David Madore's WebLog: Un tour de cartes (mathématique)

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(dimanche)

Un tour de cartes (mathématique)

Le tour de cartes suivant est très facile à réaliser, puisqu'il ne demande aucune adresse et aucune manipulation (c'est une propriété purement mathématique), et pourtant il arrive à surprendre certains.

Utiliser un jeu de 104 cartes (c'est-à-dire deux jeux de 52 cartes identiques) ; ça marche déjà plutôt bien avec un seul jeu de 52, mais la probabilité d'échec est quand même relativement importante, alors qu'avec 104 ça marche beaucoup mieux. Donner le jeu à quelqu'un, qui devra les battre soigneusement, puis choisir (sans le révéler) un nombre entre 1 et 13. Il retire alors le nombre correspondant de cartes du dessus du paquet (mais en les gardant dans l'ordre) et regarde la dernière de celles-ci. Puis, selon la valeur de cette dernière carte (en interprétant un valet comme 11, une dame comme 12, un roi comme 13), il retire de nouveau le nombre en question de cartes du dessus du paquet. Encore une fois, il regarde la dernière carte pour savoir de combien avancer. Il répète ainsi l'opération jusqu'à ce que, vers la fin du paquet, il reste moins de cartes que la valeur de la dernière regardée. Cette dernière carte regardée (où on ne peut plus avancer) sera la carte qu'il devra retenir. Tout ceci est fait sans que le magicien voie, ou même, soit présent. (Il faut juste prendre garde au fait que beaucoup de gens ne savent pas compter, se trompent parfois de ±1 carte, regardent la suivante au lieu de la dernière retirée, mélangent les valeurs des figures, ou ne remettent pas les cartes rigoureusement dans l'ordre où ils les ont prises ; le mieux est sans doute de montrer la manipulation une fois, puis de battre le paquet pour que le cobaye la fasse tout seul.) Ensuite, le paquet est rendu au magicien, qui l'examine attentivement et annonce quelle était la dernière carte regardée.

C'est bien sûr un non-tour de magie, puisqu'il n'y a aucun truc : c'est juste que, avec une bonne probabilité, la dernière carte ne dépend pas du nombre initial choisi. Le magicien a donc simplement à refaire mentalement l'opération en regardant les cartes (peut-être avec plusieurs choix initiaux, pour vérifier que ça n'en dépend pas ou pour prendre la carte finale la plus probable si par malchance il y en a plusieurs en concurrence), et il annonce la bonne carte. Évidemment, il y a des gens qui ne seront pas impressionnés, parce que la propriété leur paraît évidente, mais généralement, quand on n'y a pas réfléchi, ça ne saute pas aux yeux.

Voici un exemple : supposons que les valeurs des cartes soient dans l'ordre suivant, que je viens de tirer au hasard (je note ‘A’ pour un as, ‘X’ pour un dix, ‘V’ pour un valet, ‘D’ pour une dame et ‘R’ pour un roi) :

64AD4V9436952A8DRA86R562X8AR76XVD7684RR3AV258XD6V97X952A84R2VV937D552XD7R37D384VV4X28XAA4729R96X53373D59

—on pourra vérifier que, quelle que soit la carte initiale choisie parmi les trente premières au moins, on atteint forcément le valet que j'ai marqué en vert (la carte précédente pouvant être soit le 2 deux cartes avant soit le 9 neuf cartes avant), et ensuite la succession roi, dix, dix est automatique. Tous les jeux ne sont pas aussi chanceux : dans le suivant

5273X6A92A937653A4XD8R483AADD4A7858D4927D27V66V59DD5D356A294X8VARVVX42R932V78V2X38369945R7R5XXRXR8R467V6

—on pourra vérifier que, si on part d'une des treize premières, on a quatre chances sur treize de tomber sur la séquence (en rouge) as-4-roi-8-7-dame-8-2-9-3-6-7-roi et neuf sur treize de tomber sur (en vert) dame-7-2-dame-dame-roi-valet-roi-7. Cela donne tout de même mieux de deux chance sur trois de réussir le tour même dans ce cas-là qui est malchanceux (et si on se trompe on pourra annoncer une deuxième carte qui sera la bonne).

Comme je suis mauvais en probabilités (et aussi, flemmard), je n'essaierai pas de faire de calcul précis (j'imagine que si on veut trouver la probabilité que deux valeurs initiales convergent, et en supposant qu'au lieu d'avoir un battage des cartes chacune a une valeur indépendante de toutes les autres, ça doit se faire). Mais le principe heuristique, au moins, c'est que si on prend deux valeurs initiales et qu'on itère l'algorithme, l'écart va varier aléatoirement jusqu'au moment où par hasard on tombe sur la même carte, et alors on est sûr d'y rester jusqu'au bout — et si on fait assez d'étapes, c'est-à-dire si le jeu est assez long, ça a une grande chance de se produire. Expérimentalement, la probabilité de tomber sur la même carte finale entre deux cartes initiales tirées au hasard a l'air d'être 2/3 pour un jeu de 52 cartes, et 8/9 pour un jeu de 104 (je ne pense pas que ce soient des valeurs exactes, mais en tout cas ça doit être très proche).

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