David Madore's WebLog: Le poussinet et moi avons déménagé (de deux étages)

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(jeudi)

Le poussinet et moi avons déménagé (de deux étages)

J'ai déjà expliqué que mon poussinet et moi avions acheté ensemble un appartement plus grand (au 2e étage) dans l'immeuble que nous occupions déjà (au rez-de-chaussée) et que nous nous demandions comment procéder au déménagement pour qu'il soit aussi peu douloureux que possible, sachant qu'un prêt-relais me permet de garder les deux appartements pendant un certain temps. Finalement, nous avons décidé de procéder de façon « progressive mais avec une étape atomique », c'est-à-dire en gros :

  • dans un premier temps, nous avons fait procéder à quelques travaux, essentiellement la pose d'une pompe à chaleur (qui peut servir de clim en été) pour avoir un chauffage plus économique, et souscrit à un abonnement fibre (chez OVH[#]) ; nous avons aussi fait quelques achats minimaux (comme des chaises Ikea) pour le nouvel appartement ;
  • dans une deuxième phase, nous avons transporté autant que possible ce qui n'était pas quotidiennement utile et qui pouvait être bougé sans besoin de meuble de rangement supplémentaire à l'arrivée : d'abord, tous les livres (puisque le nouvel appartement venait avec pas mal de rayonnages de bibliothèque fixés aux murs) et pas mal de vêtements, puis la paperasse et beaucoup de matériel informatique pas vraiment utile ainsi que des ustensiles de cuisine, le tout à grands renforts de bacs de rangement en plastique ; puis nous avons monté quelques étagères une fois que leur contenu avait déjà disparu, histoire qu'elles puissent servir à ranger autre chose ;
  • puis vient l'étape que je qualifie d'atomique parce qu'elle concerne les choses qui, selon moi, ne peuvent pas vraiment être séparées : nos lits, l'équipement essentiel de la cuisine (frigos, micro-onde, vaisselle de base), nos ordinateurs et les bureaux les supportant, quelques tables, et le nécessaire de toilette en gros équivalent à ce que nous emportons en voyage (nous avons aussi monté la télé pendant cette phase, même si ce n'était pas initialement prévu, parce que nous aimons bien regarder la TNT en dînant) ;
  • enfin, nous comptons monter des choses au fur et à mesure que nous nous rendons compte qu'elles sont utiles, et finalement trier tout le reste.

[#] Je ne souhaite pas particulièrement faire la pub d'OVH ici, dont je ne suis pas terriblement content et qui est vraiment cher, mais il semble que (excepté peut-être FDN mais je crois comprendre que nous n'étions pas éligible) c'est le seul opérateur fibre à Paris, ouvert aux particuliers, qui offre des choses qui me semblent être des exigences minimales de qualité (par exemple un bloc IPv6 fixe natif, en l'occurrence un /56 même si j'aurais préféré un /48, et la possibilité d'utiliser son propre routeur) et qui sont considérées comme des demandes de « pros » (je hais cet euphémisme ridicule). J'ai tellement entendu d'histoires d'horreurs sur Orange, SFR et Free que ce n'était vraiment pas question d'aller chez eux.

C'est l'étape « atomique » que nous avons faite hier (et qui nous a pris essentiellement toute la journée) : il reste encore beaucoup de choses dans l'ancien appartement (la machine à laver le linge, un bureau à moi, mon équipement moto, beaucoup d'affaires de toilette ou de ménage…), mais désormais nous habitons au deuxième étage avec les peluches, et nous y avons passé notre première nuit.

J'ai passé énormément de temps à faire fonctionner la connexion fibre (nous savions déjà qu'elle fonctionnait avec un « modem-routeur » fourni par l'hébergeur, mais nous voulions nous en passer pour avoir une configuration aussi proche que possible de ce que nous avions deux étages plus bas, à la renumérotation IP près), mais je ne vais pas m'appesantir là-dessus : disons juste si ça peut servir à quelqu'un que, pour le FTTH chez OVH en collecte Kosc, le PPPoE se fait directement sur le trunk Ethernet et pas, comme chez Orange, sur un VLAN (835) ; et pour pouvoir faire passer IPv6, il faut non seulement activer IPv6 depuis l'interface Web d'OVH mais aussi faire une requête DHCPv6 de délégation de préfixe sur l'interface PPP (ce n'était pas évident). Si vous ne savez pas ce que tous ces acronymes (PPPoE, VLAN et DHCP notamment) veulent dire, ce message n'est sans doute pas fait pour vous. 😁

J'ai aussi passé énormément de temps à simplement décâbler et recâbler les ordinateurs, d'ailleurs. J'espérais que le déménagement m'aiderait à réduire un peu le chaos de l'enchevêtrement de câbles et d'alimentations qui constitue notre installation informatique, mais visiblement, c'est raté : ça semble impossible de relier et d'alimenter trois gadgets sans que ce soit déjà le bordel. (Et une mention spéciale au passage pour les alims tellement larges que quand on les branche, les deux prises adjacentes de la multiprise deviennent inutilisables.)

Au-delà des câbles et des ordinateurs, l'idée que le déménagement nous aiderait à vivre dans un espace un peu mieux rangé est plutôt illusoire. À la limite, c'est même le contraire qui se produit : il est tellement fastidieux de bouger les choses et de décider où les mettre qu'on finit par les mettre au premier endroit venu, et l'organisation est bien pire à l'arrivée qu'au départ.

Tous ceux à qui nous avons parlé de ce déménagement (de ma maman et ma belle-maman jusqu'à l'employée du supermarché voisin à qui nous faisons régulièrement la causette, en passant par beaucoup de nos amis) nous ont félicités et promis que nous serions bien. Ça part évidemment d'un bon sentiment, mais je trouve cette injonction au bonheur un poil stressante, et peut-être d'autant plus stressante que c'est littéralement un problème de riche de dire en fait, non : on a l'impression d'être un ingrat qui ne mesure pas la joie qu'il devrait ressentir.

Le fait est que ce nouvel appartement, sans compter la baisse de niveau de vie qu'il m'aura coûté, pour l'instant, j'en vois surtout les inconvénients. C'est sans doute normal : pas loin de vingt ans d'occupation de mon appartement au rez-de-chaussée m'ont habitué à celui-ci (y compris à ses défauts) et tout changement ne peut être qu'un changement pour le pire. C'est le même phénomène qui fait que quand on change quelque chose dans un service public, disons par exemple un réseau de bus ou des horaires de train, on fait immédiatement plein de mécontents parce que leur utilisation routinière est perturbée, alors que les gens qui profiteront du changement n'apparaîtront qu'au fil du temps quand ils découvrent qu'il y a quelque chose de commode pour eux dans le nouveau système. Peut-être qu'il y a des choses qui seront mieux dans ce nouvel appartement, mais pour l'instant je ne les vois pas[#2], je vois surtout la salle de bain minuscule, le découpage des pièces mal fait, l'aération qui marche très mal, le temps rallongé si je me rends compte que j'ai oublié quelque chose en sortant, les interrupteurs insupportablement mal disposés, etc. Étant habitué à un appartement où je pouvais me balader à poil autant que je voulais parce qu'il n'y avait personne qui pût me voir, je me sens comme dans un panopticon et ça gâche tout plaisir qu'il pouvait y avoir à recevoir un peu plus de lumière du jour. On devrait avoir plus de place pour ranger les choses, mais en fait ce n'est pas vrai à cause de l'immense salon qui ne peut pas vraiment servir d'espace de stockage, et il y a déjà quantité de choses que je ne sais pas du tout où mettre.

[#2] Il y a deux choses qui pourraient passer pour des avantages (avantages très modérés eu égard au coût pour y arriver), c'est un bureau mieux rangé et une connexion Internet avec un meilleur débit (encore que même là il y a eu des choses sacrifiées, comme une adresse IPv6 mémorable ce que, franchement, j'estime peut-être plus important que le débit). Mais ces choses auraient pu être acquises sans changer d'appartement, donc ça ne compte pas.

En fait, je suis mentalement dans le même mode que quand j'occupe une chambre d'hôtel : je cherche mes marques, je prends énormément de temps à faire quoi que ce soit parce que toutes mes petites habitudes ont volé en éclat (du coup je me demande comment faire les choses les plus simples : je ne sais pas où poser ma serviette avant de prendre ma douche et après, par exemple), et j'ai vite hâte de revenir chez moi… sauf que là je suis chez moi et qu'il va falloir que je m'y fasse.

(Un signe que je ne me sens pas chez moi, c'est qu'instinctivement je garde mon portefeuille, mes clés et mon téléphone dans mes poches, comme je le fais tant que je suis dehors, alors que dans l'appartement que j'avais au rez-de-chaussée, la première chose que je faisais en rentrant était de les poser ; mais maintenant, je ne sais même pas où les poser.)

Bref, je suis très attaché à mes habitudes. Ce n'est pas que je sois hostile au changement (après tout, j'ai bien quitté ma chambre chez mes parents pour m'installer à Paris ; et plus récemment, le poussinet et moi avons fait un bon nombre de changements dans nos habitudes, par exemple celui d'utiliser nos week-ends pour nous balader en forêt date de 2018 et c'est un changement que j'ai accueilli avec plaisir) ; mais je déteste profondément le fait que le changement me soit imposé par l'extérieur au lieu que je puisse y procéder à mon rythme. Or là, pour le déménagement, il était difficile d'éviter une étape « atomique » comme je l'ai dit plus haut (alors que pour déménager de chez mes parents vers Paris, j'avais tout acheté en double et j'étais passé par une très longue phase où je dormais de plus en plus souvent à Paris si bien que j'avais véritablement deux « chez moi »).

Mais ce n'est pas tout : il y a aussi une forme d'attachement affectif à mon ancien appartement… pas à l'appartement lui-même, mais à tous les souvenirs qui sont attachés à ses murs, des souvenirs des moments heureux que j'y ai vécus. (Mon appartement fait un peu partie de moi comme l'explique très justement ce texte : il est normal que remplacer une partie de moi ne soit pas quelque chose d'anodin.) J'ai quitté mon bureau parisien (où je travaillais depuis 2010) avec une grosse boule dans le ventre, il n'est pas surprenant que je ressente quelque chose d'analogue vis-à-vis d'un lieu où j'ai passé encore beaucoup plus de temps. Quand je retourne pour chercher quelques affaires dans cet appartement qui ressemble maintenant plutôt à un chantier laissé après un cambriolage, j'ai une sensation qui s'apparente à celle qu'on éprouve lors de la disparition d'un être cher : celle de souvenirs qui se perdent, noyés comme des larmes dans la pluie.

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