Mon grand-père (le père de mon père, celui qui était Canadien, donc) m'avait offert les sept volumes des Chronicles of Narnia quand j'étais petit, dans l'édition Collier (Macmillan) en coffret[#]. (Ceux qui ne connaissent pas du tout peuvent jeter un coup d'œil à l'article Wikipédia sur le sujet, qui n'est pas mal.)
J'ai donc dû lire le premier volume (The Lion,
the Witch, and the Wardrobe, celui qui est adapté dans le film
dont je parle plus loin) vers neuf ou dix ans. J'en étais assez fan
(rien que les mots deep magic
me fascinaient
complètement). Ensuite j'ai lu le deuxième, mais comme à la fin de
celui-ci deux héros apprennent qu'ils ne reviendront plus à Narnia et
comme je m'étais attaché à eux, je me suis arrêté là pendant des
années (peut-être après avoir vérifié que le troisième tome ne me
plaisait pas). Longtemps après (je pense que ça devait être vers
seize ans), je suis retombé sur ces livres que j'avais à peu près
oubliés (entre temps, on avait déménagé et ils étaient rangés au
sous-sol), j'ai ouvert le quatrième un peu au milieu, je suis tombé
sur un passage qui me plaisait (celui où apparaît l'objet éponyme :
The Silver Chair) et j'ai lu à partir de là jusqu'à la
fin ; puis j'ai sauté le cinquième volume, qui m'inspirait peu, et
j'ai dévoré The Magician's Nephew d'une traite (il faut
dire que ça raconte des histoires de voyage entre mondes et la
création de Narnia, et j'étais très dans ce trip[#2]-là à cet âge), et enfin
The Last Battle quelques mois plus tard (j'ai bien aimé
mais sans plus). Comme je ne relis (presque) jamais un livre du début
à la fin, je n'ai ensuite jamais tenté de boucher systématiquement les
passages qui me manquaient : j'ai picoré des extraits dans ces
différents livres (je viens de refaire une petite sélection ce soir,
d'ailleurs), ce qui fait que je ne sais plus très bien, au final, ce
que j'ai lu ou pas, il y a des pages que je n'ai jamais regardées, ou
seulement il y a vingt ans, et d'autres qui sont beaucoup plus
fraîches dans mon esprit.
Quoi qu'il en soit, c'est avec une certaine curiosité que je suis,
donc, allé voir le
film qui a été tiré du premier volume des chroniques (et dont une
suite est apparemment bien prévue). Eh bien j'ai été bien déçu. Il y
a des jolies images, d'accord, mais la magie juste ne marche pas. Je
ne saurais pas dire exactement en quoi. <Attention, spoilers !>
Peut-être parce que des trucs passent sans trop se remarquer dans un
livre mais deviennent trop évidents dans un film : notamment, le fait
que les héros ne font rien — mais vraiment rien —
d'héroïque : ils fuient quand ils sont pourchassés, c'est leur seule
présence qui déclenche la fin de l'hiver, ils reçoivent des cadeaux
Qui Torschent du Père Noël en personne, ils trouvent une armée
préparée pour eux, même avec ça ils ne font pas grand-chose, Aslan
apparaît sans qu'on ait besoin de l'invoquer spécialement, il meurt et
ressuscite et termine la guerre pour eux, bref, ils ne servent à rien.
Ah, si, Peter tue un loup qui est assez con pour s'empaler sur son
épée, et Aslan le nomme wolfsbane
à cause de ça. Enfin,
globalement, je ne suis pas du genre à rechigner pour croire au
merveilleux et pour accepter l'héroïsme en carton-pâte — mais,
non, ça ne passe pas. Pas plus qu'Edmund qui fait le sale morveux
caricatural jusqu'à sa soudaine et magique rédemption
(OK, les trois autres ne sont pas trop mal, notamment,
Peter devient presque crédible sur la fin).
Ce qui est plutôt bien réussi, c'est quelques touches d'humour, les castors notamment (c'est de l'humour Disney, tout gentil, mais qui marche quand même assez bien). Le graphisme est plutôt bien (mais pas du tout à la hauteur du LotR, avec lequel la comparaison est inévitable). Une séquence de quelques dizaines de secondes à peine, à la fin, quand les quatre héros ont grandi, m'a aussi fait une bonne impression.
Mais bon, dans l'ensemble, ce n'est pas terrible. N'allez pas le voir sauf si vous avez un petit frère / une petite sœur à distraire.
En revanche, le symbolisme chrétien n'est pas du tout excessif, comme certains l'ont affirmé (certes, Aslan est une métaphore du Christ, et il donne quelques leçons de morale, mézenfin ce n'est pas du tout lourd — et pas plus gênant que la morale bien-pesante du film hollywoodien lambda).
[#] Qui place les tomes dans l'ordre d'édition originale, c'est-à-dire commençant par The Lion, the Witch, and the Wardrobe.
[#2] Je ne veux pas dire que je croyais aux mondes parallèles ! Mais j'avais une fascination pour le concept, par exemple j'aimais beaucoup regarder le manuel des Plans de Donjons & Dragons, dont le côté à la fois inventif et systématique me captivait.