Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., celle écrite en dernier est en
haut). Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Cette page-ci rassemble
les entrées de la catégorie Films & Cinéma :
il y a une liste de toutes les catégories à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi
rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the latest written is on top).
Some entries are classified into one or more “categories” (indicated
at the end of the entry itself), but this organization isn't very
coherent. This page lists entries in
category Films & Movies: there is a list of
all categories at the end of this page, and
an index of all entries. The
permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
Star Wars, Nathan le Sage et autres ambigrammes sémantiques
✱ Avertissement : ce billet contient, dès le
début, des divulgâchis majeurs sur les deux œuvres mentionnées dans le
titre.
Si je vous raconte une histoire comme ça :
Un jeune chevalier orphelin qui combat un puissant seigneur
rencontre un vieil homme sage qui lui servira de mentor, et sauve une
jeune femme qui a elle aussi été adoptée : il commence à tomber
amoureux de cette dernière, mais plus tard ils découvrent qu'ils sont,
en fait, frère et sœur, et qu'ils sont aussi les héritiers du puissant
seigneur qui n'est, après tout, pas si méchant que ça.
Vous pensez à quoi ?
Bon, évidemment, avec le titre que j'ai donné à ce billet et avec
l'avertissement en tête, ma question n'en est pas vraiment une. Mais
le fait est que j'ai posté la question (certes
le 4 mai et pas par
hasard) sur
Twitter
et BlueSky,
et qu'on m'a répondu, comme je
l'attendais, Star Wars.
En fait, c'est un résumé de la pièce de 1779 de
G. E. Lessing, Nathan
le Sage (Nathan der Weise
puisqu'il n'y a pas de raison que je cite une œuvre dans son titre
original et pas l'autre). Je recommande très vivement cette pièce,
d'ailleurs, qui est à la fois très belle et très amusante et qui vaut
la peine d'être lue (ou vue au théâtre) même maintenant que je vous
l'ai copieusement divulgâchée. Thomas Mann la considérait apparemment
comme un des sommets de la littérature et culture allemandes. C'est
une pièce qui se passe à Jérusalem pendant la troisième croisade, et
c'est une touchante[#]
invitation à la tolérance religieuse (le puissant seigneur est le
sultan Saladin, le vieux sage est le Juif Nathan qui donne son nom à
la pièce, et la jeune héroïne et le jeune héros sont la fille adoptée
de Nathan, Recha, et un chevalier templier), et à la réconciliation en
temps de guerre : raison pour laquelle la pièce est, d'ailleurs, de
temps en temps donnée au moyen-orient avec des troupes formées de
représentants des trois grandes religions abrahamiques. (La pièce est
parfois comparée au Marchand de Venise pour contraster
les représentations du Juif Nathan de Lessing et Shylock de
Shakespeare, ou au contraire pour les rapprocher.) Et si on aime
les coups de théâtre, l'intrigue
est pleine de rebondissements (j'en ai listé quelques uns ci-dessus
mais ce ne sont pas les seuls).
[#] Je suis peut-être
facilement ému, mais il y y a vraiment des passages qui me donnent les
larmes aux yeux.
Alors certes le résumé ci-dessus est un peu fragmentaire : non
seulement je n'ai pas donné le contexte (que je viens de rappeler au
paragraphe précédent), mais j'ai sauté à la fin sans raconter
certaines des péripéties de l'intrigue (comment on essaie d'enlever
Recha, même si là aussi j'aurais peut-être pu faire des efforts pour
raconter ça de manière à ressembler à l'histoire
de Star Wars), et je n'ai pas parlé de ce
qui est sans doute le passage le plus célèbre de la pièce (mais à mon
avis pas le meilleur), la parabole de
l'anneau[#2]. Et puis bon,
voilà, je suis obligé de dire héritiers (en
anglais, next of kin je trouve que ça passe
mieux) parce que dans Nathan le Sage ce n'est pas je
suis ton père, c'est je suis ton oncle, sans doute parce
que Lessing ne voulait pas trop déformer l'histoire (le
Saladin historique a eu des enfants, ils n'apparaissent pas du tout
dans la pièce).
[#2] Oui, il y a aussi
une histoire d'anneau, mais pour le coup ça ne ressemble pas du tout
au Seigneur des anneaux — même si vous pouvez essayer de
faire un ambigramme sémantique là-dessus si ça vous chante.
Néanmoins, il me semble que la ressemblance est un peu plus que
vague et anecdotique (je vais revenir sur la question de comment juger
ça). Ne serait-ce que le fait que je me sois senti obligé de
commencer ce billet en disant que j'allais
divulgâcher Star Wars et Nathan le
Sage le suggère quand même assez fortement.
Des gens m'ont répondu que oui, c'est
normal, Star Wars suit le schéma
du monomythe,
il n'a rien d'original, ce sont des thèmes qu'on retrouve partout,
mais il me semble que cette réponse est vraiment à côté de la plaque :
si je raconte une histoire comme ceci (je recopie la description du
monomythe de Wikipédia) :
Un héros s'aventure à quitter le monde du quotidien pour un
territoire aux prodiges surnaturels : il y rencontre des forces
fabuleuses et y remporte une victoire décisive. Le héros revient de
cette mystérieuse aventure avec la faculté de conférer des pouvoirs à
ses proches.
— je pense que personne n'y reconnaîtra Star
Wars, ni Nathan le Sage (auquel ça ne colle
d'ailleurs pas vraiment), ni quoi que ce soit de précis tellement tout
ceci est désespérément vague. En tout cas, personne ne trouvera que
j'ai divulgâché quoi que ce soit. Je trouve qu'il faut une sacrée
dose de mauvaise foi pour prétendre que le résumé que je fais plus
haut dans ce billet est aussi abstrait et vaseux que ça. L'histoire
du monomythe s'applique à tout et n'importe quoi. Mon résumé
de Nathan le Sage s'applique aussi
à Star Wars mais pas à un million de choses
(certes, on m'a suggéré que ça ressemblait un peu à La Flûte
enchantée ou encore à la pièce de Voltaire L'Orphelin de
la Chine, mais dans les deux cas c'est beaucoup plus lointain
et notamment l'histoire de frère et de sœur séparés à leur naissance
est absente).
George Lucas a lu Nathan le Sage (ou du moins on lui
en a raconté l'histoire, ou on lui a raconté une histoire elle-même
inspirée de la pièce de Lessing) et il s'en est inspiré (pas forcément
consciemment).
C'est une coïncidence.
Ce n'est même pas une coïncidence, on peut trouver des
ressemblances de ce genre entre deux œuvres à peu près
quelconques.
Tous les gens avec qui j'en ai parlé semblent convaincus de (3), à
tel point que j'ai l'impression que l'Univers essaie de me
gaslighter[#3], et c'est fort
désagréable. Comme n'importe quel sujet est bon pour justifier un
billet de blog, je me positionne fièrement prêt à mourir sur cette
colline : non, je ne crois vraiment pas que ce soit (3).
[#3] Il me semble que
quelqu'un avait proposé un équivalent français pour le
verbe to
gaslight, mais je ne retrouve pas.
L'argument principal contre (1) tourne autour de l'idée
que Nathan le Sage serait une pièce obscure et qu'il est
peu vraisemblable que George Lucas, qui n'est pas germaniste (je ne
trouve pas de renseignement sur les langues qu'il maîtrise, mais je
suppose que c'est juste l'anglais), en ait entendu parler.
Il me semble que cet argument est une projection de
la relativité de la culture
générale : quelque chose comme je n'ai pas lu cette pièce, donc
je suppose par défaut qu'elle est obscure. Évidemment je suis
susceptible de tomber dans le piège opposé (j'ai lu — et beaucoup
aimé — cette pièce, donc je suppose par défaut que tout le monde la
connaît), donc si je veux y répondre il faut que j'essaie de
trouver des métriques un peu objectives de célébrité, ce qui est
éminemment difficile. Je peux noter que l'article Wikipédia à son
sujet existe en 21 langues, ce qui n'est quand même pas rien (en tout
cas ça suggère qu'il n'y a pas que les germanophones qui en ont
entendu parler) ; je peux noter que Google me la liste dans les 3
premières quand je fais une recherche
de list
of famous german plays (ceci n'est probablement pas très
reproductible, cependant), que j'ai demandé à ChatGPT (en
tant que perroquet-représentant de la sagesse diluée d'Internet) où il
la placerait dans la liste des pièces allemandes les plus célèbres, et
il m'a dit dans les 10 premières ; je peux noter que j'ai moi-même vu
la pièce à la Comédie française (ce qui veut dire qu'elle
est considérée comme faisant partie d'une certaine définition du
répertoire classique dans un pays non-germanophone) et, plus tard, à
la télé en France, et il y en a toutes sortes de versions sur
YouTube ; je peux noter que, comme je le mentionne ci-dessus, elle a
une certaine résonance au moyen-orient (et je suppose qu'elle en avait
déjà quand George Lucas était étudiant). Ce ne sont pas des signes de
la célébrité la plus incontestable (rien qu'au rayon des pièces
allemandes, je suppose quand même que Faust est plus
connue), mais on peut difficilement la qualifier d'obscure (alors que
pour L'Orphelin de la Chine de Voltaire, par exemple, je
n'hésiterais pas à utiliser cet adjectif).
(Évidemment, dans la culture actuelle, surtout auprès des geeks
avec qui je suis susceptible d'échanger via
Internet, Star Wars est bien plus connu
que Nathan le Sage — 145 langues sur Wikipédia, par
exemple, si on convient que cette métrique est pertinente. Néanmoins,
il y a un certain effet de perspective dû aux qualificatifs sur
Internet et actuel. En tout cas, quand George Lucas était
étudiant, bizarrement, Star Wars n'était
pas connu du tout, alors que Nathan le Sage l'était sans
doute autant. Et j'imagine que si on attend quelques décennies, la
trilogie d'origine de Star Wars sera perdue
dans les zillions de spinoffs, séquelles et autres histoires dérivées
que Disney aura produites entre temps, et peut-être qu'il y aura aussi
peu de gens capables de la décrire que pour ce qui est de la pièce de
Lessing.)
Je suppose, en tout cas, que George Lucas n'est pas un Américain
moyen de sa génération en ce qui concerne ses chances d'être familier
avec la pièce de Lessing (s'il l'était, je conviendrais volontiers que
ses chances de l'avoir lu — ou même d'en connaître simplement
l'histoire — seraient proches de zéro). Il a été
étudiant[#4]
à USC, il a
suivi des cours de littérature et de cinéma, où je suppose que ses
profs ont dû mentionner certaines des grandes œuvres de la littérature
mondiale ou occidentale, et notamment celles qui sont pertinentes dans
l'histoire du théâtre ou illustratives pour le bon usage du coup
de théâtre (chose que Lucas semble certainement beaucoup aimer),
après tout ce n'est pas comme si le théâtre et le cinéma étaient si
étrangers[#5] l'un à l'autre.
Donc même si ça n'a rien de certain, je ne trouve absolument pas
farfelu d'imaginer que Lucas, même s'il n'est pas germaniste ou
germanophone, ait lu ou vu le Nathan de Lessing (ou qu'on
lui en ait raconté l'histoire), qu'il s'en soit consciemment inspiré
ou que certaines idées lui soient restées dans la tête.
[#4] Rien à voir avec
Lessing, mais à propos de George Lucas étudiant et de ses sources
d'inspiration, je rappelle une fois de plus l'existence de ce
court-métrage (8 minutes !) absolument extraordinaire
qu'est George
Lucas in Love de Joe Nussbaum (1999) (on le
trouve par-ci
ou par-là sur
YouTube, et certainement en plein d'autres copies qui disparaîtront
occasionnellement au hasard de l'application du copyright). J'en ai
parlé dès le tout début de ce blog,
et 21 ans après je le revois toujours avec autant de plaisir. C'est
une exploration hypothétique et humoristique de l'histoire possible de
la genèse de Star Wars alors que George
Lucas est étudiant sur le campus de l'USC en 1967, et
c'est une accumulation de clins d'œil, un hommage beaucoup plus
touchant et intéressant, à mon avis, que tous les fan films qui ont
été faits in universe. Même la musique est
extraordinaire. (Il semble d'ailleurs que Lucas lui-même ait vu ce
film et a reconnu qu'il était excellent, même si pas tout à fait
conforme à la réalité.)
[#5] Alec Guinness, qui
incarne Obi-Wan Kenobi dans Star Wars,
était (et est sans doute encore) surtout connu comme un grand acteur
de théâtre. Il avait notamment joué Le Marchand de
Venise quand il était jeune, et il l'a de nouveau joué (en
incarnant Shylock) après Star Wars : compte
tenu de la comparaison souvent faite entre ces deux pièces, je n'ai
aucun doute qu'il aurait lu ou vu Nathan. Je peux
parfaitement imaginer une discussion sur le tournage de l'épisode 4
de Star Wars où Guinness dirait à
Lucas tu sais, les personnages de ton film ils me rappellent un peu
ceux de cette pièce allemande… tu devrais peut-être y jeter un coup
d'œil.
Ce qui est certainement plus discutable, c'est la question de
savoir dans quelle mesure les éléments communs que je vois
entre Star Wars et Nathan le
Sage sont vraiment significatifs.
Le poussinet et moi venons de finir de voir la saison 1 (la seule
au moment où j'écris) de la récente série télé (Apple TV) qui se
prétend adaptée du cycle de livres Fondation d'Isaac
Asimov. Comme j'en suis à écrire des
critiques, je voudrais en parler un petit peu (en développant ce
que j'ai écrit
dans ce
fil Twitter) ; mais pour que ce qui suit ne soit pas ennuyeux pour
les personnes qui n'auraient ni lu les livres ni vu la série, je vais
raconter ce qui est nécessaire (en essayant quand même de divulgâcher
le moins possible), et parler plus généralement des adaptations au
cinéma ou à la télé (enfin, à l'écran : la distinction n'a plus
vraiment de sens de nos jours, n'est-ce pas).
De quoi parlent les livres
Je commence par un résumé de ce dont il est question dans les
livres (dont je parle différemment
ici), en essayant de divulgâcher le moins possible, mais en
racontant ce dont j'ai besoin pour pouvoir discuter des difficultés et
des enjeux à adapter cette œuvre à l'écran :
Fondation est un cycle de science-fiction de sept
livres écrit par Isaac Asimov entre les années 1940 (d'abord sous
forme de nouvelles) et sa mort (le dernier volume a été publié de
façon posthume en 1993). Pour donnée d'emblée les titres, il s'agit,
dans l'ordre de publication, de :
La trilogie originelle ou trilogie centrale (trois volumes
assez petits, publiés entre 1951 et 1953, et qui peuvent être
considérés comme des recueils de nouvelles) :
1. Foundation (divisé en cinq chapitres
qui sont comme autant de nouvelles, présentées dans l'ordre
chronologique)
2. Foundation and Empire (divisé en
deux parties qui sont comme deux longues nouvelles ou comme on dit en
anglais novellas)
3. Second Foundation (lui aussi divisé
en deux parties ou novellas)
Les deux suites (deux volumes publiés en 1982 et 1986, et qui
sont, cette fois, plutôt des romans que des recueils de nouvelles, et
d'ailleurs ils se suivent immédiatement) :
4. Foundation's Edge
5. Foundation and Earth
Les deux préquelles (deux volumes publiés en 1988 et 1993, de
nouveau deux romans se suivant immédiatement) :
6. Prelude to Foundation
7. Forward the Foundation
Ce que je viens de lister est l'ordre de publication.
L'ordre chronologique interne dans l'histoire s'obtient en
mettant les deux préquelles au début, c'est-à-dire 6,7,1,2,3,4,5
(i.e. : Prelude to
Foundation, Forward the
Foundation, Foundation, Foundation
and Empire, Second
Foundation, Foundation's Edge
et Foundation and Earth) : cette
chronologie couvre une période d'environ 500 ans de l'histoire
interne.
On pourrait éventuellement rattacher d'autres
œuvres d'Asimov au même cycle, notamment les trois romans parfois
appelé le Cycle de l'Empire, à
savoir The Stars Like
Dust, The Currents of Space et
Pebble in the Sky, qui se déroulent
quelques millénaires avant le cycle de Fondation dans la
chronologie interne, mais ils sont largement indépendants et je n'en
parlerai pas plus. (En fait, Asimov a vaguement tenté de rattacher
tout ce qu'il avait écrit, ou au moins une bonne partie, à une seule
chronologie, donc on peut considérer que presque tous ses romans font
partie du cycle de Fondation, mais je ne veux pas évoquer
tout ça.) ❧ Par ailleurs, un autre cycle de livres, écrits par
d'autres gens et avec l'autorisation des ayants-droits d'Asimov
(Foundation's Fear de Gregory
Benford, Foundation and Chaos de Greg Bear,
et Foundation's Triumph de David Brin) ont
été écrits pour essayer de développer les événements autour du livre
7 (Forward the Foundation) : je les trouve
nuls et même complètement délirants (entre une sorte de résurrection
de Voltaire et de Jeanne d'Arc, I kid you not, et
une scène où Hari Seldon se transforme en chimpanzé pour essayer de
comprendre je ne sais quoi, j'ai vraiment décroché du délire du
premier, et les deux autres n'avaient pas l'air mieux), et je n'en
parlerai pas non plus. ❧ Enfin, le
livre Psychohistorical Crisis de Donald
Kingsbury, dont j'ai déjà parlé,
publié sans l'accord des ayants-droits, et qui a donc dû changer tous
les noms propres (c'est d'ailleurs assez rigolo) tente de donner une
suite à la trilogie centrale (livres 1–2–3) en considérant comme non
avenue la suite (livres 4–5) et en cherchant à retrouver la direction
d'origine.
Que racontent les sept livres du cycle ? Le point de départ (le
moment où commence le volume 1, Foundation,
et où se déroulent les préquelles 6 & 7) est celui d'un Empire qui
règne sur l'ensemble de la galaxie. Cet Empire existe depuis douze
millénaires ; sa capitale, Trantor, est une ville à l'échelle d'une
planète entière au centre de la galaxie ; mais surtout, il est
maintenant en déclin, même si peu en ont conscience. (Asimov a
fortement été influencé par la lecture du
classique Decline
and Fall de Gibbon.) Le personnage central de toute la
série est un mathématicien, Hari Seldon, qui a développé une théorie
appelée psychohistoire, qu'il faut imaginer comme une version
mathématisée d'une combinaison de l'Histoire et de la psychologie
appliquée aux masses, et qui permet de prédire l'avenir des
civilisations — non pas l'avenir des individus, ce point est
important, mais uniquement, des groupes suffisamment importants (de
même que la mécanique statistique permet de prédire précisément le
comportement des gaz alors qu'elle ne permet de rien dire sur le
comportement d'une molécule de gaz). Cette psychohistoire prédit que
l'Empire galactique va s'effondrer en quelques siècles et que cet
effondrement sera suivi d'une période de trente millénaires de chaos
et de barbarie. Seldon voit qu'il est impossible d'éviter cet
effondrement, mais qu'il est possible de racourcir la période
d'interrègne, de la ramener de trente mille ans à seulement mille ans.
Le projet en question s'appelle le Plan Seldon : il
s'agit essentiellement d'établir un petit groupe de gens,
la Fondation éponyme, ostensiblement dédiée à l'écriture
d'une encyclopédie (l'Encyclopedia Galactica), sur une
planète au bord de la galaxie (Terminus), pour servir de germe au
second Empire galactique à venir : Seldon a soigneusement prédit la
destinée de la Fondation et de la galaxie en général, à travers une
série de crises, pour arriver jusqu'à la fondation d'un Second Empire
galactique mille ans après l'établissement de la Fondation.
J'avais parlé du roman ici, et
j'avais écrit : Je me demande si Spielberg s'en sera mieux tiré en
adoptant l'œuvre au grand écran. Je viens de voir le film, et
ma réponse est :
Oui.
Ce n'est pas souvent que je trouve qu'un film est meilleur que le
livre dont il est tiré, et quand c'est le cas c'est presque toujours
que j'ai vu le film en premier, ce qui me fait soupçonner que j'ai un
biais naturel en faveur de la version que je vois en premier —
probablement elle
me fixe l'idée
que je me fais de l'œuvre, et quand je rencontre la seconde, toute
différence me déçoit… ou quelque chose comme ça.
Comme le livre m'avait semblé assez médiocre (même s'il m'avait
inexplicablement plu !), je n'étais a priori pas tellement
enthousiaste d'aller voir un film que je pensais que j'aimerais
forcément moins ; et
comme cette
critique dévastatrice par Ars Technica
explique par le menu que le film est moins bon que le livre, j'avais
tiré un trait dessus. Mais voilà qu'un bombardement de rayons
cosmiques a fait apparaître le film sur un disque dur près de chez
moi, et pour me changer les idées des spectres de groupes de Lie qui
me hantent en ce moment, je me suis dit que j'allais y jeter un coup
d'œil.
Les différences du film avec le livre sont considérables, et mon
avis est que la plupart des changements me semblent être des
améliorations. La critique de Ars Technica
se plaint d'un certain nombre de choses, par exemple que les scènes
d'actions sont mauvaises (ça ne m'a pas vraiment frappé, mais de toute
façon, les scènes d'action ont tendance à me faire prodigieusement
chier quel que soit le film — là elles ont le mérite de ne pas être
trop envahissantes), mais surtout, que toute la subtilité de la
culture Geek des années '80 d'Ernest Cline a été perdue dans
un endless dump of pop-culture references… which have
little connection to the specific nostalgia window that Cline opened
up in the book. Je trouve au contraire que Spielberg, par son
adaptation très libre, a donné un sens à l'intrigue.
Je copie de mon entrée sur le livre, en la résumant et la remaniant
un peu, la prémisse commune au film et au livre (ceci est un
divulgâchage extrêmement léger, et essentiellement contenu dans la
bande annonce du film) :
L'action se passe en 2045. Le monde réel est devenu encore un
chouïa plus dystopique que celui dans lequel nous vivons actuellement,
des millions s'entassent dans des bidonvilles de fortune en périphérie
des villes. Il y a une chose à quoi les gens ont accès, c'est un jeu
en réalité virtuelle, l'OASIS, où beaucoup trouvent
refuge et moyen d'oublier une réalité déprimante.
Le point de départ de l'action est que le créateur de ce jeu vient
de mourir : le James Halliday en question était un nerd excentrique et
introverti, obsédé par la culture pop/geek des années '80 où il a
grandi ; et dans un testament virtuel diffusé à l'ensemble de
l'OASIS il annonce qu'il a caché
un easter
egg quelque part dans son monde virtuel, et qu'il lègue la
totalité de sa très considérable fortune (incluant le contrôle de
l'OASIS lui-même) à celui qui le trouvera. Pour
trouver cet œuf, il faudra franchir des épreuves ou résoudre des
énigmes permettant de trouver trois clés qui donnent accès à l'endroit
où il est caché.
Le héros est un des egg-hunters, ou
simplement gunters, qui se dédient à la recherche
de l'œuf. Mais évidemment, il y a de la concurrence, et notamment une
société (concurrente de celle qui opère l'OASIS)
qui utilise tous les moyens dont elle dispose pour essayer de trouver
l'œuf et ainsi prendre le contrôle du monde virtuel.
Tout ça est commun entre le livre et le film, mais c'est presque
tout. Certains des changements suppriment des invraisemblances ou des
passages longuets, poussifs ou téléphonés. (Par exemple le fait que
le héros du livre passe plein de temps coincé sur une seule planète de
l'OASIS, ce qui est certes justifié, mais pas
franchement nécessaire. Ou l'apparition providentielle du co-créateur
du jeu qui, dans le livre, fait figure de deus ex
machina alors que Spielberg lui donne un rôle beaucoup plus
satisfaisant.) D'autres, il est vrai, ajoutent des invraisemblances
ou obscurcissent certains éléments. (Les règles du jeu de
l'OASIS sont décrites assez précisément dans le
livre, alors que dans le film elles semblent à géométrie variable, et
la manière dont les héros se font poursuivre et échappent aux méchants
semble vraiment dépendre très fort de la commodité du scénario. Le
héros du film ne semble pas avoir de problème d'argent, ce qui
contredit un peu sa situation dans le monde réel.) Mais ce ne sont
pas de ces différences-là que je veux parler.
Dans le roman de Cline, James Halliday est un geek obsédé par la
culture des années '80, et c'est à peu près tout. Les épreuves ou
énigmes permettant d'accéder à l'œuf presque uniquement des tests de
la connaissance des moindres recoins de cette culture pop/geek. Elles
n'ont pas une grande cohérence, et sont même franchement idiotes : il
faut connaître par cœur les répliques de tel ou tel film, il faut
savoir jouer parfaitement à tel ou tel jeu… même pour un geek
obsessif, c'est assez con, comme type d'épreuve. (En plus, ça devient
un peu confus, parce qu'il y a essentiellement douze épreuves : trois
fois il faut trouver où est cachée une clé, faire quelque chose pour
obtenir la clé, puis trouver où est cachée la porte qu'ouvre la clé,
et faire encore quelque chose à l'intérieur de la porte. En plus de
ça, le héros accomplit presque par accident une
petite side quest qui bien sûr s'avère
essentielle à la toute fin. Les douze ou treize épreuves en question
sont de difficulté très inégale et ça déplaît à mon sens de la
symétrie.) La motivation expliquée de Halliday est qu'il veut en
quelque sorte obliger les gens à apprendre à apprécier la culture qui
le fascinait.
Spielberg modifie tout ça : il y a moins d'épreuves, elles sont
très différentes du livre, et surtout, ce sont des tests du
caractère du personnage (réfléchir avant de foncer dans le tas,
savoir sauter le pas, ne pas jouer que pour gagner, ce genre de
choses), un peu de son intelligence, et en tout cas pas uniquement de
sa culture geek (même s'il y a un peu de ça). Même
la side quest du livre est transformée en quelque
chose de plus intéressant. Et surtout, les motivations de Halliday
sont différentes et plus subtiles : on comprend qu'il cherche, en
quelque sorte, à réparer des erreurs qu'il a pu commettre, et à
sélectionner quelqu'un qui ne commettra pas les mêmes erreurs.
Je ne dis pas que c'est génial (les tests de caractère c'est un peu
le cliché du film hollywoodien grand public), mais c'est quand même, à
mes yeux, nettement mieux que dans le livre. Et ça devient moins
important que les éléments culturels balancés au hasard dans le film
(et oui, il y en
a plein[#]) ne soient
pas tous très cohérent ou rattachés spécifiquement à la culture qui
dans le livre est censé obséder Halliday. (Surtout que, franchement,
l'OASIS est censé être grand et ouvert à plein de
gens, donc il est logique qu'il y ait des gens qui y aient développé
des fan-zones d'autres sous-cultures !)
Et par ricochet, comme ils sont plongés dans une quête qui a un
sens, les personnages du film acquièrent eux aussi une certaine
profondeur, alors que ceux du livre n'en ont essentiellement aucune
(ils sont juste des réservoirs à geek-culture). Pas tellement le
héros Parzival, il faut l'avouer, qui reste presque aussi plat dans le
film que dans le livre sauf à la toute fin, mais ses compagnons
d'aventure : l'héroïne Art3mis a une vraie motivation dans le film, et
surtout, le principal second rôle, H, extrêmement bien interprété et
très drôle, devient réellement attachant. Et comme on dit souvent
qu'un film est aussi réussi que son grand méchant, moi j'ai aimé celui
du film, qui est certes tout à fait caricatural
comme corporate asshole, mais il est aussi très
crédible et très drôle en tant que tel. (Il y a aussi un méchant de
second rôle qui est très réussi et très drôle.)
Au final, je trouve que c'est de la bonne SF, et je
recommande.
Ajout
() : cette
critique par l'excellente chaîne YouTube Just
Write rejoint partiellement ce que je dis (en allant plus loin
et en analysant beaucoup mieux) : le film a eu raison de changer le
livre, mais aurait dû s'en affranchir encore plus. Je souscris
totalement au message final : ça aurait été tellement plus intéressant
si le héros avait été le seul gunter qui, au lieu
de mémoriser plein de faits aléatoires sur plein d'histoires de la
culture pop, avait poussé un cran plus loin jusqu'à comprendre la
morale et le sens profond de ces histoires.
[#] Juste pour la note
en bas de page, j'étais fier d'avoir immédiatement reconnu, entre
autres choses, la formule magique utilisée par Merlin dans le
film Excalibur.
Parfois je ne comprends pas comment ma mémoire fonctionne.
Je re-regarde différentes adaptations du Christmas Carol
L'approche de Noël m'a fait revenir à l'esprit un de
ces souvenirs confus dans lesquels
la réalité se retrouve mélangée à toutes sortes d'éléments déformés ou
carrément inventés. Le souvenir dont il est question, en
l'occurrence, c'est que, pendant l'année que j'ai passée à Toronto
quand j'avais huit ans (soit 1984–1985), j'ai vu à la télé une
adaptation du Christmas Carol de Dickens,
et que je l'ai tellement aimée que j'ai réussi à la revoir plusieurs
fois ; mais une fois, ils en ont diffusé une version, en noir et
blanc, différente de la version en couleur dont j'avais l'habitude, et
j'étais tout contrarié parce que ce n'était pas exactement celle que
je voulais voir : notamment, l'esprit des Noëls passés ne
correspondait pas à la vision que je m'en étais faite à travers
l'adaptation que j'avais vue en premier.
Peut-être devrais-je résumer très brièvement la fable (au risque de
spoiler complètement, mais honnêtement, je pense que ça n'a aucune
importance) vu que les francophones ne sont peut-être pas très
familiers avec. Il s'agit de l'histoire d'un vieil avare aigri,
Ebenezer Scrooge, particulièrement acariâtre en la saison des fêtes,
auquel rendent visite trois esprits, l'esprit des Noëls passés,
puis l'esprit du Noël présent et enfin l'esprit des Noëls à
venir, qui viennent le racheter : ils lui font voir plusieurs
scènes du passé, du présent et de l'avenir pour le convaincre qu'il a
été plus ouvert et généreux autrefois, que d'autres gens sont heureux
à Noël, et que s'il ne change pas son attitude il mourra seul et
détesté ; et suite à ces visites, Scrooge s'amende et devient bon et
charitable. Cette histoire a particulièrement marqué la culture
anglo-saxonne à différents niveaux : scrooge est
devenu un terme général pour un avare (ou l'objet de toutes sortes de
références, par exemple le nom de l'oncle de Donald Duck, celui qu'on
traduit par Picsou en français, est Scrooge McDuck) ; et
la représentation de l'esprit du Noël présent (tel qu'il
apparaît
dans une
gravure qui accompagne l'édition de 1843 du roman de Dickens, et
cette image a été ensuite reprise dans les adaptations
cinématographiques ou télévisuelles) a certainement beaucoup influencé
l'iconographie du Père Noël, au moins à l'époque où il
s'habillait encore en vert et pas en rouge. À cause de cette
célébrité, on se doute bien, du coup, qu'il y a eu toutes sortes
d'aptations de l'histoire.
J'ai revu les deux versions successivement, et je ne peux pas
vraiment dire que ça ait autant réveillé de souvenirs que ce que
j'espérais. Je me souvenais bien de l'histoire, mais il est
impossible de dire si c'était un souvenir de telle ou telle adaptation
ou simplement du livre de Dickens lui-même (que j'ai lu quelque part
dans les 30 dernières années). En revanche, regarder deux films qui
se correspondent presque scène pour scène a quelque chose qui plaît à
mon sens de la symétrie ; je ne
sais pas si je pousserai jusqu'à regarder une ou plusieurs des autres
adaptations qui ont été faites (depuis 1984, notamment) de la même
histoire, mais heureusement d'autres que moi s'y sont attelés, par
exemple ici
ou là.
(Aucun spoiler dans ce qui suit, sauf si vous êtes
ultra-maniaques à ne rien vouloir savoir du tout avant de voir un
film.)
La suite, 35 ans plus tard,
de Blade
Runner, a été attendue avec l'impatience avec laquelle on
guette la suite d'un film-culte (avec pas mal de célébrités au
générique), ce qui rend toujours le jugement compliqué ; globalement,
les critiques et les spectateurs ont bien
aimé Blade Runner 2049, et l'ont qualifié
de digne de son prédécesseur. Pour ma part, je n'ai pas été
terriblement emballé, mais je n'ai pas vraiment compris pourquoi on
était censé trouver l'original complètement génial : je suis donc
d'accord avec l'avis selon lequel cette suite se compare assez bien au
précédent.
Disons tout de suite ce qui est sans doute le plus réussi :
l'ambiance. L'atmosphère à la fois futuriste et glauque
(« néo-noir »), qui saisissait dans le premier film, est recréée à la
perfection : on a la poésie spleenétique du genre post-apocalyptique
(que, généralement, je déteste avec passion) sans que ses clichés
soient enfoncés. Les images sont magnifiques : même si la tendance
des directeurs photo à faire des plans trop monochromes m'agace
normalement, ici je reconnais qu'elle est utilisée à bon escient. Et
au sein même de la palette
« cyberpunk »
(pour simplifier), le film fait usage de teintes assez variées, entre
le décor inquiétant d'une décharge
industrielle et les intérieurs minimalistes mais luxueux de la Wallace
Corporation, entre la ville bourdonnante d'activité interlope et le
charme énigmatique d'un hôtel vide dans une Las Vegas abandonnée.
Les acteurs sont plutôt bons : Ryan Gosling se tire très bien d'un
rôle dont on ne sait pas si c'est du lard ou du cochon, Harrison Ford
est plus là pour le star factor que pour la performance, mais il n'est
pas mauvais non plus ; Robin Wright donne une vraie personnalité au
rôle un peu secondaire qu'elle s'est vu confier ; mais ce sont surtout
Jared Leto et, plus encore, Sylvia Hoeks, qui font vivre le film.
Convenons aussi que, prise à un niveau suffisamment superficiel,
l'histoire fonctionne, on s'y laisse prendre si on ne réfléchit pas,
si on se contente de se laisser bercer par la musique et la beauté des
images. Il y a quelques rebondissements qui n'en sont pas vraiment,
et si on n'y regarde pas de trop près, ils donnent l'illusion d'une
intrigue structurée. J'ai l'impression que c'est là la touche de
Denis Villeneuve : des scénarios en trompe-l'œil qui laissent croire
qu'ils sont d'une grande complexité, alors que dès qu'on s'en
approche, on s'aperçoit qu'il n'en est rien — ce n'est pas forcément
un reproche.
Mais ce qui me pose problème — ce qui me posait déjà problème dans
le premier film, mais ce problème est plus prégnant cette fois-ci —
c'est que personne n'a l'air d'avoir sérieusement réfléchi à la mesure
dans laquelle les réplicants sont humains et la mesure dans
laquelle ils ne le sont pas, ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas
faire, ce qu'on sait et qu'on ne sait pas sur eux. Ce ne sont pas des
questions périphériques ou accessoires : toute l'histoire repose
dessus, elles sont aiguisées par les changements technologiques censés
s'être déroulés entre les deux films, et cela pourrait être l'occasion
d'une réflexion intéressante sur l'intelligence artificielle ou ce qui
définit l'Humanité ; or malheureusement, on a l'impression que les
réponses nous sont apportées aléatoirement, au fur et à mesure des
besoins du scénario, sans même se préoccuper qu'elles ne se
contredisent pas les unes les autres. Au final,
les réplicants, leurs capacités, leur raison d'être, leur
manière de fonctionner, bref,
les règles du jeu, tout ça reste
tout aussi nébuleux que l'ambiance post-apocalyptique dans laquelle
baigne le film, et la réflexion à peine amorcée tombe à plat. Cela
pourrait être réussi si c'était pleinement voulu et assumé
(c'est-à-dire si le film se voulait complètement poétique, un peu à la
façon
de Taxandria),
mais ce n'est pas le cas.
En plus de ça, il y a autre chose qui à mon avis ne fonctionne pas
bien, c'est pour ce qui est de motiver le spectateur à s'intéresser
au(x) héro(s) ou à ce qu'il(s) cherche(nt) à faire. Qu'on nous
présente un monde glauque est une chose, mais si on veut intéresser le
spectateur, il est généralement utile de lui présenter une perspective
de rendre ce monde moins merdique, quitte à jouer à la tuer dans l'œuf
(pensez
à Brazil),
ou au moins quelqu'un qui lutte pour rendre ce monde moins merdique,
bref, quelqu'un qu'on puisse encourager mentalement. Ici, il y a
peut-être trois groupes qui s'affrontent (la police de Los Angeles, un
fou mégalomane, et un groupe de réplicants ; et disons qu'il y
a dans l'histoire une sorte
de MacGuffin
qu'un camp veut supprimer et que deux autres camps veulent utiliser),
mais aucun de ces groupes mutuellement adverses ne nous paraît
modérément sympathiques, on ne sait même pas vraiment ce que veu(len)t
le(s) héro(s), aux côtés de qui il(s) se range(nt), ou qui le(s)
manipule. Bref, à part la curiosité de savoir comment tout cela va
finir, on n'arrive pas à s'intéresser à ce qui se passe. Le fait que
quasiment tout le monde dans le scénario soit plus ou moins non-humain
et qu'on ne sache même pas dans quelle mesure ils sont
non-humains (cf. le paragraphe précédent) n'aide certainement pas.
Mon poussinet et moi sommes allés voir le
film Hidden
Figures (le titre français — Les Figures de
l'ombre — ne rend pas vraiment le jeu de mot le jeu de mot
entre une personne et un chiffre dans un calcul), et je voudrais
vraiment le recommander.
Il s'agit de l'histoire, vraie mais bien sûr partiellement
romancée, de trois femmes noires « calculatrices » à
la NASA au début des années 1960 (plus exactement,
au centre
de recherches Langley en Virginie, entre le premier vol dans
l'espace de Ûrij [=Yuri] Gagarin en 1961 et celui de John Glenn en
1962). La manière dont elles sont confrontées à la fois à la
discrimination raciale et au sexisme, et leurs différentes façons d'y
faire face, sont montrées avec une certaine subtilité, de même que
l'atmosphère côté américain de la « course à l'espace ». L'histoire
suit une trame hollywoodienne bien formatée et qu'on peut trouver un
peu trop schématique, mais les actrices jouent très bien (Taraji
Henson, qui interprète Katherine Goble, Janelle Monáe qui joue Mary
Jackson, et surtout Octavia Spencer — que je connaissais par un autre
film
remarquable, The
Help — dans le rôle de Dorothy Vaughan), et pour une fois
qu'on voit un film dont les personnages principaux sont des femmes
noires, et mathématiciennes qui plus est, ne boudons pas notre
plaisir. (Et puis j'ai un faible
pour l'ambiance course à l'espace,
l'ambiance « atompunk », ici illustrée avec une certaine sympathie
sans excès.)
Scientifiquement, le film ne commet pas de bourde majeure, en tout
cas pas que j'en aie repérée : le moment le plus faux sur ce plan-là
est celui où l'héroïne principale, Katherine Goble, effectue au tableau, devant une
salle de généraux un peu médusés, un calcul de paramètres de réentrée
orbitale avec une précision dont il devrait être à peu près évident
pour n'importe qui ayant un chouïa de culture scientifique, qu'il
n'est pas atteignable de tête, en tout cas pas un temps tel que
présenté ; je suis prêt à ne pas faire mon grincheux pour quelque
chose du genre. Il y a aussi un certain nombre de modifications du
tempo par rapport à la réalité, imposées pour s'adapter au rythme
cinématographique, que je suis également prêt à pardonner.
Il est vrai que j'aurais aimé voir un peu de considération pour la
différence entre la notion de calcul symbolique et celle de calcul
numérique, choses que le grand public ne doit pas vraiment apprécier,
mais qui n'est certainement pas impossible à faire passer. Les
équations qu'on entr'aperçoit dans différents plans ont l'air
superficiellement sensées, mais mélangent inexplicablement des valeurs
numériques à virgules dans des expressions par ailleurs symboliques ;
et de façon plus profonde, je n'ai pas vraiment idée de quel genre de
calculs on faisait faire à ces « calculatrices », soit en général,
soit précisément celles qui sont les héroïnes de ce film.
Et on ne peut pas dire que les répliques m'aident à deviner. À un
moment, le chef d'équipe joué par Kevin Costner demande à
Katherine Goble si elle sait calculer un repère de Frénet —
et elle complète : par le procédé d'orthogonalisation de
Schmidt. C'est vraiment amusant
comme effet Zahir, parce que je
discutais
du repère
de Frénet avec mon poussinet un quart d'heure avant d'aller voir
le film (à propos du tome 5, particulièrement poussiéreux,
du Cours de Mathématiques spéciales de
MM. Ramis-Deschamps-Odoux), et je mentionnais justement qu'il
s'agissait précisément du résultat
d'un Gram-Schmidt
sur les dérivées successives du mouvement : j'ai eu du mal à ne pas
éclater de rire à la coïncidence. Mais même si vois le lien avec des
trajectoires dans l'espace, je ne sais vraiment pas précisément dans
quel genre de calcul, symbolique ou numérique, on utilise le repère de
Frénet.
En vérité, même si je connais ma mécanique orbitale et
lagrangienne, je n'ai aucune idée précise du genre de calculs qu'il
faut réellement mener pour envoyer un homme dans l'espace.
(Bon, je dois dire, je n'ai même pas d'idée précise sur le genre de
calculs qu'il faut mener pour construire un pont ou un moteur à
explosion. Je suis un peu comme le matheux d'une blague générique sur
les ingénieurs, physiciens et mathématiciens, qui démontrerait que le
pont, le moteur à explosion ou le vol orbital sont possibles — par une
démonstration non-constructibe qui ferait appel à l'axiome du
choix.)
⁂
Sur la précision scientifique des films hollywoodiens de façon plus
générale, j'étais tombé il y a un certain temps
sur cette
vidéo qui explique que des gens ont mis en place
une hotline permettant à l'industrie du cinéma
d'être mis en contact avec des scientifiques de tel ou tel domaine
quand ils veulent des conseils ou des éléments (phrases, équations à
mettre sur un tableau, etc.) pour rendre leurs films scientiquement
plus crédibles. Ça expliquerait un certain progrès que j'ai cru
constater dans le domaine depuis les années '90 (même si ce progrès
est souvent bien superficiel, il faut l'admettre : le fait de
prononcer une phrase techniquement sensée à tel ou tel moment ne va
pas compenser une absurdité fondamentale de principe ; il y a toujours
très peu de films qui,
comme The
Martian, se donnent pour mission d'être véritablement
réalistes scientifiquement, d'un bout à l'autre, ce qui implique
d'aller plus loin qu'appeler une hotline de temps
à autre).
⁂
À part ça, je me rends compte que je ne remplis pas vraiment
consciencieusement la catégorie cinema de ce blog : ces
derniers temps, j'ai vu en salles, entre
autres, Manchester
by the Sea
et 君の名は (traduit en « français »(?!)
par Your Name), et j'ai trouvé que les deux
étaient vraiment des chefs d'œuvre. Je n'ai pas le temps d'en faire
une critique maintenant (et ce serait un peu du réchauffé), mais je
les recommande tous les deux très vivement, ce sont des films d'une
très grande subtilité humaine et psychologique.
Cette entrée n'a rien de
particulièrement zeitgemäß, mais le fait d'avoir
écrit la précédente m'a donné envie
de dire un mot à ce sujet.
Roland Emmerich est un réalisateur plutôt connu pour ses films
catastrophe
(Independence
Day, Godzilla, The
Day after
Tomorrow, 2012,
etc.), à gros budgets et plus ou
moins nanaresques. Dans cette
liste, Stonewall,
semble incongru : il raconte, à travers la vie d'un jeune homme gay
chassé de chez lui par ses parents, l'histoire des émeutes du 28 juin
1969 (soit juste après l'enterrement
de Judy
Garland) au bar homo de ce nom sur Christopher Street, Greenwich
Village, New York, et qui sont à l'origine de la Gay
Pride (les pays germanophones disent
d'ailleurs Christopher Street Day).
Une autre chose incongrue est que ce film a une note
sur IMDB très nettement inférieure aux autres que du même
réalisateur que j'ai nommés ci-dessus : aurait-il réussi à faire un
nanar encore plus intergalactique que Independence
Day ? le film nous fait-il nous découvrir que le Stonewall
était un repaire d'extra-terrestres et que les homos se sont ralliés
pour empêcher la Terre d'être envahie ? pas vraiment. Manifestement,
il y a eu une campagne virale pour donner à ce film la note la plus
basse — ce genre de campagne est la raison pour laquelle les notes et
les sondages sur Internet ne valent à peu près rien, mais passons ; et
la campagne en question ne vient pas des fans habituels des films
d'Emmerich qui se seraient agacés qu'il fît un film pour pédés, non,
ce sont essentiellement des militants et
sympathisants LGBT qui ont détesté le film.
Quel est le problème ? Il y a beaucoup de points précis sur
lesquels la vérité historique a été déformée (par exemple en laissant
penser que la mort de Judy Garland avait plus d'importance qu'elle
n'en avait, ou en résumant une réalité forcément un peu complexe).
Certains reproches se contredisent un peu : par exemple, d'avoir
minimisé le rôle des lesbiennes, des drag queens et transgenres (alors
qu'elles et ils étaient plutôt les premiers à lancer les émeutes),
mais en même temps d'avoir utilisé le personnage réel tout à fait
masculin de Raymond Castro pour inspirer un personnage fictif (Ray)
très efféminé ; ou encore, d'avoir essayé de rendre le film plus
digeste pour les hétérosexuels en se focalisant sur des personnages
bien « propres sur eux », mais en même temps de caricaturer les homos
ou drag queens, et d'avoir noirci
la Mattachine
Society qui proposait justement aux homos de se fondre dans
la masse et de ne pas faire de vagues et qui (selon le film) n'était
pas terriblement heureuse des émeutes.
En fait, les reproches se concentrent surtout autour d'un point :
une forme
de whitewashing,
en l'occurrence, d'avoir choisi de construire le film autour d'un
personnage blanc, jeune homme, de classe moyenne, bon élève,
cissexuel, pas du tout efféminé, « seulement » homosexuel, bref, tout
ce qu'il faut pour le rendre relatable (je ne
sais pas dire ça en français, tiens) par le public de spectateurs
(très majoritairement hétérosexuels) que Hollywood vise
principalement. En l'occurrence, ce héros (Danny Winters) est joué
par Jeremy Irvine, qui est
le poster-boy
presque trop parfait d'un tel rôle, avec son visage de gendre
idéal qui ne fera peur à personne. (Comme en plus il doit y avoir
beaucoup de garçons homos qui mettraient bien sur leurs murs un poster
du boy en question et qui rêvent qu'il puisse être homo, ça permet de
gagner sur tous les terrains.) Soulignons bien que le personnage du
Danny Winters en question est fictif : on ne reproche pas aux
scénaristes, ici, d'avoir transformé un personnage réel ; mais comme
ils lui font, tout à fait littéralement, jeter la première pierre qui
déclenche les émeutes, on peut dire qu'on lui donne la place de la
personne qui a vraiment jeté cette première pierre : certains l'ont
identifiée comme étant la drag queen
noire Marsha
P. Johnson (qui apparaît effectivement dans le film, et n'est pas
whitewashée)… sauf que les choses ne sont jamais simples, et en fait
on n'en sait rien, il n'y a probablement pas eu de « première pierre »
jetée, et pas une seule personne qui a déclenché les émeutes, fût-ce
Judy Garland, Marsha P. Johnson
ou Stormé
DeLarverie.
Tous ces reproches sont justes, et ne sont pas sans importance,
mais je crois qu'ils passent à côté de l'intérêt du film.
Car à mon avis le but — malgré le titre — n'est pas tant de
raconter l'histoire des émeutes de Stonewall, ou en tout cas pas de le
faire avec la précision d'un historien, c'est, à travers l'histoire
personnelle du héros, de présenter un débat, ou un dilemme, qui se
pose à (et parfois déchire) la communauté LGBT : veut-on
revendiquer le droit à l'indifférence ou le droit à la différence ?
veut-on se fondre dans la société ou se révolter contre elle ?
veut-on réclamer l'étiquette normal ou arborer la fierté
d'être anormaux ? Il va de soi que formulée dans des terme
aussi simplistes et caricaturaux, cette question n'admet pas de
réponse, et que toute tentative sérieuse pour y répondre doit
commencer par examiner les termes de cette fausse alternative : mais
la présentation caricaturale n'empêche pas que la problématique est
réelle.
Et je trouve que Stonewall pose cette question avec
une certaine finesse : Danny Winters est partagé entre le camp,
incarné par la Mattachine Society, des
homos blancs, financièrement aisés et « bien propres sur eux » qui
cherchent à se fondre dans la masse et espèrent faire évoluer la
société en ne faisant peur à personne, et celui, incarné par les
garçons et filles de la rue obligés de se prostituer, qui sont les
véritables héros des émeutes de Stonewall ; c'est justement parce
qu'il est blanc, cissexuel, etc., que Danny doit faire ce choix,
et que le choix en question est douloureusement intéressant : un de
ses amis lui dit justement, moi, je n'ai pas le choix — Danny
doit accepter de risquer sa place potentiellement privilégiée dans la
société, et possiblement sa bourse pour Columbia, s'il choisit de
rejoindre les révoltés. La scène où il jette la première pierre
incarne ce dilemme : l'instant avant, la drag-queen noire Marsha lui
demande how can it get worse? […] a society hating
and oppressing us for being gay, and you still wanna be polite? cause
it's going to take away your precious fuckin' scholarship if you get
arrested? cone on! ; puis un membre de
la Mattachine Society tente de le
décourager de jeter la pierre : no, that's not the way, Danny.
Tout ça n'est peut-être pas historiquement correct, mais le
développement du personnage est intéressant.
Et dans l'ensemble, je trouve que Stonewall montre une
subtilité que les films-catastrophe bourrins de Roland Emmerich ne me
laissaient pas du tout présager. Les personnages ont une réelle
profondeur, les acteurs jouent plutôt bien. La diversité de la
communauté LGBT est peut-être insuffisamment représentée,
mais il est injuste de nier qu'il y ait un certain effort pour
l'honorer. Le scénario est assez convenu, mais il marche plutôt bien.
Ce n'est le film de la décennie, probablement pas même le
film LGBT de l'année, mais ce n'est pas un nanar, et il
ne méritait pas le procès qu'on lui a fait.
Évidemment, le dilemme que j'évoquais ci-dessus se pose aussi au
niveau méta : doit-on souhaiter que l'industrie du cinéma
« mainstream » fasse des films abordant des
thèmes LGBT à destination d'un public majoritairement
hétérosexuel ? ou préférer que le cinéma LGBT reste
totalement différent (pour être plus libre, par exemple), et ne vise
que les spectateurs de cette population ? Je crois qu'il ne faut pas
sous-estimer l'importance
de Brokeback
Mountain, qui reste quasiment le seul film
« mainstream » (disons, avec des acteurs vraiment
célèbres) centré autour d'une histoire d'amour homo. (Il est vrai
qu'Ang Lee avait auparavant commis le
magnifique
喜宴 / Garçon d'Honneur / The
Wedding Banquet, mais il était beaucoup moins connu à
l'époque.) J'imagine que Roland Emmerich, dont je crois comprendre
qu'il est lui-même homo, a dû se poser la question, et j'imagine que
ça a été un peu un dilemme pour lui, qu'il a pensé prendre un risque :
je trouve vraiment dommage que la réaction ait été de lui faire un
procès plutôt que de dire qu'il aurait pu faire mieux.
Pour ceux qui sont en France il est probablement déjà difficile de
trouver une séance
du dernier Disney,
surtout si on veut le voir en VO (ce que je recommande vivement) : mon poussinet y
sommes allés hier soir, et il ne restait plus beaucoup de cinémas qui
le diffusent à Paris. Mais si vous y arrivez, ou si vous attendez la
sortie en DVD (ou tout autre moyen plus ou moins légal de
le voir), toujours est-il que je le recommande très vivement.
Ce film est vraiment excellent. Et pas que pour les enfants
(enfin, je suppose qu'il est bien pour les enfants, je ne sais pas
trop juger, mais en tout cas il n'est pas besoin d'en être un pour
apprécier). Peut-être que je suis bon
public pour les films de Disney en général, mais en fait je ne
crois pas (si je regarde
la liste
sur Wikipédia, il y en a énormément que je n'ai aucune envie de
voir, et de ceux que j'ai vus mon avis n'est pas forcément des plus
enthousiastes).
Bref. Je ne pense pas que ce soit vraiment utile que je fasse une
critique. Comme beaucoup de films pour enfants de Disney ou
Pixar[#]
(genre Ratatouille[#2]),
une des morales de l'histoire est on peut devenir ce qu'on veut en
grandissant (mais ce ne sera pas facile et il faudra sans doute lutter
pour y arriver), bref, rien de très original, même si la façon
dont cette morale est amenée est plutôt intelligente, et il y a des
rebondissements intéressants. Une autre morale est une leçon contre
le racisme (un monde
d'animaux[#3] s'y prête,
évidemment, très bien), leçon qui n'est pas non plus originale, mais
ça ne l'empêche pas d'être la bienvenue
et zeitgemäß (comment on dit ça en français,
déjà ?), et j'ai trouvé qu'elle était construite de façon assez
subtile. J'ai eu la larme à l'œil plus d'une fois.
Mais c'est vraiment l'humour graphique et situationnel qui est
absolument génial, et il n'y a pas beaucoup de films qui m'aient
autant fait rire. Certes, ce n'est pas très difficile de trouver
plein de blagues à faire sur un monde d'animaux, mais même les gags
les plus faciles marchent vraiment bien (comme le service des permis
de conduire où tous les employés sont des paresseux, le chef de la
police qui dit devoir reconnaître the elephant in the
room, ou encore l'héroïne qui passe devant une banque
appelée Lemming Brothers). Chaque scène regorge
de détails incroyablement bien trouvés.
Bref, je ne m'appesantis pas : allez-voir Zootopia si
vous pouvez, vous ne le regretterez sans doute pas.
[#] Précisons
que Zootopia n'est pas de Pixar (après,
je ne comprends rien à l'organisation interne de Disney, et je
soupçonne que comme toute grosse organisation, eux-mêmes ne doivent
pas vraiment se comprendre, donc je ne sais pas exactement ce
que ça veut dire, d'être ou de ne pas être de Pixar : mais en tout
cas, parmi les quarante-douze logos qu'on voit défiler au début du
film, il n'y a pas celui avec
les fameuses
lampes).
[#2] Contre-exemple
notable : Monsters
University. Sans doute pas un des meilleurs films de
Disney ou Pixar, mais avoir eu l'audace de faire un film pour enfants
dont la morale soit essetiellement non, on ne peut pas
toujours devenir ce dont on rêve (mais ce n'est pas si grave)
mérite d'être applaudi.
[#3] Enfin,
de mammifères : le film est peut-être contre le spécisme,
mais il est un peu classiste(?).
Ce soir j'ai revu le dessin
animé The Last
Unicorn que j'ai vu quand j'étais petit (je crois que
c'était avec ma classe — j'étais probablement en CM1 ou CM2, en tout
cas à l'école primaire, probablement pas très longtemps après sa
sortie). Entre temps, il y a une dizaine d'années, j'ai lu le livre
dont il est tiré — je l'avais raconté
sur ce blog à l'époque. Aussi bien le livre que le film sont
assez étranges : l'histoire est souvent très enfantine, mais elle n'a
pas la morale simpliste des contes pour enfants, il n'y a pas vraiment
de gentils et de méchants, les motivations des personnages sont
difficiles à comprendre, on ne sait pas s'il faut comprendre le tout
comme une sorte d'allégorie, de récit symbolique ou codé, une poésie
surréaliste, ou encore autre chose, bref, on ne sait pas sur quel pied
danser. Le film lui aussi semble changer sans arrêt d'avis sur le
registre sur lequel il faut le comprendre, et il y a des passages
vraiment bizarres,
dérangeants ou inquiétants. La page que je viens de lier décrit
ainsi le Taureau de Feu du dessin animé : Pure
unadulterated nightmare fuel. This is the kind of thing that makes
your stomach drop and gives an ill-prepared child a lifelong complex.
You simply can't watch this movie and not be scared of The Red Bull.
The Red Bull is fear. De fait, je crois que cette image
m'avait beaucoup impressionné quand j'avais vu ce film, et peut-être
bien que j'en ai fait quelques cauchemars. (En plus, rien que la
traduction française Taureau de Feu, ça fait plus peur que
l'anglais Red Bull, même sans compter que
maintenant Red Bull est un soda.)
Une méta-critique des épisodes I-II-III de Star Wars (PAS le nouveau)
Je n'ai pas encore vu l'épisode-que-tout-le-monde-attendait, donc
je ne vais pas en parler (et je ne risque pas de spoiler), mais je
voudrais profiter de sa sortie pour livrer de nouveau des réflexions
décousues à 20 millizorkmids sur la place de l'œuvre de fiction dans
l'imaginaire comme je l'avais fait au
sujet de Tolkien.
La « trilogie originale » (pour ceux qui vivent vraiment dans une
galaxie lointaine, très lointaine, il s'agit des épisodes
numérotés IV
(A New
Hope), V
(The Empire Strikes Back)
et VI
(Return of the Jedi), et qui sont les
premiers à être sortis, respectivement en 1977, 1980 et 1983), fait,
pour beaucoup de ma génération, partie des référents culturels avec
lesquels nous avons grandi, et évoque surtout un sentiment de
nostalgie de l'époque : il devient essentiellement impossible de les
juger pour leur mérite propre ou même simplement de les regarder d'un
œil neuf. Je ne peux pas penser à Star
Wars sans penser à toutes sortes de scènes ou de réflexions de
mon enfance qui y sont inextricablement liées dans mon esprit : la
terreur quand j'ai vu le VI à sa sortie (j'avais six ans) que
m'inspirait le personnage de l'Empereur, la confusion dans laquelle
j'étais quant au nombre de films constituant la série (il faut dire
que la numérotation n'aide pas, et je pensais qu'il y avait au moins
six films à voir), ma fascination pour la musique et les efforts que
j'ai faits pour la retrouver de mémoire à la flûte à bec, l'excitation
quand j'ai enfin pu me faire acheter les VHS en coffret,
etc. Je ne peux pas dire que j'aie été un « fan »
de Star Wars (je n'ai jamais collectionné
les figurines, lu des livres de l'« univers étendu », joué aux jeux de
rôles basés dessus ni été capable de dire la longueur
d'un star destroyer), mais j'ai certainement vu
chacun de ces films au moins douze fois. (En français avant de les
revoir en anglais : alors que maintenant je refuse catégoriquement de
voir un film doublé, pour ceux-ci spécifiquement, la VF a
une certaine valeur nostalgique à mes oreilles. Ceci dit, je ne crois
pas que j'aie entendu la version où Luc s'appelait
encore Courleciel.)
J'ai eu une sorte d'épiphanie quand, beaucoup plus tard, j'ai vu le
film Battlestar
Galactica (je parle du film de 1978, pas de la
série TV de l'époque et dont il est plus ou moins le
pilote, encore moins de la série TV beaucoup plus
récente). Ce film est à peu près contemporain du
premier Star Wars, je ne sais pas s'il en
est fortement inspiré ou si c'est juste le genre de l'époque, mais les
costumes sont dans le même style, la musique est dans le même genre,
les deux principaux héros ont plein de ressemblances avec Luke
Skywalker et Han Solo, et les effets spéciaux sont autant réalisés
avec des bouts de ficelle. Et ce film est vraiment mauvais
(suffisamment mauvais pour devenir bon au second degré, i.e.,
un nanar) : c'est comme ça que je me suis rendu compte
que Star Wars, au moins son épisode IV (le
premier, donc), était franchement nanaresque, mais que son impact
culturel forçait à le ranger dans une autre catégorie
que Battlestar Galactica.
Je trouve intéressante la danse qui peut se mettre en place entre
une œuvre de fiction et notre imagination : avant même que nous ne
voyions ou lisions l'œuvre (je l'ai raconté à propos de Tolkien), mais
surtout après, quand nous l'incorporons à notre monde des rêves et de
la fantaisie. Quand j'étais ado, j'ai écrit un
roman(?), Castor
et Pollux, dont la trame était inspirée, voire complètement
décalquée, de celle de Star Wars (mélangée
à un gloubi-boulga métaphysico-ésotérique que je savais pondre au
kilomètre à cet âge-là — sans doute faut-il comprendre que l'histoire
de Castor et Pollux est une métaphore tarabiscotée pour
la manière dont l'œuvre de fiction peut capturer son propre créateur,
auquel cas cette métaphore pourrait avoir une certaine pertinence dans
le cas de George Lucas) ; d'ailleurs, l'inspiration n'était pas un
secret, les chapitres portent les noms des films
de Star Wars traduits en latin (! on va
dire que je suis parfois un peu autocaricatural). Toutes sortes de
fans avaient certainement développé leur propre imaginaire concernant
le passé et le futur de l'Univers de Star Wars.
Peut-être, d'ailleurs, tout cet Univers est-il assez malsain.
Énormément d'œuvres de fantastique sont
manichéennes dans leur construction, mais le mysticisme
de Star Wars atteint un niveau de
manichéisme vaguement inquiétant — un niveau où le Bien et le Mal ne
sont plus le Bien et le Mal pour des raisons précises mais simplement
parce qu'ils sont essentiellement le Bien et le Mal, si bien qu'il n'y
a plus à s'interroger sur leurs actions ou leurs motivations, et ceci
est la base de bien des formes de fanatisme. (Et on peut lire toute
l'histoire des épisodes IV-V-VI comme celle de
la radicalisation
de Luke Skywalker.) Mais ce mysticisme a pour contrepoint des
personnages qui ne sont pas tout blancs ou tout noirs (Han dans
l'épisode IV, Lando dans l'épisode V, Vader dans l'épisode VI) et le
thème de la rédemption est finalement plus fort que le manichéisme.
Au final, la culture pop s'est approprié la trilogie avec peut-être
plus d'humour et de légereté qu'elle n'en contient elle-même. Je ne
vais laisser ici qu'un exemple, mais je pense que c'est un véritable
bijou : le
court-métrage George
Lucas in Love
(visible ici sur
YouTube), à mon avis la meilleure fan-fiction
sur Star Wars, justement parce qu'il
n'est pas de la science-fiction (ni, a fortiori, situé dans
l'univers de Star Wars).
Et puis George Lucas est arrivé avec ses
épisodes I-II-III
(en 1999, 2002 et 2005), et il a tout gâché.
Il y a toujours une certaine violence émotionnelle ressentie quand
on s'attache à une œuvre de fiction, qu'on en imagine des extensions,
et que l'auteur vient, avec son autorité ex
cathedra vous raconter quelque chose de différent — vient casser
la construction qu'on s'est faite en rêve pour la remplacer par la
sienne, « canonique ». (De nouveau, j'ai parlé de mon expérience
personnelle avec Tolkien, mais pour donner un autre exemple, cette
année, 55 ans après la publication du roman d'origine, est sortie la
suite du classique To Kill a Mockingbird :
les réactions ont été assez partagées, pas seulement à cause des
circonstances un peu bizarres de cette parution, mais aussi parce que
cette suite forçait à réévaluer un personnage qu'on avait peut-être
jugé trop favorablement.)
Mais dans le cas de la « prélogie » de Star
Wars, à cette violence émotionnelle s'ajoute le choc de
découvrir à quel point elle est mauvaise de tout point de vue. Mais
le problème n'est pas seulement qu'elle est incohérente, mal écrite,
mal mise en scène, mal jouée et mal montée (comme le démontrent par le
détail les critiques vers lequel je vais faire des liens ci-dessous) :
le problème est surtout qu'elle dissone profondément avec la trilogie
des épisodes IV-V-VI, pas seulement sur tel ou tel point de l'intrigue
mais, ce qui est beaucoup plus grave, sur le ton général de
l'œuvre et de l'univers où elle doit se dérouler. Les fans ont été
particulièrement heurtés, par exemple, d'apprendre que la « Force »,
ce machin mystique central à la saga, était en fait créé par des
créatures microscopiques appelées midi-chloriens(?), révélation qui
semblait casser toute la poésie de la chose — et révélation d'autant
plus agaçante qu'elle n'avait absolument aucune sorte d'intérêt pour
l'intrigue du film où elle s'inscrivait. Mais ce n'est que la partie
émergée de l'iceberg : énormément de choses, dans ces nouveaux films,
vient détruire la poésie des anciens en changeant le regard qu'on
porte sur ses personnages, parce que le ton général est
tellement différent. (Je donne juste l'exemple de Yoda : il était
beaucoup plus intéressant de l'imaginer comme ayant toujours vécu sur
sa planète marécageuse et pas à la tête d'un conseil dirigeant des
jedis — en fait, le ton des films IV-V-VI suggérait plutôt que les
jedis n'avaient pas d'organisation centrale ou de conseil dirigeant ;
et il était beaucoup plus intéressant d'imaginer que jamais Yoda
n'aurait eu besoin d'utiliser une arme, parce que sa puissance est
d'une tout autre nature. Tout ceci me semble plus significatif que
l'incohérence qu'on peut soulever dans le fait que dans les épisodes V
et VI il est clair que Vader n'a aucune idée de l'existence de Yoda
alors que dans les I à III les personnages se croisent à de nombreuses
reprises.)
Bien sûr, quantité d'autres œuvres de l'histoire du cinéma ont été
« gâchées » par une suite ou un prequel merdiques. Généralement,
cependant, cela vient plutôt du studio, qui veut exploiter la
franchise, que du réalisateur supposément visionnaire. Il est bizarre
qu'ici ce soit George Lucas qui ait saboté sa propre œuvre. (En
prétendant, d'ailleurs, avoir suivi ce qui était sa vision dès
l'origine : je dois dire que je ne le crois pas du tout. Je ne le
crois même pas quand il prétend qu'il avait décidé ce qui se passerait
dans l'épisode V lorsqu'il tournait le IV ou le VI quand il tournait
le V — si c'était le cas, je pense qu'il n'aurait pas laissé quelques
scènes qui prennent rétrospectivement un parfum suspect
d'inceste.)
Mais mon propos n'est pas de me plaindre que les épisodes I-II-III
de Star Wars sont mauvais : ça ne sert à
rien de tirer sur les ambulances. Cela pourrait être plus intéressant
d'essayer de comprendre pourquoi ce fiasco : comment se
fait-il qu'un créateur disposant de moyens essentiellement illimités
et sans aucune contrainte pour exprimer son imagination ni quiconque
pour le contredire produise quelque chose d'aussi nul ? Une
explication est que c'est justement la difficulté qui fait que l'art
est intéressant ; une variante, plus terre-à-terre, est que personne
n'osait signaler à George Lucas (comme il était le grand chef, à la
fois réalisateur, superproducteur et clé de tout le financement),
fût-ce diplomatiquement, que ses idées étaient nulles, si bien qu'il
s'est retrouvé complètement déconnecté de la réalité ; ou peut-être
qu'il était tellement obnubilé par les possibilités offertes par les
effets spéciaux et par tout ce qui apporterait de l'argent en produits
dérivés qu'il ne voyait plus que ça. Ou peut-être enfin que les
épisodes IV-V-VI ne sont finalement pas mieux que les I-II-III (ni
que Battlestar Galactica) mais que nous les
jugeons différemment parce que nous nous y sommes habitués et qu'ils
sont devenus des références culturelles ? Je ne sais pas. Mais en
tout cas, il peut être intéressant d'étudier un peu en détails ce qui
n'allait pas bien : critiquer des mauvaises œuvres d'art peut être
finalement plus instructif que louer les bonnes. (Et peut-être que
dans les cours de litérature on devrait un peu faire la place, au
milieu des Shakespeare, Goethe et Racine, pour des écrivains médiocres
ou carrément mauvais, afin d'expliquer justement pourquoi ils ne sont
pas Shakespeare, Goethe ou Racine. Ou pourquoi les écrivains mauvais
ne sont même pas médiocres. Ou pourquoi certains sont encore plus que
mauvais. Mais je digresse.)
Bref, je voudrais ici proposer des liens vers trois critiques des
épisodes I-II-III de Star Wars qui me
semblent vraiment intéressantes : après tout, si s'est farci les sept
heures de ces films, autant chercher à comprendre ce qui n'allait pas
avec, surtout que ça peut être très drôle d'énumérer les
contradictions et les invraisemblances. En fait, ces critiques sont
en elles-mêmes des œuvres très construites qui peuvent presque se
regarder comme des films. (D'ailleurs, s'agissant de celle de
Mr. Plinkett, il y a eu des critiques de la critique, même si je suis
tenté de critiquer ces critiques de la critique en disant qu'elles
n'étaient généralement pas terribles.)
D'abord, il y a la critique
par CinemaSins
(Everything Wrong With) : à savoir
❄ épisode I
partie 1/2,
❄ épisode I
partie 2/2,
❄ épisode II
partie 1/2,
❄ épisode II
partie 2/2,
❄ épisode III
partie 1/2 et
❄ épisode III
partie 2/2 (ça fait au total environ 25min par épisode).
Ils font
des critiques de toutes sortes de films, toujours de façon
linéaire, c'est-à-dire en montrant des extraits du film, dans l'ordre
de celui-ci, et en marquant des choses qui ne vont pas comme des
« péchés », qui vont du totalement anecdotique à l'incohérence majeure
— ils ne se prennent pas du tout au sérieux et ne cherchent pas à
hiérarchiser leurs critiques ni à les regrouper en quelque chose de
synthétique, mais ça n'empêche pas que certains des reproches sont
extrêmement bien vus, et que c'est globalement très rigolo à regarder.
(Par ailleurs, celui qui dit la critique parle très très
vite, et on est souvent obligé de faire une pause pour relire la
phrase en sous-titre avant d'arriver à la comprendre.)
Ensuite, il y a celle par « Mr. Plinkett »
de RedLetterMedia,
personnage fictif qui mérite lui aussi
son analyse
sur Wikipédia : à savoir
❄ épisode I
partie 1/7,
❄ épisode I
partie 2/7,
❄ épisode I
partie 3/7,
❄ épisode I
partie 4/7,
❄ épisode I
partie 5/7,
❄ épisode I
partie 6/7,
❄ épisode I
partie 7/7,
❄ épisode II
partie 1/3,
❄ épisode II
partie 2/3,
❄ épisode II
partie 3/3 et
❄ épisode III
(le découpage est différent à chaque fois, mais il y en a pour environ
1½ heure par épisode — oui, c'est très long). Cette critique est très
bizarre, parce qu'elle fait souvent des blagues complètement décalées,
des longues digressions et des non sequitur
(non sequuntur ?), mais surtout, elle est
prononcée par une voix exprès insupportable (dans le genre mec
bourré qui articule mal), celle d'un personnage fictif
(Mr. Plinkett) qui est censé être un psychopathe qui enferme et
torture des femmes dans sa cave : le tout est vraiment étrange, mais
ça n'empêche la critique d'être très juste et très détaillée,
soulignant à la fois des erreurs ponctuelles et des problèmes
d'ensemble, ne se contentant pas de montrer pourquoi tel ou tel
élément d'intrigue est incohérent mais aussi, par exemple, pourquoi le
film ne permet pas aux spectateurs d'« accrocher » aux personnages.
• [Ajout ()] Pour ceux qui ne
veulent pas regarder plus de quatre heures de
critiques, ici
(1h19′22″ dans la critique de l'ép. III) commence un passage assez
court (<10′) qui souligne un point qui me semble particulièrement
juste et frappant sur la manière dont Lucas traite les acteurs et les
dialogues dans cette prélogie ;
et ici
(2′12″ dans la partie 3 de la critique de l'ép. II) commence un
passage encore plus court (<4′), mais encore une fois extrêmement
juste, sur le problème fondamental à ce que Yoda utilise un sabre
laser.
Enfin, je veux pointer vers une critique un peu différente parce
qu'elle est constructive : ici, il s'agit d'expliquer comment
❄ l'épisode I,
❄ l'épisode II
et
❄ l'épisode IIIauraient
pu être meilleurs (ça dure respectivement 12′, 16′ et 24′).
C'est-à-dire qu'avec essentiellement les mêmes personnages, et en ne
changeant pas de façon fondamentale l'intrigue, il réussit à raconter
une histoire considérablement meilleure et plus cohérente que celle
que Lucas a produite (avec même un storyboard pour l'illustrer). Et
même si elle n'est pas aussi drôle ou aussi sarcastique que les
précédentes, je trouve que cette critique est finalement la plus
cinglante : peut-être que la meilleure manière de montrer que quelque
chose est mal fait est de le refaire soi-même correctement.
Ajout () : Je dois encore
faire un lien vers la théorie
amusante proposée par le webcomic Wondermark : il
faut imaginer que les épisodes I-II-III ne représentent pas forcément
des événements qui se sont vraiment déroulés dans l'univers
de Star Wars mais qu'ils sont une
fiction de cet univers, ayant autant de rapport avec la
réalité de l'ascension et de la chute de Vader
que Pocahontas avec les événements historiques dans
notre univers.
Je ne sais pas
pourquoi ce film a
plusieurs noms en anglais, et je ne sais pas non plus pourquoi ils ont
décidé de l'appeler Le Monde de Nathan pour sa sortie en France
(le 10 juin dernier ; sortie DVD le 21 octobre prochain),
alors que X+Y passe très bien dans beaucoup de langues (en
contrepartie du fait qu'il est pénible à rechercher sur Internet).
Je racontais il y a quelques
mois que j'avais trouvé un peu agaçant que les scénaristes
de The
Imitation Game fassent passer Alan Turing pour un autiste
alors qu'il ne l'était pas, et alimentent ainsi le cliché qui veut que
les mathématiciens dans la fiction soient toujours au minimum
socialement incompétents quand ils ne sont pas carrément mentalement
atteints. Ici, le héros est un jeune autiste anglais doué pour les
mathématiques et qui participe
aux olympiades
internationales de cette discipline. Comme les exercices des
olympiades de mathématiques
m'agacent[#] autant que le
cliché dont je viens de parler, on peut dire que le film ne partait
pas avec un a priori très favorable de ma part.
Pourtant, il m'a assez plu pour que je le recommande. D'abord,
parce qu'il a réussi à éviter le cliché que je craignais : le héros
est autiste et doué pour les mathématiques, et c'est
clairement et pas donc ou car, et il y a d'autres
personnages qui montrent assez nettement que les scénaristes ne
confondent pas les deux. Ils évitent aussi le cliché apparenté
(I'm looking at
you, Good Will
Hunting) du jeune prodige qui est
forcément tellement fort en maths qu'il résout tout
immédiatement[#2] et fait
passer tous les autres pour des nuls — ici, sans vouloir spoiler, le
héros est doué, mais il l'est de façon réaliste. C'est sans doute
parce que le film est basé sur un documentaire, donc sur
des faits
réels, qu'il réussit à éviter l'hyperbole, mais c'est assez rare
pour être souligné.
(Je ne dis pas que le film évite tous les clichés ou
invraisemblances. Par exemple, on laisse beaucoup trop peu de temps à
ceux qui préparent les olympiades pour réfléchir sur un problème
donné : or absolument personne ne résout ce genre de problème en
quelques secondes ; mais on peut justifier ce choix pour des raisons
de rythme.)
Ensuite, je trouve assez rare de voir un film qui montre des
mathématiques, fussent-elles des mathématiques d'olympiades (voir
ma note ci-dessous pour la
nuance), sans faire n'importe quoi : on ne nous montre pas seulement
des gribouillis ressemblant vaguement à des formules et qui ne veulent
rien dire : plusieurs problèmes d'olympiades (ou en tout cas tout à
fait dans le genre des problèmes d'olympiades) sont posés, les
réflexions sont plausibles, et il y a même une question pour laquelle
la démonstration est faite au tableau, de façon correcte et complète
(bon, c'est une question à mon avis trop facile pour être
d'olympiades, et ce n'est pas très réaliste qu'on applaudisse le héros
pour l'avoir trouvée, mais au moins un nombre non négligeable de
spectateurs pourra comprendre).
Enfin, l'acteur principal, Asa Butterfield, est remarquable de
justesse, dans un rôle pourtant difficile. (On l'avait déjà vu
dans Hugo
Cabret
et Ender's
Game, où il était également bon, mais le scénario de ces
deux films à gros budget laissait à mon avis moins place à la
subtilité des émotions.) L'actrice qui joue sa mère, en revanche, m'a
semblé beaucoup moins bonne, mais peut-être que je me laisse
influencer par le fait que le personnage m'agaçait.
Sinon, je trouve amusante la coïncidence suivante : j'ai fait
référence à l'entrée de blog que
j'ai écrite sur le biopic de Turing, qui y est présenté à tort comme
autiste, et dans cette même entrée j'évoquais
aussi le film,
sorti au même moment, sur la vie de Hawking, qui lui a (vraiment) une
maladie neurodégénerative. Or le film dont je parle ici met en scène
à la fois un personnage autiste et un autre qui a une maladie
neurodégénerative (et il est explicitement comparé à Hawking,
d'ailleurs). Enfin, peut-être que ce n'est pas une coïncidence mais
une sorte de référence.
[#] Pour essentiellement
deux raisons. Primo, je trouve que ça a peu de rapport avec
les mathématiques : il s'agit de problèmes généralement atrocement
astucieux et ne faisant appel à aucune théorie générale, alors que, à
mon sens, les mathématiques consistent justement à trouver des
théories générales pour éviter les astuces. Bon, pour leur
défense, certains problèmes d'olympiades sont au moins assez jolis, ce
qui est aussi une caractéristique importante des bonnes mathématiques
à mes yeux — mais seulement certains, parce qu'il y en a beaucoup qui
sont non seulement difficiles et astucieux mais aussi fondamentalement
moches et sans intérêt. (Je précise que je ne suis pas vexé d'y être
mauvais : je crois même que je m'en sors honorablement, ou en tout cas
que je m'en sortais honorablement quand j'avais l'âge. On m'a
d'ailleurs demandé, comme j'avais eu un prix au Concours général de
maths, de participer à l'équipe française de la 35e olympiade à Hong
Kong — mais comme j'avais aussi un autre prix en physique pour lequel
j'étais invité aux États-Unis au même moment, je n'y suis pas
allé.) Secundo, et sans doute le plus important : je trouve
que l'idée de compétition, que ce soit entre les individus ou les
pays, va complètement à l'encontre de l'esprit de la science qui est —
ou devrait être — collaboratif et non compétitif.
[#2] Hint : dans la
réalité, les maths sont dures pour tout le monde. Si elles
ne l'étaient pas, l'hypothèse de Riemann serait décidée à l'heure
qu'il est. (En fait, on peut même défendre l'idée que c'est une
conséquence
d'un théorème
et
d'un postulat
physico-philosophique de Church et Turing que : les mathématiques
ne peuvent pas être triviales pour aucun habitant de cet Univers,
humain, extra-terrestre ou ordinateur.)
Et j'avoue que je suis bon public pour ce genre de choses, parce
que j'ai tendance à regarder
les images
de cette exposition universelle (ou d'autres expositions
universelles passées,
comme celle
de Paris de 1900
ou de
1937) avec la nostalgie si particulière d'une époque que je n'ai
pas connue. Pourtant, je ne suis pas spécialement tenté d'aller à
Milan où a lieu une
exposition universelle en ce moment
(disons-le franchement, nourrir la planète, c'est chiant, ça
ne me fait pas rêver) : est-ce parce que notre vision de l'avenir,
l'optimisme qu'on a pu avoir d'être sur le droit chemin vers le
meilleur des mondes[#], a
changé, ou est-ce simplement une question de nostalgie qui fait que
l'avenir paraît toujours plus radieux dans le passé que celui que
notre présent nous propose ? (ou, variante, une question de
génération : que l'avenir promis par les époques qu'on n'a pas connues
paraît toujours plus rose que celui de la nôtre).
Je n'ai pas vraiment de réponse à cette question, qui est sans
doute trop vague pour en admettre une. Mais j'ai tendance à
soupçonner que deux ans après la crise des missiles de Cuba, l'avenir
paraissait un peu plus inquiétant que
le Duck
and Cover de la décennie précédente ; j'ai tendance à
penser que si
le steampunk (et
ses variantes
pour les époques suivantes : decopunk, atompunk et autres choses
rigolotes à chercher dans Google images) a du succès, c'est parce que
nous gardons de ces futurs antérieurs exactement ce que nous voulons
en garder. Peut-être que les générations futures (s'il y en a !)
garderont comme souvenir de notre époque non pas notre mélange de
défaitisme et d'incapacité à agir concernant les problèmes écologiques
et géopolitiques majeurs, mais les zoulies images qu'on peut trouver
dans certains films de science-fiction que nous produisons encore (ou
qu'on
peut trouver
en ligne et qui prouvent que les gens rêvent encore de quelque
chose).
Le film, cependant, part de l'idée que nous avons effectivement
perdu une forme d'optimisme dans l'avenir qui eut prévalu autrefois.
Forcément, j'ai aimé l'évocation de cette forme d'optimisme, et j'ai
globalement bien aimé le film, mais il y avait quelque chose qui me
dérangeait, et
la critique
qu'en fait le
blog Paleofuture
(que j'ai peine à croire que je n'ai encore jamais mentionné ici, et
que j'en profite donc pour recommander) met exactement le doigt dessus
(je recopie juste le passage concerné, qui ne contient guère de
spoiler) :
The movie becomes an ouroboros of retro-futurism — a jetpack eating
itself. We hear again and again that nobody dreams about the shiny,
fantastic futures anymore. But instead of showing viewers those
futures, they spend the better part of two hours complaining that
nobody dreams of those shiny, fantastic futures anymore.
Tomorrowland is a mere shadow of the future we wanted
to see. It could've been a film about a fantastic, futuristic world
come to life. Instead it was a 2-hour lecture about our lack of
optimism, only hinting briefly at the fun and excitement we're
supposed to be dreaming of.
Il y a néanmoins quelques séquences — relativement courtes — où les
personnages s'amusent effectivement dans un monde qui combine
l'optimisme de l'avenir des années '60 et le raytracing des
ordinateurs modernes, et rien que pour ces séquences, ça vaut
peut-être la peine de voir le film.
[#] Je paraphrase ici formulation tirée d'un texte que j'aime
beaucoup de Stefan Zweig (Die Welt von Gestern
(Erinnerungen eines Europäers), c'est-à-dire Le Monde
d'hier (Souvenirs d'un Européen)), entièrement consacré à
l'esprit, à la fois optimiste mais en même temps incapable de
comprendre ses propres tâches aveugles, de la Vienne du début du XXe
siècle, vu à travers le regard du témoin de la montée du nazisme et
qui ne va pas tarder à se suicider. Voici ce qui pourrait sans doute
caractériser l'esprit de l'exposition universelle de 1900 :
Das neunzehnte Jahrhundert war in seinem liberalistischen
Idealismus ehrlich überzeugt, auf dem geraden und unfehlbaren Weg zur
„besten aller Welten“ zu sein. Mit Verachtung blickte man auf die
früheren Epochen mit ihren Kriegen, Hungersnöten und Revolten herab
als auf eine Zeit, da die Menschheit eben noch unmündig und nicht
genug aufgeklärt gewesen. Jetzt aber war es doch nur eine
Angelegenheit von Jahrzehnten, bis das letzte Böse und Gewalttätige
endgültig überwunden sein würde, und dieser Glaube an den
ununterbrochenen, unaufhaltsamen „Fortschritt“ hatte für jenes
Zeitalter wahrhaftig die Kraft einer Religion; man glaubte an diesen
„Fortschritt“ schon mehr als an die Bibel, und sein Evangelium schien
unumstößlich bewiesen durch die täglich neuen Wunder der Wissenschaft
und der Technik. In der Tat wurde ein allgemeiner Aufstieg zu Ende
dieses friedlichen Jahrhunderts immer sichtbarer, immer geschwinder,
immer vielfältiger. Auf den Straßen flammten des Nachts statt der
trüben Lichter elektrische Lampen, die Geschäfte trugen von den
Hauptstraßen ihren verführerischen neuen Glanz bis in die Vorstädte,
schon konnte dank des Telephons der Mensch zum Menschen in die Ferne
sprechen, schon flog er dahin im pferdelosen Wagen mit neuen
Geschwindigkeiten, schon schwang er sich empor in die Lüfte im
erfüllten Ikarustraum.
Tentative de traduction par mes soins :
Le dix-neuvième siècle, dans son idéalisme libéral, était
sincèrement convaincu d'être sur la voie rectiligne et infaillible
vers le « meilleur des mondes ». C'est avec mépris qu'on considérait
les époques antérieures, avec leurs guerres, leurs famines et leurs
révoltes, comme un temps où l'humanité était encore mineure et
insuffisamment éclairée. Ce n'était désormais qu'une question de
décennies jusqu'à ce que le dernier mal et la dernière violence soient
définitivement surmontés, et cette croyance en un « Progrès »
ininterrompu et irrésistible avait véritablement en ce temps-là la
force d'une religion ; on croyait en ce « Progrès » déjà plus qu'en la
Bible, et son évangile semblait irréfutablement démontré à travers les
merveilles quotidiennement nouvelles de la Science et de la Technique.
De fait, une ascension générale, à la fin de ce siècle paisible,
devenait toujours plus visible, toujours plus rapide, toujours plus
variée. Dans les rues, la nuit, au lieu des lumières pâles,
brillaient des lampes électriques ; les magasins portaient leur nouvel
éclat tentateur depuis les grandes artères jusque dans les faubourgs ;
déjà, grâce au téléphone, les hommes pouvaient parler à distance, déjà
ils s'y élançaient dans des voitures sans chevaux avec une vitesse
nouvelle, déjà ils se projetaient dans les airs en accomplissant le
rêve d'Icare.
Mon poussinet et moi sommes allés
voir Dear
White People (je ne sais pas pourquoi je ne l'avais pas
repéré à sa sortie en France, qui date d'il y a déjà quelques
semaines), et je voudrais le recommander très chaudement. C'est un
film sur le racisme dans l'Amérique contemporaine, en l'occurrence sur
le campus d'une université prestigieuse. Et ce qui le rend
intéressant (à mes yeux), outre qu'il est drôle, bien monté et très
bien joué, c'est qu'il n'est ni simpliste ni prédicateur ; il nous met
(nous autres chers blancs éponymes, surtout quand nous
sommes persuadés de n'être pas
racistes) mal à l'aise, sans pour autant nous dire quoi penser ou
sans nier que le racisme est un problème complexe et pas entièrement
noir-et-blanc (ha, ha). Les personnages, donc, ont une certaine
profondeur, bien servie comme je le disais par les acteurs, ils ne
sont pas caricaturaux, et ils ont des positions différentes sur les
relations entre Noirs, Blancs, métisses et autres, ou au sein de la
communauté noire (par exemple entre hommes et femmes, homos et
hétéros, et même geeks et non-geeks), sans qu'on puisse vraiment dire
avec le(s)quel(s) le réalisateur est le plus en sympathie. Bref, on
n'a pas l'impression de subir un tract militant, et c'est à nous de
trouver la morale, s'il y en a.
Je dois néanmoins prévenir que c'est un film passablement verbeux :
à mon avis, sur ce plan il devrait assez bien plaire à ceux qui ont
aimé Le Déclin de
l'empire américain (un
film que j'aime beaucoup, et
incontestablement verbeux), avec lequel je trouve une certaine
similarité formelle — en tout cas, ceux qui ont horreur des dialogues
plein de bons mots et débats animés devraient sans doute s'abstenir.
(Par ailleurs, l'anglais peut être difficile à suivre à cause des
références culturelles et du jargon estudiantin.)
Ce soir, mon poussinet et moi sommes allés
voir Jupiter
Ascending, parce que nous aimons bien le space
opera. Je ne veux pas spoiler, donc je me contenterai d'une
critique courte.
Les explications (pseudo-)scientifiques sont complètement
grotesques (avec notamment toutes les conneries habituelles auxquelles
on a le droit quand il est question de génétique). Si on fait
abstraction de ça, le postulat général, lui, se tient vaguement (en
tout cas, mille fois mieux que celui de The
Matrix[#]). Il y a plein
de petites incohérences, mais aucune qui m'ait franchement
horrifié.
Les scènes d'action/combat, forcément bourrées d'effets
spéciaux[#2] et de pub pour la
version 3D du film (j'ai vu la 2D, je déteste le cinéma 3D), sont
chiantes à mourir. Mais ça, ce n'est pas spécifique à ce film, je le
pense d'à peu près n'importe quoi qui sort dans le genre, et ça empire
avec le temps — il serait temps que les réalisateurs de Hollywood se
rendent compte que la surenchère en la matière finit par ne produire
qu'un profond ennui. (Personnellement, j'en suis à décrocher
complètement du film quand ça commence à bastonner — je réfléchis à
des problèmes de maths en attendant que la séquence soit finie —
puisque de toute façon je sais que le héros va s'en sortir sans gain
ni dommage significatif.)
En revanche, la représentation d'une aristocratie complètement
pourrie[#3] et diaboliquement
calculatrice (évoquant assez le monde de Dune), ainsi que
les scènes qui se passent sur la planète capitale(?) et qui sont
clairement une référence à Brazil, tout ça est vraiment
très réussi — et rien que pour ça, ainsi que pour les décors et
costumes dans ces séquences, je pense que ça vaut la peine de voir le
film[#4].
Je ne sais pas si Andy et Lana Wachowski se veulent
révolutionnaires (je veux dire, au sens politique, pas au sens de
révolutionner le
cinéma) : V for
Vendetta pouvait le laisser penser (mais de façon
brouillonne et confuse), Matrix peut
certainement se lire dans cette direction (mais ses très mauvaises
suites ne collent plus avec cette idée). Ce film-ci ne semble pas
spécialement appeler à faire la révolution, mais il est possible qu'il
provoque cette impression presque malgré lui : en tout cas, que
l'effet soit voulu ou pas, je trouve que Jupiter
Ascending donne plus envie de
pendre les
1% avec les tripes du Landrat de Davos que la lecture
de Das Kapital.
[#] (Spoiler
sur The Matrix !) Je parle de l'idée que
les humains servent de piles. Idée d'autant plus invraisemblablement
grotesque qu'il existait un postulat alternatif évident qui tenait
vaguement la route et rendait tout le reste du film légèrement plus
crédible : c'est que les cerveaux humains soient utilisés par les
machines pour leur puissance de calcul (en déguisant les problèmes
qu'on leur fait traiter sous la forme de leurs interactions avec la
Matrice).
[#2] On me dit qu'en
fait les scènes d'action font usage de plutôt moins d'effets spéciaux
que la moyenne. Ah. Peut-être. Dans ce cas, ça ne m'a vraiment pas
frappé.
[#3] Tiens, c'est
marrant, l'acteur qui joue le principal méchant
dans Jupiter Ascending
est le même qui joue
Stephen Hawking dans le biopic récemment sorti sur ce dernier et que
je mentionnais avant-hier. Ça veut
sans doute dire qu'il est bon acteur. Mais en parallèle, Benedict
Cumberbatch, qui joue Alan Turing dans The
Imitation Game, jouait aussi un grand méchant dans un
autre space
opera récent. Faut-il croire qu'il y a des similarités entre
le rôle d'un grand scientifique et le rôle d'un grand méchant de
science-fiction ?
[#4] Ou alors on peut
aller le voir pour baver sur les pectoraux
de Channing
Tatum. On peut. Mais pour
ça, Magic
Mike est probablement un meilleur pari. Pour les hommes
hétéro et les femmes homo, remplacez Channing Tatum
par Mila Kunis
et Magic Mike par Black
Swan, ça doit être à peu près pareil (par contre, vous ne
verrez pas ses abdos).
Hier soir je suis allé
voir The
Imitation Game avec quelques amis. Il faut dire qu'en tant
que mathématicien homosexuel cryptographe passionné de calculabilité
et intéressé par la philosophie de l'intelligence artificielle, Alan
Turing est forcément quelqu'un pour qui j'ai, disons, une certaine
admiration, pour ne pas dire une admiration certaine. (Voir aussi ce
que je disais à propos de son
pardon.) Forcément, je me préparais aussi à être un peu déçu : en
fait, ça n'a pas trop été le cas — je ne dirais pas que ce film est un
chef d'œuvre[#], mais il s'en
tire avec une mention honorable, même si je suppose qu'il va déplaire
à certains. Surtout, je trouve que l'émotion fonctionne : toute
romancée qu'elle est (pour ne pas dire complètement fictive), la scène
où l'équipe de Turing réussit enfin à faire fonctionner la machine à
cryptanalyser Enigma est assez forte, et la fin est également très
touchante.
(Spoilers dans la suite, mais je ne crois pas que
ce soit un film pour lequel ça a la moindre importance.)
Assurément, les scénaristes ont pris beaucoup de licences avec la
réalité : il faut considérer qu'il s'agit d'une fiction inspirée de la
réalité, et en aucun cas un documentaire. Les travaux antérieurs des
cryptanalystes polonais, par exemple, sont complètement passés sous
silence (ou évacués derrière une simple phrase que prononce Turing en
disant qu'il base sa machine sur une construction polonaise
antérieure) : la réalité du déchiffrement d'Enigma était beaucoup plus
complexe, il y avait plein de variantes du chiffrement (les
différentes armées allemandes n'utilisaient pas la même version, et
pas les mêmes protocoles), il y avait toutes sortes de faiblesses
opérationnelles, qui ont évolué avec le temps, sur lesquelles la
cryptanalyse se basait, rendant toute l'histoire assez compliquée ;
rien que définir ce qu'on appellerait en termes modernes l'espace
des clés d'Enigma n'est pas évident (le film évoque
159×1018 possibilités, chiffre qui figure sur Wikipédia,
mais ce n'est pas vraiment l'espace que les cryptanalystes anglais
devait parcourir). Bref, il est logique d'avoir simplifié et modifié
ces éléments techniques pour la présentation cinématographique, afin
d'avoir une histoire plus simple et plus facile à suivre. De même,
l'idée de baser le déchiffrement sur des morceaux de messages
prévisibles n'était, dans la réalité, pas un coup de génie mais un
principe utilisé dès le départ (par ailleurs, ce n'était
pas Heil Hitler mais
simplement eins, le mot allemand pour un
comme nombre cardinal, qui apparaissait apparemment souvent) : je ne
trouve pas que ce soit vraiment abusé d'avoir un peu brodé
là-dessus.
La relation de Turing avec Joan Clarke a été gonflée (mais il est
vrai qu'ils se sont fiancés, ce que j'ignorais), mais pas de façon
scandaleuse. Peut-être plus contestable est l'idée d'avoir montré le
héros comme isolé dans sa propre équipe et incompris par ses
supérieurs (que je sache, les deux sont faux). Les scènes sur
l'enfance du mathématicien sont aussi romancées, mais pas de façon
délirante. L'aspect « espionnage » est amplifié, mais je pense que ça
se justifie pour le cinéma. Bref, les choix faits sont critiquables
mais aucun ne me semble franchement absurde.
Il y en a cependant un qui m'énerve assez, c'est d'avoir fait
passer Turing pour un quasi autiste, ou en tout cas un asocial au
dernier degré, incapable de comprendre quoi que ce soit aux relations
humaines les plus simples, bref, la caricature du génie torturé. (Et
ils en ajoutent une couche en le montrant comme imaginant presque
avoir une relation avec sa machine, à laquelle il aurait donné le nom
de son amour d'enfance : là c'est vraiment grotesque.) Le vrai Turing
était un personnage plutôt avenant et drôle, quoique un peu naïf,
timide et excentrique. Et autant les autres altérations de la réalité
me paraissent justifiables pour le format cinématographique, autant
cette modification assez profonde du caractère central ne semble avoir
comme seule fin que de renforcer le cliché du matheux fou,
incompréhensible donc incompris — et ce cliché est franchement
lassant.
Et ce n'est pas que le réalisateur n'aime pas son héros. Au moins,
la thèse est clairement d'en faire un héros : l'importance de
sa contribution a l'effort de guerre serait plutôt exagérée, et la
narration écrite à la fin du film suggère qu'il a pu sauver trois
millions de vies, ce qui me paraît un peu sorti d'un chapeau ; de
même, la suggestion qu'il a inventé l'ordinateur, quoique pas
vraiment fausse, est légèrement trompeuse — il est difficile
de dire qui a inventé l'ordinateur, parce ça dépend du sens exact
qu'on donne aux mots inventer et ordinateur, Turing est
certainement un bon candidat (mais ce n'est pas le seul : Charles
Babbage, John von Neumann ou Konrad Zuse me viennent aussi à
l'esprit), mais en tout cas ce n'est pas une invention qui est surgie
de nulle part et dont l'humanité n'aurait pas bénéficié si la bonne
personne n'avait pas été au bon moment. Bref, les mérites du
personnage sont plutôt amplifiées qu'autre chose.
(Certains critiques ont reproché au film d'avoir
fait de Turing un traître, parce qu'il ne dénonce pas un espion
soviétique. Je trouve ce reproche vraiment bizarre. D'une part, il
le dénonce quand même un peu plus tard, d'autre part sa décision est
rationnellement défendable dans les circonstances, s'il s'agit de
s'assurer que le projet continue. À tout le moins, si on considère
que Turing est un traître à cause de ça, alors le chef
du MI-6 l'est aussi, et les gens qui font cette critique
ne semblent pas le soulever.)
Bon, il faut admettre que je suis sans doute prêt à pardonner
beaucoup à un film qui montre enfin un scientifique à l'écran dans un
rôle intéressant (il y
a un film sur
Hawking qui est sorti à peu près au même moment, mais je ne l'ai
pas vu), ou un personnage homo dans un
film qui ne s'adresse pas spécifiquement aux homos, alors si on
fait les deux à la fois, c'est tant mieux. Autrement dit, je trouve
vraiment triste que le grand public n'ait aucune idée de qui était
Turing, je suis prêt à accepter que la réalité soit romancée si on
fait passer le message c'était un mathématicien héros de la seconde
guerre mondiale grâce à ses travaux en cryptanalyse, et accessoirement
un des inventeurs de l'ordinateur, et la manière dont on l'a traité
parce qu'il était homosexuel l'a poussé au suicide — c'est déjà
bien si cette information passe, et pour l'exactitude historique du
reste de l'histoire, les gens peuvent consulter Wikipédia.
[#] Hum, j'ai
l'impression que je dis ça à chaque film que je vois, en fait : ce
n'est pas un chef d'œuvre, mais il n'est pas mauvais non plus. Je
ne sais pas à quand remonte le dernier film que je qualifierais de
chef d'œuvre ; quant aux films que je trouve vraiment mauvais, je ne
prends généralement pas la peine d'en parler. Je devrais plutôt
mettre des notes.
(Je vais essayer de ne pas spoiler, ou en tout cas
pas sur quoi que ce soit d'important.)
Je crois que j'ai toujours aimé les intrigues à rebondissements (je
ne sais pas quel mot convient le mieux en
français, rebondissements, révélations…
l'anglais plot twist est sans doute le plus
proche de ce que je veux dire) : les histoires où on découvre que le
grand méchant est en fait le père du héros, que celui qu'on croyait
gentil est en fait un méchant traître, que (et ce sens-là est à mon
avis beaucoup plus intéressant et plus difficile à mener correctement)
celui qu'on prenait pour un méchant est en fait un gentil, qu'on
s'est totalement trompé sur la
nature de X
ou Y, que les intentions
d'Untel n'étaient pas du tout ce qu'on pensait, que tel personnage est
en fait tel autre déguisé, que tel personnage est en fait deux
personnes différentes, que quelqu'un
apparaît à un moment inattendu ou
bien réapparaît, que tel
personnage, tel lieu ou tel objet n'a jamais
existé, ou bien le contraire,
que le général que la princesse doit
épouser est une femme ou au contraire
que la princesse avec laquelle le héros
a couché est un général, que celui
qu'on croyait fou ne l'est pas, ou le contraire, que le meurtrier
qu'on recherchait est en fait le détective / le narrateur / la victime
elle-même, que la femme que le héros a épousé est sa mère tandis que
l'homme qu'il a tué est son père, bref, ce genre de choses. Quand on
aime ce genre de choses, il est difficile de ne pas apprécier les
films de Christopher Nolan, et je pense que c'est beaucoup pour ça
qu'il plaît — pas seulement à moi. Je l'ai découvert, je crois,
quand je suis allé
voir Le
Prestige ; j'ai aussi beaucoup
aimé Shutter
Island [correction : on me fait remarquer
que celui-ci n'est pas de Nolan, comme dans
l'univers parallèle dont je viens,
mais de Scorcese — il faut croire que c'est le plus nolanien des films
de Scorcese], et un peu moins (et pour des
raisons un peu
différentes), Inception.
Je ne prétends pas que tous ses films soient forcément bourrés de
rebondissements, mais on peut révéler sans trop spoiler qu'au moins un
ou deux des éléments de rebondissement que je viens de citer ont servi
quelque part dans un film de Nolan.
Interstellar
en a aussi sa part, même si ce n'est sans doute pas le plus important
dans un film plutôt riche et qui semble hésiter entre plusieurs genres
(dont l'un à part entière est sans doute le genre « hommage
à 2001 »).
Cela ne m'a pas empêché de l'apprécier. Je précise aussi, car c'est
très important pour moi dans un film qui doit peut-être recevoir une
suite, qu'il y a une véritable fin, on ne nous laisse pas en plan avec
une intrigue à moitié achevée (chose que je déteste) : on voit que le
film fait potentiellement partie d'un ensemble plus grand, mais il
peut très bien se suffire à lui-même. (Et je reciterai cet exemple à
ceux qui me prétendent parfois que c'est impossible de concilier les
deux.)
Je ne révélerai pas quel est le point de vue du réalisateur sur la
conquête spatiale (on sait quel est le
mien), d'autant moins que je ne sais pas ce qu'il est : le film
reste sans doute volontairement ambigu, et les personnages n'ont pas
tous la même idée à ce sujet. Il pose néanmoins, d'ailleurs peut-être
malgré lui, et en ayant l'intelligence de ne pas vraiment chercher à y
répondre, une ou deux questions éthiques intéressantes, notamment sur
ce que cela signifie de nous perpétuer en tant qu'espèce, ou quel but
cela doit avoir (cf. l'entrée liée ci-dessus). Tout ça pour dire que
la tagline mankind was born on Earth: it was never
meant to die here est un peu simpliste.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il faut bien accrocher
sa suspension of disbelief, notamment en ce qui
concerne la physique (ou d'autres lois de la nature, d'ailleurs). Pas
que le film soit plus plein d'invraisemblances que d'autres films
de SF, mais il donne l'impression de prétendre à
plus de vraisemblance. J'ai eu quelque espoir en la matière en voyant
que l'extérieur du trou de ver n'était pas ridicule, que certaines
images de trou noir étaient inspirées d'images sérieuses (apparemment
fournies avec la collaboration
de Kip Thorne ;
dommage qu'il ne soit pas tombé
sur mes vidéos à ce sujet,
j'aurais peut-être pu rencontrer M. Nolan). Mais au final, on a droit
à la ration standard de bêtises, que ce soit le blabla sur la 5e
dimension qui semble inévitable dès que quelqu'un évoque la courbure
de l'espace-temps (mais noooooon ! pitié !) ou encore d'une planète
près d'un trou noir sur laquelle il suffit de se poser pour que le
temps subisse un ralentissement d'un facteur 60000 par rapport aux
observateurs juste à côté (allô la Terre ?), et je ne parle même pas
de planétologie, d'intelligence artificielle (soupir !), ou de simples
ordres de grandeurs sur la taille des choses dans l'univers ou même de
vraisemblance interne vis-à-vis de cette physique farfelue (par
exemple, si le temps s'écoule 60000 plus lentement sur une planète,
une sonde arrivée dessus va sembler envoyer ses bips 60000 fois plus
lentement, je crois que tout le monde peut deviner ça). En revanche,
j'ai bien envie de voir des images fixes des tableaux noirs remplis
d'équations qu'on aperçoit dans quelques scènes du film, parce qu'il y
a l'air d'avoir des choses rigolotes dessus (j'ai repéré quelques
équations standard de la relativité générale transformée avec des
lettres cyrilliques comme indices, je me demande s'il faut y voir une
private joke).
Mon poussinet et moi sommes allés voir le dernier
Disney, Maleficent
(de, par, pour et avec Angelina Jolie ). J'ai
vraiment beaucoup aimé. C'est mignon et rigolo, et c'est astucieux
sans prétendre être profond. Certains disent que ce n'est pas un film
pour enfants parce qu'il prend le point de vue de la « méchante »,
mais je pense justement que ce n'est pas mal que les enfants
apprennent tôt que la morale est souvent un peu plus subtile que des
gentils d'un côté et des méchants de l'autre : donc je dirais que
c'est un film pour les enfants de 9 à 99 ans.
Inutile de dire que ce n'est pas très fidèle au conte de Perrault.
Mais le retournement de point de vue est intéressant.
[Ajout () : Je
devrais mentionner que non seulement le film passe
le test de
Bechdel, ce qui n'est pas aussi
fréquent que ça devrait l'être, mais qu'il est même, sinon
féministe, au moins pas trop stupidement patriarchal, ce qui pour une
interprétation de la Belle au Bois Dormant n'était pas
forcément évident, quoi que puisse en penser M. Bettelheim.]
(Juste pour prouver que je ne parle pas que de
géométrie hyperbolique !)
Mon poussinet et moi sommes allés
voir le deuxième
volet de Hunger Games (2) sur les
conseils de cette
critique, qui est hilarante comme tout ce que
fait The
Onion, mais spécialement pour nous parce qu'elle tombait
bigrement
près des
raisons pour lesquelles nous avions vu la première partie.
Ce qui m'a agréablement surpris, au-delà de l'aspect visuel, c'est
que le scénario arrive à être
moins simpliste que ce qu'on peut
attendre d'un film hollywoodien pour adolescent(e)s — ou
adolescent(e)s attardé(e)s. (1) Il y a des personnages qui ont une
certaine profondeur, y compris des personnages secondaires qui ne sont
pas totalement mono-dimensionnels. (2) L'héroïne hésite entre deux
garçons, et il n'est pas complètement évident a priori lequel va
l'emporter, et il y a même l'idée qu'une relation d'amitié entre un
garçon et une fille est possible et peut présenter une certaine
richesse. (3) La fin n'est pas totalement prévisible (je ne veux pas
spoiler, mais j'ai été plutôt surpris). (4) Quitte à spoiler quand
même un petit peu, il y a un personnage qui semble être un méchant et
qui ne l'est pas, ressort scénaristique que je trouve beaucoup plus
intéressant et plus difficile à utiliser que le contraire. (5) Le
film passe largement
le test de
Bechdel, exigence extrêmement minimale mais malheureusement
rarement satisfaite.
🍩
Après le film, nous avons pris un brunch à Bercy-Village (un de nos
quartiers préférés dans Paris) dans un restaurant que nous n'avions
encore pas essayé : Chai 33 (situé, comme son nom
l'indique, au 33 de la cour Saint-Émilion) ; nous connaissions déjà le
brunch de son concurrent d'en face, Le Saint M', qui est
très bon, mais celui-là est encore meilleur, quoique plus cher : en
fait, j'irais même jusqu'à dire que c'est sans doute le meilleur
brunch que j'aie jamais mangé, et la cornucopée de bonnes petites
choses à manger qu'on nous a servies sur un plateau était assez
impressionnante à voir.
J'ai vu Cloud
Atlas dimanche matin, et j'ai énormément aimé. Il faut
dire que je suis bon public pour les œuvres constituées d'histoires
entrelacées qui s'imitent et se répondent les unes les autres (comment
appeler ça ?
des fugues
narratives, peut-être ?), et malgré quelques clichés un peu
fastidieux dans certaines de ces histoires, j'ai trouvé que l'ensemble
était intelligemment construit, et surtout, extrêmement bien monté.
Parce que ce n'était pas un défi facile à relever que de faire en
sorte qu'on arrive à suivre six histoires simultanées, dès le premier
visionnage, sans s'y perdre ; et aussi, que le suspens marche de façon
sextuple. Je recommande donc ce film à ceux qui aiment, par
exemple La Vie, mode
d'emploi, ou Si par
une nuit d'hiver un voyageur, le
film The
Hours ou le roman de Cunningham qui l'a inspiré, ou ceux
qui auraient voulu pouvoir lire
le roman ici résumé.
Hier mon poussinet et moi avons
vu The
Perks of Being a Wallflower (traduit en français
par Le Monde de Charlie, ce qui est nettement moins
poétique). Le film est assez bon, et plutôt touchant, quoique
convenu, et je le recommande ; mais ce n'est qu'obliquement que je
vais en parler ici (je risque de spoiler un peu, mais juste un petit
peu).
Il semble que tous les films américains que j'aie vus qui se
passent — au moins partiellement — dans un lycée montrent presque
exactement la même vision du lycée, et des rapports entre les lycéens.
Parmi les incontournables :
l'équipe de football américain (ou plus rarement, de basket ou de
lacrosse) qui joue un rôle central dans l'identité du lycée, et dont
le coach a une autorité au moins comparable aux profs ;
la notion d'élèves populaires (popular
kids), souvent les stars de l'équipe de foot sus-mentionnée, avec
qui tout le monde veut être amis, et qui sont au sommet d'une sorte de
pyramide de popularité (le héros du film étant souvent tout en bas de
cette pyramide et va devoir se battre contre l'ordre établi) ;
l'importance de l'endroit où on peut s'asseoir à la cantine
(cafétéria) du lycée (apparemment on ne s'asseoit pas un peu au pif,
il faut plus ou moins être invité à s'asseoir à côté d'Untel ou Untel,
et il y a des clans très fermés qui se dégagent à partir de ça) ;
le harcèlement (bullying) dans lequel les
adultes ne semblent jamais intervenir ;
la manière extrêmement codifiée dont fonctionnent les relations
entre garçons et filles (aka, the date) ;
les rituels immuables qui rythment l'année scolaire
(comme homecoming), dont le plus important et le
plus incontournable est le bal de fin d'année, où un enjeu
majeur est de trouver un partenaire de danse avant le jour
fatidique.
Je ne parle pas des cours eux-mêmes où le prof ne semble jamais
enseigner quoi que ce soit, et où la sonnerie retentit toujours au
moment opportun, c'est clairement une loi du genre (en revanche, je
suis curieux de savoir si les élèves quittent effectivement leur
chaise à l'instant où la sonnerie retentit).
Évidemment on s'attend à ce que beaucoup de choses soient déformées
ou exagérées. Les fictions le font souvent, et par exemple la
représentation des ordinateurs ou de la sécurité informatique dans un
film hollywoodien a à peu près autant de rapport avec la réalité de
ces choses que Bambi a avec un documentaire animalier ;
mais d'un autre côté, tout le monde a été au lycée, alors que
tout le monde ne sait pas (vraiment) comment fonctionne un ordinateur,
donc on ne s'attend pas à autant d'erreurs qui rendraient la chose
complètement invraisemblable au spectateur lambda. Je me méfie donc
de l'idée de disqualifier quelque chose comme un cliché évident :
après tout, aussi incroyable que cela semble, le phénomène des
demandes en mariage (toujours par l'homme à la femme dans un couple
hétérosexuel) en offrant par surprise une bague avec un diamant, bref,
le cliché ultime en la matière,
d'ailleurs inventé
par la De Beers pour vendre ses pierres, ce phénomène est réel (ou
du moins, il n'est pas complètement inventé).
Et il y a des choses qui sont incontestablement vraies dans ma
liste : concernant les relations entre garçons et filles, pour trouver
une analyse un peu plus vraie et plus intéressante que le regard posé
par le cinéma américain lui-même, j'ai par
exemple cette
interview
(traduite
en français ici) du sociologue Peter Bearman sur des sujets
apparentés. Je trouve très intéressant ce qu'il dit par exemple
sur the date :
Those kids, then 15 to 18 in high school, have the most
phenomenally normative orientation to relationships than you can
imagine. If you give them as we did, cards and ask them to order
their ideal relationship, what in the ideal would you like to have
happened next year. The order starts off with going out with a
group, meeting the parents, maybe holding hands, exchanging presents,
kissing, then another affective demonstrations saying I love
you, getting an I love you back, touching underneath the
clothes. This is really an ordered progression to sexual behavior.
It is incredible and it is uniform. It is not just that school, it is
pretty much uniform across the culture. Obviously there are some kids
who have a different model. The boys have a slight preference to have
physical encounters before social encounters. Girls would like to
have affective, communication before sex, but these are really tiny
marginal differences. So the incredible thing about American kids and
actually something people really do not get, is how normative they
are. […]
So I think the trick to understanding the date is the puritanical
culture that is America. In Europe, boys and girls in high schools
interrelate with each other, you do not have the same incredible
sex-segregation of friendship groups and in relation, in just hanging
around. And there is not this kind of organic set of opportunities for
boys and girls to bump into each other, hanging out at the beach, to
go shopping together, to do things that they do in their every day
life. So the date is the liminal, abstractive moment from every day
life for couples. It is the falsity of the activity that makes the
date real. So the date is the bringing together of the stranger, the
people on the other side do something together that they would not
ordinarily do in their every day life. Even the most mundane thing,
like going to MacDonald's which they might do all the time by
themselves, becomes sacred by virtue of its bringing together the two
sexes. That is why you do not have dates and we have dates.
De même, je soupçonne que l'homophobie, ou plus généralement le
harcèlement de ceux qui ne rentrent pas dans le moule, ne sont pas
complètement inventés (ne serait-ce que parce qu'il y a
des tentatives pour y mettre
fin) ; et ce sont certainement des phénomènes qui ne sont pas
limités aux États-Unis, mais la forme qu'ils y prennent, si on en
croit le reflet que l'industrie du cinéma en donne, est sans doute
différente de celle qu'elle a en Europe (ou du moins en France).
Maintenant, pourquoi ne pas juste demander leur avis sur la
question à des gens qui ont été au lycée aux États-Unis ? Parce que
quand on le fait, on obtient des réponses largement contradictoires,
entre cette vision que montre le cinéma est complètement fausse
et c'est absolument la vérité. Certainement entre autres parce
qu'il y a une grande diversité au sein du pays, on ne s'attend pas à
ce que tous les lycées se ressemblent ou que tous les lycéens aient la
même expérience de leurs années lycée. Mais il y a aussi sans doute
ceci que, même si deux personnes ont eu exactement la même expérience,
il se peut qu'on leur en montre un résumé et que l'un le juge tout à
fait correct tandis que l'autre le trouvera faux : tout simplement
parce que la mémoire retient des choses différentes comme plus ou
moins importantes, et aussi qu'on ne jugera pas forcément avec la même
sévérité une approximation sur telle ou telle chose. Par exemple,
concernant le film
français Entre
les murs, certains de mes amis profs ont dit qu'il était
très juste et d'autres qu'il était grossièrement exagéré — alors qu'on
peut soupçonner qu'ils ont des expériences assez proches, c'est juste
leur jugement sur le portrait qui diffère (par exemple, concentrer la
réalité pour la résumer dans le temps imparti peut donner une
impression d'exagération forcée ou au contraire de réalité
accrue).
Ajout : On me
signale cette réflexion
dans un commentaire, que je trouve très intéressante ; j'aime
beaucoup, notamment, la comparaison avec la cour de Louis XIV.
C'est dur d'être un garçon homo qui a les mêmes goûts qu'une
adolescente américaine de 17 ans : ça nous oblige, mon poussinet et
moi, d'aller voir des
films aussi mauvais que
ça (Abduction, Identité
secrète en français) pour
les beaux
yeux de l'acteur
principal[#], aussi mauvais
mais en l'occurrence pas assez spectaculairement nul pour
faire un bon nanar. Vous allez me dire, pour ça je pouvais aller
regarder la saga Twilight et voir Taylor Lautner exhiber
ses pecs et ses abdos dans le rôle d'un loup-garou aussi improbable
qu'huilé de partout ; mais là ça aurait complètement dépassé ma
patience et ma tolérance à l'énormité. Donc tant qu'à faire, au moins
choisir un film où il joue le rôle principal et où il y ait un peu
d'action et de testostérone. Un film aussi formaté que le physique du
bôgosse dont on devine qu'il a été formé pour être mannequin et pas
acteur.
Mais mon but n'est pas de tirer sur une ambulance, ou en tout cas
pas sur celle-là : je veux surtout m'amuser d'une chose, c'est la
façon dont les films d'espionnage de ce genre imaginent le concept
d'information. En l'occurrence, le cœur du scénario est une liste de
noms (cryptée, paraît-il, mais ce point-là ne joue absolument
aucun rôle, le mot semble avoir été simplement ajouté pour essayer de
gagner de la technocreed) stockée dans le téléphone mobile du père du
héros. En un unique exemplaire, évidemment.
Et je ne sais pas combien de fois
j'ai porté ma
main à mon front devant des films qui tournent autour de cette
idée : qu'une information ultra-importante ou ultra-secrète (parce que
de nos jours ça semble plus crédible qu'une information ait énormément
de valeur plutôt qu'un objet matériel) existe en un seul
exemplaire, que personne, bon ou mauvais, n'a l'idée qu'elle
pourrait être recopiée ou avoir été recopiée, et que quelqu'un essaie
de la récupérer, pas pour avoir une copie lui-même (ce qui
aurait un sens), mais pour empêcher d'autres de l'avoir. Jusqu'à des
niveaux de ridicule où tel personnage X prend en otage tel
autre personnage Y pour demander de Z qu'il lui
donne le CD, la
clé USB, le téléphone mobile, ou je ne sais
quoi, qui contient l'information, afin de la détruire. Hum, voyons,
qu'est-ce qui lui prouve que cette information ne sera pas recopiée
avant ? et s'il a moyen de s'en assurer, pourquoi ne pas utiliser ce
moyen pour s'assurer que l'unique exemplaire sera détruit ?
That's not how information works, guys.
Et je ne sais combien de fois je me suis dit, en regardant tel ou
tel film de ce genre, que si j'étais le héros je ferais N
copies chiffrées du fichier ultra-compromettant que le méchant essaie
de récupérer, j'en enverrais une à plein de grands journaux de la
planète plus une sur différents torrents avec un nom bien alléchant,
et je déposerais la clé de chiffrement chez plusieurs avocats, chacun
ayant la mission que s'il arrive quoi que ce soit de suspect à moi, à
mes proches, ou à un autre des avocats, il l'envoie à tous les
dépositaires du fichier. Je conviens que mon scénario à moi souffre
aussi de plein d'invraisemblances, mais aucune qui ne soit déjà
copieusement exploitée dans ce genre de films, et en plus il a
effectivement
été utilisé
dans la vraie vie, et je précise que j'avais cette idée bien avant
que Julian Assange ne la mette en œuvre (et je ne prétends à aucune
originalité).
Forcément, ce genre de façon de faire diminuerait pas mal les
possibilités de courses-poursuites-avec-cascades pour
récupérer l'exemplaire de l'information. Mais je pense qu'il
y a quand même moyen de faire des scénarios intéressants, avec de
l'action.
[#] De fait, quand je
relis les entrées de la catégorie cinéma de ce blog, une bonne
proportion des films n'a été vue que, ou principalement pour, l'acteur
principal. Assumons : ce n'est pas ma faute si David Lynch ne fait
pas jouer Zac Efron, hein !
Je suis allé voir le
film Habemus
papam de Nanni Moretti, l'histoire d'un pape nouvellement
élu et récalcitrant, et j'en ressors avec une impression partagée.
Dans l'ensemble j'ai bien aimé l'ambiance de cette comédie
rafraîchissante et assez attendrissante. Le collège des cardinaux est
présenté comme une bande de vieillards un peu enfantins et finalement
bien sympathiques, et le personnage joué par le réalisateur (un
psychanalyste) est vraiment excellent. La scène où le pape croise des
gardes suisses en exercice dans les jardins mérite aussi qu'on voie le
film. En revanche, la chute m'a gravement déçu : on a eu l'impression
que pour éviter à tout prix la fin que le spectateur attendait et
voyait venir
(cliquez
ici pour dévoiler : je m'attendais à ce que l'acteur qui joue
Konstantin Treplëv dans La Mouette déclare forfait juste
au moment de monter sur scène de la même façon que Melville (le pape)
l'a fait avait d'être présenté à la foule, que le pape le
remplace in extremis, que jouer ce rôle lui donne le courage de
revenir de lui-même au Vatican, et qu'il fasse un discours fort drôle
dans lequel la troupe d'acteurs l'aurait reconnu, et qui aurait
finalement donné raison à la bonne humeur du collège des
cardinaux), le réalisateur a choisi un dénouement différent,
plus grave, peut-être plus tchékhovien mais à mon avis en décalage
avec le reste du film. Au final, je ne sais pas si je dois
recommander.
Je suis méchant : Hollywood produit des films qui sont
incroyablement formatés, mais qu'il n'y a pas de honte à apprécier
comme tels. D'abord, il y a de jolies images ; de très
jolies images, même : très formatées, léchées, aux effets spéciaux
soignés comme des tableaux qui seraient une sorte de croisement
entre John
Martin pour les perspectives monumentales (vous ne connaissez
pas John
Martin ? il faut admettre qu'il n'est pas inoubliable), et
Jacques-Louis David pour les personnages au style pompier. Je vais
souvent voir les films juste pour les images, en fait (la séquence,
dans le Seigneur des Anneaux, où on allume les feux
d'alerte, mérite à elle seule qu'on voie le film) ; même si je
regrette de plus en plus qu'ils soient en train de relâcher cette
beauté picturale à la faveur de la whizzbangitude 3D, mais passons.
Pour le reste, vous avez une morale bien plan-plan et tout aussi
formatée que les images, et un scénario accessible à un débile, et qui
comporte comme contrainte syndicale une histoire d'amour hétéro
gentillette. Comptez aussi avec le politiquement correct, qui ici a
voulu faire jouer à un acteur noir un dieu nordique (et spécifiquement
Heimdallr, qui est pourtant connu comme le plus blanc des dieux, 'fin
bon), et un autre à un japonais.
Sauf que là il y en a un peu plus dans le scénario qu'une morale
gentillette. Juste un peu, mais ce n'est pas mal, en fait : il y a
deux personnages intéressants. Pas le héros, Thor, qui est aussi peu
original qu'il est joli garçon, ni l'héroïne, qui est prétendument
scientifique (et à cause de ça il faut supporter héroïquement des
phrases du style the electromagnetic storm had the
characteristic signature of an Einstein-Rosen bridge —
pitié !). Pas non plus les acolytes du héros ou de l'héroïne, qui
font de la pure figuration. Non, les deux personnages intéressants
sont Odin et Loki. Odin est joué par Anthony Hopkins (qui prouve
qu'il ne sait pas faire que des méchants psychopathes et vraiment je
suis surpris), et celui-ci rend justice à un dieu magicien et sage,
qui nous fait en même temps penser au Roi Lear — sans doute
n'est-ce pas pour rien que Kenneth Branagh est un célèbre
shakespearien. Loki, lui, est joué par un acteur anglais qui
apparaissait justement aussi dans le
film que j'ai vu jeudi soir, sauf que là il avait consigne de
cacher son accent Anglais alors que dans Thor il le
montre bien (Hollywood aime bien que les méchants aient un accent
anglais), mais je digresse… Loki n'est pas purement méchant
(pour un blockbuster comme ça, c'est un exploit), et le personnage
reflète assez bien le caractère compliqué et insaisissable du dieu
nordique qui l'inspire. Je ne dis pas que tout cela soit extrêmement
profond, mais par rapport à ce que je me m'attendais à trouver, c'est
une heureuse surprise.
Bref, pour les personnages d'Odin et de Loki et pour les très jolis
paysages en images de synthèse et pour le beau blond aux yeux
bleus dans le rôle éponyme, ça peut valoir la peine de voir ce
film.
J'ai vu le dernier
Woody Allen avec mon poussinet. J'ai été moins emballé que par
le précédent que
j'avais vu (Whatever Works) (je me
rends compte que je n'ai rien écrit dans ce blog à ce sujet, c'est
dommage parce que j'en suis vraiment fan), mais c'est quand même
mignon et poétique, et même si on rit moins que dans les pures
comédies de ce réalisateur, ça plaît forcément aux gens qui comme moi
adorent Paris (ou qui veulent jouer au petit jeu d'identifier où a été
tournée chaque scène — notamment pendant la séquence
d'ouverture).
Pour en dire un peu plus, je dois accepter de spoiler très
légèrement : ce qui rend le film amusant, c'est toute la galerie que
Woody Allen réussit à dresser de personnages célèbres ayant vécu dans
le Paris des années 1920 — des portraits à la fois plausibles et
surprenants, qu'on rencontre de façon inattendue et souvent très
drôle. Il y a une chose qui me surprend, cependant, c'est que Woody
Allen est notoirement un réalisateur apprécié uniquement des Français,
or les personnages qu'il décide de présenter sont vraiment ceux qu'un
Américain est susceptible de connaître et à part une très brève
mention de Cocteau il n'y a pas un Français dedans — pas un
Aragon, un Breton, un Éluard, un Giraudoux, un Braque ou un Duchamp
(je ne dirai pas qui sont les gens qui apparaissent effectivement,
parce que je ne veux pas spoiler, mais vous avez à peu près tous les
Américains célèbres qui sont passés à Paris à cette époque, et bien
sûr quelques non-Américains aussi) ; donc, d'une certaine manière,
c'est quand même bien un film qui vise les Américains. Une autre
absence qui me semble en fait beaucoup plus étrange, c'est celle de
James Joyce, qui en toute logique aurait dû apparaître dans
ce film, que je m'attendais à voir surgir d'un moment à l'autre, et
qui n'y figure pas.
Beaucoup connaissent sans doute déjà le célèbre film
scientifique Powers of Ten de Ray et Charles Eames, qui
présente la taille relative des choses dans l'Univers, et des
puissances de dix, par un zoom à travers le cosmos, entre un panorama
qui englobe de nombreuses galaxies et l'intérieur d'un proton dans la
peau d'un homme qui dort après un pique-nique à Chicago (ce
pique-nique constituant la scène initiale du film, et le milieu du
zoom). Sinon, je vous encourage
à le voir
(cf. aussi ici).
Je l'ai vu pour la première fois en 1984
au Ontario Science Centre (quand mes
parents et moi habitions Toronto) — ce même musée des sciences
dont je me plaignais il y a trois
ans qu'il était devenu juste une attraction ludique pour gamins. Il y
avait une petite salle où il passait en boucle, et mon père et moi
(mon père surtout, mais moi aussi) en étions fans et nous l'avons vu
de nombreuses fois.
Sauf que c'est un peu plus subtil : il y a deux versions du film.
Celle que j'ai vue et revue en 1984, c'est
la version de 1968,
qui est en noir et blanc si je me rappelle bien. Plus tard,
le Science Centre a changé et a mis
la version de 1977,
en couleur (je crois que je l'ai vue en 1988 quand nous sommes
retournés à Toronto pour un été), et c'est cette version-là qu'on voit
maintenant partout (y compris sur le lien vers YouTube que je donne
plus haut). La différence notable entre la version de 1968 et son
remake, c'est que la version ancienne, dans la partie du voyage des
puissances de dix qui zoome vers l'extérieur et vers le cosmos,
affichait les effets relativistes (le temps qui s'écoule pour le
voyageur et le temps qui s'écoule sur Terre, notamment, au fur et à
mesure que la vitesse s'approche de celle de la lumière). Cela a
probablement été jugé trop difficile à comprendre et un peu hors
sujet, et éliminé de la version suivante. Mais mon père aimait
beaucoup mieux cette première version, et a été déçu quand le film a
changé.
Toujours est-il que la version de 1968 est apparemment introuvable
sur le Web. C'est dommage. Il y a cependant
un DVD, trouvable
sur Amazon (mais uniquement d'occasion), qui contient apparemment
les deux versions : du moins si j'en crois un commentaire qui confirme
mon souvenir à ce sujet :
The primary difference between the two versions is that in the
first version, there is a side window kept running throughout the
movie, which shows the effect of relativity on the time-keeping of ten
seconds per order of magnitude of meters travelled. Around the time
the "camera" pulls back from 10-to-the-13th to 10-to-the-14th meters,
the subjective time-sense of the camera operator would start to be
strongly affected by relativity, because the "camera" would start to
be travelling at a significant fraction of the speed of light.
Gradually, subjective and Earthly time-sense gets so far out of whack
that ten seconds for the cameraman would be 100,000,000 years on
Earth. This might have the effect of prompting the
philosophically-inclined viewer to get the screaming meemies, but it's
better not to sweat the phiosophical details too much. Just ride with
it, baby. Anyway, evidently, the producers decided that the
additional feature of the relativistic clock was too distracting, and
they pulled it from the final version. Here in this video, we get to
see both versions of the film, which is a pretty tremendous
experience.
J'hésite un peu à l'acheter, mais bon, c'est quand même un peu cher
(et généralement acheter un article d'occasion chez Amazon.com quand
on n'habite pas aux États-Unis signifie passer par plein d'étapes très
compliquées pour finalement s'entendre dire que ce n'est pas possible
de livrer là où on est).
Je suis allé
voir Kaboom,
parce que
la bande-annonce
m'avait bien plu. Ben le film n'a pas beaucoup de rapport avec ces
extraits. Enfin, plus exactement, l'impression que j'ai eue est qu'il
y avait deux ou trois scénaristes et qu'ils se sont amusés à ce que
chacun écrive quelques scènes à tour de
rôle[#], et qu'ils
n'avaient pas du tout le même avis sur ce que devait être le
film. Et en plus que l'un d'entre eux avait fait un peu trop usage de
psychotropes et qu'un autre avait un sens de l'humour très
particulier. Bref, il y a des scènes qui sont bonnes, mais dans
l'ensemble, je ne recommande vraiment pas ce film inclassable. Sauf
peut-être comme nanar à regarder après une teuf ou une partouze.
[#] C'est une blague
classique sur Internet, je crois (et peut-être quelqu'un saura-t-il la
retrouver), l'histoire, malheureusement inventée, où un garçon et une
fille (au lycée ou à la fac, je ne sais plus) doivent écrire une
histoire en écrivant chacun une phrase ou un paragraphe à son tour, et
ils ne veulent vraiment pas la faire aller dans le même sens, et le
résultat de la dispute est tout à fait cocasse.
J'ai
vu Inception
avant-hier. (Je suis stupéfié par le succès de ce film, d'ailleurs :
pour une séance à 20h10 dans un grand multiplexe, nous avons acheté
nos places à 19h30, et à 19h35 la séance affichait complet. Certes,
le film est bon, certes Di Caprio est une star, et certes il y
a apparemment eu un peu de tapage médiatique à son succès, mais j'ai
du mal à comprendre que ça ait peu atteindre un tel niveau, surtout
fin juillet.)
Ça m'a beaucoup plu. Mais je dois dire que je suis bon public :
aimant les labyrinthes dans les
rêves, la récursion des mondes,
n'ayant rien contre
les heist
movies, et ayant énormément
apprécié Le Prestige
du même réalisateur, j'étais prédisposé. Je recommande le film à ceux
qui aiment le dialogue Little Harmonic
Labyrinth dans Gödel, Escher, Bach (dialogue
précédant le chapitre V, et inspiré de l'œuvre pour
orgue BWV591, Kleines harmonisches
Labyrinth de Bach) ; je suis d'ailleurs persuadé que le
réalisateur-et-scénariste s'en
est inspiré, et
que les clins d'œil
aux escaliers
impossibles de Penrose et autres fantasmagories eschériennes est
un hommage au livre de Hofstadter.
Pour critiquer un peu, l'exposition est peut-être un peu longue et
fastidieuse (on passe tout le film à apprendre, pour ainsi dire, les
« règles du jeu »), le suspens dans les scènes d'action vers la fin
est peut-être inutilement étiré, les labyrinthes qu'on nous avait
promis ne sont pas vraiment livrés, et j'ai relevé quelques
incohérences internes. Mais globalement, c'était très bien, et
psychologiquement astucieux.
Et c'est le genre de films sur lequel on peut faire
des théories à n'en plus
finir pour savoir comment il faut le comprendre au juste
(malheureusement je doute qu'il y ait une explication complètement
satisfaisante, c'est-à-dire qui relie tous les indices dont
on peut raisonnablement penser qu'ils ne sont pas une erreur du
scénario). Voici quelques éléments que j'aimerais qu'une bonne
théorie arrive à prendre en compte de façon satisfaisante :
La séquence de chasse à Mombasa est très suspecte : on ne voit pas
Cobb arriver à cet endroit (même si, pour être honnête, on ne le voit
jamais arriver nulle part — ce n'est pas forcément la preuve que
tout est un rêve, c'est un procédé cinématographique typique), il se
fait chasser par des forces de sécurité qui ressemblent
suspicieusement à celles qu'il rencontre dans les rêves, et surtout,
la ville semble être un dédale de petites rues comme les architectes
des rêves sont censé en imaginer, jusqu'à cette scène complètement
bizarre où il se faufile entre deux immeubles extrêmement serrés.
Puis Saito apparaît comme un deus ex machina, on
se demande ce qu'il fait là, tout cela est complètement bizarre et
inexpliqué : est-ce une faiblesse du scénario, ou un indice ?
La scène dans le sous-sol du chimiste. Prise au premier degré,
elle semble ne pas apporter grand-chose au film. Beaucoup de gens qui
ont des théories sur le film suggèrent qu'à partir de ce point-là tout
est en rêve : c'est consistant avec la remarque qui suit, mais ça ne
s'intègre pas bien avec celle qui précède.
La scène dans la salle de bain où Saito empêche Cobb de faire
tourner la toupie. Après ce moment-là, on ne voit jamais la toupie
tourner et s'arrêter — ça ne peut pas ne pas être volontaire de
la part du scénariste.
Parlant de la toupie, il y a peut-être trop de gens qui savent
quel en est le principe. À l'origine, c'est le totem de Mal, pas de
Cobb. Les acolytes de ce dernier savent comment elle fonctionne.
Mais Saito, probablement, ne le sait pas. Pourtant, c'est lui qui
interrompt Cobb (cf. remarque précédente), et c'est aussi lui qui la
contemple quand ils se retrouvent dans les Limbes.
Saito, quand Cobb le retrouve dans les Limbes, prononce une phrase
que Mal avait dite (to take a leap of faith),
alors qu'il n'est pas du tout clair que Cobb lui ait dite.
Les deux enfants, quand Cobb les retrouve à la fin,
ont exactement la même apparence que dans son souvenir
(notamment, ils n'ont pas vieilli). C'est peut-être un effet
cinématographique, évidemment, ce n'est pas forcément un indice. Mais
un autre point bizarre est qu'on ne voit pas leur grand-mère, dont on
connaît l'existence par le coup de téléphone (un peu bizarre) que Cobb
passe au début.
Cobb et Mal sont censés avoir vieilli ensemble dans les Limbes,
mais dans la scène où ils se suicident pour s'en échapper, ils ne sont
pas vieux. C'est probablement une simple faute de cohérence, mais
peut-être pas.
Ariane, évidemment, porte le nom de celle qui donne à Thésée le
fil pour sortir du labyrinthe. Probablement il n'y a rien de plus à
comprendre (elle est celle qui construit des labyrinthes), mais
peut-être quand même que si.
Mon poussinet et moi sommes allés
voir Prince
of Persia: the Sands of Time : c'est nanaresque à souhait,
mais c'est vraiment moins mauvais que ce qu'on pouvait penser (disons
que ça arrive à se prendre suffisamment à la légère pour que ce soit
rigolo).
Et Jake
Gyllenhaal est mignon tout plein.
Je parle de Georges Delerue, le compositeur de musique de film. Il
est surtout connu
pour la musique
du film Le Mépris de Godard, et c'est parce que
YouTube m'a proposé ce lien que je repense à lui. Mais c'est surtout
la musique du film
historique (produit en 1989 pour le bicentenaire) par Robert
Enrico et Richard Heffron sur la Révolution française qui m'avait
hanté : cette
musique est géniale [avancez à 1′40″ environ pour le morceau dont je
parle]. [Mise à jour () :
En fait, il s'agit d'un Hymne à la Liberté composé par
Delerue (pour ce que j'aurais plutôt dû qualifier de série télé
puisque le film n'en est que l'abrégé), et il y a des paroles : elles
sont ici
chantées par Jessye Norman.] Elle m'avait trotté dans la tête pendant
des années quand j'étais petit, puis je l'avais oubliée, puis elle
était ressortie à un moment incongru en 2002, j'ai
failli devenir fou en essayant de
retrouver ce que c'était, mais heureusement un ami mélomane l'a
identifiée pour moi (je suis impressionné qu'il ait réussi,
d'ailleurs, à partir de la mauvaise transcription que j'en avais
faite, et en n'ayant lui-même vu ce film que longtemps auparavant).
Bon, c'est peut-être autant cette péripétie qui explique que j'aime
cette musique que le contraire : toujours est-il qu'elle s'est
associée dans mon esprit à l'idée de Liberté grâce à ce film ;
film, soit dit en passant, qui a aussi définitivement associé pour moi
la tête de Louis XVI à celle de Jean-François Balmer.
Comme je ne sais combien de millions de gens, je suis allé voir
le film qui rapporte
des milliards. Et comme je ne sais combien de milliers de
blogueurs, il faut bien que j'en dise ce que j'en ai pensé.
Je l'ai vu en 2D, un peu par hasard, mais ce n'est pas
pour me déplaire parce que les lunettes 3D me fatiguent
vite, alors je ne crois pas que je les aurais supportées 160 minutes.
J'ai l'impression d'arriver à très bien imaginer ce que ça doit donner
en 3D, et je ne crois pas avoir perdu énormément (je veux
bien croire ceux qui affirment que c'est beaucoup mieux que ce qui
s'est fait jusqu'à présent en la matière, mais même comme ça je doute
que ce soit vraiment autre chose qu'un gimmick). La beauté des images
est dans les textures, les couleurs (notamment la fluorescence la
nuit), les magnifiques paysages très
miyazakiens[#], bref, la
photographie.
Le scénario est d'une platitude extraordinaire : vous
prenez Pocahontas ou Danse avec les loups
(voire Lawrence d'Arabie, mais édulcoré) et une petite
pincée de Starship Troopers, vous ajoutez
la mièvrerie des passages sur Endor dans Le Retour du
Jedi, un peu de mythe du bon sauvage et une grosse rasade
d'écologisme, vous mélangez bien fort, et vous
obtenez Avatar. Aucun risque n'a été pris, aucun
personnage n'a de profondeur psychologique, le gentil est vraiment
gentil et son parcours initiatique est sans surprise, le méchant est
vraiment méchant (ou con et buté à tout le moins) et rien ne vient le
sauver ou donner un autre son de cloche, le conflit est mené de façon
frontale, sans trahison ou autre subtilité. Tout est cousu de fil
blanc et se voit venir quinze minutes à l'avance. La morale est
simple, voire simpliste : la gentille tribu gagne à la fin contre les
méchants envahisseurs (je spoile autant que si je vous révèle que le
pape est catholique).
De même, il va de soi que les extraterrestres sont aussi humains
que ce que peut imaginer un enfant à qui on parlerait d'hommes de
l'espace : à part qu'ils sont bleus et un peu plus grands, qu'ils ont
une queue et qu'ils communiquent (vraiment) avec la nature, ils sont
exactement comme vous et moi[#2],
ils ont jusqu'au même nombre et au même arrangement des doigts de
pieds, ils marchent comme nous, ils voient comme nous, ils entendent
comme nous, ils parlent comme nous (une langue à peine exotique, et en
tout cas assurément prononçable, même pas avec des voix qui
sembleraient bizarres), ils pleurent quand ils sont tristes et ils ont
une organisation sociale juste un peu tribale, mais sans aucune
originalité et surtout rien qui pourrait nous choquer ou les faire
paraître moins gentils. Bien sûr, comme dans absolument tous les
films de science-fiction hollywoodiens, les extra-terrestres ont de
l'ADN, et on peut apparemment le mélanger au nôtre
(ben voyons). Les bestioles sur la planète sont vaguement des
dinosaures passées à la peinture des images de synthèse, parfois avec
des changements triviaux (six pattes sur les chevaux) ; la plupart des
plantes ressemblent à s'y méprendre aux nôtres (et pour commencer,
elles sont généralement vertes). S'il y avait la moindre prétention
scientifique, on grincerait des dents à tel point c'est ridicule :
heureusement, il n'y en a pas. De toute façon, s'il y avait la
moindre once de réalisme scientifique, le héros n'arriverait jamais à
empathiser en quelques mois avec les créatures en face de lui, et le
spectateur du film en quelques heures encore moins : le réalisateur a
donc bien eu raison dans ses choix. Au moins, les règles de son
monde, pour absurdes qu'elles soient scientifiquement, sont cohérentes
avec elles-mêmes : je n'ai pas trouvé de bizarrerie interne
dans l'histoire.
Je ne pense pas que ce soit une critique que de dire tout
ce que je viens de dire. Certes, je regrette un peu : je regrette
qu'on n'ait pas donné au méchant une personnalité un peu tourmentée,
et je regrette qu'on n'ait pas montré au moins une chance à la
diplomatie ou au compromis entre les deux parties, ce qui aurait
permis au scénario d'être un peu moins plat ; je regrette aussi que
les extra-terrestres soient confinés au rôle du gentil sauvage au
savoir ancestral, sans jamais faire preuve d'ingéniosité inattendue.
Mais si on va voir Avatar pour son scénario, c'est
probablement qu'on s'est trompé de salle. Il faut le voir pour le
graphisme, et pour entendre une histoire qu'on connaît déjà : une
sorte de mythe, parfaitement prévisible, mais néanmoins émouvant, et
raconté de façon à faire éclater cette émotion. Car c'est justement
parce que le scénario est simple et linéaire qu'il est touchant. J'en
ai eu, en tout cas, les larmes aux yeux (mais j'avoue que je suis bon
public). Je rejoins donc au final les critiques favorables que le
film a reçues : il faut juste savoir pour quoi on va le voir. Couper
un peu son cerveau, mais ouvrir grands ses yeux et son cœur.
[#] Les montagnes qui
flottent dans l'air, ça fait vraiment bipper mes neurones à
Miyazaki.
[#2] Enfin, je n'en
sais rien, peut-être que mon blog est lu sur la galaxie d'Andromède ou
bien par des IA qui ont émergé spontanément dans
Internet.
Mon poussinet et moi avons vu le
film Patrick 1,5
(titre bizarrement traduit en français comme Les Joies de la
famille). C'est certes un peu prévisible, mais c'est tout
mignon et ça nous a beaucoup plu : je recommande, donc (et pas
seulement parce que les deux principaux
acteurs, Gustaf
Skarsgård
et Thomas
Ljungman, sont très jolis à regarder). La difficulté, par contre,
c'est qu'il n'est (plus ?) diffusé que quand une douzaine de salles en
France (deux à Paris) : pour notre part, nous sommes allés
au Mk2
Beaubourg (qui s'est fait une certaine spécialité de projeter les
films « LGBT-themed »).
En passant, j'ai vu des gens (je crois que c'étaient
les Mormons de la rue Saint-Merri)
qui s'étaient
installés au
coin de Beaubourg et qui, perchés sur des
bittes[#], lisaient à haute voix
des textes religieux en anglais, probablement la bible du roi Jacques
ou le livre de Mormon ou quelque chose de ce genre : ça faisait
exactement penser à
la scène des
prophètes de Life of Brian (ou un peu
au sermon au tout début
de ce passage
de The Meaning of Life), du coup j'ai
vraiment eu envie de me mettre à côté d'eux et de commencer à prêcher
moi aussi (mais je me suis souvenu de comment Brian finit et j'ai
préféré éviter).
[#] Des bittes pour
empêcher les voitures de passer, je veux dire. Après, si pour Pierre
sur une pierre on peut fonder une Église, on peut certainement aussi
faire des choses intéressantes sur une bitte.
Le fait que j'aie une certaine tendance à
l'ostalgie, et
certainement à la nostalgie (notamment des années '80) explique sans
doute en partie
que L'Affaire
Farewell m'ait plu. J'aime beaucoup les films qui recréent
une époque, et j'aime aussi les films polyglottes (ou plutôt, a
contrario, je trouve très agaçants les films où tout le monde
parle inexplicablement l'anglais, le français, ou ce que vous
voudrez). En tout cas, je conseille le dernier Kusturica.
Je ne savais pas que c'était lui le réalisateur,
d'ailleurs, sans quoi je ne serais peut-être pas allé voir (je ne
connaissais de lui
que Arizona
Dream
et Chat Noir,
Chat Blanc[#], que j'ai
tous deux détestés, et la blague que les Guignols de
l'info avaient fait quand il avait présidé le jury de Cannes où dès
qu'on voulait lui parler un orchestre-fanfare se mettait à jouer).
Mais je m'aperçois que non seulement il peut faire des films qui
me plaisent [Correction : on me fait remarquer
qu'en fait il n'est pas le réalisateur, il est seulement acteur ; donc
je ne sais pas s'il peut faire des films qui me plairaient] mais aussi
qu'il joue lui-même bien, car c'est lui qui joue le rôle principal.
Ce que je ne savais pas non plus, logiquement ; j'avais cru
m'apercevoir qu'il avait un accent étranger quand il parlait
russe[#2], donc je m'étais
demandé s'ils avaient pris un Français pour jouer le rôle, mais en
fait il a aussi un accent quand il parle français.
[#] Pour autant que ma
boule de cristal déchiffre bien le serbo-croate, le titre
en VO ressemblerait plutôt à Chatte Noire, Chat
Blanc, d'ailleurs.
[#2] Peut-être que je me
fais des idées, parce que le serbo-croate n'est vraiment pas éloigné
du russe (mais je ne sais pas ce qu'il en est pour la prononciation),
et parce qu'il est par ailleurs plausible qu'il ait dû apprendre le
russe quand il était jeune. Mais même si ce n'est pas vraiment un
accent, il ne parlait pas russe de la même façon que les autre acteurs
(et qui devaient bien être des Russes, eux) et du coup je le
comprenais beaucoup mieux.
Je fais partie d'un groupe de copains qui organisons régulièrement
(de façon semi-confidentielle) des projections de nanars.
Le nanar, c'est un film qui est tellement mauvais qu'il en
devient bon : notion insaisissable s'il en est, et qui conduit souvent
à des débats pour savoir si tel ou tel film est un bon nanar
ou juste vraiment mauvais ou, au contraire, secrètement
excellent, ou encore vraiment bon au second degré (et le
débat n'est pas clair sur le rapport entre ces différentes
notions).
Pour l'instant, notre consensus sur la palme absolue revient
à Dünyayı
kurtaran adam (officieusement Turkish Star
Wars), un film de science-fiction turc des années '80, tout
en carton-pâte et en récupération de musiques voire de séquences
d'autres films (comme Star Wars, d'où le
titre alternatif), où le héros, armé de bottes et de gants en or
magiques, redécouvre l'Islam et sauve l'humanité d'un grand méchant
commandant des zombies qui veut récupérer un cerveau humain pour
détruire la Terre… ou quelque chose comme ça. (Il paraît
que la suite est
sortie, mais qu'elle n'est pas du tout à la hauteur de l'original :
sans doute parce que l'original se prend au sérieux et pas la suite
— or si un mauvais film sérieux peut faire un bon nanar, un
mauvais film comique fait souvent juste un mauvais film comique.)
Parmi les autres petits joyaux de la nanaritude que j'ai découverts
au nanar-club, il y a
aussi White
Fire (aka Vivre pour Survivre) : histoire de
plus gros diamant du monde qui brûle tous ceux qui s'en approchent (film
dans lequel l'héroïne se fait tuer absolument sans raison puis le
héros rencontre quelqu'un qui censément lui ressemble et l'envoie se
faire faire de la chirurgie esthétique de façon à ce que l'actrice
initiale puisse continuer à jouer le rôle de l'héroïne — c'est
vraiment bizarre) ; Doc
Savage : un film d'aventure dont le degré défie les lois de
l'arithmétique en étant à la fois plus grand que 2 et plus petit que
1 ; Yor, le
chasseur du futur : où le héros
(pas
trop mal foutu d'ailleurs) commence comme une sorte de
Rahan, chasseur
dans un monde préhistorique (bon, il ne chasse jamais rien, il ne fait
que détruire accidentellement tout ce qu'il touche, mais il paraît que
c'est quand même un chasseur), et finit inexplicablement par affronter
une douzaine de clones
de Darth
Vader dirigés par un grand méchant fort opportunément
nommé Overlord ; Flash
Gordon : qui prouve que le ridicule ne tue décidément pas,
mais qu'est-ce que ça a quand même dû coûter
cher ; Howard
the Duck : l'œuvre que George Lucas essaie
désespérément de faire oublier (ça fait moins glamour d'être auteur de
l'histoire d'un canard extraterrestre qui tue un grand seigneur noir
de l'espace, que d'être l'auteur de Star
Wars — même si à la réflexion on voit que c'est le même
esprit) ; ou
bien Le Jour et
la Nuit de Bernard-Henri-Lévy-Philosophe-Télé : le film qui
prouve que les intellos français peuvent faire de très bons nanars
avec leurs pensées profondes. Ah, et il y avait aussi une histoire de
quelqu'un qui se transformait en dindon géant tueur d'humains parce
qu'il avait pris des drogues et que des savants fou avaient fait des
expériences sur lui, mais malheureusement je ne me rappelle plus le
titre de cet ovni.
N'oublions pas non plus le classique des classiques, le joyau de la
couronne du plus mauvais réalisateurs de tous les temps, le
génialement
mauvais Plan 9
from Outer Space, où des extra-terrestres ressuscitent les
morts sous forme de zombies pour obliger les humains à reconnaître
leur existence et les conduire à faire la paix afin d'éviter qu'ils
fabriquent l'arme ultime qui détruira tout l'Univers en faisant
exploser les molécules de rayons solaires (si, si !) ; un film célèbre
pour des phrases aussi invraisemblables que we are
all interested in the future, for that is where you and I are going to
spend the rest of our lives; and remember, my friend, future events
such as these will affect you in the future ; un film, aussi, qui
contient des scènes jouées par le grand Béla Lugosi alors que le film
a été commencé après la mort de celui-ci. (À ce sujet, je recommande
vivement le
film Ed
Wood de Tim Burton, qui raconte notamment les circonstances
du tournage de Plan 9 from Outer Space : en
le voyant, on se dit que, non, ce n'est pas possible, c'est trop gros,
et on lit ensuite sur Wikipédia
que, si,
pratiquement tout est authentique.)
Mais hier la nanaritude de nos projections a atteint des sommets
plus exotiques
avec देवी
माँ (Devī
Mã), un petit chef d'œuvre du kitsch issu des studios
bollywoodiens. C'est l'histoire du roi des démons qui veut dominer le
monde et devenir immortel en tuant la déesse-mère
(la Devī
Mã éponyme — que les sous-titres anglais que nous avions
traduisaient d'ailleurs en godmother, un
contresens amusant) : comme ses premières tentatives à base de plantes
maléfiques échouent, il doit capturer une petite fille qui est à la
fois la fille et l'incarnation de la déesse (ce n'est, disons, pas
très clair). La déesse essaie de convaincre la mère (humaine) de la
petite fille de lui livrer la fille, mais la mère refuse, d'où soucis
divers et variés (en fait, la dispute entre la mère humaine et la
déesse occupe beaucoup plus le film que l'histoire du roi des démons).
Les rebondissements sont subtils et tout à fait inattendus
(indication : tous les personnages féminins — autres
que l'héroïne — apparaissant dans le film sont, en fait, des
incarnations de la déesse, et pour ceux qui ne comprendraient pas avec
les serpents partout, elle clignote régulièrement sous sa forme divine
à la peau bleue et armée d'un trident). Les effets spéciaux sont
subtils et raffinés (le roi des démons sait se rendre transparent,
mais le clou du spectacle est le squelette géant crachant du feu qui
apparaît à la fin : si on en juge par sa façon d'exploser en petits
triangles, il a demandé au moins une microseconde de calcul à un
ordinateur quelque part). Et surtout, on a droit à à peu près une
seule phrase musicale (le Leitmotiv de la déesse)
répétée pendant deux heures, à la fin on devient fou à l'entendre.
Les intermèdes dansés (au son de l'unique phrase musicale, donc) sont
délicieusement interminables. Bref, du grand nanar. Nous avons tous
regretté de ne pas avoir
invité Joël pour nous
détailler l'herméneutique sans laquelle nous étions perdus dans la
complexité du scénario.
Mise à jour : Le nanar'club
a un blog ! (un skyblog,
ça s'imposait…)
J'ai bien aimé le
dernier Dreamworks (que je trouve pourtant
généralement moins bon que Pixar), sans doute mieux
que Shrek.
Je m'attendais à ce que soit distrayant et vaguement stupide, en fait
c'est vraiment drôle, c'est délicieusement mignon, ce n'est pas con,
et c'est même un peu émouvant ; le kung fu est montré d'une façon
amusante mais pas moqueuse. Évidemment, le scénario n'est pas d'une
infinie subtilité, mais il y a quand même quelques ressorts bien
trouvés (et peut-être quelque chose de madorien dans un ou deux
rebondissements de l'intrigue ) et plein de références
à Star Wars ou
peut-être The Matrix.
Sinon, j'ai a-do-ré le personnage du père du héros, et aussi celui
du vieux maître tortue.
Il faut que je précise que j'ai un faible particulier pour les
films qui reconstituent le Zeitgeist d'une époque récente ou
retracent l'histoire d'une période telle que vue à travers les yeux de
personnages auxquels on s'attache. En fait, ce sont les films qui
m'arrachent le plus facilement des
larmes[#] alors que les drames
sentimentaux n'y parviennent généralement pas. J'ai tenté de faire
quelque chose de semblable
dans un
ou deux de mes fragments littéraires gratuits, mais
sans grand succès je le crains.
Par
exemple, La
meglio gioventù (Nos meilleures années) fait
partie de mes films préférés, bien
que je n'aie pas spécialement connaissance de la façon dont l'Italie a
vécu les années en question ; et dans un genre un peu différent, je
pourrais
citer C.R.A.Z.Y. (qui se
concentre tout de même plus sur la vie de la famille que sur
l'atmosphère de l'époque). S'il pouvait être aussi réussi
que Nos meilleures années, un film qui retracerait,
disons, les trente ou quarante dernières années en France (notamment
les années Mitterrand, pour lesquelles j'ai un
souvenir attendri) ferait
certainement un film que j'adorerais (surtout s'il y avait en bonus un
personnage auquel je m'identifierais particulièrement, comme un garçon
homo[#2] d'à peu près mon
âge).
Tout ça pour dire que je partais particulièrement bon public
pour Nés en
68, qui colle à la description que je viens de faire dans
la seconde partie de la phrase précédente. Vu que j'ai bien aimé mais
que je n'en ressors pas non plus complètement emballé, il faut croire
que ce n'est pas aussi réussi que Nos meilleures années.
Les principaux reproches que je pourrais lui faire sont d'abord qu'il
y a des longueurs ou des scènes vraiment trop appuyées, ensuite que
certains événements sont plaqués sur l'histoire des personnages de
façon tellement artificielle que ça ne passe pas (ou alors c'est
plutôt censé être un clin d'œil, comme les images du World Trade
Center en flammes qui apparaissent sur un écran de télé que personne
ne regarde). Et Lætitia Casta, même si elle ne s'en sort pas trop mal
dans le rôle le plus important du film (et arrive presque à faire
croire qu'elle a cinquante ans), est tout de même un peu casse-nerfs à
mon goût.
Nés en 68[#3],
donc, trace le parcours d'un petit groupe de personnages, dont
essentiellement trois qui sont au départ des sorbonnards gauchistes,
et leurs enfants, sur une période de quarante ans (mais en se
concentrant tout de même sur l'intervalle de 1968 à 1999). À travers
eux, les événements qui ont marqué la France pendant cette période,
tels que vus et commentés par des ex-hippies (je pense qu'on ne doit
guère avoir de chance d'aimer ce film si on n'est pas au moins un peu
gauchiste dans l'âme) : la loi Veil, l'élection de Mitterrand, les
années Sida, le passage de Le Pen au second tour, et ça se finit avec
les déclarations de l'actuel président de la République au sujet de
l'héritage de mai '68. Avec comme thèmes importants : la vision
hippie de l'amour libre et de la communauté, le militantisme politique
et la désillusion, et l'activisme gay (un des personnages milite à Act
Up). Si on est branché par ça, alors je recommande.
(Hum, je viens de remarquer qu'Olivier Ducastel et Jacques
Martineau — les metteurs en scène — sont aussi ceux qui
ont fait Drôle de
Félix, Ma
vraie vie à Rouen
et Crustacés et
Coquillages — j'ai d'ailleurs beaucoup aimé ce
dernier, moins les deux d'avant. Donc le fait qu'il y ait au moins un
personnage homo était assez prévisible.)
Ah, et j'ai bien aimé la BO,
aussi.
Si ça vous intéresse mais que vous n'avez pas la patience de passer
au cinéma les 173 minutes que dure le film, il semble qu'il sortira
sur Arte en octobre (en deux moitiés, au total un peu plus long que
celui qui est actuellement en salles). Je peux aussi faire un lien
vers
la bande-annonce.
[#] Je ne parle même pas
spécialement des passages tristes : ce sont plutôt des larmes de
nostalgie, des larmes issues de la pensée moi aussi, j'ai vécu
ça, que des larmes de tristesse. Par exemple,
si Good bye, Lenin! m'a
ému au point de me faire pleurer, c'est que la chute du mur de Berlin
est quelque chose qui m'a énormément marqué quand j'étais petit, le
sentiment de vivre en direct un moment historique (la demi-génération
d'avant retiendrait sans doute le pied d'Armstrong posé sur la Lune,
la demi-génération d'après les attentats du 11 septembre 2001).
[#2] Si le garçon en
question est joué par un acteur extrêmement mignon (en l'occurrence
Théo Frilet, c'est lui qu'on voit sur
l'affiche
du film, et j'avoue que ça a pu m'inciter à le voir), ce n'est pas
plus mal non plus.
[#3] Le titre est
mensonger, d'ailleurs : les personnages de la seconde génération sont,
si j'ai bien suivi, nés en quelque chose comme '69 (Ludmilla et
Christophe), '71 (Boris, celui qui est joué par Théo Frilet), et '80
(Joseph).
Je viens de voir le dernier volet du triptyque commencé avec
le Déclin de
l'empire américain
et Les Invasions
barbares : comme j'ai beaucoup aimé ces deux-là (le premier
fait certainement partie de mes films
préférés), il n'est pas surprenant
que L'Âge des
ténèbres m'ait également plu, même si je précise que ce
n'est pas la suite (seule une très brève intervention de
l'acteur Pierre Curzi — qui jouait le personnage du même prénom
dans les deux premiers films — établit un lien quelconque). Je
continue cependant à préférer le film très bavard de '86 (est-ce parce
que la conversation d'intellectuels se racontant leurs malheurs voire
leurs prouesses amoureuses est quelque chose dont j'ai
l'habitude ? ) ; ce troisième chapitre me semble
manquer un peu d'originalité dans ses thèmes de fond (incapacité à
communiquer, absurdités bureaucratique, manie du politiquement
correct, réfuges dans des mondes de fiction, etc.) et aussi dans sa
conclusion (au risque de spoiler, c'est à peu près celle
de Candide même si elle n'est pas clairement énoncée), et
aussi parfois forcer un peu trop le trait de la caricature. En
revanche, le comique, lui, est assez réussi et parfois assez
original.
En résumé : ce n'est pas génialissime, mais les critiques que j'ai
lues
(comme celle-ci)
m'ont l'air de venir de gens qui ont dû beaucoup aimer les deux
permiers films et jugent trop sévèrement les différences de
celui-ci.
Et ça m'aura donné l'occasion de découvrir ce chef d'œuvre
inoubliable qu'est Zémire et Azor d'André Ernest Modeste
Grétry, variante de l'histoire de La Belle et la Bête.
(Je dis ça aussi parce que si vous voulez retrouver le nom du
compositeur en cherchant sur le Web, ben ce n'est vraiment
pas facile.)
Je viens de voir הבועה (The Bubble), film israélien dont l'argument
principal est une histoire d'amour entre un Juif de Tel-Aviv (Noam) et
un Palestinien de Naplouse (Ashraf). Contrairement à d'autres films
de même genre, celui-ci a eu la chance de sortir en France sur un
circuit de distribution standard (et pas seulement, par exemple, au Mk2
Beaubourg) ; les critiques en ont été globalement bonnes, et je
suis assez d'accord. C'est parfois un peu facile ou simpliste (disons
que le réalisme est écarté quand il ennuie les scénaristes), le
message politique est gentillet, mais c'est aussi ce côté un peu
« conte de fées » qui rend l'histoire et les personnages attachants.
Et il y a une part intéressante d'autodérision du milieu pédé de
Tel-Aviv complètement dans sa bulle, ou de la gauche
israélienne pleine de bonne volonté mais un peu déconnectée de la
réalité. À part la fin que je n'ai pas trop aimée (il faut dire qu'il
était sans doute difficile de « bien » finir : sans doute eût-il été
plus sage de s'arrêter sans chercher à conclure), je suis content : je
recommande donc de le voir (avant qu'il disparaisse des cinémas,
mardi, j'imagine).
J'ai eu l'idée bizarre[#]
d'aller voir Eragon,
ce soir. Ce n'est pas spécialement mauvais (notamment si on
le considère comme un nanar de Noël pour enfants — et je savais
à quoi m'attendre), mais je suis vraiment impressionné par la quantité
de clichés du genre qu'ils ont réussi à accumuler en même pas deux
heures de film. On a l'impression qu'un scénariste a ouvert un gros
manuel intitulé Comment faire une histoire de heroic fantasy
comme tout le monde s'y attend et a suivi absolument toutes les
recommandations. Par exemple, on a (attention, spoilers en masse,
mais bon, justement, tout est déjà spoilé d'avance) :
Le jeune homme qui aspire a une vie normale et qui est Choisi par
un artefact / une créature pour devenir le héros.
Le Grand Méchant qui ne peut être détruit que par un seul truc,
qui a comme par hasard ce truc chez lui, et qui le laisse s'échapper.
(Hum, il a détruit tous les dragons sauf un seul œuf, c'est
amusant, ça.)
Le vieux sage (qui sait absolument tout quoi faire au bon moment,
et sur lequel on en apprend plus plus loin) qui habite
providentiellement dans le même village que le héros.
L'oncle du héros qui se fait tuer au début du film par les
émissaires envoyés par le Grand Méchant pour tuer le héros, ce qui
donne au héros la nécessité de partir à l'aventure (et ce qui justifie
vaguement sa motivation par un besoin de vengeance).
Les émissaires du Grand Méchant qui sont suffisamment idiots pour
tuer l'oncle et repartir avouer auprès du Grand Méchant leur échec à
trouver le héros, au lieu de bêtement attendre (sans tuer son oncle)
que le dit héros rentre chez lui pour le cueillir.
Le Grand Méchant (enfin, son bras droit, en fait) qui tue
systématiquement tous ses subordonnés qui échouent dans leur tâche.
(Ça c'est vraiment le Cliché Ultime. Ça n'a vraiment aucun sens à
part souligner lourdement que c'est vraiment un Grand Méchant.)
La voyante qui prévoit plein de choses au héros et qui, forcément,
a raison tout du long (mais s'exprime de façon confuse, sinon c'est
pas du jeu).
Le vieux sage qui prononce quelques adages bien sentis qui servent
de paroles de sagesse tout au long du film.
Tous les schémas d'apprentissage qui suivent le motif : j'essaie
une première fois, j'échoue, on me pousse à réessayer, je me laisse
convaincre, j'y mets de la bonne volonté, et je réussis
brillamment.
Le héros qui découvre ses pouvoirs magiques juste comme il faut et
quand il faut, et pour qui les mots magiques qu'on a appris en passant
sont exactement ceux qui lui permettent de se tirer d'affaire.
La magie qui se dit, bien sûr, dans une langue vachement ancienne
et dans laquelle tous les objets ont leur Vrai Nom.
Le vieux sage qui a poussé le héros à se mettre en route qui,
évidemment, cache des choses sur son passé et a des regrets (pas
vraiment des remords) sur la conscience, desquels il cherche à se
décharger par l'intermédiaire du héros.
La princesse forcément magnifique qui a juste l'âge qu'il faut
pour que le héros s'intéresse à elle et réciproquement. Et qui est
forcément héroïque et très forte elle aussi.
Le héros qui va prendre une décision sur un coup de tête qui va
s'avérer être la bonne même si elle conduit à la mort prématurée du
vieux sage.
La mort du vieux sage avec des paroles lénifiantes à destination
du héros.
Le copain vaguement surgi de nulle part et sur lequel il plane
l'ombre d'un doute, mais qui est quand même bien utile.
L'armée bien cachée qui n'attendait qu'une seule chose pour livrer
bataille, c'est que le héros en prenne le commandement.
Le Grand Méchant qui cherchait à localiser l'armée en question
depuis des années et qui n'y arrive que quand le héros la rejoint
(OK, il le fait suivre : mais ça a quand même
l'air un peu facile).
Le bras droit du Grand Méchant dont les pouvoirs varient
précisément en fonction des besoins de l'intrigue (un moment il peut
tuer d'un seul doigt et se téléporter n'importe où, à un autre moment
il a vachement plus de mal, etc.). Pareil pour tous les gentils,
d'ailleurs, mais c'est un tout petit peu moins frappant.
La bestiole aidant le gentil (en l'occurrence, un dragon) qui
gagne son dernier point de pouvoir (en l'occurrence, cracher du
feu) pile à temps pour la bataille finale.
La bataille finale, qui vient couronner la construction
archi-classique : découverte du nœud de l'intrigue,
apprentissage+fuite, morceau de bravoure, découverte de l'armée,
bataille finale.
Le duel entre le héros et le Grand Méchant (enfin, son bras
droit : le vrai Grand Méchant, faut le garder pour les films qui
suivent) au moment de la bataille finale.
Pfiou ! Et ce n'est même pas tout, mais je ne vais pas chercher à
être exhaustif. (Ça va jusqu'à l'éthniquement correct du chef de
l'armée gentille, qui est noir — remarquez qu'il n'a aucune
importance dans le scénario, il fait juste partie du décor.)
Notez bien que je ne me plains pas, hein ! C'est la règle du jeu,
d'accumuler les clichés, et ce serait aussi absurde de s'en plaindre
que de protester que les films indiens des studios de Bombay ont une
vision un peu romantique cul-cul de l'amour : on va les voir pour ça.
Mais je trouve quand même la dose un peu forte et, surtout, ce n'est
pas le problème du nombre de clichés, c'est du fait de ne pas savoir
en jouer aussi un peu parfois. (Willow,
par exemple, est un film du genre qui, sans s'en affranchir, sait très
bien jouer avec les clichés de temps en temps.) Sans aller jusqu'à
dérouter le spectateur, il est agréable d'en prendre un à l'envers, ou
de faire le contraire de ce que tout le monde attend, ou de rajouter
une couche inattendue de méta (c'est-à-dire évoquer le cliché
lui-même dans le film, d'une façon ou d'une autre), ou toutes sortes
d'autres possibilités qui romptent la monotonie. Ici, rien de tout
ça. Mais je rêve d'une histoire de heroic fantasy qui
réussirait à la fois à se conformer aux règles des clichés et à les
dépasser de façon intelligente.
[#] Partiellement
expliquable par une place restante sur une carte UGC à
utiliser avant la mi-janvier.
Ce soir je suis allé revoir Le
Prestige : il est rare que je retourne voir un film au
cinéma (les prix sont, il faut bien le dire, assez prohibitifs,
surtout quand on n'est plus étudiant), mais la constuction
sophistiquée du Prestige, que j'ai énormément aimé la
première fois, m'a convaincu de le revoir. Je préfère ne pas en dire
plus sur ce film, s'il y a des gens qui ne l'ont pas encore vu, parce
que je pense qu'on l'appréciera d'autant plus qu'on est ignorant de ce
dont il est question : je me contenterai de le recommander à ceux qui
aiment les intrigues compliquées et savamment construites, un peu à la
façon d'Agatha Christie ou d'Isaac Asimov.
Après ça j'ai dîné dans un restaurant japonais (un faux, cette fois-ci, où on mange du
sushi et où les serveurs parlent chinois), ce qui a été l'occasion
pour moi, une fois de plus, de m'étonner de ce mystère profond de la
vie : mais où les restaurants japonais se fournissent-ils en glace au
thé vert ? J'adore ce parfum de glace, et il semble n'exister, dans
cet Univers, que dans les restaurants japonais (et encore, pas tous).
Je ne comprends pas pourquoi les grandes marques industrielles, comme
Häagen-Dazs, Carte d'Or ou autres, n'ont pas
ajouté ce goût à leur répertoire…
En attendant le métro pour rentrer, je regardais la carte du
réseau : ce n'est pas comme si je ne la connaissais pas bien, j'en ai un chez moi, mais maintenant ils
affichent fièrement le tramway ; comme si on n'avait pas déjà bien
compris qu'il ouvrait au public dans une semaine, ce nouveau tramway
figure et sur la carte du réseau métroet sur
la carte du réseau bus (et aussi sur la carte
d'Île-de-France). Je le prendrai peut-être pour aller au parc André Citroën ; mais ce qui me
semble, à moi, autrement plus important que le tramway, c'est le fait
que le métro restera bientôt ouvert une heure de plus le samedi
soir (c'est enfin arrivé).
Dans le métro, je me suis étonné d'un autre des mystères profonds
de l'Univers : pourquoi les publicités dans les wagons sont-elles si
différentes de celles qu'on voit sur les quais (ou partout ailleurs
dans la ville) ? Notamment, pourquoi y voit-on tellement d'offres
pour des cours particuliers à domicile (mais il n'y a pas que ça : il
y a aussi les cours d'anglais Wall Street
Institute — dont je me demande ce qu'ils valent
vraiment —, les dernières expositions de la Cité des Sciences,
parfois des assurances du style SOS Malus,
les solutions de stockage une pièce en plus, et encore quelques
autres, plus la presse people sous forme de
bandeaux accrochés au toit). Le marché du cours particulier doit être
vraiment juteux, j'imagine. Ici il s'agissait d'une pub dont le
visuel me semble particulièrement grotesque, montrant un visage qui
est celui d'un enfant sur une moitié et celui de Victor Hugo
âgé sur l'autre, avec un slogan pas tout à fait aussi ridicule que
votre enfant aussi peut être Victor Hugo mais presque : outre
que cette pub est nulle, je trouve que l'image est presque
effrayante.
Je pensais me coucher tôt : en ce moment non seulement je dors
beaucoup trop (jusqu'à treize heures par nuit, et après ça je suis
encore fatigué), mais j'ai aussi tendance à me coucher tard.
Seulement, alors que je tournais dans la rue pour rentrer chez moi, je
me suis rappelé que je devais absolument faire quelque chose
au bureau, ce soir impérativement. Certes, l'ENS n'est
pas du tout loin de chez moi (environ 20′ de marche), mais je me
serais bien passé de cet aller-retour inutile dans le froid (si j'y
avais pensé plus tôt, j'aurais pu au moins sortir du métro à un arrêt
plus judicieux). Je donne un séminaire jeudi après-midi et je
commence déjà à paniquer parce que rien n'est prêt et que j'ai mille
choses à faire d'ici là ! Et demain, j'ai encore un rendez-vous chez
le dentiste, le matin qui plus est.
Je viens de voir le
dernier Woody Allen : j'ai trouvé ça pas mal du tout. Disons que
c'est un peu le pendant en comédie du précédent : ça se passe aussi dans la
haute société britannique, et il y a aussi des histoires de meurtre.
Évidemment, il est difficile de dire si l'un ou l'autre est meilleur
— personnellement j'ai bien aimé les deux.
Il n'est pas surprenant que j'aie aimé ce film, dont l'esprit
est condensé dans une des toutes premières scènes : Élisabeth II,
recevant Tony Blair (qui vient de remporter les élections) pour lui
demander de former un nouveau gouvernement, lui fait remarquer, d'un
ton indiscutablement royal, qu'il est son dixième Premier
ministre, le premier étant… Winston Churchill, qui s'est assis
là, justement, dans cette même chaise. J'adore.
Il s'agit d'un film biographique sur la manière dont la famille
royale d'une part, et le nouveau Premier ministre de l'autre, ont
appris et réagi à la mort de la princesse
Diana : la reine, qui considère que le deuil est une affaire
purement privée et que la médiatisation de la mort de Diana n'est
bonne pour personne, reste cloîtrée dans sa propriété de Balmoral,
tandis que Tony Blair s'efforce de faire comprendre par exemple que,
même si une tradition plusieurs fois séculaire veut que l'étendard
royal sur le palais de Buckingham n'est pas un drapeau, sert
seulement à signaler la présence du souverain au palais et ne doit en
aucun cas être mis en berne, il serait pourtant opportun de faire une
sérieuse entorse au protocole. En même temps qu'il explique à sa
femme (réputée avoir des sympathies républicaines) que, non, il ne
cherche certainement pas à profiter de tout ça pour faire abolir la
monarchie. En fait, les termes dans lesquels Blair défend la reine, à
un moment, face à un de ses propres conseillers qui cherche à la
ridiculiser, sont vraiment émouvants.
Bref, je suis bon public pour ce genre de choses, mais j'ai
assurément beaucoup aimé. Ce que j'ai le plus regretté, c'est le
portrait fait de la reine mère, représentée comme une vieille idiote,
alors qu'elle avait gardé toute sa lucidité jusqu'au bout, elle
qu'Adolf Hitler avait qualifiée de femme la plus dangereuse
d'Europe (et ça, comme titre de gloire, je trouve que c'est
beau).
J'ai généralement tendance à aimer les courts métrages[#], donc Paris, je
t'aime, qui en est justement une succession, avait des
chances de me plaire, et, de fait, j'en sors vraiment emballé. Il
s'agit d'un assemblage de 18 histoires, sans lien entre elles autre
que de se dérouler à Paris et d'être (dans un sens plutôt large) des
histoires d'amour, réalisées par autant de metteurs en scène
différents, dans divers quartiers de la capitale française
(Montmartre, Quais de Seine, le Marais, Tuileries, « Loin du 16e »,
Porte de Choisy, Bastille, Place des Victoires, Tour Eiffel, Parc
Monceau, Quartier des Enfants Rouges, Place des Fêtes, Pigalle,
Quartier de la Madeleine, Père-Lachaise, Faubourg Saint-Denis,
Quartier Latin, 14e arrondissement).
Le ton est donc agréablement varié (et comme tout lecteur un tant
soit peu régulier de ce blog le sait bien, l'éclectisme est quelque
chose qui me plaît énormément) : c'est souvent drôle, parfois
burlesque, parfois un peu onirique, souvent touchant ou vraiment
émouvant, et en tout cas, aucun de ces petites saynettes n'est
décevante (même si, évidemment, toutes ne m'ont pas autant plu).
Parfois on a droit à un magnifique coup
de théâtre à la fin (je pense notamment au segment parc
Monceau, que j'ai trouvé grandiose), parfois non. En tout cas
c'est toujours bien vu.
Bref, si vous aimez Paris, ou si vous aimez l'amour, allez voir ce
film. C'est encore mieux, bien sûr, si on va le voir à Paris, et avec
quelqu'un qu'on aime.
[#] Avec un bémol,
cependant : il y a tout de même beaucoup de réalisateurs de courts qui
ont tendance à profiter de la relative liberté que leur offre ce
format pour laisser s'exprimer tous leurs délires (genre, faire un
film en violet et noir, avec la caméra à l'envers, et complètement
muet) et je déteste cette façon de faire. Heureusement, ce n'est pas
du tout le cas ici.
Toujours pas de résultats de mes auditions (l'attente est vraiment
atroce), et je ne suis pas encore en
état de manger des aliments solides, donc je vais passer l'heure
du déjeuner à parler d'autre chose.
Je suis allé voir C.R.A.Z.Y.
et j'en ressors avec l'impression générale suivante : c'est un très
bon film (j'ai vraiment beaucoup aimé), mais il aurait facilement pu
être encore meilleur (et du coup c'est un peu dommage).
En bref, il s'agit de l'histoire — à travers deux décennies
— d'une famille québecoise, les Beaulieu, avec cinq fils (dont
les noms ont pour initiales les lettres du titre : Christian
l'intello, Raymond le mauvais garçon, Antoine le sportif, Zachary le
personnage principal et Yvan le petit dernier), vue de la perspective
de l'avant-dernier, Zach, né le jour de Noël 1960, de son rapport avec
ses parents, ses frères, la musique, les garçons…
Là où le film est vraiment excellent, c'est pour ce qui est de
capturer l'esprit du temps : les
années '60, puis '70, puis le début des années '80, à travers le style
vestimentaire, la décoration intérieure, et surtout l'ambiance
musicale (si le père Beaulieu aime Aznavour et tient à chanter
Emmenez-moi à chaque Noël, Zach, lui, est fan de David
Bowie). La manière dont on voit les enfants grandir est simplement
vraie à tel point que ç'en est frappant. (Mais il faut dire
que je suis bon public pour ce genre de fresques historiques
familiales : par exemple j'avais énormément aiméLa
meglio gioventù (Nos meilleures années).) Et
j'ai trouvé touchante la manière dont on nous montre Zach prenant
(difficilement) conscience de son homosexualité et arrivant (encore
plus difficilement) à l'assumer dans une famille québecoise
catholique. (Le mot québecois pour pédé est fif, comme
je le savais à cause du titre de la fort intéressante étude Mort
ou Fif sur le suicide des jeunes homos. D'ailleurs, il est
amusant de voir que pour la diffusion de C.R.A.Z.Y. en
France, les producteurs ont cru bon de sous-titrer certaines
répliques, des fois que les gens ne comprendraient pas bien le
québecois.)
Le principal reproche que je ferais, en revanche, c'est que c'est
parfois un peu brouillon. Que le ton hésite entre le sérieux et le
comique, ce n'est pas un reproche, mais disons qu'on passe parfois de
façon vraiment inattendue de l'anecdotique au drame ou vice versa, et
que cela peut donner une impression de manque de punch, ou de
construction un peu lacunaire. Disons que c'est j'ai le sentiment que
le montage aurait pu être plus resserré ; ou que certains éléments
sont introduits, puis oubliés aussitôt, sans avoir vraiment servi,
comme si les scénaristes avaient changé d'avis mais sans corrigé ce
qu'ils avaient écrit. Ceci dit, ce reproche (somme toute léger) ne
suffit pas à entamer sérieusement mon enthousiasme pour ce film. Que
je recommande donc.
Je viens de voir V for Vendetta, le dernier film
des frères Wachowski auxquels on doit également Matrix.
Globalement, ça m'a plutôt bien plu, mais disons que j'ai bien aimé
Matrix et je n'ai pas lu la BD d'origine
— et je pense que ce sont des conditions utiles pour apprécier
ce film-ci.
C'est amusant, je parlais justement hier d'une autre dystopie ; celle-ci se
passe en Angleterre[#] et, même si
elle a également un fondement religieux, elle semble moins (comment
dire ?) intrusive que celle de Gilead (au sens où les gens ont
un peu plus une vie normale).
Enfin bon, c'est un genre de film d'action (bourré
d'invraisemblances) parfumé d'une bonne louche de symbolisme parfois
un peu facile (comme Matrix, donc) et d'un mystère un peu
mal défini (façon théorie du complot), et si on n'a rien contre ce
genre, c'est tout à fait agréable à regarder. Les dialogues sont bien
meilleurs que dans les suites de Matrix. J'ai notamment
bien aimé la réplique : A revolution without dancing
is not a revolution worth having. Et le héros a globalement un
certain panache.
Le Guy Fawkes
historique (celui qui a échoué à faire sauter le parlement anglais
le 5 novembre 1605 — donnant naissance à Guy
Fawkes day et finalement au nom commun guy),
en revanche, n'a pas l'air d'être un personnage très intéressant, et
certainement pas un combattant pour la liberté (c'était juste une
[gué]guerre des catholiques-et-Espagnols contre les anglicans). Pas
spécialement pertinent de le prendre pour modèle, je trouve —
mais il est vrai qu'il n'y a pas de héros révolutionnaire
anglais qui soit vraiment resté dans les mémoires[#2].
[#] Je suis peut-être
naïf et simpliste en disant ça, mais j'ai tendance à trouver beaucoup
plus difficile à imaginer l'établissement d'une dictature en
Angleterre qu'aux États-Unis. D'un autre côté, il est vrai qu'ils ont
eu Thatcher.
[#2] Peut-être que
c'est justement pour ça que la révolution de 1688 a été un succès :
peut-être qu'une révolution qui réussit est non seulement une
révolution où on danse mais aussi une révolution dont on ne retient
aucun nom. Dans ce cas, le héros du film fait bien de ne prendre que
le nom de V.
Je viens de voir le moyen métrage du fils Bourdieu, La
Candidature[#], qui
raconte les dessous d'une candidature à un poste de maître de
conférences. Et… argh ! Si c'est vraiment comme ça que ça se
passe, je crois que je peux aller me pendre.
[#] Tourné à la fac
d'Orsay, d'ailleurs, comme je le reconnais très bien.
A priori je n'étais pas du tout parti pour voir ce film : je
n'ai aucune affinité particulière pour Johnny Hallyday. Mais je
voulais vraiment sortir au cinéma ce soir, et c'était encore ce qui me
tentait le plus : après tout, j'aime bien les uchronies, je trouve intéressant le thème de la célébrité, j'apprécie
souvent les films où joue Luchini (même s'il est aussi capable de me
taper prodigieusement sur les nerfs), et les critiques n'étaient pas
mauvaises — et un coup d'œil sur la bande annonce m'a
finalement convaincu.
Pour ceux qui ne sont pas au courant, donc, et quitte à spoiler un
peu (mais toutes les critiques en font autant, et je ne pense pas que
ça gâche vraiment le film) : il s'agit de l'histoire d'un fan
(gravement atteint) de Johnny Hallyday qui se réveille dans un monde
parallèle où son idole n'est jamais devenu célèbre.
Comme je l'ai dit, je ne connais pas du tout ce chanteur : en fait,
l'image que j'ai de lui est principalement celle de sa caricature par
les marionnettes des Guignols de l'info, donc en
l'occurrence, celle d'un débile profond. Je ne sais pas ce qu'il en
est en vrai, mais ce film montre au moins une chose, c'est qu'il n'est
pas trop mauvais acteur ; je ne dis pas qu'il est transcendant, mais
il joue assez correctement le rôle d'un type normal, ce qui,
finalement, n'est pas forcément terriblement facile quand on est dans
une position comme la sienne, où la normalité n'est plus trop
possible : en fait, il s'en sort peut-être même mieux que Luchini,
qui, comme d'habitude, surjoue (bon, on peut aimer ça, et,
effectivement, il surjoue bien). Et finalement, le fait de n'avoir
aucun avis sur Johnny m'aide, je pense, à apprécier le film : je peux
assez bien m'identifier à un personnage du monde parallèle, et, donc
prendre le point de vue opposé — ce type (le héros) débarque de
je ne sais où, il est fan d'un bonhomme dont je ne sais rien, et il
prétend démontrer que c'est un génie, voyons un peu ça.
Mais ce qui me plaît, finalement, c'est surtout qu'on voit rôder ce
mème auquel je tiens beaucoup : l'idée que la célébrité, la réussite
dans la vie, ces choses-là, sont avant tout une question de hasard (en général c'est une
idée qui choque presque, tant les gens aiment croire à la justice de
la vie, ou à l'idée qu'en étant bon on peut réussir — alors
qu'en vérité il faut être pas-trop-mauvais et chanceux),
quel que soit le domaine, d'ailleurs, mais surtout dans le show-biz.
Du coup, on en vient à se demander : certes, le héros veut faire de
son idole une star dans le monde parallèle où il est tombé, mais,
finalement, si un tout petit changement dans le passé a pu faire cette
différence, pourquoi ce monde-ci serait-il plus juste ou plus normal
que ce monde-là ? Bon, le film esquive évidemment la question, et le
dénouement est tellement cousu de fil blanc qu'on le devine dès le
début.
Mais dans l'ensemble je dirais que c'est un divertissement plutôt
agréable.
Tiens, ça me rappelle que j'avais imaginé le
jeu-défi suivant : un groupe de gens se réunissent, conviennent chacun
d'une célébrité pour « cible », et le but du jeu est de recevoir une
lettre de la cible en question (qui ne soit pas toute faite), et le
premier qui y parvient a gagné. Ce n'est pas du tout évident de
savoir comment il vaut mieux s'y prendre — et ce n'est pas non
plus évident quelles célébrités ce sera plus ou moins facile d'avoir
pour cible.
Je suis allé voir le
dernier Spielberg hier soir. J'en ressors avec une impression
partagée. <Attention, quelques spoilers dans ce qui suit —
même si je pense qu'ils ne devraient vraiment pas gâcher le film.>
L'histoire, adaptée d'un livre de l'auteur canadien George Jonas,
prend pour point de départ l'attentat de 1972-09-05, lors des jeux
olympiques de Munich, du groupe Septembre noir contre la
délégation olympique israélienne, puis la riposte israélienne décidée
par le premier ministre Golda Meir qui ordonne au Mossad d'éliminer de
hauts responsables palestiniens identifiés comme plus ou moins
impliqués dans l'attentat. Le film, donc, qui est inspiré de faits
réels mais non fidèlement historique, suit un groupe d'agents
chargés de ces exécutions en Europe (notamment à Rome, à Paris, à
Chypre, à Athènes…) et les montre partagés entre le souhait de
venger Munich et le doute sur la moralité de ce qu'ils sont en train
de faire.
Un sujet pareil ne pouvait pas manquer de provoquer une polémique.
À ce que je comprends, on attaque Spielberg essentiellement sur deux
plans : d'une part les différences entre sa fiction et la réalité, et
d'autre part le point de vue qu'il cherche à donner. Pour ce qui est
du premier reproche, qui vient notamment du
Mossad lui-même, il y a des choses rendues nécessaires pour
l'économie du film (par exemple l'idée d'attribuer toutes les
opérations à une seule équipe d'agents) ou encore inventées pour des
raisons artistiques (les pittoresques personnages français nommés
Louis et Papa), et puis il y a ce qui a trait au point
de vue, justement (les doutes des agents). Je trouve du reste que le
Mossad a un sacré culot de reprocher les inexactitudes historiques :
quand on est un service secret[#], par définition, ce qu'on fait
n'est pas bien connu du public, et on ne doit pas s'étonner que les
choses soient présentées de façon plus ou moins romancées ; je dirais
même qu'ils méritaient de s'en prendre beaucoup plus dans la gueule,
là, parce qu'on ne peut pas à la fois vouloir dire je nie tout
et revendiquer l'opération comme un coup de pub.
Pour ce qui est du message du film, bien malin celui qui pourra
dire ce qu'il est. Spielberg ne s'intéresse pas vraiment aux
événements de Munich eux-mêmes (la police allemande qui était
totalement incompétente, ou Israël qui a d'emblée refusé toute
négociation, mettant ainsi les preneurs d'otage dans une impasse).
Certainement il se veut pour la paix et contre la violence (y compris
la violence en réponse à la violence), mais sa façon de le montrer se
noie à la frontière entre le film engagé et le film d'art, et toujours
il semble hésiter entre juger et ne pas juger — si bien qu'au
final il mécontente les parties opposées.
Il présente l'opération de riposte comme une initiative personnelle
de Golda Meir, contre l'avis général de son cabinet : par exemple,
quelqu'un fait remarquer au premier ministre qu'on (Israël) a fait
soixante morts en bombardant des camps d'entraînement de terroristes
en Syrie et au Liban, ce qui est bien plus que le nombre d'athlètes
tués, et elle répond froidement que ces soixante morts, personne n'en
entend parler et qu'elle veut lire dans Le Monde que tel
responsable palestinien a été tué à Paris (un coup de pub
plus qu'une opération de justice, donc ?). Il lui fait aussi
prononcer cette phrase terrible au sujet de la raison d'État : Every civilization finds it necessary to negotiate
compromises with its own values. (Dans la réalité, Golda Meir a
toujours présenté, au moins dans ses discours devant la Knesset, la
revanche comme une obligation morale conséquence inévitable des
attentats.) Mais il (Spielberg) ne remet jamais vraiment en question
le premier ministre, qui reste d'ailleurs un personnage très
secondaire (apparaissant seulement quelques minutes au début).
Le metteur en scène semble aller plutôt avec (certains de) ses
héros qui se demandent si la violence est une bonne solution, qui ont
peur de savoir où la loi du talion entraînera les uns et les autres,
et qui ont des doutes sur la culpabilité de ceux qu'ils
« exécutent » : ils soulignent que, contrairement à Eichmann, ces
gens-là n'ont eu droit à aucun procès et à aucune défense, et
d'ailleurs qu'Israël est censé avoir cessé d'utiliser la peine de mort
(après l'exécution d'Eichmann, justement). En même temps, plusieurs
des Palestiniens présentés sont dépeints comme des personnages
sympathiques, amènes (il y a notamment cette scène assez terrible où
un des agents israéliens, dans un hôtel à Chypre, tient une
conversation tout à fait courtoise avec l'homme qu'il va faire
exploser quelques minutes plus tard) : mais on ne leur donne jamais la
parole, et le seul qui s'exprime au nom de la cause palestinienne (un
jeune membre de l'OLP rencontré par hasard à Athènes)
n'apparaît pas sous un jour très favorable — il est visiblement
embrigadé et borné tandis que l'israélien en face de lui a des doutes
et des remords. Ceux (comme la mère du héros) qui affirment, au
contraire, qu'Israël (et son droit à exister) doit être défendu au
prix de n'importe quel sacrifice, ressortent bien mieux.
On aurait voulu mécontenter tout le monde, on n'aurait pas mieux
réussi que ça… Même pour quelqu'un comme moi, qui regarde le
conflit israélo-palestinien avec un détachement lointain (parfois
proche du cynisme), le sentiment résultant est trouble : je suis
certainement d'accord avec l'idée que la violence en réponse à la
violence ne peut que conduire à une escalade terrifiante, mais la
présentation est, au mieux, maladroite.
À côté de ça, le soin dans la réalisation est admirable : Spielberg
porte une attention vraiment remarquable aux détails. Il avait
tourné, vers la mi-septembre, une petite scène (je n'ai même pas
réussi à identifier laquelle) en bas de la rue Mouffetard (autour de
Saint-Médard), et, rien que pour ça, il a obtenu de faire boucler le
quartier pendant une journée, et il a monopolisé la rue Claude Bernard
pour le stationnement de ses véhicules des années '70 (je croyais
avoir raconté ça quelque part dans mon blog, mais apparemment pas).
Mais c'est aussi ce qui incite parfois à se demander où il veut en
venir : dans les derniers plans, on nous montre Manhattan vu depuis la
côte de Brooklyn, et à la fin la caméra tourne un peu et découvre le
World Trade Center (qui, en '73, venait
d'être construit) — eh bien certainement il y a un message dans
le fait que Spielberg prenne le soin de souligner la présence de ces
deux tours (incrustées numériquement sur l'image, évidemment), mais on
se demande un peu…
[#] Mais j'admets que
cette attitude de ma part est liée à ma répugnance personnelle toute
particulière pour tout ce qui est secret, et qui me fait considérer
que tout argent envoyé à un service secret sera forcément mal dépensé
parce qu'il n'existe aucune façon de leur demander des comptes devant
une société démocratique. D'ailleurs, le film fait un petit clin
d'œil à cette notion en présentant un fonctionnaire qui demande
des reçus aux agents pour couvrir leurs dépenses — alors
que les fonds sont envoyés anonymement dans une banque suisse.
Ce soir j'ai vu, avec des amis, trois films inspirés de la légende
de Robin des bois : le très classique avec Errol
Flynn en flamboyant technicolor, le plus récent avec Kevin
Costner et la version déjantée par Mel
Brooks qui parodie les deux précédents. De cette dernière, que je
ne connaissais pas, il n'y a pas grand-chose à dire à part que c'est
de l'humour à la Mel Brooks : donc il y a dedans le meilleur et le
pire (parfois les deux à la fois) ; mais j'ai bien apprécié certains
jeux de langage (ou sur les accents), des trouvailles scénaristiques
(avoir fait de Frère Tuck un rabbin, ce n'était pas mal, par exemple),
ou même les passages musicaux (les morceaux de rap sont vraiment
excellents) et quantité de clins d'œil. L'humour évoque assez
celui de Princess Bride (sans conteste un de mes films préférés : en tout cas, à voir
absolument) ; d'ailleurs, parlant de Princess
Bride, on me souffle que le roman est encore meilleur que le
film qui en est tiré, donc il faudrait que je le lise.
Pour revenir à Robin des bois, j'ai vu les deux autres films quand
j'étais petit. Celui de 1938 quand j'avais peut-être dix ans : si je
suis maintenant complètement incapable de le regarder au premier
degré, à l'époque j'avais été très impressionné par le coup de théâtre de Richard qui se
dévoile devant Robin (et tout le monde s'agenouille ; j'avais, du
coup, tenu à reprendre une scène de ce genre dans l'histoire que
j'écrivais alors).
Le film de Kevin Reynold (qui est bizarre parce qu'il y a des
passages qu'on doit clairement prendre au premier degré alors que la
fin est à la limite aussi burlesque que Mel Brooks, et puis il y a des
scènes où on ne sait vraiment pas à quel degré les voir), je l'avais
vu peu de temps après sa sortie (1991) : il m'avait énormément marqué.
Rien que la musique, j'en étais complètement fan (et d'ailleurs je
trouve toujours qu'elle est bien, et pas seulement Everything I
Do (I Do It for You)). Il y a plusieurs scènes, là aussi, qui
m'avaient marqué (et inspiré, je vous laisse deviner quoi). Et puis
je craquais pour les beaux yeux de Daniel Newman (cherchez pas, c'est
un petit rôle) et surtout de Christian Slater.
Bizarre mythe que celui de Robin des bois dont si j'en crois
Wikipédia on ne sait même pas bien quand il est apparu (et en tout
cas, si le personnage a existé ce n'était pas sous le règne de
Richard Ier Plantagenêt mais plus tard) et qui n'était apparemment pas
au départ un personnage sympathique. Certainement Sir Walter Scott,
dans Ivanhoé (encore une œuvre qui m'a marqué quand
j'étais petit…) a beaucoup contribué à former l'image que nous
en avons maintenant. Dans la réalité, d'ailleurs, Richard
Cœur-de-Lion ne semble pas avoir été particulièrement chagriné
du fait que son petit frère ait comploté contre lui en son absence ;
et il ne semble pas non plus avoir été un roi exceptionnellement
bon.
Un autre film classique de Robin des Bois, c'est la version de Disney,
qui est vraiment bien, mais ça fait assez longtemps que je ne l'ai pas
vue. Je mentionne ça surtout parce que, parlant de ce dessin animé à
un ami, d'autres souvenirs me sont revenus.
Notamment, on m'a mentionné le film Bedknobs and Broomsticks (en français,
L'Apprentie Sorcière), également de Disney : ça ne me
disait rien jusqu'à ce qu'on me parle de la partie bedknobs du titre, des boules d'ornement sur un lit,
qui, quand on les tourne, font un effet magique — et ça, tout
d'un coup, ça a évoqué très fortement quelque chose en moi. Bizarre,
je ne me rappelle rien de ce film (qui est, d'ailleurs, un
mélange de film avec des vrais acteurs et de dessin animé) sauf ce
mème-là… Est-ce que je l'ai vu, ou est-ce que je n'en ai vu
qu'un extrait ? Il faudrait que je me le procure pour en avoir le
cœur net.
Ce souvenir revenu inopinément en rappelle d'autres : des films ou
dessins animés que j'ai vus quand j'étais petit et qui m'ont laissé
des souvenirs ou des images qui remontent sans raison à la
surface.
Par exemple, je me souviens avoir vu autrefois un dessin animé au
graphisme assez raffiné mais très sombre dans lequel un personnage
méchant (un sorcier ou une sorcière) avait un grand miroir magique
ovale de hauteur d'homme (je ne parle pas de Blanche
Neige, bien sûr, mais d'un film qui serait probablement sorti
dans les années '80). Je ne me rappelle rien d'autre : ni le nom ou
la nature du héros ni quoi que ce soit de l'histoire, juste cette
image d'un grand miroir ovale au contour vaguement violet. (Peut-être
que le héros était un petit animal, mais peut-être aussi que je
confonds avec un autre dessin animé.) Hélas, on ne peut pas utiliser
Google ou IMDB pour rechercher tous les films d'animation
sortis dans les années '80 dans le genre fantastique et où
apparaîtrait quelque part sur la fiche le mot miroir (et même
si on pouvait, ce n'est pas sûr que ça donne des résultats
intéressants, par exemple si le dessin animé était français et peu
connu et qu'IMDB n'a rien dessus). Je trouve ça assez
désagréable d'avoir des souvenirs orphelins, comme ça, que je ne sais
pas rattacher à quoi que ce soit.
Toujours en parlant de miroirs, d'ailleurs, en voici un autre : un
film ou un téléfilm (pas un dessin animé, cette fois) où il était
question de magiciens dont je ne me rappelle pas grand-chose sauf un
seul point — la façon de priver un magicien de ses pouvoirs
était de casser un miroir pendant qu'il se regardait dedans (et
peut-être même qu'un liquide vert s'écoulait alors du miroir brisé,
mais peut-être que c'est moi qui extrapole sur un souvenir très flou,
là). Je n'ai pas non plus le moindre souvenir de ce que ça pouvait
être.
Mon grand-père (le père de mon père, celui qui était Canadien,
donc) m'avait offert les sept volumes des Chronicles of Narnia quand j'étais petit, dans
l'édition Collier (Macmillan) en coffret[#]. (Ceux qui ne connaissent pas du
tout peuvent jeter un coup d'œil à l'article
Wikipédia sur le sujet, qui n'est pas mal.)
J'ai donc dû lire le premier volume (The Lion,
the Witch, and the Wardrobe, celui qui est adapté dans le film
dont je parle plus loin) vers neuf ou dix ans. J'en étais assez fan
(rien que les mots deep magic me fascinaient
complètement). Ensuite j'ai lu le deuxième, mais comme à la fin de
celui-ci deux héros apprennent qu'ils ne reviendront plus à Narnia et
comme je m'étais attaché à eux, je me suis arrêté là pendant des
années (peut-être après avoir vérifié que le troisième tome ne me
plaisait pas). Longtemps après (je pense que ça devait être vers
seize ans), je suis retombé sur ces livres que j'avais à peu près
oubliés (entre temps, on avait déménagé et ils étaient rangés au
sous-sol), j'ai ouvert le quatrième un peu au milieu, je suis tombé
sur un passage qui me plaisait (celui où apparaît l'objet éponyme :
The Silver Chair) et j'ai lu à partir de là jusqu'à la
fin ; puis j'ai sauté le cinquième volume, qui m'inspirait peu, et
j'ai dévoré The Magician's Nephew d'une traite (il faut
dire que ça raconte des histoires de voyage entre mondes et la
création de Narnia, et j'étais très dans ce trip[#2]-là à cet âge), et enfin
The Last Battle quelques mois plus tard (j'ai bien aimé
mais sans plus). Comme je ne relis (presque) jamais un livre du début
à la fin, je n'ai ensuite jamais tenté de boucher systématiquement les
passages qui me manquaient : j'ai picoré des extraits dans ces
différents livres (je viens de refaire une petite sélection ce soir,
d'ailleurs), ce qui fait que je ne sais plus très bien, au final, ce
que j'ai lu ou pas, il y a des pages que je n'ai jamais regardées, ou
seulement il y a vingt ans, et d'autres qui sont beaucoup plus
fraîches dans mon esprit.
Quoi qu'il en soit, c'est avec une certaine curiosité que je suis,
donc, allé voir le
film qui a été tiré du premier volume des chroniques (et dont une
suite est apparemment bien prévue). Eh bien j'ai été bien déçu. Il y
a des jolies images, d'accord, mais la magie juste ne marche pas. Je
ne saurais pas dire exactement en quoi. <Attention, spoilers !>
Peut-être parce que des trucs passent sans trop se remarquer dans un
livre mais deviennent trop évidents dans un film : notamment, le fait
que les héros ne font rien — mais vraiment rien —
d'héroïque : ils fuient quand ils sont pourchassés, c'est leur seule
présence qui déclenche la fin de l'hiver, ils reçoivent des cadeaux
Qui Torschent du Père Noël en personne, ils trouvent une armée
préparée pour eux, même avec ça ils ne font pas grand-chose, Aslan
apparaît sans qu'on ait besoin de l'invoquer spécialement, il meurt et
ressuscite et termine la guerre pour eux, bref, ils ne servent à rien.
Ah, si, Peter tue un loup qui est assez con pour s'empaler sur son
épée, et Aslan le nomme wolfsbane à cause de ça. Enfin,
globalement, je ne suis pas du genre à rechigner pour croire au
merveilleux et pour accepter l'héroïsme en carton-pâte — mais,
non, ça ne passe pas. Pas plus qu'Edmund qui fait le sale morveux
caricatural jusqu'à sa soudaine et magique rédemption
(OK, les trois autres ne sont pas trop mal, notamment,
Peter devient presque crédible sur la fin).
Ce qui est plutôt bien réussi, c'est quelques touches d'humour, les
castors notamment (c'est de l'humour Disney, tout gentil, mais qui
marche quand même assez bien). Le graphisme est plutôt bien (mais pas
du tout à la hauteur du LotR, avec lequel la comparaison
est inévitable). Une séquence de quelques dizaines de secondes à
peine, à la fin, quand les quatre héros ont grandi, m'a aussi fait une
bonne impression.
Mais bon, dans l'ensemble, ce n'est pas terrible. N'allez pas le
voir sauf si vous avez un petit frère / une petite sœur à
distraire.
En revanche, le symbolisme chrétien n'est pas du tout excessif,
comme certains l'ont affirmé (certes, Aslan est une métaphore du
Christ, et il donne quelques leçons de morale, mézenfin ce n'est pas
du tout lourd — et pas plus gênant que la morale bien-pesante du
film hollywoodien lambda).
[#] Qui place les tomes
dans l'ordre d'édition originale, c'est-à-dire commençant par The Lion, the Witch, and the Wardrobe.
[#2] Je ne veux pas
dire que je croyais aux mondes parallèles ! Mais j'avais une
fascination pour le concept, par exemple j'aimais beaucoup regarder le
manuel des Plans
de Donjons & Dragons, dont le côté à la fois
inventif et systématique me captivait.
Je viens de revoir All
About Eve (Ève) au ciné-club de
l'ENS ce soir : je connaissais bien ce film (je l'ai vu
cinq ou six fois, même si la précédente remonte à assez loin), mais
c'est toujours un plaisir de le redécouvrir. En tout cas, je suis
tout à fait conforté dans mon idée que c'est un de mes préférés, et je suis admiratif de la
manière dont jouent Bette Davis, Anne Baxter et George Sanders (les
autres rôles sont, il faut l'admettre, moins bons, sauf peut-être pour
l'hilarante — et vaguement prophétique ? — apparition de
Marilyn Monroe). D'ailleurs, jouer une actrice qui joue elle-même un
rôle ne doit pas être facile ! (Surtout quand il faut à la fois faire
comprendre au public ce qui se passe et néanmoins montrer que
l'actrice en question joue très bien.)
Il y a aussi que je me reconnais dans un des personnages.
(Saurez-vous deviner lequel avant de lire la suite ?) Il ne s'agit
bien sûr pas de l'héroïne-titre — Eve Harrington — mais
plutôt de Margo Channing. Pas pour son talent d'actrice mais simplement pour la façon dont elle pique une colère de diva
(et de gamine), incompréhensible pour ses ami(e)s, quand elle se sent
menacée. Mais je me donne le beau rôle, comme ça, puisque, au final,
elle a bien raison.
Bref, si vous ne connaissez pas, c'est à découvrir absolument. Un
chef d'œuvre.
On m'a demandé d'établir une liste de mes films préférés comme j'en
ai déjà fait une
(par ailleurs hautement approximative) de mes livres préférés. Je me
rends compte que c'est encore plus difficile pour les films que pour
les livres, je ne sais pas bien pourquoi : trop de titres me viennent
à l'esprit, aucun ne sort du lot de façon vraiment spectaculaire. Il
y a aussi que, les livres que j'ai lus, je les ai tous (je n'emprunte
jamais un livre), donc quand j'aime je vais avoir tendance à relire
souvent (des passages seulement : je ne relis presque jamais un livre
de la première à la dernière page — je préfère l'ouvrir au
hasard et lire quelques pages, puis éventuellement me rappeler un
autre passage qui m'a beaucoup plu, le relire, etc.). Les films, au
contraire, il y en a beaucoup que je n'ai pas (en DVD ou
autrement), et quand je revois un film, pour le coup, c'est presque
toujours du début à la fin (tout le contraire des livre, donc). Donc
il y a une barrière de volonté plus importante à franchir que pour les
livres (disons que j'ai plus de mal à me motiver pour lire un livre
une première fois que pour aller voir un film, alors que pour relire
un livre ça va tout seul alors que revoir un film il faut que je sois
dans le bon état d'esprit, que j'aie deux heures devant moi, etc.).
Bref, je connais peut-être plus de films que de livres, mais je les
connais moins bien, et ces deux facteurs contribuent à rendre le
classement plus difficile.
Néanmoins, voici une tentative (l'ordre de classement est très
grossier, et j'ai parfois préféré aligner plusieurs films de même
genre que de chercher à établir un ordre total de préférence —
et en tout cas je serais incapable de dire quel est mon film
préféré) :
Bon, on va arrêter là… De toute façon, ce classement n'a
guère de sens : comment pourrais-je comparer un chef d'œuvre
classique comme Citizen Kane ou Blade
Runner (j'ai hésité à les mettre dans la liste : mais je ne
les ai vu qu'une fois, et il y a assez longtemps, donc je ne sais plus
bien), ou un film culte comme l'ancienne trilogie Star Wars, que j'ai pu admirer respectivement
comme chef d'œuvre ou comme film culte et trouver effectivement
« à mon goût », avec un petit film sans grande prétention que j'ai
trouvé absolument excellent comme c'est le cas de George Lucas in Love (probablement le film que
j'ai le plus souvent revu, je dois en être à plus de vingt fois, mais
il faut dire qu'il ne dure que huit minutes !). Sans parler d'un
court métrage complètement obscur comme Le Cas
d'O (je ne l'ai pas trouvé digne de figurer sur la liste,
mais pas très loin). Et puis, il y a des films que j'aurais envie de
revoir mais je ne l'ai pas fait et mon souvenir est donc flou, ce qui
fait que je ne peux pas vraiment les classer, comme Long
Island Expressway ou France
Boutique ou encore Bullworth
(je sais que j'ai vraiment adoré ce dernier quand je l'ai vu, mais
c'est trop loin pour que je sache précisément si je serais encore de
cet avis maintenant). D'autes, comme 8 Mile ou La
Virgen de los sicarios (La Vierge des tueurs),
que je ne sais pas bien juger. D'autres que j'ai appréciés quand je
les ai vus, mais que je n'aurais pas envie de revoir (Charlie's
Angels, par exemple : un moment très distrayant, mais c'est
tout). Sans compter, enfin, tout ce que j'oublie (certainement plein
de classiques du cinéma français, parce qu'ils étaient peu présents
dans les diverses listes que j'ai écumées pour retrouver des
titres) !
Quoi qu'il en soit, on peut prendre chacun des titres mentionnés
dans cette entrée (y compris dans le paragraphe précédent) comme une
recommandation de voir ce film. Et inversement, j'aimerais bien avoir
une grosse base de données qui prendrait cette liste de films et me
sortirait des recommandations (j'avais déjà trouvé un cite de ce
genre, mais il était très orienté USA,
malheureusement).
Samedi j'ai vu le
dernier Woody Allen. Je n'en dirai pas grand-chose, pour éviter
de spoiler, juste que ça se passe à Londres (les personnages —
et les acteurs, donc — sont anglais), que ce n'est pas
humoristique (même s'il y a quelques répliques drôles, évidemment,
c'est plutôt un drame), et que j'ai vraiment énormément aimé, d'un
bout à l'autre. Allez-y rien que pour entendre les gens parler
anglais — il y a beaucoup de subtilité dans les accents ! (Et
éventuellement pour la belle gueule de l'acteur principal ou de
l'actrice principale, selon vos préférences.)
Ce soir c'est un autre film se passant à Londres que j'ai vu, aussi
l'histoire de quelqu'un qui prend l'ascenseur social, mais pas à la
même époque : Oliver
Twist. Je n'en suis pas tombé à la renverse, mais j'ai
quand même trouvé ça bien. (En revanche, je ne pourrai pas dire à
quel point c'est fidèle au roman, parce que je dois avouer à ma grande
honte que tous les Dickens que j'ai essayé de lire — sauf A Christmas Carol — me sont tombés des
mains au bout de quelques pages.) Notamment, l'acteur qui joue le
héros éponyme m'a semblé vraiment convaincant pour le rôle.
Je viens aussi de voir la bande annonce de Narnia.
Comme le roman de Lewis est un de ceux qui ont bercé mon enfance (mon
grand-père m'avait offert le coffret avec les six volumes des Chronicles of Narnia, et j'avais vraiment
beaucoup aimé — surtout le premier et les deux derniers livres),
et comme cette bande annonce m'a fait plutôt bonne impression (les
images ont l'air assez léchées, et ils ont l'air de chercher à donner
un souffle épique et grandiose à l'histoire, ce qui est plus risqué
qu'en adaptant Tolkien, mais a priori j'aime bien), j'irai sans
doute le voir.
J'ai encore vu les bandes annonces de Ralph,
que j'irai peut-être voir, Flightplan,
que je n'irai certainement pas voir mais dont la bande annonce en
question m'a donné envie de lire le
spoiler (qui a confirmé ma totale non envie de voir le film), et
Les Chevaliers du
ciel, que j'irai encore moins voir (même si je ne suis pas
foncièrement opposé au genre « fin, subtil, et avec de la testostérone
en guise de scénario »).
I read Peter Beagle's classic, The Last Unicorn, the
other day. I can't quite make up my mind as to whether I liked it.
It's a strange book: much like a fairy tale, but with a number of
elements which seem alien to the “fairy tale” genre, often
humorous and sometimes bordering on the satirical, or which lead
(apparently) nowhere—red herrings, if you will. I mean, in a
conventional fairy tale, every part of the story is supposed to belong
to some kind of general pattern, it takes the plot a step toward its
conclusion or something of the sort: not so in Beagle's
book—most of the time the story is rambling about with no
definite aim. For example, the author doesn't seem to be able to
decide whether the (eponymous) unicorn is very wise or very ignorant,
or very powerful or very weak: well, maybe that paradox is part of
what being a unicorn entails, but really every character is like that
(Schmendrick, Molly, King Haggard, Prince Lír, even the Red
Bull…). On the other hand, the work is beautifully poetic, and
exudes a genuine charm of naïve innocence: somewhat, but not exactly,
like The King of Elfland's Daughter (another classic
which I read some time ago and which it sort of reminds me of),
because the language is much plainer (Lord Dunsany's verb is highly
sophisticated), but more “lively” in a subtle way.
I have the dimmest memory of seeing the motion picture of
The Last Unicorn when I was young (perhaps just when
it was released in France). All I remember was that I had found it
somewhat frightening or, at least, disturbing: I guess that King
Haggard's strange sort of nihilism could have been, indeed,
disturbing, and I have a vision of the Red Bull, made of flame, which
must have frightened me because it is essentially the only image I can
conjure. Probably my memories are quite mixed up with those of a film
I saw more recently (and which is also about unicorns and vaguely in
the same spirit): Legend
(not a motion picture, this one, but a genuine movie, with Tom Cruise
at his debuts—and Zeus was he f*ckinggood
looking in his early twenties). There's also something of Miyazaki's magic in The Last
Unicorn, so I'm not surprised to learn that the Topcraft
studio, responsible for the animation in the movie, was later hired by
Miyazaki to produce Nausicaä.
In a completely (completely! despite the misleading word
tale) different genre, I picked up on one of my bookshelves a
copy of Armistead Maupin's Tales of the City, which, I am
told, is a must read for queers. But I confess finding it a bit hard
to follow: not because of the English as such, but because of all the
references to obscure facts of American, or, more often, Californian,
San Franciscan, or even (I guess!) San-Franciscan-of-the-early-eighties
culture (or all sorts of other cultural references: I found a few
lines undecipherable, for example, because I didn't know what Gertrude Stein's
last words were: fortunately, Google enlightened me). Or take he
following excerpt:
The sun in the park was warmer now, and the birds were singing much
more joyously.
Or so it seemed to Edgar.
‘Madrigal. That's lovely. Aren't there some Madrigals in
Philadelphia?’
Anna shrugged. ‘This one came from Winnemucca.’
‘Oh… I don't know Nevada too well.’
‘You must've been to Winnemucca at least once. Probably when
you were eighteen.’
He laughed. ‘Twenty. We were late bloomers in my
family.’
‘Which one did you go to?’
‘My God! You're talking about the Paleolithic period. I
couldn't remember a thing like that!’
‘It was your first time, wasn't it?’
‘Yes.’
‘Well, then you can remember it. Everybody remembers the
first time.’ She blinked her eyes coaxingly, like a teacher
trying to extract the multiplication tables from a shy pupil.
‘When was it—1935 or thereabouts?’
‘I guess… it was 1937. My junior year at
Stanford.’
‘How did you get there?’
‘Christ… a dilapidated Olds. We drove all night until
we reached this disappointing-looking cinder-block house out in the
middle of the desert.’ He chuckled to himself. ‘I guess we
wanted it to look like the Arabian Nights or, at least, one of those
gaslight-and-red-velvet places.’
‘San Franciscans are spoiled rotten.’
He laughed. ‘Well, I felt we deserved more. The house was
ridiculously tame. They even had a photo of Franklin and Eleanor in
the parlor.’
‘One has to keep up appearances, doesn't one? Do you
remember the name now?’
Edgar's eyebrows arched. ‘By God… the Blue Moon
Lodge! I haven't thought of that in years!’
‘And the girl's name?’
‘She was hardly a girl. More like forty-five.’
—I guess one is supposed to know that Winnemucca is renowned
for its brothels: I did not (I still worked it out, but I was rather
baffled on first reading, especially as I tend to skim more than I really read). One is
also supposed to know, of course, that an Olds is an Oldsmobile
(that's something I knew: my grandfather had one) and that Franklin
and Eleanor are the Roosevelts (all right, that one really wasn't
hard, but it still requires an extra fraction of a second of brain
activity to process). Reading this book is something of an advanced
Turing test: I guess I fail because I didn't catch the pun in Sanskrit (actually, there
is a mention of the Bhagavad-Gītā
just before the reference to Gertrude Stein's last words).
So I finally got to see it. I think agree
with the speculation that this film may be best enjoyed by those who
don't know the book too well: I am far from being bitterly
disappointed, but I'm not too enthusiastic either. (On the other
hand, perhaps I expected too much.) As I previously mentioned, I had already seen
the TV
mini-series version of the Guide, of which this film
is sometimes a mere remake, and I was bound to mentally compare
the two. Overall, I think I prefer the old series; I won't give a
detailed account of what I liked better in the one or the other, but,
to summarize, I loved the way Marvin is depicted in the newer film
(the series had a rather lousy kind of caricature of a robot, who,
incidentally, gets a very brief cameo in the film when the heroes are
waiting in line on the Vogon planet), and I thought the Vogons were
very good also; however, I think the TV series has the
better when it comes to showing the Guide itself: the
graphics they used (as early as '81!) are really great. As for
similarities, I think the actor playing Arthur Dent is very good at it
in both versions (I'm not saying it's the same actor); one theme music
is the same (the Eagles' Journey of the Sorcerer, so
IMDB tells me—a good choice at any rate); many
scenes in the very beginning are almost identical; and a number of
very good lines are taken verbatim (or almost verbatim) from the novel
in both versions—such as the wonderful description of the
Guide itself:
This is the story of the Hitch Hiker's Guide To The
Galaxy, perhaps the most remarkable, certainly the most
successful book ever to come out of the great publishing corporations
of Ursa Minor. More popular than the Celestial Home Care
Omnibus, better selling than Fifty-three More Things To
Do In Zero Gravity, and more controversial than Oolon
Colluphid's trilogy of philosophical blockbusters: Where God
Went Wrong, Some More Of God's Greatest Mistakes,
and Who Is This God Person Anyway? And in many of the
more relaxed civilizations on the Outer Eastern Rim of the Galaxy, the
Hitch Hiker's Guide has already supplanted the great
Encyclopedia Galactica as the standard repository of all
knowledge and wisdom, because although it has many omissions, contains
much that is apocryphal, or at least wildly inaccurate, it scores over
the older, more pedestrian work in two important ways; first, it is
slightly cheaper, and second, it has the words Don't panic inscribed in large, friendly letters on
the cover.
(this is the series' version: the film's text is slightly shorter);
they also both have the (imho hilarious) sentence, not
found in the book (at least not as such): [Arthur] no more knows
his destiny than a tea leaf knows the history of the East India
Company. I think the film was made to be more accessible to
foreign (notably American) audiences who might not understand all
forms of British humor.
Anyway, all those are rather minor respects. My main grudge
against this newer movie is that it tries to jam too much stuff in
less than two hours: as a result, it is unnecessarily confused and
unbalanced and it seems to proceed in every direction at once. I did
not get that feeling while reading the novels or while watching the
older series. On the good side, the “spirit” of Adams is
quite faithfully preserved in the film (not a surprise, since he wrote
the first versions of the script): there is no “betrayal”
of any kind.
[French translation of the above.]
J'ai finalement pu le voir. Je crois que
je suis d'accord avec l'idée que ce film sera peut-être préféré par
ceux qui ne connaissent pas trop bien le livre : je suis loin d'être
amèrement déçu, mais je ne suis pas trop enthousiaste non plus. (D'un
autre côté, j'en attendais peut-être trop.) Comme je l'ai précédemment mentionné, j'avais déjà vu
la version mini-série
télé du Guide, dont ce film est parfois un simple remake, et j'étais forcé de comparer mentalement les
deux. Dans l'ensemble, je crois que je préfère la vieille série ; je
ne ferai pas un un compte-rendu détaillé de ce que j'ai plus aimé dans
l'un ou dans l'autre, mais, pour résumer, j'ai adoré la façon dont
Marvin est représenté dans ce nouveau film (la série avait une sorte
de mauvaise caricature de robot qui, accessoirement, apparaît en clin
d'œil dans le film quand les héros font la queue sur la planète
Vogon) et j'ai trouvé que les Vogons étaient aussi très bien ; en
revanche, je trouve que la série télé est meilleure pour ce qui est de
la représentation du Guide lui-même : les graphismes
qu'ils ont utilisé (en '81, si tôt !) sont vraiment excellents. En ce
qui concerne les similarités, je trouve que l'acteur qui joue Arthur
Dent est très bon dans les deux versions (je ne dis pas que c'est le
même acteur) ; une musique principale est la même (The Journey of the Sorcerer par les Eagles, me
dit IMDB — un bon choix en tout cas) ; beaucoup de
scènes au tout début sont presque identiques ; et un certain nombre de
très bons passages sont tirés verbatim (ou presque verbatim) du roman
dans les deux versions — comme cette merveilleuse description du
Guide lui-même :
This is the story of the Hitch Hiker's Guide To The
Galaxy, perhaps the most remarkable, certainly the most
successful book ever to come out of the great publishing corporations
of Ursa Minor. More popular than the Celestial Home Care
Omnibus, better selling than Fifty-three More Things To
Do In Zero Gravity, and more controversial than Oolon
Colluphid's trilogy of philosophical blockbusters: Where God
Went Wrong, Some More Of God's Greatest Mistakes,
and Who Is This God Person Anyway? And in many of the
more relaxed civilizations on the Outer Eastern Rim of the Galaxy, the
Hitch Hiker's Guide has already supplanted the great
Encyclopedia Galactica as the standard repository of all
knowledge and wisdom, because although it has many omissions, contains
much that is apocryphal, or at least wildly inaccurate, it scores over
the older, more pedestrian work in two important ways; first, it is
slightly cheaper, and second, it has the words Don't panic inscribed in large, friendly letters on
the cover.
(ceci est la version dans la série : dans le film, le texte est un
peu plus court) ; ils ont tous deux cette phrase (à mon avis
hilarante), qui ne se trouve pas dans le livre (en tout cas pas sous
cette forme) : [Arthur] no more knows his destiny
than a tea leaf knows the history of the East India Company. Je
pense que le film a été fait pour être plus accessible aux spectateurs
étrangers (notamment américains) qui risquaient de ne pas comprendre
toutes les formes d'humour britannique.
Quoi qu'il en soit, ce sont des aspects plutôt mineurs. Mon grief
principal contre ce nouveau film est qu'il essaie de faire tenir trop
de choses en moins de deux heures : en conséquence, il est inutilement
confus et déséquilibré et il semble aller dans toutes les directions à
la fois. Je n'ai pas eu cette impression en lisant les romans ou en
regardant la vieille série. Pour le bon côté, l'« esprit » d'Adams
est bien fidèlement préservé dans le film (ce qui n'est pas une
surprise vu qu'il a écrit les premières versions du script) : il n'y a
aucune forme de « trahison ».
J'ai trouvé ce film assez moyen. L'idée est amusante, et il y a de
bons gags ou, au moins, des situations bien cocasses[#], mais dans l'ensemble c'est quand
même une bouille de navet (d'été), des scènes d'action alignées qui
finissent par être vraiment lassantes, et aucune fin digne de ce nom.
Il y a un moment où c'est plutôt bien (quand les héros sont mariés
mais avant que tout parte en queue de lézard ; la scène du repas très
tendu est vraiment bonne) mais ça ne dure pas : et les scénaristes
n'ont pas du tout su exploiter la situation intéressante (chacun
connaît le secret de l'autre mais ne sait pas que l'autre connaît son
secret) qu'ils avaient créé. Bref, je ne recommande que s'il n'y a
vraiment rien de mieux à voir.
Il y a des films dont je ressors dans un état presque euphorique :
Les Poupées
russes en est un. Il faut dire que j'avais énormément aimé
L'Auberge
espagnole, dont il est la suite (et que je vais maintenant
devoir revoir pour me rafraîchir la mémoire — même s'il faut
préciser qu'on peut voir ces deux films tout à fait indépendamment).
Peut-être que ce deuxième volet est un tout petit peu moins bon
(disons qu'il y a eu quelques passages où j'ai ressenti une légère
longueur, ou bien où je me suis dit qu'il abusait de certains de ses
procédés), mais il est tout de même excellent. Pour résumer très
succinctement, si L'Auberge espagnole était une belle
histoire d'amitié (et de l'Amitié avec un grand ‘A’),
Les Poupées russes parle d'Amour, et ce n'est pas moins
drôle. Klapisch a un talent fou pour fabriquer des scènes dont le
côté humoristique vient de la manière dont on se dit : C'est
tellement vrai ! J'adore.
La beauté des images. J'avais déjà trouvé que c'était à peu près
la seule vertu sauvant le I, et ça ne fait pas
défaut ici : si on aime les belles images de synthèse, ça mérite le
coup d'œil — et ce qui m'impressionne, ce n'est pas les
effets spéciaux, comme on dit, c'est plutôt l'ameublement des
appartements de Palpatine ou de Padmé. Je veux les mêmes !
Le lien avec les épisodes de la trilogie d'origine. Lucas s'en
sort étonnamment mieux que je le craignais, et on est prêt à lui
pardonner quelques incohérences inévitables pour une transition dans
l'ensemble bien réalisées, une histoire qui se tient presque
(vaguement) et une explication plutôt bien trouvée de certains
mystères qui pouvaient subsister (même si d'autres sont simplement
balayés).
Bref, ceux qui ont aimé la trilogie classique et qui ont eu la
patience de supporter le I et le II (voire un seul des deux) devraient
sans doute apprécier celui-ci. Ne serait-ce que pour voir Yoda
sautiller dans tous les sens.
Maintenant, il ne faut pas cacher que le scénario ne tient pas
vraiment debout (voire, pas du tout), que les répliques sont
pathétiques, que le jeu des acteurs est inexistant (on a dit du bien
d'Ian McDiarmid, qui joue Palpatine, mais je trouve que c'est plutôt
Hayden Christensen qui s'en sort bien), et que, globalement, c'est un
navet. Mais un navet plutôt sympathique, qui tient ses promesses (de
zoulies batailles de sabrolaser, quoi), et qui se laisse regarder sans
trop faire long. Au moins la deuxième moitié.
On devait à Olivier Ducastel et Jacques Martineau Ma vraie vie à
Rouen, qui ne m'avait pas emballé, mais je suis allé voir
leur dernier film, d'un ton nettement plus léger, qui emprunte son
titre à une chanson de Brigitte Bardot (La Madrague), et
j'en ressors euphorique. Crustacés et
Coquillages est une comédie très réussie car à la fois
hilarante et pourvue d'un certain sens (je ne dirais pas qu'il y a une
« morale », mais en tout cas que ce n'est pas gratuit : certains
aspects aussi bien des relations parents-enfants que des rapports des
gens à leur sexualité — et à celle des autres — sont bien
vus). Certes, les rebondissements sont assez téléphonés, l'intrigue
est cousue de fil blanc, mais qu'est-ce qu'on rit ! Et puis, les
acteurs jouent bien (moi je donnerais une mention spéciale pour Romain
Torres, qui fait vraiment bien l'ado désabusé mi-apathique
mi-provocateur) et accessoirement il y en a qui ne sont pas mal à
regarder (mais comment Jean-Marc Barr fait-il pour être aussi
séduisant à quarante-cinq ans ? je le trouve même mieux qu'à
vingt-huit[#]).
[#] Argh, je me rends
compte que dans ce fragment littéraire
gratuit je n'ai pas mentionné le film qui a marqué
l'année !
PS : Pour répondre à une question essentielle
soulevée par le film, moi je ne me branle pas sous la douche (enfin,
rarement). Je préfère largement faire ça allongé sur mon lit.
J'ai déjà parlé d'un film
où Gaël Morel (pour lequel j'ai notoirement un faible) apparaissait
comme acteur, là, il est réalisateur : j'ai regardé Le Clan
cet après-midi en DVD, et j'ai beaucoup aimé. Je choisis
l'image ci-contre (très tendre) pour l'illustrer, mais ce n'est pas un
film sur l'homosexualité, c'est un portrait de trois frères, Marc,
Christophe et Olivier, de leurs rapports et du monde dans lequel ils
évoluent. Il n'y a pas vraiment d'histoire à raconter, plutôt une
succession de scènes — toutes ne m'ont pas semblé géniales, mais
certaines sont vraiment fortes et l'ensemble est très beau. L'acteur
débutant qui joue Olivier (le jeune frère), Thomas Dumerchez, me
paraît très prometteur. Bref, je conseille.
Télérama dit énormément de
bien de ce téléfilm
qui passe demain (lundi) soir à 20h55 sur France 2 (par le même
réalisateur que Juste une question
d'amour, qui avait eu un succès immodéré auprès des homos
il y a quelques années) :
En France, en 1942, le destin tragique de trois amis, stigmatisés
par les nazis parce que juifs ou homosexuels. L'étoile jaune et le
triangle rose les précipitent en enfer.
Je viens de voir ハウルの動く城
(Le Château ambulant) et j'en ressors tout à fait
emballé. Tout à fait dans le genre de 千と千尋の神隠し
(Le Voyage de Chihiro) que j'avais déjà beaucoup aimé, mais encore plus réussi à
mon avis (le graphisme est encore plus beau — à la seule
exception du château éponyme, que je trouve un peu décevant — et
l'histoire est encore plus belle et plus émouvante à mes yeux). Je ne
veux pas gâcher les surprises, donc je ne dirai pas grand-chose sur
l'intrigue.
Ce que je trouve vraiment merveilleux avec Miyazaki (pour autant
que je puisse juger, du moins, d'après les trois films de lui que j'ai
vus), c'est avec quelle force la féérie de ses histoires s'impose au
spectateur. Car il faut bien admettre qu'elles partent dans ce qu'on
pourrait qualifier de délire complet et totalement dénué de
construction : et c'est le genre de choses qui, normalement,
m'insupporte rapidement — j'aime que les personnages d'une
histoire aient des motivations assez précises et qu'ils agissent selon
ces motivations, j'aime avoir l'impression que le scénariste sait où
son histoire va aboutir et qu'il la construise en fonction de ça,
j'aime qu'on noue des intrigues pour les dénouer proprement, j'aime
quand on ne change pas d'idée toutes les trois scènes, j'aime quand le
Grand Méchant ne cesse pas sans raison d'être Grand Méchant (sauf
après un coup de théâtre bien mené ou
après une évolution psychologique plausible), et ainsi de suite
— bref, Miyazaki fait tout ce qui devrait m'être
horripilant, et pourtant, la puissance poétique de son style est telle
que je lui pardonne, mieux, je n'aime que d'autant mieux. Bien que sa
conception de la magie n'ait pas la solennité de ma façon de
l'imaginer, il remplit assez bien mon manque à ce sujet. J'aime aussi la
beauté de ses paysages, les moments d'une très grande sérénité qu'il
sait nous ménager. Et j'aime ses personnages, à la fois drôles et
attachants.
Bref, allez voir ce film !
PS : Je me rends compte seulement maintenant que
le personnage appelé ハウル (Hauru),
le propriétaire du château dont il est question, est censé être
nommé… après le mot anglais Howl (c'est sûr que
transcrire un mot en japonais a tendance à le déformer beaucoup !).
Fait qui a apparemment échappé à ceux qui ont écrit les sous-titres
français.
Je reviens du Festival de Films
Gays et Lesbiens de Paris où je suis allé (comme chaque année depuis 1999) voir la séance
de courts métrages gays. L'avantage avec les courts, surtout si on
n'a le temps d'aller qu'à un nombre restreint de séances du festival,
c'est qu'on a une plus grande diversité, et aussi la plus grande
certitude qu'il y aura au moins une chose qui plaira (alors que si on
va voir un seul long métrage et qu'on est déçu, c'est vraiment
dommage). Et puis, globalement, j'aime bien les courts métrages, de
même qu'en littérature j'ai un faible pour la nouvelle, parce que cela
donne souvent des choses plus percutantes, ou plus drôles.
L'inconvénient du court métrage, en revanche, c'est qu'il y a des gens
qui se croient artistes (voire artistes libertaires) et qui
revendiquent leur liberté d'expression, qui s'imaginent que
n'importe quelle connerie qui leur passe par la tête est bonne à
filmer, et n'ont pas l'air de comprendre que quand c'est Andy Warhol
qui le fait c'est intéressant parce que c'est la première fois, mais
ensuite ce n'est plus drôle : ce genre de gens n'ont pas les moyens
financiers de réaliser des longs métrages, heureusement, mais ils
arrivent hélas à produire des courts et à profiter du fait qu'on leur
offre un amphithéâtre de spectateurs. Là, il y avait un réalisateur
qui avait dû coucher avec un des organisateurs du festival, ou quelque
chose de ce genre, pour placer trois de ses trucs
complètement débiles (imaginez, par exemple, les pieds d'un type en
train de sautiller filmés pendant 4′ : super, non ?) au cours de
la même soirée, et ça, c'est vraiment dommage. Mais ça n'empêche
qu'il y avait aussi des films très bien (notamment, Un beau jour, un
coiffeur, l'histoire très drôle d'un étudiant en thèse de
philo qui m'a rappelé des souvenirs).
J'irai peut-être voir les courts métrages lesbiens, aussi (parce
que faut pas être sectaire, d'abord ).
Je viens de voir Shark
Tale (Gang de requins). Il y a du bon et du
moins bon, alors autant commencer par le moins bon : l'intrigue est
nulle, c'est plus une successions de scènes qu'une histoire, ou alors
elle ne tient pas debout (même pas comme histoire comique je veux
dire), les transitions sont parachutées ainsi que toute espèce de
dénouement ou de changement de la situation ; de plus, le personnage
principal (Oscar, le poisson) est assez peu attachant (enfin, c'est
mon avis), ce qui est vraiment dommage pour ce genre de film ; enfin,
plus anecdotiquement, la quantité de clins d'œil complices à la
culture Hip-Hop-R'n'B-ou-apparentée finit par devenir lassante. À
présent, je peux parler du bon : il y a des gags vraiment excellents,
des transpositions (du monde des humains vers le monde sous-marin)
absolument savoureuses, des mimiques faciales (ou autres plaisanteries
graphiques) génialement réussies, des jeux de mots excellents ; la
parodie du monde des parrains de la mafia est très bonne (sauf
peut-être pour la pieuvre, qui gâche un peu l'ambiance) ; mais
surtout, il y a Lenny (le requin qui a peur de faire son coming out comme végétarien) : et rien que pour la
tête de Lenny, ça vaut la peine de voir ce film.
(Le titre français de ce film me semble un peu douteux : on parle
plutôt d'un aérogare que d'un terminal, il me
semble.)
Pour ceux qui n'ont pas suivi, il s'agit de l'histoire d'un type
qui se retrouve — à cause d'un problème de paperasse et d'un
coup d'État dans son pays — à devoir vivre en zone
internationale d'un aéroport.
Globalement, j'ai bien aimé. Moins que Catch
me if you can (le précédent Spielberg) par exemple, mais
tout de même pas mal. Il faut admettre que très peu de concessions
sont faites au réalisme, et c'est parfois un peu limite, quand même,
et notamment la maîtrise de l'anglais par le personnage joué par Tom
Hanks est quand même vraiment trop variable (un coup il ne comprend
vraiment rien et deux minutes plus tard il sort des phrases
relativement compliquées pour retomber dans le néant absolu encore une
minute après). Le début m'a quand même légèrement tapé sur les nerfs
notamment à cause de ça (la comédie du type qui ne comprend pas un mot
d'anglais et qui répète bêtement, c'est un peu suranné). Mais
ensuite, ça roule beaucoup mieux.
Ce qui est fantastique, c'est la magie Spielberg. Je n'explique
pas ça, mais il a beau sortir des trucs qui sont, fondamentalement,
très naïfs ou même carrément niais, et il les fait Juste Marcher. Par
exemple, le coup de la boîte que le héros transporte (je ne spoilerai
pas sur son contenu), c'est vraiment gentillet, et si quelqu'un
d'autre que Spielberg essayait de faire passer ça, je crois que ça ne
marcherait pas (auprès de moi en tout cas), mais là, c'est
effectivement émouvant. Pareil pour plein d'autres choses, qui sont à
la fois attendues et « faciles » (ne serait-ce que l'opposition entre
le héros bon et simple qui se fait plein d'amis et le méchant borné et
paperassier qui veut lui nuire), mais qui fonctionnent parce que le
film a un vrai karma.
Indépendamment de ça, il y a pas mal de vrais bons gags. Les
acteurs jouent bien, le rythme et la construction sont bien
maîtrisés.
Par ailleurs, même moi, je bave complètement devant Catherine
Zeta-Jones.
Je reviens de voir le dernier film de
François Ozon, 5×2 : je suis plutôt déçu. Le tempo
est vraiment trop lent, et, une fois qu'on a compris l'astuce
(et malheureusement j'avais été spoilé à l'avance), il n'y a plus
guère de surprise. De la part d'Ozon j'attendais quelque chose d'un
peu plus original, vif, ou déjanté (je précise que j'ai énormément
aimé Huit
femmes et Sitcom).
Tiens, une curiosité : pourquoi le héros (le mari) s'appelle-t-il
François au tout début (lorsque le juge lit l'acte de divorce),
et Gilles dans toute la suite ? Il y a quelque chose à
comprendre, ou c'est juste une erreur complètement bizarre, ou bien
Arthur et moi avons complètement rêvé ?
En revenant du cinéma, j'ai oublié mon sac à dos dans le métro.
Heureusement que j'étais allé voir le film avec des copains, qui
prenaient la même ligne et qui descendaient après moi : ils l'ont donc
récupéré pour moi. Pas qu'il y ait quelque chose de précieux dans le
sac en question, mais je m'étais fatigué à me reconstituer une trousse
bien garnie (avec plein de stylos de toutes sortes de couleur) pour
remplacer celle que j'avais perdue dans des circonstances semblables,
je ne voudrais pas ravoir à acheter ça, et un agenda, et tout et
tout.
Dans mon sac, il y a aussi les Nouvelles orientales de
Marguerite Yourcenar, que je lis en ce moment : c'est vraiment très
beau (au moins celles que j'ai lues pour l'instant), je conseille
vivement. Mais du coup je vais devoir lire autre chose ce soir.
J'avais vu Les Roseaux
sauvages / Le Chêne et le Roseau[#], probablement la version courte,
il y a assez longtemps, à la télé (à l'occasion d'une rediffusion : ce
n'était pas lors de sa sortie en 1994 mais plutôt en 1999 ou 2000).
J'en avais gardé une image très positive ; cependant assez floue, à
l'exception de cette scène (dont je tire l'image ci-contre), que je
trouve extrêmement forte et belle, où François, le personnage joué par
Gaël Morel, se met devant un miroir et se force, difficilement au
début, à dire je suis pédé en se regardant.
Il y a quelques semaines, j'ai vu à la Fnac que le DVD
était sorti, et je l'ai acheté : je viens juste de le regarder et cela
n'a fait que confirmer à quel point j'aime ce film. Évidemment, c'est
surtout le rôle de François qui m'émeut ; en fait, je suis stupéfait
de voir (je n'en avais pas gardé un souvenir aussi précis) à quel
point il me ressemble, ce pédé immature et bourgeois (comme
Maïté — Élodie Bouchez — le qualifie, et ça me va
parfaitement), maladroit, attendrissant, sporadiquement bavard, avide
de compagnie, bon élève et gentiment cuistre : il fait même de la tachycardie (et pas assez de sport) !
Mais tout me plaît dans cette histoire où flotte un frais parfum de
vacances ensoleillées. Pourquoi diable ne l'ai-je pas vu au moment où
je passais moi-même le bac ?
Ah, et puis, si par hasard quelqu'un lisait ceci qui connaisse Gaël
Morel, je lui demanderais volontiers un autographe.
[#] Je crois que l'un
des deux titres (probablement le deuxième) doit faire référence à la
version moyen métrage qui est un téléfilm produit sur commande d'Arte, l'autre désigne la version
longue.
J'ai été plutôt agréablement surpris : je m'attendais à un film
d'action complètement crétin, et c'est bien un film d'action, mais il
n'est pas sans intérêt. Je m'attendais à ce qu'Asimov serve
uniquement de prête-nom, et ce n'est pas le cas : bon, il est vrai que
le scénario, qui n'est pas directement tiré d'une oeuvre de
l'écrivain, est très hollywoodien et n'a pas la complexité et la
subtilité des intrigues nouées par le Bon Docteur, mais il reste quand
même une certaine influence du maître — en tout cas, je trouve
que ce n'est pas une trahison. Je ne spoilerai pas, mais on peut même
trouver des justifications dans l'oeuvre d'Asimov pour le principal
ressort de l'intrigue au final. Le personnage de Susan Calvin est
assez modifié mais pas complètement trahi non plus. Will Smith ne
joue pas mal du tout, je trouve, son personnage est relativement
plausible, et il y a des passages très rigolos au début (la
grand-mère, notamment, est absolument excellente).
À la limite, ce qui m'a le plus agacé, c'est un petit bout de
morale glissé discrètement au passage : si vous avez le choix entre
sauver un homme (avec une probabilité de 48%, mais à la limite peu
importe) et sauver une petite fille (avec une probabilité de 11%) il
« faudrait » (au sens où : d'après le film, n'importe quel humain
ferait ça) sauver la petite fille. Je ne sais pas pour vous, mais moi
ça fait sonner mon pipotron éthique : je ne vois pas pourquoi c'est
mieux de sauver la vie d'une petite fille que celle d'un homme plus
âgé. Enfin bon, peu importe, ce n'est pas le point central du film,
c'est juste un petit détail.
Bref, si vous vous ennuyez en ce moment (genre, vous êtes coincé à
Toulouse par un stage d'info ?), n'hésitez pas à aller voir ce
film.
PS : Dans les sorties prochaines
de l'été, je vois Riddick
et Hellboy,
qui, dans le genre nanar gratiné, ont l'air tous les deux vraiment
très forts. Forcément, il faudra que je voie les deux.
Je reviens du cinéma où je suis allé voir Le Rôle de sa
vie. Je ne dirai pas grand-chose du film : autant les
personnages étaient assez intéressants et réalistes, autant l'histoire
m'a semblé d'un intérêt assez nul, et je suis plutôt déçu (mais bon,
vu l'ennui absolument souverain qui me possède ce week-end, et n'ayant
le courage de ne rigoureusement rien faire de la montagne de choses
qui m'attendent, le cinéma est encore une façon de s'échapper). Donc
à la place je vais juste mentionner deux pubs que j'ai vues en début
de séance.
D'abord, il y a ce clip (je ne sais pas comment l'appeler
autrement) produit par la mairie de Paris sur la chanson
Paris de Marc Lavoine (Je marche dans tes rues / Qui
me marchent sur les pieds / Je bois dans tes cafés…), où on
voit chanter des stars filmées en noir et blanc dans Paris et sur un
montage très mobile. Eh bien je la trouve absolument magnifique,
cette pub (j'aime beaucoup la chanson, que je ne connaissais pas du
tout, mais c'est surtout la manière dont c'est filmé qui est
admirable). Je l'avais déjà vue l'an dernier à la même saison, mais
je n'y avais pas trop prêté attention : là, je félicite ceux qui ont
fait ça. (Pour ceux qui n'ont pas vu et qui se posent la question,
c'est une pub pour l'opération 3 jours, 3 euros les 22,
23 et 24 août dans tous les cinémas parisiens.)
Ensuite, une pub pour EDF, que je saurais pas vraiment qualifier autrement
que la pub actuelle pour EDF au cinéma. Les deux
premières fois que je l'ai vue, je n'avais pas du tout compris avant
la fin sur quoi elle portait (je pensais plutôt à une agence
d'assurance, ou une banque, ou quelque chose comme ça, parce que ce
sont plutôt elles qui ont tendance à faire des pubs dans le genre,
vaguement lyriques et sans objet évident). En tout cas je n'y avais
pas fait beaucoup attention. Ensuite, on m'a fait remarquer que la
pub faisait très “années 70” (sic, enfin je crois),
et j'y ai fait un peu plus attention cette fois-ci. En réalité, elle
est très construite, ce n'est pas du tout des petites séquences au
hasard comme on en a l'impression en la voyant les premières fois : il
y a toutes sortes de petits indices qui évoquent différentes époques,
et si au début ce sont en effet les années 70 (cela se voit surtout
aux appareils électriques, évidemment, ce qui est normal dans une pub
pour EDF), ensuite on avance jusqu'à nos jours ; et en
fait, l'ensemble évoque, par un nombre de très courts plans-séquences,
la vie de quelqu'un (qui doit être à peu près de ma génération) entre
sa naissance et la naissance de son enfant, les deux naissances étant
représentées par des échographies. Je trouve ça artistiquement très
réussi.
Allez, parlons un peu d'autre
chose : je viens de voir le navet de l'été, et je l'ai trouvé tout
à fait digérable (j'avais eu des échos positifs et négatifs). Je
précise que je n'avais pas vu le 1. Ce n'est pas très profond, c'est
sûr, mais le film me fait un peu l'effet du héros lui-même :
brouillon, incertain, mais finalement attendrissant. (Soit dit en
passant, physiquement, je ne dirais pas qu'il est très beau, le Peter
Parker — ou en tout cas, je n'arrête pas de changer d'avis d'une
scène sur l'autre —, mais c'est tellement mignon quand il a une
tête de chien battu — enfin, d'araignée battue —, qu'il en
devient craquant.)
Sinon, vous avez remarqué : on voit souvent des histoires avec un
méchant savant fou qui peut être un physicien (qui met au point toutes
sortes d'engins dangereux), un chimiste (qui peut produire des
substances horriblement toxiques ou corrosives), un biologiste (qui va
créer des organismes mutants totalement invraisembables) ou parfois un
informaticien (qui va prendre le contrôle de tous les ordinateurs),
mais on voit rarement un mathématicien. Ha, ha,
only serious! Imaginez un peu une histoire avec un méchant
mathématicien fou qui va prendre le contrôle du monde grâce à un
théorème faramineux, et un super-héros qui va l'en empêcher — ça
ce serait excellent.
Je ressors d'une Nuit du Nanar à l'École, où on a vu
la projection successivement de Braindead, de Vercingétorix
et de Battlestar Galactica (le film, tiré des deux
premiers épisodes de la série du même nom — à moins que ce soit
le contraire). Grandiose. Le premier est un film gore (à
l'extrême) comique, qu'on ne sait vraiment pas si on doit prendreu au
deuxième ou au troisième degré, mais en tout cas qui est à mourir de
rire (enfin, surtout si on le voit en groupe). Le second est
tellement épouvantablement mauvais (surtout dans les dialogues !)
qu'on ne peut pas ne pas en rire. Le troisième est un pastiche
(involontaire — ou en tout cas non assumé) de Star Wars (l'épisode IV, je veux dire — le
tout premier) qui a très mal vieilli.
Évidemment, ensuite, les normaliens passent pour des cinglés, à
regarder des films comme ça ou à passer des journées entières dans le
métro. J'ai d'ailleurs dîné avec quelqu'un qui avait bien l'air de
cet avis.
Je viens de voir le dernier Almodóvar. Un film magnifique, et très
émouvant. La construction est un peu sophistiquée (avec des mises en
abyme un peu borgesiennes), mais cela ne retire rien à la force de
l'histoire. Il y a une partie de l'histoire qui rappelle La Ville dont le prince est un
enfant, mais il y a aussi des parties bien différentes.
Pas forcément le meilleur film du réalisateur, mais assurément une
réussite.
Le plus gros reproche que je lui ferai est qu'Agamemnon et Ménélas
sont montrés de façon vraiment simpliste comme des personnages
entièrement méchants et négatifs : le parti pris (puisque apparemment
Hollywood n'arrive pas à raconter une histoire, et surtout une guerre,
sans prendre de partie) est plutôt celui des Troyens ; Priam est
présenté comme indiscutablement bon (quoique faible), Hector est
parfaitement honorable et globalement un chic type, et Pâris est un
brave garçon. Côté grec, Achille a une personnalité assez complexe,
il est bien joué et ne tombe pas trop dans la caricature (certes, tout
cela n'a peut-être aucun rapport avec le personnage présenté sous ce
nom dans l'Iliade, mais who cares?).
Et Ulysse (Odysseus) n'est pas mal du tout (et son côté rusé et habile
ressort bien).
De grosses libertés ont évidemment été prises avec l'histoire
canonique, mais je pense que c'est normal ; la guerre de Troie reste
le mythe fondateur de notre civilisation, il est normal qu'on le
raconte à une époque donnée selon ce que l'imaginaire de cette époque
en conçoit (et le cinéma américain peut bien prétendre au rôle de
forgeron de l'imaginaire). En tout cas je ne crie pas au scandale :
si on me demande d'imaginer, naïvement et comme un enfant qui veut
être émerveillé, l'histoire en question, je ressortirai quelque chose
de pas trop loin de ce que ce film présente. Bien sûr, la vision
vieillira mal. Mais ceux qui veulent voir la présentation telle qu'on
la faisait peut-être au IXe siècle avant l'ère commune peuvent lire le
poème qu'on sait.
Les dieux sont ici les grands absents. Je pense que c'est une
bonne décision, car il aurait été délicat de décider comment les
montrer (et l'homme est la mesure de toute chose, non ?).
Certes, représenter Achille comme impie et Hector comme agnostique
(fatigué de voir son père suivre toujours aveuglément les augures),
c'est osé, mais je trouve qu'ils s'en sortent bien. Ils auraient pu
tirer quelque profit en montrant le sacrifice d'Iphigénie, mais ils ne
l'ont pas fait (Clytemnestre est entièrement absente, et Agamemnon est
tué par Briséis, ce qui n'était pas forcément utile). J'ai apprécié
le clin d'œil consistant à montrer, lors de la fuite des
Troyens, Pâris donnant son épée à un jeune homme qui aide son vieux
père à fuir, et il lui demande comment il s'appelle —
Énée (vous pensez qu'ils vont faire une suite, Les
Troyens contre-attaquent : la fondation de Rome ?).
Accessoirement, j'en suis à me demander : au fait, Hélène
elle-même, elle est censée devenir quoi, à la fin, dans l'histoire ?
(À part avoir une amourette avec Faust pas mal de siècles plus tard,
je veux dire.)
Sinon, l'incendie et le sac de Troie m'ont paru bien rendus, et on
pense bien à la magnifique force des vers de l'Andromaque
de Racine,
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage.
Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants.
J'ai aussi aimé la scène où Priam va supplier Achille de lui rendre
le corps de son fils. C'est sans doute le moment le plus fort de
l'Iliade (24:477s), et ils s'en tirent ici avec les
honneurs (mais Peter O'Toole, qui joue le roi troyen, n'est pas
exactement un mauvais acteur…).
Bon, et puis si on n'est pas féru de culture hellénique, on peut
toujours y aller pour voir la beauté ténébreuse d'Orlando Bloom
(Pâris) ou les magnifiques biceps huilés de Brad Pitt (ah… la
scène où Achille se déshabille… rhâââ…). Si vous vous
demandez, rien n'est montré, et très peu est suggéré, entre Achille et
Patrocle ; ce n'est pas forcément plus mal, en fait. Pour ceux qui
préfèrent les femmes, la beauté la plus fameuse de toute l'Histoire
est jouée par Diane Kruger, mais je ne sais pas si son visage aurait
suffi à faire partir mille nefs.
Voilà voilà. En un mot : allez le voir si vous avez trois heures à
perdre, ou si vous aimez ce genre de spectacles grandioses, ou si vous
voulez mater de beaux garçons. N'allez pas le voir si vous êtes un
ayant-droit de ce M. Homère.
Independence Day ce soir à la télé : le film
à côté duquel Star Wars a le réalisme d'un
documentaire scientifique. Je ne sais pas si je supporterai une telle
avalanche de niaiserie jusqu'au bout (même au second degré c'est assez
pénible), mais d'un certain point de vue c'est intéressant de comparer
avec la vision radicalement différente des extra-terrestres qu'on
pouvait avoir à l'époque de Le Jour où la Terre
s'arrêta — ou, plus exactement, c'est la vision des
humains qui a changé : maintenant nous nous prenons pour des
pacifiques agressés, apparemment.
Le happy end est une resucée[#] de celui de la Guerre des
Mondes (i.e. le petit virus[#2] qui sauve l'humanité),
débarrassé de son génie, et agrémenté d'une bonne dose d'axiomes
hollywoodiens (dans le genre tout système informatique est
piratable par quelqu'un de suffisamment malin, et bien sûr le
système informatique des extra-terrestres est évidemment compatible
avec le nôtre), avec le sirop de bonne conscience qui va avec.
Sans parler du fait qu'il est douteux que l'humanité puisse se relever
des dommages qu'elle est censée se voir infliger, il fallait quand
même une certaine audace pour prétendre à une fin heureuse après
tellement de destruction — passons.
Plutôt que de tirer sur les ambulances, je vous propose un film de
science-fiction qui a vraiment une intrigue intéressante et profonde :
La Planète
interdite. Ou bien, si vous préférez l'équivalent de Independence Day au second degré, le fabuleux Galaxy
Quest.
[#] Que les auteurs
n'ont même pas eu le cran de reconnaître ouvertement. Ç'aurait été la
moindre des choses, par exemple, que de laisser le petit génie avoir
son idée en tombant sur un exemplaire du livre de Wells.
[#2] Au demeurant, les
virus ont, historiquement, plutôt eu tendance à être du côté de
l'envahisseur. Quand l'Amérique a été « découverte », les maladies
ont bien aidé les Européens à exterminer les Indiens en masse.
Ce soir je suis allé voir Immortel,
le nouveau film d'Enki Bilal, à l'UGC
de Bercy, avec Cossaw, pour me détendre
un peu de mes crises de nerfs
informatiques. C'est visuellement vraiment magnifique (même si
c'est parfois un peu poussé sur le sordide, comme j'ai l'impression
qu'Enki Bilal a tendance à faire), et c'est très poétique, parfois
gentiment humoristique aussi. Mais alors surtout, si vous comptez y
aller, n'essayez pas de comprendre quoi que ce soit à l'intrigue : il
n'y a tout simplement rien à comprendre, et il y a énormément de
questions qui restent sans réponse (qu'est-ce que c'est que l'intrusion zone et à quoi et à qui sert-elle et
pourquoi est-elle dangereuse ? d'où vient Jill, finalement ? et qui
est John ? pourquoi Horus a-t-il été condamné ? pourquoi les dieux
stationnent-ils leur pyramide au-dessus de New York ? que veulent au
juste Eugenics, et que font-ils ? qu'est-ce que sont les
niveaux dans la ville ? quels sont les rapports entre les
humains et les non-humains, et d'où viennent ceux-ci ? quel était le
crime de Nikopol ? à quoi est due sa libération anticipée si
opportune ? qui est le serial killer ? — et j'en
passe…).
La petite question naze du moment : est-ce que la langue que
parlent Horus, Anubis et Bastet dans le film est vraiment de
l'égyptien ancien ? (Je pourrais poser aussi la question,
accessoirement, de la langue qui est parlée dans Stargate.)
J'avoue que ça a une classe certaine : parler latin, c'est rigolo,
parler grec ancien, c'est nettement mieux, mais égyptien ancien, c'est
carrément barbot. Mise à jour
(2004-04-04T02:40+0200) : Quelqu'un que je connais (merci, Liguori !)
a posé la question à Enki Bilal lui-même ; la réponse est qu'il avait
un livre sur l'egyptien ancien et a bidouille lui-meme un truc potable
a partir de ca… C'est donc bien de l'egyptien ancien, mais a la
sauce Bilal (en particulier avec les noms de dieux en anglais).
Je viens de voir L'Effet
papillon à l'UGC
de Bercy, et j'en suis très content : je pense qu'il ne m'a pas
plus uniquement à cause de mon intérêt pour le voyage dans le temps, mais aussi parce
que c'est intrinsèquement un plutôt bon film, malgré quelques
faiblesses ou quelques lourdeurs (notamment des effets trop appuyés).
Le principal « problème », c'est que le début du film — les
moments où le héros a ses trous de mémoire — est extrêmement
stressant (je veux dire, façon thriller ou film d'horreur) et je suis
vraiment petite nature, moi, je sursaute très facilement (je ne
supporte pas les films d'angoisse), donc ce début a été un peu
éprouvant. Ensuite, ça allait.
Étonnamment, je n'ai pas trop trouvé d'incohérences : je dirais
même presque que le film tient debout dans sa logique interne. Ce
n'est pas réaliste, mais si on accepte quelques idées de
principe, ce n'est pas idiot. Il y a quand même un truc (mineur,
heureusement) qui ne va vraiment pas : [ce qui suit est un spoiler
très mineur] la manière dont le héros « acquiert » des stigmates aux
mains sous les yeux de quelqu'un — aux yeux de ce dernier, il
aurait dû toujours les avoir eus, et donc ne s'étonner de rien. Mais
bon, peu importe.
Évidemment, c'est une question qu'on aime à se poser : Et si
j'avais fait les choses différemment à <tel moment>, comment le
cours des événements aurait-il été changé ? (Question que je
m'étais déjà posée ici, d'ailleurs,
dans des termes un peu différents.) Il me semble certain que si on
change quoi que ce soit (la position d'un grain de sable, ou même d'un
amibe sur un grain de sable) il y a, disons, 1000 ans, cela change
complètement la face du monde actuel (et ce n'est pas vraiment la
peine de se demander comment — toutes sortes de choses[#] dans l'Histoire se sont produites
« par hasard » et ne se seraient pas produites, tandis que toutes
sortes d'autres se seraient produites, mais il est vain de chercher à
conjecturer comment la position du grain de sable changerait les
choses) ; mais si on change quelque chose de plus significatif (pour
la vie de celui qui se pose la question) dans un passé plus proche ?
C'est une question qui nous touche plus directement, et qui est posée
dans ce film, avec une certaine habileté.
[#] À commencer
par chaque naissance. Au moment de la fécondation, parmi les milliers
de spermatozoïdes qui cherchent à pénétrer l'ovule, un seul y arrive,
et lequel il est dépend vraiment d'un hasard déterminé à l'échelle
microscopique. Changez un seul grain de sable il y a 1000 ans, et
toutes les naissances à partir de là sont différentes : changez un
seul grain de sable il y a 1000 ans et vous tuez Léonard de Vinci
aussi bien que Hitler — et vous mettez quantité d'autres gens à
la place, évidemment, qui ne sont pas nés dans notre monde.
Après avoir dîné avec Padawan au retaurant Le Loup
Blanc (que je recommande au passage), ce soir, je suis allé
voir Big Fish ce soir (un peu sur un coup de
tête : je comptais voir L'Effet
papillon mais curieusement ils ne le donnaient pas à l'UGC
des Halles). Eh bien ce film est vraiment magnifique : j'étais
sceptique (dans le genre ça a l'air un peu n'importe quoi, ce
truc) à la vue de la bande annonce, mais, comme le fils du héros,
je me suis laissé captivé par les histoires racontées. C'est à la
fois mignon, drôle et émouvant (et parfois les trois à la fois),
surtout à la fin (il y a quelques passages, autour du tiers du film,
qui ne m'ont vraiment pas paru terribles, mais ils ont vite été
compensés). Je précise que je ne suis pas un inconditionnel de Tim
Burton.
Ce que j'ai nettement moins apprécié, en revanche, c'est le retour
chez moi : je suis sorti du cinéma juste avant 0h30, donc trop tard
pour attraper le dernier métro de ma
ligne habituelle (la 7,
en travaux ⇒ la dernière rame est avancée !). J'ai hésité entre
l'idée de prendre la ligne 1 jusqu'à Bastille pour y attraper la 5 et celle
d'emprunter la 14 jusqu'à Bercy pour finir avec la 6. J'ai pensé que
cette dernière solution serait meilleure parce que la 14 passe plus
fréquemment que les autres ; j'étais à Bercy à 0h41, j'ai raté une
rame de la ligne 6 de quelques secondes. Je reste sur le quai à attendre
(le dernier métro était censé venir à 0h47), et à 0h45 un haut-parleur
nous annonce que le service est terminé en direction de l'Étoile.
Furieux, je sors de la station pour rentrer à pied, et là je vois
passer, sur le pont de Bercy, le dernier métro en question ! Pire :
en courant un peu, j'aurais même pu le rejoindre à Quai de la Gare,
parce qu'il y a stationné très longtemps, mais, bien sûr, je ne le
savais pas, donc je l'ai vu une deuxième fois me filer sous le nez.
Merci la RATP (Rentre
Avec Tes Pieds, comme on dit) ! (En fait, à la réflexion, au
lieu de sortir de la station, j'aurais dû reprendre la ligne 14 pour continuer
jusqu'à Bibliothèque, ça m'aurait fait un peu moins de marche.) Bref,
je suis arrivé chez moi à 1h15. Et moi qui comptais me coucher un peu
tôt…
Immortel
(le film d'Enki Bilal qui sort dans trois semaines) a l'air carrément
space. J'ai vu des teasers il y a des mois, et maintenant la bande
annonce (enfin, en partie, parce que je suis rentré dans la salle
— j'allais voir
Paycheck — au milieu de ce trailer), et ça me
donne assez envie de voir de quoi il retourne : si c'est du mystico
space opera bien fumé, ça devrait me plaire. (Cependant, j'avais lu
une BD d'Enki Bilal — Le Sommeil du
Monstre, je crois —, et je n'avais pas aimé du tout,
c'était beaucoup trop « théorie du complot mis en images », si j'ose
dire.) Si des gens veulent le voir avec moi quand il sortira, qu'ils
se dénoncent.
À part ça, Podium,
c'est bien ? Et Big Fish (là je suis un peu méfiant) ?
Dans un autre genre, la section cinéma gay de la FnacItalie 2 (celle qui est à côté de
chez moi) s'est pas mal enrichie depuis un mois ou deux. Il faudra
que je fasse quelques acquisitions.
L'ennui avec les DVD, c'est que soit j'achète des
choses que j'ai déjà vues, et alors je regarde rarement plus qu'une
fois (et parfois jamais, en fait), soit j'achète des films que je n'ai
pas encore regardés, et alors je ne sais pas si ça va me plaire. Je
pourrais louer, mais autant aller au cinéma, à ce titre-là. Ou alors
il faudrait un truc intermédiaire entre la location et la vente (si on
aime, on achète le DVD avec un prix qui déduit celui de
la location, et si on n'aime pas, on se contente de payer la
location) : ça existe (j'ai le souvenir qu'on m'avait parlé d'une
combine de ce genre) ?
Je suis allé voir Paycheck ce soir. S'il y a un intérêt, je
peux expliquer pourquoi ce film — qui n'est pourtant pas mauvais
du tout, au final — est bourré d'incohérences de tous
points de vue (je ne parle pas de la science ! les personnages font
des choses absolument illogiques et incohérentes eu égard à ce qu'ils
savent et ce qu'ils veulent).
Mais en tout cas ça m'a conduit à relire mon traité ultime sur le
voyage temporel, qui est sans doute la plus invraisemblable
masturbation intellectuelle que j'aie jamais produite (en tout cas je
m'étais amusé comme un fou à écrire ce truc et à explorer tous les cas
possibles). Un jour j'écrirai une nouvelle de science-fiction avec un
voyage dans le temps (ou une simple observation du futur, d'ailleurs,
ce qui revient à peu près au même que le voyage dans le passé) qui
tient vraiment debout de tout point de vue, même quand on
l'attaque avec la logique la plus rigoureuse : pour l'instant je n'ai
encore jamais vu ça (quoique, L'Armée des douze
singes n'est vraiment pas loin, et d'ailleurs ce film est
excellent de tout point de vue ; cependant, c'est du
monochronique — la définition de ce terme est dans le
texte que je viens de citer — ce qui est beaucoup plus facile à
rendre rigoureux que du polychronique).
Je crois que c'est la première fois de ma vie que, au cinéma, je
sors avant la fin du film. Bref, si votre sens de l'humour
s'apparente au mien, n'allez pas voir Les 11
Commandements (et je précise que, globalement, j'ai
tendance à trouver Michaël Youn plutôt drôle, et que je n'ai rien
contre l'humour complètement absurde et déjanté).
Ce film
est… bizarre. Je n'arrive pas à décider s'il est nul ou très
bon. En fait, il est déstabilisant parce qu'il y a énormément de
choses dont on ne sait pas si on doit les prendre au premier, au second
ou au troisième degré. D'un côté on a des clins d'œil divers et
variés au milieu français des grandes écoles (en l'occurrence : une
école de commerce imaginaire et non nommée — même si les
bâtiments doivent être bien réels et j'essaie sans succès de me
rappeler lesquels ce sont — et, dans une moindre mesure, Normale Sup section lettres), parfois
jusqu'à la caricature. De l'autre, des passages véritablement
touchants. Entre les deux, des scènes dont on ne sait pas si on doit
en rire ou s'en émouvoir, des effets trop appuyés dont on ne sait pas
si c'est intentionnel ou lamentable. Bref, c'est étrange. Il y a
aussi un désagréable effet « théâtre filmé » de certaines scènes (mais
pas toutes) : peut-être parce que c'est justement adapté d'une pièce.
Pourtant, si on est disposé à accepter de lire le film à plusieurs
degrés, de rire sans trop savoir si c'est de lui ou
avec lui et d'être parfois un peu touché, alors il n'est pas
désagréable à voir. En tout cas je n'ai pas le sentiment d'avoir
perdu mon argent ou mon temps.
En revanche, j'aurais été ravi de pouvoir échapper à l'effet
« bande de copains homos sortis d'école de commerce » dans
l'assistance, qui sont manifestement venus voir ce film parce que
c'est « leur » film, et qui ne se privent pas pour le commenter à voix
haute pendant la séance, et pour rire à gorge déployée.
Une réplique que j'ai bien aimée (et que je cite
approximativement) : ah oui, les amis… qui choisirait d'être
petit alors qu'on peut être meilleur ?
Je suis finalement allé voir ce fameux film, une
formidable fable sur la tolérance et le respect d'autrui, notamment
vis-à-vis des blonds (dont on apprend d'ailleurs enfin la véritable
parenté…).
Euh, non, sérieusement : bah j'ai trouvé ça moins mauvais que les
critiques le laissaient entendre, mais moins bon que ce qu'on pouvait
attendre de la bande Chabat (j'aime beaucoup) & les Robins des
Bois (j'aime nettement moins, mais bien quand même). C'est de
l'humour naze et bête, quoi, et il se trouve que j'aime assez bien
l'humour naze et bête ; j'ai ri quelquefois, et j'ai beaucoup souri.
J'ai apprécié quelques références (entre autres aux Monty
Pythons, comme le coup du lapin féroce qu'on voit pendant une
seconde ou la manière de commencer le film). Ceci dit, je me demande
un peu ce qui fait, au fond, que je trouve ça moins drôle que Life
of Brian ou Holy
Grail : parce que finalement c'est vraiment le même genre
d'humour ; peut-être que les Monty Pythons font des allusions un peu
plus savantes, mais même ça n'est pas très clair.
Ça faisait longtemps que je n'étais pas allé au cinéma. Depuis le
retour du roi, en fait. Ce soir j'ai
vu L'Esquive,
l'histoire d'un groupe de lycéens de banlieue qui répètent la pièce
Jeux de l'amour et du hasard de Marivaux. À l'image de
leur façon de jouer, ce film est amusant, et très touchant, mais aussi
un peu lassant. (Et pour ceux qui s'imaginent que je suis surtout
aller mater de la racaille : non, pas
trop — ils sont attendrissants, mais pas spécialement kiffants ;
d'ailleurs, le héros est plutôt moche et ça se voit sur
l'affiche.)
Je pense que la vision des cités qu'on y trouve est très « vraie »
et on peut prendre ça quasi comme un documentaire. En tout cas les
jeunes parlent exactement comme je les entends parler dans le
RER. Notamment, les filles me saoulent complètement
parce qu'elles forcent tout le temps leur voix (ce qui a rendu le film
un peu pénible à regarder). Une autre chose qui m'épate, que j'avais
déjà constaté mais qui m'a été ici vraiment manifeste, c'est que le
contenu informationnel de tout discours prononcé en « tchatche de
banlieue » est complètement noyé sous des qualificatifs ou des
expressions totalement vides de sens (du style,
grave, trop, j'te dis, sur la tête de ma mère
j'te jure et ainsi de suite, et ne parlons pas de
inch'allah) qui servent uniquement à ponctuer la parole.
Inversement, dès qu'on veut dire quelque chose, il est nécessaire de
le répéter trois ou quatre fois. Si on croit aux thèses de
Sapir-Whorf, on va prendre les gens qui parlent comme ça pour des
débiles mentaux, bien sûr : ce qui n'est sans doute pas une bonne
idée, parce que, quand j'y pense, j'ai tendance à trouver un peu la
même chose du grec ancien, par exemple (or en effet car mais
cependant par Zeus oui tu dis vrai !).
Sur le plan des rapports humains, le phénomène frappant (dans le
film, mais je crois là aussi que cela reflète très bien la réalité)
c'est à quel point toute relation est conflictuelle : on semble
incapable de prier quelqu'un de faire quelque chose, on ne
peut que lui ordonner, et, en réponse à un ordre, entrer soit
dans une position d'obéissance (temporaire) soit dans une situation de
conflit ; même pour quelque chose d'aussi trivial que peux-tu
descendre, j'ai quelque chose à te dire on en arrive à vas-y,
descends, j'veux t'parler, c'est-à-dire de la demande à
l'injonction. C'est finalement une ambiance fortement liberticide
pour les choix individuels, puisque chaque décision se fait avec une
forte interaction de l'environnement (ce qu'une des protagonistes du
film exprime clairement : vous m'foutez trop la pression).
Sinon, parlant de discours absolument conditionné, il y a une chose
que je commence à très mal supporter, ce sont les annonces américaines
de films. Vous avez déjà fait attention à la voix off du type
qui dit coming soon by Academy Award winning director
John Doe-Smith et autres commentaires censés éveiller l'intérêt du
spectateur pour les qualités du film ? La voix, le ton de la voix, la
formulation des phrases, tout cela est toujours rigoureusement
identique. Et ça me tape violemment sur les nerfs.
Bon, enfin, le pire c'est encore la réclame pour la barre
chocolatée, toujours la même, et le petit spot UGC (on
partage plus que du cinéma) que j'en ai vraiment marre de
voir.
C'est absolument scandaleux à quel point il est mignon sur cette
photo de l'affiche du film Peter
Pan. Voir cette image sur tous les murs, c'est une
véritable incitation à la pédophilie, c'est insupportable : je suis
déjà suffisamment frustré avec les mecs d'à peu près mon âge, ce n'est
pas la peine d'en rajouter avec les gamins de quinze ans.
Ah, c'est vrai que Peter Pan n'a pas d'âge, de toute façon.
Je viens de voir Nettoyage à
sec (dans le cadre d'une projection organisée par Homonormalité,
l'association homo de l'ENS). Je pourrais dire
beaucoup de bien sur le film, qui est vraiment magnifique (ça fait un
moment que je me disais que je devais le voir), mais je dirai surtout
ceci : putain de bordel de merde,
qu'est-ce qu'il est beau gosse, Stanislas Merhar !
Le chat de mes parents
(c'est la photo de droite, hein), qui est aussi un peu le mien (à
moins que ce soit le contraire ; de toute façon, un chat, ça
n'appartient qu'à soi-même), est malade : il souffre d'une grave
insuffisance rénale, a dit le vétérinaire. (On avait remarqué qu'il
buvait énormément d'eau, alors ma mère l'a emmené faire une prise de
sang.) Il est au régime sévère avec des croquettes spéciales, qu'il
n'aime pas du tout, bien entendu. Il a environ neuf ans (on l'a
recueilli au printemps '96, et il a alors été estimé qu'il avait à peu
près un an).
Tiens, pour faire un coq-à-l'âne (ou, plus exactement, un
chat-au-chien), hier soir j'ai vu Didier (d'Alain
Chabat) à la télé, et je suis assez bluffé : l'idée de départ (un
chien qui prend un jour corps humain) est vraiment débile, mais il a
réussi a en faire quelque chose de plutôt réussi. Bon, le scénario
n'est pas exceptionnel, et il est plutôt attendu ; mais le jeu d'Alain
Chabat est absolument époustouflant : réussir à jouer un chien
transformé en homme de façon — je n'oserais pas dire
crédible — convaincante, de façon qui soit drôle sans
être complètement ridicule, c'était vraiment dur — et
il y est arrivé. Je lui tire mon chapeau. (À ce propos, je crois
bien que j'irai voir RRRrrrr
quand il sortira.)
Finalement j'ai vu Le Retour du
roi aujourd'hui. Pour ceux qui n'ont pas vu, je dirai
juste ceci : n'y allez pas si vous êtes sujet au vertige (parce que
moi je le suis fortement, et les escaliers de Cirith Ungol, j'ai eu du
mal à digérer). [Attention, spoilers dans ce qui suit.] Ah oui, n'y
allez pas non plus si vous êtes arachnophobe (bon, je suis un peu
obligé de spoiler, là : il y a une grosse et vilaine
araignée).
Non, sérieusement, le principal reproche que je ferai au film, en
fait, c'est qu'ils ont complètement raté le personnage de Denethor.
Dans le livre, il est peu amène, mais intelligent et pas complètement
cinglé (sauf vraiment à la fin). Là, c'est du gâchis complet. Et en
plus il n'a aucun intérêt puisque les gardes de Gondor obéissent à
Gandalf sans hésitation (alors que dans le livre ils rechignent).
Déjà je n'étais pas content qu'ils aient fait de Saruman une simple
marionnette dans les mains de Sauron, c'est un peu pareil en fait (je
veux bien que l'œil de Sauron vu dans le Palantír soit puissant,
mais quand même !). Les autres infidélités faites au livre, à mon
avis, se défendent très bien (par exemple celle d'avoir supprimé toute
la partie de sauvetage de la Comté, même si je trouve un peu
regrettable qu'on n'ait pas droit à la confrontation entre Gandalf et
Saruman, ce dernier disparaissant comme par enchantement en laissant
un Palantír inexpliqué dans l'eau d'Isengard).
Sinon, je suis un peu agacé par la manière dont ils insistent pour
rattraper toujours l'action de la plus extrême justesse, pour maximiser
le suspens. Point trop n'en faut ! Dans les scènes de bataille, je
trouve ça absolument exagéré : quand en deux coups de catapulte au
tout début de la bataille la ville de Minas Tirith est à moitié
détruite, je trouve qu'il y a vraiment de l'abus. Et qu'on la sauve
alors que les ennemis ont déjà pénétré la plupart des enceintes, c'est
aussi vraiment inutile. Au lieu de rendre l'effet plus fort, pour
moi, ça le casse complètement : on n'y « croit » plus du tout, parce
que c'est tellement artificiel.
Mais il faut reconnaître à Peter Jackson un vrai talent pour le
spectaculaire et le grandiose (je dis ça en bonne part). Par ailleurs
les scènes dans la montagne du destin sont vraiment bien faites, je
trouve.
Enfin, globalement, le film est conforme à ce à quoi je
m'attendais.
J'ai passé mon après-midi au Festival de Films Gays et Lesbiens de
Paris, comme je l'avais décidé.
Un parfum nommé Saïd (à 14h15) était franchement
mauvais : une sorte de souvenir de vacances interminable sur fond
d'une aventure du réalisateur qui n'avait rien d'intéressante et qui
ne donnait de beau rôle ni à lui ni à son amourette ; à part pour dire
« le Maroc c'est beau, allez-y », ça n'avait aucun intérêt. Frisk (à
18h30) était moins mauvais, mais quand même un peu vide (comme
beaucoup de films qui croient que faire trash suffit à remplir
— néanmoins j'ai vu largement pire). En revanche, ce
qui m'a vraiment emballé, c'était les courts métrages (à 16h30).
Notamment deux films français : Far West
(que j'avais déjà vu, cependant), et surtout Le Cas
d'O d'Olivier Ciappa (un petit thriller comique, dont le
rapport avec l'homosexualité était un peu distant, mais absolument
excellent dans l'ensemble, et puis Orient est incroyablement beau
gosse — dommage que l'acteur, qui était présent, ait précisé
qu'il était hétéro) ; et deux films nord-américains, Straight in the Face et Target
Audience, tous deux absolument hilarants ; j'ai aussi bien
aimé Œdipe
N+1, et Avant j'étais triste de
Jean-Gabriel Périot. Bref, quasiment tout ce qui était là était entre
très bon et absolument excellent (seul un tout petit métrage de cinq
minutes m'a déplu, une animation de dessins de Tom de Pékin).
Vraisemblablement certains de ces courts métrages sortiront dans la
collection Courts mais gays (c'était déjà le cas de
Far West et il est certain que ce Le Cas d'O
viendra, puisque c'est Antiprod qui produisait), et je ne manquerai
pas de les acheter.
J'avais entendu parler de La Ville dont le prince
est un enfant, téléfilm tiré de l'œuvre du même nom
de Montherlant : comme je suis tombé, l'autre jour, sur le
DVD à la Fnac, je l'ai acheté (d'accord, j'avoue avoir un
petit faible pour Naël Marandin), et je viens de le regarder. C'est
un très beau film : même si la mise en scène laisse un peu à désirer
(notamment à la fin, qui m'a semblée un peu… étirée), les
acteurs sont convaincants et l'argument est à la fois très pudique et
très fort. Bref, j'ai beaucoup aimé.
(« Marandin », c'est le même nom de famille que mon prof de
français en cinquième, Jean-Patrice (ou Jean-Patrick ?) de son prénom,
que j'admirais passionnément. Je me demande s'il y a un lien de
parenté.)
Je viens de voir Intolerable Cruelty (sur un coup de tête : je
ne comptais initialement pas aller au cinéma ce soir). C'est vraiment
excellent ! Peut-être par moments un peu excessif dans le délire
(notamment la représentation de l'avocat doyen, Herb Myerson, qui
semble sorti des plus grotesques imaginations de Fluide
Glacial), mais dans l'ensemble tout à fait conforme au
génie des frères Coen. Des répliques extrêmement percutantes, ou
carrément hilarantes, et notamment une utilisation délicieuse de vers
shakespeariens. Une attention très poussée aux petits détails
succulents et aux décors très soignés. Évidemment, la vision
romantique de l'amour en prend un coup. Et pendant tout le film
(comme dans The Big Lebowski), on se demande qui who is nailing whose ass. George Clooney (qui
m'insupporte normalement) s'en sort très bien en s'auto-caricaturant
un peu ; Catherine Zeta-Jones est absolument remarquable.
Je suis allé au festival de films gays
et lesbiens avec Nicolas et sa copine
Muriel (ben oui, il y a même des hétéros qui vont faire un tour à ce
festival, la preuve). Nous avons vu The
Politics of Fur, un film à très très petit budget mais qui
m'a tout de même bien plu. Plus exactement : je l'ai beaucoup aimé en
tant que comédie (avec une ironie parfois féroce contre certains types
sociaux) ; en revance, il semble que la réalisatrice (qui était
présente pour répondre à quelques questions) a voulu faire aussi du
mélodrame, et là je trouvais que ça tombait complètement à plat (mais
sans gâcher l'ensemble, parce que le mélodrame se lisait très bien
lui-même au second degré) : bref, elle n'a pas vraiment compris le
film . C'est bien aussi parce que c'est un film à la
fois lesbien (surtout) et gay (aussi, quand même). Les acteurs ne
sont pas trop mauvais pour un aussi petit budget, et même si
l'ensemble est un peu théâtral (presque tout dans le même lieu,
notamment), je trouve que ça donne un résultat plutôt bon. Si cette
description vous donne envie de le voir, il repasse samedi — le
29 — à 22h30 (en salle 300 du forum des images).
J'irai peut-être voir Frisk (soit jeudi
soir soit dimanche soir) et peut-être Tandil
Forever aussi, et en tout cas certainement Un parfum
nommé Saïd et les courts-métrages gays, dimanche
après-midi.
The above quote in Sanskrit (which your browser most probably
cannot display correctly and which reads kālo
'smi lokakṣayakṛt pravṛddho) is taken from
the Mahābhārata: it is probably the most
famous line of the Bhagavad Gītā ever since
Julius Robert Oppenheimer uttered it watching the first
A-bomb explode. It means I am [become] Death,
destroyer of worlds. I thought it could serve as a nice epigraph
to Gus van Sant's Elephant,
which I saw today at the UGC
Gobelins (not the movie theater I usually go to, and altogether a
bad choice because the screen was very tiny and the sound was
horrible; but I had decided to go out at the last minute and this was
the only place I could reach before the film started).
Winner of the prestigious Gold Palm at the 2003 Cannes Festival,
Elephant is a very beautiful movie recounting a tragic
incident based on a true story that took place on 1999-04-20 at
Columbine High School in Littleton, Oregon, when two boys entered the
school heavily armed and started shooting everyone in sight. However,
Elephant is strangely undramatic in tone; nor does it
take any political stance whatsoever; and it is not morbid or
voyeur in any way either. Quite simply, it is a work of great
poetry and fascinating beauty: the teens are beautiful (both in the
physical—and sometimes intensely homoerotic—sense, and in
an almost metaphysical way too), and Death itself becomes aesthetic in
the most amazing manner.
The movie's construction craft is extremely skillful. A same scene
is sometimes shown many times, from the point of view of different
characters, whose paths cross over and over again; so the spectator is
lost in a labyrinth of time which deftly suggests the repetitive
character of life in high school, and simultaneously induces a feeling
of familiarity. Insignificant details acquire great artistic value,
and the cinematography is at once clever and natural. One thing which
did annoy me, however, was the over-intensive use of focal blur
together with sometimes excessively lengthy scenes just showing
someone walk the high school's hallways. But the acting was amazingly
good, especially given that all the actors are amateurs: in
particular, I noticed one instant's smile on one of the killer's face,
which conjured emotions I could hardly put in words. Stupefying!
[French translation of the above.]
La citation en sanskrit ci-dessus (que votre navigateur ne peut
très probablement pas afficher correctement et qui se lit kālo 'smi lokakṣayakṛt
pravṛddho) est extraite du
Mahābhārata : il s'agit de ce qui est sans
doute le plus célèbre vers de la Bhagavad
Gītā depuis que Julius Robert Oppenheimer l'a
prononcée en regardant exploser la première bombe A. Il
signifie je suis [devenu] la Mort, destructeur des mondes. Je
pensais qu'elle pourrait servir d'épigraphe décente à Elephant de
Gus van Sant, que j'ai vu aujourd'hui à l'UGC
Gobelins (pas le cinéma où je vais d'habitude, et dans l'ensemble
un mauvais choix parce que l'écran était petit et le son horrible ;
mais j'avais décidé de sortir à la dernière minute et c'était le seul
endroit où je pouvais arriver à temps avant que le film commence).
Palme d'Or à Cannes 2003, Elephant est un très beau
film racontant un incident tragique inspiré d'une histoire vraie qui
s'est passée le 1999-04-20 au lycée Columbine de Littleton, Oregon,
quand deux garçons sont entrés lourdement armés dans l'établissement
et ont commencé à tirer sur tout le monde en vue. Cependant,
Elephant a un ton étrangement peu dramatique ; il
n'envoie aucun message politique ; et il n'est pas non plus en aucune
façon morbide ou voyeur. Tout simplement, c'est une œuvre de
grande poésie et de beauté fascinante : les ados sont beaux (à la fois
dans un sens physique — et parfois intensément
homoérotique —, et dans un sens presque métaphysique aussi), et
la Mort elle-même devient presque esthétique de la façon la plus
stupéfiante.
L'art de la construction du film est extrêmement habile. Une même
scène est parfois montrée de nombreuses fois, du point de vue de
personnages différents, dont les chemins se croisent encore et
encore ; ainsi le spectateur est perdu dans un labyrinthe de temps qui
suggère habilement le caractère répétitif de la vie au lycée, et en
même temps provoque un sentiment de familiarité. Des détails
insignifiants acquièrent une grande valeur artistique, et la mise en
scène est à la fois intelligente et naturelle. Une chose qui m'a
agacée, cependant, était l'usage trop intensif de la diminution de la
profondeur de champ avec des scènes parfois excessivement longues
montrant juste quelqu'un qui marche dans les couloirs du lycée. Mais
le jeu des acteurs est excellent, surtout que ce sont tous des
amateurs : notamment, j'ai remarqué un sourire d'un instant sur le
visage d'un des tueurs, qui a suscité en moi des émotions que j'arrive
à peine à formuler. Stupéfiant !
So I saw the third
Matrix. In short: I found it much better than the
second part (which I had not been too
enthusiastic about), but not as good as the first; the first part
was original and interesting, the second was mystical and incoherent,
and the third is unoriginal but not too bad. If you've seen the
second, you should probably see the last also, because the worst is
over; but if you've seen only the first, maybe you should stop
there.
[The following contains minor spoilers, but—I
hope—nothing that would really take away the enjoyment out of
watching the movie.]
One of my major grievances against Matrix Reloaded was
the amount of utterly pointless—and perfectly
boring—fighting. Fortunately there's much less of that in
Revolutions: there's still a lot of fighting which I care
little for, but at least it takes place mostly within the real world,
not within the Matrix (where everyone worth speaking of is essentially
immortal), so it isn't as completely pointless as it might be.
The really lame dialog lines (such as, Everything that has a
beginning has an end) are still just as lame, but at least now
some fun is made of it, and some sentences are deliberately ridiculed
(agent Smith's last lines make this abundantly clear).
Reloaded was entirely incoherent, probably the worst
bit (to my mind) being when the Architect told Neo, in essence, that
if you choose what I hope you will choose, your girlfriend will
die—what a magnificient way to convince anyone—and,
incidentally, I wanted you to come all the way to me, which is why
I made it so difficult: how absurd can you get? In contrast,
Revolutions basically makes sense; the plot isn't too
terribly intricate and people do things which are more or less
reasonable considering the goals they strive to achieve. Now there
isn't anything really remarkable in this film, but it holds water.
Another nice thing is that it has an ending that is indeed
something of an ending (and not too abrupt), not a teaser for yet
another sequel. I can't say I'm entirely satisfied with it:
it still leaves some windows of possibility for a
Matrix IV, but at least it doesn't make it compulsory.
Unfortunately, nowadays, any film that has the remotest chance of
becoming a popular blockbuster must leave open the
possibility of a sequel, so no such film ever receives a proper and
completely satisfactory ending; Matrix goes as far as
could be reasonably expected.
As for the cast: I really liked Hugo Weaving's performance, for one
thing, with whom I had been rather disappointed in the previous
installment. I also admired Niobe's character and the way Jada
Pinkett Smith impersonates her. The other I would like to mention is
the Oracle: the actress who had played that part in the previous
movies (Gloria Foster) died before this one was shot, so the producers
had to find a replacement (Mary Alice); the replacement in question
doesn't act too badly but, unfortunately, her voice doesn't nearly
match the original actress's particular hoarseness—couldn't they
find an appropriate person to dub her? Besides, why bother using a
replacement who looked vaguely similar, given that they found a
satisfactory “explanation” for the change in
appearance?
Another bickering: there's a point where Neo is incredibly obtuse
in failing to recognize Agent Smith (why, who else calls him
Mr. Anderson anyway?). Was it really necessary to demonstrate
him as such a dimwit?
One bit I very much enjoyed, however, was the atmosphere of
the SM (or at any rate very SM-like) party
at which the Merovingian is met.
Lastly, I think the young Zion fighter (is it Clayton Watson?) is
sooooo damn cute.
[French translation of the above.]
Alors j'ai vu le
troisième Matrix. En bref : je l'ai trouvé bien
mieux que la seconde partie (que dont je n'avais pas été trop enthousiaste), mais
pas aussi bon que la première ; la première partie était originale et
intéressante, la seconde était mystique et incohérente, et la
troisième est sans originalité mais pas trop mauvaise. Si vous avez
vu le second, vous devriez probablement voir le troisième aussi, parce
que le pire est passé ; mais si vous na'vez vu que le premier,
peut-être que vous devriez vous y arrêter.
[Ce qui suit contient des spoilers mineurs, mais — j'espère
— rien qui retirerait vraiment le plaisir de voir le film.]
Un de mes principaux griefs contre Matrix Reloaded
était la quantité de bagarres absolument sans but — et
parfaitement ennuyeuses. Heureusement, il y en a nettement moins dans
Révolutions : il y a toujours beaucoup de combat dont je
me fous assez, mais au moins cela se passe principalement dans le
monde réel, pas dans la Matrice (où tout personnage digne de ce nom
est essentiellement immortel), donc ce n'est pas aussi inutile que ça
pourrait l'être.
Les répliques vraiment nazes (telles que, Tout ce qui a commencé
doit finir) sont toujours aussi nazes, mais au moins maintenant on
s'en moque, et quelques phrases sont délibérément ridiculisées (les
dernières lignes de l'agent Smith rendent cela abondamment clair).
Reloaded était entièrement incohérent,
probablement la pire partie (à mon avis) étant quand l'Architecte
disait à Neo, essentiellement, que si vous choisissez ce que
j'espère que vous choisirez, votre amie va mourir — quelle
magifique façon de convaincre quelqu'un — et, incidemment, je
voulais que vous veniez jusqu'à moi, ce qui est la raison pour
laquelle je l'ai rendu aussi difficile : comment peut-on être
aussi absurde ? En contraste, Révolutions est assez
sensé ; l'intrigue n'est pas trop terriblement tordue et les gens font
des choses qui sont plus ou moins raisonnables eu égard aux buts
qu'ils cherchent à accomplir. Alors il n'y a rien de vraiment
remarquable dans ce film, mais il tient la route.
Une autre chose bien est qu'il a une fin qui est effectivement une
fin (et pas trop abrupte), pas un teaser pour
encore une suite. Je ne peux pas dire que j'en suis
entièrement satisfait : elle laisse encore quelques fenêtres
de possibilité pour un Matrix IV, mais au moins ce n'est
pas nécessaire. Malheureusement, de nos jours, tout film qui a ne
serait-ce que la plus étroite chance de devenir un blockbuster populaire doit laisser
ouverte la possibilité d'une suite, donc aucun film de la sorte ne
reçoit jamais une fin propre et complètement satisfaisante ;
Matrix va aussi loin qu'on pouvait raisonnablement
l'attendre.
Quant aux acteurs : j'ai vraiment apprécié le jeu de Hugo Weaving,
d'une part, dont j'avais été plutôt déçu dans l'épisode précédent.
J'ai aussi admiré le caractère de Niobé et la manière dont Jada
Pinkett Smith la joue. L'autre que je voudrais mentionner, c'est
l'Oracle : l'actrice qui jouait ce rôle dans les films précédents
(Gloria Foster) est morte avant que celui-ci soit tourné, dont les
producteurs ont dû trouver de quoi la remplacer (Mary Alice) ; la
remplaçante en question ne joue pas trop mal mais, malheureusement, sa
voix n'a rien de semblable au timbre rauque de l'originale — ne
pouvaient-ils trouver personne pour la doubler ? D'ailleurs, pourquoi
se fatiguer à utiliser une remplaçante qui ressemblait vaguement,
alors qu'ils avaient trouvé une « explicaiton » satisfaisante pour le
changement d'apparence ?
Encore un pinaillage : il y a un moment où Neo est incroyablement
obtus en ne reconnaissant pas l'agent Smith (qui d'autre, d'ailleurs,
l'appelle M. Anderson ?). Était-il vraiment nécessaire de le
révéler comme un tel bêta ?
Un morceau que j'ai tout à fait apprécié, cependant, c'était
l'atmosphère de la soirée SM (ou en tout cas y
ressemblant beaucoup) à laquelle on trouve le Mérovingien.
Enfin, je trouve que le jeune combattant de Zion (est-ce Clayton
Watson ?) est teeeeellement mignon.
Il faut que je dise un petit quelque chose de France
Boutique, sinon je vais oublier ce que j'ai à raconter à ce
sujet.
Les critiques sont assez partagées (notamment, Télérama, comme ils
font souvent das ce cas, publie deux critiques d'avis très différent).
Certains disent avoir adoré, d'autres ont trouvé le film raté. Et je
comprends assez bien les deux. D'un côté, j'ai beaucoup aimé une
galerie de portraits tout à fait excellents, et notamment tous les
seconds rôles m'ont énormément plu, avec une mention spéciale pour
Judith Godrèche (mais aussi Julien Lucas, qui débute, et que j'ai
trouvé parfait dans son rôle, et aussi terrrrrriblement séduisant).
En plus, il y a des petits bijoux de situations, un certain nombre de
trouvailles tout à fait excellentes (la scène où la jeune peintre
montre ses toiles est absolument fabuleuse). Mais à côté de ça, le
tout est très disparate, parfois il y a des longueurs, parfois des
bouts complètement gratuits et qui ne mènent nulle part, bref, Tonie
Marshall n'a pas su bien exploiter ses atouts, et on a parfois
l'impression qu'elle pédale complètement. Ça a peut-être le mérite de
refléter justement l'ambiance de la France Boutique
elle-même, mais parfois ça m'agaçait plus qu'autre chose.
Cependant, globalement, je conseillerai. Pas un chef
d'œuvre, mais un agréable divertissement.
Je vais quand même raconter ce que
j'ai pensé de ce dernier Woody Allen. Les dialogues sont vraiment
excellents, il y a régulièrement des blagues comme seul il sait les
faire, et peut-être même meilleures que d'habitude. J'étais tout le
temps en train de rire à haute voix (les autres gens dans la salle ont
dû me détester, même si certains riaient aussi pas mal). Les deux
lignes qui m'ont le plus plié c'est d'une part quand le héros demande
à(u personnage interpété par) Woody Allen, Do you
know anything about psychoanalysis? (ou quelque chose comme ça, je
n'ai pas mémorisé le texte exact) — is the pope
a catholic? — et d'autre part le dialogue I
think I'll shoot myself! — How middle-class!. J'étais aussi
content de l'intrigue, qui est rigolote en elle-même. En revanche,
j'ai deux griefs notables. Primo, des situations étaient quand même
vraiment excessives et ça tournait à la farce un peu facile, notamment
toutes celles qui mettaient en jeu l'agent du héros (et surtout la
scène où ce dernier — léger spoiler ahead — lui annonce
qu'il ne va pas reconduire son contrat). Secundo, le jeu des acteurs
m'a semblé souvent vraiment forcé, on avait l'impression d'entendre du
théâtre filmé tellement ils poussaient leur voix. Je sais que Woody
Allen, en jouant, a un peu tendance à faire ça, mais ça va bien avec
son personnage : le problème c'est qu'ici (et c'est la première fois
que je remarque ça dans un de ses films) j'avais le sentiment que tous
les acteurs tombaient sur le même défaut. Pénible.
Mais globalement je conseille ce film, même si ce n'est peut-être
pas son meilleur.
J'irai voir Anything Else ce soir à la séance de 22h05 à
UGC
Ciné-Cité Bercy. Le rendez-vous est fixé à 21h50 (that's 2003-10-29T21:50+0100) devant le cinéma
(niveau inférieur). Toutes les personnes qui veulent m'y rejoindre
sont les bienvenues (mais à elles de me reconnaître ! il y en a déjà deux
qui se sont dénoncées).
Je suis allé voir Janis et
John (voir aussi sa fiche
Allociné) à l'UGC
Ciné-Cité les Halles, et j'ai bien aimé. Le jeu des acteurs est
excellent, notamment Marie Trintignant (et je dis ça tout à fait
indépendamment du fait divers qui a beaucoup fait parler d'elle ces
derniers temps : personnelement, je ne suis pas fan de la rubrique
nécrologique des journaux de toute façon) ; il n'y a que Christophe
Lambert qui n'a, à mon avis, pas vraiment réussi à rendre son
personnage plausible, mais il faut dire que ce n'était pas facile. Le
scénario est assez bon : on y voit d'excellentes trouvailles, et on
rit beaucoup — parfois en même temps qu'on est ému. Mais
justement, je regrette en même temps que ce scénario ne soit pas
meilleur : la fin m'a semblé assez bâclée, alors qu'il y avait moyen
de faire un dénouement vraiment excellent (imaginer une réussite
spectaculaire autant qu'inattendue des deux chanteurs, par exemple),
et surtout, le John Lennon a été complètement sous-exploité, ce qui
est vraiment dommage.
Je viens de voir 英雄 (Hero
/ Héros). Je serai bref : si les
images sont souvent d'une beauté et d'une poésie époustouflantes (j'ai
surtout apprécié la bataille de Neige et Lune, entre les arbres, mais
aussi la scène sur l'eau), en revanche le scénario n'est — euh
— pas terrible. Et la morale, comme beaucoup l'ont fait
remarquer, est hautement douteuse. Quant aux combats, fabuleusement
bien chorégraphiés, que ce soit dans Matrix ou ici, je
commence à en avoir un peu assez, en fait. La comparaison avec 臥虎藏龍 (Crouching Tiger, Hidden Dragon / Tigre et Dragon) est assez inévitable : je
crois que j'ai préféré ce dernier, peut-être parce qu'il se prenait
moins au sérieux, peut-être parce qu'il était plus compatible avec ma
mentalité d'occidental, peut-être parce qu'il ne forçait pas trop sur
l'onirisme au point d'en devenir un peu lourd…
Sinon, Héros donne envie d'apprendre le chinois. On y
apprend que « épée » se dit « 劔 », sauf qu'on voit une écriture
un peu archaïque de ce caractère. Enfin bon, je doute que j'aie
jamais le courage de me mettre vraiment au chinois : je me contente de
barboter avec Unicode.
J'ai regardé Le
Déclin de l'empire américain, que j'avais enregistré jeudi
soir sur Arte, et dont j'étais
allé voirla suite à sa sortie il y
a deux semaines. C'est assez dans le même genre, que je pourrais
qualifier de simultanément « nihiliste et humaniste » (ou n'importe
quoi en -iste, comme les « protagonistes » le font remarquer dans
Les Invasions barbares), mais encore plus fort (années
'80 oblige). Énormément de « bons mots », de conversations
brillantes, qui rappellent un peu les aphorismes d'Oscar Wilde : peu
importe que ce soit vrai, du moment que c'est bien dit. J'imagine que
ça peut être horriblement irritant pour certains, mais, pour ma part,
j'aime beaucoup (sans excès, cependant : dans la vraie vie, quand je
rencontre des gens dont la conversation est entièrement de ce type, ça
me lasse assez vite).
Je suis allé voir hierThe
League of Extraordinary Gentlemen (La Ligue des gentlemen
extraordinaires) (voir aussi sa fiche
Allociné) à l'UGC
Ciné-Cité les Halles. Je ne peux pas dire que j'ai été
spécialement déçu dans mes espérances, parce que je n'avais pas
vraiment d'espérances. La seule chose qui donnait un peu d'intérêt au
film, c'étaient de petits clins d'œil de temps en temps : par
exemple, j'ai ri aux éclats (mais apparemment j'étais le seul dans la
salle…) quand le second de Nemo se présente en disant Call me Ishmael. Ou encore quand on découvre, vers
la fin, le nom du grand méchant. Ou bien quand Quatermain explique, à
Paris, qu'une bête terrorise la rue Morgue. Et puis
j'aime bien, dans le tout premier plan, ce qui est fait du logo « 20th
Century Fox » en même temps qu'une voix nous explique qu'on est au
tournant du siècle. Ces petits clins d'œil, comme l'idée, au
départ, de mélanger un groupe de personnages d'origines complètement
hétéroclites, c'est amusant, ça a même, je dirais, du
panache.
Malheureusement, au fond, ça ne donne pas grand-chose. Les
personnages ne sont pas du tout fidèles à leurs originaux : le Nemo du
film n'a pas le mystère et la fierté qui caractérise le personnage de
Jules Verne, et il est beaucoup trop évidemment Indien (alors qu'on ne
l'apprend pas dans Vingt mille lieues sous les mers
— où le capitaine pourrait être de n'importe quelle origine : ce
n'est révélé que plus tard) ; Dorian Gray n'a pas le caractère
sulfureux de débauche qu'il a dans le roman d'Oscar Wilde (il se
contente de minauder autour de Mina Harker), et les scénaristes n'ont
même pas été capables de lui faire prononcer quelques bons mots,
quelques aphorismes provocateurs, comme Wilde aimait en afficher ;
l'homme invisible n'est qu'un bouffon ; et Tom Sawyer n'est là que
pour faire plaisir aux Américains (il est vrai que Quatermain se moque
un peu de lui, c'est plutôt amusant, comme d'ailleurs l'idée d'un Tom
Sawyer dans les services secrets), et d'ailleurs il n'a pas l'âge
qu'il serait censé avoir en 1899. Tiens, au fait, quel rapport entre
de Vinci et Venise ? Il y a une quelconque justification historique
ou c'est juste pour le plaisir de balancer un nom célèbre de plus ?
Ah, et tant que j'y suis à pinailler, il me semble avoir vu un journal
daté du « vendredi 13 mai 1899 » s'afficher à l'écran, alors que le 13
mai 1899 était un samedi (mais bon, il faut être un time freak comme moi pour s'apercevoir de ce
genre de choses).
Enfin voilà. Globalement, je ne recommande pas. Sauf si on aime
les scènes de bagarre. C'est curieux, il n'y a pas si longtemps, les
films montraient beaucoup de combats à l'arme automatique :
maintenant, la bagarre à mains nues semble avoir acquis un certain
prestige. Hum…
Je suis bien allé le voir, mais je
n'ai pas énormément à commenter. Ce n'était pas mal du tout, mais je
m'attendais à mieux (malgré les critiques de certains). Il y a
beaucoup de bons mots (certains sont même absolument excellents), de
réflexions cyniques et percutantes, et quelques pensées vraiment
profondes qui sont un peu jetées là ; mais globalement rien de
transcendant, et parfois c'est même un peu lourd. L'ensemble est
émouvant, sans mélo trop facile, mais sans chercher dans l'infiniment
subtil pour autant. Bref : un bon film, pas un chef
d'œuvre.
Mes petits neurones lents ont enfin fait l'association d'idées que
je cherchais à trouver depuis un certain temps, maintenant, et m'ont
rappelé le titre du film que j'essayais de connecter avec
l'« affaire » Vincent Humbert, dont on parle beaucoup en ce moment (et
sur laquelle je ne dirai rien, parce que je ne saurais rien dire
d'intéressant qui n'ait déjà été dit quantité de fois) : c'est Johnny
Got His Gun (Johnny s'en va-t-en guerre). Un
film absolument insoutenable — je n'ai pas réussi à le regarder
jusqu'au bout — qui raconte l'histoire d'un soldat qui, touché
par un obus, a perdu ses jambes, ses bras, et sa face (yeux, oreilles,
nez et bouche), mais est resté vivant, et ne comprend la vérité que
progressivement, trouve un moyen de communiquer avec l'extérieur (en
morse en bougeant la tête, je crois) et demande qu'on lui donne la
mort. Le film est d'ailleurs basé sur un roman du même auteur.
J'ai beaucoup entendu parler de ce film, tant en bien qu'en mal.
Mes parents avaient énormément aimé Le Déclin de l'empire
américain en '86 (il est dommage qu'ils n'en aient pas
profité pour ressortir ce film-là), donc je trouve qu'il peut être
intéressant de voir la suite et de me faire ma propre idée.
Hollywood producers seem to have the recipe for this kind of film
down pat, now, and The Italian
Job plays it by the book. So if one has a fondness for the
genre (how should it be called, incidentally? “gangster
film” doesn't work well, nor does “thriller”;
update (2003-09-21T20:00+0200): “heist
movie”—thanks, Pierre), one will like this film. Beyond
that, it's just your regular summer feature (except that here in
France we get to see it in late September: what are distributors
thinking?).
By “the genre”, I mean the kind of movies, of which Ocean's
Eleven was one of the finer representatives, where a team
of thieves-but-thieves-who-have-some-sense-of-ethics defeat the most
cunning security systems through even more cunning and good teamwork,
and steal something infinitely valuable from a rather disreputable
character. Almost nobody gets killed: the heroes' satisfaction lies
less in the money itself than in seeing the look on the villain's face
when he discovers his money gone. The plan for taking the booty is
always incredibly well—uh—planned: everything is
calculated down to the second and to the millimeter; and, of course,
something always goes wrong, but the heroes' ingenuity (and, again,
good teamwork) manages to get the plan back on its feet (or
millimeters—ha, ha, ha). The movie's script is just as
calculated (to the second) as the heroes' plan, and works just as well
provided we are willing to lend it some sympathy and suspend
disbelief. In the case of Ocean's Eleven, there were
some surprises on the road; there are none in The Italian
Job: the scenario works just as a well-oiled machinery of no
originality whatsoever, and basically the spectator knows everything
that's going to happen after the first fifteen minutes of the film.
But, assuredly, when I bought a ticket for this show, I knew what to
expect, so I'm not complaining: I like well-oiled machineries,
sometimes. (I'd like to know how much the Austin Mini payed for all the
advertising, however.)
Teamwork is probably what sells the film, actually: there
is a reassuring sense of comfort in this “every character in his
or her role, and a role for each character” idea. One member of
the team has become unavoidable these days: the computer nerd (here
portrayed by Seth Green, with some talent, it must be said). And it
is assumed as a matter of course that the guru can basically
break into any system's security—a sort of mise
en abyme of the entire plot, except that details are never given
as to how the breaking into is done because they would be too
technical hence incomprehensible to the audience (certainly if we are
supposed to take the phrase “cartesian coördinates” as a
technicality, then many things become technicalities). But these
technicalities have become a commodious way for the screenwriters to
shove dirt under the rug: use computers and networks to remove any
obstacle that gets in the scenario's way, and no explaining needs to
be done; conversely, create arbitrary limitations when they get too
powerful. A friend of mine once pointed out to me that this is the
reason why magic is a dangerous literary artifice: once you introduce
magic, everything can be explained using it, and this takes away much
of the plot's interest. Well, computers are now being used on many
occasions in the same way magic could be—thus giving a new twist
to Arthur C. Clarke's famous saying that any sufficiently advanced
technology is indistinguishable from magic.
Another thing that annoys me is that this propagates the concept
that any computer security system has a flaw, and that by
being smarter than the system's designers one can always defeat the
system's security. This is simply wrong. One can always
crack a safe open by attacking it with a stronger force than its
defenses (if necessary, put in in a pool of hydrochloric acid: that
should dissolve the safe without damaging the gold that's in it); but
such is not the case with computer security, and perfect (in
the sense of “theoretically perfect”, or even
“provably perfect”) security is possible. Certainly it
has not often been realized in
practice on systems of relatively large size. But computer
pirates (or “hackers” as they are inaccurately
called by the press) are not genii by far: they are more like script
kiddies who always try the same recipes, and by the “million
monkeys” rule eventually break into some systems. The idea that
someone could rewrite the entire Los Angeles traffic control software
algorithms in a matter of days is simply ludicrous. Oh, and, in
The Italian Job the computer geek claims to be the real
inventor of Napster: this would
have been a fun passing clin d'œil, but I
wonder why they chose to dwell on it so heavily (or was the film also
subsidized by Napster as well as by Austin?).
[French translation of the above.]
Les producteurs hollywoodiens semblent avoir bien compris la
recette de ce genre de films, maintenant, et Braquage à
l'italienne en suit les règles. Donc si on a un faible
pour le genre (comment devrait-on l'appeler, d'ailleurs ? « film de
gangsters » ne convient pas bien, ni « thriller »), on aimera ce film.
Sinon, c'est juste un divertissement d'été (sauf qu'ici en France on
le voit fin septembre : à quoi pensent donc les circuits de
distribution ?).
Par « le genre », je veux dire le genre de films, dont Ocean's
Eleven était un des bons représentants, où une équipe de
voleurs-mais-voleurs-qui-ont-un-sens-de-l'éthique triomphent des plus
ingénieux systèmes de sécurité par encore plus d'ingéniosité et un bon
travail d'équipe, et volent quelque chose d'une valeur inestimable à
un personnage plutôt douteux. Presque personne n'est tué : la
satisfaction des héros est moins dans l'argent lui-même que dans le
regard du méchant quand il découvre que son argent est parti. Le plan
pour s'emparer du butin est toujours incroyablement bien — euh
— planifié : tout est calculé à la seconde et au millimètre
près ; et, bien sûr, quelque chose va toujours mal, mais l'ingéniosité
des héros (et, encore une fois, le bon travail d'équipe réussit à
remettre le plan sur ses pieds (ou millimètres — ha, ha, ha).
Le script du film est aussi calculé (à la seconde) que le plan des
héros, et marche aussi bien à condition qu'on soit prêt à lui accorder
de la sympathie et faire semblant d'y croire. Dans le cas
d'Ocean's Eleven, il y avait quelques surprises sur la
route ; il n'y en a aucune dans Braquage à l'italienne :
le scénario marche comme une machinerie bien huilée d'absolument
aucune originalité, et en gros le spectateur sait tout ce qui va se
passer après les quinze premières minutes de film. Mais, assurément,
quand j'ai acheté un ticket pour ce spectacle, je savais à quoi
m'attendre, donc je ne me plains pas : j'aime bien les machineries
bien huilées, parfois. (J'aimerais savoir, cependant, combien l'Austin Mini a payé pour toute la
pub.)
Le travail d'équipe est probablement ce qui vend le film,
en fait : il y a un sens rassurant de confort dans cette idée « chaque
personnage à son rôle et un rôle pour chaque personnage ». Un membre
de l'équipe est devenu inévitable de nos jours : le mordu
d'informatique (ici joué par Seth Green, avec un certain talent, il
faut le dire). Et il est bien entendu que le gourou peut
essentiellement pénétrer la sécurité de n'importe quel système —
une sorte de mise en abyme de l'intrigue entière, sauf que les
détails ne sont jamais donnés quant à la façon dont il pénètre parce
que ce serait trop technique donc incompréhensible pour l'assistance
(certainement si nous devons prendre l'expression « coordonnées
cartésiennes » comme une expression technique, alors beaucoup de
choses deviennent techniques). Mais cette technicité est devenue une
façon commode pour les scénaristes de cacher de la poussière sous le
tapis : utiliser les ordinateurs pour retirer n'importe quel obstacle
qui se trouve sur la route du scénario, et on évite d'avoir à
expliquer ; à l'inverse, créer des limitations arbitraires quand ils
deviennent trop puissants. Un ami m'a jadis signalé que c'est la
raison pour laquelle la magie est un artifice littéraire dangereux :
une fois qu'on l'introduit, tout peut être expliqué par son moyen, et
cela retire beaucoup de l'intérêt de l'intrigue. Eh bien les
ordinateurs sont maintenant utilisés à beaucoup d'occasions de la même
manière que la magie pourrait l'être — donnant ainsi un nouveau
tour au fameux adage d'Arthur C. Clarke que toute technologie
suffisamment avancée est indiscernable de la magie.
Une autre chose qui m'irrite est que ceci propage le concept que
tout système de sécurité informatique a une faille, et qu'en
étant plus malin que les concepteurs du système on peut toujours
triompher de la sécurité du système. C'est tout simplement
faux. On peut toujours ouvrir un coffre-fort en l'attaquant
avec une force supérieure à sa résistance (si nécessaire, le mettre
dans un bain d'acide chlorhydrique : cela devrait dissoudre le coffre
sans endommager l'or qui est dedans) ; mais ce n'est pas le cas de la
sécurité informatique, et la sécurité parfaite (dans le sens
de « théoriquement parfaite », ou même « démontrablement parfaite »)
est possible. Certainement elle n'a pas
souvent été réalisée en pratique sur des systèmes de quelque
taille. Mais les pirates informatiques (ou « hackers » comme la
presse les appelle à tort) ne sont pas des génies de loin :
ils sont plutôt des script kiddies qui essaient
toujours les mêmes recettes, et par la règle des « millions de
singes » finissent par pénétrer quelques systèmes. L'idée que
quelqu'un pourrait réécrire la totalité des algorithmes logiciels de
contrôle du trafic de Los Angeles en quelques jours est simplement
délirante. Oh, et dans Braquage à l'italienne le mordu
d'informatique prétend être le réel inventeur de Napster : ç'aurait été un clin
d'œil rigolo en passant, mais je me demande pourquoi ils ont
voulu s'appesantir tellement là-dessus (ou est-ce que le film était
subventionné par Napster en plus d'Austin ?).
Good bye, Lenin! (voir aussi sa fiche
Allociné) : ce film m'a absolument emballé. Il est à la fois
tellement drôle et délicieusement touchant : le genre de combinaison
qui me fait vraiment fondre. Pas de mélo, juste une légèreté heureuse
qui n'exclut pas des moments graves et sincères.
Ne vous attendez pas à un film politique ou historique : ce n'est
rien de tel. Le regard est tout simplement humain, rappelant
peut-être celui des Ailes du désir
(Der Himmel über Berlin) de Wim Wenders
(je parle du regard, un peu « angélique » et sans jugement; non du
ton, qui n'a pas grand rapport). Les événements titanesques de ces
jours où l'on a du mal à suivre l'histoire tant elle va vite, ces
événements emportent les personnages un peu éberlués vers un avenir
qu'ils ne contrôlent pas. Et le film nous fait revivre « de
l'intérieur » ces onze mois qui ont changé la face du monde —
1989-11-09, le Mur tombe — 1990-10-03, l'Allemagne est
réunifiée. J'y suis très sensible, moi qui suis plus facilement ému
aux larmes par un bon documentaire historique que par une fiction.
Mais le regard ici, je le répète, n'est pas historique (ni
nostalgique, comme certains ont pu le dire sommairement de ce
film).
On a parfois, ici, comparé dans son ton Good
bye, Lenin! au Fabuleux Destin
d'Amélie Poulain, dont l'héroïne possède en effet une
espièglerie imaginative et bienfaisante qui la rapproche beaucoup
d'Alexander Kerner (le héros de Good bye,
Lenin!). L'humour est également assez proche. Peut-être le
film allemand a-t-il plus d'ampleur et le français plus de poésie,
mais il ne faut sans doute pas pousser la comparaison trop loin. (On
pourrait également évoquer Forrest Gump
— que pourtant, personnellement, je n'ai pas énormément
aimé.)
Les acteurs jouent bien, notamment l'acteur principal, Daniel
Brühl, dans le rôle d'Alexander (que je trouve, en plus, beau comme un
dieu — ça ne gâche rien). La scène, lors de la soirée, où il
regarde le dessin animé avec les enfants (j'utilise cette périphrase
pour ne pas spoiler le scénario pour ceux qui n'ont pas vu le film),
puis rencontre leur père, m'a fait pleurer : par de simples échanges
de regards les acteurs communiquent une telle émotion ! C'est
vraiment très fort.
Je veux aussi souligner encore une raison pour laquelle ce film m'a
marqué : il évoque (il pouvait difficilement faire autrement) la coupe
du monde que l'Allemagne a gagnée en 1990. J'étais moi-même à Munich
à l'été '90, et malgré mon peu d'intérêt pour le foot, l'événement m'a
marqué. Le 1990-07-04, jour de la demi-finale contre l'Angleterre
(qui s'est gagnée aux tirs au but, situation de tension insoutenable),
j'ai regardé la rencontre à la télé chez un collègue de mon père (qui
organisait une petite soirée buffet dans sa maison) ; et le
1990-07-08, quand l'Allemagne a battu l'Argentine en finale, j'ai
entendu les bruits de klaxons envahir la capitale bavaroise. Ça n'a
pas beaucoup d'importance en soi, mais ce qui me surprend c'est que
j'avais complètement oublié jusqu'à aujourd'hui que le seul voyage que
j'ai fait en Allemagne était précisément, dans le temps, entre la
chute du mur de Berlin et la réunification du pays.
Mon professeur d'histoire-géographie de classe de 3e
(Mme Fernandez, que je salue au passage), dans son discours de
bienvenue lors de la rentrée des classes en septembre '90, demanda à
la classe de bien se souvenir que nous vivions des heures historiques,
pour qu'un jour nous puissons dire à ceux qui sont plus jeunes, « je
me souviens d'un temps où il y avait deux Allemagnes ». Je me
souviens, donc, d'un temps où il y avait deux Allemagnes. Et pour un
peu je me serais levé à la fin du film pour chanter : Einigkeit und
Recht und Freiheit für das deutsche Vaterland…
La réunification allemande s'est d'ailleurs faite avec une célérité
considérable : quand je vois le nombre d'années qu'il a fallu attendre
pour donner une monnaie unique à plusieurs pays de l'Union européenne,
je trouve prodigieux qu'on ait pu résoudre aussi rapidement toutes les
difficultés techniques inhérentes à l'unification de deux pays, sans
parler de lever les obstacles sociopolitiques et diplomatiques. Sur
ce dernier point, il a fallu la concurrence de plusieurs
circonstances : l'extrême faiblesse de Mikhaïl Gorbatchev
(Михаил
Сергеевич
Горбачёв),
l'insistance de l'administration Bush (père) pour accélérer les choses
(afin de ne pas laisser les soviétiques « reprendre leur souffle » et
exiger des concessions telles que la sortie de l'Allemagne de
l'OTAN), la résolution rapide par Helmut Kohl du
litige avec la Pologne par l'acceptation de la frontière Oder-Neisse,
l'incapacité de Margaret Thatcher et François Mitterrand (qui tous
deux étaient réticents — pour ne pas dire franchement hostiles
— à la réunification) de s'entendre sur un contre-projet
acceptable, et l'inquiétude de ce dernier de voir voler en éclat, s'il
s'opposait à l'unification, l'axe privilégié franco-allemand et plus
généralement l'Union européenne. Mais peut-être — du moins je
voudrais le croire — les obstacles auraient-ils de toute
façon été rapidement levés, d'une façon ou d'une autre, même face
à des circonstances moins favorables, devant la volonté indubitable du
peuple allemand de se réunifier, au nom du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes. Qui pourrait le dire ?
[English translation follows.][Traduction française ci-dessous.] Gestern Abend ist
deutsche Filmregisseurin Leni Riefenstahl in ihrem Haus in Pöcking am
Starnberger See (südwestlich von München) verstorben. Sie war 101
Jahre alt. Obwohl ihr Olympia
(Götter des Stadions) als ein Meisterwerk der
nazistischen Propaganda, Kult des Körpers, usw., gilt, lasst sich die
trotzdem bezaubernde Schönheit der Bilder dieses Filmes jedoch nicht
leicht vergessen. Ja, ja, richtig: ein Schwuler spricht.
[Englische Übersetzung des oben Geschriebenen.]
Yesterday evening, German filmmaker Leni Riefenstahl died in her house
in Pöcking on the Starnberg lake (south-west from Munich). She was
101 years old. Although her Olympia
(Gods of the Stadium) passes for a masterpiece of
Nazi propaganda, cult of the body, etc., yet the bewildering beauty of
the pictures of this film is not easily forgotten. Yeah, right: a
faggot speaks.
[Französische Übersetzung des oben
Geschriebenen.] Hier soir, la réalisatrice allemande Leni
Riefenstahl s'est éteinte dans sa maison à Pöcking sur le lac de
Starnberg (au sud-ouest de Munich). Elle avait 101 ans. Bien que son
Olympia
(Les Dieux du Stade) passe pour un chef-d'œuvre
de propagande nazie, culte du corps, etc., malgré cela, la beauté
pourtant fascinante des images de ce film n'est pas facilement
oubliée. Oui, d'accord : c'est un pédé qui parle.
J'ai beaucoup aimé. C'est très touchant et drôle, et il y a un
petit côté à la fois (légèrement) amateur et authentique qui donne
vraiment du charme au film.
Et pourtant ce n'était pas gagné : je suis très facilement agacé
(pour ne pas dire mis en furie dès le moindre écart) par toute
insinuation d'association entre l'homosexualité masculine et des
caractères efféminés. (Il faudra que j'en reparle plus longuement
ici, d'ailleurs.) Alors, une équipe de folles ostentatoirement
revendiquées, ça avait de quoi éprouver mes nerfs. Mais rien de cela
ici, ce sont les adversaires des Satree Leks qui sont joliment
ridiculisés par leur homophobie. Et on pourrait ressortir à propos de
la sympathique équipe cette jolie phrase que prononce Antonio Fargas
dans Car
Wash : more man than you'll ever be and
more woman than you'll ever get.
Je suis surpris, au passage, que ce soit l'UGC
Ciné-Cité les Halles qui ait sorti ce film : normalement c'est
plutôt le Mk2
Beaubourg qui fait ce genre de coups. Évidemment, la moitié de la
salle était homo rien qu'à vue de nez (ce qui est dommage, parce que
ce n'est vraiment pas nécessaire, je pense, pour apprécier ce film),
et, forcément, j'ai croisé des gens connus.
Je compte voir ce
film (voir aussi sa fiche
Allociné) demain (samedi) soir à l'UGC
Ciné-Cité les Halles (à une des séances de 18h10, 20h20 ou 22h30,
je ne sais pas encore ; Mise à jour : c'est celle de
22h30). Plusieurs personnes m'en ont dit énormément de bien. Si des
gens veulent aussi le voir et auraient envie d'y aller avec moi,
qu'ils me contactent.
[N'est-ce pas que le Web est génial ? Je ne connais pas un mot de
thaï (enfin, si, maintenant, j'en connais deux — สตรี qui veut dire
« femme », et เหล็ก
qui veut dire « fer » — mais il y a dix minutes je n'en
connaissais pas un), et en jouant un peu le détective grâce à l'IMDB, Google, Unicode et thai-language.com, j'ai
réussi, à partir d'une transcription foireuse, à retrouver l'écriture
originale du titre, qui doit être correcte puisque quand on la
recherche dans Google, on tombe bien sur le site officiel du film.]
Plus parce que je cherchais une façon de me sortir que parce que je
tenais vraiment à le voir, je suis allé voir Le Coût de la
vie (sorti depuis un moment déjà). J'en tire une
impression partagée : les portraits sont bien tracés et vraiment
drôles, mais l'ensemble est très mal ficelé, et assez déséquilibré ;
et finalement cela fait l'effet d'un brouillon ni assez travaillé ni
assez spontané. La brochette d'acteurs est aussi contrastée : Isild
Le Besco, notamment, me tape complètement sur les nerfs, et Vincent
Lindon aussi, dans une moindre mesure (évidemment, il est difficile de
dire si c'est un acteur qui est énervant, ou les rôles qu'il
interprète ; quand le même type joue toujours des gens à qui j'ai
envie de foutre des baffes, ça finit par déteindre sur celui qui
incarne le personnage…). En revanche, j'ai beaucoup aimé
Géraldine Pailhas, ainsi que Claude Rich (je suis assez fan de Claude
Rich en général, et il ne m'a pas déçu ici). Fabrice Lucchini s'est
plutôt bien tiré d'un rôle excessivement caricatural.
Mais on ne pouvait sans doute pas faire mieux, pour traiter le
sujet du rapport à l'argent, que brosser une série de portraits. Il
est vraiment amusant de constater combien les gens diffèrent en ce
domaine, un aspect de leur personnalité se combinant à des
circonstances extérieures (comme un héritage) pour former quelque
chose de pas toujours très agréable. Moi-même (qui n'en suis plus à
une contradiction près), je combine un caractère normalement très
dépensier (comme quand je mets 75€ dans un jeu de tarot divinatoire alors que je
n'ai évidemment aucune intention de me livrer à la divination) ou
simplement indifférent (par exemple, ça fait six ans maintenant que je
paie l'assurance pour une chambre d'internat à l'ENS que
je n'habite plus — parce que je n'ai jamais eu le courage
d'écrire la simple lettre nécessaire pour résilier le contrat ; ou
encore quand on considère le nombre de chèques que je n'ai jamais
encaissés parce que cela me fatiguait d'aller à la banque, ou toutes
les feuilles de soin pour lesquelles je n'ai jamais demandé
remboursement) avec de soudaines et inexplicables crises
d'avarice.
Le film (et d'autres pensées que j'ai eues dans la journée) me
donne envie d'écrire un petite pièce de théâtre (ou une nouvelle)
confrontant deux personnages. L'un immensément riche, très beau, très
ingelligent, en bonne santé, jeune (au moment où la confrontation a
lieu), ayant eu une enfance harmonieuse, comblé également sur le plan
sentimental, bref, la quintessence du bonheur, et parfaitement
capable, de plus, de profiter de ce bonheur ; doté d'un naturel
équilibré et d'un caractère agréable et bon (sans pour autant être un
saint). L'autre, sans avoir été accablé de malheurs, n'a jamais rien
pu considérer comme acquis et a dû lutter durement pour tout ce qu'il
a ; il approche de la soixantaine et regarde vers le passé avec une
certaine tristesse parfois teintée d'amertume. L'idée de les
confronter n'a évidemment rien d'original, et je ne veux pas y
prétendre. Mais sans doute la confrontation a-t-elle plus souvent été
menée avec une sorte d'agenda moral (du genre « en fait, le riche ne
sait pas vraiment goûter son bonheur, dans le fond il n'est pas
vraiment heureux »), ce que je voudrais justement éviter : juste
dépeindre une rencontre improbable, brève et sans conséquence,
peut-être suggérer l'amitié là où on ne l'attend pas, mais sans
chercher ni à souligner ni au contraire à réfuter (ou consoler)
l'arbitraire et l'aveuglement de la fortune.
Quoi d'autre ? Puisque j'avais réussi à me sortir de chez moi,
j'en ai profité pour me promener un peu (autour de l'Hôtel de Ville,
comme presque toujours). Je ne saurais pas dire ce que c'était, mais
il y avait une ambiance dans l'air qui me plaisait : fin de soirée,
fin de week-end, fin de mois d'août, fin
d'été, fin de championnats du monde d'athlétisme, que sais-je
encore ? Quelque chose de subtilement différent de ce que j'ai pu
sentir ne serait-ce que quelques jours auparavant. J'ai marqué
l'arrêt devant le 4 rue des Lombards, qui a été mon adresse pendant
deux ans (de '94 à '96 — ça commence à faire loin, tout ça)
quand j'étais en prépa ; si le restaurant qui fait l'angle existait
déjà (mais je ne sais plus s'il avait le même nom), en revanche, de
l'autre côté de la porte de l'immeuble (là où maintenant il y a le
Bear's Den) il n'y avait rien qu'un vague
local désaffecté et occasionnellement squatté.
Et c'est sur cette profonde méditation sur le passage du temps que
je vais me coucher.
I've been meaning to see this movie for a long time, and since it
has now been re-released on DVD, I was at last able to.
And I certainly don't regret it: I put Twelve Angry
Men on my shortlist of all-time favorite films. This
captivating huis clos (a mixed metaphor, perhaps,
but descriptive), starring Henry Fonda as the dissenter, shows how a
criminal jury, initially voting eleven to one for conviction (and
death), come to be convinced by the dissenting juror.
I've often wondered how things really happen in the secrecy of jury
rooms. I've so often seen how unmanageably difficult it is to secure
any kind of agreement from a group of people, even on a subject
utterly unimportant (many cases dealing with computers come to my
mind), when some are convinced of what is Right and True and Good,
that I can't imagine how twelve people ever manage to reach an
agreement about something so grave as criminal matters, guilt and
innocence. Actually, I wonder if demanding a unanimous verdict is
such a good thing, because it might be the cause some bullying among
jurors.
French and American procedure differ in important respects in this
matter. For one thing, according to French law, the popular jury of
nine jurors (or twelve in an appellate court, randomly drawn, as in
the United States, and which the parties can challenge upon drawing)
deliberates together with the three professional judges of the assize
court: the same twelve (or fifteen) people make their verdict as to
the defendant's guilt, for one, and the sentence in case of guilt (but
no civil damages, which are the judges' decision only). I think this
makes good sense. The deliberation, also, is very formal: as I
understand it, agreement does not have to be reached, eight ballots
(ten in an appellate court) are required to declare the defendant
guilty, and if fewer votes are cast in favor of guilt, the court's
ruling is innocent; the sentence is voted upon in order of decreasing
severity, again requiring a majority of two thirds to approve a
sentence. The legal rules are set out in articles 355
through 365
of the Code de Procédure pénale (English
translation here).
Eh bien je ne recommande pas ce film : c'est vraiment sans intérêt.
En fait, le gros problème c'est que ça se prend vraiment trop au
sérieux. Si j'ai bien aiméPirates des
Caraïbes, c'est surtout pour son humour agréable et
rafraîchissant (quand on va au cinéma l'été ce n'est en général pas
pour voir du Bergman) ; et si
Indiana
Jones est si bon, c'est pour son mélange d'action et de
distraction, et c'est aussi pour ça que Charlie's
Angels, récemment, m'a bien plu. Mais dans Tomb
Raider, le comique lui-même se veut presque sérieux. Et du
coup, ça n'a pas pris (enfin, pour moi en tout cas) : qui peut
s'intéresser à une histoire de recherche de la boîte de Pandore (tout
de même, il fallait oser !) si ce n'est pas raconté sur le ton de la
légèreté ?
En plus, le grand méchant n'est pas réussi. Il est caricatural
sans faire peur. On ne comprend pas sa psychologie ou ses motivations
(à part « être le grand méchant » — ce qui ne va pas chercher
loin). Et tout le monde sait que c'est souvent un grand méchant
réussi qui est la seule façon de sauver un film d'action.
Finalement, peut-être ce qui m'a surtout amusé, et fait plaisir,
c'était d'apprendre que Lara Croft était anglaise.
Une autre chose qui m'intrigue, c'est comment on est censé regarder
Lara Croft elle-même. Je peux tenter une analyse sociologique à
0.02€ : autrefois, dans les histoires d'aventure, le héros était
un homme et les femmes servaient surtout de faire-valoir, de princesse
que l'aventurier va sauver, et dont le rôle va peut-être aller jusqu'à
poignarder le grand méchant au moment où il croit avoir vaincu le
héros, mais c'est à peu près tout ; ah, il y a aussi le cas de la
femme fatale, méchante, mais qui parfois va irrésistiblement succomber
aux charmes du héros, et se mettre à ses côtés au moment décisif.
Bon, on a progressé depuis, donc : les femmes peuvent être des
héroïnes à part entière ; mais le sont-elles vraiment pour
elles-mêmes, ou sont-elles simplement là pour le regard du spectateur
masculin (hétérosexuel) ? Finalement, je ne suis pas certain que Lara
Croft, héroïne remplaçant les héros machos, soit un réel progrès pour
le féminisme. Superficiellement, elle peut passer pour une icône
lesbienne — sauf que les producteurs ont pris grand soin de bien
montrer qu'elle n'est pas lesbienne.
Dans cette ligne d'idées, d'ailleurs : c'est peut-être naïf et
enfantin de ma part, comme souhait, mais ça me plairait vraiment
beaucoup si un jour on pouvait voir un film d'action / aventure, grand
public (si, si), dont le héros (ou peut-être son acolyte, si c'est
vraiment trop dur que ce soit le héros) serait homo. Pas forcément
montré avec des scènes aussi explicites que quand on tient à nous
prouver qu'il apprécie les femmes, hein : ça a le droit d'être plus
discret que ça, peut-être même juste suggéré, mais que ce soit
envisageable, quoi. Et je veux vraiment parler du genre de
personnages qui cogne partout et qui sauve le monde des griffes de
l'immonde grand méchant : pas le technology geek
qui tapote à toute vitesse sur un clavier et vous déchiffre n'importe
quel code secret — ni le hobbit aux grands yeux, plein de
courage, mais qui ne se la joue pas vraiment Lara Croft — ou
autres rôles dont on consent parfois à nous laisser penser que
peut-être ils sont ambigus. Diable, je trouve que ce serait même bien
si le grand méchant pouvait éventuellement passer pour homo,
parfois.
Mais bon, d'accord, ça n'a aucune importance au fond, et je suis
sûrement victime du politiquement correct. Ou de mes propres
fantasmes. Sûrement.
[Traduction anglaise de ci-dessus.]
Well, I won't recommend this film: it's really devoid of interest.
Actually, the big problem is that it takes itself far too seriously.
If I much enjoyedPirates of the
Caribbean, that's mostly for its pleasant and refreshing
humor (when you go to movies in the summer in general it's not to see
some Bergman) ; and
if Indiana
Jones is as good as it is, it's because of its mix of
action and amusement, and that's also why I enjoyed Charlie's
Angels, recently. But in Tomb Raider, the
comic element itself tries to be almost serious. And, consequently,
it didn't work (well, for me at least it didn't): who can seriously
claim interest in a story of the quest for Pandora's box (really, they
had to dare!) if it isn't told on a light tone?
Moreover, the bad guy isn't a success. He is grotesque without
being frightening. One doesn't understand his personality or his
motivations (apart from “being that really bad
guy”—which doesn't get you very far). And everyone knows
that often a successful bad guy is the only way to save an adventure
movie.
All in all, what perhaps amused me most, and pleased me, was to
learn that Lara Croft is English.
Another thing that intrigues me is how one is supposed to consider
Lara Croft herself. If I may attempt a $0.02-worth sociological
analysis here: once upon a time, in adventure stories, the hero was
male, and women were essentially used as foils, as princesses which
the adventurer could save, and whose role could sometimes go as far as
stabing the evil guy at the point where he things he has defeated the
hero, but that's about all; oh yes, and there's also the case of the
femme fatale, evil, but who will sometimes irresistibly succumb
to the hero's charm, and side along with him at the decisive moment.
So, we have made progress since: women can be heroins on their own;
but are they really for themselves, or are they simply there for the
male (heterosexual) spectator's eye? After all, I'm not certain that
Lara Croft, heroin replacing macho heros, is a real progress for
feminism. Superficially she might pass as a lesbian icon —
except that the producers took great care in showing that she's not a
lesbian.
In this line of thought, actually: maybe it is naïve and childish
on my part to wish this, but I would really like it if some day one
could see an action / adventure movie, for the general public
(really!), whose hero (or perhaps the hero's sidekick if it's really
too hard for it to be the hero) would be gay. Not necessarily shown
with such explicit scenes as when they try to prove to us that someone
likes women, eh: it can be more discreet than that, maybe just hinted,
but that it be at least conceivable, you know. And I mean the sort of
blockbuster character who hits rough and saves the world from the
claws of the despicably evil guy: not the technology geek who types at
the speed of light and can decipher any code—nor the hobbit with
really big eyes, full of courage, but who doesn't exactly play Lara
Croft—or any of these roles which they sometimes consent of
letting us believe that maybe they are ambiguous. Hell, I'd even
think it were good if the really bad guy could be gay, sometimes.
But all right, it is utterly unimportant, really, and I'm surely
victim of politically correct. Or of my own fantasies.
Surely.
J'ai réussi à me traîner hors de chez moi (avec l'aide d'un copain)
pour voir Pirates des Caraïbes (Pirates
of the Caribbean — notez qu'en anglais il y a deux
‘b’). Je ne le regrette pas : indépendamment de la
présence d'Orlando Bloom, ce film est
bien — très drôle et agréablement divertissant. Et pas mal
aussi dans le genre « l'intrigue où cinq ou six parties veulent toutes
quelque chose de différent et on ne sait plus trop qui manipule qui »
qui me plaît assez.
(J'écris tout ceci en français, parce que ce film est déjà sorti il
y a une éternité aux États-Unis : je ne sais pas pourquoi ils ont
attendu si longtemps.)
PS: Je suis complètement obnubilé par le tarot, moi, en ce moment : je n'ai pas
arrêté, en regardant le film, de penser des choses comme (en voyant le
médaillon) « la mort, 13e arcane majeur » ou (en voyant la potence)
« le pendu, 12e arcane majeur (sauf qu'il est pendu par les pieds) »,
ou encore (en voyant machin et machine s'embrasser) « les amoureux, 6e
arcane majeur ». Arf. Ça deviendrait limite inquiétant, là.
Dans les bandes-annonces pour les prochaines sorties, je note que
le prochain Lara
Croft a l'air distrayant, et j'irai certainement le voir.
En revanche, Underworld ne me paraît d'aucun intérêt, une
sorte de Matrix contre X-Men de seconde zone. Pour le
reste, je ne sais pas encore. Ah, si, Bienvenue au
gîte est peut-être rigolo.
Well, at last I saw Matrix
Reloaded. As was to be expected, there were aspects of the
film which I liked, and others that I did not. Here is a short
critique (probably including some spoilers, although the spoily parts
probably won't make much sense if you haven't seen the movie,
so… at any rate, the next paragraph doesn't spoil much).
My major grievance is that I found the combat scenes exceedingly
lengthy and boring. At this stage they have become really pointless:
all possible forms of fighting skill have been exploited, and since
every character (worth mentioning) is practically immortal and
indestructible, what use is there in fighting yet more
kung-fu? Yeah, the special effects are fun, but couldn't they have
been saved for something more useful? Speaking of lengthy scenes, the
one where Trinity and Neo make love while Zion dances seemed to last
forever. (Oh, and while I'm mentioning that scene: it seemed
to me that Neo, Trinity, Morpheus and the others, at the end of the
first film, no longer had their plugs / sockets / holes / whatever you
want to call them in the arms and back, only a single one in the
back of the neck. It seems they have them again, and I find that
pretty disgusting, I wonder why the screenwriters insisted on it.)
What I mostly liked is the remarkable and subtly depicted
characters: they have—how can I phrase this?—glamour,
panache of some kind. They're convincing, too, in
their way. The Merovingian (with his funny French accent) is nice,
and so is (ex-)agent Smith; but the Oracle is simply great, and so is
Persephone (the Merovingian's wife), the Key Maker (in his own subtle
way, like when he describes how to get into the building where the
Source is), the Architect (somehow reminiscent of Christopher Lee,
don't you find?), or in fact Morpheus himself. And councillor Hamann
is also a rather interesting character; in fact, so are they all. The
various confrontations we witness are a piece of anthology, and the
insight into the zoology of the Matrix (peopled by such strange and
ancient beings) is cool. A few dialogue lines are quite memorable,
too!
Not all lines are good, though. There seems to have been a kind of
truism attack at various points, although some of these are certainly
meant to be funny. But “I believe what I believe” or
“some things change, and others don't”, well… you
don't have to be a genius to write stuff like that.
There are some nice private jokes meant for computer hackers that
made me laugh. When Seraph (the Oracle's protector) leads Neo through
a hallway filled with doors and refers to them as “back
doors”, I was howling with laughter. So was I at the point where
you can actually clearly see Trinity type “ssh 10.0.2.2 -l
root” after having used the nmap program to hack her way
into a computer. I think there were a couple more similar jokes,
which I can't remember just now. The insistence on the
“Source” in the way they do it might also be a wink at the
famous Open Source motto, “Use the Source, Luke”.
As for the plot, it has its niceties. I thought the inspiration by
Vernor Vinge's wonderful (and must-read) classic novella, True
Names, was even more apparent (though I can't put my finger on
the reason) in this sequel than in the first part. It's pretty
effective, and one really wants to learn what's ahead.
But the plot also has its weaknesses. Unfortunately, nice as it
may be in the way of acting, the central and final confrontation
between Neo and the Architect seems to be the main fault. Because
when you think of it, the Architect's intentions are quite absurd.
For one thing, if he intended for Neo to come to him, why did he make
it so hard for him to (it can't be to check that Neo is really the
One, for that is quite clear already at this point)? Also, which
choice was the Architect expecting Neo to make? If he wanted
Neo to walk through the other door than the one he does walk through
eventually, he must be disappointed by the choice that Neo makes: so
why doesn't he offer Trinity's life as a kind of bribe to confince Neo
to go through the other door (rather than go and save her)? If, on
the other hand, he wanted Neo to walk through the door which Neo
chooses, why does he bother speaking with him in the first place? Why
not simply put up a sign saying oops, dead end: please exit this
way? Actually, why does he bother giving Neo a choice in the
first place? What point is there in all this? I'm afraid the
script's writers have succumbed to the classical error of “the
Bad Guys must hinder the Good Guys' progress, no matter what, even if
it goes against their own goals”. Now I'm quite sure that the
third film could salvage all that: it is quite possible to
still make everything perfectly consistent down to the tiniest
details, as far as everyone's intentions are concerned; but I'm also
quite convinced it won't be done, and in the end there will still be
some massively incoherent actions (“incoherent” in the
point of view of the goals that various agents are trying to achieve).
It's unfortunate, but many stories fail there anyway. And it's not
catastrophic either.
I'm pretty convinced there will be some really nice things, and
nice surprises, in the third (and hopefully final) part of
Matrix. I expect a major surprise concerning the Matrix,
its origin, its modus operandi, its role, or something of the
kind. A wholly unexpected surprise, but one that isn't contrived, and
that we'll be retrospectively able to find clues for in the
second (and perhaps even first) film. But I can't guess what the
surprise will be. Maybe the Matrix wasn't created by the machines but
by humans, for an entirely different purpose, which Neo will discover.
Or some such thing. But enough speculating.
Enough Matrix, in fact. Followup is in November, when
Matrix
Revolutions is released. Until then…
So, basically, what have I been up to, these days, while my Web
site was bit rotting, until I started
this 'blog?
Well, working, for one thing. I'm sorry to say, my thesis is still
not written, and it will be a couple of months yet before I can think
of presenting it. However, my thesis advisor and I have been writing
a paper
together, in which we prove that smooth Del Pezzo surfaces of degree
3 (cubic surfaces) and 4 (complete intersections of two quadrics in
projective space of dimension 4) might have no rational points over
fields of cohomological dimension 1: this is an exciting new
counterexample, and although it dashes some hopes of understanding the
arithmetic of cubic surfaces in a “naïve” way, it gives an
interesting application of Rost's degree formula toward proving
arithmetic results on inexistence of rational points (or zero-cycles).
I'd also like to say that my paper Équivalence
rationnelle sur les hypersurfaces cubiques sur les corps
p-adiques has at last appeared in volume 110
issue 2 of manuscripta
mathematica: essentially, this is my first published math
paper! (Its DOI is 10.1007/s00229-002-0327-3,
and you can grab a local
copy of it if you wish.) Currently, I'm working on cubing
surfaces over C(t), and I also spare a thought from time to
time to trying to find an elementary proof (which I'm sure is
possible) of the fact that smooth projective rationally connected
varieties over C((t)) always have a rational fact (over
C(t) this is a very impressive result by T. Graber, J. Harris
& J. Starr).
On the more personal side, for those who have asked (I know, I
never reply to email, it's maddening): I haven't found myself a
boyfriend. I have firmly resolved, however, not to let that
fact ruin my happiness: while I'm a definite believer in Love with a
capital ‘L’ (and some of my writing proves it), I don't
intend, to put it simply, to let that aspiration shadow other
interesting and positive human relations, such as friendship,
tenderness or plenty of others. An obvious point, really, but some
people seem to simply—miss it. Anyway. In an effort toward
socializing with other gay people (not necessarily in hope of finding
my Brother soul, nor to hunt for sex), I have been going to >Dégel!, the gay & lesbian students
alliance of the Jussieu campus:
this has been a profitable occasion to meet many interesting people
and make new friends. Of course, I am also member of HBO, the similar organization for the Orsay campus: actually, I am a
trustee (and sometime treasurer) of HBO, and one
thing that has occupied me for the last months is the collaborative
process of rewriting the organization's bylaws.
On that subject, I might also mention that I've been found lurking
(and not just lurking, in fact) around IRCnet, notably on the #gayfrchannel under the nick
“Ruxor”
(these irc://
URIs should work
within Mozilla, provided, of
course, irc.ircnet.net is willing to accept you; the name
“Ruxor” is a reference to an old novel of mine).
While I'm ranting, I could add that I now have an ICQ
number (UIN), namely
168950339.
I haven't written much literature recently (my most recent work is
still my favorite: Histoire de la Propédeutique à la Reine des
Elfes; actually, I wrote this erotic short story and these four very short
stories since then, but I think they don't really count).
Actually, I did write something: together with some friends
of mine (from the ENS), I organized a little “short
story writing circle”: we voted on a common theme or subject and
then, each on our own, wrote a story on that theme, and compared
them. You can read the
stories that were written (and one of
them is mine): overall, I thought they were very good. The chosen
subject was The story must start with the death of a character.
And it must end with the death of a character. The same one. Now
we've started a second iteration of the story-writing circle, and the
subject is to write a story that parallels a famous historical or
literary event (such as the death of Julius Cæsar). I hope the
results will be likewise interesting.
Incidentally, in developing a procedure to vote for the common
subject of the aforementioned short stories, I had to implement what I
call the “Condorcet-Nash” electoral system. This is
definitely something I'll have to write about, some time. But I don't
have the time now. In just one sentence, it consists of taking the
optimal (von Neumann-Nash) strategy in the two-player fair zero-sum
game where each player chooses one of the candidates and receives a
score equal to the number of electors who prefer his candidate over
his opponent's (or minus the number of electors who prefer his
opponent's candidate). In a definite sense, this is the best
possible electoral system. I developped an implementation for it
using the GNU Linear Programming Kit, because
finding an optimal strategy in a zero-sum game is done by linear
programming. This is all quite fascinating.
On the computer side of my life, I haven't programmed much these
days. I did a major rewrite of my MIDI writing
library, but I didn't even bother to package it! The stuff is
still completely undocumented, anyway, so essentially it's usable only
by me. I also “discovered” and
documented a gratuitous annoyance in Unix, concerning the behavior of the
connect() system call when interrupted.
What else? I had a renewal of interest in the Rubik's Cube (I spent something like
six hours one night remembering how to solve it, something I knew
seven or eight years ago and had completely forgotten since); but that
probably won't last. Still, I plan on buying a 4×4×4 Rubik's Cube and
try to figure it out, now that I have the 3×3×3 well in hand (it takes
me ages to solve it, but I manage it).
I also went to see a couple of movies in the last few months. I
saw The Two
Towers on the day it was released (worldwide), 2002-12-18,
and I wasn't disappointed, although I thought maybe it lacked
unity. Long Island
Expressway, which I saw on 2003-02-04, nothing like a box
office buster, is a deeply moving story, and I recommend seeing it.
Spielberg's Catch Me
If You Can, which I went to see on 2003-02-19, was nice
(although it gives a, uh, backward image of France). I rather liked
Ma
Vraie Vie à Rouen (no English title that I know of), which
I saw on 2003-03-07, but I did find it lengthy. On 2003-03-10, I was
deeply enthusiastic about 8 Mile: I
don't have any particular fondness for hip-hop music, but I really
loved that film anyway. Next I saw The Rules of
Attraction on 2003-03-19, and I found it funny, but that's
about all. On the next day I went to see Stupeur
et Tremblement (possibly still not released in the US), and
I loved it: it is at once hilarious, beautiful and somehow terrifying.
Snowboarder,
which I went to see on 2003-04-09, is pretty much devoid of interest,
although some of the snowboard figures were spectacular. Next I saw
The Hours
on 2003-04-20, and I very much liked it: it is elegantly built, nicely
filmed, and rather moving; plus, Nicole Kidman's award for her
performance as Virgnia Woolf was well-deserved. The Life of David
Gale, which I saw on 2003-04-23, was a bit disappointing: I
had guessed the ins and outs of the plot not even halfway through the
movie, so the end was sort of spoilt for me. Lastly, I saw X-Men 2 on
the day before yesterday, and I found it rather entertaining. And I
plan on seeing Matrix
Reloaded on the day of its release (which is 2003-05-16 in
Europe: contrary to Lord of the Rings which played the
time zone difference by releasing a few hours earlier in Europe,
Matrix decided to release a few hours later than in North
America).
I've done some reading, too. In particular, I discovered that I
really liked Borges, and I think by now I've read just about all that
he's written (disappointingly little, I might add), in French
translation. I tried to read David Copperfield, but I
just couldn't get the hang of it: much as Balzac annoys me to no end,
I find Dickens' habit of constantly straying off the subject a source
of frustration; I expect to try again with A Tale of Two
Cities. Right now I'm reading The Hours by
Michael Cunningham.
I think that more or less sums it up.
[French translation of the above.]
Alors, finalement, qu'est-ce que j'ai fait ces jours-ci, pendant
que mon site Web était en train de pourrir, jusqu'à ce que je commence ce 'blog ?
Eh bien, d'abord, travailler. Je suis au regret de dire que ma
thèse n'est pas encore écrite, et il va falloir encore quelques mois
avant que je puisse songer à la soutenir. Cependant, mon directeur de
thèse et moi avons écrit un article ensemble,
dans lequel nous prouvons que les surfaces de Del Pezzo lisses de
degrés 3 (surfaces cubiques) et 4 (intersections complètes de deux
quadriques dans l'espace projectif de dimension 4) peuvent ne pas
avoir de points sur des corps de dimension cohomologique 1 : c'est un
contre-exemple nouveau et excitant, et même s'il anéantit certains
espoirs de comprendre l'arithmétique des surfaces cubiques d'une façon
« naïve », il donne une application intéressante de la formule du
degré de Rost pour prouver des résultats arithmétiques d'inexistence
de points rationnels (ou de zéro-cycles). Je voudrais aussi dire que
mon article Équivalence rationnelle sur les hypersurfaces cubiques
sur les corps p-adiques est enfin paru dans le
volume 110 numéro 2 de manuscripta
mathematica : en gros, c'est mon premier article de maths
publié ! (Son DOI est
10.1007/s00229-002-0327-3,
et vous pouvez en récupérer une copie locale si vous voulez.)
Actuellement, je travaille sur les surfaces cubiques sur C(t),
et je dévoue de temps en temps une pensée à essayer de trouver une
démonstration élémentaire (je suis sûr que c'est possible) du fait que
les variétés projectives lisses rationnellement connexes sur
C((t)) ont toujours un point rationnel (sur C(t) c'est
un résultat impressionnant de T. Graber, J. Harris &
J. Starr).
Sur un plan plus personnel, pour ceux qui m'ont demandé (je sais,
je ne réponds jamais aux mails, c'est énervant) : je ne me suis pas
trouvé un petit ami. J'ai fermement résolu, cependant, de ne
pas laisser ce fait gâcher mon bonheur : et même si je crois fermement
à l'Amour avec un grand ‘A’ (et certains de mes écrits le prouvent), je n'ai pas
l'intention, pour dire les choses simplement, de laisser cette
aspiration éclipser d'autres relations humaines intéressantes et
positives, comme l'amitié, la tendresse, ou plein d'autres. J'enfonce
les portes ouvertes, là, vraiment, mais pour certains elles semblent
simplement — ne pas être si ouvertes. Quoi qu'il en
soit… Dans un effort pour socialiser avec d'autres homosexuels
(pas forcément pour trouver mon âme frère, ni pour chasser de la
viande fraîche), j'ai commencé à aller à >Dégel!, l'association gaie &
lesbienne du campus de Jussieu :
ç'a été une occasion profitable de rencontrer des gens intéressants
et de me faire de nouveaux amis. Bien sûr, je suis aussi membre de HBO, l'organisation semblable pour le campus d'Orsay : en fait je suis un
administrateur d'HBO (et autrefois trésorier), et une des
choses qui m'ont occupé ces derniers mois est le travail collectif de
réécriture de ses statuts.
À ce sujet, je peux aussi mentionner que j'ai été trouvé à lurker (et
pas juste à lurker, en fait) sur IRCnet, notamment sur le canal#gayfr sous le nick « Ruxor » (ces URIs en irc://
devraient marcher sous Mozilla,
à condition, bien sûr, qu'irc.ircnet.net veuille bien de
vous ; le nom « Ruxor » est une référence à un vieux roman que j'ai
écrit). Pendant que je bavarde, je pourrais rajouter que j'ai
maintenant un numéro (UIN)
sur ICQ, à savoir 168950339.
Je n'ai pas beaucoup écrit de littérature récemment (mon texte le
plus récent est toujours mon préféré : Histoire de la Propédeutique
à la Reine des Elfes ; en fait, j'ai écrit cette nouvelle érotique et ces quatre nouvelles très
courtes depuis, mais je ne trouve pas qu'elles comptent vraiment).
En vérité, j'ai effectivement écrit quelque chose : avec certains de
mes amis (de l'ENS), j'ai organisé un petit « cercle
d'écriture de nouvelles » : nous avons voté sur un thème ou sujet
commun et ensuite, chacun de notre côté, écrit une nouvelle sur ce
thème, et les avons comparées. Vous pouvez lire les histoires qui
ont été écrites (et l'une
d'elles est de moi) : dans l'ensemble, je les ai trouvées très
bonnes. Le sujet choisi était La nouvelle doit commencer par la
mort d'un personnage. Et doit se terminer par la mort d'un
personnage. Le même. Maintenant nous avons débuté une seconde
itération de ce cercle d'écriture, et le sujet est d'écrire une
histoire qui fait parallèle à un événement historique ou littéraire
célèbre (comme la mort de Jules César). J'espère que les résultats
seront semblablement intéressants.
Incidemment, en développant une procédure pour voter sur le sujet
commun des nouvelles ci-dessus mentionnées, j'ai dû implémenter ce que
j'appelle le système électoral de « Condorcet-Nash ». C'est quelque
chose sur lequel il faut clairement que j'écrive, un jour. Mais je
n'ai pas le temps maintenant. En une phrase, cela consiste à prendre
la stratégie optimale (de von Neumann-Nash) dans le jeu à deux
joueurs, équilibré et de somme nulle, où chaque joueur choisit un des
candidats et reçoit un score égal au nombre d'électeurs qui préfèrent
son candidat à celui de son adversaire (ou moins le nombre d'électeurs
qui préfèrent le candidat de son adversaire). En un sens bien défini,
c'est le meilleur système électoral possible. J'en ai
développé une implémentation en utilisant le GNU Linear Programming Kit, parce que trouver une
stratégie optimale dans un jeu à somme nulle se fait par programmation
linéaire. C'est tout à fait fascinant.
Sur le côté informatique de ma vie, je n'ai pas beaucoup programmé
ces jours-ci. J'ai fait une réécriture importante de ma bibliothèque
d'écriture de MIDI, mais je ne me suis même pas fatigué à la
packager ! Ce truc est toujours complètement non-documenté, de toute
façon, donc essentiellement utilisable seulement par
moi. J'ai aussi « découvert » et documenté une
nuisance gratuite dans Unix, concernant le comportement de l'appel
système connect() quand il est interrompu.
Quoi d'autre ? J'ai eu un regain d'intérêt pour le Rubik's Cube (j'ai passé quelque
chose comme six heures une nuit à me rappeler comme le résoudre,
quelque chose que je savais il y a sept ou huit ans et que j'avais
complètement oublié depuis) ; mais ça ne durera sans doute pas.
Cependant, je compte m'acheter un Rubik's Cube 4×4×4 et tâcher de le
résoudre, maintenant que j'ai le 3×3×3 bien en main (il me faut une
éternité pour le résoudre, mais j'y arrive).
Je suis aussi allé voir un certain nombre de films ces derniers
mois. J'ai vu Les
Deux Tours le jour où il est sorti (dans le monde),
2002-12-18, et je n'ai pas été déçu, même si j'ai peut-être trouvé que
ça manquait d'unité. Long
Island Expressway, que j'ai vu le 2003-02-04, qui n'a rien
d'un blockbuster, est une histoire profondément émouvante, et je le
recommande. Catch Me If You Can de Spielberg, que je suis
allé voir le 2003-02-19, était bien (même s'il donne une image, euh,
retardée de la France). J'ai assez aimé Ma Vraie Vie à
Rouen, que j'ai vu le 2003-03-07, mais je l'ai trouvé un
peu longuet. Le 2003-03-10, j'ai été très enthousiaste de 8 Mile : je
n'ai pas d'amour particulier pour la musique hip-hop, mais j'ai
vraiment adoré ce film malgré cela. Ensuite, j'ai vu Les Lois de
l'attraction le 2003-03-19, et je l'ai trouvé drôle, mais
c'est à peu près tout. Le lendemain, je suis allé voir Stupeur et
Tremblement (peut-être pas encore sorti aux États-Unis), et
je l'ai adoré : c'est à la fois hilarant, beau, et, quelque part,
terrifiant. Snowboarder,
que je suis allé voir le 2003-04-09, est assez dénué d'intérêt, même
si certaines des figures de snow étaient spectaculaires. Ensuite,
j'ai vu The Hours le 2003-04-20, et j'ai vraiment
beaucoup aimé : c'est élégamment construit, bien filmé, et assez
émouvant ; de plus, l'Oscar de Nicole Kidman pour son interprétation
de Virginia Woolf n'était pas volé. La Vie de David
Gale, que j'ai vu le 2003-04-23, était un peu décevant :
j'avais deviné les tenants et les aboutissants de l'intrigue même pas
à la moitié du film, donc la fin était un peu spoilée. Enfin, j'ai vu
X-Men 2
avant-hier, et je l'ai trouvé assez divertissant. Et je compte voir
Matrix
Reloaded le jour de sa sortie (à savoir 2003-05-16 en
Europe : au contraire du Seigneur des Anneaux qui a joué
le décalage horaire en sortant quelques heures plus tôt en Europe,
Matrix a décidé de le sortir quelques heures plus tard
par rapport à l'Amérique du Nord).
J'ai aussi lu. En particulier, j'ai découvert que j'aimais
vraiment beaucoup Borges, et je crois que maintenant j'ai lu à peu
près tout ce qu'il a écrit (et c'est décevant à quel point il y en a
peu, devrais-je ajouter), en traduction française. J'ai essayé de
lire David Copperfield, mais je n'ai pas accroché : de
même que Balzac m'agace incessamment, je trouve frustrante la façon
dont Dickens s'écarte constamment du sujet ; je compte réessayer avec
A Tale of Two Cities. En ce moment je lis
The Hours de Michael Cunningham.