David Madore's WebLog: Comment (ne pas) réserver un amphi dans une école

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(mercredi)

Comment (ne pas) réserver un amphi dans une école

J'ai un ami (enfin, j'en ai même plusieurs) qui est co-organisateur d'un séminaire mathématique, à destination d'un large public étudiant et enseignant, appelé (un peu maladroitement à mon avis, mais peu importe) Mathematic Park. Ce séminaire a lieu, un samedi sur deux, normalement à l'Institut Henri Poincaré dans le 5e, mais à cause d'un conflit de dates malheureux, la séance du 19 novembre ne pouvait pas avoir lieu là. Mon ami me demande si je peux réserver un amphi à Télécom Paris (pour une centaine de personnes). A priori, ça ne pose pas de difficulté particulière, l'École en dispose de suffisamment. Naïvement, je contacte la personne en charge des réservations de salles pour lui demander comment je dois procéder (notamment pour faire entrer une centaine d'extérieurs un week-end, je suppose qu'il faut une autorisation) : elle me renvoie vers un formulaire à remplir mais surtout apporte une précision importante : l'École ne met pas ses amphis à disposition gratuitement, elle les facture. Le prix est de 1250€ la journée (pour un amphi de 100–150 personnes), qui peut éventuellement être ramené à 200€ si on explique de façon convaincante que l'événement extérieur est organisé par un partenaire de l'École (ce qui est probablement, mais pas certainement, le cas de l'IHP).

Je ne critique pas forcément cette politique en soi. Si un industriel veut organiser un événement qui ne concerne que marginalement l'École, il est normal de le lui facturer ; même pour une conférence scientifique, si cela permet à l'École de prélever une part du budget de la conférence pour rentrer dans ses frais, cela se défend. Mais on parle là d'un séminaire (je pense) relativement informel et bénévole. L'aberration est surtout que sauf peut-être à remonter au directeur de l'École, il n'y a apparemment personne qui ait le pouvoir de prendre la décision d'accorder la gratuité à l'événement. Ou en tout cas on n'a pas voulu me dire qui.

Un collègue m'explique que j'ai eu tort de vouloir suivre la procédure prévue et d'être honnête : j'aurais dû me déclarer organisateur de ce séminaire (quitte à ce que mon ami me nomme co-organisateur pro tempore), auquel cas l'événement devenait événement organisé par l'École et donc non facturé, et personne n'aurait rien trouvé à redire. À présent, c'est bien sûr un peu délicat…

Il est surtout frustrant de se retrouver face à un « mur administratif », c'est-à-dire des gens qui vous disent que la procédure est ceci, point final. Des gens pour qui le fait qu'il s'agisse d'un séminaire informel ou bénévole est une précision saugrenue, pour qui le fait que l'orateur soit Wendelin Werner ne signifie absolument rien, pour qui plaider que tout de même cela permettrait de faire de la pub pour l'École auprès d'élèves de prépa est sans effet, pour qui l'idée de solidarité académique (le fait que si l'IHP manque de salles et que Télécom Paris en a il devrait être complètement évident qu'on s'en prête) n'a aucun sens : la règle est de faire payer, point. Je demande seulement, en quelque sorte, à pouvoir parler à quelqu'un pour qui ces notions auraient du sens, et qui puisse prendre une décision de direction et pas seulement d'administration.

J'en ai parlé à mon chef de département, qui est lui aussi préoccupé par le fait que l'École fasse payer pour ses amphis, même lorsqu'il s'agit d'un événement qui s'inscrit tout à fait dans ses objectifs, comme la rencontre d'une société savante. Il est possible qu'en faisant valoir que l'orateur dont je parle est médaille Fields et que cela ferait très mauvais genre dans le milieu académique si sa présentation devait être annulée suite au refus d'un établissement public de lui prêter des locaux dont elle dispose, on puisse quand même obtenir que quelqu'un revienne à la raison. Néanmoins, il est fort désagréable de devoir recourir à ce genre d'argument ou de devoir chercher à court-circuiter la procédure normale parce que celle-ci est aberrante.

Et j'ai un peu envie de dire : voilà à quoi mène la recherche par projet : tout doit être chiffré, tout doit être facturé, les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ne sont plus alliés comme ils devraient l'être mais engagés dans une sorte de concurrence malsaine, ou au mieux de mercantilisme déplaisant (tu veux mes locaux ? il va falloir payer ; bon, je consens à te faire un prix d'ami).

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