David Madore's WebLog: Quelques conseils pour les étudiants en maths

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(samedi)

Quelques conseils pour les étudiants en maths

À l'approche de la rentrée, je me dis qu'il peut être utile que je publie quelques conseils pour les étudiants en maths. Ceux-ci sont inspirés à la fois de ce que j'ai écrit dans ce fil Twitter et de ce que j'ai expliqué de vive voix à un élève de prépa qui me demandait de tels conseils : ayant ainsi un peu réfléchi à ce que j'avais à dire, autant le mettre sur ce blog.

Il s'agit là de conseils généraux (et sans doute d'une bonne dose de proverbial enfonçage de portes ouvertes à ma fidèle hache bénie +2 trempée dans la potion de banalités), s'adressant plutôt à des étudiants entre approximativement ce qui correspond, dans le système éducatif français, aux niveaux bac à bac+5 (disons) : grosso modo, avant ça, on ne fait pas tellement de maths au sens « raisonnement déductif » (ayant la démonstration comme méthode essentielle) ; et après, si vous en êtes arrivé là, vous avez assez de familiarité avec les mathématiques pour ne pas avoir besoin de mes conseils. Certaines des choses que je vais dire s'appliquent à d'autres disciplines adjacentes, comme la physique ou l'informatique (pour ce qui est de l'informatique théorique, mon avis est qu'il s'agit de toute façon d'une branche des mathématiques, même si elle ne s'assume pas toujours comme telle) ; quelques uns s'appliquent sans doute à n'importe quelle discipline, mais je me focalise quand même sur les maths.

On doit pouvoir tirer de ces conseils aux étudiants quelques conseils pour les enseignants (en appliquant la dualité étudiant-enseignant et le foncteur de réduction des platitudes), mais comme je n'aime pas donner des leçons à ce sujet, je vais laisser ça en exercice au lecteur.

✱ Conseil nº1 : aimer ce que l'on fait. C'est peut-être un peu idiot de dire ça, mais je suis persuadé qu'on ne peut correctement faire des maths que si on les trouve un minimum belles et intéressantes. Si on les conçoit comme une corvée, elles le resteront. Si on les conçoit comme (la métaphore que j'aime bien utiliser) l'exploration d'un palais magnifique et incompréhensiblement gigantesque, à la structure à la fois labyrinthique et élégante, on peut arriver à comprendre que ce soit à la fois excitant et séduisant, et en tirer la motivation nécessaire à leur étude.

Je ne peux évidemment pas donner de recette magique pour comprendre que les maths sont belles. C'est quelque chose que j'essaie de communiquer, mais il est évident que je ne vais pas transformer tout le monde en matheux. Mais, même si on a un a priori négatif (et certaines formes d'enseignement des mathématiques laissent hélas place à bien peu d'autre que la corvée rébarbative), il est au moins essentiel de garder l'esprit ouvert à cette possibilité, que les maths puissent être fascinantes. Je pense qu'il est au moins utile, même si on est réfractaire, de chercher les sous-domaines sur lesquels on accroche un peu plus, et de peut-être chercher à se renseigner sur l'allure générale du paysage mathématique, méditer sur la question de pourquoi certaines personnes y trouvent goût (est-ce qu'on a reçu une image déformée par un enseignement rébarbatif ou est-ce qu'on est véritablement hostile aux mathématiques ? dans ce dernier cas, il vaut certainement mieux arrêter de les étudier le plus rapidement possible et ne pas céder aux sirènes qui promettent une meilleure carrière ou quelque chose de ce genre). L'histoire des sciences peut aussi être une passerelle vers un intérêt pour les mathématiques elles-mêmes.

✱ Conseil nº1b : faire preuve de curiosité intellectuelle, et questionner ce que l'on fait. Apprendre le cours pour le cours est la meilleure garantie d'en rester là. Pour comprendre un cours de maths, il faut plutôt le questionner[#], le décortiquer, essayer de prendre du recul. Pour ça, le mieux est de garder à l'esprit toutes sortes de questions (pourquoi fait-on ça ?, où veut-on en venir ?, comment fonctionne cet objet ?) ; je vais donner des exemples plus précis de telles questions (à se poser à soi-même ou à poser à l'enseignant) dans les conseils suivants, mais le message plus général est que tout questionnement est bienvenu (voir aussi les conseils nº6 et 6b ci-dessous).

[#] Dans un cours de langue, si un étudiant demande pourquoi 95 en français de France se dit-il quatre-vingt-quinze ?, on ne peut pas vraiment lui donner de réponse sauf des choses comme c'est comme ça ou c'est un accident historique, peut-être accompagnées d'une histoire du phénomène (mais c'est déjà empiéter des langues sur la linguistique, et ça n'aidera pas tellement à l'apprentissage du français). L'enseignant en maths, lui, doit être prêt à se justifier de plus près que ça.

✱ Conseil nº2 : travailler sans se noyer dans le travail. Les effets suivent une loi des rendements décroissants avec le travail fourni ; pire encore, le rendement marginal peut être négatif si on travaille à tel point qu'on se dégoûte de ce qu'on fait et que cela se transforme en corvée. Certaines filières peuvent encourager les étudiants à trop travailler (au hasard, les prépas en France, parce qu'il y a des concours à la fin), et c'est évidemment à ces étudiants-là que je m'adresse avant tout si je dis de ne pas se rendre malade en travaillant ; d'autres filières, au contraire, n'y encouragent pas assez (au hasard, ce qui vient après les concours en question, par contrecoup et à cause de l'effet maintenant que j'ai été admis, c'est bon, mon avenir est assuré) : mais dans les deux cas, ce sont des mirages. Il s'agit de trouver un point de bon rendement du travail.

La quantité d'effort à fournir est quelque chose de profondément personnel. Il ne faut pas chercher à l'évaluer en nombre d'heures passées, mais (1) à l'impression de familiarité avec le sujet qui doit s'en dégager, et (2) à la sensation de lassitude si on pousse trop. On peut néanmoins estimer que si on en perd le sommeil ou toute vie personnelle en-dehors des études (vie sentimentale, famille, amis, loisirs), c'est qu'on travaille trop (a contrario, si on passe sa vie à enchaîner les soirées étudiantes, on ne travaille sûrement pas trop).

✱ Conseil nº2b : préférer approfondir les exercices que les multiplier. Traiter 696729600 exercices dans l'espoir de les avoir tous faits est une approche idiote. (Elle est même dangereuse, parce que si on est interrogé sur un exercice qu'on a déjà vu, fatalement, on essaie de se rappeler ce qu'on a déjà vu plutôt que d'y réfléchir avec un esprit frais, et si on n'a pas parfaitement retenu ce qu'on avait vu, on risque de faire encore pire que si on n'avait jamais vu l'exercice. En plus de cela, l'examinateur détectera souvent ce qui se passe et pourra décider de ne pas compter cet exercice.) L'idée de bien travailler est de se familiariser avec les sortes d'exercices qui peuvent tomber, et pour ça, il vaut mieux tirer tous les enseignements qu'on peut d'un nombre plus restreint d'exercices choisis pour leur diversité.

✱ Conseil nº3 : chercher d'abord à comprendre la logique générale du cours. Il peut y avoir des choses à apprendre par cœur ou presque par cœur dans un cours de maths, je ne le nie pas, mais la première chose à aborder, c'est le plan général, le message d'ensemble, la structure, le leitfaden. Ce n'est qu'une fois qu'on a une idée d'ensemble qu'on peut envisager d'apprendre telle ou telle chose plus précisément, peut-être même par cœur.

✱ Conseil nº3b : chercher le sens des définitions et le message général des théorèmes. Pour un « platoniste » comme moi, le monde mathématique existe indépendamment des hommes ; mais les définitions qu'on met dessus pour le structurer, et les théorèmes qu'on recherche pour le comprendre, eux, sont des créations humaines. On peut donc s'interroger, devant une définition : pourquoi définir ce concept ? en quoi est-il naturel ou intéressant ? qu'est-ce que son étude va apporter ? pourquoi le définir précisément de cette manière ? Et devant un théorème : pourquoi cette propriété est-elle pertinente ? en quoi me renseigne-t-elle sur l'objet dont elle parle ? dans quel cas le résultat va-t-il servir ou apporter quelque chose ?

Un angle de questionnement qui peut être fécond consiste à se demander (ou à demander à l'enseignement !) comment, historiquement, telle ou telle notion a été dégagée, et quelle est l'histoire de tel ou tel théorème. Ne pas hésiter à l'employer !

✱ Conseil nº4 : comprendre les objets qu'on manipule, et se familiariser avec eux. Je pense que le cœur de toute théorie mathématique ce ne sont pas les théorèmes, ce sont les définitions. Poser une définition, c'est se donner pour but d'étudier tel objet mathématique et ses propriétés ; comprendre la théorie, c'est avant tout se former une représentation mentale des objets en question. Si la représentation mentale est assez bonne, les théorèmes ne doivent pas paraître surprenants ; s'ils le sont, il faut essayer de les réconcilier avec cette représentation mentale.

La première étape pour comprendre, donc, je pense, c'est de bien examiner les définitions, de voir comment elle s'articule et ce qu'on peut en tirer immédiatement. Si on s'est interrogé sur les raisons des définitions (conseil nº3b), cela peut aider, sinon, c'est le moment de le faire. Ensuite, il faut sans doute chercher deux choses liées : se constituer une intuition des objets (conseil nº4b), et appuyer cette intuition sur un stock d'exemples et de contre-exemples (conseil nº4c).

✱ Conseil nº4b : forger son intuition. Les mathématiciens sont malheureusement assez timides quand il s'agit de communiquer l'intuition. On se sent plus à l'aise à donner une définition bourbachique (un foobar localement cromulent est un foobar au sens de la définition 8.24 qui vérifie de plus les propriétés (a), (b) et (c) suivantes) qu'une explication intuitive (alors il faut imaginer un foobar localement cromulent comme un foobar qui a l'air cromulent quand on le regarde de près à n'importe quel endroit, mais en fait, cette apparence de cromulence n'est pas forcément cohérente sur l'ensemble du foobar). Il y a une raison légitime à ça : l'intuition est quelque chose d'assez personnel, et une image qui aidera un étudiant pourra en déstabiliser un autre ; et on a rarement le temps de donner cinq ou six intuitions différentes du même concept pour dire essayez de garder en tête celle qui vous semble la plus parlante. Donc le travail de se forger une intuition est largement laissée au lecteur, c'est-à-dire, dans le cas d'un enseignement, à l'étudiant.

Je pense que c'est un travail vraiment fondamental. On ne peut pas se contenter d'avoir compris logiquement la définition, il est impératif d'avoir une certaine « vision » de l'objet mathématique qui est derrière.

À titre d'exemple, la notion de groupe a une définition formelle (avec une loi de composition interne associative gnagnagna) que je ne vais pas recopier ici, mais il y a aussi une intuition qui va avec. Cela pourrait être quelque chose comme :

Un groupe, c'est une forme de symétrie qu'un objet (notamment un objet mathématique) peut avoir.

[Ajout : sur spécifiquement la vulgarisation du concept de groupe et la question de la classification, voir ce fil Twitter.]

Je ne dis pas que c'est parfait ni idéal ni que ça conviendra à tout le monde, mais je dis que pour comprendre une notion comme celle de groupe il est essentiel d'avoir quelque chose comme ça à l'esprit, c'est-à-dire à la fois la définition formelle, la version intuitive (du genre ci-dessus), et aussi la manière dont l'une et l'autre se correspondent. On doit pouvoir jongler avec les deux. Autre exemple : la notion de déterminant en algèbre linéaire doit être reliée à la notion intuitive de volume.

Tous les objets mathématiques n'admettent pas forcément une description intuitive très claire, mais à part peut-être pour un concept technique utilisé ponctuellement dans le cadre d'une démonstration, il faut au moins quelque chose, un dessin, une vague idée.

On peut demander à un autre (par exemple à un prof) de suggérer une intuition, et c'est généralement une bonne idée de le faire, mais le travail de se l'approprier est forcément personnel. En revanche, pour ça, on peut s'appuyer sur :

✱ Conseil nº4c : se constituer un stock d'exemples et de contre-exemples. Les exemples servent à asseoir l'intuition et à lui donner corps, les contre-exemples servent à la cadrer et à éviter les erreurs. Les deux sont indispensables. Ils doivent être nombreux, aussi variés et représentatifs que possible, et assez simples pour permettre de démarrer l'intuition. À chaque fois qu'on s'interroge sur la véracité d'une idée (par exemple comme étape intermédiaire d'un raisonnement), on doit pouvoir ressortir quelques exemples et contre-exemples de son bagage pour la tester avant d'aller plus loin. (Les exemples « dégénérés » peuvent aussi avoir leur propre intérêt pour aiguiller l'intuition sur le terrain glissant des raisonnements sur l'ensemble vide ou autres objets « difficiles car triviaux ».)

À chaque fois que deux définitions mathématiques se ressemblent ou se rapprochent, on doit se demander si on sait donner un exemple d'un objet vérifiant l'une et pas l'autre, et l'autre mais pas l'une (ou alors démontrer qu'il y a implication). De même, dans l'énoncé d'un théorème, comme généralement toutes les hypothèses sont essentielles, on doit pouvoir fournir un contre-exemple au théorème en retirant n'importe laquelle d'entre elles. Il est vraiment utile de vérifier que c'est le cas. L'enseignant doit pouvoir fournir tous les contre-exemples idoines.

✱ Conseil nº4d : expérimenter et chercher l'algorithmique. On a parfois l'idée que les mathématiques expérimentales seraient un oxymore. C'est faux (il y a même au moins un journal entièrement consacré aux mathématiques expérimentales). Beaucoup d'objets mathématiques peuvent être représentés par un ordinateur, et manipulés par lui : utiliser cette possibilité est une façon de se familiariser avec les objets en question, de « jouer avec » pour mieux les comprendre.

Parallèlement, il est souvent pertinent et intellectuellement utile, dans toutes sortes de branches des mathématiques, de se demander ce qui est algorithmiquement faisable : est-ce que je sais représenter tel objet (qui vient de m'être défini) informatiquement ? est-ce que je sais algorithmiquement tester telle propriété ? est-ce que telle construction dont un théorème m'affirme l'existence est explicitée par la démonstration et en principe implémentable ? Se poser régulièrement ces questions aide à comprendre en profondeur les objets auxquels on a affaire.

Pour donner un exemple très simple de ce que je veux dire, quiconque a appris les bases du calcul des dérivées et des intégrales (comme on les apprend, en France, au niveau du bac) devrait comprendre que calculer la dérivée d'une expression symbolique (techniquement, disons, d'une fonction élémentaire) est mécanique/algorithmique, alors que le calcul des intégrales est plus problématique (en fait, il y a un algorithme, mais on ne l'enseigne jamais, et de toute façon, il n'y a pas forcément de réponse en forme élémentaire).

✱ Conseil nº5 : rechercher les idées-clés des démonstrations. Pour comprendre une démonstration, je pense que la meilleure approche est de commencer par ne pas la lire, et ne surtout pas de l'apprendre par cœur. Il vaut mieux partir de l'énoncé, et se demander est-ce que je sais démontrer ça ?. Beaucoup de démonstrations doivent se dérouler toutes seules, c'est-à-dire qu'on les produit sans réfléchir : il n'y a presque pas de choix de quoi faire à chaque moment, les étapes s'enchaînent presque inévitablement[#2] ; on doit savoir produire de telles démonstrations les yeux fermés, sans réfléchir.

[#2] Je pense à des choses comme : l'image réciproque par une fonction de l'intersection ou la réunion de deux ensembles est l'intersection ou la réunion des images réciproques ; démonstration : soient U et V deux ensembles et f une fonction ; dire que x est dans l'image réciproque de UV respectivement UV signifie que f(x) est dans UV respectivement UV, c'est-à-dire à la fois dans U et dans V, respectivement dans l'un des deux, et cela signifie que x est dans les deux images réciproques de U et V, respectivement dans l'une des deux, c'est-à-dire qu'il est dans leur intersection, respectivement leur réunion. Un terme fréquemment utilisé pour ce genre de démonstration est c'est purement formel (ce qui n'est pas tout à fait pareil que c'est évident ou c'est trivial, mais qu'il n'y a pas à réfléchir pour produire la démonstration).

Les autres démonstrations auront normalement un certain nombre d'idées-clés. L'idéal serait de retenir juste ce qu'il faut d'idées-clés pour arriver à retrouver la démonstration par soi-même. Retenir le nombre minimal de points-étapes du raisonnement pour arriver à reconstituer l'ensemble.

Il faut reconnaître que ce n'est pas toujours facile. Il y a beaucoup de théorèmes dont j'ai compris la démonstration ligne à ligne, mais à la fin je ne peux que dire il s'est passé quelque chose de magique, et je ne sais pas bien où : j'ai compris localement, mais pas globalement — je ne suis pas capable de dégager une idée essentielle — je n'ai pas d'intuition sur pourquoi on a fait ces manipulations dans cet ordre ou pourquoi elles ont marché. Mais quand on a un enseignant, on ne doit pas hésiter à l'interpeller et lui demander d'expliquer les grandes lignes de ce qui s'est passé.

✱ Conseil nº5b : chercher à bannir les « astuces ». Quand j'étais en prépa, un des éléments de culture taupinale (sans doute à prendre comme de l'humour glacé et sophistiqué du 5824e degré) consistait, à chaque fois qu'était présentée une démonstration ou une solution d'exercice faisant intervenir une « astuce », à chuchoter stûûûce sur un ton admiratif (ou faussement admiratif, ce n'est pas clair). Franchement, bof. Une astuce qui ne peut servir que pour un exercice n'a d'intérêt que si on est interrogé sur cet exercice précis !

Je préfère la vision attribuée à Grothendieck d'un problème mathématique comme une noix à casser : on peut attaquer la noix avec force, mais on peut aussi la laisser mariner jusqu'à ce que la coquille se détache toute seule.

Si quelque chose ressemble à une « astuce », c'est probablement qu'on a mal compris les objets en question. L'idéal serait de réviser son intuition jusqu'à ce que l'astuce n'en soit plus une, jusqu'à ce qu'elle paraisse naturelle ; et pour cela, il faut l'analyser de plus près : dans quel cas cette astuce va-t-elle servir ? où est-elle transposable ? que nous apprend-elle ? pourquoi fonctionne-t-elle ?

Il n'est sans doute pas possible d'éliminer totalement toute forme d'astuce dans les démonstrations mathématiques, mais on peut au moins essayer de ne pas leur rendre un culte. (Raison pour laquelle je n'aime pas du tout les exercices du style olympiades internationales de mathématiques, ni même leur variante française qu'est le concours général, et qui ressemblent beaucoup à un culte de l'astuce.)

✱ Conseil nº5c : vérifier où toutes les hypothèses ont été utilisées dans une démonstration. Si une hypothèse n'a pas servi, le théorème doit être valable sans. C'est suspect : pourquoi est-il énoncé avec cette hypothèse, si la démonstration n'en a pas besoin ? (Cela peut avoir un sens si l'hypothèse est incluse dans une définition-paquet, comme groupe : de toute évidence, beaucoup de faits sur les groupes sont valables dans des structures plus faibles, mais on peut quand même avoir envie de les énoncer juste pour les groupes, afin de ne pas obscurcir le propos en introduisant un nom pour ces structures plus faibles.) Si on a un contre-exemple au théorème sans l'hypothèse, évidemment, il faut que celle-ci ait servi quelque part[#3]. C'est un bon exercice pour s'assurer qu'on a au moins minimalement compris une démonstration que de vérifier qu'on sait pointer du doigt où chaque hypothèse est entrée dans la machine déductive.

[#3] Tiens, une petite anecdote à ce sujet. Quand j'étais en sup, un jour, notre prof a énoncé et démontré un premier théorème, puis a fait la remarque on pourrait se demander si <telle généralisation du théorème> est valable : ce n'est pas le cas comme le montre le contre-exemple suivant <blablabla>. Puis il a ajouté : en revanche, on a <telle autre généralisation du premier théorème>. Mon voisin lui a alors signalé qu'il y avait un problème, parce que le contre-exemple qu'il venait de donner réfutait aussi cette autre généralisation. Le prof, qui devait être vraiment fatigué ce jour-là, a regardé le tableau d'un air perplexe, a dit ah oui, c'est vrai, et il a… modifié le contre-exemple.

✱ Conseil nº5d : prendre occasionnellement le temps de contempler ou retrouver le chemin déductif parcouru. Ceci s'applique notamment aux théories où, à partir d'un petit nombre de propriétés sur une classe d'objets, on arrive à en déduire de plus en plus. Cela peut avoir un intérêt de faire une pause sur le chemin déductif et de regarder ce qu'on a fait, et se demander s'il y avait des chemins plus courts.

Je donne un exemple apparenté : quelqu'un me demandait comment, et si possible de façon relativement minimale, en partant de la définition cos(x) := ∑k∈ℕ (−1)k·x2k/(2k)! (série manifestement convergente pour tout x réel), démontrer[#4] que la fonction cos ainsi définie est périodique sur ℝ, et comment faire le lien avec l'abscisse curviligne d'un cercle.

[#4] Pour ce que ça vaut, voici en longue digression la réponse que je lui ai faite (il demandait aussi d'éviter si possible d'utiliser les complexes, ce qui explique certaines remarques de ma réponse) : je ne sais pas si c'est intéressant sur le fond, mais c'est intéressant comme exemple du genre de démarche dont je veux parler :

[On définit cos(x) := ∑k∈ℕ (−1)k·x2k/(2k)! et sin(x) := ∑k∈ℕ (−1)k·x2k+1/(2k+1)!.]

Ne pas introduire les complexes est un peu con dans cette histoire, parce que c'est une façon efficace et peu coûteuse de dire certaines choses. En revanche, ce qui est légitime, c'est de réclamer qu'il n'y ait pas d'arnaque : un complexe est un couple (a,b) de nombres réels, noté a+i·b, ajouté terme à terme et multiplié avec la formule qu'on sait écrire (et qui revient à développer et faire i²=−1), et on ne peut pas introduire d'intuition géométrique à moins de l'avoir justifiée.

Maintenant, pour répondre à ta question, je pense qu'il faut d'abord montrer essentiellement que exp(i(x+y)) = exp(ix)·exp(iy) mais puisque tu veux éviter les complexes ça va correspondre à dire que la matrice 2×2 de coordonnées [[cos(x), −sin(x)], [sin(x), cos(x)]] multipliée par la même matrice avec y à la place du x, vaut la même matrice avec x+y (composition des rotations, donc, mais on fait comme si on ne savait pas ce que c'était qu'une rotation) ; si tu ne veux pas non plus de matrices 2×2, ça revient à montrer les formules usuelles pour cos(x+y) et sin(x+y). Ça ça peut se faire de façon complètement formelle sur le développement en série (le fait que exp(u+v) = exp(u)·exp(v) est essentiellement le développement du binôme, ensuite il faut appliquer ça aux complexes ou, si tu ne veux pas passer par les complexes, le cacher dans la série du cosinus et du sinus qui sont juste les termes pairs et impairs de la même chose).

Ensuite on remarque que cos²+sin²=1 (ça aussi ça doit être facile parce que c'est facile de montrer que exp(i·x) est un complexe de module 1 si x est réel, le module étant a²+b², et ensuite il y a manière de couper les complexes de la démonstration si tu y tiens). Notamment, cos et sin sont des fonctions à valeurs entre −1 et 1, ce qui n'était pas évident a priori.

On a sin′=cos et cos′=−sin (clair sur le développement en série). On peut s'en servir pour faire une étude réelle : comme cos(0)=1, sin est strictement croissante au voisinage de 0, notamment il existe h>0 tel que sin(h)>0 ; en appelant π/2 le premier point ≥0 d'annulation de cos, s'il existe (ou plus l'infini sinon), la fonction sin est croissante jusqu'à π/2, et notamment supérieure ou égale à sin(h) entre h et π/2, mais du coup ça montre que cos(x) ≤ cos(h) − sin(h)·(x−h) (théorème des accroissements finis) pour x entre h et π/2 (ou l'infini), et comme le membre de droite tend vers moins l'infini, la fonction cos finit bien par s'annuler et π/2 existe bien (n'est pas l'infini). Dès lors que cos(π/2)=0, il est clair que sin(π/2)=1. On en déduit d'après les formules sur la somme que cos(π)=−1 et sin(π)=0, puis que cos(2π)=1 et sin(2π)=0, et toujours la formule sur la somme montre alors qu'il y a (2π)-périodicité.

Finalement, je ne sais pas vraiment si j'ai eu besoin de cos²+sin²=1, mais ceci montre au moins qu'on a affaire à un paramétrage du cercle, et les considérations de croissance/décroissance montrent que, quadrant par quadrant, on le parcourt toujours dans le même sens.

Pour relier à l'abscisse curviligne, ça dépend comment tu définis celle-ci. Si tu acceptes la définition « le point M(t)=(x(t),y(t)) paramètre une courbe par son abscisse curviligne ssi la norme de la dérivée de M(t), soit x′(t)²+y′(t)², vaut toujours 1 », alors le cercle est bien paramétré, via (cos(t),sin(t)), par son abscisse curviligne : cela résulte de cos′=−sin, sin′=cos, et cos²+sin²=1 (encore une fois).

✱ Conseil nº6 : ne pas hésiter à poser des questions à l'enseignant. Ça évidemment c'est le genre de conseils que tout le monde donne et que personne ne suit (sauf pour demander qu'est-ce que vous avez écrit en exposant du x ? ou Monsieur, ce sera au partiel, ça ? — justement les questions que je déteste). Je suis bien conscient qu'il y a une barrière psychologique très difficile à franchir pour poser une question. Même dans un séminaire où les mathématiciens sont entre collègues — entre pairs, donc, et en principe pas là pour se juger les uns les autres — beaucoup d'entre eux n'osent pas poser des questions de peur de passer pour des idiots. (Du danger du fameux adage il vaut mieux fermer sa gueule et passer pour un con que l'ouvrir et de le prouver !) Il est quasi impossible de prendre assez de recul en temps réel devant une démonstration qu'on n'a pas comprise pour être sûr qu'on n'a pas simplement raté un point évident. Il est donc encore plus difficile de surmonter la barrière quand on a affaire à un enseignant qui est aussi, à un certain niveau, un juge.

Mais voici une astuce (ah non, pas une astuce, zut… un petit truc) pour surmonter cette barrière :

✱ Conseil nº6b : il y a des questions qui marchent à coup sûr : ne pas hésiter à les poser. (Des questions qui marchent, c'est-à-dire qui feront plaisir à l'enseignant et ne vous feront pas passer pour un con.) Ces questions sont essentiellement celles que j'ai suggérées dans les conseils précédents, du type :

  • Pouvez-vous donner un exemple illustrant cette définition ? (ou un autre exemple ou un exemple significativement différent)
  • Pouvez-vous donner un exemple illustrant la différence entre le concept A et le concept B ? (genre : un exemple d'un foobar globalement bleuté et localement cromulent qui ne soit pas globalement cromulent)
  • Pouvez-vous essayer d'expliquer intuitivement ce que ce concept représente ?
  • Dans quel genre de situation est-ce que ce théorème va servir ?
  • Est-ce que cette équivalence sert surtout de la gauche vers la droite ou de la droite vers la gauche ?
  • Pouvez-vous donner un contre-exemple montrant que cette hypothèse était nécessaire dans le théorème ?
  • Pouvez-vous résumer les grandes lignes de la démonstration que vous venez de faire ?
  • Comment pouvait-on penser à l'idée de la solution de cet exercice ?
  • J'ai lu [par exemple sur Wikipédia] la définition suivante : pouvez-vous me confirmer qu'elle est équivalente à la vôtre ?[#5]

Ce sont là en gros les questions qu'un prof de maths rêve que ses élèves lui posent (surtout ceux qui ont tout le temps droit à Monsieur, ce sera au partiel, ça ?).

[#5] Une plaie des mathématiques est que le même nom peut recouvrir des concepts subtilement différents selon les auteurs. L'enseignement scolaire protège largement ses élèves de cette plaie en standardisant les définitions, mais ce n'est pas forcément une si bonne idée : après tout, c'est important de comprendre qu'en mathématiques, comme dans le reste des champs du savoir, les gens ne sont pas forcément complètement d'accord sur le sens des mots.

✱ Conseil nº7 : choisir intelligemment ce qu'on va apprendre par cœur et ce qu'on préfère retrouver. Je pense notamment aux formules, pour lesquelles il faut faire un choix entre ce qu'on apprendra par cœur (au risque d'oublier, de se tromper, etc.) et ce qu'on apprendra à retrouver (au risque d'y passer du temps). C'est un choix personnel, et il n'y a pas de bonne réponse, mais il faut y réfléchir : trouver ce qu'on retient le plus facilement et le plus fiablement, et voir ce qu'on peut en dériver et en combien de temps. Parfois on peut trouver des compromis (ne pas retrouver tout complètement, mais se rappeler comment fonctionne la dérivation pour savoir, par exemple, comment apparaissent les signes).

✱ Conseil nº7b : utiliser des moyens mnémotechniques intelligents. Indépendamment de la discipline, je trouve qu'un moyen mnémotechnique est toujours plus efficace (restera plus longtemps dans le cerveau, notamment) s'il est basé sur quelque chose de réel ou d'historique et pas sur un simple jeu de mot (comme le sont beaucoup de moyens mnémotechniques).

Je donne un exemple en-dehors des maths : en chimie j'ai toujours eu beaucoup de mal à retenir ce qu'était un cation et ce qu'était un anion. Un moyen mnémotechnique que je trouve con c'est de dire par exemple les aNions sont chargés Négativement. Un moyen mnémotechnique basés sur des faits réels consiste à savoir que les cations sont ainsi appelés parce qu'ils sont attirés par la cathode lors d'une électrolyse, et pour retenir ce qui est la cathode, je retiens qu'une télé ancienne s'appelle un tube cathodique, et je sais bien que ça balance des électrons : c'est un peu plus long de retrouver que le cation est positif, mais au moins je n'aurai pas le doute de me demander si le moyen mnémotechnique n'est pas peut-être l'aNode est l'électrode Négative.

Comme j'ai tendance à douter de ma mémoire, en plus, j'ai tendance à me donner des moyens mnémotechniques redondants, qui forment une sorte de code correcteur d'erreurs.

✱ Conseil nº8 : en oral, ne pas hésiter à simplifier le problème s'il est trop dur. Un chercheur en maths qui aborde un problème ne sait pas si la solution sera à sa portée, ni même si elle existe. Souvent, il l'aborde en se demandant est-ce que je sais au moins résoudre tel cas particulier ? (ou quel est le cas particulier le plus simple que je sache résoudre ?, ou voyons si j'ajoute telle ou telle hypothèse simplificatrice), puis est-ce que je peux en déduire une intuition qui me servira dans le cas général ? (et pour commencer où est-ce que mon hypothèse simplificatrice m'a aidé ?). Dans un oral, et particulièrement dans un oral comme au concours d'entrée aux ENS, ce genre de démarche sera bien reçu, il ne faut pas hésiter à montrer qu'on peut faire preuve d'initiative devant un problème trop dur (parfois à dessein !).

Ajout () : Comme je me suis ici concentré surtout sur l'étude, la compréhension et l'apprentissage, ceci est le seul conseil que je donne sur la résolution de problèmes, qui en mériterait pourtant à elle toute seule une petite collection. Donner des conseils sur comment résoudre un problème est évidemment beaucoup plus hasardeux que donner des conseils sur comment apprendre un cours, il est certain qu'il faut beaucoup plus de place pour l'entraînement et qu'on ne peut pas donner d'approche clé-en-main, raison supplémentaire pour laquelle je me suis limité au court paragraphe ci-dessus. Mais on peut quand même essayer d'en dégager. Fort heureusement, comme on me le fait remarquer, cette collection de conseils pour la résolution de problèmes mathématiques a déjà été écrite par quelqu'un d'autre : il s'agit du célèbre livre How to Solve It du mathématicien George Pólya (apparemment traduit en français sous le titre Comment poser et résoudre un problème). Je dois avouer que je n'avais qu'entendu parler de ce livre, je ne l'avais jamais ouvert (je pensais juste que c'était une collection d'exercices, mais je confondais avec le non moins célèbre Aufgaben und Lehrsätze aus der Analysis de Pólya et Szegő), mais en consultant le résumé sur Wikipédia et en feuilletant l'ouvrage lui-même, je pense que son excellente réputation n'est pas usurpée (ses conseils sont, en outre, tout à fait dans l'esprit général de ce que j'essaie de dégager dans cette entrée). J'ajoute donc le méta-conseil : lire How to Solve It de Pólya (ou au moins en lire un résumé) et appliquer ses conseils.

✱ Conseil nº9 : chercher à se cultiver. Je ne dis pas ça seulement dans le sens chercher à aller au-delà du programme enseigné (ça ça peut être une bonne idée, mais seulement si c'est mû par une curiosité intellectuelle sincère et pas par volonté de mieux réussir sur le programme qu'on doit connaître). C'est aussi simplement que chaque concept mathématique peut s'enseigner d'une myriade de façons différentes, que chaque étudiant sera plus ou moins réceptif à telle ou telle manière de le présenter, et que par conséquent aucun enseignant, aussi talentueux soit-il, ne peut fournir tout le temps la meilleure approche pour tout le monde : si on ne comprend pas quelque chose, la meilleure approche est parfois d'aller chercher autour de cette chose — comment d'autres enseignants la définissent, l'approchent et l'expliquent, quelle est son histoire, pourquoi on l'a développée et à quoi elle sert, etc. Parfois, apprendre un concept plus général peut s'avérer plus facile, ou plus éclairant pour le concept qu'on cherchait à apprendre. (La même chose vaut d'ailleurs pour les problèmes, et c'est un adage célèbre des mathématiciens : si vous ne savez pas résoudre un problème, essayez de le généraliser.)

✱ Conseil nº9b : utiliser Wikipédia (en français et en anglais, et en toute autre langue qu'on est capable de lire). Wikipédia n'est pas parfait, loin de là, les articles sont d'un niveau extrêmement hétérogène et il faut toujours garder à l'esprit qu'il peut y avoir des erreurs (mais il peut aussi y avoir des erreurs dans n'importe quel livre[#6] ou n'importe quel cours !, ce n'est pas spécifique à Wikipédia). Mais c'est un point de référence incontournable si on veut se cultiver sur n'importe quel sujet ou se faire au moins une première idée de « ce qui existe » ou pour avoir un point de vue différent du cours qu'on utilise comme référence principale. À utiliser avec précaution, mais à utiliser systématiquement, donc.

[#6] Enfin, sauf si l'auteur s'appelle Jean-Pierre Serre, évidemment.

✱ Conseil nº9c (spécifique aux classes prépas françaises) : profiter des colleurs. Comme je l'explique ci-dessus, il est souvent intéressant d'avoir plus d'un point de vue sur un concept difficile à comprendre. Les élèves de classes prépa ont la chance d'avoir accès à un grand nombre d'interrogateurs d'oraux (« colleurs »), d'autant plus que ceux-ci sont parfois doctorants ou chercheurs en maths et peuvent donc offrir une perspective un peu différente de celle de l'enseignant principal de la classe.

✱ Conseil nº10 : ne pas se comparer aux autres. Même si on passe un concours. Cela n'aidera pas à donner le meilleur de soi-même. Les mathématiques, en tant que science, en tant qu'entreprise humaine de recherche du savoir, sont (ou devraient être, parce que l'attitude de certains fait parfois douter…) une collaboration et pas une compétition, et je pense qu'il n'y a que comme ça qu'on peut correctement les concevoir. Les nécessités de l'évaluation, particulièrement dans l'enseignement, imposent parfois une autre façon de faire, mais si on suit sérieusement mon conseil nº1, l'intérêt d'étudier les maths est d'apprendre les maths, pas de se mesurer aux autres, et il est important de ne pas perdre cet aspect-là de vue.

✱ Conseil nº10b : ne pas croire aux génies. Il y a certainement des gens qui réfléchissent plus vite que d'autres, par exemple, mais gardons à l'esprit que, par exemple, David Hilbert, l'un des n plus grands mathématiciens de tous les temps avec n qui se compte sur les doigts d'une main partiellement amputée, était un esprit très lent (sa biographe, Constance Reid[#7], raconte que souvent les séminaires à Göttingen finissaient en une sorte de séance d'explication où tout le monde racontait à Hilbert ce qu'il était le seul à ne pas avoir encore compris). J'ai eu le privilège de croiser, voire de discuter avec, un certain nombre de grands mathématiciens, et à chaque fois je suis arrivé à la conclusion que si ces gens réfléchissent souvent très vite et peuvent avoir une culture sidérante[#8], ils ne réfléchissent pas de façon fondamentalement différente de, disons, moins grands mathématiciens.

(Je dis ça parce que quand j'étais en prépa il circulait tout un tas de légendes urbaines sur toutes sortes de génies passés par là, du genre les plus hauts scores de tous les temps au concours d'entrée à l'École polytechnique sont (1) Henri Poincaré, (2) Jacques Hadamard, et (3) Laurent Lafforgue[#9]. On se demande à quoi ce genre de légendes servent à part intimider celui qui les entend ou faire oublier mon conseil nº10.)

Je pense que ce conseil va de pair avec le nº5b.

[#7] Remarquable biographe de mathématiciens, soit dit en passant, et sœur de la tout aussi remarquable mathématicienne Julia Robinson, laquelle a malheureusement refusé que Constance écrive plus qu'une petite notice biographique de sa sœur.

[#8] Même en matière de culture, d'ailleurs, il faut garder l'esprit que la culture générale a ceci de commun avec un filet qu'elle est un tissu de trous mais qu'on arrive quand même à s'en servir pour retenir des choses, et ceci marche aussi pour la culture mathématique. Je ne veux pas dénoncer qui que ce soit avec des anecdotes comme <tel grand mathématicien> ne connaissait pas <tel concept qui s'enseigne en licence>, mais personne ne sait tout, et c'est normal. (Mais pour ne pas dénoncer un vivant, j'avais lu quelque part que von Neumann, qui était vraiment le genre qu'on a tendance à qualifier de génie hors du commun, et certainement il réfléchissait à une vitesse phénoménale, avait été tout étonné d'apprendre qu'on pouvait fabriquer un tore en recollant les bords opposés d'un carré.)

[#9] Je n'ai aucune idée de si c'est vrai, mais ça m'étonnerait (a) que le concours d'entrée soit resté à ce point constant depuis l'admission de Poincaré qu'on puisse comparer les scores d'alors et de maintenant, et (b) même si c'est le cas, que qui que ce soit ait cette information, en fait (je ne sais pas si et au bout de combien de temps les notes sont rendues publiques, je suppose qu'on doit pouvoir obtenir celles de Poincaré et Hadamard, mais celles de Lafforgue, certainement pas, et le jury n'est sans doute pas du genre à retrouver les notes historiques par comparaison ou faire fuiter celles d'un candidat). Donc le minimum d'esprit critique, que de toute évidence je n'avais pas tellement à l'époque, aurait dû m'amener à répondre reference needed!.

✱ Conseil d'ensemble : privilégier la compréhension à l'apprentissage. Encore une fois, ce n'est pas pour nier que, même en maths, il y a des choses qu'il faut « apprendre bêtement » (au minimum, il faudra apprendre les axiomes et tout ce qui est définition, convention, terminologie ou notation ; en pratique, il faut aussi apprendre les théorèmes qu'on ne va pas raisonnablement pouvoir retrouver en un temps limité). Mais c'est surtout qu'il est facile de penser qu'on a compris alors qu'on n'a fait qu'apprendre mécaniquement.

(J'espère que la porte ouverte est convenablement défoncée, là.)

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