David Madore's WebLog: Scrutin par arbre

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(vendredi)

Scrutin par arbre

J'ai un intérêt particulier pour les modes de scrutin et d'élection (intérêt qui a été renouvelé en 2002 pour les raisons qu'on sait). Normalement, pour une élection d'une seule personne (par exemple s'il faut envisager une bonne façon d'élire le président de la République, en France), je recommande le scrutin par assentiment (qui consiste simplement à laisser chaque électeur voter pour le nombre de candidats qu'il souhaite — mais au plus une seule fois pour chacun — et à nommer celui qui a le plus de voix) ; en principe je trouve que le scrutin idéal est celui que j'appelle Condorcet-Nash[#], mais il est inapplicable en pratique car trop complexe (et difficile à expliquer) et politiquement inacceptable car elle fait intervenir une part de hasard, donc le scrutin par assentiment me semble être the next best thing. Ce mode de scrutin a néanmoins une caractéristique qui le rend peu souhaitable dans certains contextes : il favorise fortement les centristes.

Voici une autre proposition, à laquelle je n'ai pas sérieusement réfléchi, et qui a probablement des inconvénients majeurs, mais qui n'a pas cette propriété de favoriser le centre, et qui a aussi la vertu de ne pas pénaliser la multiplication des candidats. J'appelle cela le scrutin par arbre (ou éventuellement par post-primaires car il revient à intégrer tout un système de primaires dans l'élection).

L'élection se déroule en trois étapes. Dans la première, les candidats se désignent ; probablement il y a des conditions administratives (du genre, des signatures d'élus à obtenir, si on parle de l'élection du président de la République française), mais cela ne nous concerne pas ici.

La seconde étape est celle des tractations d'alliances. La liste des candidats est maintenant fixée, mais ils ont le droit de former des nœuds, qui sont des sortes d'alliances. Si un certain nombre de candidats sont tous d'accord entre eux, ils peuvent faire enregistrer un nœud entre eux : une fois que c'est fait, ce nœud ne pourra pas être défait. Une fois le nœud constitué, il peut lui-même entrer en alliance (sous condition d'accord de tous les candidats du nœud) avec d'autres nœuds ou d'autres candidats individuels pour former de nouveaux nœuds « au-dessus » du nœud déjà formé ; ou encore des candidats à l'intérieur du nœud peuvent former des nœuds « au-dessous » du nœud déjà formé ; en revanche, il n'est pas permis de former des nœuds entre une partie d'un nœud déjà formé et (tout ou partie d')un autre : autrement dit, il doit toujours y avoir emboîtement entre les nœuds, ou, si l'on veut, mathématiquement, ces nœuds doivent former un arbre dont la racine est fictive et dont les feuilles sont les candidats.

Par exemple, on pourrait imaginer que l'ensemble des candidats de gauche forment un nœud ensemble, et l'ensemble des candidats de droite en forment un autre (évidemment il y aurait des polémiques sur le fait d'inclure ou non l'extrême-droite dans ce nœud !) ; si ces deux nœuds se constituent, il devient possible de former des sous-nœuds entre candidats de gauche ou entre candidats de droite, mais jamais entre certains de l'un et certains de l'autre. On peut aussi certainement imaginer que les candidats d'un même parti (je rappelle qu'un des intérêts du mode de scrutin est qu'il ne pénalise pas un parti qui présenterait plusieurs candidats !) décident de former un nœud, qui pourrait ensuite former des sur-nœuds avec des partis proches. Bref, on a compris le principe.

Cette étape de tractations ne fait pas du tout intervenir les électeurs, uniquement les candidats, qui déposent des actes de formation des nœuds auprès de l'autorité contrôlant l'élection (il faudrait voir si on publie ça immédiatement ou à la fin de l'étape, mais de toute façon cela sera connu). On constitue, donc, un arbre des candidats, partant d'une racine fictive (l'ensemble de tous les candidats), qui a à partir d'elle une branche vers chaque nœud de plus haut niveau, lesquels ont à nouveau des branches vers les nœuds intérieurs, et ainsi de suite jusqu'aux candidats individuels. L'arbre est représenté de façon graphique sur les bulletins de vote qu'on distribue (ou au moins dans le matériel électoral).

L'élection proprement dite, qui est la troisième étape, se fait alors de façon très simple, et en un seul tour : chaque électeur choisit un candidat, et c'est tout. Pour déterminer qui remporte l'élection, on reporte chaque voix à la fois sur le candidat pour lequel elle s'est exprimée mais aussi pour chaque nœud dont elle fait partie, à tous les niveaux jusqu'à la racine de l'arbre (qui reçoit, fictivement, la totalité des suffrages exprimés) ; puis, en partant de la racine, on descend dans l'arbre en choisissant à chaque nœud la branche qui part vers le sous-nœud ayant obtenu le plus de voix. Par exemple, si les candidats X, Y et Z ont obtenu respectivement 25%, 35% et 40% des suffrages exprimés mais que X et Y avaient préalablement formé un nœud, alors ce nœud est crédité de 25%+35%=60% des voix, dont on choisit l'élu parmi ses candidats, et c'est Y qui est élu. On peut aussi dire que cela revient à proposer à l'électeur le choix entre les grandes branches (par exemple, gauche/droite, ou gauche/droite/extrême-droite, ou que sais-je encore), puis, à l'intérieur de la branche qu'il a choisie, entre les sous-branches, et ainsi de suite jusqu'au candidat individuel, et on fait l'élection de la même manière.

Il est certainement vrai (et sans doute critiquable) qu'une part énorme de l'élection tient en fait dans l'étape de tractations d'alliances. D'un autre côté, cela est certainement aussi vrai d'autres systèmes électoraux couramment utilisé. En fait, je pense que ce scrutin par arbre, s'il n'est peut-être pas approprié pour élire une personne, l'est peut-être pour faire un choix entre des décisions à prendre, au nombre de plus que deux (par exemple, si une assemblée doit prendre une décision un peu complexe, on peut imaginer qu'elle voterait avec ce mode de scrutin entre des propositions-candidats, c'est-à-dire des propositions appuyées par un membre de l'assemblée en question qui prendrait les responsabilités de former les alliances dans la deuxième étape du processus que j'ai décrit).

[#] Je décris très sommairement cette méthode de façon à être compréhensible par les mathématiciens : il s'agit pour chaque électeur de définir son ordre de préférence entre les candidats, puis on forme une matrice de gains qui donne au candidat X contre le candidat Y le nombre de voix ayant préféré X à Y moins le contraire ; d'après un théorème de von Neumann, cette matrice a une stratégie gagnante, qui dans le cas typique est unique : on choisit alors le gagnant de l'élection selon la stratégie en question (quitte à tirer au hasard, avec les probabilités qu'elle dicte, si elle n'est pas pure, c'est-à-dire, s'il n'y a pas de gagnant de Condorcet). Cette méthode est optimale exactement en ce sens que la stratégie utilisée est optimale : tout autre mode de scrutin provoque statistiquement plus de mécontents. [Ajout () : ce système est considéré ici.]

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