Il est indubitable que le mail (et d'autres moyens de communication électronique, je pense notamment au forum des élèves de l'ENS) est une forme de servitude. Je m'oblige à traiter de l'ordre d'une cinquantaine de mails quotidiens (spams non compris, évidemment) : cela constitue un travail de secrétariat non négligeable, et parfois je traîne vraiment les pieds à le faire. Ne pas relever mon courrier (électronique ou, d'ailleurs, postal) pendant quelques jours est donc bien reposant, et le retour à la connexion est un peu dur (il faut plusieurs heures pour vidanger la file la plus urgente). Parfois je me dis que je comprends Donald Knuth, l'auteur de TeX, qui a arrêté d'utiliser l'e-mail (même si ses raisons ne sont pas tout à fait les mêmes). D'un autre côté, le mail est un moyen de communication bigrement pratique pour rester en contact avec des gens à qui je tiens : et j'aurais tort de projeter sur le contenant l'agacement que je ressens devant certaines corvées apportées par le contenu alors même que certains courriers m'ont fait énormément plaisir à recevoir ; d'autant plus que je dénonce parfois cette erreur (ou ce que je considère comme une erreur) s'agissant du téléphone mobile[#].
Quoi qu'il en soit, une circonstance pas tout à fait élucidée[#2] a fait que la connexion n'était pas disponible là où j'étais pendant mes quelques jours passés près de Lyon : je serais le dernier à m'en plaindre, ça m'a fait de vraies vacances, et j'ai vraiment pu souffler un grand coup. Plus longtemps, l'isolement loin de l'Internet serait sans doute devenu agaçant, mais là, c'était parfait. Et surtout : j'avais sur place largement assez de gens avec qui interagir pour me sentir tout à fait à l'aise, pas besoin d'en chercher électroniquement.
Là, normalement, je devrais glisser une transition vraiment subtile pour m'amener à parler de la photo ci-contre (à droite), mais je ne trouve pas comment. Elle a été prise il y a environ deux mois (le 2004-07-04 précisément), lors du précédent séjour dans la famille de mon frangin. D'accord, il y a déjà quantité de photos de moi sur ce site, mais je prends toujours (plus ou moins mal, c'est une autre question) la pose : en voici donc une où je suis « naturel », surpris en train de rire. Enfin, je suppose : je ne me suis jamais vu rigoler moi-même (j'ai envie de dire : « heureusement »…), donc je ne peux que faire confiance à l'appareil ; ceci étant, en figeant ainsi un unique instant d'un mouvement (quoi de plus dynamique que le rire ?), je ne sais pas si l'image est plus vraie ou plus fausse que celles où on construit une figure statique. Je laisse la décision à l'œil du proverbial spectateur.
[#] J'ai moi-même refusé pendant longtemps d'avoir un mobile, considérant qu'il rendrait plus service aux autres qu'à moi, en me forçant à être toujours disponible. Mais j'ai fini par me dire que je pouvais toujours choisir de ne pas décrocher ou de ne pas l'allumer, et je m'en porte très bien. Le téléphone fixe, à la limite, m'ennuie plus, mais j'ai acquis une compétence certaine dans l'art de ne pas répondre au téléphone parce que je suis au lit ou parce que ça m'ennuie : ce n'est vraiment plus une corvée. (Pour une question de vie ou de mort, on peut toujours m'appeler obstinément plusieurs fois de suite, je finis par décrocher.)
[#2] Concours de circonstances remarquable : le même jour, un orage très violent, une manœuvre de dégroupage sur la ligne téléphonique, et la date mentionnée sur une mise en demeure suite à défaut de paiement (un règlement s'étant sans doute perdu), seraient tous les trois susceptibles d'expliquer la perte de la ligne. Impossible de tirer l'affaire au clair.