Attention, Messieurs-Dames, devant vos yeux ébahis, le grand David
Madore va encore se ridiculiser en pontifiant sur des sujets dont il
ne connaît rien. C'est vrai, quoi, j'en ai marre de parler de mes
propres problèmes affectifs, alors pour changer un peu je vais parler
de ceux des autres. Plus sérieusement, je veux juste donner à
quelques mèmes la chance de se
propager un peu : si on secoue la boîte à mèmes, de temps en temps, ça
ne peut faire que du bien. (Vous remarquerez que je reste extrêmement
vague quant au cadre dans lequel je m'exprime, par exemple ce que
j'entends par couple
ci-dessous : c'est délibéré, je veux
laisser les mèmes aussi libres que possibles de se fixer dans telle ou
telle configuration.)
Je suis toujours désolé de voir le nombre de personnes que je vois souffrir (le mot est peut-être excessif) de l'écart entre leur vie affective et l'image morale qu'ils en conçoivent. Cela se rapporte typiquement soit à la fidélité en couple, soit au rapport entre amour et sexe.
Or à mon avis la seule réponse à la question La fidélité en
couple, est-ce bien ?
ou Le sexe sans amour, est-ce mal ?
est de répondre que la question n'a pas de sens (無
, si on veut) : le mot
bien
ou mal
, au sens moral, n'a tout simplement pas sa
place ici. Le problème n'est pas de savoir s'il faut faire ceci ou
cela — ça c'est une question profondément personnelle, celle de
la conception de l'amour —, le problème se pose quand on tente
de définir une morale de l'orthodoxie sexuelle, et qu'on classe de ce
fait les hétérodoxes comme déviants (ce n'est pas forcément une
question de condamnation, et parfois la condamnation est
auto-infligée). Au moins a-t-on largement tendance à considérer que
la le respect de la doxa est une forme de « maturité », ce qui
est une terrible sottise.
Je n'ai pas l'intention de faire ici l'apologie de l'amour libre,
de la polyamorie ou de quoi
que ce soit. Il serait tout aussi absurde de dire
L'homosexualité, c'est bien (adhérez ici)
. Il est fort
possible que — comme on l'a suggéré — la fidélité soit une
forme de masochisme (en tant que soumission à l'autre, à qui on
concède une exclusivité), mais il est clair qu'elle est assez
naturelle au moins pour une partie de la population.
Ce n'est pas non plus mon propos de dire, l'adultère n'a rien de
blâmable
: il est certain que doit être dépassé le stade de la
luxure perçue comme péché capital (vous rôtirez en enfer !), mais il
n'en demeure pas moins que le fait de trahir une promesse qui a été
faite — fût-ce dans l'intimité d'une alcôve — n'est pas
forcément reluisant. Au risque de paraître vieux jeu, j'accorde une
grande valeur à l'honnêteté. Il est également vrai qu'un certain
degré de jalousie est probablement assez naturel à l'esprit
humain, et que la fidélité est une façon de vivre en paix avec ce
penchant (confronter la jalousie pour l'abolir est autrement plus
dur).
Simplement, il ne faudrait pas que les promesses d'alcôve fussent perçues comme opposables aux tiers : si X et Y se jurent éternelle fidélité, c'est leur problème, ce n'est pas le problème de Z qui veut interagir avec X (peut-être aussi X et Y se sont-ils jurés de ne jamais manger qu'en compagnie l'un de l'autre, ce qui, somme toute, n'est ni beaucoup plus ni beaucoup moins sensé que de se jurer de ne jamais avoir de relation sexuelle que l'un avec l'autre : et Z n'a pas à le savoir s'il se propose d'inviter X à sa table). Et d'autre part je pense qu'il y a un problème lorsque les gens se torturent pour respecter le pacte orthodoxe. L'ascèse est peut-être une belle vertu lorsqu'elle est complètement élective, mais un anachorète qui souffre de la solitude et de la privation devrait sans doute reconsidérer ses vœux par-devant son dieu : la souffrance n'est jamais une vertu en elle-même.
Il est curieux, aussi, qu'on puisse s'interroger sur l'excès de sexe : l'acte sexuel n'est pas plus condamnable, pratiqué sans amour, que le fait de manger sans faim (filons la métaphore culinaire). L'excès se définit comme ce qui menace de nuire à la santé (y compris à l'équilibre mental, s'il y a obsession), non comme tout ce qui dépasse la limite fixée par la nécessité ou par la doxa.
Pour conclure, je saupoudre d'un mème amusant trouvé dans Illusions de Richard Bach (cité violemment hors-contexte, pourra-t-on dire, mais il est douteux qu'il y ait un contexte) :
Your only obligation in any lifetime is to be true to yourself.
Being true to anyone else or anything else is not only impossible, but
the mark of a fake messiah.