David Madore's WebLog: Fragment littéraire gratuit #66 (et si…?)

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(dimanche)

Fragment littéraire gratuit #66 (et si…?)

L'œuvre se présente comme une sorte d'encyclopédie condensée, ou un livre d'Histoire synoptique ; mais sa particularité est de décrire une Histoire alternative, qui diverge de la nôtre à partir d'un certain point, en l'espèce trois quarts de millénaires après la fondation de Rome, et de la poursuivre sur une durée deux mille ans. L'auteur ne livre jamais la moindre explication : ni sur le principe même de son travail (que le lecteur doit deviner — ce qui n'est certes pas difficile en voyant que la liste des empereurs romains diffère après Tibère de la liste historique familière), ni sur les raisons de ses choix ou de ses conjectures, ni sur les thèses qu'il veut prouver (s'il y en a). Il se contente d'offrir un point de vue censément objectif sur le monde qu'il présente sans le moindre commentaire. C'est sans doute cela qui rend la lecture extrêmement troublante : reconnaître des éléments familiers (l'Histoire antique) mêlés à un contexte qui nous est profondément étranger, parfois à la limite de l'incompréhensible. Bien sûr, des éléments se retrouvent en commun entre l'Histoire vraie et l'Histoire inventée : grandes découvertes, guerres et révolutions ; mais l'auteur ne les souligne pas, puisqu'il ne parle jamais que de son monde fictif. La minutie avec laquelle on nous décrit, par exemple, une statue colossale dans un port du Nouveau-Monde, frappe l'imagination, tandis que la description des mœurs (à nos yeux !) à la fois rigoureuses (même archaïques) et paradoxalement dissolues de la société du bout de la chronologie nous laisse un indéfinissable sentiment de malaise.

Pour critiquer néanmoins cette brillante construction, il me paraît que l'Histoire présentée dans le livre reste trop proche de l'Histoire antique (et se développe trop lentement) ; qu'elle fait une part trop belle à la religion ; et qu'elle exagère les pages les plus sombres (des massacres peu concevables viennent gâcher le récit des derniers siècles). On sent que l'auteur n'est pas un historien, et qu'il se laisse emporter par sa propre fiction, jusqu'à des invraisemblances gênantes. Une des différences historiques les plus importantes, d'ailleurs, est une idée tout à fait saugrenue : celle qu'une secte née en Palestine très peu de temps après le point de divergence se serait développée au point de devenir une religion dominant l'Europe (et une bonne partie du monde). Or quand on voit que la philosophie stoïcienne elle-même n'a pas duré plus de mille ans, la proposition qu'une religion (née d'un gourou qui serait mort crucifié !) puisse résister aux changements de l'Histoire moderne est trop peu crédible.

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