Je continue à prendre des leçons de conduite, et, franchement, ça ne se passe pas bien.
Par rapport à mon précédent post (et 10 heures de conduite plus
tard, c'est-à-dire 20h au total, le minimum légalement exigible mais
ça ne signifie rien), la difficulté a un peu changé, mais je ne suis
pas pour autant persuadé qu'elle soit franchement moindre. Je me sens
moins débordé par l'aspect purement mécanique, c'est-à-dire quand il
s'agit de démarrer (y compris en côte), passer les vitesses (dans les
deux sens) et m'arrêter ; ce qui ne veut pas dire que je ne fasse pas
parfois très mal les choses (comme trop freiner ou pas assez), mais
enfin, quelque chose est assurément rentré. Cependant, le fait que
ces difficultés se lèvent révèle, par contraste, que d'autres sont
plus profondes. (Et suggère aussi que la stratégie consistant à
dire finalement, tant pis pour cet art foncièrement idiot
d'apprendre à passer les vitesses : je vais passer le permis sur une
automatique
n'est peut-être pas opportune, même si je garde cette
possibilité dans un coin de l'esprit.) Par exemple, mon moniteur
observe toujours régulièrement que je me place mal ou que je me dévie,
notamment parce que j'ai le regard trop court, parce que je fixe des
choses que je veux éviter au lieu de fixer l'endroit où je veux aller.
Mais bon, ça c'est sans doute corrigeable, et s'agissant du placement,
vu le nombre d'autres usagers mal placés qu'il me signale (et qui ont,
il faut croire, réussi à obtenir leur permis…), je ne suis pas le seul
à avoir du mal : il faut dire que le marquage est particulièrement
merdique autour de Paris, avec un nombre de voies parfois tout à fait
incertain ou qui n'arrête pas de changer.
En revanche, d'autres difficultés sont probablement plus
particulières à moi, et semblent consterner mon moniteur. (Il me sert
des remarques du genre un gamin de huit ans sur son vélo arrive à
faire ça : si tu ne t'en sors pas, je ne peux vraiment rien pour
toi
— et même si je comprends l'idée d'engueuler lors des erreurs
pour qu'elles « rentrent » bien, je ne suis pas complètement convaincu
de la pertinence pédagogique de ce genre de formulation.) À cette
occasion, je me découvre trois super-pouvoirs fort nuisibles quand il
s'agit de conduire :
- L'inobservation : j'avais déjà mentionné mon talent pour ne pas voir les choses qui sont juste sous mon nez (ou plutôt, comme le souligne la citation de Sherlock Holmes que je ne reproduis pas, pour ne pas observer les choses que je vois). De façon générale, je comprends très bien le mécanisme : je me concentre sur une aspect de ce que je vois (sur une difficulté présente, à venir, ou même passée), et je ne perçois plus le reste. C'est l'astuce la plus utilisée par les magiciens de spectacle, c'est le sujet d'une célèbre expérience de psychologie ; c'est aussi une des raisons pour lesquelles je suis épouvantablement nul aux échecs (du genre : je me concentre tellement fort sur la pièce adverse qui menace ma dame que je ne vois pas le pion qui menace mon cavalier). Mais quand j'arrive à ne plus voir un feu rouge alors qu'il n'y a rien d'autre à voir dans le coin, on peut vraiment se poser des questions. En tout état de cause, je me demande comment on peut s'affranchir d'un super-pouvoir aussi puissant en un petit nombre de dizaine d'heures de leçons.
- L'indécision : c'est une surréaction à l'auto-analyse du point précédent : je sais que je suis capable de rater les choses les plus « évidentes », donc j'ai toujours peur de ne pas avoir vu quelque chose. D'où une tendance à rouler trop lentement, que mon moniteur décrit comme carrément dangereuse parce qu'elle donne des signaux contradictoires (il veut se garer ?) ou parce qu'il faut vraiment y aller (pour dépasser un obstacle bloquant une voie d'une rue à deux voies, par exemple, il ne s'agit pas de ralentir).
- La panique inopportune : conséquence des deux points précédents, et déclenchée par la moindre petite erreur (par exemple, de manipulation mécanique), avec pour conséquence que je perds tous mes moyens et que je ne sais plus du tout ce que je fais.
Mon moniteur se plaint surtout de mon incohérence, qui est une conséquence de ce qui précède : rouler lentement quand il n'y a pas de raison à cause du point (2), ou trop vite parce que je n'ai pas remarqué quelque chose à cause du point (1), ou faire n'importe quoi à cause du (3).
(Je peux sans doute ajouter la suranalyse dans mes super-pouvoirs.)
Je ne sais pas non plus où j'en suis dans la formation. Mon livret
d'apprentissage, édité par les Éditions Nationales du Permis de
Conduire, est divisé en quatre grands chapitres (1 Maîtriser le
maniement du véhicule dans un trafic faible ou nul, 2 Appréhender la
route et circuler dans des conditions normales, 3 Circuler dans des
conditions difficiles et partager la route avec les autres usagers, et
4 Pratiquer une conduite autonome, sûre et économique), eux-mêmes
divisés en 9+7+9+7 compétences respectivement (1A à 1I, 2A à 2G, 3A à
3I et 4A à 4G ; par exemple : 1E = je sais doser l'accélération et
le freinage à diverses allures
et 2F = je sais franchir les
carrefours à sens giratoire et les ronds-points
et 3E = je sais
m'insérer sur une voie rapide, y circuler et en sortir
).
Certaines compétences sont à leur tour divisées en sous-compétences :
il y a 14+10+10+7 items au total, présentés sous forme de cases à
cocher. Mon moniteur fait un trait dans une case quand la
(sous-)compétence a été abordée, une croix quand elle a été enseignée,
mais il a aussi parlé de noircir la case si la notion a été assimilée
(ou quelque chose comme ça), et alors il n'a pas l'air de considérer
que j'aie assimilé quoi que ce soit : pour l'instant, il a fait des
croix dans 12 des 14 cases du chapitre 1 (et des traits dans les deux
autres), rien de plus. Selon la manière dont on extrapole, ça laisse
prévoir un nombre d'heures de formation élevé ou carrément délirant.
Mais bon, tous les items ne se valent pas : le chapitre 4 a l'air
complètement pipo ou vraiment facile (lire une carte routière, je
pense que ça ne me pose pas trop de problème), mon moniteur semble
suggérer que les chapitres 2 et 3 seront difficiles, mais je ne sais
pas vraiment comment il compte les enseigner (2D = je sais tourner
à droite et à gauche en agglomération
, par exemple : on devinera
aisément que j'ai déjà tourné à doite et à gauche !). Et évidemment,
l'auto-école a intérêt à vendre le plus d'heures de formation possible
(à la fois pour empocher l'argent et pour pouvoir déclarer un bon taux
de réussite en première présentation).
Personnellement, ce qui me pose problème, ce n'est pas tant le prix des leçons que la difficulté à les placer dans la semaine (pour l'instant ça va, je n'ai pas de cours à donner, mais à partir de novembre ça deviendra beaucoup plus compliqué), et le stress engendré (que ce soit à me demander comment je peux avoir fait telle ou telle connerie, ou à me faire engueuler, ce n'est pas franchement plaisant, sans même parler du risque d'accident).
Ajout : pour la conclusion de mes aventures de permis de conduire, c'est là.