Ce matin je suis allé voir mon directeur de thèse (qui revient du Japon — où d'ailleurs mon père est justement aussi en ce moment). Évidemment, le fait que j'avais rendez-vous à 10h à Orsay signifie que je n'ai guère dormi de la nuit (pour être précis, j'ai dormi de 2h30 à 5h30 ; à 6h45 je me suis levé en me disant que ce n'était plus la peine de continuer à me retourner dans mon lit comme ça), et du coup je suis un peu zombie. Ce qui est curieux, c'est que dans cet état, en fait, le plus désagréable, c'est encore les voyages en RER : si j'essaie de lire, les lignes dansent devant mes yeux et il faut que je relise chacune cinq fois avant de la comprendre, et si j'essaie de regarder le paysage, mes yeux se ferment et je dois lutter contre le sommeil (sauf qu'évidemment si je décide d'accueillir celui-ci il ne vient pas).
Nous avons parlé de mon article
rejeté (par le Journal of Algebra) : Colliot-Thélène (c'est
le nom de mon directeur de thèse) est d'avis que le rapporteur a en
effet été gratuitement agressif avec mon texte. Le problème vient
essentiellement du fait qu'une partie de l'article (trois pages
environ, sur huit au total) est consacrée à la description précise
d'un objet (le torseur universel sur une variété torique), une
construction qui n'est pas neuve, et qui figure à plusieurs endroits
dans la littérature mais jamais de façon pleinement satisfaisante ou
vraiment claire (surtout pour la démonstration du fait que le torseur
en question est bien universel) : j'ai donc jugé bon de la refaire, en
précisant clairement que cette partie n'était pas originale. Or les
revues n'aiment pas trop qu'on refasse des choses « déjà connues »,
surtout si l'article est court ; le rapporteur dit en substance, le
résultat principal de l'article est une conséquence immédiate de
propriétés bien connues sur le torseur universel sur les variétés
toriques qui figurent déjà dans la littérature et qui sont ici
redémontrées de façon peu agréable : ce n'est pas faux (sauf que le
peu agéable
est une question de goût, bien sûr), mais c'est une
présentation un peu partiale des choses. Tout cela n'est pas
dramatique, évidemment : je vais resoumettre l'article dans une autre
revue encore à déterminer (en faisant d'avance savoir que je suis prêt
à retirer la partie consacrée à la construction du torseur universel),
c'est juste que j'aurai perdu un certain temps pour rien. On me
conseille aussi d'envoyer à l'éditeur, pour la forme, une réponse à
certaines remarques du rapporteur (au-delà des reproches que j'ai
résumées ci-dessus, il soulève également quelques points mineurs qui,
pour le coup, sont vraiment contestables).
Ce texte à resoumettre compté, ça va d'ailleurs me faire trois courts articles à envoyer dans la foulée. Ils sont déjà écrits, évidemment, mais il reste les résumés, quelques phrases de conclusion ou d'introduction, et tout simplement les courriers à l'éditeur, et rien que ça ce n'est pas un travail négligeable.
Pour le reste, nous avons discuté du calcul que je mène en ce
moment (et qui doit être le dernier élément de ma thèse) : il s'agit
du calcul de ce qu'on appelle un groupe de Chow de zéro-cycles (d'une
hypersurface cubique, en l'occurrence : presque tous mes résultats
dans cette thèse portent sur les hypersurfaces cubiques, en fait). Ni
mon patron ni moi ne pensions, quand il m'a proposé de faire ce
calcul, qu'il serait aussi fastidieux, et cela fait maintenant quelque
chose comme six mois que je traîne
dessus : il faut d'abord désingulariser un modèle de
l'hypersurface, puis étudier finement la théorie de l'intersection
dessus. Au stade où j'en suis, j'ai obtenu une désingularisation du
modèle, mais elle est très difficile à exploiter parce que sa
présentation est mal adaptée à la suite des opérations (disons qu'on a
une description très locale d'un objet qu'on voudrait voir de façon
globale). Nous sommes quand même convenus que ma description devrait
suffire pour faire travailler un peu la théorie de l'intersection :
comme il a dit, on termine sur une note d'espoir
, l'espoir que
je termine un jour cette thèse ! (Disons que si le calcul très
brièvement esquissé dans un coin du tableau est bon et qu'il n'y avait
aucune arnaque, et si la puissance du nombre premier 3 est avec moi,
alors j'entrevois la lumière au bout du tunnel.) Évidemment, le temps
de rédiger cette dernière partie, de tout mettre ensemble, de trouver
des rapporteurs et tout et tout, ça sera encore long.
Bon, assez parlé de maths pour le moment.