David Madore's WebLog: Surprises et bizarreries de la géométrie hyperbolique

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(samedi)

Surprises et bizarreries de la géométrie hyperbolique

Cette entrée fait suite à celle-ci et celle-là. Je promets que ce blog ne parlera pas de géométrie hyperbolique jusqu'à la fin des temps ! Mais il me reste encore un certain nombre de choses rigolotes à raconter. Notamment, ce que sont les cercles (cycles et horocyles) en géométrie hyperbolique et les trajectoires de rotations et translations ; comment les projections de Poincaré et de Beltrami-Klein sont reliées (et comment les réconcilier en projetant le plan hyperbolique sur une demi-sphère) ; ce que sont la pseudo-sphère et les surfaces de Dini et pourquoi elles nous permettent de voir un petit bout de la géométrie hyperbolique sur un modèle euclidien (mais juste un petit bout) ; et surtout, parler un peu des groupes de Coxeter et de leur automaticité, des pavages du plan hyperbolique, et de comment ceci permet de travailler informatiquement avec le plan hyperbolique, par exemple s'il s'agit de faire des jeux ou des simulations dessus. (Je ne garantis pas du tout que j'aurai le courage ou le temps de développer chacun de ces thèmes, mais ce serait bien.) De nouveau, je promets d'essayer de rendre les différentes entrées de cette série aussi indépendantes que possible les unes des autres, de façon à ce qu'on puisse lire le sous-ensemble qu'on veut dans l'ordre qu'on veut. Et je vais essayer de rendre autant que possible les choses accessibles à un bas niveau de connaissances mathématiques (même si je n'arriverai pas toujours à rester au niveau lycée), quitte à commettres des imprécisions que les experts, j'espère, me pardonneront.

[Navigation : cette entrée fait partie d'une série de trois sur la géométrie hyperbolique : 1, 2, 3 (plus ou moins indépendantes) ; voir aussi celle-ci pour des illustrations de différentes projections ; voir aussi les jeux de labyrinthe hyperbolique que j'introduis ici, et , et dont j'explique le fonctionnement dans des transparents disponibles ici.]

Dans cette entrée je voudrais essayer de décrire quelques phénomènes très simples qui illustrent le comportement surprenant de la géométrie hyperbolique. Les quatre sous-parties sont d'ailleurs indépendantes les unes des autres. Le principe informel mais fondamental que je cherche à illustrer (au moins sur les deux premiers exemples) est le suivant :

Dans un espace hyperbolique, il n'y a essentiellement qu'une façon de relier deux points : même un chemin en zigzag ne peut pas se racourcir beaucoup.

Autrement dit, si vous allez de A à B par un chemin en zigzag et que quelqu'un d'autre y va en ligne droite, il ne gagnera pas énormément par rapport à vous. Ou, pour dire les choses de façon plus décourageante, si vous avez marché un peu au hasard à partir de A, que vous vous retrouvez en B, et que maintenant vous voulez revenir à votre point de départ, vous allez devoir refaire toutes les méandres de votre chemin. Raconté de façon aussi informelle, ce principe peut être complètement faux, bien sûr (essentiellement parce que le plus court chemin entre deux points est une droite, pas un zigzag, même en géométrie hyperbolique), comme il peut être tout à fait vrai : mais si dans l'espace euclidien il n'y a aucun doute qu'il est faux, dans l'espace hyperbolique je vais essayer d'expliquer de quelle façon il est néanmoins vrai.

Ceux qui ont suivi mon conseil et essayé de jouer à HyperRogue se seront sans doute rendu compte à quel point il est difficile de retracer un chemin dans l'espace hyperbolique (surtout si vous êtes allés jusqu'au bout du jeu !) : voici donc une tentative d'explication de ces phénomènes. J'utiliserai les formules fondamentales de l'entrée précédente, mais si on ne l'a pas lue on peut se contenter de me croire sur parole quand j'affirme une relation métrique.

⚠ Dans cette entrée, je ferai des figures dans le modèle du disque de Poincaré (contrairement à une entrée précédente où j'avais surtout utilisé le modèle de Beltrami-Klein pour définir les concepts) : la raison est qu'il permet de voir un peu plus clairement ce qui se passe, notamment parce que les angles sont préservés. Dans le modèle du disque de Poincaré, les droites de la géométrie hyperbolique sont représentées comme des arcs de cercle orthogonaux au cercle « des points à l'infini » qui sert comme bord (de la projection) du plan hyperbolique.

Je me suis trompé de direction

d θ d

Premier scénario : je vis dans le plan hyperbolique, je veux aller à un endroit situé à une distance d (on imaginera que d est grande) de là où je suis. Malheureusement, je me trompe de direction et je pars dans une direction formant un angle θ par rapport à la bonne direction : je parcours la distance d dans cette mauvaise direction et je me rends compte de mon erreur. Une possibilité pour arriver au bon point consiste à retracer mon chemin jusqu'à mon point de départ, puis partir dans la bonne direction : si je suis ce chemin, je parcours évidemment la distance 2d. Dans le monde euclidien, bien sûr, ce serait idiot de faire ça : on prendrait la ligne droite vers le point qu'on veut rejoindre, et un calcul facile de trigonométrie du triangle montre que cette ligne droite est plus courte d'un facteur sin(θ/2) que si fait le chemin idiot ; par exemple, si on est parti à angle 60° de la bonne direction, soit θ=π/3, on gagne un facteur ½, c'est-à-dire qu'il est 50% plus court de couper en biais que de tout refaire. J'espère que ça ne surprend personne !

Qu'en est-il dans le monde hyperbolique ? Il est vrai qu'il est plus court de prendre la ligne droite (en vert sur la figure), mais la surprise hyperbolique est que au lieu de gagner un facteur multiplicatif, on gagne une différence additive par rapport à retracer son chemin : en effet, la longueur exacte du chemin en ligne droite est donnée par cosh() = cosh²(d) − sinh²(d)·cos(θ), et pour d grand ceci donne ≈ 2d + 2·log(sin(θ/2)) ; par exemple, si on est parti à un angle 60° de la bonne direction (ce que montre ma figure), on gagne un racourcissement de 1.39 (unités naturelles de longueur) sur une longue distance d. Ça vous fait une belle jambe, quand vous avez parcouru 1000 unités de longueur dans la mauvaise direction, de savoir que pour aller au bon endroit, vous n'êtes pas obligés de parcourir les 2000 unités consistant à faire tout votre mauvais chemin à l'envers suivi du bon, vous pouvez racourcir à 1998.61 en « coupant en biais ». De façon plus concise, c'est à peine plus court de prendre la ligne droite que de suivre les deux côtés du triangle.

Et ce n'est pas tout : la trajectoire en ligne droite va m'amener très près de mon point de départ (dans le monde euclidien, ce n'est évidemment pas le cas, si d est grand) : plus exactement, la distance la plus proche à laquelle on passe de celui-ci (figurée en pointillés gris sur ma figure) est au maximum arccosh(1/sin(θ/2)) (ceci est la valeur quand d tend vers +∞) : même si on est parti très très loin, il faudra revenir à une distance indépendante de d du point de départ pour aller au bon point d'arriver. Sur mon exemple de θ=60°, on passe à 1.32 unités du point de départ. Bref, on ne parcourt pas exactement le chemin inverse de celui qu'on a parcouru, mais presque.

Par ailleurs, et contrairement au cas euclidien, la direction dans laquelle il faut partir pour « couper en biais » est presque la même que celle dans laquelle il faut partir pour revenir au point de départ. Ce qui est amusant, c'est que, par symétrie, la même chose est vraie à l'arrivée : donc si je prends la ligne droite alors que mon copain retrace exactement ses pas, nous partons du même point quasiment dans la même direction, nous arrivons au même point quasiment dans la même direction, j'ai parcouru un petit peu moins que lui, mais surtout, je n'ai pas eu à tourner pour me retrouver dans cette direction a lors que lui a dû tourner (de πθ) ! Donc si moi et mon copain avons tous les deux un compas gyroscopique, à l'arrivée nos compas diffèrent de πθ dans la direction qu'ils indiquent ; et cette quantité est aussi l'aire de la région comprise entre nos deux trajectoires — un nouveau signe du fait qu'elles ne s'écartent pas trop.

☡ Dans la vidéo que j'avais produite sur les différentes projections de la sphère et du plan hyperbolique (et qui a débuté toute cette série d'entrées), j'ai affirmé sans trop réfléchir que si deux personnes partent du même point (à la même vitesse) dans des directions différentes (de θ, disons), leur distance croît exponentiellement avec la distance (disons d) parcourue. Je pensais à la distance le long d'un cercle de rayon d entre ces points, auquel cas l'affirmation est vraie (un arc de cercle de rayon d et d'angle θ, dans le plan hyperbolique, a une longueur de θ·sinh(d)) ; mais la distance en ligne droite, elle, ne peut pas croître exponentiellement, à cause de l'inégalité triangulaire (on peut toujours, au pire, atteindre l'autre point en distance 2d, et ce que je montre ci-dessus c'est qu'on ne gagne pas énormément par rapport à 2d). On m'a heureusement signalé cette erreur, et j'ai ajouté un petit mot correctif dans la vidéo — je tenais ici à préciser les choses plus en détail. Cette différence énorme entre la distance en ligne droite et la distance le long d'un cercle montre qu'on a vraiment intérêt à revenir très près du point de départ, si on ne veut pas parcourir une longueur considérable.

Je me suis trompé de point de départ

d t d

Deuxième scénario : je vis dans le plan hyperbolique, je veux aller à un endroit situé à une distance d (on imaginera que d est grande) de là où je suis. Malheureusement, je me trompe de point de départ et je pars d'un point situé à une distance t du point d'où j'aurais dû partir : je parcours la distance d depuis ce mauvais point et je me rends compte de mon erreur. (Pour que les choses soient bien claires : à la fois le « mauvais » chemin et le « bon » font la distance d, ils sont tous les deux perpendiculaires à la droite reliant leurs deux points de départ, ces deux points de départ étant distants de t. Si vous voyez la figure ci-contre, elle devrait éclaircir les choses.)

Dans le monde euclidien, cette erreur de point de départ est sans gravité : la trajectoire partant du bon point de départ et celle partant du mauvais sont parallèles et séparées de t tout du long, donc on a simplement à parcourir la distance t, certainement pas les 2d+t qui reviendraient à faire trois côtés d'un rectangle !

Dans le monde hyperbolique, on a deux « hyper-parallèles » séparées de t à la base. Si on avance de d des deux côtés, la distance entre les points est donnée par cosh() = − sinh²(d) + cosh²(d)·cosh(t), et pour d grand ceci donne ≈ 2d + 2·log(sinh(t/2)) (j'insiste sur le fait que je n'ai pas supposé t grand). Sur la figure ci-contre, par exemple, t vaut 1.39, et on gagne péniblement 1.96 en allant en ligne droite par rapport au fait de faire les trois côtés (2d+t). Si t lui-même est grand, on gagne asymptotiquement 2·log(2)≈1.39 en allant en ligne droite par rapport au fait de faire les trois côtés. De nouveau, c'est à peine plus court de prendre la ligne droite que de suivre trois côtés du « rectangle ».

On peut de nouveau se demander à quelle distance on passe du segment de longueur t (reliant les bases des deux segments de longueur d) : pour d tendant vers +∞, la réponse est arcsinh(1/sinh(t/2)) : sur ma figure, ceci vaut 1.10, mais surtout, remarquablement, plus t est grand, plus ceci est petit, c'est-à-dire, plus on va se rapprocher de la ligne de base.

Dans la situation précédente, j'ai évoqué (à cause d'une erreur que j'avais faite) le fait que si on voulait relier les deux points éloignés en restant toujours à distance d de l'origine (c'est-à-dire en suivant un arc de cercle), on devait parcourir une très longue distance θ·sinh(d). On peut se poser le problème analogue dans le cas présent : si je veux suivre un chemin qui reste constamment à distance d du segment de longueur t, quelle distance parcours-je ? La réponse est : t·cosh(d) (exactement) ; autrement dit, dans le monde hyperbolique, si je suis à distance d un point qui parcourt une distance t sur une droite, je parcours une longueur cosh(d) fois plus grande que ce point. (Voir plus bas la notion d'« hypercycle » pour un commentaire sur ce type de courbes.)

Je regarde une (demi-)droite de loin

θ t

J'en ai marre de me déplacer dans le plan hyperbolique où je me trompe toujours de direction, alors cette fois-ci je me contente de regarder une (demi-)droite depuis une certaine distance t. Dans le monde euclidien, si on s'écarte d'une droite, celle-ci continue à occuper π radians de notre angle de vision — autrement dit, elle ne diminue pas en taille, elle continue à s'étendre jusqu'aux deux directions à l'infini qui n'ont pas bougé. Dans le monde hyperbolique, c'est différent : la droite apparaît sous un angle (2θ) qui décroît avec la distance ; il est plus habituel de considérer le demi-angle θ, c'est-à-dire l'angle sous lequel on voit la demi-droite entre le point le plus proche (situé à distance t) et le point à l'infini (=idéal) dans une direction ou l'autre. La relation entre θ et t est donnée par : sin(θ)·cosh(t)=1 (on appelle parfois θ l'angle de parallélisme à distance t, et on peut aussi l'exprimer au moyen d'une fonction amusante appelée fonction de Gudermann).

Bref, dans le monde hyperbolique, même les objets infinis paraissent plus petits quand on s'en éloigne, ou, si on veut, on voit bouger même les objets infiniment lointains quand on se déplace.

Ceci est peut-être plus parlant quand on imagine les choses avec une dimension de plus (je ne l'ai pas trop évoqué mais, comme la géométrie sphérique, la géométrie hyperbolique peut très bien se faire en dimension quelconque) : si je vis dans un espace hyperbolique de dimension 3, un plan hyperbolique (infini !) m'apparaîtra comme un disque, précisément sous la forme du modèle de Beltrami-Klein (merci au passage à celui qui m'a fait cette remarque, qui est effectivement très convaincante pour montrer que ce modèle est « la bonne » projection), et le rayon angulaire apparent de ce disque est donnée par le θ ci-dessus. Voici une application numérique que je trouve assez frappante : situé à distance 6 dans le monde hyperbolique, un plan (hyperbolique) nous apparaîtrait comme un disque de la même taille angulaire que le soleil vu depuis la terre.

J'essaie de tourner en rond

Tout désorienté par tant de mésaventures, j'essaie maintenant le parcours suivant : j'avance tout droit (d'une distance d), puis je tourne à droite (d'un angle θ), puis j'avance de d, je tourne de θ, j'avance, je tourne, j'avance, je tourne, etc.

Pour éviter toute ambiguïté sur les notations, ce que j'appelle θ, c'est l'angle duquel je tourne (compris entre 0 et π). C'est-à-dire que θ=0 signifie que je ne tourne pas, et θ=π que je fais demi-tour ; l'angle interne entre le chemin que j'ai fait et celui que je prends est donc πθ.

Dans le plan euclidien, l'effet de cette manœuvre est évident : on tourne en rond. Plus exactement, quelle que soit la distance d parcouru à chaque étape, dès que θ>0, les points où je m'arrête pour tourner sont situés sur un cercle, dont le rayon R est donné par d/(2·sin(θ/2)). (Par ailleurs, si θ est un multiple rationnel de π, on finira par tomber exactement sur des points déjà visités, autrement dit on parcourt un polygone (éventuellement croisé = en étoile) inscrit dans un cercle de rayon R, alors que s'il ne l'est pas on tourne en rond sans jamais s'arrêter exactement au même point. Par exemple, si θ=π/2, i.e., si on fait des angles droits à chaque fois, on décrit simplement un carré. Mais ce n'est pas cette distinction qui m'intéresse ici.)

Dans le cas hyperbolique, il y a trois comportements possibles (ou plutôt, deux et une limite entre eux), et la distance d parcourue à chaque étape joue réellement un rôle. J'ai tenté de figurer ces trois cas ci-dessous (comme d'habitude : si votre navigateur affiche le SVG), en prenant θ=π/2 (on fait un angle droit à chaque tour) et d valant successivement 1.528571, 1.762747 et 1.968335 :

Premier cas (sur la figure gauche) : on a en gros le même comportement que dans le monde euclidien, autrement dit, on tourne en rond. C'est-à-dire que le chemin qu'on parcourt (en bordeaux sur la figure) reste inscrit dans un cercle (en vert fin sur la figure), autrement dit il existe un point (en rouge sur la figure) tel que les endroits où on tourne soient toujours équidistants de ce point (comme indiqué par les traits pointillés gris sur la figure). Le rayon R du cercle et l'angle δ qu'on parcourt sur le cercle à chaque étape sont donné par les formules peu remarquables suivantes (si votre navigateur affiche le MathML) :

cosh(2R) = 1 cosθ +3coshd cosθ·coshd 3 cosθ coshd cosθ·coshd et cosδ = 12 ( 1 +cosθ +coshd +cosθ·coshd )

Comme dans le cas euclidien (sauf que dans le cas euclidien δ=θ), si δ est un multiple rationnel de π, on décrit un polygone (sur ma figure, δ=π/4, c'est-à-dire que la figure est un octogone, aux angles droits puisque θ=π/2) dont tous les côtés sont égaux.

Mais ce qui est intéressant, ce n'est pas la formule, c'est le fait qu'il existe une valeur de d pour laquelle elle diverge. À savoir celle donnée par cosh(d) = (3−cos(θ))/(1+cos(θ)).

Au-delà de cette valeur limite, on ne revient plus au point de départ : on part à l'infini. C'est ce qui est montré sur la figure de droite.

La courbe qu'on parcourt dans ce cas (en vert sur la figure de droite) est encore une sorte de cercle : elle a une courbure constante, elle apparaît comme un cercle dans la projection de Poincaré (celle utilisée ici, et qui, en plus de préserver les angles, transforme les cercles en cercles), sauf qu'il coupe le cercle à l'infini (=des points idéaux). Ce type de courbe a une description simple qui suggère aussi la ressemblance avec un cercle : c'est l'ensemble des points à distance (R•) constante d'une droite (et d'un côté de celle-ci) ; la droite en question est figurée en rouge pointillé sur la figure de droite (et les traits en gris pointillé ont tous la même longueur, et sont perpendiculaire à cette droite). Je ne connais pas de terminologie standard pour une telle courbe (j'ai entendu courbe équidistante, mais je ne trouve pas ça terrible), alors je propose d'appeler ça un hypercycle [mise à jour : contrairement à ce que je pensais, ceci est bien une terminologie standard]. Encore une autre description d'un hypercycle est qu'il s'agit du mouvement suivi, lorsqu'on effectue une translation hyperbolique par un point non situé sur l'axe de cette translation (l'axe est, ici, la droite en rouge pointillé) : c'est une des surprises de la géométrie hyperbolique que, quand on fait une translation, celle-ci a un axe et que les points non situés sur cette droite suivent des courbes (ce que j'appelle des hypercycles, donc).

Le rayon R• de mon hypercycle (la longueur des traits gris pointillés) est donné par la même formule que le rayon R du cercle dans le cas où on tourne en rond, mais en changeant le signe global (c'est-à-dire qu'au lieu de cosh(2R) elle donne −cosh(2R•)) ; et la même formule que cos(δ) donne, cette fois, cosh(δ♯), où δ♯ désigne la distance parcourue à chaque étape sur l'axe (la droite rouge pointillée) entre deux bases de points où on tourne (c'est-à-dire les intersections des traits gris pointillés et de la ligne rouge).

Le cas intermédiaire (figure du milieu) est celui où d a exactement la valeur critique : la courbe verte a juste la bonne courbure pour atteindre le cercle à l'infini, mais pas plus. Cette courbe a un nom particulier en géométrie hyperbolique : on l'appelle un horocycle (contrairement au terme d'hypercycle, ce terme est standard). Un horocycle n'a pas de rayon (ou un rayon infini, si on veut : c'est le cas limite à la fois des cercles et des hypercycles quand le rayon tend vers l'infini) : il a simplement un point idéal asymptotique (en rouge sur ma figure). Les droites en pointillé gris sont, cette fois, de longueur infinie. Mais il faudra que je parle des cercles, horocycles et hypercycles hyperboliques dans une autre entrée, si j'ai le courage de l'écrire : il est temps d'arrêter celle-ci.

Ajout () : Un peu dans cet ordre d'idées, cette vidéo de réalité virtuelle dans l'espace hyperbolique de dimension 3 est intéressante parce qu'elle illustre la manière dont des plans euclidiens (pavés par des triangles équilatéraux) peuvent apparaître dans l'espace hyperbolique de dimension 3 (ces plans, qui sont des horosphères, sont intrinsèquement plats mais extrinsèquement courbes, ce qui est aussi un peu difficile à visualiser).

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