Il y a quelques jours, la Ville de Paris a achevé l'abaissement de la vitesse maximale autorisée sur le boulevard périphérique parisien (pour les non-Parisiens, expliquons qu'il s'agit de la plus petite ceinture routière à grande circulation entourant Paris, longue d'environ 35 km), qui est passée de 70 km/h à 50 km/h (elle avait déjà été abaissée de 90 km/h à 80 km/h en 1993, puis à 70 km/h en 2014, mais c'étaient alors des décisions qui avaient été prises par l'État, pour les raisons que je vais dire). Même s'il ne s'agit pas d'un sujet de la plus haute importance, il soulève néanmoins diverses questions d'ordre politique (quels sont les buts recherchés ? et est-ce opportun ?), scientifique (quels seront les effets et comment mesurer ceux-ci ?) et juridique (la Ville de Paris a-t-elle le droit de prendre cette décision ?) qu'il n'est pas sans intérêt de discuter un peu. Surtout que je trouve que la question a été épouvantablement mal traitée dans la presse : je voudrais donc dans ce billet donner des éléments de contexte que je considère que n'importe quel journaliste faisant un travail sérieux aurait dû présenter.
(Plan :)
☞ Paris contre banlieue ?
Politiquement, je pense qu'on peut résumer les choses très
simplement et assez justement comme une bataille « Paris contre
banlieue ». Même s'il peut y avoir des désaccords sur la manière de
mesurer l'opinion, il y a vraiment peu de doute sur le fait que les
habitants de Paris intra muros (ou, en
l'occurrence, intra viam periphericam
)
soient largement favorables à cette mesure, et que les Franciliens au
sens plus large lui soient largement hostiles. (Ce désaccord touche
aussi un sujet distinct mais néanmoins lié, et également porté par la
Ville de Paris quoique pour l'instant pas encore vraiment acté, celui
de réserver une voie de circulation au covoiturage : à ce sujet, la
Région Île-de-France avait mené il y a quelques années une
consultation informelle — évidemment pas tout à fait innocente — qui a
donné 90%
de réponses défavorables ; il semble que la Ville ait elle-même
fait une consultation qui a donné un résultat semblable avec environ
80% d'avis défavorables, mais je ne retrouve pas.) Les raisons de
cette différence de point de vue ne sont pas difficiles à imaginer :
le Parisien dispose d'un réseau de métro et autres transports en
commun corrects, d'une part, et d'autre part c'est lui qui subit
largement les nuisances[#] du
périphérique ; tandis que le banlieusard sont la
majorité[#2] des usagers de
cette route, ce qui n'est pas surprenant vu que le réseau de
transports en Île-de-France devient absolument indigent dès qu'on sort
de Paris (et surtout, au moins jusqu'à l'achèvement des lignes de
métro du Grand Paris Express, pour les déplacements de banlieue à
banlieue). Dans le même ordre d'idées, les Parisiens sont beaucoup
moins nombreux à posséder une voiture : 32.5% contre au moins 60% pour
chacun des départements de la petite couronne et au moins 80% pour
ceux de la grande
(source ici) ; ce qui
signifie mécaniquement qu'ils sont beaucoup moins nombreux à avoir
usage (au moins directement) de cet équipement. À cela s'ajoute
l'ironie que ce sont justement les Parisiens qui paient pour
l'entretien de ce boulevard périphérique (je vais y revenir).
[#] Bien sûr, les riverains du périphérique, il y en a des deux côtés du périphérique. Mais ils représentent une proportion plus importante sur la population de Paris que sur celle de la banlieue.
[#2] Les chiffres sont difficiles à trouver, mais cette enquête rapportait qu'en 2010, environ 22% des usagers du périphérique sont Parisiens, 48% habitent la petite couronne (en gros la même proportion pour chacun de ses trois départements) et 30% la grande couronne (là aussi, en gros la même proportion pour chacun de ses quatre départements).
Ces tendances d'opinion sont reflétées par les pouvoirs publics qui
représentent ces catégories
d'électeurs[#3]. La Ville de
Paris (et en premier lieu l'adjoint au maire écologiste David
Belliard, qui a la charge des transports) ne cache pas sa volonté de
faire la guerre aux véhicules motorisés, soit au bénéfice d'autres
usagers (essentiellement les cyclistes), soit simplement dans l'idée
que les mesures auront un effet désincitatif qui devrait pousser les
automobilistes à se reporter vers d'autres modes de transport (si
circuler à Paris en voiture devient suffisamment pénible). La Région
Île-de-France, et notamment sa présidente Valérie Pécresse, est la
première à s'opposer au projet et à annoncer des recours juridiques ou
à demander que la compétence sur cette voie soit transférée à la
Région. L'État, qui se trouve à la fois dans un rôle d'arbitre mais
aussi au centre d'une question sur les compétences juridiques des
différents acteurs, a
essentiellement décidé
de ne rien décider (promettant un bilan dans un an
).
[#3] Évidemment, il est aussi tentant, et pas forcément complètement faux, de voir ça sous le prisme de l'axe gauche-droite (la maire de Paris étant de gauche, la présidente de la Région Île-de-France de droite). Mais on tombe de nouveau sur un de ces cas où je me plains que la gauche et la droite sont associées à des positions dont j'ai du mal à comprendre en quoi elles sont liées à leurs valeurs fondamentales. (J'ai beau chercher dans le manifeste communiste de Karl Marx et dans l'esprit du capitalisme de Max Weber, je ne vois rien sur ce que doit être la vitesse sur le périphérique parisien, c'est vraiment étrange que ces grands penseurs aient laissé une question si importante intraitée.)
☞ Arguments pour le 50 km/h
L'argument principal mis en avant auprès du public pour justifier
cette baisse de la vitesse maximale autorisée est la réduction des
nuisances : sur la pollution phonique et atmosphérique
essentiellement. Ce sont par exemple les deux seuls arguments mis en
avant
sur cette page d'information de la Ville,
sur laquelle on lit : Une mesure bénéfique pour lutter contre le
bruit et la pollution de l'air.
Cet argument se retrouve aussi
dans les considérants de l'arrêté lui-même (dont
revoici le
lien) : Considérant, en outre, que les riverains du Boulevard
Périphérique sont exposés à des pollutions de proximité liées au
trafic routier pouvant être à des niveaux deux fois supérieurs à la
pollution de fond parisienne et presque cinq fois supérieurs aux
recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé pour le NO₂ ;
que cette mesure est de nature à limiter la pollution et les nuisances
sonores causées par la circulation sur cet axe
. (Dans tous les
cas, on peut penser que l'argument ici est celui d'un effet direct de
la baisse de vitesse — principalement nocturne — sur ces formes de
pollution, même si cet argument est mal séparé d'un effet qui ferait
suite à une baisse de trafic elle-même résultant de la mesure.)
Un argument différent, mis en avant dans l'arrêté mais guère dans la communication de la Ville de Paris, est celui de l'accidentologie. C'est intéressant, parce que cet argument de la sécurité routière occupe quatre considérants[#4] dans l'arrêté (contre un seul pour la pollution), alors que la page d'information que j'ai liée ci-dessus ne l'évoque que laconiquement (et encore, à propos d'une baisse passée). Ceci suggère que les raisons avancées par la Ville de Paris auprès de ses électeurs diffèrent des arguments qu'elle compte mettre en avant lors du contentieux administratif qui va concerner la mesure. Je vais revenir plus bas sur la raison juridique de l'insistance sur la sécurité routière.
[#4] C'est un peu
paradoxal eu égard au fait
qu'un rapport de 2019
du Conseil de Paris évoquait (page 28 du PDF)
la faible accidentatlité
[sic] du périphérique. (Il sera
intéressant de voir si la présence de cette remarque dans ce document
vient mordre la Ville de Paris lors d'un examen au contentieux des
arguments de l'arrêté.)
J'ai aussi vu passer l'argument de la fluidification du trafic.
C'est assez surprenant même si ce n'est pas prima facie
absurde : une baisse de la vitesse maximale autorisée peut
très bien, dans certaines conditions, augmenter
le débit[#5] de l'axe
(essentiellement parce qu'il va densifier le flux en réduisant les
distances inter-véhicules), et même, dans des conditions très
particulières, augmenter la vitesse moyenne constatée.
Savoir si ces conditions sont remplies s'agissant du périphérique
parisien est une autre question (pour faire court, je pense que non),
mais j'ai cru voir cet argument avancé, même s'il l'a été de façon
assez marginale.
(D'après cette
page, David Belliard aurait dit — mais je ne sais pas où ni dans
quel contexte : Lorsque vous baissez la vitesse maximale, vous
diminuez les effets d'accordéon, c'est-à-dire d'accélération et de
décélération. De facto, vous améliorez la fluidité du trafic.
Cet effet sur le trafic est également
mentionné ici
au moins pour dire que ça ne va pas empirer les bouchons. Et j'ai vu
d'autres gens reprendre ce type d'argument, par
exemple ici
et là
sur Reddit — notez que j'y ai
répondu ici
et là
respectivement.)
[#5] C'est une bonne illustration de l'esprit scientifique que j'évoquais tantôt de ne pas confondre une augmentation de débit et une augmentation de vitesse (pour faire simple, le débit est égal à la vitesse multipliée par la densité linéaire des véhicules, donc pour augmenter le débit on peut augmenter la vitesse mais aussi augmenter leur densité), mais la plupart des gens qui parlent de ces choses font des phrases trop vagues pour qu'on puisse savoir de quelle variable ils parlent. Il va de soi qu'augmenter le débit ne va pas diminuer le temps de trajet de qui que ce soit, c'est juste qu'on va transporter plus de gens dans le même temps.
Là où je veux en venir avec ces arguments sur l'accidentologie et la fluidité du trafic, c'est qu'il est permis de penser qu'ils sont, pour parler prudemment, un tantinet hypocrites. Pour mettre un peu plus les pieds dans le plat, je veux dire que ce sont des façons commodes de prétendre qu'il ne s'agit pas d'une mesure « anti-voitures » (dire que ça peut bénéficier aux automobilistes ou motocyclistes en réduisant leurs risques, voire en diminuant leur temps de trajet), et que ça colle assez mal avec les positions générales des gens qui tiennent ces arguments (par exemple, peut-on trouver un seul moment où David Belliard ait évoqué la sécurité des automobilistes ou motocyclistes[#6] pour autre chose que justifier quelque chose qui s'aligne comme par hasard avec une position « anti-voiture » ? j'ai passé pas mal de temps à fouiller ses tweets sans rien trouver de la sorte, mais évidemment des choses ont pu m'échapper ; en tant que responsable des transports à Paris, il serait parfaitement dans son rôle, par exemple, d'évoquer l'importance de porter des gants à moto, or il ne parle jamais de ce genre de questions).
[#6] La
tournure notamment pour les conducteurs de deux-roues motorisés
particulièrement exposés aux risques d'accident grave
dans
l'arrêté est quand même absolument hallucinante d'hypocrisie. Jamais
la Ville de Paris n'a fait part du moindre début de commencement de
préoccupation pour la sécurité des usagers des deux-roues motorisés (à
la différence des vélos), et aucune de leurs communications publiques
auprès de leurs électeurs sur la finalité de la mesure ne mentionne ce
point, mais tout d'un coup, quand il s'agit de rédiger l'arrêté, ils
découvrent que c'est un enjeu. C'est quand même très fort. Autant je
ne suis pas franchement opposé à la décision pour elle-même, autant ce
degré de mauvaise foi éhontée me rend quand même assez furieux.
Pour mettre encore un peu plus les pieds dans le plat, il est
permis de penser que l'argument non dit est plutôt de pousser les
utilisateurs du périphérique à se reporter soit vers d'autres axes
routiers (comme la A86) soit vers d'autres moyens de transport (p.ex.,
en commun). Autrement dit, que la limite à 50 km/h soit simplement
destinée à être pénible[#7], et
que l'effet escompté sur la pollution (ou même l'accidentologie ou la
congestion) ne soit pas une diminution de la pollution par
véhicule due à une plus faible vitesse, mais simplement une
diminution de la pollution totale, consécutive à un moindre trafic.
Je suis certainement d'accord pour essayer de pousser les
automobilistes vers plus d'utilisation des transports en commun, mais
la stratégie consistant à le faire en ajoutant artificiellement des
désagréments à la voiture parce qu'on n'arrive pas à améliorer
suffisamment les transports en commun, ne me semble pas raisonnable
(et c'est sans doute la raison pour laquelle elle n'est jamais
explicitement exprimée, il faut la deviner entre les lignes, parce que
ses promoteurs veulent garder le déni plausible). Comme je l'écrivais
dans un autre
billet[#8] : On a
parfois l'impression qu'à défaut d'améliorer l'attractivité des
transports en commun, la solution retenue a souvent été d'empirer à
dessein celle de la voiture. L'approche me semble assez analogue à
vouloir régler une pénurie de logements en taxant les loyers les plus
élevés plutôt qu'en créant de nouveaux logements. Je pense notamment
à l'attitude consistant à refuser de créer de nouvelles
infrastructures routières (voire, appeler à en supprimer) au motif
qu'elles seront de toute façon saturées : si elles saturent, c'est
justement que des gens cherchent à s'en servir, donc qu'elles rendent
un service, et qu'elles sont préférées aux alternatives, donc, toutes
choses étant égales, c'est plutôt un argument pour continuer de même
que la saturation des logements sociaux n'est pas un argument pour
arrêter d'en construire.
[#7] Pénible pour des raisons essentiellement psychologiques, bien sûr, comme je le signale plus bas.
[#8] Pour dire les choses autrement : le trafic automobile est une sorte de thermomètre du niveau de satisfaction en les transports en commun. Pousser les gens à utiliser les transports en commun en empirant délibérément les conditions de circulation automobile revient à faire baisser la fièvre en truquant le thermomètre.
De façon encore plus cynique, on peut d'ailleurs imaginer que le
but de la manœuvre de la part de certains élus municipaux ne soit ni
de diminuer les nuisances (ni par véhicule ni même totales par report
du trafic) ni de baisser l'accidentologie, mais simplement de se
débarrasser du truc qui pèse sur les finances de la Ville de Paris en
même temps qu'il l'embarrasse : autrement dit, d'agir en mode vous
ne voulez pas payer pour le périphérique ? si c'est Paris qui paye le
violon, c'est lui qui choisit la musique, et voyez si vous aimerez
cette musique-là
(tout en marquant quelques points politiques en
attendant). Je ne sais pas à quel point cette interprétation est
plausible, mais elle est au moins imaginable.
☞ Arguments contre le 50 km/h
Maintenant, quels sont les arguments de fond contre le
passage à 50 km/h du périphérique ? Il est encore plus difficile de
savoir ce qu'ils sont exactement, en fait, faute de représentant clair
des opposants à la mesure. Dans
une interview au Parisien
(lisible ici sans abonnement),
Valérie Pécresse parle de déni de démocratie
, les Franciliens
étant très majoritairement contre cette mesure (mesure qui, dans cette
interview, est jointe avec celle de la voie sur le covoiturage), mais
elle reste excessivement vague sur la raison pour laquelle
les Franciliens sont contre. Il en va de même des justifications
économiques parfois invoqués implicitement en rappelant que le
périphérique parisien est essentiel à l'économie ou à l'emploi de
l'Île-de-France : c'est un argument en pointillé mais on nous dit pas
exactement comment il faut le compléter.
Un argument que j'ai cru voir passer est celui des bouchons. Si on suggère que diminuer la vitesse maximale causera (ou constitue) en soi des bouchons sur le périphérique, n'est pas un argument sérieux ; de toute façon, aux heures ouvrées la vitesse moyenne constatée est de quelque chose comme 35 km/h à cause de la saturation de cet axe, donc fixer une vitesse limite qui reste largement au-dessus de cette valeur ne devrait pas changer grand-chose. (L'argument des bouchons est sérieux, en revanche, contre la dédication d'une voie de circulation au covoiturage, qu'envisage aussi la Ville, et qui se retrouve mêlé dans le débat.) C'est éventuellement sérieux, aussi, si on parle non pas du périphérique lui-même mais des autoroutes qui débouchent dessus (mais la situation ne sera certainement pas pire qu'aux heures où le périphérique est saturé). Et on pourrait aussi s'inquiéter des conséquences sur la congestion de la fin de l'interfile pour les deux-roues motorisés (je vais revenir là-dessus), mais absolument personne n'a évoqué cette question.
S'il y a un effet « accordéon » sur les bouchons, ce sera sans doute à proximité des radars (dont la position est bien connue des automobilistes, et d'ailleurs documentée par exemple sur OpenStreetMap, et ils ne sont pas très nombreux sur le périphérique). Ceci peut aussi entraîner un effet sur l'accidentologie de l'axe si les voitures ralentissent brutalement devant le radar. Ce sont là des arguments plus sérieux, mais je pense que les détracteurs de la mesure ne veulent pas trop l'avancer parce que ce serait réclamer plus de radars (pour que la vitesse soit plus homogène) ou plus de contrôles mobiles, et ce serait au minimum reconnaître que le danger vient justement du fait que la mesure ne sera pas respectée.
Aux heures où le périphérique n'est pas saturé (et c'est surtout là
nuit que la mesure est destinée à avoir effet), on peut évoquer la
perte de temps pour les usagers. (C'est par exemple la seule raison
de fond évoquée dans
le communiqué
de l'association 40 millions d'automobilistes contre
la mesure : un impact direct sur les temps de trajet
.) Ça ne
me semble pas très sérieux non plus : même si on doit faire la moitié
de la longueur du périphérique (le pire cas possible, donc) et qu'il
est parfaitement vide et qu'on respecte parfaitement la limite de
vitesse (le cas où elle se fait le plus sentir, donc), à 50 km/h ça
prend 21min, contre 15min à 70 km/h, une perte de 6min. Bien sûr, sur
ce segment ça fait 40% de temps en plus (70/50=1.4 quelle que soit la
manière dont on le tourne), mais un trajet en Île-de-France se compose
rarement d'un unique segment sur le périphérique et qui en fait
précisément la moitié du tour : sur tout trajet raisonnable, 6min de
perdues n'est pas énorme (et encore une fois, ceci est négligeable par
rapport au temps qu'on perd si ce trajet n'a pas lieu au milieu de la
nuit quand le périphérique est vide).
Là aussi, je pense que le véritable argument n'est pas dit parce
qu'il est un peu embarrassant, c'est simplement que c'est
psychologiquement extrêmement énervant de rouler à 50 km/h sur un axe
dont toutes les caractéristiques rappellent qu'il a été conçu pour
qu'on y roule à 90 km/h. (Voir par exemple la réaction
de ce chauffeur de taxi : on est sur une route à 4
voies
, c'est frustrant !
— et il évoque sa charge mentale
plus largement sur la baisse de la vitesse générale à Paris.)
☞ De la difficulté de trancher
Pour résumer, on a un débat qui se présente formellement avec
certains arguments (pollution et accidentologie contre économie et
perte de temps) qui sont en fait des prétextes pour une question qui
est fondamentalement plutôt : faut-il délibérément emmerder les
automobilistes ?
versus les automobilistes ont-ils droit de se
plaindre qu'on les emmerde ?
— mais que personne ne veut vraiment
poser ouvertement dans ces termes. D'où une belle couche de mauvaise
foi dans les arguments hypocrites avancés pour ou contre. Avec en
sous-jacent la question de savoir qui a la légitimité (politique d'une
part, et juridique d'autre part) à décider du devenir de cet axe qui
sert à Paul le Francilien tout en nuisant à Pierre le Parisien.
Dans ces conditions, évidemment, tenter de valider les arguments hypocrites formellement mis en avant n'a qu'un intérêt assez limité. Voici cependant un effort un minimum sérieux par une journaliste de France Info pour évaluer sur le fond ces arguments.
Il est certain qu'on est dans le domaine de la pifométrie la plus totale, et il n'y a d'ailleurs eu aucune étude d'impact en amont de la décision (ce qui confirme bien qu'elle est politique et pas du tout technique).
Mais honnêtement, tout ça reste très difficile à évaluer sérieusement, même si on l'essaie honnêtement. Si on prend l'effet sur le bruit, par exemple, il y a toutes sortes de facteurs à prendre en compte qui tirent dans tous les sens : le bruit par véhicule et par unité de temps est évidemment plus faible à 50 km/h qu'à 70 km/h, mais le bruit par véhicule et par unité de distance[#9] n'est pas forcément plus faible (à basse vitesse, pour les véhicules thermiques, c'est le bruit de moteur qui l'emporte, et celui-ci dépend assez peu de la vitesse vu qu'on maintient à peu près le même régime moteur, donc on a plutôt intérêt à ce que le véhicule ne reste pas trop longtemps au même endroit ; mais à vitesse plus élevée, c'est le bruit aérodynamique qui l'emporte, et celui-ci croît environ quadratiquement en la vitesse, donc l'effet est contraire ; or le passage de l'un à l'autre doit justement se faire autour des vitesses dont on parle). De toute façon, la question va certainement surtout se jouer autour du report de trafic vers d'autres axes, notamment l'autoroute A86[#10] (pour les non-Franciliens, expliquons qu'il s'agit de la plus ceinture routière à grande circulation suivante autour de Paris, longue d'environ 80 km) : il est plausible que plus que résoudre des nuisances on les déplace vers d'autres endroits (et, comme je le dis plus haut, c'est peut-être tout à fait l'intention) ; mais prédire ce genre de choses, et même les mesurer ex post facto, est extrêmement difficile. On peut prévoir qu'on aura dans un an des chiffres inconclusifs, avec des interprétations radicalement différentes de la part de la Ville de Paris et de la Région Île-de-France.
[#9] Encore un exemple de l'inculture scientifique et des effets problématiques qu'elle a sur le débat public : quand on dit qu'un véhicule pollue moins à 50 km/h qu'à 70 km/h, on ne dit rien du tout si on ne dit pas en même temps clairement si on parle de pollution par unité de temps ou par unité de distance. (Pour le bruit, par exemple, si on donne une mesure en dB par véhicule, c'est implicitement une pollution par unité de temps, parce que si le même nombre de véhicules veulent faire la même distance en roulant plus lentement, ils seront plus denses sur l'axe.)
[#10] Ou au contraire sur l'intérieur de Paris : si on doit aller, disons, de la porte d'Orléans à la porte de la Chapelle, on peut forcément se poser la question entre faire 18 km sur le périphérique ou 9 km par les boulevards nord-sud. La densité de feux et de circulation ne rend pas un calcul simpliste très significatif, mais je note quand même que 9km/(30km/h) < 18km/(50km/h), tandis que 18km/(70km/h) < 9km/(30km/h). Pour évaluer la mesure, il faudrait donc aussi tenir compte de l'évolution de la circulation (et de la congestion) dans Paris même.
La vraie solution aux nuisances du périphérique parisien, ce serait évidemment de le couvrir ou de l'enterrer sur sa totalité. Non seulement cela supprimerait la pollution sonore et concentrerait la plus grande partie de la pollution aux particules fines sur ceux qui en sont responsables, mais en outre cela rétablirait la continuité urbaine sur le parcours de l'axe (il serait possible, par exemple, de mettre au-dessus des parcs, des pistes cyclables et des promenades). On invoque des raisons de sécurité pour dire que c'est impossible, mais la raison est certainement surtout que personne n'a envie de payer pour tout ça. (Une précédente candidate à la mairie de Paris avait estimé le coût de l'opération[#11] à environ 10 G€ étalés sur 50 ans.) Bizarrement, d'ailleurs, on a surtout trouvé l'argent pour ça du côté des beaux quartiers adjacents au bois de Boulogne. Une solution à moindre coût pour au moins réduire les nuisances sonores serait de changer le revêtement et/ou poser des damiers phoniques qui sont moins chers qu'un tunnel complet. Ce que je veux dire, c'est que les solutions pour régler ou diminuer les nuisances par véhicule, et pas espérer qu'ils se reportent ailleurs, existent.
[#11] Je note que les îles Féroé, qui ont une population environ 1/40 de Paris intra muros, ont récemment payé un réseau de tunnels sous-marins pour un coût et une distance totale à peu près comparables, donc on aura du mal à me faire croire que c'est totalement impossible.
☞ Sur le statut du boulevard périphérique
Mais à un niveau plus profond, le vrai problème est celui du statut du boulevard périphérique et de sa gouvernance. Politiquement, et juridiquement, qui doit décider ?
Il est assez universellement admis que, quand une autoroute ou quasi-autoroute traverse une commune, ce n'est pas le maire de la commune qui a le pouvoir de faire la police dessus et, par exemple, de baisser la vitesse maximale autorisée à 50 km/h. Je vais revenir sur l'angle juridique de la question, mais pour l'instant je parle de la question politique : une autoroute entraîne des nuisances pour les riverains, c'est indéniable, mais on les estime justifiées par l'utilité générale. En contrepartie, on ne demande évidemment pas à la commune de payer pour l'entretien de l'autoroute dont elle subit les nuisances. J'espère qu'il est universellement admis que si la Ville de Paris se voit dépossédée de la compétence sur le boulevard périphérique, elle doit aussi en perdre la charge financière ; or par contraposée, tant qu'elle en a la charge financière, c'est elle qui décide.
Mais quel est le statut du boulevard périphérique, justement ?
Avant d'entrer dans la question juridique, on peut noter que du point
de vue de la voirie, il a toutes les caractéristiques, sinon d'une
autoroute, du moins d'une voie à grande circulation : il s'agit d'une
route à chaussées séparées, sans feu ni croisement, interdit aux
piétons, cycles et motocyclettes de <50cm³, avec entre 2 et 4 voies
de circulation de chaque côté d'une terre-plein central ; il a été
prévu pour une circulation à 90 km/h (il n'y a, par exemple, aucune
sorte de virage serré), et il est vraiment difficile de le
distinguer[#12]
structurellement de l'autoroute A86. (Honnêtement, sans indication
extérieure, si on
compare ça
et ça,
bien malin qui saurait dire lequel est statutairement une autoroute.)
Au niveau trafic, je trouve des chiffres un peu contradictoires et
donnés sans explication claire de la manière dont ils sont
mesurés[#13], mais il semble
que ce soit un des axes les plus fréquentés de France,
sinon le plus fréquenté, peut-être même d'Europe, et
certainement comparable aux sections à plus fort trafic de l'autoroute
A86 (qui doit également être très haute dans le classement) ; et comme
je l'ai noté, l'axe est structurant pour les transports franciliens en
général plus qu'il ne l'est pour la desserte locale. Comme je vais le
dire plus bas, il est juridiquement une route à grande
circulation
et il fait partie du réseau routier magistral
d'Île-de-France au sens du plan des mobilités. Enfin, pour ce qui est
de la comparaison avec d'autres
endroits, cette
page, qui ne vaut que ce qu'elle vaut, prétend d'ailleurs que les
rocades urbaines des grandes villes européennes ont des vitesses
maximales autorisées au moins égales à 70 km/h, et généralement
90 km/h.
[#12] À part la bizarrerie que je dois mentionner que les insertions sur le périphérique obéissent a la règle de la priorité à droite (donc priorité au véhicule s'insérant) à la différence d'essentiellement toutes les insertions sur les autoroutes ou routes à grande circulation. J'aimerais d'ailleurs bien connaître l'historique de cette décision bizarre et surprenante (et très dangereuse vu qu'on ne sait jamais bien si les gens sont au courant de la règle !).
[#13] Qu'est-ce que ça veut dire, bordel, quand on dit qu'il y a de l'ordre de 200 000 véhicules par jour sur le périphérique ? Est-ce que ça veut dire que 200 000 véhicules en empruntent au moins une section sur un jour donné, ou bien que, si on mesure en un point donné du périphérique (et qu'on moyenne ensuite sur tous les points de sa périphérie) on trouve 200 000 passages par jour en sommant dans les deux directions ? Ce n'est pas du tout pareil !
Bref, il assez indéniable que le boulevard périphérique ressemble plus à une autoroute qu'à un boulevard urbain. Et il est, à ce titre, assez incompréhensible et injustifiable qu'il soit sous la gouvernance et sous la responsabilité de la Ville de Paris, et que ce soit elle qui en assume les charges.
Les précisions sur les détails de gestion sont, honnêtement,
extrêmement difficiles à
trouver[#14], y compris pour
une question aussi basique que combien cela coûte-t-il à la Ville
de
Paris ?
. Cette
page de présentation générale donne quelques informations
basiques. Ce rapport de la
Ville de Paris (déjà lié dans
la note #4 plus haut) donne
quelques chiffres sur les coûts (page 27 du PDF, c'est
d'ailleurs assez hallucinant que le Conseil de Paris n'ait apparemment
pas accès à mieux qu'un petit encadré scanné et pixellisé que lui a
transmis la direction de la voirie et des déplacements) qui annonce un
budget annuel, à charge pour la Ville,
donc[#15], de 10 M€ par an (on
ne sait même pas bien en quelle année) pour l'entretien,
l'exploitation et l'investissement.
[#14] Si quelqu'un peut me donner un algorithme permettant, pour une route ou section de route française donnée, de connaître son statut (notamment : qui a le pouvoir de police dessus, qui paye pour son entretien, et qui l'entretient effectivement), je lui serai reconnaissant. Exemple pratique d'application : je voudrais savoir la réponse à ces questions pour le périphérique de Lyon.
[#15] Bon, je ne sais pas comment se fait la répartition de la dotation générale de fonctionnement : il n'est peut-être pas parfaitement exact de dire que la Ville de Paris paye intégralement pour le périphérique, si ça lui donne un motif pour réclamer de l'argent à l'État (ou, disons, que si on la déchargeait de l'entretien du périphérique, il est probable qu'on diminuerait aussi sa dotation).
Seul
un rapport
récent de la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France
contient véritablement des informations précises au sujet des
compétences sur le périphérique : je renvoie à la section §1.3.2
(pages numérotée 29/83 jusqu'à 33/83 du PDF)
intitulée Le boulevard périphérique : une compétence disputée
,
ainsi que l'encadré qui la précède, qui sont tout à fait pertinents
pour le sujet dont je parle ici (il peut aussi être intéressant de
lire la section §1.2.4 sur le partage de compétences entre la Ville de
Paris et la Préfecture de Police de Paris). Outre qu'il confirme
l'ordre du grandeur du budget (11.23 M€ en 2021, dont 7.12 M€ en
investissement et 4.1 M€ en fonctionnement) et le fait qu'il est à la
charge de la Ville de Paris, on y note diverses observations
intéressantes de la Cour, plutôt critiques envers la Ville. (Par
exemple sur les compétences : La demande récurrente de création
d'une nouvelle bretelle d'accès Porte de Clichy, formulée par le maire
de Clichy, le conseil départemental des Hauts-de-Seine ou le maire du
XVIIème arrondissement, s'est toujours vue opposer un refus de la
Ville de Paris, qui, au nom de sa volonté de limiter l'usage de la
voiture dans Paris, s'oppose à toute extension des voies d'accès, en
limitant notamment le nombre de voies réservées aux automobiles aux
portes de Paris.
Plus loin : Le traitement de ces enjeux,
auxquels la Ville de Paris ne peut répondre seule, pose la question de
la gouvernance de ce boulevard.
Et encore plus loin, elle
déplore : Une concertation sans réelle coordination avec les
collectivités limitrophes
.)
De ce que je comprends de ce capharnaüm de règles confuses et
d'autorités qui se marchent sur les pieds les unes des autres, si le
boulevard périphérique relève bien des compétences de la Ville de
Paris, celles-ci sont limitées sur au moins deux plans. D'abord parce
que l'axe fait partie du réseau routier à caractère magistral
de la région Île-de-France qui est inscrit dans le plan de
déplacements urbains d'Île-de-France (PDUIF, depuis
devenu plan des
mobilités en Île-de-France
, parce qu'on aime bien changer les
noms des choses) ; d'après le rapport mentionné ci-dessus de la
chambre régionale des comptes, ceci interdit par exemple à la Ville de
Paris de transformer le boulevard périphérique sans obtenir au
préalable une modification du PDUIF (lequel est approuvé
par le Conseil régional et par décret en Conseil d'État, la Ville
n'ayant qu'un avis consultatif). Cet aspect ne fait pas forcément
juridiquement obstacle à ce que la Ville abaisse la vitesse maximale
autorisée à 50 km/h
(l'article L1214-11
du Code des transports dispose que : Les décisions prises par les
autorités chargées de la voirie et de la police de la circulation
ayant des effets sur les déplacements dans la région Ile-de-France
sont compatibles ou rendues compatibles avec le plan de mobilité
—
et tout dépend de ce que compatible
veut dire) ; mais cela
donne au moins un argument politique à la région Île-de-France pour
demander à être impliquée dans la décision, ou demander que la
compétence sur l'axe soit transféré à Île-de-France Mobilités (de même
que l'ensemble des autoroutes non concédées et routes nationales de la
région). L'autre limitation vient des pouvoirs de la Préfecture de
Police de Paris, sur lesquels je vais revenir, mais les choses sont
aussi excessivement confuses.
☞ Les questions juridiques
Venons-en aux questions juridiques, donc. Les articles du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pertinent est surtout le L2213-1 et le L2213-1-1 :
L2213-1 :
Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. A l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation.
Les conditions dans lesquelles le maire exerce la police de la circulation sur les routes à grande circulation sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Par dérogation aux dispositions des deux alinéas précédents et à celles des articles L. 2213-2 et L. 2213-3, des décrets peuvent transférer, dans les attributions du représentant de l'Etat dans le département, la police de la circulation sur certaines sections des routes à grande circulation.
L2213-1-1 :
Sans préjudice de l'article L. 2213-1, le maire peut, par arrêté motivé, fixer pour tout ou partie des voies de l'agglomération ouvertes à la circulation publique une vitesse maximale autorisée inférieure à celle prévue par le code de la route, eu égard à une nécessité de sécurité et de circulation routières, de mobilité ou de protection de l'environnement.
Le maire peut également, par arrêté motivé, fixer des règles dérogatoires à celles prévues par le code de la route pour la circulation des engins de déplacement personnel sur tout ou partie des voies sur lesquelles il exerce son pouvoir de police ainsi que sur leurs dépendances, dans des conditions fixées par décret.
Éclaircissons le fait que le boulevard périphérique parisien est
bien une route à grande circulation
au sens de ces articles
(voir à ce sujet l'article 75
du décret
nº2009-615 du 3 juin 2009 fixant la liste des routes à grande
circulation).
Déjà, ça signifie que le gouvernement peut, par décret simple, transférer les compétences de police sur le boulevard périphérique au préfet de police de Paris (qui est son représentant) : je suppose que cela doit être le cas pour le réseau autoroutier et les routes nationales, même si je ne suis pas allé chercher les décrets en question (c'est vraiment difficile de chercher ce genre de choses). Donner la compétence à la Région, en revanche, nécessiterait une Loi (je pense).
Même quand les compétences de police n'ont pas été transférées au
préfet,
l'article L2512-14(III)
du CGCT prévoit que : Sur les axes essentiels à la
sécurité à Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, le
maire de Paris exerce la police de la circulation et du stationnement
dans le respect des prescriptions prises par le préfet de police pour
les aménagements de voirie projetés par la Ville de Paris. Ces
prescriptions visent à garantir la fluidité de la circulation des
véhicules de sécurité et de
secours.
[#16] Le boulevard
périphérique fait partie des axes essentiels en question (annexe
au décret
nº2017-1175 du 18 juillet 2017 ; pour voir les choses plus
clairement, il y a une carte page 21/83
du rapport
récent de la Chambre régionale des comptes que j'ai déjà lié).
[#16] C'est
visiblement pour désarmer préventivement cette voie d'attaque que
l'arrêté municipal prévoit (de façon un peu redondante) que : Cette
limitation de vitesse n'est pas applicable aux conducteurs des
véhicules d'intérêt général prioritaire et aux conducteurs des
véhicules d'intérêt général bénéficiant de facilités de passage dans
les conditions prévues aux articles R.432-1 et R.432-2 du code de la
route.
Là aussi, ça signifie que la Préfecture de Police de Paris aurait pu bloquer la mesure, mais elle ne l'a pas fait (c'est-à-dire que le gouvernement lui a donné l'instruction de ne pas le faire ; comme je l'ai mentionné, le ministre des transports a temporisé toute décision, promettant simplement de tirer un bilan de ma mesure dans un an).
Affaire close, donc ? Pas tout à fait, parce qu'il y a la question
de
l'article R413-3
du Code de la route, qui dispose : Sur le boulevard périphérique de
Paris, cette limite [maximale autorisée] est fixée à 70 km/h.
(Cette vitesse est d'ailleurs répétée au 4º de
l'article R413-8
et 3º de
l'article R413-9
pour être sûr qu'on ait bien compris que la vitesse maximale est
relevée à 70 km/h sur le périphérique.) Comme le ‘R’ dans le numéro
de l'article le signale, il a la forme d'un décret en Conseil d'État,
donc en vertu de la hiérarchie des normes française prévaut sur un
arrêté municipal (cf. mes explications à ce sujet dans
un billet récent).
Donc le maire n'a pas le pouvoir de changer cette vitesse ? Pas
tout à fait, parce que là aussi il y a un truc qui dit le contraire :
l'article
R411-8 du même code qui dit : Les dispositions du présent code
[i.e., du Code de la route, notamment les trois articles que je viens
de citer] ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et
règlements [notamment le CGCT que j'ai cité avant] aux
préfets […] et aux maires de prescrire, dans la limite de leurs
pouvoirs, des mesures plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la
circulation routière l'exige. Pour ce qui les concerne, les préfets
et les maires peuvent également fonder leurs décisions sur l'intérêt
de l'ordre public.
(Ceci est aussi complété par
l'article R413-1 : Lorsqu'elles
sont plus restrictives, les vitesses maximales édictées par l'autorité
investie du pouvoir de police prévalent sur celles autorisées par le
présent code.
) Notez bien cependant que l'exception prévue ici est
uniquement quand la sécurité de la circulation routière l'exige
alors que l'article L2213-1-1 du CGCT prévoyait aussi la
protection de l'environnement.
L'explication technique détaillée est que les juristes sont vraiment des crétins incompétents infoutus d'écrire trois lignes de code sans se contredire cinq fois, probablement parce qu'ils veulent surcharger les tribunaux qui vont devoir trouver moyen de résoudre ces contradictions. Sérieusement, je suis assez hors de moi qu'on atteigne un tel niveau de confusion et de contradiction entre les textes, là.
Alors, les tribunaux chargés de nettoyer la merde pondue par le législateur et le gouvernement, en l'espèce le Conseil d'État, sont passés par là, à l'occasion d'un examen au contentieux (nº375027 du 14 octobre 2015) du décret nº2014-3 du 3 janvier 2014 relatif à la vitesse maximale autorisée sur le boulevard périphérique de Paris qui avait abaissé celle-ci de 80 km/h à 70 km/h (c'était donc Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, qui avait pris la décision d'abaisser cette vitesse). Le Conseil d'État, qui prend lui aussi le soin d'écrire ses arrêts dans le style le plus incompréhensible possible pour qu'il puisse y avoir un nouveau contentieux ensuite sur ce qu'il veut dire, a dit à cette occasion :
Considérant qu'il appartient au Premier ministre, en vertu de ses pouvoirs propres, d'édicter les mesures de police applicables à l'ensemble du territoire ; qu'il est loisible au Premier ministre, dans l'exercice de cette compétence, de fixer sur le territoire national des limites de vitesse de circulation différentes applicables à des types de voies distincts ; que les règles ainsi fixées par le Premier ministre n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les autorités de police dont relèvent les voies concernées du pouvoir de fixer des limites plus strictes en fonction de circonstances locales particulières ;
Qu'est-ce que c'est qu'une circonstance locale
particulière
? Comme d'habitude, le Conseil d'État aime nous
laisser deviner ce qu'il invente sans nous le dire.
Mon explication, qui n'engage que moi, est la suivante : le maire doit évidemment pouvoir, par exemple en cas de travaux ou d'accident ou n'importe quoi de ce genre, arrêter une vitesse maximale inférieure à 70 km/h et faire poser les panneaux, sans qu'on ait à convoquer le Conseil d'État pour examiner un décret qui dirait qu'entre les points kilométriques tant et tant, la vitesse maximale est abaissée à tant. Bref, des circonstances locales particulières, ce sont (comme je comprends les mots) des circonstances particulières qui font qu'en un point précis de l'axe on veuille déroger à la règle générale (vitesse maximale fixée à 70 km/h).
J'ai beaucoup plus de mal à concevoir que la totalité du
périphérique parisien, en permanence
puisse constituer
une circonstance locale particulière
susceptible de déroger à
la règle générale que sur le boulevard périphérique de Paris, [la]
limite est fixée à 70 km/h
: si le maire de Paris a la possibilité
de rendre complètement ineffective une règle générale posée par un
décret en Conseil d'État, c'est que cette règle générale n'a plus de
sens. (Peut-être que le gouvernement excède ses pouvoirs en fixant
une règle sur un axe bien précis directement dans le Code de la route,
plutôt que d'y mettre une borne supérieure, par exemple sous la
forme sur le boulevard périphérique de Paris, cette limite est
fixée par arrêté de l'autorité détentrice du pouvoir de police de la
circulation, et ne peut excéder 70 km/h
, ce qui serait bien
différent. Mais dans ce cas le remède serait plutôt d'attaquer
l'article devant le Conseil d'État : or le Conseil d'État nous dit
justement qu'il ne constitue pas un excès de pouvoir du Premier
ministre, donc la règle doit bien pouvoir avoir un effet, et un effet
différent de la version alternative que je viens d'imaginer.)
Maintenant, ce que dira le juge administratif (je pense qu'il doit s'agir du tribunal administratif de Paris[#16b], puisqu'on attaque un arrêté municipal, et qui va donc devoir deviner ce que l'autre juge administratif a voulu dire), c'est une autre question.
[#16b] Correction
() : On
me fait
remarquer que la légalité de l'arrêté municipal sera probablement
jugée en premier par le juge pénal sur le fondement de
l'article 111-5
du Code pénal. (Les juridictions pénales sont compétentes pour
interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et
pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la
solution du procès pénal qui leur est soumis.
)
En tout cas, ces considérations juridiques expliquent que l'arrêté
(revoici le lien) invoque précisément cette jurisprudence
en prétendant relever de circonstances locales
particulières
:
Considérant au demeurant que les dispositions du code de la route ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et règlements aux maires de prescrire des mesures plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la circulation routière l'exige ; que, si le Premier Ministre peut, en vertu de ses pouvoirs propres, fixer sur le territoire national des limites de vitesses de circulation différentes applicables à des types de voies distincts, ces règles n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les autorités de police dont relèvent les voies concernées du pouvoir de fixer des limites plus strictes en fonction de circonstances locales particulières ;
Et fasse ensuite, comme je l'ai mentionné plus haut, place belle aux arguments de sécurité routière.
☞ La circulation interfile sur le périphérique
J'ai déjà dit dans
la note #6 plus haut que je
trouvais la remarque notamment pour les conducteurs de deux-roues
motorisés particulièrement exposés aux risques d'accident grave
dans l'arrêté municipal particulièrement hypocrite. J'évoque
maintenant un autre sujet spécifique aux deux-roues (mais qui peut
avoir des répercussions pour les autres usagers de l'axe), et qui n'a
(presque)
pas été évoqué par la presse : la question de la circulation interfile
à moto.
L'interfile (ou inter-file), c'est le droit qu'ont les deux-roues motorisés dans certaines conditions (qui dépendent évidemment des pays, voire des régions, voire des années) de rouler entre les files « normales » de circulation : dans l'espace entre les voitures. (En anglais, on parle de lane splitting ou lane filtering, la distinction entre les deux étant surtout pertinente pour le droit routier des États-Unis et pas vraiment dans un contexte plus général.) Ici on parle plus spécifiquement pour les motos et scooters de circuler à vitesse modérée entre les deux voies les plus à gauche d'une route à grande circulation lorsque le trafic automobile est très fortement ralenti voire complètement arrêté. (Je ne parle donc pas des motards qui font du slalom à toute vitesse entre les voitures quand la circulation est déjà largement fluide, mais du fait de ne pas rester coincé quand la circulation est arrêtée ou presque.)
Il va de soi que c'est un des principaux intérêts de rouler à moto que de ne pas rester coincé dans les bouchons, et il est généralement admis que c'est souhaitable non seulement pour les conducteurs qui le font, mais pour la fluidité du trafic dans son ensemble, parce que ça dégage de la place dans les bouchons (et, plus subtilement, ça la dégage progressivement quand la circulation se densifie, ce qui atténue aussi les ondes de compression). Il va aussi de soi que ce n'est pas sans danger (notamment à cause des automobilistes qui changent de file soudainement et sans prévenir dans un bouchon parce qu'ils ont vu un espace un petit peu plus loin, cf. mes râleries ici, et qui n'ont pas forcément contrôlé l'angle mort pour savoir s'il n'y a pas une moto qui faisait de l'interfile entre eux et la place qu'ils veulent rejoindre).
Il va aussi de soi que la circulation interfile est particulièrement pratiquée et importante sur le boulevard périphérique parisien, puisque celui-ci est saturé presque en permanence.
Le statut légal de la circulation interfile à moto a longtemps été
très confus en France, tombant dans le vide juridique causé par le
fait que ce n'est pas explicitement interdit par le Code de la route,
mais on peut considérer que ça en enfreint certaines dispositions dont
la rédaction est épouvantablement
pourrie[#17]. (Par exemple,
on peut considérer qu'il s'agit d'une infraction à
l'article R414-6(I)
imposant de dépasser par la gauche, mais celui-ci est lui-même dérogé
par
le R414-15
qui précise qu'en cas de bouchon le fait pour une file de rouler plus
vite qu'une autre n'est pas un dépassement ; on peut aussi considérer
qu'il s'agit d'une infraction aux
articles R412-23
et R412-24
qui imposent aux conducteurs d'utiliser la voie la plus à droite et de
rester dans leur file en cas de bouchon, mais aucun de ces articles ne
dit clairement ce qu'est exactement une file
.) Le droit
routier français étant largement décidé non pas par des juges mais par
les flics (parce qu'il est essentiellement impossible de contester une
contravention sauf à porter l'affaire devant la Cour de cassation, ce
que personne ne va faire pour une question si mineure), ce flou
juridique n'a pas été dissipé par la jurisprudence (i.e., selon
l'humeur de la police, la circulation interfile était
généralement-mais-pas-toujours autorisée).
[#17] Le droit français est souvent mal écrit en général, mais le Code de la route est vraiment particulièrement épouvantablement mal écrit. La moitié des notions qu'il utilise ne sont définies nulle part, même les termes qui sont plus ou moins définis sont très flous, il donne juste de vagues principes qui se contredisent à moitié, il est bourré d'articles qui posent des exceptions à d'autres articles sans qu'on sache bien quel est l'ordre de priorité de ces exceptions. Et tout ça est soumis à l'interprétation des flics et pas des juges.
Il va de soi que beaucoup de motards vont faire de l'interfile que ce soit autorisé ou pas. Donc il n'était pas tenable de rester dans une situation de flou juridique pour un usage effectivement normal de la route. La question était plutôt : comment l'autoriser dans les meilleures conditions possibles ?
Profitant de la possibilité (prévue par l'article 37-1 de la Constitution française) d'instaurer un règlement expérimental, le gouvernement français (sur le travail de la délégation de la Sécurité routière) a autorisé « à titre expérimental » la circulation inter-files. Je crois que ça a été fait pour la première fois de 2016 à 2020, prolongé jusqu'à 2021, puis une nouvelle fois (avec de tout petits changements) de 2021 à 2024. Le décret actuel est ici, et il vaut jusqu'à fin 2024.
Les règles (expérimentales, donc) actuelles de cette circulation interfile sont essentiellement les suivantes :
- dans certains départements (dont l'Île-de-France) et pendant la durée de l'expérimentation,
- la circulation des deux-roues motorisés est autorisée entre les deux voies les plus à gauche dans le même sens de circulation
- sur les autoroutes ou routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central et dotées d'au moins deux voies dans chaque sens de circulation
- dont la vitesse maximale autorisée est ≥70 km/h,
- lorsque la circulation des autres véhicules est établie en files ininterrompues
- et que l'espace latéral est suffisant,
- la circulation en interfile elle-même ne doit pas dépasser 50 km/h, ni 30 km/h de plus que les véhicules circulant sur les voies de part et d'autre,
- de plus, le deux-roues motorisé qui circule en interfile doit avertir de son intention (en pratique en mettant son clignotant vers la gauche ou ses warnings, ce n'est pas très clair ce qui est préférable).
Ces règles me semblent globalement sensées[#18] (il s'agit d'autoriser le fait de se dégager des embouteillages, pas de faire du slalom à toute vitesse entre les voitures), et elles correspondent à ce que je pratique moi-même (j'essaie de maintenir une vitesse en-dessous d'environ 50 km/h et de ne pas aller trop vite par rapport aux voitures, et par ailleurs si je vois que ça devient difficile à tenir je me range dans les files de circulation normales).
[#18] Il aurait été bien d'autoriser aussi le fait de s'avancer, en ville, entre des files arrêtées à un feu rouge, aussi bien pour les vélos que pour les deux-roues motorisés (le lane filtering, donc), parce que c'est aussi un usage normal de la route qui tombe dans un vide juridique problématique. Mais ceci est un problème différent et qui ne se pose évidemment pas sur le boulevard périphérique.
Mais le point qui pose problème est celui de la vitesse maximale autorisée exigée sur la voie. Ça peut sembler un peu bizarre, et beaucoup de gens ne comprennent pas : l'interfile n'est autorisé que si la vitesse maximale est au moins 70 km/h, mais l'interfile lui-même est limité à 50 km/h. L'exigence du 70 km/h est simplement là pour s'assurer qu'on parle bien d'une route à grande circulation (c'est donc juste une sorte de proxy pour vérifier que la route obéit à des règles de sécurité, par exemple sur la visibilité).
Vous voyez le problème : à cause de la manière dont le décret est écrit, en abaissant la vitesse maximale autorisée sur le périphérique de 70 km/h à 50 km/h, la Ville de Paris a mécaniquement interdit (ou plutôt, a fait retomber dans le flou juridique antérieur) la circulation en interfile sur ce boulevard.
Ce qui est évidemment stupide et n'était probablement l'intention de personne (même pas de David Belliard, vraisemblablement), parce que ce n'est l'intérêt de personne d'interdire aux deux-roues motorisés de circuler en interfile. La route est toujours la même, donc si ses caractéristiques rendaient la circulation en interfile acceptable du point de vue de la sécurité en septembre 2024, elle l'est encore en octobre 2024 ; elle l'est même encore plus, parce que si les voitures roulent plus lentement, c'est moins dangereux de faire de l'interfile (encore une fois, l'exigence d'une vitesse limite de ≥70 km/h est destinée à être une contrainte sur la sécurité de la route, mais sur une route donnée, plus les voitures roulent lentement moins l'interfile est dangereux).
La presse n'en a pas du tout parlé, et le sujet a été totalement absent du débat (dont j'ai rappelé les principaux arguments plus haut dans ce billet). C'est évident que la grande majorité des usagers du périphérique ne sont pas des deux-roues, mais le comportement des deux-roues affecte aussi la densité des bouchons pour tout le monde (et il suffit de pas beaucoup d'usagers en plus sur une file de circulation pour augmenter considérablement sa congestion).
Je pense que c'est juste une combinaison de ⓐ personne n'a pensé au problème, ⓑ même s'ils y ont pensé, ils s'en foutent, et ⓒ même s'ils y ont pensé et ne s'en foutent pas, ils ne peuvent pas faire grand-chose parce que c'est long et compliqué de modifier un décret en Conseil d'État.
On peut évidemment penser que la grande majorité des deux-roues motorisés, qui faisaient d'ailleurs déjà de l'interfile avant que ce soit explicitement autorisé, vont ignorer le problème et continuer à le faire. On peut même penser que la police ne sanctionnera pas (trop) ce comportement, parce que manifestement personne n'a intérêt à ce que ce soit sanctionné (l'interdiction est juste l'effet de la manière dont les textes ont été écrits, mais n'est l'intention de personne, tant il est même évident que le périphérique est la voie par excellence sur laquelle on voulait autoriser l'interfile, et c'est l'intérêt de tout le monde de le désengorger). Et puis, après tout, il est toujours écrit noir sur blanc dans le Code de la route que la vitesse maximale autorisée sur le périphérique est de 70 km/h (et le décret sur l'interfile n'est pas clair si ce qui compte est la vitesse maximale autorisée sur la route ou sur la portion de route).
Néanmoins, l'incertitude juridique à ce sujet pose de vrais problèmes. Par exemple en cas de détermination des torts[#19] s'il y a un accident : ce qui peut dissuader beaucoup de motards de rouler en interfile c'est non pas la menace d'une improbable amende mais plutôt la peur de ne pas être couvert en cas de sinistre. Et ce n'est pas du tout farfelu de s'imaginer que suffisamment de conducteurs y renoncent pour empirer la congestion sur le boulevard périphérique.
[#19] C'est compliqué.
Les règles de partage des torts entre assureurs sont régies
par une convention sous
seing privé entre les assureurs eux-mêmes : cette convention
n'est en principe pas opposable à l'assuré (ce sont les
règles du droit civil qui valent), mais en pratique comme c'est quasi
impossible de porter une affaire contre son assureur devant un
tribunal, c'est quand même elle qui fait la loi, ce qui est
problématique parce que c'est une loi faite par des organismes privés
et qui n'est même pas vraiment rendue publique (le PDF
que je viens de lier a l'air un peu tombé du camion). Or cette
convention ne prévoit pas la circulation interfile (les cas 15 et 17,
qui sont les plus pertinents ici, font appel à la notion
de file
: est-ce que la circulation en interfile est une
file ?).
Néanmoins, ce
texte écrit par une avocate spécifiquement concernant le cas d'un
accident au cours d'une circulation interfile confirme mon intuition :
le fait que la circulation interfile soit autorisée ou non va avoir
une incidence déterminante pour le partage de la responsabilité en cas
d'accident.
L'idéal, évidemment, serait qu'à la prochaine itération du décret autorisant « expérimentalement » la circulation interfile il soit explicitement prévu que celle-ci est autorisée sur le boulevard périphérique (ou en tout cas que le texte soit rédigé d'une manière qui inclue cette voie malgré la baisse de la vitesse maximale autorisée dessus). Mais les associations de motards ont l'air plus occupées à essayer de se faire entendre sur des questions (à mes yeux assez frivoles, en plus d'être perdues d'avance) de contrôle technique, je ne suis pas sûr qu'elles arrivent à porter l'attention de la délégation de la Sécurité routière sur ce problème.
Ajout de dernière minute : juste avant de publier ce billet, j'apprends que trois sénateurs (communistes) ont envoyé une lettre au Ministère de l'Intérieur demandant spécifiquement que la pratique de l'interfile à moto reste autorisée sur le boulevard périphérique (et l'article affirme que la mairie de Paris aurait un positionnement similaire). Je n'ai pas de meilleure source.
Certes, personnellement, je suis assez peu concerné : j'ai la chance de ne pas avoir à prendre le périphérique pour mon trajet domicile-travail quand je le fais à moto, et les quelques fois où je le prends (essentiellement le week-end), j'essaie d'éviter les moments où circuler en interfile devient vraiment utile, parce que je trouve ça assez stressant sur cet axe. Mais ça m'arrive quand même d'en faire. Me limiter à 50 km/h ne me pose pas spécialement problème si la voiture derrière ne menace pas trop mes fesses[#20], mais ça semble vraiment absurde que l'interfile soit interdit comme conséquence automatique.
[#20] Ce n'est certainement pas pour nier le fait qu'il y ait beaucoup de motards qui aiment rouler comme des cinglés. Mais il y a aussi beaucoup de circonstances où on essaie de tenir une limite de vitesse et on sent que le conducteur derrière fulmine, vous suit à une distance déraisonnablement courte, et on se rappelle que, dans ces conditions, si on doit piler, on sera pulvérisé. Dans ces conditions, j'essaie de ménager une solution pour qu'on me dépasse, mais ce n'est pas toujours évident (et si c'est par un camion, se faire dépasser est aussi potentiellement dangereux en soi).