David Madore's WebLog: Mitterrand et Mylène

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(dimanche)

Mitterrand et Mylène

[Affiche « Génération Mitterrand »]Tout le monde a déjà dit et écrit tant de choses sur Mitterrand, en notamment à l'occasion du dixième anniversaire de sa mort, que je me garderai bien d'en rajouter sur l'homme politique, et ce d'autant plus facilement que je n'ai pas grand-chose à dire : ses réformes politiques qui me paraissent admirables, comme l'abolition de la peine de mort, elles ont été menées dans les toutes premières années de son « règne », et j'étais bien trop jeune pour m'intéresser à la politique en 1981. (D'ailleurs, la première fois que j'ai voté c'était pour la présidentielle de '95, donc précisément à la fin de son deuxième mandat.)

Ce qu'il semble le plus évident à dire, et assez incontestable, c'est qu'il était d'une très grande intelligence et qu'il a marqué son temps. Car ceux qui sont nés, ou ont passé l'essentiel de leur enfance, pendant ces quatorze années de 1981 à 1995, portons volens nolens le nom collectif de Génération Mitterrand : aucun autre président français ne laisse son nom à une classe d'âge. Du coup, le 8 janvier 1996 (je me rappelle très bien le moment où j'ai appris sa mort : nous étions en cours de physique quand un ami me l'a dit), je n'ai pas éprouvé une grande tristesse mais j'ai eu le sentiment qu'un symbole de ma jeunesse venait de passer. (D'accord, il y a un peu d'une interprétation a posteriori dans ce que j'écris là, mais c'est tout de même assez vrai.) Déjà en '95 on devait s'habituer à ce qu'un autre que lui puisse être président, c'était assez étrange.

Mais c'est surtout le mystère de ses contradiction, probablement, qui fascine. Certainement chaque homme a ses contradictions, et certainement la vie politique les met en lumière de façon aiguë, mais Mitterrand semble avoir cultivé leur mystère a un point très particulier (en tout cas à partir de 1981) : il n'est pas un compliment qu'on puisse lui faire qui ne doive aussitôt être suivi par une nuance d'ombre, et pas un reproche qui ne soit à nuancer d'une part de lumière. Tous les ingrédients sont rassemblés pour qu'il puisse avoir des fans inconditionnels (comment s'appelle, au fait, ce film qui dépeint justement une jeune fille totalement folle de Mitterrand ? ah, on me répond dans les commentaires : Tontaine et Tonton).

Une autre qui cultive le mystère (mais d'une tout autre manière !) et dont on parle en ce moment, c'est Mylène Farmer. J'ai du mal à voir ce qui, globalement, explique l'engouement qu'elle provoque, à part le mystère à la fois autour de sa personne et dans ses chansons. Isolement de la chanteuse : tour d'ivoire — la métaphore de Sainte-Beuve ne s'est jamais aussi parfaitement appliquée — dont je soupçonne fortement qu'elle n'est pas tant due à un besoin personnel d'intimité (les vedettes qui ont ce besoin réagissent de façon assez différente à la célébrité) mais plutôt à une volonté de paraître énigmatique. Caractère mystérieux des paroles : c'est très poétique, cela suggère plein de choses, mais, globalement, ça ne veut vraiment rien dire, donc chacun peut comprendre ce qu'il veut. Je précise que j'aime bien l'essentiel de ce qu'elle fait (mais j'aime bien, c'est tout).

En revanche, je ne saisis absolument pas pourquoi elle s'est imposée aussi évidemment comme une égérie gay : rien dans le contenu de ce qu'elle écrit, pour autant que je sache, ne le laissait particulièrement présager. Dans mon propre esprit, l'association mentale existe parce que j'ai (inévitablement !) découvert sa musique au moment où j'ai commencé à découvrir le milieu homo. Et c'est inquiétant parce que, comme le disait cyniquement un ami à moi : Le jour où, comme Dalida, elle va se suicider, on aura une énorme vague de mortalité chez les pédés français. Mais bizarrement, je l'imagine assez bien, elle, mourir sur scène, devant les projecteurs, d'une mort bien orchestrée. Et emportant son secret avec elle, pour que les exégètes puissent s'étriper encore longtemps après sur ce qu'elle était vraiment.

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