David Madore's WebLog: Fragment littéraire gratuit #79 (artefact)

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(lundi)

Fragment littéraire gratuit #79 (artefact)

Je m'empare de la chose, curieux de savoir ce qui va se passer. Au début, je ne remarque rien, si ce n'est que l'apparence en est un peu bizarre, plus que ce qu'il semblait de loin. Inquiétante, même : bien qu'elle n'ait aucune forme clairement définie, un peu comme dans ce test avec des taches d'encre sur le papier où l'on doit identifier des images, je me rends compte que je crois reconnaître un œil — ou une main desséchée. Soudain, j'ai l'impression qu'on m'observe, j'ai la sensation d'une présence dans mon dos : je me retourne, mais il n'y a rien, je regarde de nouveau la chose, et son apparence me semble maintenant vraiment effrayante, comme le mystère qu'elle recèle. Il y a quelque chose d'affreusement inhumain dans ces excroissances fractales, dans ces couleurs grises et dans cette texture rugueuse : plus je la scrute, plus j'ai le sentiment que d'un instant à l'autre je vais comprendre le secret de ce que j'observe et que ce secret est abominable. Or voilà qu'un son strident se fait entendre, qui vient d'un recoin obscur de la pièce : à ce moment précis, je sens s'ouvrir la porte de l'épouvante, libérant en moi les peurs les plus profondes, les peurs ancestrales — la peur du noir, la peur de l'inexpliqué et de l'inexplicable —, ces monstres qu'on croit vaincus par la civilisation mais qui ne sont que mal endormis dans une cachette dans les racines de notre inconscient, attendant leur heure et ne donnant qu'un pâle reflet de leur présence dans nos pires cauchemars. La chose que je tiens dans les mains, maintenant, est le centre de cette terreur, elle me brûle les mains comme un démon incarné. Enfin, je parviens à la lâcher, elle retombe lourdement sur son socle : et presque aussitôt le monde redevient sensé, je comprends que le son que j'ai entendu est celui d'un ventilateur qui s'est mis en route, je m'aperçois que la pièce n'est pas si mal éclairée que ça, et qu'il n'y a rien qui me menace.

— 4′25″, me dit alors François. Pas mal : la plupart des gens ne tiennent pas autant. C'est à peu près le temps au bout duquel les lapins meurent de trouille si on les laisse attachés.

En silence, il me tend un anxiolytique, que j'accepte volontiers. Pendant que je l'avale, j'ose de nouveau regarder ce qui m'a causé une telle émotion : je ne comprends pas, son apparence est certainement étrange, mais pas à ce point terrifiante. Je demande :

— Alors, qu'est-ce que c'est que cette chose ?

— Ça c'est ce que nous voudrions bien savoir, oui : comment ça peut stimuler comme ça le système limbique. Pour l'instant, personne n'en a la moindre idée. Au fait, je te conseille de dormir avec la lumière allumée, cette nuit.

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