La Chine n'a pas l'air contente qu'on ait décerné un prix Nobel à
un de ses citoyens, et elle tient à le faire savoir, très très fort.
En ce faisant, elle attire très fortement l'attention sur un fait qui
aurait pu rester, sinon discret, du moins beaucoup moins mis en
valeur. Parmi toutes les réactions qu'elle aurait pu choisir (comme
celle de hausser les épaules en disant moui, c'est un poète mineur,
voilà un choix curieux
, ou bien d'ignorer complètement l'événement
et de se refuser à tout commentaire, ou encore de libérer le gus et de
refuser de le laisser revenir, que sais-je encore), j'ai l'impression
qu'elle a choisi celle qui souligne le plus visiblement ce qui la
gêne.
C'est un peu étrange combien les gens s'obstinent à faire cette erreur de débutant : quand on voudrait que quelque chose ne fasse pas trop de bruit et que quelqu'un vous embête à faire du bruit à ce sujet, le mieux est généralement de l'ignorer et surtout pas de lui faire la guerre, ce qui va tourner tous les projecteurs vers cette guerre et donc sur ce qu'on essaie de garder discret. Par exemple, si vous voulez faire disparaître un texte du Web, la pire chose possible est de menacer de représailles judiciaires ceux qui diffusent ce texte. (Évidemment, cela dépend de votre propre célébrité : mais quand on est le gouvernement de la Chine, la question ne se pose pas trop.)
Cet effet s'appelle l'effet Streisand, du nom de la chanteuse Barbra Streisand, qui en 2003 a cherché à faire disparaître du Web une photo de sa villa et a réussi, au lieu de ça, à ce qu'elle soit recopiée en un nombre incalculable d'exemplaires et vue par des centaines de milliers d'internautes. L'article Wikipédia liste un bon nombre d'autres exemples du phénomène.
On pourrait croire que depuis le temps les gens auraient compris la leçon. Je suis étonné.