David Madore's WebLog: Hollingsworth v. Perry

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(mercredi)

Hollingsworth v. Perry

Hollingsworth v. Perry est une affaire actuellement en cours devant la Cour suprême des États-Unis et dont l'objet est de décider la constitutionnalité (vis-à-vis de la Constitution de l'Union et spécifiquement de son quatorzième amendement) d'une modification d'initiative populaire à la Constitution de l'État de Californie visant à resteindre le mariage à un homme et une femme (cette initiative faisant elle-même suite à — et ayant pour but d'annuler — une décision de la Cour suprême de l'État de Californie qui trouvait contraire aux clauses de non-discrimination de la Constitution de cet État de limiter le mariage aux couples hétérosexuels).

Le débat contradictoire a eu lieu hier devant la Cour suprême. On peut en trouver l'enregistrement[#] et la transcription ici : ce qui rend intéressantes les affaires devant la Cour suprême des États-Unis, c'est que non seulement elles sont importantes par le fond, mais les arguments vont vraiment à l'essentiel parce que le calendrier de la Cour est très chargé — en l'occurrence, cela tient en moins de 1h30 de débats tout à fait compréhensibles par le non-initié (il y a bien sûr aussi beaucoup de documents écrits annexes, mais il n'est pas nécessaire de les lire pour suivre les arguments).

Outre la question de fond, il y a deux sous-questions intéressantes qui se posent.

La première est procédurale : étant donné que l'État de Californie (i.e., ses représentants élus, et notamment son gouverneur) n'ont pas voulu défendre la réforme constitutionnelle devant les cours fédérales, qui a le droit de le faire ? La Cour suprême de l'État de Californie a jugé que les défenseurs de l'initiative populaire avaient ce droit, mais la question se pose de savoir si cette cour avait effectivement le droit de le décider, i.e., si l'État de Californie peut se faire représenter en justice par quelqu'un qui n'en est pas un représentant officiel (et qui n'est ni élu ni payé par l'État). Cette question est essentielle parce que si les plaignants (=défendant la proposition 8) n'ont pas intérêt à agir au sens de l'article III de la Constitution de l'Union, l'affaire ne sera pas décidée sur le fond — et il est possible que ça arrange tout le monde.

La deuxième question est de savoir dans quelle mesure la décision finale pourra, ou devra, s'appliquer à l'ensemble de l'Union ou seulement à la Californie. Autrement dit, doit-on trouver qu'il est contraire à la Constitution des États-Unis de limiter le droit pour deux personnes de même sexe de se marier (et à vrai dire, personne ne croit sérieusement que la Cour à majorité conservatrice ira dans ce sens), ou seulement, comme l'a fait la Californie, de leur retirer ce droit après le leur avoir trouvé. Mais surtout, ce qui embête les deux parties et les juges, et sur quoi ils passent beaucoup de temps à se gratter la tête, c'est le paradoxe suivant : si on construit l'argument selon lequel la Californie n'a aucune raison rationnelle pour interdire à des couples de même sexe le droit de se marier par le fait qu'elle leur accorde de toute manière des droits absolument équivalents au nom près, alors cela signifie que l'argument ne tiendrait pas dans un État moins protecteur, et donc qu'on trouverait plus normal de pratiquer beaucoup de discrimination que de n'en pratiquer qu'un peu (et donc, comme le juge Breyer le fait remarquer [p. 61–62 du transcript], si la Cour suprême décide que tout État qui accorde aux couples de même sexe un droit d'union civil doit leur accorder le droit de se marier, ceci risquerait d'encourager les États conservateurs à ne pas accorder de tels droits).

Bon, et puis il est toujours intéressant d'écouter Scalia (voir ce que j'en disais ailleurs) jouer au troll en demandant de façon faussement naïve à quel moment précis il serait devenu anticonstitutionnel de limiter le mariage à un homme et une femme, à quel moment la Constitution a été changée sans qu'on le prévienne. (Le vote de Scalia étant sur cette affaire aussi certain que la catholicité du pape, ce qu'il dit a surtout pour but de s'amuser aux dépens des avocats, je suppose.)

Quoi qu'il en soit, il sera intéressant de lire attentivement la décision finale de la Cour, surtout si elle va au-delà de déclarer que les plaignants n'ont pas intérêt à agir.

La question est encore compliquée par le fait que la Cour décide en même temps une autre affaire, United States v. Windsor, dont les débats ont eu lieu aujourd'hui (je n'ai pas eu le temps de lire/écouter) et qui concerne, elle, la constitutionnalité d'une loi fédérale qui prétend limiter la reconnaissance au niveau fédéral du mariage aux couples hétérosexuels : mais ceux qui espèrent que la Cour décidera que le Congrès n'a pas le pouvoir de décider pour les États comment ceux-ci définissent le mariage (et pour le coup, il n'est pas complètement impossible que Scalia soit du bon côté de la majorité !) ont du mal à espérer en même temps qu'elle interdise à la Californie de le faire. Deux affaires à suivre, donc.

[#] Il faut juste faire abstraction de la façon assez pénible qu'a Charles Cooper — l'avocat qui défend la proposition 8 — de bégayer et de demander tout le temps pardon. Je ne sais pas si c'est parce que c'est la première fois qu'il plaide devant la Cour suprême des États-Unis et qu'il est particulièrement impressionné, ou s'il est juste tout le temps comme ça, mais c'est assez horripilant.

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