(Lun. 3/8/92) L'orage menace : bientôt il fera si sombre que la blancheur du Vittoriano ne se verra presque plus. Je suis arrivé juste à temps… Voilà, les premières gouttes, les grondements du tonnerre : tout ça est si bien réglé, si rassurant… J'aime ces sons, j'aime la voix du ruissellement de l'eau tiède quand on est à l'abri. J'écris aujourd'hui depuis la terrasse couverte de ce café si spécial que j'ai déniché mercredi dernier. Cette fois, c'est Frank Sinatra qui fait la musique d'ambiance. Mezza voce : atmosphère cozy. Je suis le seul client. Le patron (enfin, je pense que c'est le patron, un quadragénaire bedonnant, caricature du Romain gentiment bourru) est mi-assoupi devant un téléviseur vieillot qui projette les images, sans le son, de la Rai Uno (on voit Borsellino et Falcone…). Ah, un autre vient de trouver refuge ici — c'est vrai qu'il pleut maintenant très fort. Je le décris un peu : cheveux blonds, très bouclés et assez longs, yeux bruns (je crois, j'ai peut-être mal vu), dans les vingt, vingt-deux ans. Beau, très beau, même :
comme un rêve de Michel-Angej'ai envie d'écrire ; il aurait pu servir de modèle pour le David. Il a un accent quand il commande un espresso. Anglais, peut-être ? Je vais me lever et tenter d'engager la conversation.