Je n'ai pas spécialement plus de raison d'être sexuellement frustré aujourd'hui qu'avant-hier, il y a trois semaines, ou il y a trois mois (après tout, la dernière fois que j'ai consommé remonte à — euh, je préfère ne pas essayer de retrouver la date, ce serait vraiment trop déprimant), mais, je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui spécialement j'en suis particulièrement conscient.
C'est idiot, parce que je n'ai pas un besoin physique de
sexe à ce point : si j'avais une bonne raison de croire que je devais
m'en passer (si quelqu'un me disait clairement, tu n'y arriveras
jamais parce que <telle raison précise>
) je suis assez
certain que j'arriverais très bien à contrôler le manque. Mais le
besoin est créé par l'impression absolument obsédante de facilité :
coucher (pour une nuit, je veux dire), dans le milieu homo, est
censé être aussi facile que trouver des chouettes à Athènes
(zut, j'ai déjà utilisé cette image).
Du moins tant qu'on n'est pas « vieux » (avec une notion
outrageusement jeuniste du mot « vieux », certes, mais malgré mon âge
canonique je ne tombe pas encore dedans) ou « moche » (ça
simplifierait mon enquête si on me disait que c'était mon cas, mais il
paraît que non, ce serait de la mauvaise foi de ma part de mettre mes
difficultés sur ce compte-là). On entend des gens se plaindre qu'ils
n'ont pas réussi à trouver un « plan cul » tel ou tel jour, comme si
c'était vraiment l'exception à peine croyable (bien sûr, ils ne se
donneraient pas la peine de dire comment ils font les jours où ça
marche, parce que c'est tellement évident que ça ne le mérite pas),
alors ce n'est pas vraiment plausible que je n'arrive pas à
en trouver un en <…> mois sans être Quasimodo. J'ai même
entendu quelqu'un se plaindre en longueur que c'était
vraiment trop facile à tel point que ça en ôtait tout
plaisir, ou tout intérêt, je ne sais pas, je n'ai pas trop écouté pour
pouvoir retenir mon calme. (Je ne parle pas de la difficulté de se
trouver un copain vaguement stable, voire le prince charmant de sa vie
— là tout le monde s'accorde sur le fait que c'est difficile.)
Alors je ne sais pas si je suis un cas unique au monde, ou s'il y en a
d'autres comme moi qui sont désespérément silencieux. Je crois au
moins avoir réussi un exploit absolument unique et sans précédent en
ayant passé presque deux ans au MAG (et j'y allais
très régulièrement — quasiment chaque semaine) et en étant
encore puceau à l'arrivée : c'est un peu comme réussir à parcourir la
rue de Rivoli d'un bout à l'autre un samedi soir sans rencontrer une
seule voiture. OK, je n'ai pas encore essayé DialH (ni le dépot, for
that matter) : on verra quand j'en aurai marre de traîner dans
des bars en espérant que quelqu'un me retourne un regard, mais je me
sens encore capable de réaliser des exploits inouïs devant lesquels la
rue de Rivoli serait un jeu d'enfant (le périph' à pied sans voir
l'ombre d'un véhicule, peut-être ?).
Ce n'est pas mon propos : ce que je voulais dire, c'est qu'être frustré comme ça ce n'est pas bon déjà parce que ça emmerde les lecteurs de mon 'blog à qui je raconte toutes sortes de conneries sans intérêt, et aussi parce que ça a une influence néfaste sur mon caractère, ça me rend impatient, aigre, cassant, voire carrément haineux et jaloux (disons que je sens ça remuer quelque part au tréfonds de mes entrailles et ce n'est pas plaisant). Et, bien entendu, ça menace mon sentiment de bonheur. Je ne sais pas à quel point je suis mentalement robuste ou fragile : j'imagine que si ma résistance cède, ce sera assez soudain (au jeu du corps à corps, l'esprit est bien plus fort).
Le piège, c'est que c'est précisément dans les endroits et dans les circonstances où j'ai des chances de trouver de quoi résoudre cette frustration (en la satisfaisant) que je trouve aussi de quoi l'alimenter. C'est le piège de l'espoir du fond de la boîte de Pandore : conservez l'espoir et il vous fait souffrir, abandonnez-le et vous ne pouvez plus agir.