Comme je l'ai signalé à bien des
reprises, mes goûts mathématiques sont assez portés vers les
objets élégants et insolites qui pourraient figurer dans un musée des
curiosités du paradis platonique. Parmi mes préférés, vu mon domaine
de recherche, figure évidemment le( graphe de)s vingt-sept droites
sur la surface cubique : c'est en effet quelque chose d'assez
frappant que, même si les surfaces cubiques ne sont pas toutes identiques, toutes
(enfin, toutes celles qui sont lisses) ont 27 droites géométriques
tracées dessus et que la relation d'incidence sur ces droites
(c'est-à-dire lesquelles coupent lesquelles) et toujours la même ;
elles définissent donc une structure combinatoire (un graphe à 27
sommets, chacun étant relié à 10 autres) unique et remarquable[#]. Mais j'ai appris qu'il existe un
polyèdre (le polyèdre 221
de Schoute) qui code de
façon extrêmement élégante la structure de ces 27 droites : il s'agit
d'un polyèdre (convexe) à faces carrées, ayant 27 sommets,
correspondant aux 27 droites sur la surface cubique, de sorte que deux
sommets sont à distance 1 si les droites correspondantes ne se coupent
pas, et √2 si elles se coupent, et que les 45 triangles
équilatéraux de côté √2 définis par trois droites deux à deux
sécantes ont tous le même centre ; je ne peux malheureusement pas le
tracer puisqu'il vit dans un espace euclidien de dimension 6. Il est
toutefois très facile de donner les coordonnées de ses sommets : en
représentant des points de l'espace euclidien de dimension 6 comme des
triplets de nombres complexes, ce sont les
(0,ωa,−ωb),
les
(−ωb,0,ωa)
et les
(ωa,−ωb,0),
où a et b varient entre 1 et 3 et où ω est
une racine cubique primitive de l'unité.
[#] Rien que son groupe d'automorphismes, le groupe de Weyl d'un système de racines de type E6, à 51840 éléments, est un objet remarquable en lui-même, et qui apparaît à des endroits inattendus des mathématiques.