Je suis un grand fan de la méthode Assimil, pas forcément que je la trouve excellente dans l'absolu, mais il me semble qu'elle convient très bien à quelqu'un qui, comme moi, a une mémoire essentiellement auditive[#] : la meilleure façon d'apprendre une langue serait donc bien d'écouter des phrases prononcées dans cette langue, en en comprenant le sens, en cherchant juste à activer les connexions neuronales entre les deux, jusqu'à ce que « ça rentre ». Et je pense qu'en allant au bout d'une méthode Assimil avec beaucoup de régularité, on doit arriver à un niveau pas complètement ridicule dans une langue donnée : c'est là que ça pèche, bien sûr, parce que je n'arrive pas à garder une motivation suffisante pour maintenir la régularité. Il faut y passer une bonne demi-heure par jour (et encore, je pense que c'est une minoration, parce que le temps de bien réécouter la leçon de la veille, écouter trois ou quatre fois la leçon du jour, s'exercer un peu à l'écriture, faire les exercices, préécouter la leçon du lendemain, trente minutes sont déjà justes), et, mine de rien, ce n'est pas facile à trouver.
En 2001, je n'étais arrivé qu'à la
douzième[#2] leçon de l'Assimil
hongrois — il est vrai que c'était
un crash-course puisque je partais une semaine à
Budapest et que je voulais au moins pouvoir prononcer correctement
Nem beszélek
magyarul!
[#3][#4]
avant de partir, ce qui est tout de même un niveau qu'on dépasse à la
12e leçon. Il y a deux ans j'avais poussé un peu plus loin pour le
japonais, en allant jusqu'à la 29e leçon (j'avais fait un an d'étude
du japonais en grand débutant à l'ENS mais je n'avais
strictement rien retenu). À la limite, qu'il ne m'en reste
consciemment rien n'a aucune importance : mon but n'était pas vraiment
d'apprendre du hongrois, respectivement du japonais, mais de me faire
une représentation mentale de ces langues, d'assimiler un peu de leur
structure
(voire
d'assouplir mes propres mécanismes de pensée). Bref, de transformer
quelque chose de complètement opaque en quelque chose de
certes toujours opaque mais où je peux imaginer de progresser.
Là je me suis acheté l'Assimil
arabe[#5]. Pourquoi l'arabe ?
Peut-être parce que je m'efforce à trouver des langues aussi éloignées
que possible les unes des autres (auquel cas il faudrait sans doute
que je programme ensuite le tamoul, le chinois et le swahili), de
façon à avoir une petite image de la forteresse de Babel. Peut-être
parce que c'est une langue
importante parlée
en France (mais l'argument est un peu pipo : l'arabe parlé en
France est dialectal, et a priori ce n'est pas spécialement celui-là
que je vais/veux apprendre). Ou peut-être parce que l'écriture en est
absolument fascinante. Toujours est-il que je ne pense pas
sérieusement arriver à un stade où je pourrais lire quoi que ce soit
d'intéressant[#6], encore moins
comprendre la langue parlée, mais l'idée est juste de picorer quelques
notions sur comment l'arabe fonctionne, et de voir si ma patience va
cette fois au-delà de la 29e leçon (en ce moment j'en suis à la 3e, où
on voit des phrases aussi passionnantes
que دَخَلَ
الْوَلَدُ
وَ دَرَسَ
— l'enfant est entré et il a étudié
).
[#] Et dont l'apprentissage des langues reste quelque chose de complètement théorique vu que je n'ai aucune intention de voyager pour essayer de m'en servir. C'est vrai que je suis un cas un peu spécial.
[#2] Pour comparaison, le nombre total de leçons d'une méthode Assimil a l'air de tourner entre 75 et 100 en général (mais en fait on est censé faire deux vagues d'apprentissage, ce qui veut dire qu'ils estiment qu'il faudra environ cinq ou six mois pour atteindre le niveau qu'ils proposent).
[#3] Je ne parle pas
hongrois !
[#4] Mon directeur de thèse (qui partait au même congrès à Budapest) s'est mis au hongrois au même moment, et avec la même méthode, mais il a eu plus de persévérance que moi et il semble que maintenant il ne baragouine pas trop mal la langue.
[#5] Chose amusante,
ils ont retiré du titre leur célèbre marque de fabrique : sans
peine
(même si la collection s'appelle encore ainsi). Est-ce
qu'ils n'osent plus dire que c'est le cas ? Ou est-ce qu'ils sont
tombés victimes de la fameuse blague :
— Il paraît que vous
avez appris à jouer du violon en cinq leçons
faciles.
— Oui, c'était les neuf mille neuf cent
quatre-vingt-quinze suivantes qui étaient difficiles.
[#6] Surtout que l'arabe a (comme l'hébreu ou d'autres langues de la même famille) ce défaut pour les débutants que — à part pour écrire le Coran ou des textes poétiques — on n'y note normalement pas les voyelles brèves. Donc à moins de connaître la langue, celui qui aurait juste appris l'alphabet ne peut même pas prononcer un texte écrit. D'ailleurs, l'égyptien ancien — j'en ai fait un peu — est dans le même cas, sauf que, là, personne ne sait quelles sont les bonnes voyelles sauf dans un petit nombre de mots, donc on prononce tout ‘e’.