C'était le deux décembre (je m'en souviens précisément puisque tu as fait une remarque à ce sujet alors que nous marchions sur le pont d'Austerlitz). Il faisait beau et très froid pour la saison, un soleil d'hiver comme tu les appréciais. Tu portais ta chapka noire, celle que je t'avais offerte en revenant de Moscou ; et aussi un anorak rouge vif, dont tu gardais le col fermé pour te protéger du vent glacial. Je te revois frappant dans tes mains plus pour en entendre le son que pour te réchauffer. Tu aimais frapper dans tes mains. Je te revois courant et riant.
Il est de ces souvenirs dont la netteté même font presque douter de leur réalité : ai-je vraiment pu te voir ainsi ? ta forme rouge imprimée sur le ciel bleu, me montrant Notre-Dame comme si tu la découvrais. J'ai d'autres images de toi, bien sûr, mais c'est celle-là que je préfère, car elle a la fraîcheur et la simplicité d'un haïku. Quatre semaines plus tard, tu devais disparaître de ma vie aussi soudainement que tu y avais apparu, ne laissant derrière toi que cette lettre que je n'ai jamais pu lire.
J'ai aujourd'hui les réponses aux questions que tu m'avais posées. Tu n'es plus là pour les écouter, mais je comprends à présent que c'est sans importance, car c'est à moi que ces réponses s'adressent. Et je voudrais te remercier. Pour toi. Pour ce deux décembre. Pour ces questions.