David Madore's WebLog: L'avenir la propriété intellectuelle

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(mardi)

L'avenir la propriété intellectuelle

Nous approchons du point où notre société devra faire le choix définitif. Soit d'un avenir où les doctrines actuelles de la propriété intellectuelle sont sacralisées dans leur forme (mais pas dans leurs intentions primitives), poussées à l'extrême et utilisées à la fois comme arme industrielle (les brevets) pour verrouiller l'innovation et comme barrière d'octroi à l'accès à la culture, et gelant finalement une part énorme de notre potentiel technologique ; soit au contraire d'un avenir où les formes sont entièrement revues et où, selon l'expression fort heureuse que me suggère Roberto Di Cosmo, je paie ce que je peux et j'obtiens ce que je veux, où la rémunération des artistes et créateurs se ferait par d'autres systèmes qu'un monopole artificiel sur ses productions. La première voie semble malheureusement la plus probable, malgré quelques très timides signes encourageants. Pourtant, il est étonnant de constater que sur cette question la pensée libertaire (qui condamne le monopole imposé d'en haut, et généralement toute restriction non contractuelle au libre échange des biens et des idées) et la pensée socialiste (qui ne devrait pas admettre de propriété forte sur ce qui est d'utilité générale) se rejoignent pour refuser l'extension sans limite qu'on observe des régimes de propriété intellectuelle : il faut croire que personne ne croit vraiment ni au libéralisme ni au socialisme.

Je ne crois pas qu'un livre ait jamais été fait qui expose, de façon panoramique et pour le grand public, un point de vue peut-être pas systématiquement hostile à toute forme de propriété intellectuelle mais certainement effrayé de leur durcissement excessif, et les problèmes posés. Je pense qu'il serait temps de l'écrire.

Le grand public peut comprendre, par exemple, que Google Books représente pour l'accès à la culture une chance extraordinaire, même sous la forme déjà sévèrement diminuée qu'il doit prendre à cause des lois sur la propriété intellectuelle (idéalement ils ne seraient pas obligés de brider complètement l'accès aux livres soumis à copyright mais épuisés en librairie), et qu'il est terrifiant de constater que même sous cette forme (où on ne peut sortir que quelques phrases d'un livre autour du mot recherché) l'entreprise est traînée en justice par des auteurs et éditeurs qui veulent à tout prix leur part du gâteau. Sur ce sujet, Boingboing signale aujourd'hui ce remarquable exposé (30′) de Larry Lessig [note : le lien qui précède est un torrent, utilisez BitTorrent pour récupérer le contenu proprement dit] où il explique très clairement et très justement quels sont les enjeux autour de Google Books et pourquoi ce serait peut-être illégal et pourquoi ce serait quand même, selon lui, légal.

D'autres exemples compréhensibles par tout le monde peuvent être frappants : le fait, par exemple, que des DVD vous assènent cinq minutes de publicité au début en vous empêchant d'accélérer (le bouton accélérer du lecteur ne marche pas), combiné à des lois qui rendent illégal de contourner ce genre de mesures techniques.

Et ce raisonnement économique très simple suivant sur la consommation des ménages : la part de leur revenu consacrée à des dépenses de type culture et loisirs est plus élevée qu'elle ne l'a jamais été ; une fois que cette part de dépense saturera, la question deviendra : quand les gens dépensent, disons, $800 dollars par an pour les contenus numériques, et qu'ils ne sont en aucun cas prêts à mettre plus d'argent, est-ce qu'ils auront le droit, pour cette somme, à juste 15 CD et 10 DVD, ou est-ce que, à ce moment-là, on peut leur donner accès numérique illimité à tout ce qu'ils veulent, sachant que cela ne constitue pas de manque à gagner pour qui que ce soit vu que les clients ne mettront de toute façon en aucun cas plus d'argent dedans et que le coût marginal est nul ? (La licence globale n'est donc pas du tout absurde, comme l'explique très bien Roberto Di Cosmo.)

Bref, je pense que le temps est venu où les enjeux, qui n'ont jamais cessé d'être importants, sont devenus assez proches (car c'est, malheureusement, qu'il est bien tard !) et assez visibles pour que le grand public puisse les comprendre et se sentir concerné. C'est donc qu'il serait temps d'écrire ce livre. Resterait à trouver une équipe (quelque chose comme un juriste, un sociologue, un informaticien et un journaliste, ce serait l'idéal) pour l'écrire, un éditeur pour le faire paraître, et quelqu'un d'illustre pour le préfacer.

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