David Madore's WebLog: Les analyses de sang, c'est rigolo

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(jeudi)

Les analyses de sang, c'est rigolo

J'ai obtenu aujourd'hui le résultat d'un bilan de routine.

Les analyses de sang ont quelque chose de ludique. (Enfin, quand on est en bonne santé !) D'abord, il faut montrer qu'on est un grand garçon et ne pas grincer des dents quand on se fait piquer ni tourner de l'œil quand on se voit prélever quelques centimètres cubes du précieux liquide. Ensuite, on obtient un joli tableau de chiffres avec parfois des intitulés barbares (comme ALAT ou TSH 3e génération, ou encore polynucl. éosinophiles), et dans chaque ligne à la fois la valeur à laquelle on a été mesuré et un intervalle de référence. L'aspect ludique consiste à tomber dans cet intervalle de référence, et à s'inquiéter quand on n'y est pas (ma vitesse de sédimentation globulaire pour la 2e heure est un chouïa trop élevée, ça veut dire quoiiiii ?, j'ai beaucoup plus de monocytes qu'à la précédente analyse, c'est significatif ? — les médecins doivent détester les geeks). Ou encore à culpabiliser parce que, bien qu'on y soit, c'est de justesse, et qu'on a quand même beaucoup de cholestérol et de triglycérides (ah oui, mais j'ai aussi beaucoup de “bon” cholestérol — ça mérite quand même un demi-point, non ?) ; l'exploration lipidique, c'est au bilan sanguin ce que le cours de sport est au bon élève : le truc où on se rappelle que le corpus sanum, il faut des efforts de discipline de le garder. Mais globalement, les analyses de sang sont la panacée de l'hypocondriaque : rien de plus revigorant de voir que, globalement, tout est normal.

Outre les chiffres eux-mêmes, il y a une certaine magie dans la découverte des rubriques remplies. Le médecin auquel vous avez demandé un bilan de routine vous a tendu une ordonnance remplie de ces pattes de mouches qui doivent sans doute faire l'objet d'une année d'études à part entière dans le cycle de la faculté de médecine : le secrétaire du laboratoire a décodé ces gribouillis sur son ordinateur et a imprimé des codes-barres que l'infirmier a collés sur les échantillons — pas moyen à ce stade-là de savoir ce qu'on mesure au juste. Ce n'est qu'en comparant le tableau à celui d'il y a deux ans qu'on se rend compte qu'il y a des différences : tiens, cette fois-ci on ne m'a pas dosé l'ion chlore ou calcium, ni la bilirubine, par contre on m'a fait la créatinine et la CRP. C'est un peu frustrant quand j'essaie de tout rentrer dans un tableau pour faire des statistiques avec (ou toute autre activité d'arithmophile effréné) : il n'y a pas tant que ça de chiffres en commun entre deux bilans de routine.

Heureusement, une fois prescrite la prise de sang, rien n'interdit au patient de demander au laboratoire d'ajouter des analyses (et elles ne seront pas remboursées par la sécu : comme ça on n'a pas la mauvaise conscience qu'on aurait si on avait essayé d'amadouer le médecin pour les obtenir sur l'ordonnance, à faire payer la société juste pour fournir des chiffres rigolos aux yeux d'un geek). J'avais ainsi fait mesurer mes taux d'urée et d'acide urique et de magnésium plasmatique (parce qu'il y a aussi le magnésium globulaire, qui ne se mesure pas en laboratoire de ville, donc on m'avait demandé si c'était bien le plasmatique que je voulais — j'avais pris un air parfaitement au courant : oui, oui, plasmatique bien sûr).

Par contre, bizarrement, mesurer le pH ne se fait pas : ça m'avait un peu surpris de l'apprendre, ces gens peuvent vous mesurer le taux d'une enzyme hyper précise, mais pas la grandeur chimique la plus basique de toutes. Elle fait partie des gaz du sang (comme la quantité de dioxygène dissous), et ça ne se mesure qu'à l'hôpital : sans doute à la fois parce qu'il faut une métrologie vraiment précise (le pH sanguin normal reste dans un intervalle de cinq, maximum dix, centièmes de point, ce n'est pas avec un réactif coloré qu'on va voir ça) et surtout parce qu'on travaille sur du sang artériel, donc ce n'est pas juste affaire d'une petite piqûre dans la veine.

Parfois les chiffres de l'intervalle de référence changent entre deux bilans, aussi : je ne sais pas exactement comment ils sont fixés ou qui mes mesure, mais c'est un peu perturbant (tiens, la valeur a baissé, mais maintenant je suis au-dessus de l'intervalle de référence alors qu'avant non). Parfois aussi on a des indications bizarres comme : résultats du calcium abaissés de 6% pour standardisation de la technique et harmonisation entre laboratoires (hum, je ne veux pas dire, mais la quantité de calcium dans le plasma, c'est une quantité physiquement bien définie, ce n'est pas comme la mesure arbitraire de l'activité d'une enzyme — pourquoi diable les labos ne donnaient-ils pas tous des chiffres cohérents ?). Enfin, la médecine n'est sans doute pas une science exacte…

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