pas chercher à tout prix à se coller des
étiquettes, me dira-t-on enfin. On m'a même soutenu très
sérieusement que j'avais un devoir d'être moi. Ho hum. Je ne sais
pas si ça m'emballe, tout ça. Je n'ai pas demandé à être moi, moi !
Et je ne sais pas si c'est spécialement intéressant. D'ailleurs je
raconte vraiment des âneries, là, alors je vais arrêter.
Outre ce 'blog, je tiens un journal personnel. Pas quelque chose
de rédigé, pas un vrai journal intime comme d'autres en ont, auquel je
confierais mes pensées les plus secrètes. Plutôt un log
(informatique, bien sûr) de l'essentiel de ce que je fais
matériellement dans une journée, des gens que je vois, des
déplacements que j'effectue, etc., le tout dans un style
télégraphique. Parfois ça se résume à quelque chose comme :
Levé à <telle heure>. Déjeuné. Rien foutu de la journée.
Dîné. Couché à <telle heure>.
L'intérêt, c'est notamment de pouvoir retrouver, si je me dis
tiens, ça fait longtemps que je n'ai pas vu Untel, combien de
temps au juste s'est écoulé (et parfois je suis surpris de ce que je
découvre comme ça) ; ou, si je cherche à retrouver où j'étais et ce
que je faisais à tel moment précis, d'en avoir une trace certaine
(mais au fait où ai-je passé Noël 2001 ? est-ce que je ne confonds
pas avec Noël 2002 ?). Bref, un culte à la Mémoire (et une
motivation assez semblable à celle
derrière ce 'blog). Je me suis astreint à ce petit travail
d'écriture (très léger, vu que je ne détaille pas) quotidiennement
depuis le 2001-01-01 (une bonne résolution pour le millénaire), et je
n'y ai jamais failli, même si un jour (le 2002-05-06, pour être
précis), suite à une fausse manœuvre informatique, j'ai perdu
deux semaines de log, et j'ai eu l'impression qu'on me volait deux
semaines de ma vie (cependant, comme ma mémoire humaine n'est pas
complètement défaillante non plus, j'ai pu reconstituer l'essentiel de
ce que j'avais fait pendant ces deux semaines — mais pas les
heures précises de lever et de coucher, bien sûr).
De temps en temps, je regarde en arrière ce que je faisais 364
jours plus tôt (364 et pas 365 ou 366, parce que c'est 52 semaines,
donc ça ressemble souvent bien plus à la journée présente), et
j'essaie de me remémorer précisément la journée en question. Mais
parfois les similitudes sont troublantes, presque embarrassantes :
l'impression que rien n'a changé en un an, que j'ai vieilli d'une
année « pour rien ». Continue comme ça, m'a dit un ami, et
tu finiras par écrire le Journal du type qui lit son
journal. Il n'a pas tort.
J'en profite, dans un relatif non sequitur
(mais pas tant que ça non plus) pour conseiller la lecture de la collection de nouvelles
qui a été écrite dans le cadre d'un cercle d'écriture collectif que
j'avais organisé, et notamment celle de Denis
Auroux (ma préférée).
Hier, alors que je transitais dans les couloirs de la station
Pasteur (pour prendre la ligne 12 afin d'aller à la porte de Versailles), j'entends une mère
expliquer en réponse à une question de son fils (il devait avoir
quelque chose comme sept ans) que Pasteur est un savant qui a inventé
le vaccin contre la tuberculose.
Aurais-je dû réagir ? Dire non, Madame, Pasteur c'est la
rage ? Signaler que le vaccin contre la tuberculose, c'est
Calmette & Guérin (d'ailleurs il est bien connu sous le nom de
BCG) ? Ou aurait-ce été, comme je l'ai estimé, me mêler
de ce qui ne me regarde pas (la manière dont cette dame éduque son
fils) ? Le fils, après tout, a plein d'années devant lui pour
apprendre qui était Pasteur, et même s'il croit qu'il a inventé le
vaccin contre la tuberculose (à supposer qu'il le retienne, ce qui est
douteux), ce n'est pas si grave : finalement, c'est peut-être plus
dommageable pour lui que sa mère se fasse reprendre en public pour
avoir dit une bêtise. Donc à part étaler ma culture générale (ce
n'est pas grave : je peux l'étaler sur mon 'blog à la place), ç'aurait
été une remarque inutile.
Reste qu'il m'arrive assez souvent (typiquement dans le
RER) d'entendre une conversation dans laquelle je
pourrais intervenir pour soulever un doute, ou dissiper une erreur,
que ce soit dans un de mes domaines d'expertise (notamment, on entend
assez souvent des élèves de prépa ou des étudiants en maths discuter
de maths, et dire des bêtises qui font frémir ; et l'informatique est
elle aussi génératrice de quantité d'âneries prononcées) ou simplement
des questions de culture générale auxquelles par hasard je sais
répondre. Pratiquement toujours, je m'abstiens : ce serait déplacé de
m'immiscer dans une conversation que je ne suis pas censé écouter (et
si on commence comme ça, où ira-t-on : donnerai-je aussi mon avis sur
un film dont deux personnes discutent à côté de moi ?) ; je ne le fais
que dans des cas très précis, par exemple hier encore deux jeunes sont
montés dans le métro où j'étais et ont commencé à se demander s'ils
étaient dans la bonne direction pour aller à Charles-de-Gaulle
Étoile : je leur ai dit que oui.
Mais j'admets que d'un autre côté les rares fois où quelqu'un s'est
mêlé d'une conversation que je tenais, j'ai trouvé cette intervention
plutôt bienvenue (je me rappelle notamment d'une discussion que je
tenais avec Péter dans le RER sur le fonctionnement de la
RAM, et quelqu'un s'est approché, nous a dit qu'il
travaillait précisément dans la fabrication de puces de mémoire, et
nous a apporté quelques précisions intéressantes).
Il faut aussi que je me fasse refaire des lentilles de contact,
parce que je n'en ai plus : je porte des lunettes en ce moment. Les
avis divergent quant à ce qui me va le mieux (ou le moins mal). Pour
ce qui est du confort visuel, ni l'un ni l'autre n'est satisfaisant :
les lentilles finissent toujours par capter une poussière ou une
impureté ou par accumuler de la graisse dans le coin de l'œil et
je vois alors flou, et les lunettes se salissent, tombent sur mon nez,
et réduisent mon champ visuel.
Mon ordonnance :
Œil droit :
Marque :
Baush&Lomb
Modèle :
Soflens 66 Toric
Diamètre :
14.50
Rayon :
8.50
Puissance :
(150°-0.75)-7.50
Œil gauche :
Marque :
Baush&Lomb
Modèle :
Soflens 66 Toric
Diamètre :
14.50
Rayon :
8.50
Puissance :
(10°-1.25)-3.50
Ouille ! 8.25 dioptries sur un axe à l'œil droit, ça fait
mal, quand même !
Les batteries de mon mobile sont vraiment foutues maintenant.
J'avais déjà parlé ici d'en racheter
un, mais évidemment je n'ai rien fait. Maintenant je ne peux pas
parler trois secondes sans que le mobile me coupe pour s'éteindre
parce que les batteries sont, pense-t-il, vides. Bon. Je vais
certainement encore prendre trois mois pour me décider, et puis je
vais en acheter un autre. Je crois que je ne ferai pas d'effort
particulier pour conserver mon numéro, en fait : j'enregistrerai juste
un message sur le répondeur de l'ancien (qui restera en fonctions
quelque chose comme six mois) pour indiquer le nouveau numéro. En
attendant, vous ne pouvez pas me joindre utilement au 0699730449, mais
vous pouvez encore m'y laisser un message vocal ou un
SMS.
Il faut que je me fasse couper les cheveux. Peut-être même
aujourd'hui, si j'arrive à me motiver à sortir à temps. Le problème
est toujours le même : mes cheveux
sont incroyablement fins et souples, donc on ne peut rien en faire
d'utile : longs, ils partent comme ils veulent (aucun gel, aucun
spray, aucune cire, ne réussissent à les fixer convenablement), et,
courts, ils donnent l'impression d'être très rares parce qu'ils sont
si presque transparents. La coupe
précédente n'avait vraiment pas donné de bons résultats au-delà du
premier jour, en fait. Je pense que je vais opter pour quelque chose
d'assez conservateur (racourcir un peu devant, et pas mal sur les
côtés et derrière).
Il me faut des photos d'identité (inscriptions, tout ça tout ça).
Si possible après l'étape « coiffeur » (encore que faire avant +
après, ça pourrait être rigolo). J'aimerais en profiter pour en avoir
une copie numérique (scanner une photo d'identité, bof, ça donne des
résultats désastreux pour ce qui est de la balance des couleurs ; et
les photos prises par moi-même par mon appareil, c'est pas terrible).
Est-ce que si je me pointe chez un photographe avec une clé
USB et que je demande à avoir des photos d'identité
tirées plus une copie numérique sur la clé, je vais passer pour un
extra-terrestre ? Comme tout est fait en numérique de nos jours, et
comme ils ont des lecteurs de clés pour pouvoir développer les photos
des gens qui ont des appareils numériques, en principe ça ne
devrait poser aucun problème ; mais comme on le sait bien avec la
technologie, entre le « principe » et la « pratique » il n'y a aucune
différence… en principe !
Programme des jours à venir : demain vendredi, et samedi matin, il
y a le séminaire
Variétés rationnelles à l'ENS, où il
m'arrive même parfois de comprendre quelque chose à ce qui se dit
(voire d'y parler moi-même : c'est dire s'il est bien, ce séminaire).
Samedi soir je dîne dans un restaurant indien avec tout un tas de
copains de l'ENS. Samedi et/ou dimanche j'irai peut-être
faire un tour au salon Rainbow
attitude pour voir de quoi que ça parle. D'ici mardi je
dois avoir corrigé un tas de copies d'interros écrites (ça ça va très
vite) et un autre tas de devoirs maison (ça c'est plus pénible, mais
tous ne le rendent pas) de mes DEUGs, dont le
partiel a lieu la semaine suivante (et ça me fera un nouveau tas de
copies à corriger). Mercredi soir j'ai peut-être un autre dîner, à
confirmer (avec des geeks que je ne connais, pour l'essentiel, pas,
mais ça peut être l'occasion de faire de nouvelles connaissances).
Il faut encore que je règle plein de tracarasseries administratives
du côté de la fac. Ne serait-ce que pour être payé un jour, ça peut
être utile. Pour me réinscrire en thèse, aussi (et avoir une carte
d'étudiant). Pour pouvoir manger au restaurant du personnel. Pour
obtenir une carte d'identité professionnelle. Et il faut aussi que je
prenne possession d'un bout de bureau qu'on m'a, semble-t-il, attribué
quelque part dans le bâtiment de maths. Ah oui, et je dois me faire
réouvrir un compte informatique sur les machines de la fac (j'en ai
un, mais il a été désactivé pour cause d'inutilisation, pfff…).
Un secrétariat auquel j'ai affaire est ouvert du mardi au vendredi de
8h30 à 11h30, un autre est ouvert du lundi au jeudi de 14h à 16h :
c'est vraiment génial, surtout quand on doit passer toutes sortes de
papiers de l'un à l'autre. L'administration, c'est un ramassis de
secrétariat qui ne communiquent jamais les uns avec les autres et
c'est aux usagers de faire tout le boulot de courrier entre eux (et je
ne parle pas des mystérieuses personnes qui servent à signer des
dossiers et apparemment uniquement à ça).
Quoi d'autre ? Ah oui : me lever avant 9h. J'ai une bonne raison
pour ça : mes voisins adorés
(toujours les mêmes) font des travaux chez eux (en gros ils abattent
un mur ; je n'ai toujours pas compris comment ils ont réussi à
persuader l'assemblée des copropriétaires de leur vendre une partie
commune pour un euro symbolique !), et ça fait
boum-boum-brzxxx-plink-bam-bam à partir de 9h du matin.
Et entre tout ça je dois trouver aussi le temps de me racheter un
nouveau clavier (trouver un qwerty-US correct en France,
ce n'est pas facile !) qui n'ait pas une touche enter-lock comme le
mien a décidé d'avoir.
Aujourd'hui j'ai calculé deux éclatements. Si j'arrive maintenant
à prouver que le rang d'une certaine matrice 33×16 vaut au moins 9,
j'aurai effectué une désingularisation explicite par ces
éclatements.
Hum… J'ai voulu une thèse de géométrie algébrique (presque)
sans cohomologie, c'est ce que j'aurai eu. Mais évidemment, en
contrepartie, il faut se battre avec des polynômes tout à fait
explicites.
Tiens, il faudra que je raconte dans ce 'blog comment on peut
calculer la dérivée de 2 par rapport à 5 (ou autres bizarreries de ce
style). C'est le genre de choses qui constitue un des éléments de mes
calculs actuels (la 16e colonne de la matrice, pour être précis, ce
sont les « dérivées partielles » de certains polynômes par rapport à
un nombre premier fixé…).
À part ça, j'ai resoumis un article pour le Journal of Algebra (qui avait été accepté sous
réserve de modifications, j'ai traîné de longs mois pour faire ces
modifications). Et je vais donner un séminaire sur l'approximation
faible aux places de bonne réduction pour les surfaces cubiques sur
les corps de fonctions de courbes : dans un mois au séminaire
Variétés rationnelles de l'ENS, et en
décembre sur invitation à Rennes.
[Grrr… La touche « entrée » de mon clavier se bloque !
C'est insupportable !]
Je n'ai pas d'angoisse au moment de faire mes TD, je
suis même tout à fait à l'aise. Mais, curieusement, en-dehors de ces
heures, je suis très timide face à mes étudiants si par hasard je les
rencontre, j'ose à peine leur adresser la parole. Je ne me l'explique
pas vraiment. Peut-être que j'ai peur de ne pas être à ma place ?
Peut-être que je crains qu'on croie que je les drague, traumatisé que
je suis par tous les gens qui m'ont averti là-dessus ? Pas clair. Ce
midi, je déjeunais au resto U de la fac (parce que je devais rester
pour voir mon directeur de thèse), et je suis passé par hasard au self
juste après deux garçons de mon groupe. J'ai hésité à m'asseoir avec
eux, et finalement je n'ai pas osé, je me suis mis seul à une autre
table. Bon, j'aurais pu demander poliment si je pouvais me joindre à
eux, mais ils n'auraient sans doute pas dit non même si ça les
saoulait. Je ne supporte pas l'idée de m'imposer, ou
d'embarrasser.
Mon père semble croire que tout problème informatique est forcément
de ma faute : même si je n'en suis pas directement responsable (comme
je lui ai signalé en soulignant que le trafic qui passe entre ses deux
PC sur un éthernet switché n'est même pas vu par le
routeur que j'administre), j'aurais dû « répondre à ses questions »
(qu'il n'a pas cru bon de me poser, donc j'imagine que j'aurais aussi
dû les deviner !).
Rancunier et obstiné comme il est, je suppose que maintenant il ne
va pas me parler pendant six mois.
Je n'ai pas spécialement plus de raison d'être sexuellement frustré
aujourd'hui qu'avant-hier, il y a trois semaines, ou il y a trois mois
(après tout, la dernière fois que j'ai consommé remonte à — euh,
je préfère ne pas essayer de retrouver la date, ce serait vraiment
trop déprimant), mais, je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui
spécialement j'en suis particulièrement conscient.
C'est idiot, parce que je n'ai pas un besoin physique de
sexe à ce point : si j'avais une bonne raison de croire que je devais
m'en passer (si quelqu'un me disait clairement, tu n'y arriveras
jamais parce que <telle raison précise>) je suis assez
certain que j'arriverais très bien à contrôler le manque. Mais le
besoin est créé par l'impression absolument obsédante de facilité :
coucher (pour une nuit, je veux dire), dans le milieu homo, est
censé être aussi facile que trouver des chouettes à Athènes
(zut, j'ai déjà utilisé cette image).
Du moins tant qu'on n'est pas « vieux » (avec une notion
outrageusement jeuniste du mot « vieux », certes, mais malgré mon âge
canonique je ne tombe pas encore dedans) ou « moche » (ça
simplifierait mon enquête si on me disait que c'était mon cas, mais il
paraît que non, ce serait de la mauvaise foi de ma part de mettre mes
difficultés sur ce compte-là). On entend des gens se plaindre qu'ils
n'ont pas réussi à trouver un « plan cul » tel ou tel jour, comme si
c'était vraiment l'exception à peine croyable (bien sûr, ils ne se
donneraient pas la peine de dire comment ils font les jours où ça
marche, parce que c'est tellement évident que ça ne le mérite pas),
alors ce n'est pas vraiment plausible que je n'arrive pas à
en trouver un en <…> mois sans être Quasimodo. J'ai même
entendu quelqu'un se plaindre en longueur que c'était
vraiment trop facile à tel point que ça en ôtait tout
plaisir, ou tout intérêt, je ne sais pas, je n'ai pas trop écouté pour
pouvoir retenir mon calme. (Je ne parle pas de la difficulté de se
trouver un copain vaguement stable, voire le prince charmant de sa vie
— là tout le monde s'accorde sur le fait que c'est difficile.)
Alors je ne sais pas si je suis un cas unique au monde, ou s'il y en a
d'autres comme moi qui sont désespérément silencieux. Je crois au
moins avoir réussi un exploit absolument unique et sans précédent en
ayant passé presque deux ans au MAG (et j'y allais
très régulièrement — quasiment chaque semaine) et en étant
encore puceau à l'arrivée : c'est un peu comme réussir à parcourir la
rue de Rivoli d'un bout à l'autre un samedi soir sans rencontrer une
seule voiture. OK, je n'ai pas encore essayé DialH (ni le dépot, for
that matter) : on verra quand j'en aurai marre de traîner dans
des bars en espérant que quelqu'un me retourne un regard, mais je me
sens encore capable de réaliser des exploits inouïs devant lesquels la
rue de Rivoli serait un jeu d'enfant (le périph' à pied sans voir
l'ombre d'un véhicule, peut-être ?).
Ce n'est pas mon propos : ce que je voulais dire, c'est qu'être
frustré comme ça ce n'est pas bon déjà parce que ça emmerde les
lecteurs de mon 'blog à qui je raconte toutes sortes de conneries sans
intérêt, et aussi parce que ça a une influence néfaste sur mon
caractère, ça me rend impatient, aigre, cassant, voire carrément
haineux et jaloux (disons que je sens ça remuer quelque part au
tréfonds de mes entrailles et ce n'est pas plaisant). Et, bien
entendu, ça menace mon sentiment de bonheur. Je ne sais pas à quel
point je suis mentalement robuste ou fragile : j'imagine que si ma
résistance cède, ce sera assez soudain (au jeu du corps à corps,
l'esprit est bien plus fort).
Le piège, c'est que c'est précisément dans les endroits et dans les
circonstances où j'ai des chances de trouver de quoi résoudre cette
frustration (en la satisfaisant) que je trouve aussi de quoi
l'alimenter. C'est le piège de l'espoir du fond de la boîte de
Pandore : conservez l'espoir et il vous fait souffrir, abandonnez-le
et vous ne pouvez plus agir.
Je reviens d'une soirée organisée (à l'École) par Homonormalité.
Très réussie, je dois l'admettre : plein de beaux garçons (et aussi de
jolies filles, sans doute, mais ça me frappe moins que les beaux
garçons, curieusement), beaucoup de monde de façon générale
(curieusement, les soirées d'Homonormalité rassemblent
vraiment beaucoup plus de monde que n'importe quel autre genre de
soirée à l'ENS — et ensuite on s'étonne que les
clichés genre « les homos savent faire la fête » aient la vie
dure ), et une musique qui, cette fois, ne perforait
pas les tympans à cent mètres à la ronde. Thème : « rouge et noir »
(je n'ai toujours pas compris ce qu'il faut comprendre derrière ça, ni
pourquoi Homonormalité fait si régulièrement des soirées
appelées comme ça, mais peu importe) — et plein de gens
s'étaient habillés de manière appropriée (pour ma part, je suis
toujours en noir de toute façon).
Mais je me demande bien si c'est une bonne idée pour moi d'aller à
ce genre de soirées : ça a surtout tendance à souligner mes
frustrations. D'abord, je ne connais plus grand-monde, dans cette
École (j'y suis rentré en '96, je rentre donc en « huitième année »
d'une scolarité qui en compte quatre), je m'y sens de moins en moins à
ma place. Et voir tous ces jeunes beaux gars se tortiller en rythme,
ça m'apporte quoi ? Le sentiment d'être vieux et moche (en tout cas,
comme d'habitude, personne ne me gratifie d'un regard), inhibé
(incapable de trouver un prétexte pour ne serait-ce que faire
connaissance) et surtout infiniment frustré. Bref, une incitation à
être malheureux, dont je n'ai aucun besoin. À ce
titre-là, j'aurais mieux fait de rester chez moi (sans compter que ça
me fait me coucher tard, donc c'est raté pour me lever de bonne heure, et hop ! me voilà
remis sur la mauvaise pente du sommeil incontrôlé). Seulement, ce
n'est pas en restant chez moi que je vais faire des rencontres.
Demain, il y a une autre soirée (beaucoup
plus spécifiquement homo, celle-ci) inscrite sur l'agenda. Je fais
quoi : j'y vais ou je jette l'éponge ?
[Attention, rant ahead : cette entrée est fort
longue (peut-être en ferai-je une page séparée). Mais ça fait un
moment que je me propose d'écrire ce mot, qui me tient beaucoup à
cœur, alors il faut bien m'y lancer un jour.]
Je pars de l'extrait suivant (daté du 26 février 2002) du
Journal interrompu de Sylviane Agacinski (l'épouse de
l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, mais c'est ici « en tant
que » philosophe qu'elle parle, de sorte que cette précision est peu
pertinente), dont je recommande au passage la lecture :
Je comprends que l'on parle des complications de l'identité
sexuelle, puisque le masculin et le féminin ne s'appliquent pas
simplement aux hommes et aux femmes et que chacun est mixe, à sa
façon. Dans cette mesure, on peut dire qu'il y a plus de deux
« genres ». Mais je conteste que cette multiplicité, cette
multiplication des genres, puisse jamais réduire, encore
moins annuler, la division sexuelle originaire. Il y a au
moins deux genres, et là est l'irréductible.
L'hétérogénéité sexuelle de l'espèce fonctionne comme modèle de
toutes les divisions — comme de toutes les oppositions
hiérarchiques.
Toute neutralisation de la différence (comme de dire que la
binarité sexuelle est disséminée jusqu'au point où « elle cesse de
faire sens ») est contraire à ce qui relève pour moi de l'ordre d'une
expérience élémentaire. Ainsi la possibilité d'être enceinte et
porter un enfant constitue-t-elle une épreuve absolue de l'altérité
sexuelle de deux façons au moins : elle est l'épreuve du corps
maternel, qui accueille en lui un autre ; et elle est l'épreuve de
l'altérité sexuelle, celle du mâle sans lequel le corps féminin ne
peut être fécond.
D'autres expériences, fort obscures, font que n'importe quel homme
m'est toujours étranger, toujours étrange, même si je l'aime, alors
que n'importe quelle femme est un peu une sœur — même si
je ne l'aime pas. Et la lionne elle-même m'est plus proche que le
lion. […]
Enfin le différend sexuel est beaucoup plus ancien et profond que
la division secondaire entre homosexuels et hétérosexuels.
L'affirmation de caractères ou de valeurs liés à l'homosexualité en
général ne devrait pas être affaiblie par le fait que les gays sont
des hommes et les lesbiennes des femmes. Ce que l'on peut dire, c'est
qu'il y a plusieurs « genres » de femmes, et plusieurs « genres »
d'hommes, et non un seul de chaque « côté ». Mais il n'y en a pas
moins deux côtés : penser la femme comme l'autre côté de
l'être humain. Non pas son mode mineur, ou faible, mais son autre
face.
Selon Augustin, Ève a été tirée d'un côté d'Adam, et non
de sa côte (latus, et non costa).
Les genres se démultiplient, mais ils ne se neutralisent pas
(contrairement au ni… ni… de la pensée
queer).
Je suis parfaitement en accord avec ces remarques (à quelques
détails près), et surtout avec l'utilisation du mot
profond (le différend sexuel est beaucoup plus […]
profond que la division secondaire…). C'est
essentiellement sur ce point que je voudrais insister.
En bref : je suis un homme (vir —
individu de genre masculin) avant d'être homosexuel.
Certainement les deux qualifications ont leur importance (comme
beaucoup d'autres, je vais y venir), mais la première, l'affirmation
de mon genre (tant biologique qu'identitaire) en a nettement
plus que la seconde, affirmation de mon orientation sexuelle.
Pourquoi éprouvé-je le besoin de le souligner ici (et maintenant) ?
Je vais tenter d'expliquer pourquoi je pense cette profession de foi
capitale et ce qu'elle signifie concrètement (car ce n'est pas qu'une
déclaration abstraite et une pétition de principe sub
specie æternitatis).
Pour commencer, peut-être ma proclamation suprendra-t-elle des
lecteurs de ce 'blog : on ne compte plus les entrée dans lesquelles
j'ai cru utile de rappeler que j'étais pédé — à peu près chacune, en
fait, celle-ci comprise — alors que je n'ai pas cru nécessaire
d'insister lourdement et péniblement sur le fait que, sans
contrefaçon, je suis un garçon. Mais cette insistance est trompeuse :
les faits les plus fondamentaux ne sont pas ceux sur lesquels nous
devons insister le plus constamment (deux plus deux font quatre,
répétez après moi, deux plus deux font quatre…), et parfois le
langage le fait pour nous : chacun de nos mots présuppose tout
l'Univers et toute notre conception d'icelui. En l'occurrence, chaque
phrase dans laquelle j'accorde avec moi un adjectif ou un participe au
masculin renvoie à mon genre, ce n'est pas un choix délibéré de ma
part, c'est simplement la grammaire française qui le veut (d'autres
langues ne le font pas), mais ce n'est pas pour autant anodin. (Je ne
compte pas faire une petite crise de Sapir-Whorf-isme, je vous
rassure, ni prêter allégeance à Lacan.) Et au-delà du langage : il
n'est pas forcément évident, quand on me croise dans la rue, de
m'identifier comme gay, alors qu'il est passablement clair que je suis
un garçon (sinon, vous avez besoin de lunettes).
Concrètement, cela veut dire que je me sens le plus proche, que
j'ai le plus de facilité à m'identifier, dans ma sensibilité, dans ma
manière d'appréhender le monde (je ne parle pas spécifiquement de la
pensée rationnelle, que je crois asexuée), d'un homme
hétérosexuel que d'une femme (quelle que soit son orientation
sexuelle). Certainement, je partage avec les lesbiennes
l'appartenance à une minorité identifiée par son orientation sexuelle,
et donc un certain nombre de valeurs ou de revendications qui peuvent
procéder de l'appartenance à cette minorité. Certainement, je partage
avec les « hétéroïnes » une attirance affective ou sexuelle pour le
genre masculin. Mais l'appartenance à ce genre masculin
prime sur l'attirance ressentie pour lui. Et la femme, la féminité,
me restent distantes et inaccessibles, même incompréhensibles (Das Unbeschreibliche, / Hier ist's getan; / Das
Ewigweibliche / Zieht uns hinan). J'insiste sur le fait que je ne
parle pas ici de la pensée rationnelle, qui assurément ne connaît pas
les frontières du sexe (ni peut-être celles de l'espèce, cela est un
autre problème) : mais réduire l'individu à l'étroitesse de la pensée
rationnelle est une fort singulière limitation de sa richesse et de sa
diversité.
Concrètement, cela veut dire aussi que je trouve extrêmement
blessante l'habitude qu'ont certains (notamment des homosexuels
eux-mêmes, justement) de parler au féminin des garçons homosexuels ou
de les désigner par des mots féminins (si j'ai écrit que « pédé » ne me gêne pas, en
revanche je trouve « tapette » ou même le censément affectueux
« tapiole » très insultants). Évidemment, je reconnais à tout le
monde le droit de se désigner comme ils le veulent : juste soyez assez
aimables pour ne pas dire « elle » en parlant de moi, merci (ni
« elles » d'un groupe dont je fais partie — si vous n'aimez pas
le fait que la grammaire française demande le masculin à moins que
tous les membres du groupe soient féminins, dites par exemple « elles
et ils »). Il va de soi que je ne trouve rien d'insultant au féminin
in ipso : c'est juste que je ne m'y rattache pas.
Au demeurant, ce sont autant les femmes qui pourraient être insultées
de la suggestion que prendre un homme et lui retirer son goût pour les
femmes fait de lui un individu féminin : quel singulier outrage à la
dignité féminine que de penser qu'une femme est un homme « avec
quelque chose en moins » !
Si je souligne aussi lourdement, c'est que cela correspond pour moi
à un lourd traumatisme (et mon but n'est donc pas ici seulement de
débiter mes théories mais aussi de parler de moi, ce qui est normal,
c'est mon 'blog et c'est fait pour ça). Je n'ai jamais eu le moindre
problème pour m'identifier moi-même (par rapport à moi-même,
j'entends : devant les autres il m'a fallu plus de temps) comme
homosexuel, ni évidemment comme individu de sexe masculin ; mais
l'image que la société (ou que ma vision, adolescent, de la société)
me renvoyait de l'homosexualité masculine, apparemment associée à des
caractéristiques féminines ou efféminées que je ne trouvais pas du
tout en moi, m'a causé un profond trouble identitaire. Comment
pouvais-je réconcilier ma masculinité (ou, n'ayons pas peur du mot, ma
virilité) avec mon homosexualité alors que toute l'iconographie ou
l'idéologie que je recevais au sujet de ces idées les présentait comme
contradictoires ? Comme je ne pouvais douter de ma masculinité (je
suis en train de le dire, c'est ce qui est le plus significatif), j'ai
pu me demander si ce que j'identifiais comme de l'homosexualité
n'était pas une erreur de jugement de ma part : il m'a fallu un
certain temps avant de comprendre qu'il n'en était rien, c'était
seulement une certaine représentation de l'homosexualité qui ne
correspondait pas à la réalité. Maintenant je fais un rejet
extrêmement fort de l'association d'idées entre l'homosexualité
masculine et la féminité ; rejet qui pourtant n'a rien à voir avec une
« follophobie » comme certains en éprouvent (et que je réprouve), mais
seulement avec un traumatisme d'adolescence.
Passons. Cependant j'en profite pour demander s'il est réellement
opportun de rassembler, comme on le fait fréquemment, les transgenres
et transsexuels, avec les homosexuels. Au-delà du fait trivial que
tous ces groupes prônent de façon générale une plus grande tolérance
sexuelle de la société (mais ce fait-là regrouperait également les
zoophiles ou adeptes du sado-masochisme, par exemple) et peut-être la
demande que la loi n'ait jamais connaissance du genre d'un individu,
je ne vois pas ce qui regroupe les transgenres et les homosexuels. Et
à vouloir assimiler ceux-là à ceux-ci ou ceux-ci à ceux-là, on risque
de perdre de vue que leurs revendications ne sont pas du tout les
mêmes (bien qu'elles puissent s'allier) ; donc oublier la spécificité
des transgenres et entretenir des idées fausses sur les homosexuels.
Je maintiens : l'homosexualité n'a rien à voir avec une confusion
des genres (pas plus que la transsexualité, d'ailleurs), c'est au
contraire nier l'existence même de l'homosexualité que de la ramener à
une confusion des genres (le ni… ni… dont
parle Sylviane Agacinski) dans laquelle il n'y aurait plus
d'homosexualité ni d'hétérosexualité mais une pansexualité tout
simplement contraire à l'observation la plus immédiate. Et c'est
aussi ignorer la bisexualité (un oubli trop fréquent) que prétendre
qu'il y a un clivage fondamental entre l'hétérosexualité et
l'homosexualité.
Je ne prétends évidemment pas qu'il existe une séparation absolue
et infrangible entre les genres. D'abord, ce n'est pas parce que
j'insiste sur l'existence et l'importance de l'altérité sexuelle que
je nie pour autant le fait que nous ayons chacun en nous des
caractéristiques identifiables comme masculines et d'autres que l'on
pourrait qualifier de féminines. C'est d'une telle banalité que j'ai
presque honte à le dire ; mais parfois il faut défoncer les portes
ouvertes pour être sûr d'être parfaitement bien compris. Je ne
prétends nullement jouer au « macho », nier ou rejeter ma féminité en
affirmant distinctement que je suis un individu de sexe et de genre
masculin et en proclamant ma fierté quant à ma virilité, ni même en me
prétendant incapable de comprendre la femme ; je prétends en revanche
que cette féminité en moi n'a pas à voir avec mon homosexualité. Et
je prétends encore que si l'on passe de l'affirmation (banale et de
peu d'intérêt) « il y a du masculin et du féminin en chacun d'entre
nous » à « tout est en tout et réciproquement » on risque de sombrer
dans une eau de vinaigre intellectuelle qui ne mène à rien. S'il faut
une illustration, je propose plutôt cette très jolie phrase (que j'ai
d'ailleurs déjà citée) : I'm more man than you'll ever be and more woman than
you'll ever get.
Mais continuons à attaquer au bélier les rares portes ouvertes
encore intactes : il est évident qu'encore plus important que notre
genre est le fait que, femmes et hommes ensemble, nous soyons des
humains. Car la discrimination, toute discrimination, et
notamment celle fondée sur le sexe, vient non d'une exagération de la
différence entre les genres, mais de l'oubli simple de cette donnée vitale : notre genre est
masculin ou féminin peut-être, mais c'est aussi le genre
Homo (pun unintended, mais
assurément bienvenu). N'oublions pas non plus que nous sommes encore
d'autres choses. Par exemple : des mammifères ; cela peut paraître
très bête à dire, mais de notre identité mammalienne proviennent
certaines des fonctions « nobles » de notre cerveau, les émotions les
plus importantes (dont l'amour maternel) ; donc je le dis sans crainte
du ridicule, soyons fiers d'être des mammifères, voyons en les chats,
les chiens, les rats et les vaches nos cousins, et n'ayons pas peur de
dire que nous avons survécu là où les dinosaures ont péri.
Je laisse au lecteur le soin de trouver ce qui doit être tiré de notre
identité de primates, de vertébrés, et tout simplement d'êtres vivants
(et quelle importance doit être donnée à chacune).
Je déteste la flûte à bec quand elle est dans les mains d'un enfant
qui croit que c'est un jouet apparenté à un sifflet (mais c'est à
peine mieux s'il s'applique et qu'il ne connaît que quatre notes).
C'est un instrument qui porte incroyablement loin et fort, et qui est
vendu librement dans le commerce au lieu d'être soumis aux prix
prohibitifs de tous les autres instruments de musique, de sorte que
les parents ou les instituteurs trouvent bon de le mettre dans les
mains de ces horribles garnements.
Or voilà que ce matin
(enfin, soyons honnête : ce midi) le fils de mes voisins est sorti en
jouer sur la terrasse (dont j'ai déjà
noté que c'était l'endroit où l'isolation phonique est déplorable
entre chez eux et chez moi). J'ai eu droit à pas mal de répétitions
de toutes les permutations des quatre notes qu'il connaît, et aussi
beaucoup du jeu de « je bouge mes doigts n'importe comment sur la
flute en soufflant et je vois ce que ça produit comme son ». Plus
quelques disputes avec sa sœur qui voulait peut-être jouer elle
aussi.
C'est très gentil, les enfants, d'avoir pensé me faire un petit
concert, mais j'aurais préféré continuer à dormir. Bon, là, j'ai
décidé de me lever, pas tant parce qu'il était midi que parce que
j'aurais sans doute fait des rêves bizarres où des enfants de
huit-douze ans se font massacrer de toutes les façons possibles (mais
très sanglantes) par des vengeurs armés de flûtes.
Certains vont peut-être me demander pourquoi je n'utilise pas de boules quies ou autres protections
auditives en mousse. J'en ai, mais je trouve ça assez gênant, et
j'apprécierais peu d'être condamné à dormir chacune des nuits de ma
vie avec ces accessoires à cause des petits pénibles d'à côté qui une
fois par mois décident de m'emmerder.
Devrais-je écrire une lettre à mes voisins ? Passer les voir pour
m'expliquer ? Ou ignorer simplement la chose ?
Time for a little introspection: what is my purpose in 'blogging?
Certainly I enjoy talking about
myself, but it runs deeper than just this. Here's one possible
reason.
Have you ever played a video game where you could save the game at
any point—and be sure you could come back to it later? Felt
that very special relief, not so much that you had defeated the ugly
monster, but that you had saved the game afterward? Or simply
(outside the narrow world of video games) felt relieved, after making
important work on a computer, that you had not only saved it, but
saved it in a secure place, made a backup, or whatever?
Unfortunately, there is no such thing in real life. Sure, one can
get an insurance for something one cares for (even for one's own
life!), but there is nothing like the particular bliss of cyberlife
where one can make a perfect copy of anything to serve as
backup, and store it in security.
Somehow—please don't laugh—'blogging seems to be a
substitute of a kind. I may not be able to back up my life in
security, but at least I can save some of my memes (see outset below), by
propagating them in other people's brains. You, for example.
And indeed I feel, after having written some of this 'blog's entries,
much as if I had “saved” something of myself.
This is the sort of Sehnsucht nach Ewigkeit
(“longing for eternity”) that drives mankind's greatest
artists or thinkers, aspiring for immortality, to leave their name on
their works for future times to remember. But it is not the sole
privilege of the greatest and highest to propagate their memes: though
my name be engraved in no such marble, I can still hope for some of
the ideas that have flowed through me (I say not come from me,
merely flowed through) to become somehow, someday, a
significant part of the noosphere.
Ridiculous? Perhaps—but quite common. Such is exactly the
frame of mind of people who wish for their children or descendants a
life that they could not have for themselves, or those who think it
important for someone to “continue their name”. There are
good chances that I won't have any biological children (and I
certainly won't have nephews or nieces, so the closest thing I have
to descendants are a couple of cousins' children who share some of my
genes). But my brainchildren might beget brainchildren of their own,
and so on—crescite et multiplicamini: these
are my real descendants.
In short, what I am doing now is this: fertilizing your
brain. Thank you for your kind assistance.
[French translation of the above.]
C'est le moment d'une petite introspection : quel est mon but en
écrivant ce 'blog ? Certainement j'apprécie de parler de moi, mais cela court plus
profondément. Voici une raison possible.
Avez-vous déjà joué un jeu vidéo où vous pouviez sauvegarder la
partie à n'importe quel point — et être sûr de pouvoir y revenir
plus tard ? Et éprouvé ce soulagement très particulier, non tant
d'avoir triomphé du vilain monstre, mais d'avoir sauvé la partie
ensuite ? Ou simplement (hors du monde étroit des jeux vidéo) vous
êtes senti soulagé, après avoir fait un travail important sur
ordinateur, de l'avoir non seulement sauvé, mais sauvé en un endroit
sûr, fait une copie de sauvegarde, que sais-je ?
Malheureusement, il n'y a rien de tel dans la vie réelle.
Assurément, on peut souscrire à une assurance pour quelque chose à
quoi on tient (même pour sa propre vie !), mais ce n'est rien comme la
sérénité particulière de la cybervie où l'on peut faire une copie
parfaite de n'importe quoi pour servir de sauvegarde, et la
stocker en sécurité.
D'une façon ou d'une autre — ne riez pas — 'blogger
m'en semble une sorte d'ersatz. Je ne peux certes pas faire une copie
de sauvegarde de ma vie en sécurité, mais au moins je peux sauver
certains de mes mèmes (voir
l'encadré ci-dessous), en les propageant dans le cerveau d'autres
personnes. Vous, par exemple. Et je me sens en effet, après
avoir écrit certaines des entrées de ce 'blog, comme si j'avais
« sauvé » une partie de moi-même.
C'est la sorte de Sehnsucht nach Ewigkeit
(« poursuite de l'éternité ») qui guide les plus grands artistes et
penseurs de l'humanité, aspirant à l'immortalité, à laisser leur nom
sur leurs œuvres pour que les temps à venir se les rappellent.
Mais ce n'est pas le privilège exclusif des plus grands et plus hauts
de propager leurs mèmes : quoique mon nom ne soit engravé en aucune
sorte de marbre, je peux cependant espérer que quelques-unes des idées
qui ont coulé par moi (je ne dis pas venues de moi mais
seulement coulé par moi) deviennent un jour, d'une façon ou
d'une autre, une partie significative de la noosphère.
Ridicule ? Peut-être — mais fort commun. Tel est exactement
le cadre d'esprit des gens qui veulent pour leurs enfants ou
descendants une vie qu'ils n'ont pas pu avoir pour eux-mêmes, ou ceux
qui croient important que quelqu'un « continue leur nom ». Il y a de
bonnes chances pour que je n'aie pas d'enfants biologiques (et
certainement je n'aurai pas de neveux ou nièces, de sorte que le plus
près que j'aie en matière de descendants sont quelques petits-cousins
qui partagent certains de mes gènes). Mais mes enfants de l'esprit
pourraient engendrer d'autres enfants de l'esprit, et ainsi de suite
— crescite et multiplicamini : ceux-là sont
mes vrais descendants.
En bref, ce que je fais maintenant est ceci : fertiliser votre
cerveau. Merci de votre aimable coopération.
The word “meme”, which parallels “gene”,
was invented by the English biologist Richard Dawkins in his
celebrated book The Selfish Gene (1976). In a nutshell,
memes are to ideas what genes are to living
creatures: the elementary building blocks from which ideas are made.
And much the same way as the biosphere is a struggle in which
the fight for survival of the fittest individuals, competing for food,
selects the genes most capable of ensuring their own reproduction,
while random mutations continuously produce new genes from old ones,
much in the same way, the noosphere (the world of thoughts)
is a struggle in which the fight for survival of the fittest ideas,
competing for brain space, selects the memes most capable of ensuring
their own reproduction, while random variations continuously produce
new memes from old ones.
This concept can also be traced, for example, in the work of the
French philosopher Alain, who had already noted that human tools
follow an evolutionary process very similar to that which Darwin
pictures as the origin of species: craftsmen tend to reproduce prior
tools as faithfully as possible, but slight changes always happen,
willy-nilly, and the best tools are more successful and tend to be
copied more often. So even if no individual craftsman is creative in
his work or shows any ingenuity in improving existing tools,
civilizations tend to develop better objects over the course of
generations.
[French translation of the above.]
Le mot « mème », qui fait parallèle à « gène », a été inventé par
le biologiste anglais Richard Dawkins dans son célèbre livre The Selfish Gene (1976). En bref, les
mèmes sont aux idées ce que les gènes sont aux
créatures vivantes : les blocs élémentaires de construction à partir
desquels les idées sont faites. Et de la même manière que la
biosphère est une lutte dans laquelle le combat pour la
survie des individus les plus aptes, en concurrence pour la
nourriture, sélectionne les gènes les plus capables d'assurer leur
propre reproduction, tandis que des mutations aléatoires produisent
continuellement de nouveaux gènes à partir des anciens, bien de la
même manière, la noosphère (le monde des pensées) est une
lutte dans laquelle le combat pour la survie des idées les plus aptes,
en concurrence pour le terrain de pensée, sélectionne les mèmes les
plus capables d'assurer leur propre reproduction, tandis que des
variations aléatoires produisent continuellement de nouveaux mèmes à
partir des anciens.
Ce concept peut aussi être tracé, par exemple, dans l'œuvre
du philosophe français Alain, qui avait déjà noté que les outils
humains suivent un processus d'évolution très semblable à celui que
Darwin dépeint comme l'origine des espèces : les ouvriers tendent à
reproduire les outils antérieurs aussi fidèlement que possible, mais
de petits changements se produisent toujours, çà et là, et les
meilleurs outils ont plus de succès et tendent à être copiés plus
souvent. Donc même si aucun ouvrier individuel n'est créatif dans son
travail et ne montre aucune originalité pour améliorer les outils
existants, les civilisations tendent à développer de meilleurs objets
au fil des générations.
I was lying in bed, soundly sleeping, when the following things
happened (c. 2003-09-16T02:15+0200): (a) I became half-awake, (b) I
very clearly thought “I'm going to die”, (c) I had a
terrible headache, (d) a loud bang (at least that's what it
felt) resonated in my head (in a very localized place, near the top of
the parietal lobe of the right hemisphere), and then (e) I fully
awoke, with my heart pounding at an incredible speed. This all
happened during a few seconds. (The recollection I have is
that the chronological order is (a), (b), (c), (d) and (e). But logic
would have me think (d), then (b) and (a), then (c) and (e).
Sometimes memory is unreliable as to the order of events in close
succession: it is known that the impression of chronological order is
imposed a posteriori by the brain.) Then all went back to
normal, very rapidly (I've never had such a bad headache recede so
quickly). Apparently I'm not dead; and I went through a sequence of
simple tests to make sure I hadn't lost some major mental, psychomotor
or sensitive ability, but it doesn't seem so.
I don't know what to make of this. I've had various signs before
that made me worry about my cerebrovascular condition, and I've
already had (d) and (e) happen unexpectedly (though the location of
the bang is usually the occipital lobe of the right
hemisphere), but never with (b) before (it was really strange). Maybe
I should take a scan (on the other hand, maybe I don't really wish to
know more).
This is irritating. If an aneurysm burst is to kill me, I
wish it would do it cleanly, not giving me the time to think
“I'm going to die” or feel anything like a bang or
a headache. And, by the way, not leaving me alive and mentally
crippled would be nice: thanks in advance!
(Note, by the way, the utter stupidity of the reflex reaction:
sudden pain in the head ⇒ adrenaline discharge ⇒ increase in
blood pressure. Probably not the right response to a
cerebrovascular problem!)
[French translation of the above.]
J'étais au lit en train de dormir profondément quand les choses
suivantes se sont produites (vers 2003-09-16T02:15+0200) : (a) je me
suis à moitié réveillé, (b) j'ai clairement pensé « je vais mourir »,
(c) j'ai eu un mal de tête épouvantable, (d) une détonation (au moins
c'est l'impression que ça donnait) a résonné dans ma tête (à un
endroit très localisé, vers le haut du lobe pariétal de l'hémisphère
droit), et ensuite (e) je me suis entièrement réveillé, mon cœur
battant à toute vitesse. Tout cela s'est produit en quelques
secondes. (L'impression que j'ai est que l'ordre
chronologique était (a), (b), (c), (d) et (e). Mais la logique me
ferait penser (d), puis (b) et (a), puis (c) et (e). Parfois la
mémoire n'est pas fiable quant à l'ordre d'événements en succession
rapide : il est connu que l'impression d'ordre chronologique est
imposée a posteriori par le cerveau.) Puis tout est revenu à
la normale, très rapidement (je n'ai jamais eu un mal de tête pareil
qui se résorbe aussi rapidement). Apparemment je ne suis pas mort ;
et j'ai fait une suite de tests simples pour m'assurer que je n'avais
pas perdu une capacité mentale, psychomotrice ou sensorielle
importante, mais il ne semble pas.
Je ne sais pas quoi en penser. J'ai eu des signes auparavant qui
m'ont fait m'inquiéter quant à mon état cérébrovasculaire, et j'ai
déjà eu (d) et (e) se produisant de façon inattendue (même si
l'emplacement de la « détonation » était d'habitude le lobe occipital
de l'hémisphère droit), mais jamais avec (b) avant (c'était vraiment
étrange). Peut-être devrais-je passer un scanner (d'un autre côté,
peut-être que je ne veux pas en savoir plus, en fait).
C'est irritant. Si une rupture d'anévrisme doit me tuer,
je voudrais qu'elle le fasse proprement, sans me laisser le temps de
penser « je vais mourir » ou de sentir quelque chose comme une
sensation de détonation ou un mal de tête. Et, en passant, ne pas me
laisser vivant et mentalement diminué serait sympa : merci
d'avance !
(Notez, au passage, la stupidité complète de la réaction réflexe :
soudaine douleur dans la tête ⇒ décharge d'adrénaline ⇒
augmentation de la pression sanguine. Probablement pas la
bonne réponse à un problème cérébrovasculaire !)
Mon téléphone portable — ahem, mobile — est en train de
rendre l'âme (si tant est qu'il en ait une). Notamment, il lui arrive
fréquemment, au cours d'une communication, et sans raison apparente,
d'émettre une sonnerie censée indiquer l'épuisement des batteries et
de s'éteindre (alors que les batteries, d'après l'indicateur de
charge, si on rallume le téléphone, sont encore pleines). C'est pour
le moins gênant. Et il a quelques autres comportements pénibles
également révélateurs d'un dysfonctionnement lié sans doute à une fin
de vie utile. Pourtant, il n'a même pas quatre ans : je trouve ça un
peu court, vu que je ne suis pas de ceux qui ont envie de changer de
mobile tous les ans pour être à la pointe du progrès (d'ailleurs, le
truc que j'ai, un Siemens A36, était déjà « obsolète » quand je l'ai
eu).
Par ailleurs, mais ce n'est pas nouveau, ce mobile ne capte pas
dans mon appartement. C'est un peu pénible, parce qu'il y a toujours
des gens qui ne pensent pas à essayer d'appeler mon téléphone fixe
avant mon mobile : le téléphone sonne, j'entends vaguement mon
interlocuteur (entrecoupé de silences plus ou moins longs) mais lui,
apparemment, ne m'entend pas.
Je vais donc sans doute me mettre en quête d'un remplacement. Mes
priorités sont : la robustesse et l'autonomie (et, dans une moindre
mesure, le poids, mais je ne suis pas trop exigeant). La robustesse
est vraiment de loin le plus important : idéalement, je voudrais un
appareil que je peux faire tomber de 2m de hauteur sur le parquet (ou
le bitume) sans risquer qu'il soit abîmé — j'espère qu'on sait
faire ça. Les gadgets comme les jeux, la lecture de MP3,
l'écran graphique couleur, l'accès Wap et Web, la fonction appareil
photo ou caméra, l'enveloppe changeable, tout cela ne m'intéresse pas
du tout. En revanche, avoir quelque chose de bon marché me plairait
considérablement, parce que mon porte-monnaie n'est pas au mieux de sa
forme.
Encore faut-il que je décide, aussi, si je change de formule ou si
je reste sur le système actuel : certes je n'en pense pas beaucoup de bien, mais
je doute que les concurrents soient moins malhonnêtes. Je ne suis pas
trop enthousiaste pour changer mon numéro, non plus — sauf que
je n'ai aucune solution pour garder ma formule et changer le téléphone
autrement qu'en achetant un nouveau téléphone non verrouillé (ce qui
coûte ¤¤¤).
Voilà, nous sommes en septembre (c'est fou comme le fait de tenir
un 'blog divisé en mois fait prendre conscience du passage du temps).
J'ai atteint l'année Bac+9. Et j'en profite pour regarder ce qui
m'attend, professionnellement.
Ma thèse a maintenant de sérieuses chances d'être menée à son
terme, et peut-être même d'ici décembre (du moins, c'est ce qui est
prévu). Rien n'exclut, évidemment, un blocage inattendu ou un malheur
quelconque, mais enfin les chances commencent à se préciser que je
porte avant trop longtemps le titre de Docteur de l'Université de Paris XI (oui, mon
fan-club commençait à désespérer, et moi avec). Mon directeur de
thèse et moi-même sommes convenus (au début de cet été) de ce qu'il me
restait à faire avant de soutenir, et cela semble atteignable. À part
pour une inévitable introduction au sujet, je n'aurai pas de phase de
rédaction (souvent si pénible pour les thésards) parce que ma thèse
sera simplement la réunion d'une série d'articles soit déjà parus soit
soumis à publication. Le principal regret qu'on peut avoir, c'est
qu'alors que l'intitulé de mon sujet était Arithmétique des
variétés rationnellement connexes, je n'aurai pour ainsi dire
travaillé que sur les hypersurfaces cubiques (et même, plus
précisément, que sur les surfaces cubiques, autrement dit la
dimension 2), qui sort certes des variétés rationnellement connexes,
mais tout de même assez particulières ; et au lieu d'appliquer de
belles et grandes techniques de déformation à la façon de Kollár, j'ai
surtout travaillé avec les symétries (et combattu les points d'Eckardt) sur les surfaces
cubiques. J'ai certes aussi un petit article minable sur la
R-équivalence très libre sur les variétés toriques et surfaces
de Del Pezzo de degré 5 (autres variétés rationnellement connexes),
mais ce n'est vraiment pas grand-chose ; et mon article commun avec
mon directeur de thèse, qui parle certes de surfaces de Del Pezzo de
degré 4 (en plus — encore une fois — de celles de degré 3
qui sont précisément les surfaces cubiques), ne sera pas versé à ma
thèse parce qu'il est cosigné. Je risque de ne plus pouvoir voir une
surface cubique, même en photo, quand j'aurai fini (ça tombe bien,
c'est difficile à photographier ).
Et justement, après la thèse ? Eh bien je ne sais pas. La suite
naturelle serait de postuler une charge d'enseignant-chercheur en fac
ou de chercheur au CNRS
(cette dernière possibilité étant à peu près perdue d'avance à cause
des restrictions draconiennes sur le nombre de postes). Bref, devenir
mathématicien, ce qui est logique après une thèse de maths. J'exclus
d'emblée la possibilité d'un post-doc à l'étranger, vue ma profonde
aversion pour toute forme de voyage. Et je ne suis pas non plus
terriblement emballé à l'idée de me retrouver maître de conf' en
province, moi qui ai passé les cinq dernières années à apprendre à
aimer Paris jusqu'à ne plus pouvoir supporter de vivre ailleurs (et
puis, matériellement, je suis propriétaire d'un appartement à Paris,
et je n'ai aucune intention de le revendre) : bon, à la limite il est
possible d'avoir un poste à Lyon ou Lille (par exemple) tout en
habitant Paris, et faire de fréquents allers-retours. Sans post-doc,
et avec une thèse qui ne révolutionne pas le monde, mes chances à
Paris sont limitées.
Quant au travail de recherche… Bien sûr que les
mathématiques pures me passionnent, mais les questions qui me motivent
semblent sans aucun rapport avec celles qui motivent les autres
mathématiciens (le journal
mathématique que j'ai tenu par le passé le prouve) ; les
« questions intéressantes » (comme on les qualifie) ne m'intéressent
pas, ce sont les « questions élégantes » que je recherche ; les
démonstrations m'intéressent moins que les énoncés des théorèmes
(toujours les plus élégants possibles), et les théorèmes moins que les
définitions et les formalismes harmonieux. Bref, j'ai le sentiment de
ne pas être en phase avec le monde de la recherche mathématique, de ne
pas poursuivre le même but. Et je ne suis pas non
plus sûr d'arriver à (ou simplement d'avoir envie de) socialiser avec
les mathématiciens.
Et sinon mathématicien, quoi ? Eh bien je n'ai pas trop le choix :
à moins de vouloir démissionner (ou au moins prendre un congé pour
convenance personnelle) de mon poste d'agrégé, ce serait pour enseigner (par
exemple en prépa) ; ce qui ne me motive que très médiocrement
(enseigner me plaît, mais refaire toujours le même programme…
quelle barbe ! et le niveau mathématique du programme de prépa est
bien peu intéressant), et corriger les copies est très pénible.
Enseigner demande pas mal de temps (à moins de me mettre à mi-temps,
mais alors ce serait forcément en lycée, donc encore plus chiant),
mais moins que d'autres choses que je serais susceptible de faire. De
toute façon, il est hors de question que je cherche du travail dans
l'informatique (même si j'en trouverais sûrement) : mes nerfs
craqueraient sans doute encore plus vite face à un ordinateur et un
programme con à écrire que face à une trentaine d'étudiants ou lycéens
(pour le lycée, ça dépend où, certes). Quand j'en ai parlé à mon
directeur de thèse, il m'a confié qu'il avait lui-même à un moment
nourri l'idée de partir enseigner pour être tranquille et pouvoir se
consacrer en même temps à l'écriture. Ce n'est pas absurde ; si
j'avais vraiment foi en mes talents d'écrivain, je n'hésiterais
pas.
Pourtant, rapidement, je vais devoir faire un choix. Le choix de
ma carrière, au fond, et ce n'est pas facile.
[Traduction anglaise de ci-dessus.]
So, we are now in September (crazy how holding a 'blog that's
divided in months makes one aware of the passage of time). It's now
been nine years since I graduated from high school. And I take the
occasion to look at what's ahead of me, professionally.
My doctorate thesis now has serious chances of going to its end,
and perhaps even before the end of the year (at least, that's what is
planned). Nothing says, of course, an unexpected obstacle won't come
up, or some disaster, but the chances are getting better that I'll
have before long the title of doctor of the University of Paris XI (yes, my
fan-club was beginning to despair, and I along with it). My thesis
advisor and I agreed (at the beginning of summer) on what remains for
me to do before I defend my dissertation, and it seems within my
reach. Apart from the inevitable introduction to the domain, I won't
have any special composition stage to go through (which doctorate
students often find a great pain) because my thesis will just be the
collection of a series of articles either already published or
submitted for publication. The main regret I can have is that
although the wording of the subject was Arithmetic of rationally
connected varieties, I practically will have worked only on cubic
hypersurfaces (and even, more specifically, on cubic surfaces, in
other words, dimension 2), which are indeed rationally connected
varieties, but very specific ones; and instead of applying beautiful
and general deformation techniques in the manner of Kollár, I have
mostly worked with symmetries (and fought Eckardt points) on cubic surfaces.
True, I have also a small and insignificant article on very free
R-equivalence on toric varieties and Del Pezzo surfaces of
degree 5 (further rationally connected varieties), but it really isn't
much; and my joint paper with my thesis advisor, which is indeed on
Del Pezzo surfaces of degree 4 (besides—again—those of
degree 3 which are precisely cubic surfaces) won't go into my thesis
since it is co-signed. I probably won't be able to stand the sight of
a cubic surface, when I'm done (well, that's all right, they're
difficult to get a sight of, anyway ).
So, precisely, after the thesis? Well, I don't know. The natural
continuation would be to apply for a research-and-teaching position in
a University or for a pure research job at the CNRS (the latter
possibility being essentially doomed from the start because of severe
cuts in the number of positions). In a word, to become a
mathematician, which is logical after a doctorate in mathematics. I
immediately rule out the possibility of a post-doc abroad, because of
my deep aversion for any kind of travel. And I'm not too terribly
enthusiastic either about getting an assistant professor's position
away from Paris, after I've spent the last five years of my life
getting to love this city and not being able to bear living elsewhere
(and then, materially, I own an apartment in Paris and have no
intention of selling it): all right, I could in principle have a
position in Lyon or Lille (for example) and still live in Paris, and
commute frequently. Without a post-doc, and with a thesis that
doesn't turn the world around, my chances in Paris are limited.
As for research work… Of course pure mathematics fascinates
me, but the problems which motivate me seem very different from those
which motivate other mathematicians (the mathematical diary which I've
held in the past proves it); « interesting questions » (as they are
qualified) don't interest me, it is « elegant questions » which I
seek; proofs interest me less than the statement of theorems (always
as elegant as possible), and theorems less than definitions or
harmonious formalisms. In brief, I have a feeling of being out of
phase with the world of mathematical research, not to pursue the same
goal. And I'm also unsure that I can (or even want
to) socialize with mathematicians.
But if not mathematician, then what? Well, I don't have much
choice: unless I resign (or take leave for personal convenience) from
my office as agrégé
[state employee as qualified high school teacher], it would be to
teach (for example in preparatory classes [“classes préparatoires”]); which I find only
very mediocrely motivating (I like teaching, but to endlessly go
through the same curriculum… what a bore! and the mathematical
level of the preparatory classes curriculum really isn't very
interesting), and grading exams is a real pain. Teaching takes rather
a lot of time, but less than other things that I might do. In any
case, it is out of question for me to seek employment in the computer
industry (even if I surely might find it): my nerves would certainly
crack much faster before a computer and a stupid program to write than
before thirty or so students (well, if in high school, it depends
where, assuredly). When I spoke of this to my thesis advisor, he
confided that he had himself at some point entertained the idea of
going into teaching so as to have the leisure and time to write. It
isn't absurd; if I really had faith in my gifts as a writer, I wouldn't
hesitate.
But, rapidly, I'll have to make a choice. The choice of my career,
in fact, and it isn't easy.
Bon, peut-être que je suis déjà fonctionnaire, mais
stagiaire—et en congé spécial sans traitement (depuis trois ans,
je suis payé en comme contractuel). Je deviens titulaire (agrégé
classe normale) à partir du 1er septembre et je devrais être mis en
détachement pour exercer en tant qu'ATER à Orsay. Que de buzzwords ! Et en
pratique ça change quoi ? Euh… plus de travail ?
Going through my Apache logs, I
learned that this 'blog got mentioned in MSNBC's Blogspotting column of
2003-08-21. (Can you find the link that points here? Yeah, I
don't know whether I should take that as a compliment or an insult.)
Wait a minute: MSNBC is the Enemy, isn't it?
Hmmm…
All right: now where do I get the “F*** me, I'm famous”
tee-shirt?
(Side question: how long will it take before the Web becomes all
pointers and no content? We've had lists of 'blogs, and pointer lists
to lists of 'blogs, and I'm sure before long we'll be having pointer
lists to pointer lists, so Google
can churn all that and produce the content out of nowhere.)
Je reçois un courrier du Trésor public : une mauvaise nouvelle,
donc. J'ai pas mal dépensé ce mois-ci, mon compte n'est pas au plus
haut, et le troisième tiers va faire mal. J'ouvre, je lis le montant
imprimé sur le TIP : 900. Aïe, ça fait effectivement mal. Comment
ai-je réussi à avoir tant d'impôts à payer ? Je regarde le décompte
pour en savoir plus : total dû, 955€ ; versement 1er accompte,
473€ ; versement 2e accompte, 473€… Aaaaah, ce n'est
pas 900€, c'est 9.00€ ! Je retire ce que j'ai dit : Chirac
tient ses promesses, les impôts ont beaucoup baissé.
Explication du mystère : en 2000, quand je suis sorti de l'École en
septembre, j'ai mis très longtemps à remplir la paperasse pour mon
contrat d'allocation de recherche et de monitorat ; je n'ai donc pas
été payé avant 2001, et mes revenus 2000 étaient faibles parce qu'il
n'y avait plus de salaire entre le septembre et décembre. À
l'inverse, en 2001, j'ai eu trois mois de salaires versés en plus, ce
qui m'a fait des impôts plus importants en 2002, et comme les tiers
provisionnels sont estimés sur l'impôt de l'année précédente, ils
étaient importants. Ce qui fait qu'ils ont quasiment couvert tous mes
impôts maintenant.
Ça me donne envie de payer mes impôts en espèces, ça, une fois,
pour rigoler. Et puis ça m'évitera de majorer mes impôts de 6% par le
prix du timbre !
Les voisins sont des créatures inventées par le diable (quinzième
arcane majeur — non, rien) pour
nous empêcher de dormir tranquillement. Là, par exemple, je suis
réveillé à 10h, heure à laquelle ces
temps-ci je me couche plutôt. C'est à peu près la seule chose que
je déteste avec le fait de vivre en ville : on est assuré de devoir
supporter des voisins ; et en plus, ceux-ci ont une désagréable
tendance à ne pas bouger. Bon, je ne suis pas mal loti : mon immeuble
est moderne (début des années '90 du siècle dernier — je veux
dire, le XXe), les murs isolent très bien. Je n'entends pas du tout
les voisins d'un côté parce que j'en suis séparé par la cage
d'escalier (qui mène à la cave, donc je n'entends pas non plus les
gens qui la parcourent) ; les voisins du dessus je ne les entends que
quand ils passent l'aspirateur ; et ceux de l'autre côté je les
entends quand ils sont sur leur terrasse (ce qui était le cas ce
matin, d'où mon réveil prématuré) ou parfois quand ils sortent de chez
eux (il faut dire qu'ils ont un goût immodéré pour squatter le couloir
juste devant chez moi — je devrais les faire arrêter au nom des
lois Sarkozy sur les halls d'immeuble, tiens). Mais quand même.
À force de me décaler, j'en suis arrivé au stade où, au lieu de
faire mes courses à mon Champion local juste
avant sa fermeture (21h), je peux les faire un peu avant de me
coucher, juste à son ouverture (9h). Enfin, c'est ce que je viens de
faire. C'est la première fois que je suis le premier client de la
journée où que ce soit, d'ailleurs, je crois.
Ce n'est pas bien, ce rythme de vie décalé où je me lève à 18h et
me couche à ce qui est pour moi « 34h du matin ». C'est très malsain.
Mais j'ai un mal fou à me remettre à des horaires normaux : pour cela,
il me faut, en fait, « sacrifier » une journée, et, pire que tout,
sacrifier une nuit de sommeil (me forcer à me lever après seulement
quelques heures, pour être fatigué quand le soir vient), ce que j'ai
beaucoup de mal à consentir (il y a peu de choses que je considère
aussi précieuses qu'un sommeil où je ne permets à rien de
m'interrompre ou de me restreindre dans mon repos). La solution
consistant à me décaler de plus en plus, pour faire un tour complet,
ne marche pas non plus, je finis par bloquer.
(Pour ce qui est de ce 'blog, je date les entrées par le jour où je
me suis levé. Dans mon esprit, nous sommes encore mercredi, là, même
si en fait c'est 2003-08-21T09:25+0200 je le lis comme
2003-08-20T33:25+0200. Si je fais une nuit blanche, je suis
totalement perturbé, du coup. En fait, je suis déjà trop vieux pour
faire des nuits blanches, j'ai beaucoup de mal à récupérer.)
Ah, et sinon, la question idiote du jour : pourquoi les bouteilles
de vin (de quelque qualité) indiquent-elles le cépage et la provenance
du raisin, mais pas les bouteilles de jus de raisin (sauf pour le
muscat, et encore) ? Si ça se sent dans le vin, ça devrait se sentir
encore beaucoup plus dans le jus de raisin, il me semble (ou alors il
faudrait expliquer pourquoi la fermentation révèle des choses qui ne
se sentaient pas avant).
Pendant deux semaines je n'ai pratiquement rien pu faire que rester
cloîtré chez moi à cause de la chaleur, et à peine celle-ci
commence-t-elle à se dissiper que voilà venu le maudit quinze août, ce jour où tout le
pays tombe dans un profond coma, où rien ne peut se faire, où tout est
fermé, et où il n'y a plus qu'à se cloîtrer de nouveau chez soi ; et
quand je dis « le jour », en l'occurrence c'est plutôt les trois
jours. Que tout cela est pénible !
Un reportage sur la très sérieuse chaîne Arte vient de nous l'apprendre
officiellement : la drague, c'est plus facile pour les homos que pour
les hétéros.
Conclusion : c'est vraiment moi qui ne suis pas doué. Ouin.
Mon apathie d'été atteint des
niveaux inquiétants avec cette chaleur oppressante. Je passe
actuellement mes journées (entre deux douches, du moins) devant
l'ordinateur, à végéter, incapable de faire quoi que ce soit d'autre
que perdre mon temps à surfer sur des sites totalement dénués
d'intérêt. (D'ailleurs, ce n'est même pas mon ordinateur : je suis
chez mes parents à garder le chat pendant qu'eux crapahutent sous la
fraîcheur toscane ; ma chambre est au premier étage, qui est
invivable, donc j'ai élu domicile au rez-de-chaussée et j'utilise
l'iMac de ma mère. Le confort n'est pas terrible parce que le clavier
est très mauvais et la souris un seul bouton, et que je ne suis pas
très habitué à cette interface utilisateur, et que l'émulation X11 ne marche
pas très bien. Mais au moins il fait un peu moins chaud dans la
pièce.) Je comptais profiter de ce mois d'août pour voir des gens,
mais je n'en ai actuellement aucun courage ; ni pour répondre à mes
mails, qui s'accumulent dangereusement. Je n'arrive pas non plus à
manger, et ma seule alimentation est constituée de lait-grenadine et
de jus de fruits, et parfois d'une salade au thon (en conserve) quand
j'arrive à me forcer à l'avaler. Ne parlons pas de travailler, l'idée
même m'en est absolument insupportable (pourtant j'ai sur la planche
des choses faciles et rentables). Et j'aimerais bien arriver à écrire
quelque chose dans ce 'blog de plus intéressant que mes râleries sur
la chaleur, mais je n'y arrive pas. En même temps, j'ai le sentiment
affreux que tout ce que je ne fais pas maintenant va me retomber
dessus prochainement, et de façon plutôt désagréable.
À part ça, et sans aucun rapport, je voudrais remercier celui qui
m'a fait découvrir le Concerto pour une Voix de
Saint-Preux : c'est un morceau vraiment très beau, à recommander
spécialement à ceux qui apprécient les voix hautes et claires —
même moi qui n'aime normalement pas la musique vocale suis vraiment
étonné par l'usage qui en est fait ici (sans paroles).
After
writing last week's entry on tarot, I
decided—acting on a sudden impulse so characteristic of
me—to buy myself a deck of (fortune-telling) tarot. (I might
mention that I collect playing cards; not that I do it very seriously,
but I do have a good number of decks. Which is odd, given that I
practically never play any card games. Anyway.) Now I wanted an item
of some artistic value, not the common and ugly “tarot de Marseille” or one with cheap XXth
century New Age illustrations (although I admit that I do find
artistic value in some illustrations of the kind). So, on a friend's
counsel, I decided to get (a facsimile, of course, of) the
Visconti Sforza tarot, drawn in the mid XVth century by
Italian artist Bonifacio Bembo for the Visconti and Sforza dukes of
Milan; and the drawings are very beautiful, as illustrated, for
example, by the first major arcanum, The Magician (Il Bagatino in Italian), which I reproduced here
on the left (click to
enlarge). Only four cards (out of seventy-eight) are lost from the
Visconti tarot (the fifteenth and sixteenth major
arcana—respectively the Devil and the Tower—, the Knight
of Coins, and the Three of Swords); the game I bought has them
replaced with cards drawn in the style of the original, and I have to
admit it is not badly done at all.
I would have liked to avoid giving money to occultists (because I
don't like the idea of making profit out of people's gullibility), but
it doesn't seem that that was possible: so I bought the cards from an
occultist that sells
on-line (if someone—in France—wants to buy the same
cards, they are item tar134 in their catalog, costing
€75; they are printed by AGMüller in Switzerland, though US Games Systems also seems
to be somehow part of the editing process).
Incidentally, the same Stanley Morison who designed the ubiquitous
Times character font
also designed one, modeled after a XVth century font by Francesco
Griffo, which he called “Bembo”. This is
named after Cardinal Pietro Bembo, because the original font was used
to print Pietro Bembo's De Ætna. I don't know what is
the relation between the humanist Pietro Bembo and the artist
Bonifacio Bembo.
Je ne sais pas comment dire les choses pour ne pas avoir l'air de
faire des reproches — et je ne veux en faire à personne. Si je
me dis terriblement déçu (le mot est faible) par cette soirée, il y en
a sans doute qui se feront des reproches ou se poseront des
questions : et ce ne seront justement sans doute pas ceux-là qui m'ont
déçu. Or il est évident que je ne vais pas faire de délation sur ce
'blog, ce qui n'aurait aucun sens, car de toute façon je ne veux pas
(je le répète) faire de reproches. C'est sans doute ma naïveté qui
est touchante, de toute façon.
Simplement, je ne compte pas recommencer. C'est en 2000 que j'ai
pour la première fois fêté mon anniversaire (en même temps que celui
de Marjorie) en
réunissant (alors dans mon appartement à Paris) autant d'amis que
possible autour, notamment, d'une quantité phénoménale de jus de fruit
(et on m'a offert un mouton en peluche que j'ai amoureusement baptisé
« côtelette »). Comme le concept m'a plu, j'ai renouvelé l'expérience
en 2001, mais chez mes parents (car il y a plus d'espace), puis en
2002, et ç'a vraiment été une réussite. Pas cette année. D'où mon
regret de dire à ceux qui auraient aimé, ou à qui j'avais promis, une
invitation pour l'édition 2004, elle n'aura pas lieu.
À part ça, demain je dois travailler. Sur les surfaces cubiques.
Me battre avec des points d'Eckardt.
Primo, comment peut-on être suffisamment con pour essayer de
photographier la tour Eiffel depuis les Tuileries au flash ?
Essayer de photographier des feux d'artifice, c'est une chose (je n'en
sais rien, mais je suppose qu'avec une pellicule assez sensible et une
assez grande ouverture on peut arriver à capturer le parcours de la
fusée pendant le temps d'exposition). Mais la tour Eiffel au flash,
c'est vraiment trop débile.
Secundo, pourquoi faut-il que les gamins trouvent les pétards si
rigolos ? Pourquoi n'a-t-on toujours pas interdit ces jouets
bruyants, dangereux et vraiment stupides ? Est-ce que je deviens
vieux et grincheux ? D'ailleurs, il faudrait aussi interdire les feux
d'artifice amateur : déjà qu'un feu d'artifice professionnel fait par
les meilleurs artificiers que la mairie de Paris a pu engager, et que
quelques centaines de milliers de personnes sont venues admirer, je
trouve ça un peu répétitif et lassant (bon, d'accord, on sait
maintenant faire des trucs qui prennent trois couleurs successivement,
ou qui font des formes un peu plus intéressantes d'une bête sphère,
mais c'est quand même vaguement tout le temps pareil), mais alors une
petite merde amateur à deux euros, ce n'est guère mieux qu'un pétard.
Bon, d'accord, je deviens effectivement vieux et grincheux. J'ai le
droit de m'énerver du fait que le feu d'artifice de Paris ait commencé
avec une heure de retard ?
Tertio, suite à ma note
précédente, j'insiste : il y a vraiment beaucoup de beaux garçons
qui me demandent si j'ai une clope. Surtout quand je suis vaguement
looké en racaille (enfin, en racaille bien pédé, quand même). Comment
expliquer cela ? Est-ce
parce qu'ils se disent qu'un jeune branché comme moi (ha, ha, ha)
doit forcément fumer et être un type sympa prêt à partager ses
cigarettes, ou bien
parce qu'ils ont des tendances homo refoulées (ou non), qu'ils me
trouvent terriblement séduisant et qu'ils utilisent ce qu'ils peuvent
comme prétexte pour m'aborder ?
Je préférais la deuxième option, hein (mais bon, je me sentirais
con du nombre d'occasions que j'aurais ratées en disant « désolé, je
ne fume pas » : bordel, ils ne pourraient pas demander l'heure,
plutôt ?). Manifestement il faut que je m'achète des cigarettes même
si je suis non-fumeur, rien que pour pouvoir en offrir quand on m'en
demande (et trancher entre les deux possibilités ci-dessus).
Quelqu'un peut me conseiller une marque (je n'y connais rien, et pour
cause) ? Ah, et comment faire taire ma conscience qui me dira que
c'est mal de donner un produit nocif à quelqu'un qui m'en
demande, fût-il beau garçon ?
Quarto, comment se fait-il que tous les guides de la drague gay
parisienne en plein air mentionnent
les Tuileries mais disent juste que ça s'arrête à la tombée de la
nuit (quand le parc ferme) ? Moi j'ai l'impression que ça se
délocalise ensuite dans les bosquets (labyrinthes ?) du Carrousel, de
part et d'autre de l'arc du Carrousel. Ou, si ce n'est pas de ça
qu'il s'agit, j'aimerais bien savoir ce qu'y font tous ces mecs qui y
déambulent au début de la nuit. Ils vont pisser ? Ils admirent le
Louvre ? Hum, j'y crois moyennement. Bon, j'enquêterai quand je
serai vraiment en état de manque.
Comme c'est devenu habituel le vendredi soir, l'association >Dégel! (association des étudiants
homos de Jussieu et d'ailleurs), s'installe sur les quais de Seine,
dans le square Tino Rossi (également connu comme le jardin aux
sculptures contemporaines ridicules), sur l'herbe, pour manger et
boire et regarder la nuit tomber et la Seine couler, bavarder et (pour
ceux qui sont bien saouls) chanter des chansons paillardes. Le lieu
est d'ailleurs rempli de groupes de gens plus ou moins nombreux qui se
livrent au même farniente, et parfois les groupes se mélangent
(un peu), ce qui est fort sympathique. Je ne sais pourquoi, cette
soirée-ci a été particulièrement réussie à mes yeux. Peut-être
était-ce parce que pour la première fois de ma vie j'ai vu en
vrai un concours de gobage de
Flamby (oui, ils sont fous, il y a bien une fédération française
des gobeurs de Flamby, qui vous expliquera par exemple les 23
techniques officielles du gobage), qui avait lieu juste à côté de là
où nous étions. Mais plus probablement simplement le fait que des
gens sympathiques étaient là ce soir, et que le climat était
spécialement propice à la conversation.
Malgré cela, je m'en tire toujours avec un sentiment un peu partagé
(que j'ai d'ailleurs déjà évoqué).
Ce n'est pas que j'aie le sentiment d'être mis à l'écart du groupe,
c'est plutôt que j'ai un peu tendance à me mettre moi-même en marge,
sans le vouloir, peut-être par une sorte de réserve instinctive dont
je n'arrive pas encore à me départir suffisamment. Par exemple, alors
que tout le monde se jette sur tout le monde (plaisamment, je
précise ! nous ne faisons pas encore de partouze en plein air —
tiens, aujourd'hui quelqu'un que je ne nommerai pas a décidé de donner
libre cours à son fétichisme sur les lobes d'oreille) je réussis
toujours à me faire passer inaperçu. (J'ai un talent incomparable
pour passer inaperçu, même si ça peut surprendre quand on ne m'a pas
vu l'appliquer. Et parfois je l'invoque de façon quasiment
inconsciente.) Ou, pire encore, si ce n'est pas moi qui manifeste de
la timidité, je crois qu'il y en a qui en éprouvent à mon égard (notez
que tout cela est très subtil, et les mots que j'utilise sont
considérablement exagérés) : et c'est encore plus difficile à
vaincre.
Autre chose, c'est qu'il y a plusieurs des garçons, là, (disons
facilement cinq ou six ce soir : tout compte fait je ne suis peut-être
pas aussi difficile que je le dis parfois, ou en tout cas pas avec les
étudiants dans la bonne tranche d'âge), dont je pourrais facilement
tomber amoureux si je me laissais, ou même, si je ne me retenais pas
un peu. Bon, j'ai acquis, à force, un certain contrôle de moi en la
matière, donc ce n'est pas un problème en soi. Nous avons, selon la
personne, des relations amicales, ou cordiales, ou indifférentes, et
je me donne peu de chances d'y changer quelque chose. (Par exemple,
il y en a un — non, je ne donnerai pas de nom — que je
connais depuis quatre ans maintenant, et que j'admire très
profondément, mais je suis dangereusement doué pour ne rien laisser
paraître de ce que je pense. Enfin, je m'entends bien avec lui.)
Maintenant, ce que je me demande bien, c'est quelle idée les autres
ont de moi : passé-je pour un chieur ? un cinglé ? un timide ? ou
encore quelqu'un de parfaitement insignifiant ? C'est bien triste que
je n'en aie aucune idée (« not a clue »).
Mais bon, je ne voudrais pas que ces méditations obscurcissent le
fait que j'ai passé une excellente soirée : j'ai appris à ne plus me
laisser attrister par ce genre de considérations.
Je me suis fait retirer mon grain de beauté aujourd'hui ; j'ai été
positivement surpris de la rapidité de l'intervention : quelques
minutes tout au plus, et je n'ai rien senti du tout (sauf la piqûre
pour l'anesthésie locale elle-même). Si j'en crois le médecin, je ne
devrais avoir qu'une cicatrice à peine visible (parce qu'il n'a fait
qu'une exérèse en surface et non en profondeur). Enfin, pour
l'instant j'ai surtout un petit pansement (que je suis censé garder
deux semaines).
Je me dis que je devrais chercher à me trouver un look (un vrai
look à moi) pour remplacer mon actuelle absence complète de style, une
tenue qu'on ne peut qualifier que d'« éclectique » (à ceci près que je
ne porte que du noir : on suit le leitfaden qu'on peut).
Éclectique dans le temps : par le passé j'ai eu les cheveux rasés
et je portais bombers, treillis et rangers — plus tard, avec les
cheveux très courts mais plus tout à fait rasés j'ai réussi à me faire
prendre pour un pompier (sérieusement !) par une brave dame dans la
rue qui m'a demandé son chemin (elle ne pouvait pas me faire de plus
charmant compliment) ; maintenant ma tenue fait plutôt « gothique »
avec mon sweat Slipknot et mon
pantalon baggy (on a insisté pour que je porte autre chose que des
treillis, et j'ai besoin de plein de poches, alors le baggy était une
solution naturelle, en plus, c'est rigolo, il y a plein de parties
dont je me demande si elles sont censées être fonctionnelles ou
décoratives, ou les deux).
D'ailleurs, ce soir, je me suis fait aborder par une fan de
Slipknot juste parce que je porte le logo du groupe sur mon sweat (en
tout cas, c'est le prétexte qu'elle a utilisé pour m'aborder —
peut-être que c'était juste pour mes beaux yeux). Elle elle avait un
look clair et lisible : comprendre, « goth » en gros caractères
clignotants (noirs, évidemment). Moi j'aime assez bien le look goth,
hein, c'est juste que je pourrais difficilement le porter à de telles
extrémités sans écouter la musique qui va avec (bon, et puis les
petites croix à l'envers dessinées sous les paupières, quand même,
c'est peut-être un peu excessif). En tout cas, là, je me suis trouvé
un peu con avec le devoir aporétique d'expliquer que, non, je n'étais
pas spécialement fan de Slipknot (bon, je n'allais pas non plus dire
que je n'avais strictement rien entendu d'eux —
maintenant je vais me faire un devoir de remédier au moins à cette
complète ignorance) et que, euh, j'écoutais un peu de tout (de fait,
au fur et à mesure que j'écris cette entrée, mon ordinateur m'a donné
successivement à entendre du Eminem, du Bangles, du Mendelssohn, du
Altan, du Mylène Farmer, du Sibelius et du Limahl : c'est dire si
c'est éclectique).
Éclectique aussi dans la composition : avec le sweat qui attire les
(ostro?)goths, ou en son absence s'il fait trop chaud, je porte un
tee-shirt sans manche façon surfer (Quiksilver, O'Neil ou Billabong
— mais là on retrouve une unité parce que « Billabong » est
écrit en caractères gothiques) ; des baskets Nike, et parfois
une casquette (à l'envers) idem ; des dog tags
(plaquettes d'identifications, façon armée américaine) que j'ai fait
graver à mon nom et numéro de sécurité sociale (parce que c'était une
idée ridicule donc ça me plaisait) ; à l'occasion j'ai aussi des
poignets de force.
Ah, tiens, ça me fait penser, il y a un accessoire vestimentaire /
décoratif qui semble assez populaire en ce moment, et dont
l'utilisation est vraiment éclectique, c'est le bandana.
Comprendre, un carré de coton (coloré et décoré d'arabesques d'un
côté), que j'ai vu porter au moins de toutes les façons suivantes :
sur la tête (façon « pirate ») d'au moins deux manières différentes,
ou ceignant le front comme un bandeau, ou encore comme un foulard
(façon « cow-boy ») devant le cou ou derrière la nuque, ou à l'inverse
pour se cacher le visage (façon rebelle néo-zapatiste), ou bien autour
du biceps, ou enfin autour du poignet. C'est fou tout ce qu'on arrive
à faire avec le même carré de tissu : les origamistes n'ont qu'à bien
se tenir. Je me suis procuré l'objet magique (en noir, bien sûr),
mais je n'arrive pas à reproduire toutes les figures de style que je
viens d'énumérer, si quelqu'un veut bien m'apprendre… Ah, on
peut aussi le laisser dépasser de sa poche pour indiquer ses préférences sexuelles
(voire religieuses
— mort de rire), d'ailleurs je me suis toujours demandé comment
des gens pouvaient avoir réussi à distinguer tellement de couleurs
différentes — mais bon, je crois que c'est un art qui s'est
perdu depuis. En tout cas, sous une forme ou une autre, il y a
clairement une thèse de sociologie à écrire sur le port du
bandana.
Ah oui, j'ai essayé la toge romaine aussi, comme façon de
s'habiller. Verdict : d'abord c'est horriblement inconfortable et
difficile à mettre. Ensuite, les gens dans la rue, qui ne daignent
pas détourner la tête pour quelqu'un qui a les cheveux verts et des
piercings de partout, en revanche, si vous vous baladez en toge, ils
vous regardent vraiment bizarrement, c'est bizarre.
Mais bon, peut-être que je devrais assumer mon éclectisme et le
revendiquer, en fait. (Trivia de la journée : saviez-vous que
l'éclectisme était le nom donné à la doctrine philosophique de Potamon
d'Alexandrie ? Non ? Moi non plus, il y a une minute. Eh bien
maintenant vous savez.) Après tout, quand on a vraiment de la
classe, on communique la classe à tout ce qu'on
fait, quelle que soit la façon dont on le fait, y compris la manière
dont on s'habille.
Et si je me faisais faire un petit tatouage ? Je sais déjà ce que
ce serait : le symbole
« danger biologique » — quoi de plus approprié pour
m'étiqueter ? Malheureusement, un groupe de heavy metal a déjà eu
l'idée de s'approprier le logo et le nom « biohazard », et on
risquerait encore de me prendre pour un fan. Pfff, c'est terrible ce
monde, toutes les bonnes idées sont déjà prises. Potamon d'Alexandrie
avait bien raison : il faut les récupérer là où elles sont.
I came back home today from Besançon around 4PM after having
“given myself dispensation” from the conference's Friday
afternoon courses. Right now I'm dead tired, so I'll try to be as
brief as possible in writing my summary of this trip: but I have much
to tell.
The conference
was interesting and well-organized. There were some very prestigious
people in attendance, including Andrej Suslin, Albrecht Pfister or Jón
Arason. Of course, since all the lectures were given by different
people, some were good and some were not: I very much enjoyed those by
Nikita Karpenko, Skip Garibaldi and Vladimir Chernousov. The idea of
having short talks (some were fourty or even twenty minutes long,
which in mathematics is exceptional) turned out to be a good one. I
learned some interesting mathematics, the most important being that I
now think I quite understand what the Witt ring of a field is, and I
am beginning to grasp the notion of essential dimension.
Surprisingly (for me at least), my own talk went very well, despite
my having slept only perhaps half an hour in the train, having gotten
badly sun burnt and having had only around one hour of preparation for
the talk (after lunch, just before the lecture). To my own surprise,
I did not mumble or stutter, I wrote legibly (and large enough) on the
blackboard, I did not make any mathematical error (at least not that I
know of), I did not forget anything important, I stopped exactly on
time, and I did not need to refer to my notes all the time (a good
thing, because my notes were a mess). My worse failure, as far as I
can tell, was to suddenly draw blank on the plural of genus
(which, as everyone should know, is genera) when trying to say:
the arithmetic and geometric genera differ by a quantity
δ. After the talk I was able to answer questions
(and they were not rhetorical questions either), by Kunyavskii,
Chernousov and others, in a—I hope not—entirely stupid
way. And four or five different people told me in private that they
had enjoyed my lecture. I don't want to sound smug about this, but I
was so entirely convinced that it would
be a disaster that I was really amazed when it went so
smoothely.
After that I went to bed very early. Fortunately, the hotel was
comfortable enough (though far from luxurious); but I think for that
night I would have slept anywhere.
Besançon is actually quite a nice town, at least for the two main
streets, which are pedestrian and form a pleasant city center, with
lots of shops and quite some lively activity—beyond that it gets
a bit austere (its a fortified city, which explains things). It is
true that most of the shops (bookstores, for example—I always
like to browse around bookstores when I go shopping, even if I have no
intention of buying a book) are not, of course, up to par with
comparable places in Paris (which may themselves not be what can be
found in other major world cities), but I found it really nice to have
so many of them in a small area. I quite enjoyed my Wednesday
afternoon (that was the conference's half-day off; most of the other
perticipants either went for a hike or visited the citadel of
Besançon—but I prefered shopping). The people in the streets
(including some damn good-looking lads, but I digress—it just
happened to strike me) seemd to be enjoying themselves, too. Luckily
the weather was nice on that afternoon. I didn't get the chance to
discover whether the city had a real night-life, however, since I was
getting up early (by my standards) on mornings; but I'm quite sure
that it has absolutely no kind of gay life whatsoever (the only gay
bar I discovered, with the help of a guide, was a cruising place where
I would not want to set foot from what I saw of the outside).
I also would like to point out that the Besançon bus system is utterly
incomprehensible for non-natives: just looking at the map should be
enough to give anyone a headache; already I find the Parisian metro
and bus maps too complicated, and Paris is—uh—moderately
larger than Besançon. It is also unfortunate that the university is
rather far away from the city center (where the conference
participants' hotel was located); so we had to come and go by bus. I
was witness to a rather amusing scene in the bus on Tuesday,
incidentally: Kunyavskii, Borovoi and Chernousov were chatting in
Russian (nearly half of the conference participants were native
Russian speakers, I think), a youngster stepped on the bus (not anyone
from the conference at any rate) and asked for the time, in Russian
(and with an impeccable accent), as if it were the most natural thing
in the world to do, and Kunyavskii answered in Russian also (it was
nearly six, if you want to know), and went on talking with his
colleagues as if it had been perfectly understood that of
course everyone spoke Russian and of course it was the
most natural thing in the world, in a bus in Besançon, to ask in
Russian what time it was.
<small>Besançon also holds a military fort (of
the French army, of course). On my way back it seems like I was on
the same train as servicemen taking their week-end leave, so I found
myself surrounded by good-looking young men with very short hair (to
be honest, most of them were in the smoking section, so I wasn't truly
surrounded), and I don't find that unpleasant at all—especially
since the gorgeous guy sitting next to me had this tendency to sleep
with his head to the side, nearly on my shoulder. That was
nice.</small>
I may have had a good time away, still I'm glad to be back home,
and now I have a zillion things to do that I couldn't do while I was
away. But for now, to bed!
[French translation of the above.]
Je suis revenu aujourd'hui de Besançon vers 16h après m'être
« dispensé » des cours du vendredi après-midi de la conférence. En ce
moment, je suis crevé, donc je vais tenter d'être aussi bref que
possible en résumant ce voyage : mais j'ai beaucoup à dire.
La conférence
était intéressante et bien organisée. Il y avait là des gens
prestigieux, dont Andrej Suslin, Albrecht Pfister ou Jón Arason. Bien
sûr, comme les exposés étaient donnés par des ges différents, certains
étaient bons et d'autres non : j'ai beaucoup apprécié ceux par Nikita
Karpenko, Skip Garibaldi et Vladimir Chernousov. L'idée d'avoir des
exposés courts (certains duraient quarante ou même vingt minutes, ce
qui en maths est exceptionnel) s'est avérée être bonne. J'ai appris
des maths intéressantes, les plus importantes étant que je crois
maintenant bien comprendre ce qu'est le groupe de Witt d'un corps, et
je commence à saisir la notion de dimension essentielle.
Étonnamment (au moins pour moi), mon propre exposé s'est très bien
passé, bien que j'aie dormi seulement peut-être une demi-heure dans le
train, que j'aie attrapé un beau coup de soleil et que j'aie eu
seulement autour d'une heure de préparation pour l'exposé (après le
déjeuner, juste avant de parler). À ma propre surprise, je n'ai pas
marmonné ou bafouillé, j'ai écrit lisiblement (et assez gros) au
tableau noir, je n'ai pas fait d'erreur mathématique (du moins pour
autant que je sache), je n'ai rien oublié d'important, je me suis
arrêté exactement à temps, et je n'ai pas eu besoin de me référer à
mes notes tout le temps (ce qui est une bonne chose, parce que mes
notes étaient inutilisables). Ma plus grande faute, pour autant que
je puisse dire, c'est d'avoir été incapable de me souvenir du pluriel
de genus (en anglais ; ce qui, comme chacun
devrait savoir, est genera) en essayant de dire :
les genres arithmétique et géométrique diffèrent par une quantité
δ (the arithmetic and geometric
genera differ by a quantity δ). Après l'exposé,
j'ai été capable de répondre aux questions (et elles n'étaient pas
rhétoriques non plus) de Kunyavskii, Chernousov et d'autres, de façon
— j'espère — pas entièrement stupide. Et quatre ou cinq
personnes différentes m'ont dit personnellement qu'elles avaient
apprécié mon exposé. Ce n'est pas que je veuille crâner là-dessus,
mais j'étais tellement convaincu que ce serait un désastre que j'ai été vraiment
épaté que tout se passe si bien.
Après ça je me suis couché tôt. Heureusement, l'hôtel était assez
confortable (quoique loin d'être luxueux) ; mais je crois que pour
cette nuit j'aurais dormi n'importe où.
Besançon est en fait une ville assez agréable, au moins pour ce qui
est des deux rues principales, qui sont piétonnes et forment un
centre-ville agréable, avec beaucoup de boutiques et une activité
vivante — au-delà, ça devient un peu austère (c'est une ville
fortifiée, ce qui explique des choses). Il est vrai que la plupart
des boutiques (librairies, par exemple — j'aime toujours flâner
dans les librairies quand je vais faire des courses, même si je n'ai
pas l'intention d'y acheter un livre) ne sont, bien sûr, pas au niveau
des endroits comparables à Paris (et qui peuvent eux-mêmes ne pas être
ce qu'on trouve dans d'autres grandes villes du monde), mais j'ai
trouvé vraiment agréable qu'il y en ait tellement dans une zone si
restreinte. J'ai passé un mecrecdi après-midi agréable (c'était la
demi-journée libre de la conférence ; la plupart des autres
participants sont allés soit faire une randonnée soit visiter la
citadelle de Besançon — mais j'ai préféré faire du shopping).
Les gens dans la rue (dont de sacrément beaux gosses, mais je digresse
— c'est juste que ça m'a frappé) semblaient se plaire aussi.
Heureusement le temps était beau cet après-midi-là. Je n'ai pas eu le
loisir de découvrir si la ville avait une vraie vie nocturne,
cependant, parce que je devais me lever tôt (selon mes critères) le
matin ; mais je suis tout à fait sûr qu'elle n'a aucune sorte de vie
gay (le seul bar gay que j'ai découvert, avec l'aide d'un guide, était
un endroit de drague où je n'aurais pas voulu mettre le pied vu ce que
j'ai vu de l'extérieur).
Je voudrais aussi signaler que le système de bus de Besançon est
parfaitement incompréhensible pour les non-Bizontins : le simple fait
de regarder la carte suffit à donner la migraine ; déjà je trouve que
les plans du métro et du bus parisiens sont trop compliqués, et Paris
est — euh — un peu plus grand que Besançon. Il est aussi
dommage que l'université soit assez loin du centre-ville (où était
situé l'hôtel des participants à la conférence) ; donc nous devions
aller et venir par bus. Tiens, j'ai été témoin d'une scène amusante
sur le bus mardi : Kunyavskii, Borovoi et Chernousov bavardaient en
russe (il semble que près de la moitié des participants de la
conférence étaient des russophones natifs), un ado est monté dans le
bus (en tout cas, pas quelqu'un de la conférence) et à demandé
l'heure, en russe (et avec un accent impeccable), comme si c'était la
chose la plus naturelle au monde à faire, et Kunyavskii a répondu en
russe aussi (il était presque six heures, si vous voulez savoir), et a
continué à parler à ses collègues comme si c'était parfaitement
entendu que bien sûr tout le monde parlait russe et bien
sûr c'était la chose la plus naturelle au monde, dans un bus à
Besançon, de demander l'heure en russe.
<small>Besançon a également un fort militaire
(de l'armée française, bien sûr). Au retour il semble que je me suis
trouvé dans le même bus que des militaires en permission pour le
week-end, donc je me suis retrouvé entouré de beaux jeunes gens aux
cheveux très courts (bon, pour être honnête, la plupart étaient en
section fumeur, donc je n'était pas vraiment entouré), et je ne trouve
pas ça du tout déplaisant — surtout que le superbe gosse assis à
côté de moi avait cette tendance à dormir avec sa tête sur le côté,
presque sur mon épaule. Ça c'était
bien.</small>
J'ai peut-être passé de bons moments, mais je suis quand même
heureux d'être rentré, et maintenant j'ai des tonnes de choses à faire
que je ne pouvais pas faire quand j'étais parti. Mais pour l'instant,
au lit !
Je viens de passer ce qui est je crois la pire nuit de ma vie.
Plus je pensais à la sonnerie stridente qui allait me réveiller à 6h
du matin, et plus j'étais stressé ; plus je stressais, moins je
pouvais m'endormir ; et la pensée du fait que je devais bien dormir
pour faire mon exposé, que si je ne dormais pas je serais très fatigué
toute la journée, cela me stressait encore plus. Le résultat, c'est
que je n'ai pas dormi du tout de la nuit : pas une minute
— je n'ai fait que stresser et penser à cette sonnerie qui se
rapprochait, qui couperait court à un sommeil que je n'arrivais pas à
trouver, à cet exposé dont les conditions empiraient à chaque
demi-heure qui passait, et à ce voyage que je ne pouvais retarder. Et
maintenant je dois partir prendre mon train, et je suis mort
de fatigue — et qu'est-ce que ce sera dans neuf heures quand je
devrai parler ! J'ai déjà connu un semblable cercle vicieux, mais
rarement à un tel niveau que ça me mène à passer une nuit complètement
blanche (une nuit encore plus fatigante que si je ne m'étais pas
couché du tout, en fait).
La question se pose de savoir si je serai moins ridicule devant la
communauté mathématique en annulant mon exposé ou en le faisant dans
l'état où je serai. Je crois que je vais tenter de le faire malgré
tout, attrapant si je le peux quelques minutes de sommeil dans le
TGV et me dopant au café après mon arrivée. Mais
aussitôt après je n'aurai plus qu'à courir à l'hôtel pour me coucher
(manifestement je ne tirerai aucun profit des exposés de la journée
autre que le mien).
Today's three entries in this 'blog should be enough for the
moment, and there should be none coming until Friday (unless, by some
miracle, I can get access to a decently comfortable computer
environment, but this is unlikely because “decent” for me
means at least a US qwerty keyboard, and these are scarce
in France).
This time I'm leaving for Besançon.
Whereas the previous conference (in
Lens) I just came back from was more like a three-in-one course, this
time it's a series of around-one-hour lectures by various people
(including myself) on selected topics, somewhat in the continuation of
the Lens conference. I'll be speaking Monday (that's tomorrow), first
thing in the afternoon, to present the results contained in my joint paper with
Colliot-Thélène on Del Pezzo surfaces over fields of cohomological
dimension one. I still have to prepare this talk a little more
carefully (and I'm running out of time).
My train tomorrow leaves Paris (Gare de
Lyon) at 7:14AM (by Zeus, this is horribly
early—but I'll try not to miss it this time, unlike I did on
Tuesday to go to Lens) and arrives in Besançon at 9:50AM, which means
I'll be late for the first lecture, but I don't really care. (Useless
info: it is TGV 6751 and I'll have seat 32 of car 16.) I
have a return ticket for a train that leaves Besançon at 5:22PM Friday
and arrives in Paris at 8:01PM (TGV 6774, seat 24 of
car 18), but I'm already thinking of having it changed for one that
leaves earlier, perhaps in the morning, and forget about Friday
afternoon's lectures, because it was tiring enough to return from Lens
at 6PM, I don't think I want to bear it at 8PM this time.
In Besançon I'll be staying at the Hôtel de Paris
for the four nights, which is in the city center (unfortunately the Université of Franche-Comté in
Besançon is quite a good distance from the city). I'm a bit worried
as to how comfortable it will be (that's something I'm very sensitive
to), but we'll see.
[French translation of the above.]
Les trois entrées d'aujourd'hui dans ce 'blog devraient être
suffisantes pour le moment, et il ne devrait pas y en avoir de
nouvelle avant vendredi (sauf si, par quelque miracle, j'arrive à
avoir accès à un environnement informatique décemment confortable,
mais ce n'est pas probable, parce que « décent » pour moi implique au
moins un clavier qwerty US, et ceux-ci ne sont pas légion
en France).
Cette fois je pars pour Besançon.
Alors que la conférence précédente (à
Lens) dont je viens de rentrer était plutôt un cours trois-en-un,
cette fois c'est une série d'exposés d'environ une heure par des gens
divers (dont moi-même) sur des sujets choisis, plus ou moins dans la
continuité de la conférence à Lens. Je parle lundi (c'est-à-dire
demain), au début de l'après-midi, pour présenter les résultats
contenus dans mon article commun
avec Colliot-Thélène sur les surfaces de Del Pezzo sur des corps de
dimension cohomologique un. Il faut encore que je prépare cet exposé
un peu plus attentivement (et je commence à manquer de temps).
Mon train quitte Paris (Gare de Lyon) demain à 7h14 (par Zeus,
c'est horriblement tôt — mais j'essaierai de ne pas le
manquer cette fois contrairement à ce que j'ai fait mardi pour aller à
Lens) et arrive à Besançon à 9h50, ce qui veut dire que je serai en
retard pour le premier exposé, mais ça ne me gêne pas vraiment.
(Information inutile : c'est le TGV 6751 et j'aurai le
siège 32 de la voiture 16.) J'ai un billet retour pour un train qui
quitte Besançon à 17h22 vendredi et arrive à Paris à 20h01
(TGV 6774, place 24 de la voiture 18), mais je songe déjà
à le faire changer pour un autre qui part plus tôt, peut-être dans la
matinée, et laisser tomber les exposés de vendredi après-midi, parce
que c'était assez fatigant de rentrer de Lens à 18h, je ne veux pas le
supporter à 20h cette fois.
À Besançon je serai à l'Hôtel de Paris
pour les quatre nuits, qui est dans le centre-ville (malheureusement
l'Université de Franche-Comté
à Besançon est à une bonne distance de la ville). Je suis un peu
inquiet quant à savoir s'il sera confortable (c'est quelque chose à
quoi je suis très sensible), mais nous verrons.
Chaque année j'oublie, et chaque année le moment venu me rappelle
pourquoi je n'aime pas l'été. Ce n'est pas tant qu'il fait chaud et
que le soleil tape (ben oui, je suis blond…) : ça, on finit par
le supporter. C'est l'ennui (tu le connais, lecteur, ce monstre délicat —
ahem, excusez-moi, je m'égare). Il n'y a rien de plus pénible que de
s'ennuyer alors qu'on sait qu'on a des millions de choses à faire mais
que, bon, elles ne sont pas très divertissantes, et puis d'abord c'est
l'été alors ce n'est pas le moment de travailler. Je crois que le
pire ce sont les dimanches d'été : déjà qu'en temps normal le dimanche
est un jour où on ne peut rien faire que s'ennuyer, et c'est à peu
près le seul jour où je regarde vraiment la télé, faute de mieux, mais
en été la télé est elle aussi en vacances, et il ne passe vraiment
rien, surtout le dimanche. Mais bon, le problème est surtout que les
gens que j'ai l'habitude de fréquenter ont une fâcheuse tendance à
faire comme tout le monde, c'est-à-dire à disparaître pendant les
vacances d'été, repartant voir leur famille, allant crapahuter dans
des contrées reculées, ou simplement se retirant pour bronzer au bord
de la mer. Bref. Moi qui ne supporte pas de voyager, je serai
évidemment là (à Paris ou à Orsay selon les jours) tout l'été (à part
pour ces deux semaines de congrès qu'il faut bien que je
supporte).
Donc, un petit appel du pied : que tous ceux qui sont en région
parisienne entre la semaine prochaine et début septembre n'hésitent
pas à me contacter pour
qu'on trouve quelque chose à faire ensemble (dîner, aller au cinéma,
se balader, ou, au pire, partager notre ennui). Cela vaut tant pour
les gens que je connais déjà que pour ceux qui ne m'ont jamais
rencontré (manifestez-vous, bordel !) ; et c'est surtout bon pour ceux
qui sont là en août (le quinze août c'est vraiment le pire). Mon anniversaire est le
3 août (bouh, hou, hou, je vais avoir 27 ans), je pense que cette
année je vais le fêter le 2 au soir, et ce sera, comme d'habitude, à
Orsay, chez mes parents qui me laissent leur maison ; je ne pourrai
peut-être pas inviter tout le monde, mais j'essaierai de ratisser
large. Mais même si j'oublie malencontreusement de vous inviter, on
peut toujours se voir dans les jours avoisinants si vous êtes là.
Sinon je n'aurai plus qu'à m'inscrire dans un club de gym et faire
de la muscu tout l'été.
Dans l'urgence de mon départ lundi matin aux aurores pour la conférence
à Besançon (surtout que j'expose lundi en début d'après-midi, et
que je dois encore préparer cet exposé), je n'ai pas le temps de
raconter en détail. Je peux juste livrer, brutes de fonderie, les photos
que j'ai prises ; ce sont les fichiers exactement tels qu'ils sont
sortis de l'appareil (et l'heure indiquée est celle à laquelle j'ai
pris la photo), j'ai juste rajouté un court commentaire à côté (et,
bien sûr, vous aurez compris qu'il faut cliquer sur le nom du fichier
pour accéder à l'image en pleine taille) ; il faudrait avant
d'utiliser l'image appliquer une transformation colorimétrique (tels
qu'ils sont, les verts sont atténués), corriger la luminosité, et
éventuellement redimensionner ou recadrer l'image —
malheureusement, les photos floues (oui, je sais, elles le sont
presque toutes — mon appareil est merdique) resteront floues :
mais je n'ai pas le temps de m'occuper de tout ça pour l'instant,
alors on se contentera de cet immonde listing.
Les petits malins essaieront de reconstituer mon trajet à partir
des heures relevées par l'appareil — ce qui ne sera pas
forcément évident, alors je vous aide. Je suis parti de Corvisart
(vers 14h30), j'ai avancé vers l'avant de la marche jusqu'à dépasser
la tête du défilé (vers 15h15), puis je suis revenu à sa rencontre ;
ensuite, j'ai pris un chemin parallèle (par la gare de Lyon et la rue
de Charenton) pour rejoindre Bastille et je suis de nouveau allé à la
rencontre du cortège (rue de Lyon, vers 15h45) ; à partir de là, j'ai
marché en arrière jusqu'au boulevard de l'Hôpital, station
Saint-Marcel, où j'ai pris le métro pour repasser chez moi me
désaltérer un peu (vers 16h30). Ensuite, j'ai repris le métro
directement jusqu'à Bastille (vers 17h20) et j'ai suivi le boulevard
Beaumarchais jusqu'à retrouver le char de >Dégel! et HBO, sur lequel je suis alors monté et c'est comme
ça que j'ai terminé jusqu'à Place de la République (vers 18h).
My fans will be glad to learn that I survived my stay in Lens
(despite the fact that I missed my train in getting there). In a
nutshell: the conference was rather interesting (thanks mostly to
Merkurjev's lectures), but the city was not. Lens isn't too
ugly, but is probably the second most boring city in the
world—second only to Bluff,
Utah (where I also had the misfortune of spending a night, a dozen
years ago, and that's enough for a lifetime). Not meaning to offend
the Lensois, of course. Well, maybe if you like soccer (and you're in
season), it can be interesting. But it's not my case. However, some
of the participants in the conference enjoy soccer, and we have some
pictures
to prove it; I am told that despite Professor Merkurjev's ominous
smile on the first
picture, the French beat the Russians in the end.
Unless something unexpected turns out, this should be my last entry
in this 'blog before Friday at earliest. My train tomorrow
leaves Paris (Gare du Nord) at 7:52AM and
arrives in Lens at 8:58AM (or so it says on my ticket); just for the
fun of wasting bandwidth with completely useless information, I'll
also state that I'm taking the TGV 7303, and that I'll be
using seat 17 of car 15 (non-smoking, second class). I'll be leaving
Lens on Friday (the 27th) by the train departing at 4:31PM for Arras,
where I change to take the TGV 7342 (seat 28 of car 15)
that leaves at 5:06PM to arrive at Paris (Gare du
Nord) at 5:58PM—for some reason there wasn't any direct
train from Lens to Paris available.
In Lens I'll (probably) be lodging at the Espace Bollaert for the
three nights, where I already stayed two years ago (and I know it's
adequately comfortable). It's just three minutes' walk from the University of Artoisat
Lens where the conference is
taking place. I particularly look forward to hearing the course given
by Alexander Merkurjev
(that's
Александр
Меркурьев),
who gives a remarkably clear lecture.
I must have mentioned somewhere on this site that I don't like
traveling (and don't like is a euphemism): four or five days'
leave (with only a few hours of train) is the most I can bear. One of
the signs of this is that I feel compelled to carry something like the
contents of an entire drugstore when going anywhere (from disinfectant
to aspirin, contact lenses cleaning fluid, vitamin C, ear plugs, the
list is long…). And a good section of a bookstore,
too—my short list for this time consists of: If on
a Winter's Night a Traveler by Italo Calvino, Take a
Thief by Mercedes Lackey, and The Nice and the
Good by Iris Murdoch. I don't know yet, of course, which
one(s) I'll actually start reading.
If for any reason someone urgently needs to contact me during the
next four days, try my cell phone, +33 6 99 73 04 49 (also use that if
you just want to chat, but not before 6PM Paris time, should I forget
to turn it off during the conferences it would be embarrassing to have
it ring).
Future planned updates of this 'blog are: Friday, upon my return,
if I have time, to tell briefly of my stay if there's something to be
told (and perhaps show some pictures); Saturday to tell of the Gay
Pride, and Sunday to anticipate my stay in Besançon.
[French translation of the above.]
À moins qu'il survienne quelque chose d'inattendu, ceci devrait
être ma dernière entrée dans ce 'blog avant vendredi au plus
tôt. Mon train demain quitte Paris (Gare du Nord) à 7h52 et
arrive à Lens à 8h58 (du moins c'est ce qui est écrit sur le billet) ;
juste pour le plaisir de brûler de la bande passante avec des
informations complètement inutiles, je dirai aussi que je prendrai le
TGV 7303, et que j'aurai le siège 17 de la voiture 15 (2e
classe, non fumeurs). Je quitterai Lens vendredi (le 27) par le train
partant à 16h31 pour Arras, où je changerai pour prendre le
TGV 7342 (siège 28 de la voiture 15) qui part à 17h06
pour arriver à Paris (Gare du Nord) à 17h58 — pour une raison ou
une autre il n'y avait pas de train direct disponible de Lens à
Paris.
Je dois déjà avoir dit quelque part sur ce site que je n'aime pas
voyager (et n'aime pas est un euphémisme) : quatre ou cinq
jours d'absence (avec seulement quelques heures de train) sont le plus
que je peux supporter. Un des signes est que je me sens obligé de
transporter environ le contenu d'une pharmacie entière quand je vais
quelque part (du désinfectant à l'aspirine en passant par le produit
nettoyant pour lentilles, de la vitamine C, des bouchons pour
oreilles, la liste est longue…). Et une bonne partie d'une
librairie, aussi — ma short list cette fois
se compose de : Si par une nuit d'hiver un voyageur
d'Italo Calvino, Take a Thief de Mercedes
Lackey, et The Nice and the Good d'Iris
Murdoch. Je ne sais pas encore, bien sûr, le(s)quel(s) je vais
effectivement commencer.
Si pour une raison ou une autre quelqu'un a urgemment besoin de me
contacter pendant ces quatre jours, essayez mon téléphone mobile,
06 99 73 04 49 (utilisez-le aussi si vous voulez juste bavarder, mais
pas avant 18h, au cas où j'oublierais de l'éteindre pendant les
conférences il serait embarrassant qu'il sonnât).
Les prochaines mises à jour prévues de ce 'blog sont : vendredi, à
mon retour, si j'ai le temps, pour raconter brièvement mon séjour s'il
y a quelque chose à raconter (et peut-être montrer quelques photos) ;
samedi pour raconter la Gay Pridemarche des
fiertés, et dimanche pour anticiper mon séjour à Besançon.
J'ai commencé à nettoyer le site Web de l'association homos et bis d'Orsay, c'est le sixième travail
d'Hercule : il s'agit à la fois de corriger l'aspect technique
et de remettre le site à jour sur le fond. Ouf…
Hum, ça fait quand même vraiment très
pédé, mais bon, peut-être que c'était le but, finalement.
Indépendamment de ce que je pense de la coupe, la photo ne me plaît
pas. Pour la coupe elle-même, je ne sais pas encore ce que j'en
pense, mais le style ne me déplaît pas trop, et, au moins, ça me
change. Mais il va me falloir un petit bout de temps pour m'habituer
à mon reflet. De toute façon, je ne peux pas vraiment me plaindre,
parce que j'ai dit au coiffeur, moi je ne sais pas ce que je veux
— c'est vous le pro, je vous laisse carte blanche, faites ce que
vous voulez.
Si vous voulez féliciter on engueuler l'auteur
du résultat, voici l'adresse :
mod's
hair 30, rue des Archives 75004 Paris Tél. 01 42 71 26 88
(demandez Martial)
(Oui,
quand on lit l'adresse, on n'est plus surpris que ça fasse très
pédé… Ceci dit, le Martial qui m'a coiffé, lui, il est
hétéro.)
En fait, ce qui m'inquiète plus, c'est : vais-je
réussir à entretenir cette allure très savamment ébouriffée, et à la
recréer chaque matin ? C'est ce que nous saurons demain.
(samedi) · Nouvelle Lune (Éclipse annulaire de Soleil)
Santé
Ça doit faire la 4e ou 5e fois ce matin que je me réveille aux
alentours de 9h–11h, soit dans les 3 à 5 heures après m'être
couché, à cause d'un sentiment d'oppression du côté gauche de la
poitrine, au niveau du sein gauche, en profondeur. Ce n'est pas très
douloureux, mais c'est indiscutable ; la sensation est vaguement
comparable à ce qu'on ressent quand on a un hématome sous la peau
(vaguement, hein). Et ce n'est pas très localisé (c'est en gros dans
toute la région pectorale) mais ça ne rayonne pas non plus dans le
bras, par exemple, ni dans le cou. Et puis ça passe tout seul en
quelques minutes (peut-être même pas autant) : la première fois j'ai
dû juste me retourner dans mon lit et ça a disparu, les autres fois je
me suis levé et ça s'est passé le temps que je me demande quoi faire.
Avant-hier j'ai dû prendre une aspirine (parce que c'est efficace
contre toute sorte de douleur, mais aussi que c'est notoirement bon
pour certains problèmes cardio-vasculaires) ; ceci dit, je crois que
ça a disparu largement avant qu'on puisse soupçonner qu'elle fasse
effet (ou alors elle agit très vraiment vite, l'aspirine en question).
À chaque fois en me couchant j'avais complètement oublié que j'avais
fait ça les jours précédents, donc on ne peut pas vraiment soupçonner
que parce que je me dis « je vais me réveiller bientôt avec mal à la
poitrine » et que c'est une self-fulfilling
prophecy. Je me promets de m'en occuper, je me recouche, et en
me réveillant de nouveau plus tard (normalement, et sans trace de
douleur) je me dis que j'ai peut-être exagéré, et j'oublie la chose
jusqu'au matin suivant. Sauf que ce matin-ci (vers 9h, il y a une
heure au moment où j'écris) j'ai paniqué (je ne crois pas que la
douleur était plus forte que les jours précédents, juste elle est
partie moins vite), je me suis dit « bordel, je suis en train de faire
un infarctus, là », et forcément, en paniquant j'ai tachycardisé (j'ai
dû monter à 180 pulsations), j'ai eu l'impression de manquer d'oxygène
— mais était-ce un symptôme causée par la panique, par mon
imagination du fait que je sais que c'est une sensation quand on fait
un infarctus, ou bien encore un symptôme primaire, je n'en ai aucune
idée. J'étais à deux doigts d'appeler le SAMU, mais
c'est à nouveau passé. En ce moemnt ça revient et ça repart par
intermittence toutes les trois-quatre minutes peut-être, de façon très
très atténuée (à peine sensible, mais quand même) ; comme les autres
jours je m'étais rendormi après, je ne sais pas si ça fait toujours
ça. Ah, j'oubliais qu'avant-hier ou il y a trois jours j'ai dû
mesurer ma tension avant de me recoucher, et elle était normale
(genre, 125mmHg/90mmHg, avec un pouls autour de 80, enfin, je pipote
peut-être pour la tension diastolique, mais disons que ce n'était pas
mirobolant). Peut-être que ce n'est pas du tout un problème
cardiaque, je n'en ai aucune idée en fait.
Mise à jour (13h) : j'ai consulté un médecin, qui
n'a pas eu l'air affolé, mais qui m'a quand même prescrit une
échographie cardiaque. Et qui m'a recommandé de me coucher plus tôt,
aussi…
À part cette petite critique de
Matrix II, je peux donner très rapidement quelques autres
nouvelles de moi. Mon rhume passe, mais je suis actuellement aphone
(heureusement, ça ne m'empêche pas d'écrire, comme on le constate).
Je manque catastrophiquement de sommeil et je commence à ressembler à
un zombie, d'une part ; demain, mon manque de sommeil ne se sera pas
arrangé et je dois assister à un séminaire important tout
l'après-midi. Mon court article Very free
R-equivalence on toric models, soumis il y a un an
au Journal of
Algebra a été mi-accepté mi-refusé : le référé l'accepte à
condition de faire des changements assez importants, qui sont un peu
dommage (il y a une partie de l'article qui n'est pas originale mais
que j'ai écrite faute de référence adéquate dans la littérature, et ça
n'a pas plu). Les automorphismes pentaculaires des surfaces de Del
Pezzo de degré 4, dont j'ai parlé précédemment, ne semblent exister que
pour un pentagone régulier. J'ai obtenu un avis très favorable pour
la validation de mon agrégation, ce qui est toujours une bonne
nouvelle (même si ça n'a rien d'une surprise). Je me suis acheté un nouveau sweat avec
capuche (puisque j'ai déjà mentionné
que j'avais perdu le précédent), avec un graphisme un peu tribal sur
le devant et le derrière, qui a certainement un sens bien précis pour
les gens qui écoutent du KOЯN ou du
Slipknot, mais je ne veux pas savoir, moi je trouve juste ça joli (et
sexy ! ).
Tiens, puisque Denis Feldmann a
mis un lien vers mon 'blog depuis son site, je peux lui rendre la
politesse (et le saluer au passage) en mettant un lien vers le
sien.
En ce samedi soir, c'est nuit Superficial (fédération
d'associations étudiantes gaies et lesbiennes d'Île-de-France) qui m'a
permis de faire la fête. (Ce faisant, j'ai malheureusement raté la
première assemblée générale de l'OCAPI, voir une entrée passée au sujet de cette
association ; mais je ne peux pas être partout à la fois et j'avais
promis depuis un moment d'être à cette soirée.) Je vais peut-être
donner l'impression de faire la fête sans arrêt, mais ce serait très
exagéré…
Il y a cependant une chose que je regrette avec ce genre de
soirées, même si j'ai du mal à la formuler ; disons que je m'y amuse
bien moi-même, mais j'ai bien peur de donner l'impression, auprès des
gens qui me connaissent peu ou mal, (sous prétexte que je ne bondis
pas pour me trémousser dès que la musique retentit…) d'être un
personnage terriblement ennuyeux, ou, encore plus pernicieusement,
d'être entouré d'une sorte d'aura de respectabilité (ha, ha, ha,
quelle blague — et quand je pense qu'un copain, que je ne
dénoncerai pas, a parlé récemment de mes « oreilles chastes », ça
devient assez grave, là). Le fait est qu'au-delà même de ma timidité
naturelle, j'ai des difficultés particulières à lier contacts, et je
crois que c'est en partie à cause de l'image que je projette
inconsciemment. Pfiou, que c'est compliqué, tout ça.
En outre, ces soirées me laissent toujours des sentiments partagés,
parce que d'un côté on voit beaucoup de monde, ce qui est fort
sympathique (notamment j'y ai retrouvé des gens que j'apprécie et que
je vois trop rarement), et de l'autre on en ressort avec un sentiment
de solitude un peux doux-amer.
Indépendamment de ça, j'ai cassé mon parapluie à cause d'une
bourrasque de vent ; et j'ai oublié mon sweat-shirt dans le bar.
Bah, je vais me coucher un peu moins tard que d'habitude !
Puisqu'il est question de raconter
ma vie, je peux raconter ma journée d'aujourd'hui pour le plaisir des
internautes qui ont du temps à perdre à lire n'importe quoi.
Le
vendredi est le jour de permanence de >Dégel! dont j'ai déjà parlé : cela signifie qu'on se
retrouve entre copains et copines, au local de l'Unef à Jussieu, pour
goûter et échanger les derniers potins et ragots (ça c'est pour le
bénéfice de ceux qui se demandent « mais que peuvent-ils bien faire
dans une association de jeunes homos ? »). Ensuite, on va normalement
dîner au Quick de la rue de Rivoli (en face de l'Hôtel de Ville)
— ou, si on en a marre du fast food, dans
un autre restaurant du coin. Sauf que cette fois j'ai fait bande à
part (et pour ceux qui ont manifesté de la curiosité quant à savoir
pourquoi, voici, ta da, la réponse).
La semaine dernière, j'étais à une soirée
chez mon ami Sébastien Desreux ; cette fois c'est chez un autre ami,
Daivy, qu'était la soirée. Daivy est en colocation avec quatre ou
cinq autres personnes dans une grande maison (de quatre étages), du
côté du Père-Lachaise, et assez régulièrement ils y organisent
d'énormes fêtes, où chaque colocataire invite une vingtaine d'amis,
lesquels, à leur tour, arrivent parfois avec des amis à eux, ce qui
finit par faire beaucoup de monde et c'est très sympa (la dernière
était une soirée costumée très réussie). Cette fois-ci était un peu
spéciale, cependant, parce qu'elle servait de cadre à une émission de
télé, Vis Ma Vie : en l'occurrence, un certain Christophe
(venu de Lyon — avec son chien Coyote), qui partait d'un a
priori négatif sur la colocation (car jaloux de son indépendance),
allait essayer de vivre, pour le week-end, dans le groupe de
colocataires. La fête servait donc de réception de Christophe, mais
aussi d'exemple des choses à gérer en colocation (et si un des
colocataires ne veut pas faire la fête ?). Nous avons donc été filmés
lors de la soirée, et les colocataires présents et Christophe ont été
interviewés ou enregistrés en conversation entre eux, pour exposer les
points de vue sur les avantages et inconvénients de la colocation.
J'avoue que j'étais venu entre autres par curiosité sur la façon dont
se font de telles émissions (elle devrait passer à l'antenne dans
environ quatre semaines, soit dit en passant). Mais évidemment, les
soirées de ce genre sont aussi une occasion de rencontrer des gens
intéressants, avec ou sans télé.
Je suis rentré vers 2h du
matin, à pied : cela m'a pris un certain temps (plus d'une heure) pour
faire le trajet depuis Gambetta jusqu'à Place d'Italie, mais ce n'est
pas désagréable non plus (j'apprécie de marcher dans Paris, surtout la
nuit).
Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive : en chemin (plus
précisément, en l'occurrence, rue de la Roquette, arrivant à la place
Léon Blum), je croise un beau garçon, nous échangeons quelques
regards, puis je me retourne pour le voir passer, et je vois qu'il se
retourne aussi — sauf qu'au lieu d'avoir le courage de
l'aborder, voyant que nous sommes intéressés l'un par l'autre, je n'ai
évidemment pas trouvé mieux à faire que tourner de nouveau le dos et
fuir presque en courant. Parfois ma wishy-washiness m'exaspère au plus haut point :
certes, il n'est pas forcément recommandé de sauter sur le premier
venu croisé dans la rue, mais d'un autre côté, si je m'enfuis en
courant dès que j'ai une chance, je ne peux pas vraiment me plaindre
d'avoir du mal à en trouver, des chances.
Pouh, il est 9h du matin passées (le 17). Il est plus que temps
d'aller dormir. Cela fait des jours que j'essaie désespérément de me
remettre à des horaires plus normaux, et pour l'instant ça ne fait
qu'empirer.
J'ai converti mon autobiographie au nouveau style de
pages. J'en ai profité pour faire quelques changements même si
ceux-ci ne sont pas finis : notamment, j'ai rajouté des encarts
pour présenter de façon plus claire certaines des personnes qui m'ont
accompagné au cours de ces années.
J'ai cependant beaucoup de changements à y faire encore : si je
suis globalement satisfait de ce que je raconte au début de cette
autobiographie, jusqu'à la terminale environ, cela devient, ensuite,
une énumération fastidieuse et sans intérêt de résultats et péripéties
scolaires, omettant complètement les événements réellement importants
(notamment, je ne dis rien de ma vie sentimentale — ou
absence thereof). Je vais donc mettre dans mon
agenda de réécrire largement tout cela, en coupant dans
l'auto-satisfaction pompeuse sur mes réussites académiques et en
livrant un peu plus de ma vie personnelle (m'enfin, rappelez-vous bien
l'avertissement au frontispice de
ce site).
Il faut aussi que je parle de ce qui m'est arrivé depuis 1998, le
moment où cette histoire prend fin ; autrement dit : que je la
continue. Notamment, je ne peux pas ne pas parler de la bande de
geeks à laquelle je me suis intégré à l'École Normale Supérieure, les
geeks (« glauques » dans le jargon normalien) de la Salle S, parce que cela a été
l'origine de beaucoup de nouveaux amis, et de beaucoup de
questionnement affectif, aussi. Et bien sûr, je devrais parler de mes
relations aux ordinateurs, y compris en revenant aux début, lorsque je
jouais avec le New Brain : c'est-à-dire
intégrer cette petite
histoire de l'informatique vue par moi que j'ai racontée à
l'ENS. Bref, j'ai du pain sur la planche narrative.
J'ai décidé que j'allais à nouveau me couper les cheveux courts.
Longs, c'est rigolo pour jouer avec, mais ça a cette façon
insupportable de me rentrer dans la bouche (berk !) ou me de tomber
dans les yeux (surtout quand je me penche pour regarder quelque chose
de près). Plus gênant : ça ne plaît à personne, apparemment (enfin, à
moi, dans l'absolu — j'aime assez les cheveux longs, mais il
faut admettre que les miens ne tombent pas très bien), et j'ai même eu
des avis très marqués à ce sujet.
Bref. Ça fait
depuis le 2001-10-09, soit plus de 19 mois maintenant, qu'ils poussent
et je crois qu'ils ont, justement, fini de pousser et atteint leur
longueur maximale. Pour autant, je voudrais, avant de les massacrer,
prendre le maximum possible de photos pour immortaliser mon apparence
avec leur longueur actuelle (qui est plus que sur ma photo standard,
là à gauche), parce que je ne sais pas si j'aurai jamais à nouveau la
patience d'attendre un an et demi pour avoir cette longueur : je
regrette de n'avoir aucune photo du temps où j'avais le crane
complètement rasé (ce qui n'est pas tout à fait le cas sur ma photo de
zombie, là à droite), je ne voudrais pas regretter aussi de n'en avoir
aucune de moi avec les cheveux longs. Ça risque de prendre encore un
moment, donc, parce que faire des photos dont je suis satisfait, c'est
très difficile.
L'autre chose est de décider comment les porter. Complètement
rasés, à nouveau ? (Ma mère en ferait une crise.) Très courts, façon
militaire ? Courts, en brosse ? Mi-courts ? Au bol ? Avec des
mèches pleines de gel ? À l'iroquoise (ce serait rigolo, ça, mais je
ne pense pas qu'ils puissent tenir) ? Teints en bleu ? Frisés ? Dur
choix. En fait, mes cheveux sont rétifs (ré-tifs, ha, ha, ha) à toute
sorte de traitement. Ils n'en font qu'à leur tête (enfin, la mienne,
ha, ha, ha, ha, il est vraiment tard je devrais me coucher).
Extrêmement fins, très souples, presque invisibles individuellement,
se graissant très facilement : voilà quelques-unes des propriétés qui
les rendent, disons, pénibles.
Bon, si vous avez des idées, écrivez-moi (davidwwwmadoreorg, comme
d'habitude, quoi). (Si possible avec les bons termes techniques,
parce que j'ai toujours du mal à me faire comprendre des coiffeurs.)
De toute façon, je vais sans doute lancer une grande consultation
parmi mes amis pour leur demander ce qu'ils me conseillent sur ce
douloureux problème. Si vous voulez me demander une touffe de mes
cheveux avant qu'ils partent à la poubelle, c'est le moment,
aussi.
Ouhlà, il est vraiment tard, je crois que je touche le fond de la
vacuité, là.
Une fin de semaine un peu chargée ! Je dois terminer de rédiger un
raisonnement pour le présenter à mon directeur de thèse mardi.
Malheureusement, mardi il y aura une grève générale (à laquelle je
participerai seulement moralement) donc, pas de transports en commun :
j'irai habiter à Orsay sans doute de lundi à mercredi ; mais ça tombe
très mal car l'assemblée générale de ma copropriété à Paris tombe
précisément le même jour. Il faut encore que je trouve une solution à
ça. Par ailleurs, il y a quantité de choses que je dois encore faire
à Paris et que je n'ai pas pu traiter parce que j'ai actuellement des
horaires de vie insupportablement décalés (je me couche vers 6h pour
me lever vers 15h, ce qui me laisse peu de temps dans la journée). Je
dois m'occuper de l'ordinateur de mon ami Laurent, qui a
beaucoup de malchance avec sa carte graphique. Je dois rattraper
avant mercredi un cours auquel je n'ai pas assisté mercredi dernier
parce que, justement, mes horaires étaient trop décalés et je n'ai pas
réussi à me lever.
Par ailleurs, mercredi prochain vient l'Assemblée générale de
l'association HBO : j'ai accepté de me représenter à un
poste d'administrateur (plutôt qu'arrêter mon mandat maintenant) et de
prendre en charge le site Web de l'association ; cela va représenter
un certain travail. Vendredi sort Matrix
Reloaded : initialement je comptais le voir le jour même de
sa sortie, mais tout compte fait, comme j'irai avec un groupe d'amis
normaliens, et que l'un du groupe est en Suisse, on attendra une
semaine pour qu'il soit là.
J'ai fini de lire The Hours de Michael
Cunningham (le livre sur lequel est basé le film du même nom), que
j'ai bien aimé, peut-être en parlerai-je dans une prochaine entrée de
ce 'blog. J'ai maintenant commencé la lecture d'un roman de
politique-fiction intitulé Mais où est donc passé
Lionel ?, publié sous un nom de plume (« Tacite »), une
description un peu satirique de la vie politique française partant de
l'hypothèse du décès accidentel soudain du président de la République
(le livre est très ancré dans le temps et commence précisément
avant-hier, le mercredi 7 mai 2003) : ce n'est pas très bien écrit (le
style est maladroit), mais c'est néanmoins rigolo.
Je continue à évaluer les entrées de l'IRTC (voir ma note précédente, ci-dessous), j'en ai
maintenant vu les deux tiers, et je n'arrête pas de me lamenter d'en
voir de meilleures et meilleures, et d'être bloqué par l'échelle qui
s'arrête à 20 pour les noter ! Indépendamment, les gagnants en animations
viennent d'être désignés : je ne les ai pas encore visionnés, mais il
peut y avoir d'heureuses surprises.
J'ai commencé à refaire ma page d'informations personnelles sur ce site,
mais comme je ne l'ai pas encore traduite en français, je ne l'uploade
pas sur le serveur, mieux vaut encore garder la vieille version, qui
existe en français comme en anglais.
Et ne parlons pas du fait que la date limite pour le cercle
d'écriture de nouvelles (voir l'entrée de vendredi dernier dans ce 'blog
à ce sujet) approche dangereusement, et, même si j'ai une idée de ce
que je vais raconter, je n'ai pas encore vraiment commencé.
Ce soir j'étais à une soirée chez mon ami Sébastien Desreux (le
fondateur des éditions H&K, et
qui par ailleurs s'apprête à soutenir une thèse en combinatoire), qui,
comme c'est habituel de sa part, était fort réussie et agréable. J'ai
revu des gens fort sympathiques que je croise lors des soirées chez
Seb et pas autrement. Entre autres discussions, il nous a dit que,
las de ne pas avoir la mémoire des dates d'anniversaires, il a réservé
le nom de domaine anniversaires.org
(pour l'instant, il pointe vers le site des éditions H&K), où il
compte faire un service de rappel par mail des anniversaires (pour son
propre usage, mais pourquoi ne pas en faire profiter les autres):
c'est une idée sympathique. Nous avons aussi revu avec plaisir le
film George Lucas in Love, dont je ne peux que
dire et redire que c'est sans doute le plus génial court-métrage de
tous les temps, et peut-être bien film tout court ; en tout cas, ce
film (d'abord diffusé par Internet) a eu un tel succès qu'il est sorti
en DVD, alors qu'il ne fait que… 8 minutes !
Bon, assez raconté. Je devrais encore parler de mon nouveau plan
pour implémenter des adresses mail sur les pages Web qui soient non
collectables par les spammeurs, mais c'est un peu long à expliquer.
Suffit pour aujourd'hui, il est déjà près de 6h30.
So, basically, what have I been up to, these days, while my Web
site was bit rotting, until I started
this 'blog?
Well, working, for one thing. I'm sorry to say, my thesis is still
not written, and it will be a couple of months yet before I can think
of presenting it. However, my thesis advisor and I have been writing
a paper
together, in which we prove that smooth Del Pezzo surfaces of degree
3 (cubic surfaces) and 4 (complete intersections of two quadrics in
projective space of dimension 4) might have no rational points over
fields of cohomological dimension 1: this is an exciting new
counterexample, and although it dashes some hopes of understanding the
arithmetic of cubic surfaces in a “naïve” way, it gives an
interesting application of Rost's degree formula toward proving
arithmetic results on inexistence of rational points (or zero-cycles).
I'd also like to say that my paper Équivalence
rationnelle sur les hypersurfaces cubiques sur les corps
p-adiques has at last appeared in volume 110
issue 2 of manuscripta
mathematica: essentially, this is my first published math
paper! (Its DOI is 10.1007/s00229-002-0327-3,
and you can grab a local
copy of it if you wish.) Currently, I'm working on cubing
surfaces over C(t), and I also spare a thought from time to
time to trying to find an elementary proof (which I'm sure is
possible) of the fact that smooth projective rationally connected
varieties over C((t)) always have a rational fact (over
C(t) this is a very impressive result by T. Graber, J. Harris
& J. Starr).
On the more personal side, for those who have asked (I know, I
never reply to email, it's maddening): I haven't found myself a
boyfriend. I have firmly resolved, however, not to let that
fact ruin my happiness: while I'm a definite believer in Love with a
capital ‘L’ (and some of my writing proves it), I don't
intend, to put it simply, to let that aspiration shadow other
interesting and positive human relations, such as friendship,
tenderness or plenty of others. An obvious point, really, but some
people seem to simply—miss it. Anyway. In an effort toward
socializing with other gay people (not necessarily in hope of finding
my Brother soul, nor to hunt for sex), I have been going to >Dégel!, the gay & lesbian students
alliance of the Jussieu campus:
this has been a profitable occasion to meet many interesting people
and make new friends. Of course, I am also member of HBO, the similar organization for the Orsay campus: actually, I am a
trustee (and sometime treasurer) of HBO, and one
thing that has occupied me for the last months is the collaborative
process of rewriting the organization's bylaws.
On that subject, I might also mention that I've been found lurking
(and not just lurking, in fact) around IRCnet, notably on the #gayfrchannel under the nick
“Ruxor”
(these irc://
URIs should work
within Mozilla, provided, of
course, irc.ircnet.net is willing to accept you; the name
“Ruxor” is a reference to an old novel of mine).
While I'm ranting, I could add that I now have an ICQ
number (UIN), namely
168950339.
I haven't written much literature recently (my most recent work is
still my favorite: Histoire de la Propédeutique à la Reine des
Elfes; actually, I wrote this erotic short story and these four very short
stories since then, but I think they don't really count).
Actually, I did write something: together with some friends
of mine (from the ENS), I organized a little “short
story writing circle”: we voted on a common theme or subject and
then, each on our own, wrote a story on that theme, and compared
them. You can read the
stories that were written (and one of
them is mine): overall, I thought they were very good. The chosen
subject was The story must start with the death of a character.
And it must end with the death of a character. The same one. Now
we've started a second iteration of the story-writing circle, and the
subject is to write a story that parallels a famous historical or
literary event (such as the death of Julius Cæsar). I hope the
results will be likewise interesting.
Incidentally, in developing a procedure to vote for the common
subject of the aforementioned short stories, I had to implement what I
call the “Condorcet-Nash” electoral system. This is
definitely something I'll have to write about, some time. But I don't
have the time now. In just one sentence, it consists of taking the
optimal (von Neumann-Nash) strategy in the two-player fair zero-sum
game where each player chooses one of the candidates and receives a
score equal to the number of electors who prefer his candidate over
his opponent's (or minus the number of electors who prefer his
opponent's candidate). In a definite sense, this is the best
possible electoral system. I developped an implementation for it
using the GNU Linear Programming Kit, because
finding an optimal strategy in a zero-sum game is done by linear
programming. This is all quite fascinating.
On the computer side of my life, I haven't programmed much these
days. I did a major rewrite of my MIDI writing
library, but I didn't even bother to package it! The stuff is
still completely undocumented, anyway, so essentially it's usable only
by me. I also “discovered” and
documented a gratuitous annoyance in Unix, concerning the behavior of the
connect() system call when interrupted.
What else? I had a renewal of interest in the Rubik's Cube (I spent something like
six hours one night remembering how to solve it, something I knew
seven or eight years ago and had completely forgotten since); but that
probably won't last. Still, I plan on buying a 4×4×4 Rubik's Cube and
try to figure it out, now that I have the 3×3×3 well in hand (it takes
me ages to solve it, but I manage it).
I also went to see a couple of movies in the last few months. I
saw The Two
Towers on the day it was released (worldwide), 2002-12-18,
and I wasn't disappointed, although I thought maybe it lacked
unity. Long Island
Expressway, which I saw on 2003-02-04, nothing like a box
office buster, is a deeply moving story, and I recommend seeing it.
Spielberg's Catch Me
If You Can, which I went to see on 2003-02-19, was nice
(although it gives a, uh, backward image of France). I rather liked
Ma
Vraie Vie à Rouen (no English title that I know of), which
I saw on 2003-03-07, but I did find it lengthy. On 2003-03-10, I was
deeply enthusiastic about 8 Mile: I
don't have any particular fondness for hip-hop music, but I really
loved that film anyway. Next I saw The Rules of
Attraction on 2003-03-19, and I found it funny, but that's
about all. On the next day I went to see Stupeur
et Tremblement (possibly still not released in the US), and
I loved it: it is at once hilarious, beautiful and somehow terrifying.
Snowboarder,
which I went to see on 2003-04-09, is pretty much devoid of interest,
although some of the snowboard figures were spectacular. Next I saw
The Hours
on 2003-04-20, and I very much liked it: it is elegantly built, nicely
filmed, and rather moving; plus, Nicole Kidman's award for her
performance as Virgnia Woolf was well-deserved. The Life of David
Gale, which I saw on 2003-04-23, was a bit disappointing: I
had guessed the ins and outs of the plot not even halfway through the
movie, so the end was sort of spoilt for me. Lastly, I saw X-Men 2 on
the day before yesterday, and I found it rather entertaining. And I
plan on seeing Matrix
Reloaded on the day of its release (which is 2003-05-16 in
Europe: contrary to Lord of the Rings which played the
time zone difference by releasing a few hours earlier in Europe,
Matrix decided to release a few hours later than in North
America).
I've done some reading, too. In particular, I discovered that I
really liked Borges, and I think by now I've read just about all that
he's written (disappointingly little, I might add), in French
translation. I tried to read David Copperfield, but I
just couldn't get the hang of it: much as Balzac annoys me to no end,
I find Dickens' habit of constantly straying off the subject a source
of frustration; I expect to try again with A Tale of Two
Cities. Right now I'm reading The Hours by
Michael Cunningham.
I think that more or less sums it up.
[French translation of the above.]
Alors, finalement, qu'est-ce que j'ai fait ces jours-ci, pendant
que mon site Web était en train de pourrir, jusqu'à ce que je commence ce 'blog ?
Eh bien, d'abord, travailler. Je suis au regret de dire que ma
thèse n'est pas encore écrite, et il va falloir encore quelques mois
avant que je puisse songer à la soutenir. Cependant, mon directeur de
thèse et moi avons écrit un article ensemble,
dans lequel nous prouvons que les surfaces de Del Pezzo lisses de
degrés 3 (surfaces cubiques) et 4 (intersections complètes de deux
quadriques dans l'espace projectif de dimension 4) peuvent ne pas
avoir de points sur des corps de dimension cohomologique 1 : c'est un
contre-exemple nouveau et excitant, et même s'il anéantit certains
espoirs de comprendre l'arithmétique des surfaces cubiques d'une façon
« naïve », il donne une application intéressante de la formule du
degré de Rost pour prouver des résultats arithmétiques d'inexistence
de points rationnels (ou de zéro-cycles). Je voudrais aussi dire que
mon article Équivalence rationnelle sur les hypersurfaces cubiques
sur les corps p-adiques est enfin paru dans le
volume 110 numéro 2 de manuscripta
mathematica : en gros, c'est mon premier article de maths
publié ! (Son DOI est
10.1007/s00229-002-0327-3,
et vous pouvez en récupérer une copie locale si vous voulez.)
Actuellement, je travaille sur les surfaces cubiques sur C(t),
et je dévoue de temps en temps une pensée à essayer de trouver une
démonstration élémentaire (je suis sûr que c'est possible) du fait que
les variétés projectives lisses rationnellement connexes sur
C((t)) ont toujours un point rationnel (sur C(t) c'est
un résultat impressionnant de T. Graber, J. Harris &
J. Starr).
Sur un plan plus personnel, pour ceux qui m'ont demandé (je sais,
je ne réponds jamais aux mails, c'est énervant) : je ne me suis pas
trouvé un petit ami. J'ai fermement résolu, cependant, de ne
pas laisser ce fait gâcher mon bonheur : et même si je crois fermement
à l'Amour avec un grand ‘A’ (et certains de mes écrits le prouvent), je n'ai pas
l'intention, pour dire les choses simplement, de laisser cette
aspiration éclipser d'autres relations humaines intéressantes et
positives, comme l'amitié, la tendresse, ou plein d'autres. J'enfonce
les portes ouvertes, là, vraiment, mais pour certains elles semblent
simplement — ne pas être si ouvertes. Quoi qu'il en
soit… Dans un effort pour socialiser avec d'autres homosexuels
(pas forcément pour trouver mon âme frère, ni pour chasser de la
viande fraîche), j'ai commencé à aller à >Dégel!, l'association gaie &
lesbienne du campus de Jussieu :
ç'a été une occasion profitable de rencontrer des gens intéressants
et de me faire de nouveaux amis. Bien sûr, je suis aussi membre de HBO, l'organisation semblable pour le campus d'Orsay : en fait je suis un
administrateur d'HBO (et autrefois trésorier), et une des
choses qui m'ont occupé ces derniers mois est le travail collectif de
réécriture de ses statuts.
À ce sujet, je peux aussi mentionner que j'ai été trouvé à lurker (et
pas juste à lurker, en fait) sur IRCnet, notamment sur le canal#gayfr sous le nick « Ruxor » (ces URIs en irc://
devraient marcher sous Mozilla,
à condition, bien sûr, qu'irc.ircnet.net veuille bien de
vous ; le nom « Ruxor » est une référence à un vieux roman que j'ai
écrit). Pendant que je bavarde, je pourrais rajouter que j'ai
maintenant un numéro (UIN)
sur ICQ, à savoir 168950339.
Je n'ai pas beaucoup écrit de littérature récemment (mon texte le
plus récent est toujours mon préféré : Histoire de la Propédeutique
à la Reine des Elfes ; en fait, j'ai écrit cette nouvelle érotique et ces quatre nouvelles très
courtes depuis, mais je ne trouve pas qu'elles comptent vraiment).
En vérité, j'ai effectivement écrit quelque chose : avec certains de
mes amis (de l'ENS), j'ai organisé un petit « cercle
d'écriture de nouvelles » : nous avons voté sur un thème ou sujet
commun et ensuite, chacun de notre côté, écrit une nouvelle sur ce
thème, et les avons comparées. Vous pouvez lire les histoires qui
ont été écrites (et l'une
d'elles est de moi) : dans l'ensemble, je les ai trouvées très
bonnes. Le sujet choisi était La nouvelle doit commencer par la
mort d'un personnage. Et doit se terminer par la mort d'un
personnage. Le même. Maintenant nous avons débuté une seconde
itération de ce cercle d'écriture, et le sujet est d'écrire une
histoire qui fait parallèle à un événement historique ou littéraire
célèbre (comme la mort de Jules César). J'espère que les résultats
seront semblablement intéressants.
Incidemment, en développant une procédure pour voter sur le sujet
commun des nouvelles ci-dessus mentionnées, j'ai dû implémenter ce que
j'appelle le système électoral de « Condorcet-Nash ». C'est quelque
chose sur lequel il faut clairement que j'écrive, un jour. Mais je
n'ai pas le temps maintenant. En une phrase, cela consiste à prendre
la stratégie optimale (de von Neumann-Nash) dans le jeu à deux
joueurs, équilibré et de somme nulle, où chaque joueur choisit un des
candidats et reçoit un score égal au nombre d'électeurs qui préfèrent
son candidat à celui de son adversaire (ou moins le nombre d'électeurs
qui préfèrent le candidat de son adversaire). En un sens bien défini,
c'est le meilleur système électoral possible. J'en ai
développé une implémentation en utilisant le GNU Linear Programming Kit, parce que trouver une
stratégie optimale dans un jeu à somme nulle se fait par programmation
linéaire. C'est tout à fait fascinant.
Sur le côté informatique de ma vie, je n'ai pas beaucoup programmé
ces jours-ci. J'ai fait une réécriture importante de ma bibliothèque
d'écriture de MIDI, mais je ne me suis même pas fatigué à la
packager ! Ce truc est toujours complètement non-documenté, de toute
façon, donc essentiellement utilisable seulement par
moi. J'ai aussi « découvert » et documenté une
nuisance gratuite dans Unix, concernant le comportement de l'appel
système connect() quand il est interrompu.
Quoi d'autre ? J'ai eu un regain d'intérêt pour le Rubik's Cube (j'ai passé quelque
chose comme six heures une nuit à me rappeler comme le résoudre,
quelque chose que je savais il y a sept ou huit ans et que j'avais
complètement oublié depuis) ; mais ça ne durera sans doute pas.
Cependant, je compte m'acheter un Rubik's Cube 4×4×4 et tâcher de le
résoudre, maintenant que j'ai le 3×3×3 bien en main (il me faut une
éternité pour le résoudre, mais j'y arrive).
Je suis aussi allé voir un certain nombre de films ces derniers
mois. J'ai vu Les
Deux Tours le jour où il est sorti (dans le monde),
2002-12-18, et je n'ai pas été déçu, même si j'ai peut-être trouvé que
ça manquait d'unité. Long
Island Expressway, que j'ai vu le 2003-02-04, qui n'a rien
d'un blockbuster, est une histoire profondément émouvante, et je le
recommande. Catch Me If You Can de Spielberg, que je suis
allé voir le 2003-02-19, était bien (même s'il donne une image, euh,
retardée de la France). J'ai assez aimé Ma Vraie Vie à
Rouen, que j'ai vu le 2003-03-07, mais je l'ai trouvé un
peu longuet. Le 2003-03-10, j'ai été très enthousiaste de 8 Mile : je
n'ai pas d'amour particulier pour la musique hip-hop, mais j'ai
vraiment adoré ce film malgré cela. Ensuite, j'ai vu Les Lois de
l'attraction le 2003-03-19, et je l'ai trouvé drôle, mais
c'est à peu près tout. Le lendemain, je suis allé voir Stupeur et
Tremblement (peut-être pas encore sorti aux États-Unis), et
je l'ai adoré : c'est à la fois hilarant, beau, et, quelque part,
terrifiant. Snowboarder,
que je suis allé voir le 2003-04-09, est assez dénué d'intérêt, même
si certaines des figures de snow étaient spectaculaires. Ensuite,
j'ai vu The Hours le 2003-04-20, et j'ai vraiment
beaucoup aimé : c'est élégamment construit, bien filmé, et assez
émouvant ; de plus, l'Oscar de Nicole Kidman pour son interprétation
de Virginia Woolf n'était pas volé. La Vie de David
Gale, que j'ai vu le 2003-04-23, était un peu décevant :
j'avais deviné les tenants et les aboutissants de l'intrigue même pas
à la moitié du film, donc la fin était un peu spoilée. Enfin, j'ai vu
X-Men 2
avant-hier, et je l'ai trouvé assez divertissant. Et je compte voir
Matrix
Reloaded le jour de sa sortie (à savoir 2003-05-16 en
Europe : au contraire du Seigneur des Anneaux qui a joué
le décalage horaire en sortant quelques heures plus tôt en Europe,
Matrix a décidé de le sortir quelques heures plus tard
par rapport à l'Amérique du Nord).
J'ai aussi lu. En particulier, j'ai découvert que j'aimais
vraiment beaucoup Borges, et je crois que maintenant j'ai lu à peu
près tout ce qu'il a écrit (et c'est décevant à quel point il y en a
peu, devrais-je ajouter), en traduction française. J'ai essayé de
lire David Copperfield, mais je n'ai pas accroché : de
même que Balzac m'agace incessamment, je trouve frustrante la façon
dont Dickens s'écarte constamment du sujet ; je compte réessayer avec
A Tale of Two Cities. En ce moment je lis
The Hours de Michael Cunningham.
Well, here I am, having, apparently, finally succumbed to the
“WebLog” fad.
Actually, this is an attempt to resuscitate my Web site, which has lain dormant for far too
long: I no longer had the energy to motivate myself to make changes in
it, and the more I waited, the more changes needed to be done, so the
more discouraging it became, until I essentially dropped it (or
“froze” it) altogether.
Now I will try to revive it piece by piece, migrating it to a
different style. This WebLog (or “'blog”, as they say)
should be the new nexus of it. The point being that this “Web
log” style of writing should be more appropriate to the way I
work: I get into sudden passions about this or that, and then I lose
interest in it just as suddenly, so making a log entry is more
appropriate than starting a whole Web page that will never be finished
(of course, nothing I do is ever finished); and if my
interest lasts long enough, I can try to copy the entry into a new
page and develop it from there. Or something. Well, I'm not sure I'm
making myself clear, but that's the idea. Naturally, I will never
completely rewrite my old Web site in the new style (I don't even
intend to try), so it will look yet more heterogeneous, but who cares?
On the other hand, I will make a definite effort to avoid breaking
existing links.
So what's different? Well, for one thing I'm now using XSLT
to process what I write: this makes it easier to write Web pages which
follow well-defined templates (and that is precisely my intention). I
have also tried to make a better use of CSS in the hope of producing
something a little less ugly than usual—I know not with what
success. The font used here, by the way, is Zapf Optima (at least if
available on your system), which is in my opinion simply the best type
font in existence. I also hope XSLT will help me make
this site more easily transportable, in preparation with the time when
I'll have to relinquish my beloved
http://www.eleves.ens.fr:8080/home/madore/ address (I
already had to fight to keep the :8080 when every other
page on the server lost it). Of course, XSLT has its
price, too, because it's such a strange and perverse language, but I
hope the benefits outweigh the cost.
Another thing is that I now entirely cease to care about non-standards-compliant Web
browsers. It is simply too much of a pain to write the mass of
bugware necessary to get the site working on antique and outdated
browsers such as Netscape's
Navigator / Communicator version 4.x, or Microsoft's Internet Explorer
version 4 or 5, especially as I am moving to an XML-based
architecture. I strongly recommend anyone using such browsers to
switch to Mozilla, Konqueror, Apple's Safari browser, Netscape
version 7.x, IE version 6.x, or
a similar modern Web browser. For those who browse in text mode, Links
should be a safe choice, although you evidently won't get all the
bells and whistles of truly graphical browsers (though even Links now
has a graphical interface, it is a mere extension of its text-based
interface).
But enough of technicalities! Another major question I had to
solve was, which language should I use: either English or French
(there is no other language that I know even remotely well enough to
write such a log in it). I am daily reminded that my English is
nowhere as good as I wish it were: although some people have tried to
persuade me of the contrary, I know better (and let me just insert a
little wink at Pierre at this point: hi, Pierre!). On the other hand,
English has, shall we say, a rather larger audience than French. And
when I think about it, there are certain things which I'm more
comfortable saying in English, and others in French: so I'll just do
the obvious things, write some entries in English and others in
French. I'll rarely translate from one to the other, however, because
it takes so much work and I'm terribly bad at it either way;
this entry is an exception because it's the first one and in
a way the introduction.
Anyway, for better or for worse, this 'blog is started
(maybe it will simply peter out after three entries, that wouldn't
really surprise me, knowing myself for the lazy sloth I am). May
first seemed like an appropriate time to do it; in French we have this
proverb, en mai, fais ce qu'il te
plaît (in May, do as you please), and it did please
me. Did you notice that one third of the decade (I mean the 2000's,
the years from 2000 through 2009) is by us already? And a third of
2003 also. Somehow, I think this is depressing. I'll say more about
this some other day.
[French translation of the above.]
Eh bien voilà, j'ai enfin, semble-t-il, succombé à la mode des
« WebLogs ».
En fait, ceci est une tentative pour ressusciter mon site Web, qui est resté au point mort bien
trop longtemps : je n'avais plus la motivation nécessaire pour y faire
des changements, et plus j'attendais, plus de changements devenaient
nécessaires, donc plus cela devenait décourageant, jusqu'à ce que je
laisse complètement tomber (ou « geler »).
Maintenant je vais tenter de le faire revivre morceau par morceau,
le migrant vers un style différent. Ce WebLog (ou « 'blog », comme
ils disent) devrait en être le nouveau cœur. Le principe, c'est
que ce style d'écriture « WebLog » devrait être plus approprié à ma
façon de travailler : je me passionne soudainement pour ceci ou cela,
et j'y perds intérêt tout aussi rapidement, donc il vaut mieux faire
une entrée dans un log que de commencer une page Web entière qui ne
sera jamais finie (bien sûr, rien de ce que je fais n'est
jamais fini) ; et si mon intérêt se maintient assez longtemps, je peux
essayer de copier l'entrée dans une nouvelle page et la développer à
partir de là. Ou quelque chose comme ça. Enfin, je ne sais pas si je
m'exprime clairement, mais c'est l'idée. Naturellement, je ne
réécrirai jamais complètement mon vieux site Web dans le nouveau style
(je n'ai même pas l'intention d'essayer), donc il aura l'air encore
plus hétérogène, mais qu'importe ? En revanche, je ferai un effort
certain pour éviter de casser les liens existants.
Alors qu'est-ce qui est différent ? Eh bien pour commencer,
j'utilise maintenant XSLT
pour traiter ce que j'écris : ceci rend plus commode l'écriture de
pages Web qui suivent des modèles bien définis (et c'est précisément
mon intention). J'ai aussi tenté de faire un meilleur usage des CSS dans l'espoir de produire
quelque chose d'un peu moins hideux que d'habitude — je ne sais
pas avec quel succès. La police utilisée ici, à propos, est Zapf
Optima (au moins si
elle est disponible sur votre système), qui à mon
avis est tout simplement la meilleure police de caractère qui existe.
J'espère aussi que XSLT m'aidera à rendre ce site plus
facilement transportable, en prévision du moment où je devrai
abandonner mon adresse
http://www.eleves.ens.fr:8080/home/madore/ bien-aimée
(j'ai déjà dû lutter pour conserver le :8080 quand toutes
les autres pages du serveur l'ont perdu). Bien sûr, XSLT
a son prix, aussi, car c'est un langage étrange et pervers, mais
j'espère que les bénéfices dépassent les coûts.
Une autre chose est que j'ai maintenant entièrement cessé de me
préoccuper des navigateurs non conformes aux standards. C'est tout
simplement trop pénible d'écrire la masse de bugware pour faire
fonctionner le site sur des navigateurs aussi antiques et obsolètes
que la version 4.x de Netscape
Navigator / Communicator, ou Internet Explorer de
Microsoft version 4 ou 5,
surtout que j'emploie maintenant une architecture basée sur XML. Je recommande
vivement à quiconque utilise ces navigateurs de passer à Mozilla, Konqueror, le browser Safari d'Apple, Netscape
version 7.x, IE version 6.x, ou
un semblable navigateur Web moderne. Pour ceux qui surfent en mode
texte, Links
devrait être un choix raisonnable, même si évidemment vous n'aurez pas
tous les bonus d'un navigateur vraiment graphique (même si Links a
maintenant une interface graphique, c'est une simple extension de son
interface texte).
Mais assez de technicité ! Une autre question essentielle que j'ai
dû résoudre est, quel langage devrais-je utiliser : soit l'anglais
soit le français (il n'y a pas d'autre langage que je connaisse ne
serait-ce qu'à peu près assez bien pour pouvoir écrire un log de ce
genre dedans). Je me rappelle quotidiennement que mon anglais est
loin d'être aussi bon que je le souhaiterais : même si certains
essaient de me persuader du contraire, je ne suis pas dupe (et à ce
stade-là je voudrais faire un petit clin d'œil à Pierre : salut,
Pierre !). D'un autre côté, l'anglais a, disons, un meilleur taux
d'audience que le français. Et quand j'y pense, il y a certaines
choses que je dis plus confortablement en anglais, d'autres en
français : je ferai donc ce qui s'impose, écrire certaines entrées an
anglais et d'autres en français. Je traduirai rarement d'une langue à
l'autre, cependant, parce que c'est beaucoup de boulot et j'y suis
très mauvais ; cette entrée est une exception parce que c'est
la première, et en quelque sorte l'introduction.
En tout cas, pour le meilleur ou pour le pire, ce 'blog est
commencé (peut-être va-t-il se terminer en queue de poisson après
trois entrées, ça ne me surprendrait pas énormément, me connaissant
comme le flemmard que je suis). Le premier mai semblait un moment
approprié pour le faire ; il y a ce proverbe en mai, fais ce qu'il
te plaît, et ça me plaisait. Avez-vous remarqué que le tiers de
la décennie (je veux dire, les années 2000, les années de 2000 à 2009)
est déjà passé ? Et le tiers de 2003, aussi. Quelque part, je trouve
ça déprimant. J'en dirai plus un autre jour.