Je ne sais pas qui je préfère entre Madame Clinton et Monsieur Obama, mais j'aimerais bien voir un des deux être élu (en tout cas nettement mieux que le républicain même si je n'ai rien contre les frites), et j'ai peur que leur façon de se faire la guerre profite nettement à McCain. J'imagine bien un scénario dans lequel Obama aurait suscité les espoirs de tout un tas d'électeurs jeunes, indécis, indépendants, qui croiront en sa victoire jusqu'au moment où, finalement, Clinton aurait de justesse l'investiture démocrate, et ces électeur, dépités, ne se mobiliseraient pas et feraient gagner le troisième. Or il ne faudrait pas oublier que la différence de politique entre démocrates et républicains est bien réelle (alors que celle entre Clinton et Obama ressemble quand même plus à une différence de forme et de personnes).
Comme d'habitude, si vous voulez une prévision du résultat, le mieux est encore de faire confiance à la magie du libre marché, i.e. aux gens qui placent leur argent dans l'affaire, donc de regarder chez les bookmakers (il faut apprendre à lire le truc, cependant, parce qu'ils donnent des cotes et pas des probabilités : mais si on décode en termes de probabilités, ça ressemble au moment où j'écris à 47% de chances pour Obama, 33% pour McCain et 20% pour Clinton ; si vous pensez que c'est très faux, pariez sur la personne pour laquelle la proba vous semble le plus sous-estimée, vous aurez une espérance de gain positive et vous rendrez les chiffres plus justes ; on peut aussi comparer avec ce tableau-là, sachant que si les chiffres ne collent pas il y a de l'arbitrage à faire entre les deux). La magie de ce système de prévision, c'est que ça intègre tous les sondages, toutes les analyses d'experts, toutes les intuitions personnelles des gens, et l'expérience des élections passées indique que c'est fiable (tant que les analystes ne se mettent pas eux-mêmes à se baser là-dessus, sinon il y aura des bulles spéculatives).
Je me demande dans quelle mesure le résultat serait différent si on demandait aux électeurs de choisir d'abord entre démocrates et républicains puis à l'intérieur du camp en question ; voire les deux simultanément. C'est là un problème qui rend très difficiles les analyses mathématiques de méthodes de scrutin : non seulement il est notoirement impossible en général de tirer des ordres de préférence individuels un ordre de préférence collectif cohérent mais, pour commencer, les gens n'ont même pas un ordre de préférence cohérent à l'échelle individuelle puisqu'il répondent de façon différente selon l'ordre dans lequel on leur demande de faire les choix (ou, en fait, selon un nombre considérable de paramètres impossibles à analyser correctement).
Dans le même genre, quel aurait été le résultat des élections françaises de 2007 (et, avant, de 2002) si les législatives avaient été placées avant la présidentielle ? Ou si les deux avaient eu lieu simultanément ? On ne saura jamais, vraiment, mais je soupçonne que beaucoup de choses auraient été différentes, jusqu'au rôle conçu des les institutions. (Et c'est ce qui est constamment agaçant avec la démocratie : de voir à quel point les électeurs sont irrationnels et inconstants ; mais bon, je dis sans arrêt que la démocratie doit être imaginée comme un moyen — dont le but est de garantir du mieux qu'on puisse les droits individuels — et pas une fin.)