David Madore's WebLog: Fragment littéraire gratuit #111 (le prince et le rebelle)

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(samedi)

Fragment littéraire gratuit #111 (le prince et le rebelle)

Tu es entré. J'ai tout de suite su que c'était toi : il n'est pas nécessaire de présenter le lion à l'agneau pour qu'il le reconnaisse. L'air avait ce parfum âcre que seul le guerrier peut sentir la veille de la bataille et qui précède la mort ou la transfiguration. Tu es entré comme si tu avais toujours vécu ici. J'ai senti mon cœur battre.

Votre Altesse, je t'ai appelé, réprimant tout juste l'envie de me jeter à tes pieds : car, malgré tout ce que j'ai pu faire, les leçons de l'enfance ne seraient jamais totalement oubliées. Votre Altesse. Je n'osais pas espérer que vous accepteriez…

D'une voix dont j'ai cru discerner la majesté dans l'équanimité, tu m'as fait cette réponse énigmatique :

J'ai suffisamment lancé de défis au Destin pour ne pas refuser d'en relever un quand c'est Lui qui prend l'initiative. Me voici.

Puis-je considérer que j'ai votre serment, Prince ?

Si tel n'avait pas été le cas, ce n'est pas moi qui aurais franchi ce seuil, Voleur de Feu, et tu le sais. N'insultons pas le peu de temps que nous avons devant nous en lui jetant des paroles inutiles. Tutoie-moi : demain nous serons ennemis — cette nuit nous nous devons la vérité.

Je me suis avancé vers l'oriel qui domine la vallée blanche, où tu m'as rejoint, pour contempler le paysage éclairé par la lune.

Tu as raison, Seigneur, ai-je convenu. Puisqu'on ne manquera pas de nous accuser l'un et l'autre de trahison si cette rencontre vient à se savoir, il n'y a que nous-mêmes qui puissions juger l'honnêteté de notre démarche. Nous sommes nus devant nous-mêmes.

Tu as regardé la vallée, puis, me la désignant d'un geste ample, tu as dit sombrement : Et voici pourquoi nous devons nous haïr.

C'est en t'écoutant prononcer ces mots que j'ai su que je t'aimais.

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