David Madore's WebLog: Good bye, Lenin!

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(samedi)

Good bye, Lenin!

Good bye, Lenin! (voir aussi sa fiche Allociné) : ce film m'a absolument emballé. Il est à la fois tellement drôle et délicieusement touchant : le genre de combinaison qui me fait vraiment fondre. Pas de mélo, juste une légèreté heureuse qui n'exclut pas des moments graves et sincères.

Ne vous attendez pas à un film politique ou historique : ce n'est rien de tel. Le regard est tout simplement humain, rappelant peut-être celui des Ailes du désir (Der Himmel über Berlin) de Wim Wenders (je parle du regard, un peu « angélique » et sans jugement; non du ton, qui n'a pas grand rapport). Les événements titanesques de ces jours où l'on a du mal à suivre l'histoire tant elle va vite, ces événements emportent les personnages un peu éberlués vers un avenir qu'ils ne contrôlent pas. Et le film nous fait revivre « de l'intérieur » ces onze mois qui ont changé la face du monde — 1989-11-09, le Mur tombe — 1990-10-03, l'Allemagne est réunifiée. J'y suis très sensible, moi qui suis plus facilement ému aux larmes par un bon documentaire historique que par une fiction. Mais le regard ici, je le répète, n'est pas historique (ni nostalgique, comme certains ont pu le dire sommairement de ce film).

On a parfois, ici, comparé dans son ton Good bye, Lenin! au Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, dont l'héroïne possède en effet une espièglerie imaginative et bienfaisante qui la rapproche beaucoup d'Alexander Kerner (le héros de Good bye, Lenin!). L'humour est également assez proche. Peut-être le film allemand a-t-il plus d'ampleur et le français plus de poésie, mais il ne faut sans doute pas pousser la comparaison trop loin. (On pourrait également évoquer Forrest Gump — que pourtant, personnellement, je n'ai pas énormément aimé.)

Les acteurs jouent bien, notamment l'acteur principal, Daniel Brühl, dans le rôle d'Alexander (que je trouve, en plus, beau comme un dieu — ça ne gâche rien). La scène, lors de la soirée, où il regarde le dessin animé avec les enfants (j'utilise cette périphrase pour ne pas spoiler le scénario pour ceux qui n'ont pas vu le film), puis rencontre leur père, m'a fait pleurer : par de simples échanges de regards les acteurs communiquent une telle émotion ! C'est vraiment très fort.

Je veux aussi souligner encore une raison pour laquelle ce film m'a marqué : il évoque (il pouvait difficilement faire autrement) la coupe du monde que l'Allemagne a gagnée en 1990. J'étais moi-même à Munich à l'été '90, et malgré mon peu d'intérêt pour le foot, l'événement m'a marqué. Le 1990-07-04, jour de la demi-finale contre l'Angleterre (qui s'est gagnée aux tirs au but, situation de tension insoutenable), j'ai regardé la rencontre à la télé chez un collègue de mon père (qui organisait une petite soirée buffet dans sa maison) ; et le 1990-07-08, quand l'Allemagne a battu l'Argentine en finale, j'ai entendu les bruits de klaxons envahir la capitale bavaroise. Ça n'a pas beaucoup d'importance en soi, mais ce qui me surprend c'est que j'avais complètement oublié jusqu'à aujourd'hui que le seul voyage que j'ai fait en Allemagne était précisément, dans le temps, entre la chute du mur de Berlin et la réunification du pays.

Mon professeur d'histoire-géographie de classe de 3e (Mme Fernandez, que je salue au passage), dans son discours de bienvenue lors de la rentrée des classes en septembre '90, demanda à la classe de bien se souvenir que nous vivions des heures historiques, pour qu'un jour nous puissons dire à ceux qui sont plus jeunes, « je me souviens d'un temps où il y avait deux Allemagnes ». Je me souviens, donc, d'un temps où il y avait deux Allemagnes. Et pour un peu je me serais levé à la fin du film pour chanter : Einigkeit und Recht und Freiheit für das deutsche Vaterland

La réunification allemande s'est d'ailleurs faite avec une célérité considérable : quand je vois le nombre d'années qu'il a fallu attendre pour donner une monnaie unique à plusieurs pays de l'Union européenne, je trouve prodigieux qu'on ait pu résoudre aussi rapidement toutes les difficultés techniques inhérentes à l'unification de deux pays, sans parler de lever les obstacles sociopolitiques et diplomatiques. Sur ce dernier point, il a fallu la concurrence de plusieurs circonstances : l'extrême faiblesse de Mikhaïl Gorbatchev (Михаил Сергеевич Горбачёв), l'insistance de l'administration Bush (père) pour accélérer les choses (afin de ne pas laisser les soviétiques « reprendre leur souffle » et exiger des concessions telles que la sortie de l'Allemagne de l'OTAN), la résolution rapide par Helmut Kohl du litige avec la Pologne par l'acceptation de la frontière Oder-Neisse, l'incapacité de Margaret Thatcher et François Mitterrand (qui tous deux étaient réticents — pour ne pas dire franchement hostiles — à la réunification) de s'entendre sur un contre-projet acceptable, et l'inquiétude de ce dernier de voir voler en éclat, s'il s'opposait à l'unification, l'axe privilégié franco-allemand et plus généralement l'Union européenne. Mais peut-être — du moins je voudrais le croire — les obstacles auraient-ils de toute façon été rapidement levés, d'une façon ou d'une autre, même face à des circonstances moins favorables, devant la volonté indubitable du peuple allemand de se réunifier, au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Qui pourrait le dire ?

Note : L'interview du réalisateur (Wolfgang Becker) sur Allociné est aussi assez intéressante.

PS : Mon ami Arthur propose le très joli sous-titre suivant au film : Im Osten nichts Neues. Excellent !

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