Je donne (pour la deuxième année) un petit cours de géométrie
algébrique à Télécom Paris ; c'est un élément d'un cours
appelé Techniques mathématiques avancées pour la cryptographie et
le codage
, donc il faut comprendre ça comme : éléments de
géométrie algébrique pour la cryptographie et le codage. C'est un
certain défi, parce que (1) les élèves ne sont pas spécialement
orientés matheux, ils veulent surtout voir des applications
(malheureusement, la géométrie algébrique demande de digérer une
certaine quantité de jargon avant d'arriver aux applications), (2) ils
n'ont pas forcément les réflexes et les habitudes (en algèbre)
qu'auraient des élèves matheux suivant un cours de géométrie
algébrique (par exemple, si je dis qu'avoir un morphisme surjectifs
d'anneaux A↠A′, ça signifie
que A′ peut se voir comme un quotient de A
par un idéal, c'est le genre de choses qui demande une certaine
explication), (3) j'ai peu d'heures (5 séances de 2×1h½, donc 15
heures au total ; l'an dernier j'en avais plus), et je veux arriver à
des choses un peu compliquées, comme énoncer le théorème de
Riemann-Roch et en faire comprendre le sens (j'ai le droit d'omettre
toute démonstration, mais au bout d'un certain point ça fait vraiment
magique). À cela s'ajoute, cette année : (4) il n'y a que cinq élèves
inscrits au cours, sur lesquels, les bons jours, trois viennent
effectivement.
Les notes que j'ai écrites sont ici (mais pas encore vraiment relues, donc probablement plein de fautes).
Il y a un certain nombre de difficultés sur la façon de présenter les choses. Par exemple : faut-il se cantonner fermement aux variétés (sur un corps parfait, disons, ce que j'ai fait) ou bien parler d'infinitésimaux et de schémas ? Avantage des variétés : les morphismes sont plus faciles à définir, parce qu'on peut les voir comme des applications des points sur un corps algébriquement clos, i.e., je peux tout présenter comme des parties de l'espace projectif sur la clôture algébrique, et les choses sont vaguement concrètes. Inconvénient : tester si des polynômes donnés définissent effectivement une variété — c'est-à-dire engendrent un idéal radical — devient un préliminaire indispensable à tout exercice, et ce n'est pas évident. Ou bien, comment présenter la définition des morphismes entre variétés quasiprojectives ? Un point de vue possible serait le point de vue fonctoriel, définir les points des variétés dans une algèbre quelconque (mais c'est justement assez lourd) et invoquer l'esprit du lemme de Yoneda pour définir les morphismes de variétés comme des morphismes de foncteurs (sans forcément prononcer ce mot) : c'est plus élégant, mais pour des gens pour qui l'idée que les morphismes de k-algèbres k[t]→A sont en correspondance avec les éléments de A n'est pas du tout naturelle, ce n'est vraiment pas intuitif. La version apparemment plus simple (et que j'ai suivie) consiste à définir les morphismes comme des applications des les points sur la clôture algébrique ; mais on perd toute la fonctorialité, et si les choses sont prima facie plus élémentaires, ce n'est pas évident qu'on arrive à des notions vraiment plus maniables.