David Madore's WebLog: Je continue d'apprendre à manier une moto

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(jeudi)

Je continue d'apprendre à manier une moto

Pour ceux qui ont raté l'épisode précédent, je vous le résume très succinctement : je me suis inscrit (en septembre) pour passer le permis moto. Pour l'obtenir, je dois passer successivement une épreuve hors circulation (ou plateau), puis une épreuve en circulation (ou conduite) : je ne parle ici que de la première, parce que j'en suis toujours à ce point-là. Cette épreuve est composée de cinq exercices, chacun noté A, B ou C (sauf le premier, qui ne peut pas être noté C) : la condition pour valider l'épreuve est d'obtenir au moins deux A et aucun C sur l'ensemble des cinq exercices[#]. Les 2e, 3e et 4e exercices (respectivement parcours lent, freinage d'urgence et slalom+évitement) sont des parcours à effectuer avec la moto sur un terrain de 130m×6m appelé plateau ; on dispose de deux essais pour y arriver (sauf en cas de chute). Je fais un nouveau petit point sur le sujet parce que je m'ennuie.

[#] Comme je le disais, d'ailleurs, ce système de notation est assez stupide : il y a deux des cinq exercices où il est quasiment impossible d'obtenir la note B (presque toutes les erreurs entraînent la note C). Toute personne ayant un minimum de sens logique doit bien voir que, s'il y a deux exercices où on n'obtient jamais de B, la première condition dans obtenir au moins deux A et aucun C est impliquée par la deuxième, et du coup, la distinction entre A et B disparaît effectivement : mais alors, le premier exercice, qui ne peut entraîner que les notes A et B, n'a plus aucun intérêt !

J'ai maintenant fait 50 heures de formation réparties sur 16 séances et sur un peu plus que 13 semaines (en comptant une interruption pour tendinite). Et, oui, c'est très long. (Je n'ai pas de statistiques précises, et je ne crois pas qu'il y en ait, mais je crois comprendre que, à la louche, la plupart des candidats réussissent l'épreuve après environ la moitié de ce temps.) J'arrive actuellement « souvent » à réussir chacun des différents exercices, — où souvent est à comprendre comme signifiant quelque chose autour de 2 fois sur 3, peut-être un peu plus. Ce qui devrait suffire à passer l'examen[#2][#2b] si la réussite de chaque tentative était une variable aléatoire indépendante des autres avec cette probabilité. L'ennui, c'est que ce n'est pas du tout le cas : à chaque séance, et dans une moindre mesure à chaque fois que je change d'exercice ou qu'on change la disposition du parcours (il y a deux dispositions qui sont miroir l'une de l'autre), je commence par me planter lamentablement environ trois fois avant de retrouver mes marques et d'y arriver ensuite assez reproductiblement.

[#2] [Graphe de p↦(1−(1−p)²)³]Si on a trois exercices à passer et que, pour chaque exercice on a droit à deux essais pour y arriver, la réussite à chaque essai étant indépendante de probabilité p, la probabilité de réussir l'épreuve vaut (1−(1−p)²)³ = 8p3 − 12p4 + 6p5 − p6, fonction dont le graphe est tracé ci-contre (en bleu-vert ; avec la fonction identité en mauve pour comparaison). On peut se rappeler ce que j'avais raconté sur les « amplificateurs de probabilité » (mais celui-ci n'est pas symétrique par rapport à ½) ; ici, il y a un point d'inflection à p = (5−√5)/5 ≈ 0.55, donc on peut dire que l'épreuve vise à sélectionner les candidats qui ont un taux de réussite par essai dans ces eaux-là. Et j'ai tendance à dire que, sur ce plan-là, la procédure n'est pas trop mal faite pour rejeter les mauvais candidats tout en gardant une certaine tolérance pour les erreurs aléatoires.

[#2b] Ajout / éclaircissement : Je devrais préciser (parce que ce n'est sans doute pas clair en lisant mon entrée) que je n'ai pas spécialement de problèmes par ailleurs pour le maniement de la moto en général ; en tout cas, pour la circulation sur trajet vers et depuis le plateau, il me semble que je m'en sors tout à fait correctement. (Ça ne m'empêche pas de trouver ça stressant de se faufiler entre les voitures ou, pire, entre les camions sur l'A6, mais c'est autre chose.) Les difficultés que j'ai concernent vraiment les exercices techniques de l'épreuve plateau, quand je suis à froid.

Je m'interroge un peu sur les mécanismes cognitifs en jeu dans le phénomène. Je peux en imaginer au moins deux : l'un dû à la confiance en moi, l'autre à la mémoire. La confiance en moi, ou plutôt le manque de confiance en moi, c'est-à-dire que je commence par me dire que je n'y arriverai pas, et que cette impression ne se dissipe (temporairement !) que quand je réussis une ou deux fois — mais réapparaît dès que je me mets à échouer, ou, évidemment, dès qu'un moniteur me regarde. Forcément, le fait que je me dise que j'échoue les premières fois tend à devenir une prophétie auto-réalisatrice ! L'aspect lié à la mémoire est sans doute plus intéressant. Il doit y avoir une bonne partie de mémoire procédurale dans la réalisation d'un de ces parcours (surtout le lent), et la mémoire procédurale est quelque chose de bizarrement fugace, qui revient ou disparaît sans qu'on comprenne bien pourquoi. Notamment, toutes sortes de choses qu'on fait par mémoire procédurale sont gênées dès qu'on se met à penser à ce qu'on fait : je n'arrive plus à lacer mes lacets si je commence à trop réfléchir à la manière dont je m'y prends. Sans doute qu'à force de répéter le même parcours, je reviens dans le mode où je n'y pense plus trop, et ça marche beaucoup mieux. Pour commencer, il faut retrouver le point de patinage précis de la moto, la sensibilité des freins et la force à appliquer pour contre-braquer lors de l'évitement, et je ne sais pas dans quelle mesure le cerveau retient ça d'une séance sur l'autre (surtout que les motos de l'auto-école, même si elles sont toutes du même modèle, ne sont pas non plus identiques). Mais il y aussi un effet mémoire différent, c'est qu'il me faut un certain temps, à chaque fois, pour me remémorer l'ensemble des préconisations que mes moniteurs m'ont données (serre bien ta moto entre tes jambes !, regarde bien en avance !, ne regarde pas les cônes !, passe sur la partie extérieure des portes, etc.).

Bref, après un temps d'échauffement, je m'en sors beaucoup mieux. Mais lors de l'examen, on ne dispose pas de temps d'échauffement[#3] : je comprends les problèmes logistiques sous-jacents (le cadencement des examens a l'air extrêmement problématique[#4]), mais c'est un facteur d'aléa assez idiot. La piste d'examen est de bien meilleure qualité (le revêtement est bien plus lisse) que le plateau d'entraînement, et cela aussi peut être déstabilisant.

[#3] Je ne sais pas (je n'ai pas demandé) comment s'organise mon auto-école pour le passage des examens. Pour le permis B, un élève est désigné pour emmener la voiture d'examen, transportant les autres candidats et le moniteur-accompagnateur, sur le centre de passage du permis (et ça lui est facturé comme une heure de leçon de conduite — j'avais fait ça quand j'avais passé ce permis) ; je suppose que, pour le permis A2, comme il faut transporter une moto au centre d'examen (et qu'on ne va sans doute pas en transporter plus qu'une), un élève est aussi désigné pour ça tandis que les autres, ainsi que le moniteur-accompagnateur, suivent en voiture. Ça permet à cet élève de s'échauffer, mais ça n'équivaut pas à quelques passages à blanc sur le parcours (lors de mes leçons, je conduis la moto de l'auto-école jusqu'au plateau d'entraînement, mais ça ne m'empêche pas d'avoir besoin de quelques passages avant d'arriver à réussir les épreuves).

[#4] Je n'arrive pas à trouver les statistiques, qui doivent pourtant être publiques, sur les délais de présentation de l'épreuve département par département, mais de ce que j'ai entendu les moniteurs de mon auto-école dire, ils ont beaucoup augmenté récemment (pour Paris ?). Je crois que leur tableau prévisionnel est déjà bien rempli jusque fin janvier. L'auto-école donnant la priorité aux élèves en première présentation, le délai de 2e présentation doit être encore plus long, ce qui accroît le stress à l'obtention du premier coup.

Toujours est-il que je ne suis toujours pas prêt à passer cette épreuve. J'ai fait un examen blanc hier matin, et j'ai été éliminé dès le parcours lent (plusieurs pieds posés à terre lors du premier essai, et chronométrage à 16.5s — c'est-à-dire 0.5s trop peu pour avoir B — au second). Le fait que le moniteur était de mauvaise humeur[#5] et qu'il faisait tout pour me mettre en situation de stress d'examen (là, je comprends la logique) n'ont sans doute pas aidé, évidemment. Mais je trouve un peu idiote la logique, appliquée par mon auto-école pour les examens blancs, consistant tout arrêter dès que l'élève est éliminé (i.e., obtient C aux deux essais d'un exercice ou fait tomber la moto), sous prétexte que c'est le cas au vrai examen : ce n'est pas parce qu'on prépare à un examen où les exercices sont éliminatoires qu'il faut arrêter les évaluations dans les mêmes conditions[#6]. Comme je dois d'abord réussir un examen blanc pour convaincre mon auto-école de fixer une date pour m'inscrire (qui sera sans doute assez longtemps plus tard), autant dire que j'en ai encore pour un moment : les paris sont donc ouverts pour savoir si ce sera plus ou moins long que pour le permis B ; et pour ma part, je commence à trouver ça un peu fastidieux de refaire tout le temps les mêmes exercices, et j'ai l'impression de ne plus tellement apprendre (ou en tout cas, progresser).

[#5] Il nous a disputés au sujet du fait que nous ne savions toujours pas placer les cônes et piquets sur la piste. Moui, notre rôle en tant qu'élèves est d'apprendre à réaliser les épreuves une fois que les cônes sont placés, pas de connaître l'endroit où on les place. (Bon, j'ai découvert à cette occasion que les piquets du parcours lent ne sont pas placés symétriquement autour de la ligne médiane. Je me demande un peu comment cette décision a été prise dans la conception du parcours.)

[#6] Évidemment, les moniteurs qui encadrent les entraînements sur plateau regardent ce que font les élèves (et donnent des conseils et disent ce qui ne va pas) même en-dehors des examens blancs. Mais ils le font rarement rigoureusement, c'est-à-dire en chronométrant le parcours lent, en jouant au passager à la fin de celui-ci, et en mesurant la vitesse au cinémomètre[#7] sur les parcours rapides.

[#7] Entre autres choses, je ne connais toujours pas le facteur précis entre la vitesse annoncée sur le tachymètre de la moto (Honda CB-500F) et la vitesse qui sera réellement lue par un cinémomètre de bonne qualité[#8]. (Si je passe à 40km/h, voire 39km/h au compteur, à un point où je suis censé passer à 40km/h, sachant qu'il y a une tolérance de 5km/h, je ne sais pas si ça passe vraiment.)

[#8] Ça a l'air assez difficile à trouver, d'ailleurs, et je ne sais pas ce que fait la Sécurité routière. Mon auto-école a l'air d'utiliser un Pocket Radar qui semble coûter de l'ordre de grandeur de 300€, et sinon, le seul autre produit du genre qui semble exister sur le marché est le TruSpeed qui coûte environ 10× plus cher. Je suis assez étonné qu'il n'y ait pas plus de produits disponibles (avec des prix intermédiaires entre les deux que je viens d'évoquer) pour quelque chose d'aussi évident que « mesurer une vitesse ».

La question se pose aussi de savoir à quel rythme prendre des leçons dans ces conditions. L'auto-école prétend qu'on ne progresse pas si on ne fait pas plus (comprendre strictement plus) qu'une séance par semaine, mais évidemment, l'auto-école n'est pas une partie complètement neutre dans l'histoire. Mais avec les cours que je dois enseigner en ce moment, et avec le peu d'heures de soleil dont on dispose en cette saison, il m'est très difficile de placer (strictement) plus qu'une séance par semaine. Peut-être que j'aurais dû m'y prendre à un autre moment de l'année !

*

Ajout : J'ai fini par y arriver.

*

Ajout () : Une remarque faite en commentaire me rappelle quelque chose que j'avais initialement l'intention d'écrire dans cette entrée le contenu du paragraphe suivant, et que j'ai oublié. Je l'ajoute donc maintenant :

Je me demande à quel point le parcours lent du permis moto serait facile ou difficile à faire à vélo (les parcours rapides sont manifestement assez difficiles puisqu'il faut monter à 50km/h). Je serais assez curieux d'essayer, mais je ne sais pas bien comment faire (il faudrait soit trouver 18 cônes et 4 piquets… et un vélo, que je n'ai pas vraiment envie d'acheter exprès pour, soit convaincre mon auto-école de me laisser faire le test sur leur piste, mais ça ne résout toujours pas le problème de trouver un vélo, et y aller en vélib est un peu chiant).

*

[Disposition 1, parcours lent]Il reste encore quelques points sur les règles de l'épreuve qui ne sont pas franchement claires pour le maniaque de la précision que j'ai tendance à être. Par exemple, les moniteurs m'ont dit que dans la partie du parcours lent située entre les quatre piquets (le point (3) sur l'image toute moche ci-contre), la moto doit rester dans le rectangle que ces quatre piquets délimitent : je suppose qu'ils n'ont pas inventé ça, mais je ne trouve aucune règle officielle, ni dans l'arrêté définissant l'épreuve ni dans le guide d'évaluation, qui confirme ce point : du coup, je me demande comment cette information circule (et dans quelle mesure les inspecteurs sont cohérents entre eux). Ce n'est pas normal que l'épreuve comporte des règles non écrites[#9]. Et ce n'est pas une question purement théorique, parce qu'on prend de la distance donc du temps à faire une trajectoire courbe dans cette partie.

[#9] Cependant, il est probablement difficile de se débrouiller pour passer l'épreuve et d'échouer juste à cause de ça, et de porter l'affaire devant les tribunaux administratifs (surtout qu'on n'aura aucune trace écrite de ce qui se sera passé). En tout cas, je vais plutôt faire confiance à mes moniteurs de moto qu'à ma capacité à saisir le Conseil d'État.

A contrario, mes moniteurs prétendent que sortir du terrain, ou peut-être seulement faire sortir la roue avant, n'est pas pénalisé en début de parcours (c'est intéressant pour franchir la deuxième porte — celle marquée (6) sur l'image ci-contre, d'amener la roue avant au-delà, pour revenir un peu en arrière en la prenant) : là non plus, je ne vois pas d'explication claire à ce sujet dans les textes officiels (il y a la phrase sortie de terrain : correspond à la sortie des limites du terrain matérialisées sur le sol par une bande de peinture de 10cm de largeur ; effectivement, on peut interpréter ça en pensant que sortir du terrain ailleurs qu'au niveau des limites matérialisées n'est pas une erreur, mais on peut aussi interpréter ça en pensant que la sortie du terrain est toujours une erreur, les limites étant indiquées par la bande de peinture là où elle existe, mais étendues en rectangle à tout le terrain).

De même, il y a la question du demi-tour avec arrêt (au point marqué (4) sur l'image ci-contre, qui n'est plus à jour parce qu'il y a maintenant trois bandes pointillées parallèles, celle qui figure sur l'image et deux autres de part et d'autre à 80cm de distance, c'est-à-dire passant par le cône et le repère symétrique qui sont bien sur l'image). Forcément, quand on demande de faire un arrêt, on a le droit de poser le pied au sol : mais les circonstances exactes où le pied au sol est autorisé ne sont pas tout à fait clairs. Après l'arrêt, on a le droit de poser le pied jusqu'à 80cm après la ligne médiane (c'est-à-dire jusqu'à une ligne qui manque sur le dessin ci-contre, mais qui passe par un cône qui y figure) : l'arrêté dit du départ en (4), jusqu'au franchissement par la bande de roulement de la roue avant (point de contact au sol) de la ligne située dans l'axe du cône : […] un pied posé dans cette zone, même après le franchissement par la bande de roulement de la roue avant de la ligne, ne sera pas pris en compte. Mais avant l'arrêt complet, c'est moins clair, l'arrêté ne dit rien, tandis que le guide d'évaluation dit que l'arrêt étant progressif, et non instantané, le ou les pieds posés à cette occasion [du demi-tour] ne doivent pas être considérés comme des erreurs, ce qui n'est pas totalement limpide. Mes moniteurs (qui commencent à en avoir marre de mes questions) prétendent qu'on peut poser tous les pieds qu'on veut dès qu'on commence à tourner.

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