Il paraît que je parle trop de sexe dans ce blog (loi de McCain :
c'est ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins
),
alors pour changer je vais vous parler d'amour…
…Et d'amitié, puisque pour moi ça va ensemble. Mais pas pour tout le monde, manifestement, et même pas pour la plupart des gens, j'ai l'impression, et ça me laisse perplexe. Je ne dis pas que je suis un peu amoureux de tous mes amis (quoique ce n'est pas complètement faux si on se limite aux garçons de mon âge et assez mignons), même de mes meilleurs amis, ni que je ressens l'amour comme une forme d'amitié (et surtout pas comme une forme plus forte d'amitié). Il serait déjà plus juste de dire que, pour moi, l'amour est un sentiment qui naît de l'amitié + l'admiration + l'attirance physique.
On est censé faire quoi, quand on se rend compte qu'on devient amoureux de quelqu'un qui est déjà un ami (et en tout état de cause qui vous considère probablement comme tel) ? C'est une chose de faire des avances à quelqu'un qu'on vient de rencontrer, si on sait exactement où on veut en venir, mais je trouve ça autrement plus délicat vis-à-vis de quelqu'un qu'on connaît déjà bien et lorsque la relation est déjà placée sur un terrain différent ; et c'est encore pire si on craint que l'amitié en question en souffre (logiquement il n'y a pas de raison, mais la logique et les sentiments ont peu de rapports entre eux). C'est sans doute justement parce que c'est difficile que beaucoup de gens veulent séparer complètement amour et amitié.
À un étranger on peut faire des petits signes discrets indiquant que « je m'intéresse à toi », qu'il comprendra s'il est observateur. Mais pour un ami on est déjà censé avoir un intérêt réciproque. Parfois de la tendresse mutuellement exprimée, et ça n'en rend la situation que plus confuse (surtout que cette tendresse est parfois basée sur le contrat implicite qu'elle est « pure » de tout sentiment amoureux). Quant à la déclaration explicite, c'est une façon de mettre les gens au pied du mur, et ils peuvent réagir très mal à ça (parce qu'ils ne veulent pas que la relation, à laquelle ils sont attachés, change de nature ; d'où des « mais ça fait cinq ans qu'on est amis, pourquoi veux-tu maintenant que ça change ? »). (D'ailleurs, j'ai un ami — juste un ami, hein — qui prétend que les déclarations d'amour, ça ne marche que quand il n'y avait de toute façon rien qui ne puisse pas marcher.)
Alors quoi ? Faut-il refuser absolument l'amitié des gens dont on est susceptible de devenir amoureux, ou à tout le moins refuser toute déviation de la relation sur une voie où l'amitié gênerait l'amour éventuel ? Peut-être. Mais il faut déjà y voir clair dans ses propres sentiments (pas donné à tout le monde). Et j'ai pour ma part tendance à me considérer comme facilement lié d'amitié, j'ai du mal à refuser ; et de toute façon je ne peux pas vraiment concevoir autrement la naissance du sentiment amoureux. Savoir où une relation est partie dans la mauvaise direction (« mais moi je te draguais, je ne voulais pas juste être ton ami ! et tu n'as pas compris ? ») n'est pas aisé.
Je ne dis pas tout cela en pensant à un cas précis. C'est quelque chose qui m'arrive tout le temps, et à quoi j'ai fini par m'habituer complètement (ce qui ne veut pas dire que je ne le regrette pas !). Je suis entouré de gens dont j'aurais pu vouloir qu'ils soient autre chose que juste des amis, et parfois je me soupçonne d'être vraiment trop prompt à sympathiser avec quelqu'un pour m'épargner la difficulté de trouver autre chose derrière. Maintenant, le fait d'être homo et d'avoir un nombre important de garçons hétéros parmi mes amis m'a au moins appris à sublimer (je n'aime pas ce mot, mais je ne connais pas mieux) mes would-be sentiments amoureux, jugés désespérés, en quelque chose d'autre et qui ne cause pas de chagrin. L'ennui, c'est qu'à force de m'exercer à contenir ainsi mon amour, puisque j'en ai acquis la capacité, j'ai fini par le faire systématiquement : je commence à me demander si je me permettrais jamais plus d'être amoureux — il y a plusieurs personnes que je fréquente actuellement dont je pourrais être fou d'amour, mais je crois d'avance que c'est perdu, que ce n'est pas la peine, qu'il est plus sage, et plus prudent, d'en rester ami (ou quelque chose de ce genre).
À force, je vais oublier ce que c'est, l'amour. C'est terrible.