David Madore's WebLog: Le Coût de la vie, et autres considérations

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(dimanche)

Le Coût de la vie, et autres considérations

Plus parce que je cherchais une façon de me sortir que parce que je tenais vraiment à le voir, je suis allé voir Le Coût de la vie (sorti depuis un moment déjà). J'en tire une impression partagée : les portraits sont bien tracés et vraiment drôles, mais l'ensemble est très mal ficelé, et assez déséquilibré ; et finalement cela fait l'effet d'un brouillon ni assez travaillé ni assez spontané. La brochette d'acteurs est aussi contrastée : Isild Le Besco, notamment, me tape complètement sur les nerfs, et Vincent Lindon aussi, dans une moindre mesure (évidemment, il est difficile de dire si c'est un acteur qui est énervant, ou les rôles qu'il interprète ; quand le même type joue toujours des gens à qui j'ai envie de foutre des baffes, ça finit par déteindre sur celui qui incarne le personnage…). En revanche, j'ai beaucoup aimé Géraldine Pailhas, ainsi que Claude Rich (je suis assez fan de Claude Rich en général, et il ne m'a pas déçu ici). Fabrice Lucchini s'est plutôt bien tiré d'un rôle excessivement caricatural.

Mais on ne pouvait sans doute pas faire mieux, pour traiter le sujet du rapport à l'argent, que brosser une série de portraits. Il est vraiment amusant de constater combien les gens diffèrent en ce domaine, un aspect de leur personnalité se combinant à des circonstances extérieures (comme un héritage) pour former quelque chose de pas toujours très agréable. Moi-même (qui n'en suis plus à une contradiction près), je combine un caractère normalement très dépensier (comme quand je mets 75€ dans un jeu de tarot divinatoire alors que je n'ai évidemment aucune intention de me livrer à la divination) ou simplement indifférent (par exemple, ça fait six ans maintenant que je paie l'assurance pour une chambre d'internat à l'ENS que je n'habite plus — parce que je n'ai jamais eu le courage d'écrire la simple lettre nécessaire pour résilier le contrat ; ou encore quand on considère le nombre de chèques que je n'ai jamais encaissés parce que cela me fatiguait d'aller à la banque, ou toutes les feuilles de soin pour lesquelles je n'ai jamais demandé remboursement) avec de soudaines et inexplicables crises d'avarice.

Le film (et d'autres pensées que j'ai eues dans la journée) me donne envie d'écrire un petite pièce de théâtre (ou une nouvelle) confrontant deux personnages. L'un immensément riche, très beau, très ingelligent, en bonne santé, jeune (au moment où la confrontation a lieu), ayant eu une enfance harmonieuse, comblé également sur le plan sentimental, bref, la quintessence du bonheur, et parfaitement capable, de plus, de profiter de ce bonheur ; doté d'un naturel équilibré et d'un caractère agréable et bon (sans pour autant être un saint). L'autre, sans avoir été accablé de malheurs, n'a jamais rien pu considérer comme acquis et a dû lutter durement pour tout ce qu'il a ; il approche de la soixantaine et regarde vers le passé avec une certaine tristesse parfois teintée d'amertume. L'idée de les confronter n'a évidemment rien d'original, et je ne veux pas y prétendre. Mais sans doute la confrontation a-t-elle plus souvent été menée avec une sorte d'agenda moral (du genre « en fait, le riche ne sait pas vraiment goûter son bonheur, dans le fond il n'est pas vraiment heureux »), ce que je voudrais justement éviter : juste dépeindre une rencontre improbable, brève et sans conséquence, peut-être suggérer l'amitié là où on ne l'attend pas, mais sans chercher ni à souligner ni au contraire à réfuter (ou consoler) l'arbitraire et l'aveuglement de la fortune.

Quoi d'autre ? Puisque j'avais réussi à me sortir de chez moi, j'en ai profité pour me promener un peu (autour de l'Hôtel de Ville, comme presque toujours). Je ne saurais pas dire ce que c'était, mais il y avait une ambiance dans l'air qui me plaisait : fin de soirée, fin de week-end, fin de mois d'août, fin d'été, fin de championnats du monde d'athlétisme, que sais-je encore ? Quelque chose de subtilement différent de ce que j'ai pu sentir ne serait-ce que quelques jours auparavant. J'ai marqué l'arrêt devant le 4 rue des Lombards, qui a été mon adresse pendant deux ans (de '94 à '96 — ça commence à faire loin, tout ça) quand j'étais en prépa ; si le restaurant qui fait l'angle existait déjà (mais je ne sais plus s'il avait le même nom), en revanche, de l'autre côté de la porte de l'immeuble (là où maintenant il y a le Bear's Den) il n'y avait rien qu'un vague local désaffecté et occasionnellement squatté.

Et c'est sur cette profonde méditation sur le passage du temps que je vais me coucher.

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