David Madore's WebLog: La magie me manque

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(lundi)

La magie me manque

La magie me manque. Je ne parle pas seulement du monde d'Anecdar, mais, sur un plan plus large, le monde de l'imaginaire et de la magie, les licornes, les sorciers, les magiciens, les fées, les Elfes et tout ce qui peuple nos contes d'enfants, aujourd'hui des créatures disparues, à qui je dédiais (il y a dix ans déjà !) ma dernière tentative pour raconter une histoire d'une certaine ampleur. [Ajout : voir cette entrée ultérieure au sujet de ce roman.]

Je ne crois pas avoir perdu l'inspiration que j'avais dans ma jeunesse, même si je fais peut-être moins appel à elle dans la manière dont j'avais coutume de l'exercer. Mais j'ai probablement moins d'indulgence à mon propre égard, aujourd'hui, pour me permettre d'écrire les phrases — oserai-je le mot ? — candides que je m'appliquais à former autrefois. Je croyais qu'il suffisait d'utiliser quelques mots sophistiqués dans une construction grammaticalement correcte (avec plein d'adverbes) pour faire de la littérature ; s'il y a quelques phrases dont je suis content ([Ardemond] disparut soudainement, ne laissant derrière lui qu'une vague odeur de fleur d'oranger fanée et un souvenir de cheveux blancs), j'ai maintenant du mal à relire sans tiquer un paragraphe aussi enfantin que :

Karine et Kormor avaient chevauché sans répit pour leurs montures pendant quinze jours. Enfin, à l'aube de ce jour crucial, la ville de Tekir leur était apparue, avec sa soudaineté habituelle, comme ils étaient presque à son seuil. L'Egarthkúr jouait avec les premiers rayons du soleil et la Ville Éternelle étincelait de pureté, inconsciente de ce manteau de ténèbres qui lentement recouvrait les Royaumes comme un linceul obscur.

(Argh ! voilà des comparaisons qui ont la légèreté gracile d'un chevalier en armure de plate complète.)

Mais je suis sévère envers moi-même. Si j'ai fait quelque progrès en expression depuis (ce qui, d'ailleurs, n'est pas sûr, car j'ai troqué certains travers pour d'autres), c'est parce que je me suis permis d'écrire sans me censurer : qu'à force de s'appliquer même l'esprit le plus obtus acquiert une mesure d'aisance. Et surtout, ces mots que j'alignais avec enthousiasme naïf étaient le fluide de mes songes (aïe, encore une image facile) : je n'ai jamais écrit pour être lu, je l'ai fait pour moi-même, pour conserver mes rêves.

Je suis encore un enfant (ou, du moins, je voudrais penser que je le suis resté, que la meilleure part de moi-même a subsisté), et j'ai encore ce besoin de croire à la féerie dans un monde qui n'y laisse pas assez place. Il y a une (et il n'y a qu'une) façon pour un être rationnel et cartésien de croire à la magie, c'est de la créer lui-même, c'est-à-dire par la fiction[#], soit en étant spectateur ou lecteur (ce qui est déjà un processus de création), soit en étant artiste. Or la création des autres correspond assez mal à ma propre imagination, et je préfère donc souvent façonner des mondes, à ma mesure, qu'adopter ceux que d'autres ont établis.

Je devrais donc sans doute me remettre à écrire, librement et sans contrainte, quelque chose d'un peu plus vaste que des fragments littéraires gratuits. Je me demande d'ailleurs si l'écriture de ce genre (surtout étant donné qu'il ne s'agit pas vraiment d'atteindre quelque chose de « sérieux et abouti ») peut se faire par blog interposé (dans les deux cas il s'agit d'une sorte d'exutoire), sous forme de feuilleton.

[#] Je pense d'ailleurs que la « magie-fiction » (la heroic fantasy et tout ce qui tourne autour) a, à ce titre, beaucoup plus d'intérêt que la science-fiction. La science-fiction, finalement, ne m'intéresse que modérément, puisque je peux faire de la science (j'exagère : je ne peux pas voyager dans des galaxies lointaines, évidemment), alors que la magie-fiction est tout ce qui peut me tenir lieu de magie. Il est cependant vrai que du point de vue du développement de l'intrigue, la magie pose souvent des difficultés irréductibles, car, et c'est à la fois son intérêt et son problème, elle rend obscures les limites du possible et de l'impossible : il faut souvent avoir recours au symbolisme pour déterminer ce qui sera permis, et ce n'est guère facile.

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