David Madore's WebLog: Débriefing d'un échec au permis moto

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(mercredi)

Débriefing d'un échec au permis moto

J'écris cette entrée pour me défouler. Mes réactions spontanées quand je suis furieux contre moi-même après un échec sont variées mais toutes contre-productives : me recroqueviller dans mon coin pour bouder que le monde est vraiment trop zinjuste, répéter avec acharnement la chose qui a échoué [lorsque ça a un sens] comme si le monde devait finir par me donner raison, tout abandonner, m'auto-flageller en me traitant de dernier des nuls, voire, chercher à me faire du mal pour me punir, ou au contraire faire comme si rien ne s'était passé et que je n'avais jamais voulu essayer de faire la chose sur laquelle j'ai échoué — ou parfois tout ça successivement dans un ordre varié, voire, simultanément. (Je suppose qu'il y a une correspondance avec les étapes du modèle Kübler-Ross.) Je ne suis pas, ce soir, d'humeur, à essayer de faire mieux qu'une combinaison de ces réactions idiotes, mais écrire une entrée dans mon blog a au moins une vertu cathartique. Avant ça, je suis allé faire un tour à la salle de muscu pour calmer mes nerfs : mauvaise idée, parce que, à jouer au bourrin pour passer ma colère, je ne suis pas passé loin de me faire une nouvelle blessure qui n'aurait certainement pas arrangé mes affaires, ni mon humeur. Au moins, à ranter sur mon blog, je ne risque pas de me faire trop mal, juste de passer pour un guignol mais pour ça the train has long left the station. Mon moniteur, lui, m'a conseillé de me bourrer la gueule [sic], mais je ne bois pas, alors à défaut de rant d'ivrogne je vais faire un rant de sobre. (Le but secondaire est que, en écrivant jusqu'à 4h du matin, je serai assez fatigué pour arriver à dormir malgré l'énervement.)

Bref, on aura compris que je me suis loupé en beauté en passant mon permis. J'aurai les résultats officiellement vendredi matin, mais à moins que l'inspecteur se soit trompé et ait appuyé sur le mauvais bouton sur la tablette, il n'y a aucun doute que je suis recalé. Pour faire bref, j'ai perdu tous mes moyens : j'ai fait une faute éliminatoire, essentiellement un refus de priorité, immédiatement en sortant du centre d'examen (et quand je dis immédiatement en sortant, c'est à 65m de la grille), et ensuite les autres erreurs se sont accumulées.

[Bilan d'échec du permis de conduire]Mise à jour () : L'inspecteur m'a mis la note E (éliminatoire) dans la catégorie appliquer la règlementation et 2 dans toutes les autres catégories (plus 2 points au détail, pour un total de 16/27, mais peu importe). Le commentaire est : Refus de priorité à droite entraînant un danger immédiat. Risque de collision. (je suppose que c'est un texte standardisé).

Pourquoi ? Je ne sais pas. C'est d'autant plus irritant que mes trois dernières leçons s'étaient extrêmement bien passées, mes moniteurs n'avaient essentiellement rien à me reprocher, et pareil pour le chemin jusqu'au centre d'examen (il faut bien que des élèves conduisent les motos à Gennevilliers, et je me suis porté volontaire), qui était pourtant sacrément plus problématique que le petit parcours que l'inspecteur m'a fait faire.

Le stress a dû jouer, je suppose. Ça faisait une semaine que je stressais à l'idée de passer ce permis à tel point que j'en dormais très mal, et les deux derniers jours j'en avais aussi l'estomac complètement noué. Comme je le disais à propos du stress dans l'entrée que j'avais écrite après mon passage du permis B il y a un an et demi, ce stress n'est pas évident à expliquer. Après tout, si on gagne quelque chose en réussissant l'examen du permis (à savoir, le droit de conduire), on ne perd rien en le ratant (sauf des frais de présentation qui, franchement, ne sont pas mon souci) ; mais en fait, cet argument est bidon : le stress à l'idée qu'on pourrait ne pas gagner quelque chose est aussi fort que celui qu'on pourrait perdre quelque chose.

J'ai déjà dû l'écrire, mais le piège dans lequel je suis tombé en commençant à apprendre à faire de la moto, en fait, c'est que j'ai découvert que j'aimais ça (alors qu'au début c'était un peu juste une expérience pour voir), et que du coup, maintenant j'ai envie d'en faire, et pour ça, il faut que je le passe, ce permis. (En comparaison, pour la voiture, j'ai juste eu confirmation du fait que je n'aimais pas, donc il est sans doute logique que le stress ait été moins important.) D'ailleurs, plus le temps passe et plus je trouve pénible de conduire une voiture[#0], et c'est le contraire pour une moto.

[#0] Et je commence à me dire que j'ai trouvé mon permis B dans une pochette surprise, parce que non seulement je préfère mais je pense aussi que je conduis objectivement mieux une moto qu'une voiture (mes trajectoires sont plus précises, ma maîtrise de l'embrayage et du passage des vitesses est incomparablement meilleure, je suis beaucoup plus alerte et attentif à ce qu'il y a derrière…). Une moto étant aussi objectivement plus dangereuse pour son conducteur, il est sans doute normal qu'on en demande plus, mais le fait est que j'aurais commis les mêmes fautes au permis B et sans doute encore d'autres.

Le truc avec le stress, c'est qu'il sera forcément bien pire la fois suivante.

Bon, et en fait il y a vraiment des choses qu'on perd. On perd l'argent qu'on va mettre pour prendre les leçons pour aller quand même jusqu'au bout (au nombre astronomique d'heures où j'en suis je préfère ne vraiment pas réfléchir à combien tout ça m'a coûté). Mais aussi le temps que ça va prendre de le repasser, et je crois comprendre[#] que les auto-écoles traînent particulièrement les pieds pour les nouvelles présentations après un échec parce qu'elles ont très peu de places pour ça (et donc on perd quelque chose après un échec au permis, c'est le droit à être considéré comme « première présentation » du point de vue de l'attribution des places aux auto-écoles). Et accessoirement, on perd la face à avoir échoué à un examen qui a 92% de réussite et que personne ne rate jamais (vous connaissez quelqu'un qui a échoué au permis moto ? non, c'est normal, ça n'arrive jamais). Et à devoir expliquer à tout le monde comment on a pu se planter à une priorité à droite. Bon, tout ça ce ne sont pas forcément des motifs de stress a priori, mais des motifs de colère a posteriori certainement.

[#] Je crois comprendre, parce que, comme personne ne rate ce permis, personne ne parle non plus de ce qui se passe quand on le rate ou des délais pour le repasser. Un point Google-fu en chocolat à celui qui arrivera à trouver un témoignage raisonnablement récent de quelqu'un ayant passé le permis A2, ayant échoué, et qui raconte combien de temps il a dû attendre ensuite pour le représenter : moi, en tout cas, je n'ai rien trouvé de la sorte.

Alors voilà, pour en dire un peu plus sur le fond : nous étions trois candidats de l'auto-école à la circulation ce jour-ci. Nous sommes donc partis à cinq (les trois candidats, le moniteur-accompagnateur et l'inspecteur, un candidat sur la moto à tour de rôle et les autres dans la voiture avec le moniteur qui conduisait et l'inspecteur qui guidait) sur un trajet en boucle, dont j'ai fait la première partie. Le parcours qu'on m'a fait faire est celui-ci, de Gennevilliers à Argenteuil. (Je prends la peine de le mettre en ligne parce que ça m'agace à quel point il est difficile de trouver des exemples de vrais parcours suivis lors des épreuves de circulation du permis : les candidats ne font jamais l'effort de retracer précisément le leur.) Florilège d'erreurs, donc :

  • Juste en sortant du centre d'examen, j'arrive à cette intersection ; j'arrive par le sud, c'est-à-dire par la gauche de cette photo Google Street View, et j'ai pour consigne de tourner vers la gauche, c'est-à-dire vers l'ouest, c'est-à-dire vers le fond de la photo : d'autres voitures arrivent en face (du nord, donc de la droite de la photo) et elles veulent elles aussi tourner à gauche. Notons que le carrefour est « à l'indonésienne » sur la voie principale (est-ouest) : moi et les voitures en question sommes transverses à cette voie, donc nous devons nous tourner autour. (Je me rends compte que les descriptifs des carrefours à l'indonésienne omettent toujours de parler de ce qui se passe quand on vient de la direction transverse.) Je me suis, correctement mis sur la voie la plus à droite (i.e., la plus au nord de l'axe est-ouest, à droite sur la photo et orienté vers le fond), mais ensuite, j'ai trop avancé. (Les deux rues nord-sud ne sont pas coaxiales, ce qui peut expliquer mon erreur.) Je n'ai pas obligé de voiture à s'arrêter, mais je pense qu'elles ont dû modifier leur trajectoire pour passer plus à droite (pour elles). L'inspecteur m'a dit dans l'oreillette : Monsieur, je vous rappelle que quand vous tournez à gauche vous devez céder le passage aux véhicules arrivant en face, ce qui signifie, en fait, vous venez de faire un refus de priorité, c'est éliminatoire. Mais sauf problème de sécurité grave, l'épreuve doit être menée à son terme même en cas de faute éliminatoire.
  • Deux fautes moins graves mais néanmoins significatives immédiatement après. D'abord, l'inspecteur me donne la consigne de suivre Gennevilliers, et quand j'arrive ici, je vois le panneau annonçant Gennevilliers avec une flèche vers la gauche et je mets un clignotant à gauche ; mais en fait, le panneau est pour l'intersection suivante (pour l'endroit même, il aurait été en forme de flèche) ; j'ai coupé mon clignotant, mais c'est une faute de mettre un clignotant à tort. Ensuite, ici je devais prendre à gauche (pour Gennevilliers, donc) et je me suis placé sur la voie tout à gauche plutôt que la voie la plus à droite parmi celles qui autorisent à aller à gauche : ça aussi c'est considéré comme une faute.
  • Ensuite j'ai pris l'autoroute, je crois que je n'ai pas fait de faute particulière à cette occasion. J'ai commencé à faire un dépassement mais je n'ai pas eu le temps avant la sortie et j'y ai renoncé, mais ça ce n'est pas considéré comme une faute.
  • En sortant de l'autoroute (l'inspecteur m'avait demandé de suivre Enghien-les-Bains), j'ai mis mon clignotant à droite pour sortir (ici), puis je l'ai laissé pour une sortie dans la sortie (ici), et j'ai dû le couper environ ici une fois que j'étais sur la voie de droite. Mais en fait, arrivant ici, j'aurais dû laisser, ou remettre, mon clignotant droit, parce que je rejoins l'axe principal en tournant à droite : l'inspecteur m'a dit n'hésitez pas à signaler votre direction, et c'est encore une faute.
  • Ensuite, ici, je me suis arrêté, et sans doute un peu brutalement, pour un piéton, alors qu'il avait un feu piéton rouge (le piéton n'a d'ailleurs pas traversé). Comme le passage piéton était assez loin derrière mon propre feu vert et que ce dernier n'avait pas de passage piéton à son niveau, je n'avais pas fait le lien. (Bizarrement, là, l'inspecteur n'a pas fait de commentaire.)
  • Après un petit tour où je crois ne pas avoir fait de faute, l'inspecteur m'a fait revenir par ici : c'est une priorité à droite, donc je suis prioritaire sur les voitures arrivant de la gauche, mais je me suis arrêté sans m'imposer jusqu'à ce qu'il y ait un trou dans la circulation venant de gauche. (En fait, là je peux faire un reproche à nos moniteurs : ils attirent beaucoup notre attention sur les priorités à droite dans la situation « je circule sur un axe important et il y a une petite rue sur la droite dont il faut se méfier parce qu'elle est prioritaire » mais ne nous ont essentiellement jamais mis dans la situation où on vient, justement, de cette petite rue et où il faut se rappeler qu'on est prioritaire dans un sens et oser s'imposer — en vérifiant qu'on peut le faire et qu'on est bien vu — sur les voitures venant de la gauche.) Là non plus, l'inspecteur n'a pas fait de remarque.
  • Et l'humiliation finale : j'étais arrêté à ce feu, l'inspecteur me dit de tourner à droite à l'intersection, et je mets mon clignotant à droite sans prendre garde au fait qu'il y avait un sens interdit. Bon, là, l'inspecteur n'avait pas le droit de me faire ce coup : les textes sont clairs sur le fait qu'on ne doit pas demander au candidat quelque chose d'interdit (on peut lui demander tourner à droite dès que possible, par exemple, mais pas tournez à droite à l'intersection si c'est interdit) ; je pense que c'était une erreur de direction de sa part, et de fait, rapidement après il a dit continuez tout droit (j'ai coupé mon clignotant et en fait c'était à l'intersection suivante qu'il s'agissait de tourner), mais que ce soit une erreur de l'inspecteur ou une façon (interdite) de me tester, le candidat qui est prêt à tourner dans un sens interdit n'incite pas à la clémence pour ses fautes précédentes.

Je pense que l'inspecteur a décidé d'arrêter les frais et a mis terme à ma partie de l'épreuve plus tôt que prévu : je n'ai pas noté exactement quand j'étais parti, mais ça devait être environ 13h45, et j'ai fini à 14h00 alors que l'épreuve est censée durer 25min de conduite effective, et, de fait, les autres candidats après moi m'ont semblé circuler plus longtemps. (J'étais trop occupé à pleurer dans mon coin pour noter le trajet qu'ils ont fait, c'est bête ; mais je sais qu'on est partis en direction du Plessis-Bouchard et de Saint-Leu-la-Forêt et revenus à la fin par l'A15 et le port de Gennevilliers.)

Une fois de plus, je ne comprends pas la mauvaise réputation qu'ont les inspecteurs du permis de conduire. Celui auquel j'ai eu affaire aujourd'hui (et c'est la troisième personne de cette profession que je vois, donc) était d'un professionnalisme irréprochable (sauf si la consigne de tourner à droite sur un sens interdit était volontairement donnée pour me piéger) ; en tout cas, il a bien respecté la consigne officielle de rester parfaitement neutre dans sa façon de s'adresser aux candidats.

Quant à mon moniteur, il a pour principe de ne pas émettre d'avis sur les examens auxquels il assiste, pour ne pas donner de fausse bonne ou mauvaise nouvelle. Je peux comprendre ça. Ce qui m'agace plus, c'est qu'il pousse le principe à refuser que je m'inscrive à des nouvelles heures de conduite jusqu'à ce que j'aie le résultat officiel de l'examen d'aujourd'hui. (Et j'ai eu beau lui dire que je voulais bien m'engager à faire et à payer ces leçons même dans le cas où je serais inexplicablement reçu, il n'en a pas démordu.)

Bon, au moins ça me laisse l'occasion de me poser la question de savoir si je veux continuer dans cette auto-école ou essayer d'en trouver une autre. (Je n'ai pas spécialement à me plaindre de mon auto-école — les moniteurs me semblent plutôt bons, les motos sont neuves, et elle a l'avantage d'être au bout de ma rue — mais elle est un peu victime de son succès, et du coup les disponibilités pour les cours ou les examens sont toujours problématiques.) Si quelqu'un a des conseils à cet égard, je suis preneur.

PS / Ajout : Pour répondre indirectement à une remarque qu'on m'a faite, bien sûr que je ne suis pas le premier à rater un permis ; c'est déjà plus compliqué d'en trouver qui se font éliminer au bout de 65m ; mais réussir cet exploit après 112 heures de formation, ça demande un degré de nullité sans doute assez concurrentiel.

Mise à jour : J'ai quand même fini par l'avoir.

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