David Madore's WebLog: L'effet Zahir, les tapis d'orients, et quelques bouquins

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(samedi)

L'effet Zahir, les tapis d'orients, et quelques bouquins

Je suis sûr que quelqu'un a déjà donné un nom à cet « effet » à savoir que, quand quelqu'un vous parle de quelque chose d'un peu rare (ou vous communique un mème que vous n'aviez pas avant), souvent vous en entendez de nouveau parler peu de temps après. Bon, les probabilistes nous enseignent qu'il n'y a aucun mystère là-dessous à part notre capacité à retenir particulièrement les choses dont on entend parler deux fois en peu de temps ; d'un autre côté, les probabilistes sont des gens ennuyeux qui sont presque sûrs de tout ce qu'ils disent. Bref, revenons à mon effet : comme je ne connais pas le nom qu'on a pu lui donner déjà, je vais l'appeler l'effet Zahir, d'après une nouvelle de Borges qui n'a pas grand-chose à voir avec le schmilblick (à part que c'est quelque chose qu'on voit partout), mais ça fait savant. De là il résulte que je vais avoir un certain nombre de commentaires pour me dire que justement ils ont entendu parler ou lu cette nouvelle tout récemment, ou bien qu'ils ont entendu parler de cet effet (sous un autre nom) tout récemment ; et si ce n'est pas le cas pour vous, c'est que ça va venir.

Ajout beaucoup plus tard () : Le nom donné plus couramment pour ce phénomène, au moins en anglais, est phénomène Baader-Meinhof, mais il a encore moins de rapport avec la faction armée rouge qu'avec la nouvelle de Borges, donc franchement, je préfère le nom que j'ai inventé (et vaguement réussi à populariser, en dix ans). Plus sérieusement, on peut dire illusion/biais de fréquence, mais c'est moins poétique et ça pourrait désigner plein de choses apparentées.

Les tapis d'orient, dans le titre de cette entrée, n'ont à peu près aucun rapport avec le Zahir, si ce n'est que, justement, j'ai croisé plusieurs fois dans la journée le mème « tapis d'orient ». D'accord : dans une ville comme Paris c'est à peu près aussi rare que de croiser un pigeon. Je n'ai jamais compris la manière dont pouvait se perpétuer ce commerce bizarre : qui, au juste, achète dans les grandes ventes de tapis d'orient ? parce que je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui avait un tel article, et je me demande, d'ailleurs, si celui qui se fait avoir est l'acheteur ou le dernier revendeur (qui se retrouverait avec une grande quantité de camelote et personne pour l'acheter). Passons.

Le Zahir, dans l'histoire, ça se passe plutôt chez Gibert, où j'ai encore cédé à mon livrolisme habituel. Voici donc les prochains titres qui orneront ma bibliothèque et que je ne lirai jamais (mais qui impressionneront les visiteurs) :

  • The Handmaid's Tale, de Margaret Atwood. Acheté parce que ça a été mentionné au cours d'une discussion pour savoir s'il y a des œuvres de science-fiction (dans un sens assez étroit pour exclure, par exemple, Kafka) qui sont littérairement intéressantes (du genre de celles qui gagnent le Booker prize). Ma maman, par exemple, aime beaucoup Margaret Atwood (je crois), et n'aime pas du tout la science-fiction (ça j'en suis sûr) : je me demande donc ce qu'elle penserait de ce livre. Notons quand même que Gibert ne le classe pas dans la section science-fiction.
  • Ada, or Ardor, de Vladimir Nabokov. Également mentionné dans le cadre de la discussion que j'évoque ci-dessus ; mais surtout, il paraît qu'il faut lire Nabokov, que c'est très brillant, etc. Oui, je suis un ignare. Au moins en ce qui concerne la science-fiction.
  • The Line of Beauty, d'Alan Hollinghurst, qui rentre dans la catégorie Zahir puisque trois personnes (dont ma maman, celle qui aime bien Margaret Atwood et qui n'aime pas la science-fiction) m'en ont parlé au cours du dernier mois. Pour m'en dire du bien. Je dois donc capituler et admettre que ça doit être bien. Le fait que ça parle des années Thatcher — et d'homosexualité — n'est pas pour me déplaire. Ni le fait qu'il a reçu le Booker prize. Bon, c'était peut-être idiot de l'acheter alors que mes parents en ont une copie à Orsay, mais, que voulez-vous, il faut soutenir le marché du livre (que le photocopillage tue, dixerunt ces gens de bonne foi que sont les éditeurs).
  • Breakfast of Champions, de Kurt Vonnegut, Jr. Encore de la science-fiction, donc. J'ai un ami qui est fan de Kurt Vonnegut, Jr. Du moins si j'ai bien retenu le nom (de l'auteur, pas de l'ami). En tout cas, ouvrir quelques pages au hasard m'a donné très envie de le lire, celui-là.
  • Sur l'antisémitisme, de Hannah Arendt, qui m'est tombé sous la main au hasard d'un étalage. J'ai lu dans Télérama (effet Zahir ?) que Hannah Arendt était une philosophe importante, alors il faut que je mette ça sur ma table de chevet pour montrer que je suis cul-ti-vé.
  • Les caves du Vatican, d'André Gide. Il paraît qu'on y trouve un certain nombre de squelettes poussiéreux, dans les caves du Vatican.
  • Introduction à la théorie des groupes de Lie, de Roger Godement. Là aussi, j'en avais entendu dire ce matin sur Usenet que c'était le seul endroit où on donne plus que les trois premiers termes de la formule de Campbell-Hausdorff, et je suis tombé dessus chez Gibert (le livre, pas la formule). De fait, au sujet de cette formule, il écrit : Bien que certains auteurs en fassent tout un plat, la formule de Campbell-Hausdorff ne présente, pour la théorie avancée des groupes de Lie, qu'une utilité relativement faible […]. Au reste les auteurs qui traitent le sujet se gardent bien, en général, de manipuler la formule, et s'ils vont parfois jusqu'à en exhiber les premiers termes […] on ne trouve personne sur le marché pour exhiber aussi les calculs qui [y] conduisent […]. Apparemment il s'est trouvé, sans doute au début du siècle, une personne charitable pour faire le calcul complet et passer ainsi, anonymement, à la postérité sous forme de remarques ou exercices bien commodes pour les autres. Puis après deux pages de calculs pour prouver la forme annoncée, Godement conclut : Exercice. Imaginez le texte d'un Exercice qui se placerait naturellement à cet endroit du texte, et en fournir la solution.

Tout ceci étant acheté, je voulais aller voir le film avec des vrais morceaux de cowboys pédés dedans[#], mais la file d'attente devant le Mk2 Odéon m'a découragé. Tant pis, j'irai un autre jour (je veux aussi voir le dernier George Clooney tant qu'il passe encore, et le dernier Spielberg bientôt).

Ah, et, sinon, aucun rapport avec le schmilblick, mais je suis allé chez le coiffeur (mercredi). Voilà voilà.

[#] Tiens, j'apprends seulement maintenant en regardant IMDb qu'il est d'Ang Lee (faisons mon Unicode-snob : 李安) — le même qui nous a donné le très beau Garçon d'honneur et le surprenant Tigre et Dragon.

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