Bon, je reconnais franchement que j'écris cette entrée-ci parce que nous sommes le 30 avril et que si je n'en publie pas en avril mon moteur de blog va générer une page de mois vide et ce sera tout moche. (Là il est même minuit passé, c'est-à-dire que nous sommes le 1er mai, mais je m'autorise à date une entrée d'un jour donnée jusqu'au moment où je me couche.) Je me suis demandé si j'allais écrire un billet avec juste du lorem ipsum mais ce serait quand même vraiment abusé alors je vais juste en mettre comme titre. À la place, je vais faire un petit tour de quelques choses que je n'ai pas écrites ou faites, et que vous n'allez pas lire parce que le titre vous aura donné l'impression que c'était juste du remplissage.
J'avais commencé il y a plusieurs semaines à écrire un texte sur l'utilitarisme, un principe que dans la pandémie en cours nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de refuser, et donc pour me plaindre de tous ces gens qui affirment que c'était clairement la bonne décision de confiner le pays il y a un an, ou qu'il faudrait recommencer comme l'an dernier, mais qui sont incapable de (ou refusent de) répondre à la question d'à partir de combien de morts évités — au moins en ordre de grandeur — ils pensent que le confinement est une bonne option. (Le plus souvent est qu'ils mettent en avant des principes selon lesquels la vie humaine n'a pas de prix, ce qui rend alors inexplicable le fait qu'on n'applique pas le même remède à chaque épisode grippal. Ma réponse personnelle à la question que je viens d'énoncer est que deux mois de confinements de 67M de personnes sont justifiables s'ils sauvent au moins quelque part entre 100 000 et 1 000 000 de vies, je justifie le chiffre bas ici par une expérience de pensée et le haut par un calcul du nombre de personnes·années perdues ; dans les deux cas je ne crois pas une seule seconde à un tel bénéfice.) Mais en fait, écrire tout ça me fatigue au plus haut point, donc j'ai abandonné en route.
J'ai aussi voulu écrire une suite à mon billet sur le SIR hétérogène pour expliquer ce qu'on peut dire, mathématiquement, dans le cadre de SIR à deux (ou en fait N) variants, avec une distribution quelconque de susceptibilité jointe entre les deux variants (c'est-à-dire notamment qu'on peut les supposer corrélées, ou indépendantes, ou n'importe quoi entre les deux). En fait, il n'y a pas grand-chose à dire de plus par rapport au cas d'un seul variant, si ce n'est qu'on ne peut pas éliminer les variables f (maintenant au nombre de deux) en valeur de s et qu'il n'y a plus de calcul simple du taux d'attaque. Un résumé succinct est ici, un choix raisonnable de distribution jointe de susceptibilité est évoqué ici, et quelques illustrations numériques sont données dans ce fil ainsi que ceux qu'il cite (oui, c'est Twitter, donc c'est un peu confus avec des références qui se croisent dans tous les sens), et le code Sage pour les reproduire est là (parce que moi, contrairement aux épidémiologistes-modélisateurs français, je montre mon code… ce serait d'ailleurs intéressant de le réécrire en JavaScript pour avoir une page interactive permettant de simuler des évolutions d'épidémie en jouant avec les paramètres). Ceci étant, l'aspect mathématique n'étant pas énormément plus intéressant que le cas d'un seul variant, et comme mon billet à ce sujet n'a pas l'air d'avoir passionné les masses, je ne me sentais pas terriblement motivé pour faire une resucée à deux variants.
Sauf peut-être à ranter sur l'obstination assez impressionnante à laquelle les épidémiologistes-modélisateurs[#] persistent à ignorer toutes les formes d'hétérogénéité dans leurs modèles et ne semblent pas se rendre compte que c'est là faire une hypothèse extrêmement forte sur l'épidémie, qu'ils ne prennent même pas la peine de justifier ou défendre — et ça devient encore plus aberrant quand il y a deux variants en jeu, parce que leur dogme d'homogénéité les conduit à penser que forcément la surcontagiosité d'un variant sur un autre est une constante, ce qui est maintenant clairement réfuté par l'observation, et pourtant ils continuent à répéter les mêmes chiffres devenus presque absurdes avec l'obstination d'une pendule arrêtée.
[#] J'utilise ce terme pour parler de gens comme Neil Ferguson ou Simon Cauchemez, par opposition à d'autres comme, disons, Pieter Trapman, qui semblent avoir compris la futilité des modèles prédictifs et font tout autre chose.
Pour expliquer un minimum de quoi il est question : si on a deux variants d'une même maladie, et si les personnes susceptibles à l'un et à l'autre ne sont pas parfaitement corrélées, chacun va infecter en premier les personnes relativement plus susceptibles à ce variant, et notamment, si un variant est globalement plus infectieux que l'autre, il va réduire son propre avantage en infectant (donc en immunisant) en premier les personnes plus susceptibles à lui. (C'est donc la variante relative entre deux variants du phénomène que j'avais évoqué dans le billet précédent sur un seul variant — et de nombreuses fois avant — que l'hétérogénéité de susceptibilité réduit le taux d'attaque ou le seuil d'immunité collective d'une épidémie en immunisant en premier les personnes les plus susceptibles : ici, dans cette forme relative, elle conduit à réduire l'avantage d'infectiosité du variant plus infectieux.) Les expériences numériques liées ci-dessus montrent que c'est mathématiquement possible, et cela colle assez bien, au moins dans les grandes lignes, à ce qu'on observe dans le cas de la covid où les variants qui semblaient terriblement plus infectieux au début ont fait pschittt dès qu'ils ont atteint une proportion relativement importante des infections, donc c'est une possibilité sérieuse pour expliquer ce phénomène, mais les épidémiologistes-modélisateurs continuent obstinément à faire des modèles où ils prennent une surinfectiosité constante dans le temps, qui donnent donc des prévisions apocalyptiques.
Et surtout, ce qui est épatant, c'est que cela revient aussi à nier un des faits fondamentaux de la biologie, qui est que la sélection naturelle des mutations tend à sélectionner non pas une adaptation absolue et générale (il n'y a pas, dans la biosphère, un organisme qui soit le plus apte de tous dans un sens absolu, ça n'a pas de sens) mais une adaptation à une niche particulière. Donc au lieu de s'imaginer que le variant machin-truc a trouvé une façon d'être plus infectieux dans l'absolu, on devrait plutôt commencer par s'imaginer qu'il a trouvé, au sein de la population humaine, une niche qui n'avait pas encore été colonisée, exactement ce dont je parle. (Pour que l'effet mathématique que je viens d'évoquer fonctionne, il n'y a pas besoin que cette niche soit spécialement identifiable comme « les jeunes » : cela pourrait être une obscure mutation génétique dans les récepteurs ACE-2 qui ferait que tel variant serait plus adapté à infecter telle sous-population — cela suffirait à changer complètement la dynamique de l'épidémie.)
Plus généralement, j'ai fait un petit fil sur quelques unes des hypothèses que ces épidémiologistes-modélisateurs prennent sans le dire (ce dont je viens de parler est essentiellement l'item Ⓒ de cette liste), qui vient un peu compléter ce que j'avais dit il y a quelques mois (où je parlais surtout des items Ⓐ/Ⓑ et Ⓔ). Tout ça commence à faire beaucoup et je ne comprends pas qu'on continue à écouter tellement ces gens qui se trompent de façon répétée, dont on peut tout à fait expliquer pourquoi ils se trompent, et qui persistent à refaire les mêmes erreurs. Et quand leurs prédictions ne se réalisent pas, au lieu d'en conclure qu'ils ont eu tort, ils en prétendent transformer leurs erreurs en nouvelles découvertes. Je ne comprends vraiment pas comment on peut en arriver à un tel niveau soit d'incompétence soit d'imposture scientifique. (Je ne sais pas duquel il s'agit. J'avait été absolument sidéré par un article de Libération censé défendre Simon Cauchemez et qui finalement produisait pas mal l'effet contraire.) Notons que, par contraste, la vie doit être vraiment dure pour ceux qui ont gardé leur intégrité scientifique et dont, par conséquent, on n'entend pas le nom.
Je voulais aussi écrire un article sur les masques, pour changer un peu des confinements. Essentiellement je m'y serais lamenté de la manière dont la polarisation extrême autour de cet objet devenu une sorte de badge de vertu ou objet de rejet, à conduit à abandonner toute rationalité et tout sens de la nuance. Notamment, en imposant le port du masque même dans des circonstances où il ne sert vraiment à rien (en plein air quand il n'y a pas foule), non seulement on diminue son efficacité là où il sert vraiment (en intérieur, surtout quand il s'agit de parler face à face avec quelqu'un), sur le plan technique (parce que le masque porté trop longtemps finit par s'humidifier et perd de son pouvoir filtrant), mais aussi, on alimente la sensation de rejet à son égard, que je finis par ressentir moi-même alors que j'en portais dès mars 2020 (j'avais un stock que j'avais acheté pour une période grippale passée), donc on ne peut vraiment pas m'accuser d'être anti-masque[#2]. La situation actuelle, où le masque est obligatoire partout en Île-de-France, est de la pure idiotie, et conduit soit à ce que les gens ignorent tout simplement les règles, et je la tiens pour largement responsable du fait que ce soit de moins en moins respecté en intérieur, ou alors qu'ils le portent sous le nez, là où ça ne sert à rien sauf justement à humidifier le masque. (Et ça m'énerve encore plus de me retrouver moi-même à porter le masque sous le nez.) Et en parallèle de ça, le message de bien aérer les lieux intérieurs, ce qui est sans doute un million de fois plus utile que celui de porter le masque à l'extérieur, ne passe pas du tout.
[#2] En plus de ça, je dois aussi avouer que je trouve ça assez sexy, le masque (quand il n'est pas à fleurs, parce que, vraiment le masque à fleurs, c'est trop moche). Ça fait mieux ressortir le regard, quand c'est bien porté ça cache le nez qui n'est vraiment pas la partie du visage que je préfère, et puis ça donne un petit air de ninja qui me plaît tout à fait. Bref j'ai l'impression qu'il y a plus de garçons plaisants à regarder depuis que plein de gens portent le masque. Bon, le problème c'est que j'ai moi-même tellement de buée sur les lunettes à cause de mon propre masque que je ne peux pas les regarder. Ou peut-être que la buée contribue aussi au côté mystérieux ?
Bon, mais la vérité c'est aussi que j'en ai surtout marre, pas seulement du covid, mais aussi de parler de covid, d'épidémiologie ou de confinements et de toutes ces conneries. Il y a beaucoup de gens qui se sont mis à me suivre sur Twitter à cause de ça, mais fondamentalement, le sujet me fait chier (à part que j'ai enfin appris à quoi pouvait servir la transformée de Laplace, ça je suis content).
J'aurais plutôt envie de parler, par exemple, de balades en forêt, vu que le poussinet et moi avons décidé qu'il était hors de question de nous laisser cette année de nouveau voler notre printemps par des règles d'absurdistan autoritaire dont on espère qu'elles rentreront dans l'histoire comme une sorte de délire collectif. (Il faut quand même se rappeler qu'il y a un an, la France a fermé ses forêts avec du rubalis, prenez un peu conscience du degré monumental de stupidité que ça représente. Les confinementistes sont bizarrement assez muets là-dessus : ils aiment bien défendre des idées générales toujours très vagues, mais ils se gardent bien de dire si leurs programmes impliquent de pareilles idioties, ou bien, si ce n'est pas le cas, où ils se cachaient l'an dernier pour dénoncer de pareilles absurdités. En vérité, soit on trouve normal qu'en mars 2020, pour lutter contre un virus qui se transmet dans les lieux clos, on ait interdit de faire de grandes promenades dans la nature, et alors on est irrémédiablement crétin, soit on pense qu'une limitation à 1km est conciliable avec de grandes promenades dans la nature, et alors on est irrémédiablement crétin pour une raison différente : mais s'il y a moyen de défendre cette mesure sans être crétin, je veux bien qu'on me l'explique. Alors certes 10km c'est 100 fois mieux que 1km, mais même 100 fois moins con ça reste profondément con : que ce soit 1km ou 10km, ceux qui défendent ces mesures semblent ne toujours pas avoir compris qu'en se baladant en plein air on ne risque essentiellement rien et qu'il faut au contraire encourager les gens à le faire le plus possible, au lieu de limiter les déplacements. Le fait de devoir ajuster nos déplacements en fonction des contrôles de flics signalés sur Waze reste stressant et usant, et il faut vraiment être assez idiot pour penser que ce petit jeu remplit une fonction utile.)
Bref, nous nous sommes beaucoup baladés en forêt, et cette année j'ai fait l'effort de regarder un peu plus attentivement de quelle manière les arbres sortent de leur hibernation. Les châtaigniers et les hêtres sortent leurs feuilles avant les chênes, par exemple, et cette observation permet de se rendre compte de la répartition de ces essences, par l'aspect plus ou moins vert de différentes parties de la forêt. Mais il y a, bien sûr, aussi des variations locales dues, je suppose, à l'ensoleillement. Toujours est-il que c'est peut-être en ce moment qu'il est le plus intéressant de se promener en forêt, parce qu'on a de la variété entre des endroits qui sont encore tout gris et endormis, et d'autres qui semblent bouillonner de vie.
J'ai aussi découvert de nouveaux endroits que je ne connaissais pas, ou plutôt découvert à pied des endroits que je ne connaissais qu'à moto : le poussinet et moi avons parcouru la vallée de la Mérantaise, de Gif-sur-Yvette à Magny-les-Hameaux, par exemple, je savais que la route était jolie, mais je ne m'étais pas rendu compte à quel point les possibilités de balade autour étaient nombreuses et agréables. Nous avons aussi parcouru les forêt de Méridon et bois du Vossery entre Choisel et Chevreuse, qui n'avaient l'air de rien sur la carte mais qui sont vraiment très jolis aussi. Mais surtout, un peu plus tôt, j'ai découvert les coteaux de l'Yvette du côté de Maincourt et les bois autour de l'abbaye des Vaux de Cernay (je connaissais l'abbaye, mais pas les bois autour), qui sont sublimes. (Le bois autour des Vaux de Cernay sont de ces endroits où je n'ai pas pu aller ces derniers temps, d'ailleurs, parce qu'il semble qu'il y a toujours des contrôles de flics vers Cernay, que je soupçonne d'être destinés à faire du chiffre avec les nombreux motards qui se baladent dans le coin.) Je retiens que les forêts situées sur les coteaux de rivières, avec leurs petits sentiers sinueux, sont un endroit très agréable et qui change des forêts toutes plates entrecoupées de routes forestières tirées au cordeau.
Parlant de moto, je devrais bientôt passer la formation « passerelle » qui permet de demander le permis A (sans limitation de puissance), ce qui est possible à partir de 3 mois avant les 2 ans suivant l'obtention du permis A2 (i.e., 21 mois après, mais le permis A lui-même ne sera délivré que 2 ans après le A2). Pas que j'aie tellement envie (ni encore moins besoin) d'une moto plus puissante pour la puissance en elle-même, mais j'avoue que depuis un moment je lorgne assez sur la Yamaha Tracer 9 GT qui devrait plus confortable (y compris pour un éventuel poussinet comme passager) que le roadster (Honda CB-500F) que j'ai.
Changeant complètement de sujet, j'ai donné mardi dernier un exposé dans le cadre des stages LIESSE de Télécom Paris à destination des enseignants en classes préparatoires, sur les langages formels (langages rationnels et automates finis, langages algébriques et grammaires hors-contexte), suite à l'introduction de nouveaux contenus dans les programmes de prépa (à commencer par une nouvelle filière, MPI, avec un véritable enseignement de l'informatique). Comme la partie « langages formels » des programmes en question ont été au moins partiellement influencés, via un collègue qui a siégé à la commission des programmes, par le cours que je donne sur le sujet à Télécom (dont voici les notes), on m'a logiquement demandé d'assurer un stage là-dessus. Mes slides sont ici, et les vidéos de l'exposé lui-même (donné à distance, évidemment, contexte sanitaire oblige) sont ici pour les 2h du matin (où je suis malheureusement allé trop lentement) et ici pour les 2h de l'après-midi (où j'ai malheureusement dû aller trop vite parce que je n'en avais pas fait assez le matin). Faire cet exposé m'a beaucoup aidé à comprendre le sujet (notamment les multiplicités, qui est ce que j'ai voulu expliquer de plus par rapport à mon cours à Télécom ; et qui reste, malheureusement, un chouïa insatisfaisant parce que la notion de semi-anneau est une notion assez pourrie mais surtout parce que l'étoile de Kleene ne semble pas devoir donner une structure algébrique agréable comme on voudrait parce qu'elle n'est pas définie partout[#3]). En plus, au passage, j'ai appris le théorème de Skolem-Mahler-Lech, que je ne connaissais pas, et aussi le fait que le produit terme à terme (« produit de Hadamard ») de deux séries formelles rationnelles est rationnelle, ce que je ne savais pas non plus.
[#3] Cet article est ce que je trouve de plus agréable, ou plutôt de moins désagréable, comme cadre d'étude. Mon collègue spécialiste du sujet Jacques Sakarovitch défend l'idée de traiter x* comme vraiment la limite 1 + x + x² + x³ + ⋯ pour une certaine topologie (qui doit être donnée en même temps que le reste de la structure) ce qui a l'avantage de permettre d'affirmer (½)* = 1 sur les réels, par exemple, mais ça implique d'avoir une topologie et du coup de renoncer à voir (K,0,1,+,⋅,•*) comme une structure du premier ordre. Et c'est encore pire avec les grammaires hors-contexte (avec multiplicité), pour lesquelles il ne semble vraiment pas y avoir de condition sympathique pour dire qu'elle définit une série algébrique.
Bon, en fait, c'est pas mal comme façon de traiter les sujets, le
billet de blog par prétérition (je voulais écrire un billet sur
<X>, qui aurait dit <résumé du billet en
question>
). J'ai bien fait de ne pas me contenter de
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