Je m'étonne moi-même de constater à
quel point la contrariété peut me toucher, et à quel point je perds
facilement la sérénité de l'esprit. Cette histoire de chauffe-eau, que beaucoup de
gens auraient le bon sens de prendre pour un tracas mineur, m'affecte
énormément : pour résumer, j'ai le choix entre accepter l'offre d'un
plombier qui m'arnaque dans les grandes largeurs — j'en suis
conscient et tout le monde en convient — ou bien risquer que mon
ballon actuel se mette d'un instant à l'autre à fuir en grand et
inonde[#][#2] l'appartement. Je fais
finalement le premier choix, mais je m'en suis rendu vraiment malade :
d'être réduit à une pareille impuissance parce que je ne peux pas
supporter l'idée du risque ; et d'être certain que c'est la mauvaise
décision (mais que l'autre décision était aussi la
mauvaise).
Au-delà de cette affaire précise d'eau chaude (qui à ce stade doit lasser mes lecteurs autant qu'elle me pourrit la vie), c'est un problème d'attitude que j'ai en général face aux difficultés : au lieu de savoir les mettre de côté et ne plus y penser quand ce n'est pas nécessaire, je n'arrête pas de les ruminer, je deviens incapable de penser à autre chose, tant que ce n'est pas réglé, à moins de trouver un souci encore plus importante ou éventuellement une joie plus grande (ce qui, en ce moment, n'est pas facile). Bref, c'est un comble que malgré l'éclectisme de mes goûts j'aie tellement de mal à me changer les idées. Voici un élément important à rajouter à mon enfer et mon paradis personnels.
[#] Pourquoi est-ce soudain devenu si urgent ? D'abord parce que j'ai l'impression que son état a empiré de plus en plus vite au cours des derniers jours (cela se devine à l'apparence extérieure et aussi au bruit qu'il fait quand il chauffe ou quand on ouvre l'eau chaude). Aussi parce que je compte partir en vacances la semaine prochaine (je pourrais certes vidanger le chauffe-eau avant de partir, mais je n'oserais pas le remplir en revenant, ce qui voudrait dire vivre absolument sans eau, cf. la note suivante). Certes, c'était une erreur de ma part de laisser les choses en arriver là, mais le chauffe-eau est dans une partie du placard que je n'ouvre normalement jamais.
[#2] Une solution convenable à mes yeux aurait été de vidanger la cuve complètement et de vivre quelque temps sans eau chaude, pendant que je trouve un plombier moins vorace. Las ! les installateurs incompétents ou crétins de ma tuyauterie n'ont pas prévu de vanne permettant de couper l'arrivée d'eau à mon chauffe-eau : donc, pas moyen de le vidanger sans couper complètement l'eau dans l'appartement. (C'est d'ailleurs ridicule, il y a une vanne dans un des conduits connexes au chauffe-eau, mais elle sert à autre chose !) Je ne suis pas convaincu que simplement couper le courant et ne pas utiliser d'eau chaude me protège contre tous les risques.