David Madore's WebLog: Sur l'origine de l'homosexualité

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(jeudi) · Thanksgiving (États-Unis)

Sur l'origine de l'homosexualité

“But he [Leto II] says that the male army was a survival of the screening function delegated to the nonbreeding males in the prehistoric pack. He says it was a curiously consistent fact that it was always the older males who sent the younger males into battle.”

“What does that mean, screening function?”

“The ones who were always out on the dangerous perimeter protecting the core of breeding males, females and the young. The ones who first encountered the predator.”

[…]

“I don't find this a curious theory.”

“You have not heard all of it.”

“There's more?”

“Oh, yes. He says that the all-male army has a strong tendency toward homosexual activities.”

Idaho glared across the table at Moneo. “I never…”

“Of course not. He is speaking about sublimation, about deflected energies and all the rest of it.”

“The rest of what?” Idaho was prickly with anger at what he saw as an attack on his male self-image.

“Adolescent attitudes, just boys together, jokes designed purely to cause pain, loyalty only to your pack-mates… things of that nature.” […] Moneo nodded. “The homosexual, latent or otherwise, who maintains that condition for reasons which could be called purely psychological, tends to indulge in pain-causing behavior—seeking it for himself and inflicting it upon others. Lord Leto says this goes back to the testing behavior in the prehistoric pack.”

(Frank Herbert, God Emperor of Dune)

C'est une théorie remarquable et relativement provocatrice : en clair, l'homosexualité masculine se maintiendrait parce qu'elle aurait une fonction dans la structure sociale de la cellule préhistorique humaine voire pré-humaine (je ne sais pas comment traduire pack : meute ? tribu ? groupe ?), fonction qui devient ensuite l'institution de l'armée, à savoir protéger le centre (« civil ») de la meute, où se trouvent les mâles reproducteurs et les femelles, et défléchir les impulsions sexuelles des (jeunes) mâles non-reproducteurs/gardiens les uns sur les autres.

Théorie évidemment trop simpliste pour être vraie, et en même temps trop jolie (en tout cas c'est mon avis) pour être fausse. Et qui est surtout pleine d'ironie puisqu'on a d'un côté un certain nombre d'armées dans le monde qui continuent à refuser les homosexuel(le)s dans leurs rangs (pourquoi ? je crois que personne n'en a la moindre idée) et d'un autre côté un fantasme homo clairement identifié au sujet de l'armée. Maintenant, je me demande où Herbert est allé chercher tout ça : s'il l'a inventé lui-même, c'est quand même assez impressionnant ; s'il l'a trouvé ailleurs, je voudrais bien savoir où (j'ai le vague souvenir d'avoir croisé la même théorie ailleurs, mais je suis incapable de me rappeler quand ou comment).

Bon, et comme je suis en verve, je vous offre même deux théories fumeuses pour le prix d'une. Voici la seconde (pas incompatible avec la première), que je paraphrase parce que ce sont des mèmes orphelins : je ne sais plus du tout d'où je sors ça ; elle dit ce qui suit. Tous les hommes (la théorie ne parle pas du tout des femmes) sont homosexuels latents : cela fait partie du fonctionnement général et normal de l'émotivité humaine ; seulement, un mécanisme (neurochimique ou psychique) intervient, à un niveau différent, pour défléchir le désir homosexuel en désir hétérosexuel, de façon à faire écran à ce dernier ; ce mécanisme de reconversion soit n'est pas activé (pour une raison non précisée) chez certains individus (qui sont alors homosexuels) soit ne fait pas écran au désir homosexuel chez d'autres (qui sont alors bisexuels) soit s'efface de façon temporaire (homosexualité de circonstance, par exemple lorsque les femmes sont trop peu nombreuses dans le milieu) soit enfin n'apparaît qu'un peu tardivement (périodes d'interrogation pendant l'adolescence, et homosexualité transitoire). Reste à justifier pourquoi on proposerait cette explication bizarre de « reconversion » d'un désir homosexuel en désir hétérosexuel. Premièrement, il est fort douteux que le désir homosexuel et hétérosexuel procèdent de deux phénomènes différents (ne serait-ce que parce qu'ils présentent des similitudes symptomatiques incontestables ; et aussi pour de simples raisons numériques, car si les phénomènes étaient indépendants, le rapport de la proportion de bis sur celle d'homos serait sensiblement égale à celle d'hétéros sur le nombre de personnes n'éprouvant aucun désir sexuel, et apparemment ce n'est pas du tout le cas, puisque la première proportion est de l'ordre de grandeur de 1 tandis que la seconde est très élevée). Deuxièmement, une fois qu'on admet que les deux désirs sont apparentés, il est difficile d'expliquer pourquoi le désir homosexuel apparaîtrait autrement qu'en supposant que c'est le cas de base (car il est plus facile d'expliquer qu'un phénomène — en l'occurrence la reconversion — est normal et est parfois absent, que d'expliquer un phénomène rare sans raison apparente).

On ne peut que finir sur cette fameuse phrase (probablement apocryphe) de Niels Bohr :

Your theory is crazy, but it's not crazy enough to be true.

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