Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut).
Cette page-ci rassemble les entrées publiées en
septembre 2003 : il y a aussi un tableau par
mois à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque
entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le
texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top).
This page lists the entries published in
September 2003: there is also a table of months
at the end of this page, and
an index of all entries. Some
entries are classified into one or more “categories” (indicated at the
end of the entry itself), but this organization isn't very coherent.
The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
Complètement en vrac. J'ai commencé à écrire une petite introduction / vulgarisation
bordélique à la logique mathématique pour mes
DEUGs, mais je n'ai pas eu le temps de la finir
dans la journée (c'est même assez brutalement interrompu), donc si je
le fais ce sera pour la semaine prochaine (mais peut-être sera-ce un
de mes nombreux projets commencés et jamais terminés ?). Là je dois
me coucher parce que lever tôt demain. Mes TD se passent
plutôt bien pour l'instant, le taux d'assiduité est bon, les étudiants
sortent lentement de leur torpeur de rentrée, et l'ambiance est encore
bonne (cela durera-t-il ? à voir) ; je n'ai pas trop l'impression de
les emmerder, j'espère que c'est vrai. Jeudi je vois mon directeur de
thèse, ça fait un moment que nous ne nous sommes pas rencontrés, il
faut faire sérieusement le point sur le travail restant pour boucler
cette thèse. Je suis encore horriblement à la traîne dans les
réponses aux mails qu'on m'envoie, il y a quelqu'un qui m'a invité il
y a trois semaines à donner un séminaire à Rennes, date à ma
convenance, et je ne lui ai toujours pas répondu, et maintenant je me
fais tirer les oreilles ; je suis incorrigible. Jeudi soir, assemblée
générale de l'association HBO : l'actuel
président s'en va, épuisé après une année de dévouement associatif
— c'est fou comme la vie associative use les bénévoles qui
l'animent. J'ai eu une conversation avec *** (je ne sais pas s'il
veut que je le nomme, laissons-le donc anonyme) ; qui me dit d'une
part que mon 'blog donne une image négative de moi. D'autre part, à
propos de mon look ou absence thereof, que je ne devrais pas essayer
de me faire passer pour ce que je ne suis pas : seulement, que
suis-je ? et si je tache d'y ressembler, je crains d'obtenir une
apparence qui me déplaise furieusement — et (peut-être pire),
qui ne plaise qu'à des gens qui me déplaisent. Il faudra que j'en
reparle. L'ennui, c'est que pour ressembler à ce qu'on est, il faut
aussi savoir ce qu'on est, et je ne le sais pas (ou peut-être que je
ne veux pas le savoir). La question se pose aussi de savoir si je
fais pédé (indépendamment de la manière dont je m'habille). Quoi
d'autre ? Je suis toujours incroyablement fatigué le matin, ça ne
s'arrange pas. Bon, ma mère vient me dire bonsoir, alors je vais me
coucher, là.
Tiens, le mois de septembre se finit : il va falloir passer à octobre (encore vide à l'instant où j'écris,
évidemment) — mais, je le répète, je conseille de lire ce 'blog
depuis la page des dernières entrées.
J'aime et je déteste faire du shopping. J'aime parce que je
n'apprécie l'argent qu'en le dépensant (ce qui me procure un délicieux
frisson « oh non, je n'aurais jamais dû acheter ça, c'était vraiment
idiot et inutile ») ou, mieux, en ayant la possibilité de le
dépenser : je suis un pur produit de la société de consommation, je
trouve terriblement jouissif de rentrer dans un de ses temples païens
et de savourer ma liberté, le choix qui se présente à moi.
Mais je déteste aussi, parce que quand je regarde dans les détails, je
ne suis pas content de l'offre : je ne sais jamais ce que je veux mais
je sais clairement que ce n'est pas là. (Et c'est sans doute pour ça
que je n'arrive pas à dépenser tout l'argent que je gagne, qui n'est
pourtant pas mirobolant.) En fait, l'impression que je ressens est
exactement celle décrite par Lewis Carroll dans Through the Looking-Glass (De l'autre côté
du miroir) :
The shop seemed to be full of all manner of curious
things—but the oddest part of it all was, that whenever [Alice]
looked hard at any shelf, to make out exactly what it had on it, that
particular shelf was always quite empty: though the others round it
were crowded as full as they could hold.
Passons. En ce moment, les températures baissent à une vitesse
dingue, il faut que je prévoie quelque chose à me mettre pour
l'automne et l'hiver. De l'an dernier (je ne sais pas où les choses
disparaissent si vite, c'est effrayant, on dirait qu'un vêtement ne
peut matériellement pas tenir plus qu'un an), il me reste une doudoune
(celio* sport) bien chaude et un
bombers (d'aucune marque identifiable) qui arrête le vent à peu près
autant qu'une passoire arrêterait les eaux de l'Amazone. Et mon sweat
actuel me va bien pour le moment, mais si la température descend
en-dessous de 12°C ce n'est plus suffisant. Alors, comment trouver
quelque chose qui aille bien avec mon (absence soigneusement calculée de)
look ? Ben je ne sais pas, je n'y arrive pas, je viens de passer
l'après-midi à chercher, et je suis rentré bredouille (avec juste un
parapluie acheté au BHV
et un torchon de chez Gap pour tenir
le temps d'ici que je trouve mieux). Normalement je trouve des choses
qui me plaisent dans les collections par Quiksilver et Schott (tiens, ils
n'ont pas de site Web, eux ?), mais là j'ai été déçu.
Aussi, je suis agacé tant par les grands magasins, qui présendent
des vêtements chers (il n'y a pas si longtemps, la Samaritaine avait encore
quelques articles à un prix abordable) et un choix minable eu égard à
leur superficie, que par les petites boutiques où on a parfois
l'impression en entrant, à la manière dont un vendeur vous fonce
dessus, d'être un moucheron qui vient de se frotter à une toile
d'araignée.
Je croise plein de gens dans la rue dont je me dis, tiens, voilà
des vêtements intéressants. Erreur — ou illusion d'optique : en
vérité, ce ne sont pas les vêtements qui sont beaux, c'est la personne
qui est dedans.
Je suis bien allé le voir, mais je
n'ai pas énormément à commenter. Ce n'était pas mal du tout, mais je
m'attendais à mieux (malgré les critiques de certains). Il y a
beaucoup de bons mots (certains sont même absolument excellents), de
réflexions cyniques et percutantes, et quelques pensées vraiment
profondes qui sont un peu jetées là ; mais globalement rien de
transcendant, et parfois c'est même un peu lourd. L'ensemble est
émouvant, sans mélo trop facile, mais sans chercher dans l'infiniment
subtil pour autant. Bref : un bon film, pas un chef
d'œuvre.
[Attention, rant ahead : cette entrée est fort
longue (peut-être en ferai-je une page séparée). Mais ça fait un
moment que je me propose d'écrire ce mot, qui me tient beaucoup à
cœur, alors il faut bien m'y lancer un jour.]
Je pars de l'extrait suivant (daté du 26 février 2002) du
Journal interrompu de Sylviane Agacinski (l'épouse de
l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, mais c'est ici « en tant
que » philosophe qu'elle parle, de sorte que cette précision est peu
pertinente), dont je recommande au passage la lecture :
Je comprends que l'on parle des complications de l'identité
sexuelle, puisque le masculin et le féminin ne s'appliquent pas
simplement aux hommes et aux femmes et que chacun est mixe, à sa
façon. Dans cette mesure, on peut dire qu'il y a plus de deux
« genres ». Mais je conteste que cette multiplicité, cette
multiplication des genres, puisse jamais réduire, encore
moins annuler, la division sexuelle originaire. Il y a au
moins deux genres, et là est l'irréductible.
L'hétérogénéité sexuelle de l'espèce fonctionne comme modèle de
toutes les divisions — comme de toutes les oppositions
hiérarchiques.
Toute neutralisation de la différence (comme de dire que la
binarité sexuelle est disséminée jusqu'au point où « elle cesse de
faire sens ») est contraire à ce qui relève pour moi de l'ordre d'une
expérience élémentaire. Ainsi la possibilité d'être enceinte et
porter un enfant constitue-t-elle une épreuve absolue de l'altérité
sexuelle de deux façons au moins : elle est l'épreuve du corps
maternel, qui accueille en lui un autre ; et elle est l'épreuve de
l'altérité sexuelle, celle du mâle sans lequel le corps féminin ne
peut être fécond.
D'autres expériences, fort obscures, font que n'importe quel homme
m'est toujours étranger, toujours étrange, même si je l'aime, alors
que n'importe quelle femme est un peu une sœur — même si
je ne l'aime pas. Et la lionne elle-même m'est plus proche que le
lion. […]
Enfin le différend sexuel est beaucoup plus ancien et profond que
la division secondaire entre homosexuels et hétérosexuels.
L'affirmation de caractères ou de valeurs liés à l'homosexualité en
général ne devrait pas être affaiblie par le fait que les gays sont
des hommes et les lesbiennes des femmes. Ce que l'on peut dire, c'est
qu'il y a plusieurs « genres » de femmes, et plusieurs « genres »
d'hommes, et non un seul de chaque « côté ». Mais il n'y en a pas
moins deux côtés : penser la femme comme l'autre côté de
l'être humain. Non pas son mode mineur, ou faible, mais son autre
face.
Selon Augustin, Ève a été tirée d'un côté d'Adam, et non
de sa côte (latus, et non costa).
Les genres se démultiplient, mais ils ne se neutralisent pas
(contrairement au ni… ni… de la pensée
queer).
Je suis parfaitement en accord avec ces remarques (à quelques
détails près), et surtout avec l'utilisation du mot
profond (le différend sexuel est beaucoup plus […]
profond que la division secondaire…). C'est
essentiellement sur ce point que je voudrais insister.
En bref : je suis un homme (vir —
individu de genre masculin) avant d'être homosexuel.
Certainement les deux qualifications ont leur importance (comme
beaucoup d'autres, je vais y venir), mais la première, l'affirmation
de mon genre (tant biologique qu'identitaire) en a nettement
plus que la seconde, affirmation de mon orientation sexuelle.
Pourquoi éprouvé-je le besoin de le souligner ici (et maintenant) ?
Je vais tenter d'expliquer pourquoi je pense cette profession de foi
capitale et ce qu'elle signifie concrètement (car ce n'est pas qu'une
déclaration abstraite et une pétition de principe sub
specie æternitatis).
Pour commencer, peut-être ma proclamation suprendra-t-elle des
lecteurs de ce 'blog : on ne compte plus les entrée dans lesquelles
j'ai cru utile de rappeler que j'étais pédé — à peu près chacune, en
fait, celle-ci comprise — alors que je n'ai pas cru nécessaire
d'insister lourdement et péniblement sur le fait que, sans
contrefaçon, je suis un garçon. Mais cette insistance est trompeuse :
les faits les plus fondamentaux ne sont pas ceux sur lesquels nous
devons insister le plus constamment (deux plus deux font quatre,
répétez après moi, deux plus deux font quatre…), et parfois le
langage le fait pour nous : chacun de nos mots présuppose tout
l'Univers et toute notre conception d'icelui. En l'occurrence, chaque
phrase dans laquelle j'accorde avec moi un adjectif ou un participe au
masculin renvoie à mon genre, ce n'est pas un choix délibéré de ma
part, c'est simplement la grammaire française qui le veut (d'autres
langues ne le font pas), mais ce n'est pas pour autant anodin. (Je ne
compte pas faire une petite crise de Sapir-Whorf-isme, je vous
rassure, ni prêter allégeance à Lacan.) Et au-delà du langage : il
n'est pas forcément évident, quand on me croise dans la rue, de
m'identifier comme gay, alors qu'il est passablement clair que je suis
un garçon (sinon, vous avez besoin de lunettes).
Concrètement, cela veut dire que je me sens le plus proche, que
j'ai le plus de facilité à m'identifier, dans ma sensibilité, dans ma
manière d'appréhender le monde (je ne parle pas spécifiquement de la
pensée rationnelle, que je crois asexuée), d'un homme
hétérosexuel que d'une femme (quelle que soit son orientation
sexuelle). Certainement, je partage avec les lesbiennes
l'appartenance à une minorité identifiée par son orientation sexuelle,
et donc un certain nombre de valeurs ou de revendications qui peuvent
procéder de l'appartenance à cette minorité. Certainement, je partage
avec les « hétéroïnes » une attirance affective ou sexuelle pour le
genre masculin. Mais l'appartenance à ce genre masculin
prime sur l'attirance ressentie pour lui. Et la femme, la féminité,
me restent distantes et inaccessibles, même incompréhensibles (Das Unbeschreibliche, / Hier ist's getan; / Das
Ewigweibliche / Zieht uns hinan). J'insiste sur le fait que je ne
parle pas ici de la pensée rationnelle, qui assurément ne connaît pas
les frontières du sexe (ni peut-être celles de l'espèce, cela est un
autre problème) : mais réduire l'individu à l'étroitesse de la pensée
rationnelle est une fort singulière limitation de sa richesse et de sa
diversité.
Concrètement, cela veut dire aussi que je trouve extrêmement
blessante l'habitude qu'ont certains (notamment des homosexuels
eux-mêmes, justement) de parler au féminin des garçons homosexuels ou
de les désigner par des mots féminins (si j'ai écrit que « pédé » ne me gêne pas, en
revanche je trouve « tapette » ou même le censément affectueux
« tapiole » très insultants). Évidemment, je reconnais à tout le
monde le droit de se désigner comme ils le veulent : juste soyez assez
aimables pour ne pas dire « elle » en parlant de moi, merci (ni
« elles » d'un groupe dont je fais partie — si vous n'aimez pas
le fait que la grammaire française demande le masculin à moins que
tous les membres du groupe soient féminins, dites par exemple « elles
et ils »). Il va de soi que je ne trouve rien d'insultant au féminin
in ipso : c'est juste que je ne m'y rattache pas.
Au demeurant, ce sont autant les femmes qui pourraient être insultées
de la suggestion que prendre un homme et lui retirer son goût pour les
femmes fait de lui un individu féminin : quel singulier outrage à la
dignité féminine que de penser qu'une femme est un homme « avec
quelque chose en moins » !
Si je souligne aussi lourdement, c'est que cela correspond pour moi
à un lourd traumatisme (et mon but n'est donc pas ici seulement de
débiter mes théories mais aussi de parler de moi, ce qui est normal,
c'est mon 'blog et c'est fait pour ça). Je n'ai jamais eu le moindre
problème pour m'identifier moi-même (par rapport à moi-même,
j'entends : devant les autres il m'a fallu plus de temps) comme
homosexuel, ni évidemment comme individu de sexe masculin ; mais
l'image que la société (ou que ma vision, adolescent, de la société)
me renvoyait de l'homosexualité masculine, apparemment associée à des
caractéristiques féminines ou efféminées que je ne trouvais pas du
tout en moi, m'a causé un profond trouble identitaire. Comment
pouvais-je réconcilier ma masculinité (ou, n'ayons pas peur du mot, ma
virilité) avec mon homosexualité alors que toute l'iconographie ou
l'idéologie que je recevais au sujet de ces idées les présentait comme
contradictoires ? Comme je ne pouvais douter de ma masculinité (je
suis en train de le dire, c'est ce qui est le plus significatif), j'ai
pu me demander si ce que j'identifiais comme de l'homosexualité
n'était pas une erreur de jugement de ma part : il m'a fallu un
certain temps avant de comprendre qu'il n'en était rien, c'était
seulement une certaine représentation de l'homosexualité qui ne
correspondait pas à la réalité. Maintenant je fais un rejet
extrêmement fort de l'association d'idées entre l'homosexualité
masculine et la féminité ; rejet qui pourtant n'a rien à voir avec une
« follophobie » comme certains en éprouvent (et que je réprouve), mais
seulement avec un traumatisme d'adolescence.
Passons. Cependant j'en profite pour demander s'il est réellement
opportun de rassembler, comme on le fait fréquemment, les transgenres
et transsexuels, avec les homosexuels. Au-delà du fait trivial que
tous ces groupes prônent de façon générale une plus grande tolérance
sexuelle de la société (mais ce fait-là regrouperait également les
zoophiles ou adeptes du sado-masochisme, par exemple) et peut-être la
demande que la loi n'ait jamais connaissance du genre d'un individu,
je ne vois pas ce qui regroupe les transgenres et les homosexuels. Et
à vouloir assimiler ceux-là à ceux-ci ou ceux-ci à ceux-là, on risque
de perdre de vue que leurs revendications ne sont pas du tout les
mêmes (bien qu'elles puissent s'allier) ; donc oublier la spécificité
des transgenres et entretenir des idées fausses sur les homosexuels.
Je maintiens : l'homosexualité n'a rien à voir avec une confusion
des genres (pas plus que la transsexualité, d'ailleurs), c'est au
contraire nier l'existence même de l'homosexualité que de la ramener à
une confusion des genres (le ni… ni… dont
parle Sylviane Agacinski) dans laquelle il n'y aurait plus
d'homosexualité ni d'hétérosexualité mais une pansexualité tout
simplement contraire à l'observation la plus immédiate. Et c'est
aussi ignorer la bisexualité (un oubli trop fréquent) que prétendre
qu'il y a un clivage fondamental entre l'hétérosexualité et
l'homosexualité.
Je ne prétends évidemment pas qu'il existe une séparation absolue
et infrangible entre les genres. D'abord, ce n'est pas parce que
j'insiste sur l'existence et l'importance de l'altérité sexuelle que
je nie pour autant le fait que nous ayons chacun en nous des
caractéristiques identifiables comme masculines et d'autres que l'on
pourrait qualifier de féminines. C'est d'une telle banalité que j'ai
presque honte à le dire ; mais parfois il faut défoncer les portes
ouvertes pour être sûr d'être parfaitement bien compris. Je ne
prétends nullement jouer au « macho », nier ou rejeter ma féminité en
affirmant distinctement que je suis un individu de sexe et de genre
masculin et en proclamant ma fierté quant à ma virilité, ni même en me
prétendant incapable de comprendre la femme ; je prétends en revanche
que cette féminité en moi n'a pas à voir avec mon homosexualité. Et
je prétends encore que si l'on passe de l'affirmation (banale et de
peu d'intérêt) « il y a du masculin et du féminin en chacun d'entre
nous » à « tout est en tout et réciproquement » on risque de sombrer
dans une eau de vinaigre intellectuelle qui ne mène à rien. S'il faut
une illustration, je propose plutôt cette très jolie phrase (que j'ai
d'ailleurs déjà citée) : I'm more man than you'll ever be and more woman than
you'll ever get.
Mais continuons à attaquer au bélier les rares portes ouvertes
encore intactes : il est évident qu'encore plus important que notre
genre est le fait que, femmes et hommes ensemble, nous soyons des
humains. Car la discrimination, toute discrimination, et
notamment celle fondée sur le sexe, vient non d'une exagération de la
différence entre les genres, mais de l'oubli simple de cette donnée vitale : notre genre est
masculin ou féminin peut-être, mais c'est aussi le genre
Homo (pun unintended, mais
assurément bienvenu). N'oublions pas non plus que nous sommes encore
d'autres choses. Par exemple : des mammifères ; cela peut paraître
très bête à dire, mais de notre identité mammalienne proviennent
certaines des fonctions « nobles » de notre cerveau, les émotions les
plus importantes (dont l'amour maternel) ; donc je le dis sans crainte
du ridicule, soyons fiers d'être des mammifères, voyons en les chats,
les chiens, les rats et les vaches nos cousins, et n'ayons pas peur de
dire que nous avons survécu là où les dinosaures ont péri.
Je laisse au lecteur le soin de trouver ce qui doit être tiré de notre
identité de primates, de vertébrés, et tout simplement d'êtres vivants
(et quelle importance doit être donnée à chacune).
Mes petits neurones lents ont enfin fait l'association d'idées que
je cherchais à trouver depuis un certain temps, maintenant, et m'ont
rappelé le titre du film que j'essayais de connecter avec
l'« affaire » Vincent Humbert, dont on parle beaucoup en ce moment (et
sur laquelle je ne dirai rien, parce que je ne saurais rien dire
d'intéressant qui n'ait déjà été dit quantité de fois) : c'est Johnny
Got His Gun (Johnny s'en va-t-en guerre). Un
film absolument insoutenable — je n'ai pas réussi à le regarder
jusqu'au bout — qui raconte l'histoire d'un soldat qui, touché
par un obus, a perdu ses jambes, ses bras, et sa face (yeux, oreilles,
nez et bouche), mais est resté vivant, et ne comprend la vérité que
progressivement, trouve un moyen de communiquer avec l'extérieur (en
morse en bougeant la tête, je crois) et demande qu'on lui donne la
mort. Le film est d'ailleurs basé sur un roman du même auteur.
J'ai beaucoup entendu parler de ce film, tant en bien qu'en mal.
Mes parents avaient énormément aimé Le Déclin de l'empire
américain en '86 (il est dommage qu'ils n'en aient pas
profité pour ressortir ce film-là), donc je trouve qu'il peut être
intéressant de voir la suite et de me faire ma propre idée.
Le « 1er salon européen gay et gay friendly » (dixerunt) s'installera à Paris Expo porte de
Versailles les 18 et 19 octobre 2003. J'ai vu quelques affiches. À
part ça, impossible de tirer quelque info que ce soit de leur site Web tout pourri tout
en flash et donc impossible à naviguer sans criser (ne serait-ce qu'à
cause de la lenteur de réaction). Je me suis toujours demandé ce
qu'on trouvait au juste à exposer dans un salon de foobar
pour toute valeur de foobar, et celui-là ne fait pas
exception.
Je déteste la flûte à bec quand elle est dans les mains d'un enfant
qui croit que c'est un jouet apparenté à un sifflet (mais c'est à
peine mieux s'il s'applique et qu'il ne connaît que quatre notes).
C'est un instrument qui porte incroyablement loin et fort, et qui est
vendu librement dans le commerce au lieu d'être soumis aux prix
prohibitifs de tous les autres instruments de musique, de sorte que
les parents ou les instituteurs trouvent bon de le mettre dans les
mains de ces horribles garnements.
Or voilà que ce matin
(enfin, soyons honnête : ce midi) le fils de mes voisins est sorti en
jouer sur la terrasse (dont j'ai déjà
noté que c'était l'endroit où l'isolation phonique est déplorable
entre chez eux et chez moi). J'ai eu droit à pas mal de répétitions
de toutes les permutations des quatre notes qu'il connaît, et aussi
beaucoup du jeu de « je bouge mes doigts n'importe comment sur la
flute en soufflant et je vois ce que ça produit comme son ». Plus
quelques disputes avec sa sœur qui voulait peut-être jouer elle
aussi.
C'est très gentil, les enfants, d'avoir pensé me faire un petit
concert, mais j'aurais préféré continuer à dormir. Bon, là, j'ai
décidé de me lever, pas tant parce qu'il était midi que parce que
j'aurais sans doute fait des rêves bizarres où des enfants de
huit-douze ans se font massacrer de toutes les façons possibles (mais
très sanglantes) par des vengeurs armés de flûtes.
Certains vont peut-être me demander pourquoi je n'utilise pas de boules quies ou autres protections
auditives en mousse. J'en ai, mais je trouve ça assez gênant, et
j'apprécierais peu d'être condamné à dormir chacune des nuits de ma
vie avec ces accessoires à cause des petits pénibles d'à côté qui une
fois par mois décident de m'emmerder.
Devrais-je écrire une lettre à mes voisins ? Passer les voir pour
m'expliquer ? Ou ignorer simplement la chose ?
I forgot, last Monday (Primidi 1er
Vendémiaire), to wish everyone a happy new year CCXII; and I
forgot, last Saturday (12.19.10.11.0 on the Long count, 4 Ahau 8 Chen,
rule of the Fourth Lord of the Night), to wish everyone a happy new
round of the Tzolkin; and I even forgot, Friday two weeks ago (Tut 1
and Maskaram 1), to wish you a happy new year 1720 and 1996;
but today it is not too late to wish everyone a happy new year 5764.
The nice thing about the totally crazy number of calendars that
mankind has come up with is that there's always some kind of new year
to celebrate (I'll let you figure out what they stand for; please
consult your local Emacs for more
details).
So, whatever your calendar, and whatever your culture, I wish you a
happy new year and a happy rest of your life.
On 2003-12-20 (December 20), I will be 10000 days old.
Please remind me if I forget.
[Traduction française ci-dessous.] It seems that we
(“we” being the opponents to the patentability of
programming techniques and software concepts) have scored, against all
odds, an important
point in Wednesday's European parliament session. Do not cry
victory too soon, though! This is only a first reading,
and it remains to be seen whether the parliament and the European
Council can agree on a common text. But, for the first time in
decades, it seems that all is not dark for those of us who oppose
systematic and thoughtless reinforcement of so-called
“intellectual property” rights.
[French
translation of the above.] Il semble que nous (« nous » étant
les opposants à la brevetabilité des techniques de programmation et
concepts logiciels) ayons marqué, contre toute attente, un point important
lors de la séance du parlement européen de mercredi. Ne criez pas
victoire trop vite, cependant ! Ce n'est qu'une première
lecture, et il reste à voir si le parlement et le Conseil européen
peuvent se mettre d'accord sur un texte commun. Mais, pour la
première fois depuis des décennies, on dirait que tout n'est pas noir
poru ceux d'entre nous qui s'opposent à un renforcement systématique
et irréfléchi des dénommés droits de « propriété intellectuelle ».
Une émission très intéressante à l'instant sur France 5 consacrée au divorce. Je
n'imaginais pas que ce n'était qu'en 1975 que le divorce par
consentement mutuel avait enfin été réintroduit en France (avant
n'existait, et depuis 1884, que le divorce pour faute), dans la foulée
de la loi Veil [et pas Weil, bien sûr ! merci Chrodegang] sur
l'interruption volontaire de grossesse : même si le président d'alors
(Valéry Giscard d'Estaing) n'a plus trop la cote actuellement (et je
m'abstiendrai de dire quoi que ce soit sur son Premier
ministre d'alors, qui a en tout cas fait preuve d'une belle
longévité politique), il faut au moins lui savoir gré d'avoir reconnu
la nécessité de faire enfin adopter des lois indispensables pour
refléter l'évolution des mœurs et des mentalités.
Certaines mesures provoquent une très vive polémique au moment du
débat parlementaire, et sont, quelques années plus tard, reconnues à
peu près universellement comme des acquis sociaux indéniables et
irrévocables ; un demi-siècle plus tôt ils pouvaient paraître
absolument inimaginables. C'est sans doute ça que l'on appelle le
progrès (social) : le législateur le précède-t-il ou le suit-il ? je
l'ignore, mais certainement il doit l'accompagner.
J'aimerais avoir un tableau récapitulant, pour les grands pays du
monde, les dates des principales mesures ponctuant cette marche vers
le progrès : liberté de la presse, liberté d'association, abolition de
l'esclavage, fin des discriminations raciales (du moins de jure ! pour le de facto, je
crois qu'on attend encore), égalité entre hommes et femmes (notamment
pour le droit de vote), séparation de l'Église et de l'État,
dépénalisation de l'avortement, abolition de la peine de mort, etc.
Et il serait intéressant d'attribuer un « score de progrès » aux
différents pays comparés, sur la base des dates de ces mesures (avec,
bien sûr, une pénalité pour celles qui restent à accomplir).
Cela soulève aussi l'évidente question : si nous pouvons voir les
marches qui sont derrière nous, quelles sont les prochaines que nous
devons gravir ? Et, dans un demi-siècle (si le destin nous prête
vie), nous qui nous croyons maintenant Éclairés, aurons-nous encore la
clairvoyance de reconnaître le progrès où il sera ? ou au contraire
serons-nous dépassés par la nouveauté comme l'ont été certains grands
esprits, prêts à accompagner le progrès jusqu'à un certain
point seulement ?
c'est vrai que y'en a qui ne doute de rien. moi je suis plutôt
très difficile sur le physique des garçons, je ne sors qu'avec des
mecs que je juge mignon, bon un soir, bourré, dans le noir je peux me
laisser surprendre, mais ça ne dépassera pas la soirée et on ne
couchera jamais ensemble. même très moches ils ne doutent de rien,
les dents jaunes (mais il pense vraiment que je vais mettre ma langue
là dedans ?! serieux, il le crois ?!), la calvitie naissante, une peau
blanche et grasse qui permet de compter chaque pore, le corps flasque
et bedonnant, j'ai tout connu et parfois tout en même temps.
parfois je me dis que je ne devrais pas m'arrêter au physique de la
personne, idéalement c'est ce que je voudrais, pouvoir dépasser
ça… mais une fois au lit, c'est très concret et il faut pouvoir
s'emballer un peu sur la personne (surtout moi qui a déjà du mal à
m'emballer avec des bombes, alors avec des thons).
Mais je ne sortirais jamais (sur la durée) avec un mec qui est
juste beau, il faut qu'il me touche (c'est malheureusement rare) par
son intelligence et sa sensibilité (ça aussi j'ai bcp connu, les mecs
mignons mais très cons).
— ce qui me donne envie de réagir, mais je ne suis pas sûr de
savoir comment. (Mais je précise bien que ce
n'est pas pour marquer un total désaccord.)
Je sais que je suis très influencé par la beauté physique. Je n'ai
jamais réussi à déterminer si, au juste, j'étais « exigeant » ou pas,
ni dans quelle mesure mes goûts étaient banals, mais ce qui est
certain est que l'apparance physique conditionne assez largement mon
comportement à l'égard d'une personne, et que j'en suis complètement
conscient. On a beau dire, même l'amitié n'est pas entièrement
détachée de ces considérations : il y a, tout simplement, des têtes
qui ne me « reviennent pas », et j'ai énormément de mal à dépasser ce
jugement (et je ne pense pas être seul dans ce cas). Quant au fait de
coucher, euh, j'ai un peu oublié ce que ça signifie (ça fait trop
longtemps que je n'ai pas pu réviser), mais je crois à peu près clair
que mes critères sont uniquement d'ordre physique ; enfin,
malheureusement pour moi, je n'ai jamais couché avec un garçon que je
trouvasse joli, donc, en fait, je ne peux pas vraiment parler de
critères.
Ce qui m'amuse, c'est de voir que certains (en tout cas Bradshaw,
ci-dessus : parfois je me dis que je ne devrais pas) s'en
excuseraient presque. Il traîne dans certains cerveaux le mème que je pourrais résumer
ainsi : l'apparence physique n'est pas ce qui compte chez une
personne, ce qui importe est quelque chose de bien plus profond, et il
est injuste de refuser d'aimer quelqu'un parce que son apparence n'est
pas la plus belle, sans voir sa beauté intérieure ; je peux
illustrer cette idée par l'histoire de La Belle et la
Bête, par exemple, ou de Notre-Dame de Paris, ou
par une certaine phrase tirée du Petit Prince de
Saint-Exupéry (concernant le cœur et les yeux) que je ne
reproduirai pas ici parce qu'on l'a trop entendue. Or je souhaite
souligner la profonde absurdité de ce mème. Certes, ce n'est
pas la faute de Pierre s'il est laid, mais ce n'est pas non plus sa
faute s'il est stupide, s'il est colérique, s'il est dépressif, comme
ce n'est pas sa faute s'il est pauvre ou malade. Il n'y a pas plus de
justice ou de logique à aimer les hommes intelligents et bons qu'à
aimer les beaux ou les riches. Mais une certaine conception du
dualisme cartésien, donnant à la res cogitans (la
pensée, l'apanage de l'humain) la supériorité sur la res extensa (la matérialité, le corps), nous pousse
à avilir la beauté, perçue comme quelque chose de « superficiel » (or
la beauté, comme l'intelligence, ne sont que des manifestations d'un
certainement ordonnancement de nos cellules à tel ou tel endroit, sur
lequel nous pouvons plus ou moins agir).
La notion de justice n'a rien à faire dans le cadre des relations
affectives : il n'est pas notre devoir de réparer les inégalités du
monde ! cela peut parfois être à notre honneur, mais dans ce
domaine-là c'est plutôt douteux. Vais-je me plaindre, moi, qu'Untel
m'a été injuste parce qu'il n'a pas répondu à mon amour (et il y en a
des quantités) ? Ce serait crétin. En introduisant cette idée nous
introduisons aussi un sentiment de culpabilité qui ne sert personne et
blesse inutilement ceux qui voient un écart entre leurs sentiments et
ce qu'ils voudraient qu'ils fussent.
En bref : déculpabilisons ceux qui croient que la beauté est
quelque chose de futile à aimer. Je ne dis pas qu'il faut la vénérer,
ou se moquer de ceux qui prétendent aimer Cyrano pour son esprit, je
dis juste que ces derniers n'ont pas à se croire plus nobles que ceux
qui préfèrent Christian pour sa beauté. Ce n'est pas par de pieuses
résolutions ou des considérations morales douteuses que nous
renverserons nos critères d'affinité, qui sont profondément personnels
et n'ont pas à être jugés ou examinés par la raison.
Évidemment, je compatis avec ceux qui, défigurés (par exemple), se
sentent exclus de l'amour de tous pour une raison dont ils ne sont
nullement responsables. Au moins peuvent-ils se dire que la beauté
des autres, qui les rend jaloux, ne durera pas, elle est chose
beaucoup plus éphémère que la bonté d'âme qui rend jaloux ceux qui se
sentent exclus parce qu'ils sont méchants, lesquels sont finalement
plus malheureux, sans doute. Je pourrais aussi parler de ceux qui se
sentent exclus sans être défigurés ni méchants et qui se demandent
encore pourquoi. Écrivez un 'blog,
ça ne résoudra pas vos problèmes mais ça vous permettra de perdre
autrement le temps que vous ne passez pas entre les bras d'un joli
garçon / d'une jolie fille.
Bradshaw écrit encore :
quand je me retrouve avec un mec dont l'apparence empêche la
naissance de toute éventualité d'une relation, il faut jouer serré :
si le mec est sympa, et pas trop con, je prends un air enjoué et je
parle. bcp. surtout éviter de relever la moindre de ses allusions
vaguement sexuelles, changer de sujet, ne pas y faire attention, se
tenir à distance toujours raisonnable pour parer à toute attaque
frontale, désexualiser la conversation, éviter tous propos qui
pourraient être mal interprêtés, ne pas minauder (essayer), si le mec
fait un compliment dire merci et passer à autre chose, ne pas faire
trop durer les choses (le temps consacré peut apparaîte comme un signe
d'intérêt)…
— et là je suis mort de rire de reconnaître exactement la
manière dont certains agissent avec moi.
Je rajoute enfin que j'apprécie beaucoup plus la flatterie quand on
me dit que je suis beau (ce qui arrive fort rarement,
d'ailleurs ) que quand on me dit que je suis intelligent
(ce qui a le don de m'agacer prodigieusement, même) ; et si on veut me
flatter en ne me disant ni l'un ni l'autre, le mieux est de dire que
je suis gentil (ou drôle, ou que sais-je encore). Certes, la
flatterie ne vous mènera à rien avec moi (et je ne vous croirai pas
une seule seconde, quoi que vous disiez), mais, surtout, que ça ne
vous empêche pas d'essayer !
Je donne immédiatement mon choix de trois livres, établi au prix
d'immenses déchirements : L'Aleph de Jorge Luis Borges,
La Guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux et
Les Trophées de José Maria de Heredia. Un choix
terriblement difficile à faire, comme je viens de le dire, mais que je
tente de justifier un minimum :
L'Aleph (El Aleph) de
Jorge Luis Borges, à cause de plusieurs des nouvelles qu'il contient
(essentiellement L'Immortel, Le Mort,
L'Écriture du Dieu et la nouvelle éponyme pour le
recueil, L'Aleph). Évidemment, il est difficile de juger
un recueil : il y a certaines nouvelles de Fictions
(Ficciones) que je peux préférer, mais je
crois qu'elles sont moins nombreuses. J'ai du mal à décrire ce
qu'éveillent en moi les nouvelles de Borges, c'est surtout une
satisfaction intellectuelle devant leur construction parfaite, je
pense, même si l'émotion n'est souvent pas absente ; en tout cas je
suis fréquemment émerveillé de voir avec quelle précision l'auteur
semble précéder mes propres cheminements mentaux, à tel point que je
pense parfois qu'il m'est inutile d'écrire quoi que ce soit car Borges
a tout écrit à ma place et infiniment mieux que moi.
La Guerre de Troie n'aura pas lieu de Giraudoux est à
mon avis tout simplement la pièce la plus parfaite jamais écrite. Je
sais que son propre auteur n'aurait pas été de cet avis (il n'aimait
pas tant cette œuvre). Mais je n'ai jamais ailleurs rencontré
un mélange aussi parfait de l'humour et de la gravité : ce n'est pas
une simple juxtaposition — l'humour est dans la gravité
et inversement. Chaque scène, chaque conversation est à la fois si
drôle et si profonde que j'ai envie de toutes les qualifier de kōanZen.
Les Trophées de José-Maria de Heredia sont dans mon
esprit l'expression la plus parfaite de la beauté de la langue
française. Je sais que j'ai des goûts très académiques (pour ne pas
dire positivement poussérieux), mais je me refuse à en rougir.
L'alexandrin de Heredia m'enchante par sa majesté solennelle. J'ai
d'ailleurs fait un effort important de saisie d'une bonne partie du texte des
Trophées.
Voici maintenant, pour prolonger cette liste même si le seul choix
de trois sera « pris en compte », ceux que j'ai écartés avec le plus
de regret (listés à peu près en vrac) :
Jonathan Livingstone le goéland (Jonathan Livingston Seagull) et/ou
Illusions : Le Messie récalcitrant (Illusions: the Adventures of a Reluctant Messiah)
de Richard Bach. Ces livres ont eu la plus profonde influence sur moi
et sur ma philosophie personnelle (même si je n'aime pas trop ce
terme). Disons qu'ils m'ont aidé à construire mon regard sur le
monde. Je ne les ai pas mis dans mon choix de trois parce qu'il
aurait fallu choisir entre eux, d'une part, et d'autre part à cause de
quelques légers reproches que je peux néanmoins leur faire (comme
celui de laisser transparaître un certain théisme en filigrane qui est
pourtant entièrement superflu à la philosophie exposée).
Le Hasard et la Nécessité (Essai sur la philosophie
naturelle de la biologie moderne) de Jacques Monod, un essai
qui a également eu la plus profonde influence sur ma philosophie
personnelle (on peut dire que c'est la lecture de ce livre qui a été
un des éléments pour moi les plus déterminants dans l'affirmation de
mon athéisme).
Les Villes invisibles (Le Città
invisibili) et/ou Si par une nuit d'hiver un
voyageur (Se una notte d'inverno un
viaggiatore) d'Italo Calvino. Deux livres sans grand rapport à
part leur auteur, que je regroupe parce que j'aurais aussi eu du mal à
choisir entre eux. J'ai déjà parlé
ici du second, qui est en quelque sorte un roman de tous les
romans ; quant au premier, il est d'une poésie (mais une poésie plus
dans les idées que dans la langue) et d'une beauté très rares.
Bug-Jargal de Victor Hugo — son premier roman,
peu connu, écrit quand l'auteur n'avait que seize ans. Certains
diront que c'est une histoire maladroite qui prouve que l'auteur
n'était pas encore bien mûr, mais je trouve au contraire qu'elle est
d'une force inouïe, et qu'elle dégage une émotion aussi forte, sinon
plus, que ce qu'il a composé par la suite (même si la réflexion
politique, elle, par exemple, n'a rien de comparable avec ce qu'on
peut trouver, disons, dans Les Misérables, mais ce n'est
pas ici le propos), sauf peut-être Hernani. En tout cas
j'en ai été bouleversé quand j'ai lu ce roman.
Seconde Fondation (Second
Foundation) d'Isaac Asimov — mais je pourrais en citer
quantité d'autres du même auteur. Je me sens très proche d'Asimov du
point de vue éthique, si j'ose dire, et j'aime énormément la
bienveillance qui ressort clairement de la lecture de ses
histoires. Mais Seconde Foundation est aussi sans doute
le livre ayant l'histoire la plus intelligemment construite que j'aie
jamais lu, l'œuvre d'un véritable génie combinatoire.
Gödel, Escher, Bach, ou peut-être Les Vues de
l'esprit (The Mind's I), de Douglas
R. Hofstadter (et Daniel C. Dennett pour le second ouvrage cité), des
livres qui ont profondément marqué toute ma façon de penser.
Le Guide du routard galactique (The Hitch-Hiker's Guide to the Galaxy) de Douglas
Adams (et les deux premiers des quatre ou cinq volumes qui suivent).
Tout simplement le livre le plus drôle de l'Univers.
J'ai encore omis Bérénice de Jean Racine, une pièce
qui me frappe par sa pureté et sa simplicité tant dans son intrigue
que dans l'incroyable langue de Racine donc chaque vers est un bijou
de force et de concision. Mais je ne mets pas la pièce dans ma liste
de trois tout simplement car c'est un trop grand classique :
si j'ouvre la porte dans cette voie-là, je devrais sans doute rajouter
le Songe d'une nuit d'été (Midsummer
Night's Dream) de Shakespeare, le Faust de Goethe,
et en fait une telle quantité d'œuvres que je ne laisse plus
aucune chance à quiconque (qui osera se comparer à Homère, Virgile,
Dante, Shakespeare, Racine et Goethe réunis ? choisir trois livres
n'aurait plus aucun sens).
Nathan le sage (Nathan der
Weise) de Gottlob Gotthold Lessing, une pièce d'une grande beauté, à la
fois drôle et optimiste.
Les contes d'Oscar Wilde (je ne sais pas bien comment ils sont
regroupés — mais je pense notamment à The Happy
Prince), tellement beaux et touchants.
Bilbo le Hobbit (The
Hobbit) de J. R. R. Tolkien. Que, finalement, je préfère au
Seigneur des Anneaux à cause de son charme et de sa
légèreté enfantins.
— mais je m'arrête là : je n'ai pas l'intention de faire une
liste complète des livres qui m'ont plu, ce serait un peu longuet. Et
sinon, où que je mette la limite, il y aura des déchirements : voilà
juste ce à quoi je pensais sur le moment parmi mes livres préférés, et
je suis sûr que j'en ai oublié de très importants.
Merci à McM pour
avoir signalé cette opération BiblioBlog.
Comme je l'ai dit, le projet
professionnel est un module d'enseignement que j'ai pris cette
année et que je ne connaissais pas encore. Les étudiants doivent
effectuer un travail de recherche documentaire sur un métier qu'ils
envisagent, pour arriver à la fin du semestre à une soutenance orale
(par équipe formée de choix de métiers proches) et un rapport écrit
(individuel) : notre tâche (à deux enseignants pour un groupe) est
juste d'encadrer et d'animer les TD (et de juger rapport
et présentation finaux).
La première séance était aujourd'hui. C'était un peu déroutant, je
n'étais pas trop sûr de savoir comment orienter ou assister les
étudiants dans leurs réflexions — j'ai eu l'impression d'être
passablement inutile ; heureusement, ma binôme d'enseignement est une
habituée de ce module. Déroutante aussi la variété de choix et de
précision des idées des étudiants : l'un veut devenir prêtre ou moine
(et doit constituer une équipe seul, parce qu'aucun thème proche n'est
apparu), un autre chercheur spécialisé dans la démystification du
paranormal, d'autres encore ont du mal à voir plus clairement que le
fait de chercher dans l'“informatique”, certains enfin
forment une équipe sur “vétérinaire en zoo”…
Ambiance générale assez surréaliste !
Peut-être aussi un peu déstabilisant le fait de retrouver dans le
groupe un des nouveaux avec qui j'avais bavardé lors du buffet
d'accueil de rentrée de l'association des étudiants homos de la
fac jeudi dernier ; enfin, il n'a pas laissé transparaître la
moindre réaction (bon, je n'en dirai pas plus, je ne vais pas
l'outer non plus).
Sur la liste des étudiants de mon groupe de TD, il y a
une seule fille : et elle ne vient pas. OK, le
DEUG MIAS est très
majoritairement masculin, mais les années précédentes j'avais quand
même autour de 5% ou 10% de filles.
Il faudra que je voie combien il y en a sur l'ensemble de la
section.
Major announcement:
portable OpenSSH
versions 3.7p1 and 3.7.1p1 contain a vulnerability (potential remote
root exploit) due to an error in PAM library management
code; version 3.7.1p2 fixes this problem. So I go through all the
Unix machines I administrate and, for each one, upgrade the
OpenSSH to one that does not have the problem.
Je crois qu'il ne s'est
pas trop mal passé. C'est un peu difficile à juger, parce que les
étudiants ne réagissent que très peu en apparence (mais ils n'en
pensent pas moins) : s'il est vrai que tout se joue lors de la
première séance, ce n'est qu'après quelques semaines qu'on apprend
comment les choses se sont vraiment jouées. Les principaux risques :
passer pour un chieur, passer pour un incapable, passer pour un
guignol. J'ai l'impression de les avoir évités, mais ce n'est pas
certain non plus (surtout pour le dernier). Je remets ça demain, de
toute façon (horriblement tôt ! je couche chez mes parents à Orsay
cette nuit), nous verrons ce que donne le deuxième contact.
I have just received from Amazon.com my copy
of the Unicode standard,
version 4.0. For those who do not know what this is, the Unicode
standard is, in a nutshell, a computer standard that seeks to provide
a uniform encoding (computer representation) for all human scripts,
past and present—an infinite job, of course, that will never be
complete, but which is nevertheless proceeding at its own pace.
Unicode is what permits any well-conceived computer file format, for
example any HTML page, to contain characters, even mixed,
from an incredible variety of alphabets and scripts; you can test your
system's Unicode conformance (browser and scripts) by viewing this Unicode test page, which
gives a small sample of Unicode from a few different scripts, together
with images of what they should look like. Before Unicode, it was
certainly possible to write an HTML page, say, in
Japanese, or in Hindi, but it was impossible to write one that
contained both Japanese and Hindi (in the same
file).
But this Standard, and, beyond the standard itself, the 1500-pages
printed form of the standard—the book I just bought—is
truly amazing. This is a book about Writing (with a capital
‘W’), a beautiful one, and, turning its pages, one
discovers many an elegant and artistic script, whose very existence
had sometimes gone unsuspected (I had certainly never heard
of Shavian until I learned about it
from Unicode; actually, I hadn't even heard of Yi either, which is
less forgivable). Have you ever beheld the strange serpent-like signs
of Syriac? The graceful curves of Gujarati? The strange loops of
Georgian? The treelike glyphs of Ethiopic? The deceptively simple
Cherokee? The mysterious pictures of Linear B ? If not, you should
have a look at the Standard (all of whose pages can be found in
PDF format on the Unicode Web site).
The Unicode standard is one of Man's dreams: one standard to rule
all scripts. It is also an endless pursuit: version 3.0 of the
Standard (which I had also bought in printed form) already contained
27496 Chinese ideograms (simplified and unsimplified alike), and
version 3.1 added another 42711 to these, making a total of
70207—probably the single largest collection of Chinese
ideograms ever compiled, more than any dictionary ever published, or
any collection of printer's glyphs; and rest assured that more
ideograms will yet be found and added to the Standard.
But there are also important omissions in Unicode. The largest and
most remarkable one is probably that of Egyptian hieroglyphic: it will
certainly take years of work before a decent repertoire of glyphs for
Egyptian can be added to the standard, even as a start. (I look
forward to the day when I can quote the Book of the Dead
in the original in my Web pages—and have it display correctly
everywhere!) Unicode guru Michael
Everson has written a very interesting note, Leaks in the Unicode
Pipeline: Script, Script, Script…, on some of the
scripts that remain to be encoded and how difficult it will be to
include them someday. Well, good luck with this heroic task!
(lundi) · Nouvel an républicain (1er Vendémiaire an CCXII)
Demain, nous serons en automne
L'équinoxe d'automne, c'est demain, mais l'heure à laquelle il se
produit n'est pas entièrement claire : voici une copie d'un email que
j'ai envoyé à Pierre Bretagnon de l'Institut de mécanique céleste et de calcul
des ephémérides, et qui peut intéresser les astronomes de
service—
Date: Sat, 20 Sep 2003 16:48:02 +0200
From: David Madore <davidmadoreensfr>
To: Pierre Bretagnon <pierreimccefr>
Subject: instant de l'équinoxe
Message-ID: <20030920164802.A14194@clipper.ens.fr>
User-Agent: Mutt/1.2.5.1i
Content-Length: 1913
Lines: 41
Bonjour,
Je me permets de vous contacter parce que j'ai vu votre nom associé à
plusieurs théories planétaires et de rotation de la Terre, donc vous
êtes sans doute la personne la plus compétente pour répondre à ma
question. Je précise que je suis pour ma part thésard en maths pures
(en géométrie algébrique) et intéressé par la mécanique céleste à
titre de hobby.
En une phrase, ma question est : quelle est la définition précise de
l'équinoxe (d'automne, en l'occurrence, parce que c'est celui qui
arrive dans trois jours) ?
Naïvement, j'aurais dit, c'est l'instant où le soleil vrai arrive à
l'ascension droite de 12 heures et déclinaison de 0 degrés mesurés par
rapport à l'équinoxe vrai de la date, ces deux événements étant
simultanés par définition du système de coordonnées. Mais j'ai
consulté le serveur d'éphémérides sur le site du Bureau des
Longitudes, et j'y apprends avec une petite dichotomie que le soleil
aura l'ascension droite de 12 heures mesurée par rapport à l'équinoxe
vrai de la date à 2003-09-23T10:46:45.10Z UTC tandis qu'il aura la
déclinaison nulle à 2003-09-23T10:47:11.12Z UTC. Cela fait une
différence de 26 secondes, ce qui n'est pas du tout négligeable. J'ai
pu croire à une imprécision des théories planétaires, mais la
différence entre VSOP et DE406 n'est que de 600 ou 700 millisecondes,
donc j'imagine que je peux attendre une précision en-dessous de la
seconde de temps pour le calcul de l'événement en question.
Donc : pourriez-vous m'expliquer à quoi est dû cet écart ? Et,
globalement, si vous deviez dater l'équinoxe à la seconde près, que
répondriez-vous ?
J'espère ne pas abuser de votre temps en vous demandant cela, et je
vous remercie d'avance de votre attention.
Note : On m'a fait savoir que Pierre Bretagnon
était décédé depuis environ un an quand je lui ai envoyé ce mail, ce
qui explique qu'il n'y ait jamais répondu. Toujours est-il que je
n'ai pas trouvé la réponse à ma question.
Ajout : Je recopie ici ce que j'ai écrit en
commentaires sur ce que je crois avoir compris sur la
définition de l'écliptique et de l'équinoxe vrais et moyens :
Pour commencer, l'écliptique n'est pas « le plan de l'orbite
terrestre » puisque l'orbite terrestre n'est pas plane, et de toute
façon ce serait plutôt l'orbite du barycentre Terre-Lune
(EMB) qu'il faudrait
prendre ; mais ce n'est même pas « le plan osculateur de l'orbite de
l'EMB » (plan qui contiendrait l'EMB, sa
vitesse instantanée, et son accélération instantanée, et dont il n'y a
aucune raison qu'il contienne le Soleil, c'est clair).
En fait, l'écliptique, c'est (au moins en négligeant les effets
relativistes qui viennent encore compliquer les choses) le plan (ou
plutôt la direction de plan) perpendiculaire au moment cinétique de
l'EMB dans son mouvement héliocentrique (le moment
cinétique du mouvement héliocentrique de l'EMB, c'est le
moment cinétique héliocentrique du système Terre+Lune moins le moment
cinétique interne du couple Terre+Lune par rapport à son barycentre).
C'est-à-dire que c'est le plan contenant le Soleil,
l'EMB, et la vitesse instantanée de l'EMB.
Ce plan (qui n'est pas osculateur) contient donc toujours le (centre
du) Soleil, du moins si on le rapporte à l'EMB, mais plus
si on le rapporte à la Terre, évidemment.
Sauf que ça c'est l'écliptique vrai, et personne n'utilise
l'écliptique vrai. À la place, on utilise l'écliptique moyen, qui est
défini comme perpendiculaire au moment cinétique moyen de
l'EMB, « moyen » signifiant qu'on a retranché, dans une
théorie analytique à variation séculaire, les termes dépendant des
longitudes moyennes des planètes et des arguments de la Lune (dans un
référentiel inertiel, si on cherche à définir l'écliptique moyen
inertiel, parce qu'il y a aussi un écliptique moyen rotationnel, mais
passons).
Le piège dans lequel je suis tombé, c'est que quand on parle
d'« équinoxe vrai », il s'agit de l'intersection de l'équateur vrai
(chose qu'il faudrait définir, et ce n'est pas évident non plus, ce
n'est ni le plan perpendiculaire à l'axe instantané de rotation ni le
plan perpendiculaire à l'axe du moment cinétique ni le plan
perpendiculaire à l'axe principal d'inertie, mais ce n'est pas le
point ici) et de l'écliptique moyen. Or j'ai cru qu'une
grandeur « vraie » serait définie par rapport à deux grandeurs
« vraies » : ce qui était naïf de ma part (justement, personne
n'utilise l'écliptique vrai comme plan de référence).
Mais bon, en fin de compte, il est assez clair que la bonne chose à
prendre en compte est l'ascension droite du Soleil (et c'est ce que
j'ai fait), mesurée dans le plan de l'équateur vrai et par rapport à
l'équinoxe vrai.
De plus, je crois que les constellations astrologiques se
définissent selon la longitude écliptique géocentrique vraie des
astres (regroupée de 30° en 30°) mesurée sur l'écliptique inertiel
moyen de la date avec pour référence le nœud de l'équateur moyen de la
date sur ce dernier (le nœud en question définissant la tête du
Bélier).
(lundi) · Nouvel an républicain (1er Vendémiaire an CCXII)
Demain, mon devoir m'appelle
Demain je commence mes TD en
DEUG MIAS à Orsay pour cette année.
J'enseignerai, ce semestre, de 10h45 à 12h45 le mardi, et de 8h30 à
11h30 le mercredi. S'il y a des gens qui veulent se glisser dans
l'assistance (les cours des Universités françaises sont publics, que
je sache), c'est en salle 100 du bâtiment 336 le mardi, et en salle 2
du bâtiment 236 le mercredi. J'aurai aussi certaines semaines (dont
celle-ci) une charge supplémentaire le mercredi après-midi : le projet
professionnel, qui consiste plus en un travail d'encadrement (en
binôme) que d'enseignement.
Bien que ce soit la quatrième année que je reprenne le même
programme (à l'exception du projet professionnel, comme je viens de le
dire), je me sens toujours assez nerveux pour le premier
TD, car c'est au cours de cette première prise de contact
que se détermine essentiellement l'ambiance de toute l'année. En
2000–2001, l'ambiance avait été très bonne et très agréable, le
courant passant bien entre moi et les étudiants, et en 2002–2003
également (peut-être un peu plus studieuse et un peu moins
conviviale) ; en revanche, en 2001–2002, sans que je sache au
juste pourquoi, le climat avait été beaucoup moins plaisant, un
certain nombre d'étudiants s'étant mis en tête de me faire ch***, et
même s'ils n'avaient pas vraiment réussi (je les ignorais largement),
ils avaient pas mal gâché le semestre de tout le monde. Cette
année-ci, le groupe sera nettement plus réduit, et la part de
redoublants très importante. Nous verrons bien ce que cela
donnera.
Time for a little introspection: what is my purpose in 'blogging?
Certainly I enjoy talking about
myself, but it runs deeper than just this. Here's one possible
reason.
Have you ever played a video game where you could save the game at
any point—and be sure you could come back to it later? Felt
that very special relief, not so much that you had defeated the ugly
monster, but that you had saved the game afterward? Or simply
(outside the narrow world of video games) felt relieved, after making
important work on a computer, that you had not only saved it, but
saved it in a secure place, made a backup, or whatever?
Unfortunately, there is no such thing in real life. Sure, one can
get an insurance for something one cares for (even for one's own
life!), but there is nothing like the particular bliss of cyberlife
where one can make a perfect copy of anything to serve as
backup, and store it in security.
Somehow—please don't laugh—'blogging seems to be a
substitute of a kind. I may not be able to back up my life in
security, but at least I can save some of my memes (see outset below), by
propagating them in other people's brains. You, for example.
And indeed I feel, after having written some of this 'blog's entries,
much as if I had “saved” something of myself.
This is the sort of Sehnsucht nach Ewigkeit
(“longing for eternity”) that drives mankind's greatest
artists or thinkers, aspiring for immortality, to leave their name on
their works for future times to remember. But it is not the sole
privilege of the greatest and highest to propagate their memes: though
my name be engraved in no such marble, I can still hope for some of
the ideas that have flowed through me (I say not come from me,
merely flowed through) to become somehow, someday, a
significant part of the noosphere.
Ridiculous? Perhaps—but quite common. Such is exactly the
frame of mind of people who wish for their children or descendants a
life that they could not have for themselves, or those who think it
important for someone to “continue their name”. There are
good chances that I won't have any biological children (and I
certainly won't have nephews or nieces, so the closest thing I have
to descendants are a couple of cousins' children who share some of my
genes). But my brainchildren might beget brainchildren of their own,
and so on—crescite et multiplicamini: these
are my real descendants.
In short, what I am doing now is this: fertilizing your
brain. Thank you for your kind assistance.
[French translation of the above.]
C'est le moment d'une petite introspection : quel est mon but en
écrivant ce 'blog ? Certainement j'apprécie de parler de moi, mais cela court plus
profondément. Voici une raison possible.
Avez-vous déjà joué un jeu vidéo où vous pouviez sauvegarder la
partie à n'importe quel point — et être sûr de pouvoir y revenir
plus tard ? Et éprouvé ce soulagement très particulier, non tant
d'avoir triomphé du vilain monstre, mais d'avoir sauvé la partie
ensuite ? Ou simplement (hors du monde étroit des jeux vidéo) vous
êtes senti soulagé, après avoir fait un travail important sur
ordinateur, de l'avoir non seulement sauvé, mais sauvé en un endroit
sûr, fait une copie de sauvegarde, que sais-je ?
Malheureusement, il n'y a rien de tel dans la vie réelle.
Assurément, on peut souscrire à une assurance pour quelque chose à
quoi on tient (même pour sa propre vie !), mais ce n'est rien comme la
sérénité particulière de la cybervie où l'on peut faire une copie
parfaite de n'importe quoi pour servir de sauvegarde, et la
stocker en sécurité.
D'une façon ou d'une autre — ne riez pas — 'blogger
m'en semble une sorte d'ersatz. Je ne peux certes pas faire une copie
de sauvegarde de ma vie en sécurité, mais au moins je peux sauver
certains de mes mèmes (voir
l'encadré ci-dessous), en les propageant dans le cerveau d'autres
personnes. Vous, par exemple. Et je me sens en effet, après
avoir écrit certaines des entrées de ce 'blog, comme si j'avais
« sauvé » une partie de moi-même.
C'est la sorte de Sehnsucht nach Ewigkeit
(« poursuite de l'éternité ») qui guide les plus grands artistes et
penseurs de l'humanité, aspirant à l'immortalité, à laisser leur nom
sur leurs œuvres pour que les temps à venir se les rappellent.
Mais ce n'est pas le privilège exclusif des plus grands et plus hauts
de propager leurs mèmes : quoique mon nom ne soit engravé en aucune
sorte de marbre, je peux cependant espérer que quelques-unes des idées
qui ont coulé par moi (je ne dis pas venues de moi mais
seulement coulé par moi) deviennent un jour, d'une façon ou
d'une autre, une partie significative de la noosphère.
Ridicule ? Peut-être — mais fort commun. Tel est exactement
le cadre d'esprit des gens qui veulent pour leurs enfants ou
descendants une vie qu'ils n'ont pas pu avoir pour eux-mêmes, ou ceux
qui croient important que quelqu'un « continue leur nom ». Il y a de
bonnes chances pour que je n'aie pas d'enfants biologiques (et
certainement je n'aurai pas de neveux ou nièces, de sorte que le plus
près que j'aie en matière de descendants sont quelques petits-cousins
qui partagent certains de mes gènes). Mais mes enfants de l'esprit
pourraient engendrer d'autres enfants de l'esprit, et ainsi de suite
— crescite et multiplicamini : ceux-là sont
mes vrais descendants.
En bref, ce que je fais maintenant est ceci : fertiliser votre
cerveau. Merci de votre aimable coopération.
The word “meme”, which parallels “gene”,
was invented by the English biologist Richard Dawkins in his
celebrated book The Selfish Gene (1976). In a nutshell,
memes are to ideas what genes are to living
creatures: the elementary building blocks from which ideas are made.
And much the same way as the biosphere is a struggle in which
the fight for survival of the fittest individuals, competing for food,
selects the genes most capable of ensuring their own reproduction,
while random mutations continuously produce new genes from old ones,
much in the same way, the noosphere (the world of thoughts)
is a struggle in which the fight for survival of the fittest ideas,
competing for brain space, selects the memes most capable of ensuring
their own reproduction, while random variations continuously produce
new memes from old ones.
This concept can also be traced, for example, in the work of the
French philosopher Alain, who had already noted that human tools
follow an evolutionary process very similar to that which Darwin
pictures as the origin of species: craftsmen tend to reproduce prior
tools as faithfully as possible, but slight changes always happen,
willy-nilly, and the best tools are more successful and tend to be
copied more often. So even if no individual craftsman is creative in
his work or shows any ingenuity in improving existing tools,
civilizations tend to develop better objects over the course of
generations.
[French translation of the above.]
Le mot « mème », qui fait parallèle à « gène », a été inventé par
le biologiste anglais Richard Dawkins dans son célèbre livre The Selfish Gene (1976). En bref, les
mèmes sont aux idées ce que les gènes sont aux
créatures vivantes : les blocs élémentaires de construction à partir
desquels les idées sont faites. Et de la même manière que la
biosphère est une lutte dans laquelle le combat pour la
survie des individus les plus aptes, en concurrence pour la
nourriture, sélectionne les gènes les plus capables d'assurer leur
propre reproduction, tandis que des mutations aléatoires produisent
continuellement de nouveaux gènes à partir des anciens, bien de la
même manière, la noosphère (le monde des pensées) est une
lutte dans laquelle le combat pour la survie des idées les plus aptes,
en concurrence pour le terrain de pensée, sélectionne les mèmes les
plus capables d'assurer leur propre reproduction, tandis que des
variations aléatoires produisent continuellement de nouveaux mèmes à
partir des anciens.
Ce concept peut aussi être tracé, par exemple, dans l'œuvre
du philosophe français Alain, qui avait déjà noté que les outils
humains suivent un processus d'évolution très semblable à celui que
Darwin dépeint comme l'origine des espèces : les ouvriers tendent à
reproduire les outils antérieurs aussi fidèlement que possible, mais
de petits changements se produisent toujours, çà et là, et les
meilleurs outils ont plus de succès et tendent à être copiés plus
souvent. Donc même si aucun ouvrier individuel n'est créatif dans son
travail et ne montre aucune originalité pour améliorer les outils
existants, les civilisations tendent à développer de meilleurs objets
au fil des générations.
[Traduction française ci-dessous.] I've already
mentioned my pseudo-tarot
gameseveral times on this 'blog.
I've played it again with some friends, this evening and thursday
evening, and some further changes and clarifications have been made to
the rules. By now it is really necessary to give the game a permanent
name. So I'm making a public offer: send me suggestions on how to
call it, and if I find a proposal that I like well enough to use it as
the game's name (I'll be the only judge as to that), I'll offer its
sender a deck of tarot
cards from Amazon.com.
[French
translation of the above.] J'ai déjà mentionné mon jeu de pseudo-tarotplusieurs fois sur ce 'blog. J'y ai de
nouveau joué avec des amis, ce soir et jeudi soir, et quelques
nouveaux changements et éclaircissements ont été apportés aux règles.
Maintenant il est vraiment nécessaire de donner au jeu un nom
permanent. Donc je fais une offre publique : envoyez-moi des
suggestions sur la façon de le nommer, et si je trouve une proposition
que j'aime assez pour l'utiliser comme nom du jeu (je serai seul juge
en la matière), j'offrirai à son auteur un jeu de cartes
de tarot d'Amazon.com.
Hier soir j'étais pressé de dîner pour pouvoir arriver au cinéma à temps, donc je suis rentré
dans un MacDo (place d'Italie). Ils avaient un burger appelé
« Chicken Première », et j'ai voulu essayer : eh bien j'ai été
surpris, ce n'était pas mauvais du tout, en fait. C'était même bon,
si, si.
En revanche, je tiens à me plaindre de ce que les restaurants du
centre commercial Italie 2
ferment en même temps que les autres boutiques, à 21h (peut-être même
20h, d'ailleurs). N'est pas un peu ridicule, un MacDo qui ferme à
21h ?
Hollywood producers seem to have the recipe for this kind of film
down pat, now, and The Italian
Job plays it by the book. So if one has a fondness for the
genre (how should it be called, incidentally? “gangster
film” doesn't work well, nor does “thriller”;
update (2003-09-21T20:00+0200): “heist
movie”—thanks, Pierre), one will like this film. Beyond
that, it's just your regular summer feature (except that here in
France we get to see it in late September: what are distributors
thinking?).
By “the genre”, I mean the kind of movies, of which Ocean's
Eleven was one of the finer representatives, where a team
of thieves-but-thieves-who-have-some-sense-of-ethics defeat the most
cunning security systems through even more cunning and good teamwork,
and steal something infinitely valuable from a rather disreputable
character. Almost nobody gets killed: the heroes' satisfaction lies
less in the money itself than in seeing the look on the villain's face
when he discovers his money gone. The plan for taking the booty is
always incredibly well—uh—planned: everything is
calculated down to the second and to the millimeter; and, of course,
something always goes wrong, but the heroes' ingenuity (and, again,
good teamwork) manages to get the plan back on its feet (or
millimeters—ha, ha, ha). The movie's script is just as
calculated (to the second) as the heroes' plan, and works just as well
provided we are willing to lend it some sympathy and suspend
disbelief. In the case of Ocean's Eleven, there were
some surprises on the road; there are none in The Italian
Job: the scenario works just as a well-oiled machinery of no
originality whatsoever, and basically the spectator knows everything
that's going to happen after the first fifteen minutes of the film.
But, assuredly, when I bought a ticket for this show, I knew what to
expect, so I'm not complaining: I like well-oiled machineries,
sometimes. (I'd like to know how much the Austin Mini payed for all the
advertising, however.)
Teamwork is probably what sells the film, actually: there
is a reassuring sense of comfort in this “every character in his
or her role, and a role for each character” idea. One member of
the team has become unavoidable these days: the computer nerd (here
portrayed by Seth Green, with some talent, it must be said). And it
is assumed as a matter of course that the guru can basically
break into any system's security—a sort of mise
en abyme of the entire plot, except that details are never given
as to how the breaking into is done because they would be too
technical hence incomprehensible to the audience (certainly if we are
supposed to take the phrase “cartesian coördinates” as a
technicality, then many things become technicalities). But these
technicalities have become a commodious way for the screenwriters to
shove dirt under the rug: use computers and networks to remove any
obstacle that gets in the scenario's way, and no explaining needs to
be done; conversely, create arbitrary limitations when they get too
powerful. A friend of mine once pointed out to me that this is the
reason why magic is a dangerous literary artifice: once you introduce
magic, everything can be explained using it, and this takes away much
of the plot's interest. Well, computers are now being used on many
occasions in the same way magic could be—thus giving a new twist
to Arthur C. Clarke's famous saying that any sufficiently advanced
technology is indistinguishable from magic.
Another thing that annoys me is that this propagates the concept
that any computer security system has a flaw, and that by
being smarter than the system's designers one can always defeat the
system's security. This is simply wrong. One can always
crack a safe open by attacking it with a stronger force than its
defenses (if necessary, put in in a pool of hydrochloric acid: that
should dissolve the safe without damaging the gold that's in it); but
such is not the case with computer security, and perfect (in
the sense of “theoretically perfect”, or even
“provably perfect”) security is possible. Certainly it
has not often been realized in
practice on systems of relatively large size. But computer
pirates (or “hackers” as they are inaccurately
called by the press) are not genii by far: they are more like script
kiddies who always try the same recipes, and by the “million
monkeys” rule eventually break into some systems. The idea that
someone could rewrite the entire Los Angeles traffic control software
algorithms in a matter of days is simply ludicrous. Oh, and, in
The Italian Job the computer geek claims to be the real
inventor of Napster: this would
have been a fun passing clin d'œil, but I
wonder why they chose to dwell on it so heavily (or was the film also
subsidized by Napster as well as by Austin?).
[French translation of the above.]
Les producteurs hollywoodiens semblent avoir bien compris la
recette de ce genre de films, maintenant, et Braquage à
l'italienne en suit les règles. Donc si on a un faible
pour le genre (comment devrait-on l'appeler, d'ailleurs ? « film de
gangsters » ne convient pas bien, ni « thriller »), on aimera ce film.
Sinon, c'est juste un divertissement d'été (sauf qu'ici en France on
le voit fin septembre : à quoi pensent donc les circuits de
distribution ?).
Par « le genre », je veux dire le genre de films, dont Ocean's
Eleven était un des bons représentants, où une équipe de
voleurs-mais-voleurs-qui-ont-un-sens-de-l'éthique triomphent des plus
ingénieux systèmes de sécurité par encore plus d'ingéniosité et un bon
travail d'équipe, et volent quelque chose d'une valeur inestimable à
un personnage plutôt douteux. Presque personne n'est tué : la
satisfaction des héros est moins dans l'argent lui-même que dans le
regard du méchant quand il découvre que son argent est parti. Le plan
pour s'emparer du butin est toujours incroyablement bien — euh
— planifié : tout est calculé à la seconde et au millimètre
près ; et, bien sûr, quelque chose va toujours mal, mais l'ingéniosité
des héros (et, encore une fois, le bon travail d'équipe réussit à
remettre le plan sur ses pieds (ou millimètres — ha, ha, ha).
Le script du film est aussi calculé (à la seconde) que le plan des
héros, et marche aussi bien à condition qu'on soit prêt à lui accorder
de la sympathie et faire semblant d'y croire. Dans le cas
d'Ocean's Eleven, il y avait quelques surprises sur la
route ; il n'y en a aucune dans Braquage à l'italienne :
le scénario marche comme une machinerie bien huilée d'absolument
aucune originalité, et en gros le spectateur sait tout ce qui va se
passer après les quinze premières minutes de film. Mais, assurément,
quand j'ai acheté un ticket pour ce spectacle, je savais à quoi
m'attendre, donc je ne me plains pas : j'aime bien les machineries
bien huilées, parfois. (J'aimerais savoir, cependant, combien l'Austin Mini a payé pour toute la
pub.)
Le travail d'équipe est probablement ce qui vend le film,
en fait : il y a un sens rassurant de confort dans cette idée « chaque
personnage à son rôle et un rôle pour chaque personnage ». Un membre
de l'équipe est devenu inévitable de nos jours : le mordu
d'informatique (ici joué par Seth Green, avec un certain talent, il
faut le dire). Et il est bien entendu que le gourou peut
essentiellement pénétrer la sécurité de n'importe quel système —
une sorte de mise en abyme de l'intrigue entière, sauf que les
détails ne sont jamais donnés quant à la façon dont il pénètre parce
que ce serait trop technique donc incompréhensible pour l'assistance
(certainement si nous devons prendre l'expression « coordonnées
cartésiennes » comme une expression technique, alors beaucoup de
choses deviennent techniques). Mais cette technicité est devenue une
façon commode pour les scénaristes de cacher de la poussière sous le
tapis : utiliser les ordinateurs pour retirer n'importe quel obstacle
qui se trouve sur la route du scénario, et on évite d'avoir à
expliquer ; à l'inverse, créer des limitations arbitraires quand ils
deviennent trop puissants. Un ami m'a jadis signalé que c'est la
raison pour laquelle la magie est un artifice littéraire dangereux :
une fois qu'on l'introduit, tout peut être expliqué par son moyen, et
cela retire beaucoup de l'intérêt de l'intrigue. Eh bien les
ordinateurs sont maintenant utilisés à beaucoup d'occasions de la même
manière que la magie pourrait l'être — donnant ainsi un nouveau
tour au fameux adage d'Arthur C. Clarke que toute technologie
suffisamment avancée est indiscernable de la magie.
Une autre chose qui m'irrite est que ceci propage le concept que
tout système de sécurité informatique a une faille, et qu'en
étant plus malin que les concepteurs du système on peut toujours
triompher de la sécurité du système. C'est tout simplement
faux. On peut toujours ouvrir un coffre-fort en l'attaquant
avec une force supérieure à sa résistance (si nécessaire, le mettre
dans un bain d'acide chlorhydrique : cela devrait dissoudre le coffre
sans endommager l'or qui est dedans) ; mais ce n'est pas le cas de la
sécurité informatique, et la sécurité parfaite (dans le sens
de « théoriquement parfaite », ou même « démontrablement parfaite »)
est possible. Certainement elle n'a pas
souvent été réalisée en pratique sur des systèmes de quelque
taille. Mais les pirates informatiques (ou « hackers » comme la
presse les appelle à tort) ne sont pas des génies de loin :
ils sont plutôt des script kiddies qui essaient
toujours les mêmes recettes, et par la règle des « millions de
singes » finissent par pénétrer quelques systèmes. L'idée que
quelqu'un pourrait réécrire la totalité des algorithmes logiciels de
contrôle du trafic de Los Angeles en quelques jours est simplement
délirante. Oh, et dans Braquage à l'italienne le mordu
d'informatique prétend être le réel inventeur de Napster : ç'aurait été un clin
d'œil rigolo en passant, mais je me demande pourquoi ils ont
voulu s'appesantir tellement là-dessus (ou est-ce que le film était
subventionné par Napster en plus d'Austin ?).
Un commentateur d'une entrée
passée [il faudra que je prévoie une façon de faire des liens vers
les commentaires sans m'engager quant à la stabilité de leurs
URI ; pour l'instant je me contente de cette périphrase],
« organoleptix », me suggère que je suis peut-être sujet à dépression
sans en être conscient (il me renvoie à un article
sur la dépression masculine). C'est intéressant, parce que je me
suis souvent posé cette question. A priori, je ne présente
aucun des symptômes majeurs de la dépression : je ne suis pas
mélancolique (enfin, passablement rarement), et j'ai plutôt le
problème d'être intéressé par trop de choses que de manquer de goût
pour tout. D'un autre côté, il est vrai que mon appétit de sommeil
est peut-être franchement pathologique (surtout quand je m'endors en pensant mourir), et que je manque
souvent d'énergie pour faire quantité de choses qui me plairaient.
Par le passé j'ai eu des périodes d'excessive tristesse associée à ma
perpétuelle solitude affective. Mais
je me suis résolu à ne plus m'en laisser abattre, et à ne plus laisser
le sentiment de malheur (au moins pour cette raison) s'emparer de moi
ou m'empêcher de profiter pleinement de ma vie (qui, je dois bien
l'avouer, est assez odieusement chanceuse) ; maintenant, peut-être
cela me coûte-t-il des efforts dont je n'ai pas forcément
conscience.
Je m'étonne, moi qui ai longtemps été un farouche solitaire, de
constater que je trouve des forces dans la société et la compagnie de
mes congénères (je parle ici uniquement de relations de camaraderie et
d'amitié, pas de liens affectifs forts — dont je n'ai,
finalement, pas l'expérience). Finalement, ma motivation et ma force
vitale sont assez directement liées à ma fréquentation de toutes
sortes de personnes, et réciproquement (et quand, l'été ou la chaleur
faisant, je ne vois personne, alors ça ne
va pas bien). Je pourrais tenter une explication facile en disant
que voir du monde me permet de tourner mon regard ailleurs que mes
entrailles qui ruminent mon mal-être ; mais je peux aussi avancer
quarante mille autres explications contradictoires, donc je n'y crois
pas plus que ça. (D'ailleurs, si j'ai une vague idée de ce qui se
passe dans ma tête, celle des autres me reste résolument opaque.)
D'ailleurs je peux être taquin et me demander quelle importance
cela a que je sois déprimé si je n'en ai pas conscience.
Ma forme physique est catastrophique, ç'en est assez effrayant.
Surtout du point de vue de l'endurance : je ne peux pas courir 100m
sans être à bout de souffle ; certes, j'ai toujours été peu endurant,
mais là c'est quand même pire que d'habitude, et il faut que je fasse
quelque chose. Du sport, par exemple (plus sérieusement que les trois
séries de trente pompes et quelques exercices symboliques que j'aligne
chaque jour pour me donner bonne conscience). En même temps, je me
sens très médiocrement motivé. Il est vrai que je n'ai pas trop de
problème de, euh, « surcharge pondérale » (la dernière fois que je me
suis pesé, j'étais passé en-dessous de 60kg, c'est limite trop maigre,
et en fait ce serait bien de gagner quelques kilos en protéines) ;
mais si l'héridité fait son boulot, ça pourrait bien arriver dans
quelques dizaines d'années.
Pfiou… Par où je commence ? Faire du jogging dans Paris,
bof-bof, quand même.
[Traduction française ci-dessous.] I have scanned my
full deck of Visconti tarot cards
(the one which is a facsimile of the original): you can find the large
(512×1024) images here (around 200kbyte per card) and the reduced
(154×307) images here (around 17kbyte per card). Actually, only
seventy-four cards are to be found: the remaining four (the Devil, the
Tower, the knight of coins and the three of swords) are lost: my deck
uses modern remplacements for them (in the style of the rest), but
these are subject to copyright so I cannot redistribute them (I
scanned them, but I am not making them publicly available). As far as
I can tell (but one needs to be careful with the totally crazy and
fascist Intellectual Property laws that we now have), the seventy-four
Visconti tarot cards are in the Public Domain, and you and I can copy
and use them freely and for any purpose. Enjoy!
[French
translation of the above.] J'ai scanné la totalité de mon jeu
de tarots des Visconti (celui qui est
un fac simile de l'original) : vous pouvez trouver les grandes
(512×1024) images ici (autour de 200ko par carte) et les images
réduites (154×307) ici (autour de 17ko par carte). En fait,
seules soixante-quatorze cartes s'y trouvent : les quatre restantes
(le Diable, la Maison-Dieu, le cavalier de deniers et le trois
d'épées) sont perdues : mon jeu utilise à leur place des remplacements
modernes (dans le style du reste), mais ceux-ci sont sujets au
copyright donc je ne peux pas les redistribuer (je les ai scannés,
mais je ne les rends pas publiquement disponibles). Autant que je
puisse en juger (mais il faut être prudent avec les lois totalement
folles et fascistes que nous avons maintenant sur la Propriété
intellectuelle), les soixante-quatorze tarots des Visconti sont dans
le Domaine public, et vous et moi pouvons les copier et les utiliser
librement et dans n'importe quel but. Faites ce que vous en
voudrez !
Yesterday evening, major announcement: all OpenSSH versions prior
to 3.7 contain a vulnerability (potential remote root exploit) due to
an error in buffer management code; version 3.7 fixes this problem.
So I go through all the Unix machines I administrate and, for each
one, upgrade the OpenSSH to one that does not have the
problem.
This morning, major announcement:
all OpenSSH
versions prior to 3.7.1 contain a vulnerability (potential remote root
exploit) due to an error in buffer management code; version 3.7.1
fixes this problem. So I go through all the Unix machines I
administrate and, for each one, upgrade the OpenSSH to
one that does not have the problem.
Apparently I am still alive,
although I slept for over seventeen hours (with only a short pause to
write the previous entry), which is a lot even by my standards. And I
got up feeling very much dazed and bewildered, having a hard time to
think (I seem back to normal, now—if you agree to call me
normal, that is); which is to be expected after such a bout of
inactivity.
To answer some of the comments, I don't seriously think I might
have an aneurysm on one of my brain's arteries—I just consider
the possibility. But if I did, I think I'd rather not know rather
than take a scan and be told, this thing might burst any moment,
and we can't remove it by surgery because of the way it's buried in
the brain tissue. Well, maybe it is stupid. Some aneurysms give
forewarnings, by the way (in the form of localized headaches), but
certainly they don't move around in the head. (Some other nasty
things might, though, for example a clot.) And some problems can
happen at any age. Cerebrovascular accidents are, after all, one of
the major causes for death in industrial countries (more than cancer,
if I recall correctly).
Oh yes: I'm a hypochondriac. I've known this for a long time.
[French translation of the above.]
Apparemment je suis encore en vie,
même si j'ai dormi plus de dix-sept heures (avec seulement une courte
pause pour écrire l'entrée précédente), ce qui est beaucoup même selon
mes standards. Et je me suis levé me sentant très désorienté, avec
des difficultés pour penser (je semble être revenu à la normale
— si vous convenez de m'appeler normal, je veux dire) ; ce qui
est attendu après une telle période d'inactivité.
Pour répondre à quelques-uns des commentaires, je ne crois pas
sérieusement avoir un anévrisme dans une artère cérébrale —
j'en imagine juste la possibilité. Mais si c'était le cas, je crois
que je préférerais ne pas savoir plutôt que passer un scanner et
m'entendre dire, ce truc pourrait rompre à n'importe quel moment,
et on ne peut pas le retirer chirurgicalement à cause de la manière
dont il est enfoui dans le tissu cérébral. Bon, peut-être que
c'est stupide. Certains anévrismes donnent des signes avant-coureurs,
au fait (sous la forme de maux de tête localisés), mais assurément ils
ne se déplacent pas dans la tête. (D'autres choses désagréables
peuvent le faire, cependant, comme un caillot.) Et certains problèmes
peuvent survenir à tout âge. Les accidents cérébrovasculaires sont,
après tout, une des causes majeures de décès dans les pays
industrialisés (plus que le cancer, si je me rappelle bien).
Ah oui : je suis hypocondriaque. Ça fait longtemps que je le
sais.
I was lying in bed, soundly sleeping, when the following things
happened (c. 2003-09-16T02:15+0200): (a) I became half-awake, (b) I
very clearly thought “I'm going to die”, (c) I had a
terrible headache, (d) a loud bang (at least that's what it
felt) resonated in my head (in a very localized place, near the top of
the parietal lobe of the right hemisphere), and then (e) I fully
awoke, with my heart pounding at an incredible speed. This all
happened during a few seconds. (The recollection I have is
that the chronological order is (a), (b), (c), (d) and (e). But logic
would have me think (d), then (b) and (a), then (c) and (e).
Sometimes memory is unreliable as to the order of events in close
succession: it is known that the impression of chronological order is
imposed a posteriori by the brain.) Then all went back to
normal, very rapidly (I've never had such a bad headache recede so
quickly). Apparently I'm not dead; and I went through a sequence of
simple tests to make sure I hadn't lost some major mental, psychomotor
or sensitive ability, but it doesn't seem so.
I don't know what to make of this. I've had various signs before
that made me worry about my cerebrovascular condition, and I've
already had (d) and (e) happen unexpectedly (though the location of
the bang is usually the occipital lobe of the right
hemisphere), but never with (b) before (it was really strange). Maybe
I should take a scan (on the other hand, maybe I don't really wish to
know more).
This is irritating. If an aneurysm burst is to kill me, I
wish it would do it cleanly, not giving me the time to think
“I'm going to die” or feel anything like a bang or
a headache. And, by the way, not leaving me alive and mentally
crippled would be nice: thanks in advance!
(Note, by the way, the utter stupidity of the reflex reaction:
sudden pain in the head ⇒ adrenaline discharge ⇒ increase in
blood pressure. Probably not the right response to a
cerebrovascular problem!)
[French translation of the above.]
J'étais au lit en train de dormir profondément quand les choses
suivantes se sont produites (vers 2003-09-16T02:15+0200) : (a) je me
suis à moitié réveillé, (b) j'ai clairement pensé « je vais mourir »,
(c) j'ai eu un mal de tête épouvantable, (d) une détonation (au moins
c'est l'impression que ça donnait) a résonné dans ma tête (à un
endroit très localisé, vers le haut du lobe pariétal de l'hémisphère
droit), et ensuite (e) je me suis entièrement réveillé, mon cœur
battant à toute vitesse. Tout cela s'est produit en quelques
secondes. (L'impression que j'ai est que l'ordre
chronologique était (a), (b), (c), (d) et (e). Mais la logique me
ferait penser (d), puis (b) et (a), puis (c) et (e). Parfois la
mémoire n'est pas fiable quant à l'ordre d'événements en succession
rapide : il est connu que l'impression d'ordre chronologique est
imposée a posteriori par le cerveau.) Puis tout est revenu à
la normale, très rapidement (je n'ai jamais eu un mal de tête pareil
qui se résorbe aussi rapidement). Apparemment je ne suis pas mort ;
et j'ai fait une suite de tests simples pour m'assurer que je n'avais
pas perdu une capacité mentale, psychomotrice ou sensorielle
importante, mais il ne semble pas.
Je ne sais pas quoi en penser. J'ai eu des signes auparavant qui
m'ont fait m'inquiéter quant à mon état cérébrovasculaire, et j'ai
déjà eu (d) et (e) se produisant de façon inattendue (même si
l'emplacement de la « détonation » était d'habitude le lobe occipital
de l'hémisphère droit), mais jamais avec (b) avant (c'était vraiment
étrange). Peut-être devrais-je passer un scanner (d'un autre côté,
peut-être que je ne veux pas en savoir plus, en fait).
C'est irritant. Si une rupture d'anévrisme doit me tuer,
je voudrais qu'elle le fasse proprement, sans me laisser le temps de
penser « je vais mourir » ou de sentir quelque chose comme une
sensation de détonation ou un mal de tête. Et, en passant, ne pas me
laisser vivant et mentalement diminué serait sympa : merci
d'avance !
(Notez, au passage, la stupidité complète de la réaction réflexe :
soudaine douleur dans la tête ⇒ décharge d'adrénaline ⇒
augmentation de la pression sanguine. Probablement pas la
bonne réponse à un problème cérébrovasculaire !)
OK, ce n'est vraiment pas original. Mais il
se trouve juste qu'ils sont apparus dans la lucarne magique que, lobotomisé par ma dure journée, j'avais
allumée.
And the winners are: Gaël Leforestier et
Jonathan Cerrada. (Ben oui, j'avais bien dit pas original du tout.
Enfin, il s'en trouvera certainement pour dire quand même que j'ai des
goûts de chiottes.)
Opération séduction dans la vallée de l'Yvette ? Vol au-dessus
d'un nid de bacheliers frais pondus ? Je vous laisse imaginer. En
tout cas je me suis insidieusement fait
passer pour un des leurs (facile, me dit un lecteur, je suis à peu
près aussi nul en orthographe). Enfin, je ne sais pas si j'ai été
crédible une seule seconde ou si tout le monde s'est demandé, mais
c'est qui, ce vieux type qui nous mate et qui nous propose des
bonbons ? — je n'ai adressé la parole à personne et on m'a
laissé dans mon coin (je suis très fort pour ça), ce qui était un peu
ce que je voulais, aussi (pour éviter un embarras certain). Ce sont
surtout les intervenants que j'ai écoutés, pour savoir ce qu'on peut
raconter aux étudiants lors de cette fameuse semaine (enfin, journée,
au moins, pour l'instant) de rentrée. Quelques petites fausses notes,
des informations incorrectes (ou périmées), des oublis, des
contradictions aussi d'ailleurs, qu'il faudra éventuellement que je
rectifie. Et un certain pouvoir soporifique de plusieurs orateurs, il
faut dire (même si j'y étais assez prédisposé) — qui, de fait, a
semblé produire son effet. En fait, ma constatation préliminaire
après observation du Studens deugmiassis Jr. (sur plusieurs
années) fait état de deux phases principales (deux périodes, deux
ères, si l'on voudra) au cours de son évolution : la phase
mouton et la phase glande. Pendant la première
phase, le spécimen note scrupuleusement tout ce qu'on écrit au tableau
devant lui (même si c'est totalement incohérent) et fait plus ou moins
ce qu'on lui dit, si ce n'est pas trop pénible ou trop demandant et
surtout si les autres le font ; pendant la seconde, il est
définitivement assommé par la masse de travail qui a précédé, et
avance droit vers la lobotomie ; nous verrons cette année si je
parviens à catalyser la difficile transformation vers la phase
boulot : comme je ne la connais moi-même que de réputation, ça
semble difficilement parti.
Bon, il y a eu un moment délicat quand quelqu'un, nous ayant
rassemblés en petit groupe (groupe de TD, justement),
nous a proposés de nous présenter. Je me suis souvenu avec Asimov que
The closer to the truth, the better the lie, and the
truth itself, when it can be used, makes the best lie of all.
— et je m'en suis tiré en ne disant que des choses techniquement
vraies (au prix d'un certain effort rhétorique). Mais est-ce mal, au
fait ?
Couché à 23h30, réveil mis à 7h. Mais je n'ai pas dormi.
Décidément, les réveils émettent vraiment des ondes malfaisantes qui
m'empêchent de dormir. À 5h45, las de me tourner et me retourner dans
tous les sens sans parvenir à fermer l'œil, je me suis levé.
C'est parti pour une journée shootée à la caféine (et au chocolat
et à la vitamine C).
Demain lundi c'est la rentrée des DEUG à Orsay : le moment où ils débarquent
tout frais de leur lycée maternel pour découvrir les charmes de la
glande en fac (enfin, au début, ils ne sont pas encore étudiants dans
l'âme, ils sont encore tout purs et innocents avec le label
« bachelier 2003 » tout frais sur leur front, mais le virus du farniente s'attrape vite). Au programme des
réjouissances, donc, des « amphis d'accueil » où les profs vont tenter
de les convaincre que, si, si, si vous ne bossez pas, vous allez être
recalés, et d'ailleurs environ 50% des étudiants à l'entrée
n'obtiennent pas leur DEUG ; et des associations
(comme celle où je me suis —
un peu — investi) où d'autres étudiants vont tenter de les
convaincre qu'il existe plein de façons amusantes (autres que jouer à
la belote) pour perdre leur temps en fac. Bref, c'est émouvant comme
tout, c'est un moment important.
Je songe à tenter, pour voir d'un peu plus près à quoi ressemble le
Studens deugmiassis Jr. dans son environnement naturel, de
faire de l'infiltration insidieuse : me mêler aux étudiants et passer
la semaine de rentrée avec ceux de mon groupe de TD
(celui où j'enseignerai, je veux dire). Je suis peut-être un peu
vieux pour avoir l'air d'un étudiant de DEUG
plausible (encore que, avec le nombre de fois que certains redoublent,
et s'il est vrai que je ne fais pas mon âge, c'est jouable), mais
grâce à mon look d'étudiant attardé (ce que, de fait, je suis) et mon
don pour passer complètement inaperçu partout où je vais, ça devrait
marcher. Du moins si j'arrive à me motiver suffisamment pour me lever
aux aurores, ce qui est moins gagné, mais bon, pour enseigner il le
faut bien. Ce n'est pas la première année que j'ai cette idée, mais
comme c'est sans doute la dernière où j'en aurai l'occasion, c'est
maintenant ou jamais. Ah, il faut encore qu'aucun redoublant ne me
reconnaisse.
D'accord, c'est une idée complètement stupide. C'est sans doute
pour ça que ça me plaît.
Good bye, Lenin! (voir aussi sa fiche
Allociné) : ce film m'a absolument emballé. Il est à la fois
tellement drôle et délicieusement touchant : le genre de combinaison
qui me fait vraiment fondre. Pas de mélo, juste une légèreté heureuse
qui n'exclut pas des moments graves et sincères.
Ne vous attendez pas à un film politique ou historique : ce n'est
rien de tel. Le regard est tout simplement humain, rappelant
peut-être celui des Ailes du désir
(Der Himmel über Berlin) de Wim Wenders
(je parle du regard, un peu « angélique » et sans jugement; non du
ton, qui n'a pas grand rapport). Les événements titanesques de ces
jours où l'on a du mal à suivre l'histoire tant elle va vite, ces
événements emportent les personnages un peu éberlués vers un avenir
qu'ils ne contrôlent pas. Et le film nous fait revivre « de
l'intérieur » ces onze mois qui ont changé la face du monde —
1989-11-09, le Mur tombe — 1990-10-03, l'Allemagne est
réunifiée. J'y suis très sensible, moi qui suis plus facilement ému
aux larmes par un bon documentaire historique que par une fiction.
Mais le regard ici, je le répète, n'est pas historique (ni
nostalgique, comme certains ont pu le dire sommairement de ce
film).
On a parfois, ici, comparé dans son ton Good
bye, Lenin! au Fabuleux Destin
d'Amélie Poulain, dont l'héroïne possède en effet une
espièglerie imaginative et bienfaisante qui la rapproche beaucoup
d'Alexander Kerner (le héros de Good bye,
Lenin!). L'humour est également assez proche. Peut-être le
film allemand a-t-il plus d'ampleur et le français plus de poésie,
mais il ne faut sans doute pas pousser la comparaison trop loin. (On
pourrait également évoquer Forrest Gump
— que pourtant, personnellement, je n'ai pas énormément
aimé.)
Les acteurs jouent bien, notamment l'acteur principal, Daniel
Brühl, dans le rôle d'Alexander (que je trouve, en plus, beau comme un
dieu — ça ne gâche rien). La scène, lors de la soirée, où il
regarde le dessin animé avec les enfants (j'utilise cette périphrase
pour ne pas spoiler le scénario pour ceux qui n'ont pas vu le film),
puis rencontre leur père, m'a fait pleurer : par de simples échanges
de regards les acteurs communiquent une telle émotion ! C'est
vraiment très fort.
Je veux aussi souligner encore une raison pour laquelle ce film m'a
marqué : il évoque (il pouvait difficilement faire autrement) la coupe
du monde que l'Allemagne a gagnée en 1990. J'étais moi-même à Munich
à l'été '90, et malgré mon peu d'intérêt pour le foot, l'événement m'a
marqué. Le 1990-07-04, jour de la demi-finale contre l'Angleterre
(qui s'est gagnée aux tirs au but, situation de tension insoutenable),
j'ai regardé la rencontre à la télé chez un collègue de mon père (qui
organisait une petite soirée buffet dans sa maison) ; et le
1990-07-08, quand l'Allemagne a battu l'Argentine en finale, j'ai
entendu les bruits de klaxons envahir la capitale bavaroise. Ça n'a
pas beaucoup d'importance en soi, mais ce qui me surprend c'est que
j'avais complètement oublié jusqu'à aujourd'hui que le seul voyage que
j'ai fait en Allemagne était précisément, dans le temps, entre la
chute du mur de Berlin et la réunification du pays.
Mon professeur d'histoire-géographie de classe de 3e
(Mme Fernandez, que je salue au passage), dans son discours de
bienvenue lors de la rentrée des classes en septembre '90, demanda à
la classe de bien se souvenir que nous vivions des heures historiques,
pour qu'un jour nous puissons dire à ceux qui sont plus jeunes, « je
me souviens d'un temps où il y avait deux Allemagnes ». Je me
souviens, donc, d'un temps où il y avait deux Allemagnes. Et pour un
peu je me serais levé à la fin du film pour chanter : Einigkeit und
Recht und Freiheit für das deutsche Vaterland…
La réunification allemande s'est d'ailleurs faite avec une célérité
considérable : quand je vois le nombre d'années qu'il a fallu attendre
pour donner une monnaie unique à plusieurs pays de l'Union européenne,
je trouve prodigieux qu'on ait pu résoudre aussi rapidement toutes les
difficultés techniques inhérentes à l'unification de deux pays, sans
parler de lever les obstacles sociopolitiques et diplomatiques. Sur
ce dernier point, il a fallu la concurrence de plusieurs
circonstances : l'extrême faiblesse de Mikhaïl Gorbatchev
(Михаил
Сергеевич
Горбачёв),
l'insistance de l'administration Bush (père) pour accélérer les choses
(afin de ne pas laisser les soviétiques « reprendre leur souffle » et
exiger des concessions telles que la sortie de l'Allemagne de
l'OTAN), la résolution rapide par Helmut Kohl du
litige avec la Pologne par l'acceptation de la frontière Oder-Neisse,
l'incapacité de Margaret Thatcher et François Mitterrand (qui tous
deux étaient réticents — pour ne pas dire franchement hostiles
— à la réunification) de s'entendre sur un contre-projet
acceptable, et l'inquiétude de ce dernier de voir voler en éclat, s'il
s'opposait à l'unification, l'axe privilégié franco-allemand et plus
généralement l'Union européenne. Mais peut-être — du moins je
voudrais le croire — les obstacles auraient-ils de toute
façon été rapidement levés, d'une façon ou d'une autre, même face
à des circonstances moins favorables, devant la volonté indubitable du
peuple allemand de se réunifier, au nom du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes. Qui pourrait le dire ?
Enfin ! Seul ! Horrible vie ! Horrible ville ! Récapitulons la
journée : m'être moqué avec d'autres enseignants de l'incapacité des
étudiants à résoudre l'inéquation 1/x>-4 ; avoir admis avec un air de
moquerie condescendante que peut-être cependant ils arrivent à
développer (a+b)² sans se tromper (mais, rajouta quelqu'un, (a+b)³, il
en faudrait pas trop en demander). Avoir suivi avec attention une
conversation où l'on comparait les films d'Eric Rohmer à la
sitcom Hélène et les
garçons mais en moins bien : acteurs débutants, dialogues
mal écrits, scénario flasque. En avoir écouté un autre se plaindre
(ou s'amuser ?) d'une infection sexuellement transmise qu'il avait
contractée (par pudeur je tairai comment) : et en être resté partagé
entre le dégoût et l'admiration. Ou encore d'autres discuter des
détails de la posologie des anxiolytiques et antidépresseurs. Et
pendant toute la soirée avoir salivé en secret et en ultime frustré
devant une demi-douzaine de personnes avec qui j'entretiens des
relations parfaitement courtoises ou bien qui semblent à peu près
autant conscientes de mon existence que de celle des pigeons qui
passent au-dessus d'eux (i.e. jamais, sauf quand ça chie). Avoir tenu
à étaler ma culture en soulignant gratuitement et sur un prétexte
minable que je connaissais l'existence de Under
the Volcano de Malcolm Lowry, le livre préféré de mon père, que
je n'ai pour ma part même pas ouvert, récit du dernier jour d'un
consul déchu au Mexique qui sombre dans l'alcoolisme. Avoir vu un
beau garçon dédaigner les signes d'intérêt d'un autre beau garçon dont
il venait pourtant de me dire une minute auparavant je sombrerais
bien dans l'alcoolisme avec celui-là ; et avoir bavé en silence
devant l'un et l'autre, mais n'avoir rien fait. Avoir refusé du feu à
un inconnu alors que j'avais justement un briquet dans mon sac (moi
qui ne fume pas). Être resté longuement place de l'Hôtel de Ville
regardant avec irritation et fascination les prémisses de ce qui sera
demain la Techno
Parade. Ouf ! Est-ce bien fini ? Mécontent de tous et mécontent
de moi, je voudrais bien me racheter et m'enorgueillir un peu dans le
silence et la solitude de la nuit.
Toutes mes excuses à C. B. pour ce pastiche minable. Mais je lui
rends sa plume : si les faits racontés sont techniquement
corrects, l'esprit et le ton dans lesquels ils sont rapportés sont
commandés par l'exercice, et ne reflètent pas la réalité. La réalité,
tout simplement, dispose d'un excellent sens de l'humour, que
j'apprécie beaucoup. Les gens, quant à eux, sont vraiment admirables
(si, si, je le pense honnêtement).
Spam is one thing: it isn't all that hard to get rid
of—accumulating two or three spam filters, in my case SpamAssassin and SpamProbe successively,
more or less does the trick, even in really bad cases like my own.
But what about quasi-spam? By this I mean thinks like
“newsletters” (to which I've never subscribed, of course,
but which aren't complete junk either), or targetted email
advertising. The typical example is Amazon.com sending me reading
suggestions or special offers or whatever: things I really don't care
about, thank you, but if I train my spam filters to recognize this as
spam, I'm afraid they'll soon treat every email sent by Amazon.com as
spam. I similarly receive quasi-spam from lots of other channels,
including supposedly reputable ones such as the Franco-German cultural
TV channel Arte or
recently the Monnaie de Paris. And, of course, many emails I
receive throught my lab could also count as quasi-spam. I'm getting
annoyed with all of it!
Réunion de préparation de la rentrée ce matin entre enseignants du
premier semestre de DEUG MIAS à
Paris-Sud XI. Constatation la
plus importante : les effectifs se sont effondrés. Les années
précédentes on tournait autour de 400 ou 450 inscrits, répartis en
quatorze ou quinze groupes de TD : nous voilà n'arrivant même pas à 300 (on ne va
faire que douze groupes). Et apparemment, si la section
MIAS est la plus touchée, les autres ne sont pas
indemnes pour autant ; et Paris-Sud n'est pas la seule Université
affectée. Les causes ne sont pas entièrement claires, mais il semble
que les classes préparatoires de province aient pu faire, cette année,
du recrutement en Île-de-France, ce qui a causé une désaffection des
sections de DEUG, un étudiant français préférant
systématiquement, on le sait, n'importe quelle prépa à n'importe
quelle Université. C'est inquiétant ; je ne sais pas s'il faut
condamner d'emblée le système élitiste français des prépas, mais s'il
est poussé au point que les Universités sont considérées comme moins
que rien, c'est indubitablement un excès.
En tout cas, si vous voulez vous inscrire en
DEUG scientifique dans une Université quelconque
d'Île-de-France, n'hésitez pas : on vous accueillera les bras
ouverts.
Pour ma part, j'enseignerai ce semestre les mardi et mercredi matin
(assez tôt, dans l'espoir que ça me force à garder un rythme de vie
raisonnable, mais en fait je doute que ça marche, je crains être
plutôt complètement crevé la moitié de la semaine à cause de ça).
Strangely enough, the thing which hit me most when the World Trade
Center collapsed was not the number of people who died (that's just
too abstract, too difficult to picture): it was the destruction of the
buildings themselves. I had never seen the twin towers myself (in
real, I mean)—or just for a very brief time, and from a
distance, when I spent half a day in New York City in the summer of
'94. Not that they were such an extraordinary piece of architecture
(although my father always claimed that they were very fine specimens
of perpendicular gothic, and I guess they were quite a technical
achievement), not even that they were so remarkable; but they were, so
to speak, part of the landscape (cityscape, that is). And
one doesn't expect the landscape to change: every picture of Manhattan
(from '77 onward) showed these two towers, so they weren't
allowed to change, let alone vanish in a day. The Great
Pyramids, Westminster Abbey or the Eiffel Tower aren't
“allowed” to disappear: not just because they are
important monuments, works of art, or whatever, but also because they
are, simply, landmarks that the entire world is familiar with; and
such were the twin towers.
Maybe I'm being thoughless, there, to mind the destruction of some
bits of steel and stone when so many people have died. Maybe. A
cynic would point out that the number dead in the WTC
attacks is far less than the number of people who die in the world in
a day—September 11, 2001, for example—so why should I care
more about the former than about the latter? People aren't worth more
when they die in mass or when they die in New York; and it just isn't
possible to care about every single dead on Earth. But that's beside
the point. It's just that it's so hard to imagine all the people who lost their lives,
whereas the buildings are so very concrete. So I admit (qui sine peccato est primus lapidem mittat): I was
deeply shocked, I cried, just because of the disappearance of two
towers that I had never seen, and I did not cry for the thousands who
died in the event.
Thirty years ago
today, on 1973-09-11, democratically elected Chilean president
Salvador Allende was overthrown by a military junta in a CIA-assisted coup d'État that brought general Augusto Pinochet
Ugarte to power in what quickly became one of the world's most brutal
dictatorships of the half century. Salvador Allende chose suicide
over exile; many of
the world's cities have payed tribute to his courage, including
Paris: a square named after him now exists in the 7th arrondissement (formerly place Santiago du
Chili), inaugurated today by mayor Bertrand Delanoë and Chilian
ambassador in France Marcello Schilling. Despite complaints lodged
against him before several courts in the world, Augusto Pinochet never
faced justice, and is presently senator for life in Chile.
Coincidentally, September 11 is also the birthday of another
dictator: Ferdinand Marcos (born 1917), sometime president of the
Philippines. But more reputable people were also born on that day:
writers O. Henry (William Sydney Porter, aka—) and
David H. Lawrence, or film director Brian DePalma,
among others. Some famous people died on 09-11, too: Nikita
Khrushchev (Никита
Сергеевич
Хрущёв) for one, thirty-two years
ago. And, this very morning, Swedish foreign affairs minister Anna
Lindh, stabbed in a supermarket in Stockholm yesterday: I offer my
condolences to the Swedish people and their king Carl XVI Gustav, for
this absurd assassination of an admirable and devoted stateswoman.
Last, but not least, let us remember 2001-09-11, most certainly the
largest scale terrorist attempt in History: barbarous acts which
have outraged the conscience of mankind.
[French translation of the above.]
Il y a trente
ans aujourd'hui, le 1973-09-11, le président démocratiquement élu
du Chili Salvador Allende fut renversé par une junte militaire au
cours d'un coup d'état assisté par la CIA qui mena au pouvoir le
général Augusto Pinochet Ugarte dans ce qui est rapidement devenu une
des plus brutales dicatatures au monde dans le demi-siècle. Salvador
Allende préféra le suicide à l'exil ; de
nombreuses villes du monde ont rendu hommage à son courage, y
compris Paris : une place à son nom existe maintenant dans le 7e
arrondissement (auparavant place Santiago du Chili),
inaugurée aujourd'hui par le maire Bertrand Delanoë et l'ambassadeur
du Chili en France Marcello Schilling. Malgré les plaintes déposées
contre lui devant plusieurs cours dans le monde, Augusto Pinochet n'a
jamais affronté la justice, et est à présent sénateur à vie au
Chili.
Par coïncidence, le 11 septembre est aussi l'anniversaire d'un
autre dictateur : Ferdinand Marcos (né en 1917), ancien président des
Philippines. Mais des gens plus fréquentables sont aussi nés ce
jour : les écrivains O. Henry (William Sydney Porter, dit —) et
David H. Lawrence, ou le metteur en scène Brian DePalma,
parmi d'autres. Des gens célèbres sont morts le -09-11, aussi :
Nikita Khrouchtchev (Никита
Сергеевич
Хрущёв) notamment, il y a
trente-deux ans. Et, ce matin même, la ministre suédoise des affaires
étrangères Anna Lindh, poignardée hier dans un supermarché à
Stockholm : je présente mes condoléances au peuple suédois et à leur
roi Carl XVI Gustav, pour cet assassinat absurde d'une femme d'État
admirable et dévouée.
Enfin, mais non le moindre, souvenons-nous du 2001-09-11, très
certainement l'attentat terroriste le plus important de l'Histoire :
des actes de barbarie
qui révoltent la conscience de l'humanité.
Un lecteur s'est ému de mon utilisation du mot « pédé » dans une récente entrée.
Le plus simple serait pour moi de rétorquer que je n'applique ce
terme qu'à moi-même — jamais aux autres sauf si je suis sûr que
ça ne les dérange pas ou bien si je désigne un groupe indéterminé
(genre, les pédés portent rarement les cheveux longs) ; quand
j'ai un doute, je dis « homo ». Mais j'admets que c'est une défense
un peu facile et insatisfaisante.
Est-ce une insulte ? Je m'interdis d'emblée de considérer
l'étymologie du mot pour le savoir (pour éviter des débats vaseux pour
savoir s'il doit être considéré comme signifiant la même chose que
« pédéraste » ou si l'abréviation a un sens autonome — et pour
ne pas avoir à gloser sur le sens de « παῖς »
en grec, enfant ou adolescent, risque de pente glissante vers le sens
de « pédophile ») : de toute façon, c'est une erreur de croire que
l'étymologie définit le vrai sens d'un mot. (L'étymologie du mot
« étymologie » a beau être « la science du vrai », nous ne devons pas
la croire : c'est justement l'étymologie qui fait sa propre publicité,
mais ce n'est pas en affirmant qu'elle a raison qu'elle nous
convaincra.) Maintenant, ce serait aussi un peu facile de dire le
sens d'un mot est celui qu'on lui donne, et ce n'était pas une insulte
puisque je ne l'ai pas utilisé comme insulte (l'insulte,
pourrais-je alors rajouter, est dans l'œil du proverbial
spectateur, ou lecteur en l'occurrence).
“When I use a word,” Humpty Dumpty said in
rather a scornful tone, “it means just what I choose it to
mean—neither more nor less.”
“The question is,” said Alice, “whether you
can make words mean so many different
things.”
“The question is,” said Humpty Dumpty, “which is
to be master—that's all.”
Alors, est-ce une insulte ? Il me semble que ce n'en est une qu'à
partir du moment où on admet que traiter quelqu'un d'homo est une
insulte : je veux dire, le problème n'est pas que le mot « pédé »
insulte les pédés — c'est que quelqu'un essaie d'insulter en
traitant de pédé, parce que, pour l'insulteur, être homo est la pire
insulte imaginable. Mais justement, ce n'est pas une prémisse que je
suis disposé à admettre. Quelles sont les paroles, au fait ? Ah
oui : Moi les lazzi, les quolibets / Me laissent froid, puisque
c'est vrai : / Je suis un homo comme ils disent. (Bon, Aznavour
n'a pas eu le culot de mettre « pédé ». Hum, c'est un comble que je
cite cette chanson que je n'aime vraiment pas.)
C'est sans doute en imitant le combat que certains Noirs — on
pense évidemment à Léopold Sédar Senghor — ont mené pour
réhabiliter le mot « nègre » que des homos ont fait de même pour le
mot « pédé ». Et ça ne date pas d'hier comme le prouvent les
échantillons du défunt Gai Pied que Matoo a exposés sur son 'blog.
Il y a certes d'autres mots qu'on pourrait utiliser (les
appellations diverses et variées des homosexuels, ce n'est pas ça qui
manque !). Mais « gay » ne satisfait pas ceux qui ne se reconnaissent
pas dans une certaine culture communautaire ; personnellement, je
trouve que c'est surtout pour des raisons d'euphonie qu'il passe mal
en français, en fait (en plus, on ne sait jamais si ça inclut ou non
les lesbiennes). Et « tapiole », même si c'est mignon et affectueux,
me déplaît parce que c'est un nom féminin et que je suis résolument
opposé au fait de parler au féminin des homos de sexe masculin.
Mais finalement, ce qui me convainc le plus en faveur de « pédé »,
c'est ce passage des Roseaux
sauvages, une scène toute simple mais qui m'a véritablement
bouleversé quand j'ai vu le film : Gaël Morel (dans le rôle de
François) se regarde dans un miroir, comme s'il se découvrait, et
articule — doucement au début, et avec plus de force à mesure
qu'il prend courage — je suis pédé. Une insulte ? Non :
une reconnaissance de soi. J'en ai pleuré.
Character fonts are a strange thing: one usually doesn't
consciously notice them, but one still accustoms oneself to seeing
this-or-that font on a given document; so if one sees the same text
(Web page, typically) with the same layout and colors but different
fonts one gets this strange feeling that something is “not
right”, much like hearing the wrong instrument play a familiar
tune. Now imagine the feeling when a minor change in a font setup
makes every single Web page appear with ever-so-slightly different
fonts: then the entire Web (that is, the part one is familiar with)
suddenly seems “out of tune”. Totally weird.
Well, that's more or less the feeling I'm having now. I was having
some difficulties with my XFree86, so I upgraded
it all, server and libraries. This shouldn't have affected font
layout, but it did. I have hundreds of installed fonts on my
PC, from dozens of different sources, and in all sorts of
formats (TrueType, PostScript Type1, bitmap), which can further be
handled at at least three different levels (the X server, the X font
server or the FreeType
library—just talking about display, here, not printing): the
whole thing is a complete mess, it's just about impossible to track
down from which file a given font came, especially when matters are
further obscured by Mozilla's
handling of the CSS
specification. Ordinary logic has no course here, it's the rule of
black magic, and apparently the upgrade changed something in the font
selection mechanism and the rendering engine, and everything was
subtly different.
In the end I managed to mostly clean things up by removing from the
search path many broken, damaged or otherwise unpleasant fonts. Now I
view nearly every Web page with completely different fonts than I used
to, two days ago. Mostly it's an improvement. But strangely enough,
there's one site for which things now look distinctly worse: my
own.
The font I specify for viewing this page is Hermann Zapf's
beautiful Optima, in
my opinion the most refined and elegant font ever designed (ex æquo with Adrian Frutiger's Univers face, in a very
different style). Optima is a highly readable typeface of the
“humanist” kind, combining features of both serif and
sans-serif types: although it doesn't have serifs, its strokes are
subtly modulated—the ends of a straight stroke being slightly
wider than the middle—suggesting a delicate mixture of carving
and handwriting. Of course, not all Web users will have Optima
installed on their computer: so I specify Palatino (Linotype),
another humanist typeface designed by Hermann Zapf, as a fallback,
and, if Palatino also isn't available, any serif face. Most Mac OS X users will have
Optima installed, and many Windows users will have
Palatino. (I have both on my system.)
Anyway, somehow, even
though the font itself (a TrueType file) stayed the same, the upgrade
in the rasterizer considerably degraded the appearance of the Optima
font on my screen. Before I changed it looked like the image on the
left; and afterward it looked like that on the right. (Both images
come from my bookmarks page.) Note
how the letters in the word “Libération” are very unevenly
spaced on the image on the right, and how ugly the ‘N’ in
“Normale” looks; the letters ‘h’ and
‘n’ are also too narrow. This seems like an acute case of
badly hinted TrueType, but I've tried everything from disabling
hinting to activating autohinting, to no avail.
I hope that at least some people see a nicely rendered Optima font
when viewing my Web page and not this sort of junk.
Little search engine turns five: congratulations, and please keep
up the good work and public service!
Remember the dark days
before the blessing of Google was bestowed upon the face of the Web?
When the best we could use as far as search engines went was AltaVista? Fortunate that we did
not know our own misfortune, in that time! Still, much as I enjoy the
youngling, I wish the competition weren't utterly
worthless—I mean, I wish there were a real
competition to Google—because we must presently live in
fear of what we would come to pass if something happened to Google (so
that it ceased to perform as a public service), for example if it were
taken over by the forces of
evil.
Pourquoi l'émission 20h10 pétantes commence-t-elle à
20h06 ? En tout cas, c'était le cas ce soir (il était même 20:05:50,
pour être précis) : c'est toujours comme ça ?
Je ne veux pas avoir l'air de faire le pinailleur, mais c'est un
peu ridicule de commencer l'émission en disant réglez vos montres,
il est 20h10 pétantes quand il n'est pas 20h10. Enfin bon, je dis
ça, moi, je dis rien.
[English translation follows.][Traduction française ci-dessous.] Gestern Abend ist
deutsche Filmregisseurin Leni Riefenstahl in ihrem Haus in Pöcking am
Starnberger See (südwestlich von München) verstorben. Sie war 101
Jahre alt. Obwohl ihr Olympia
(Götter des Stadions) als ein Meisterwerk der
nazistischen Propaganda, Kult des Körpers, usw., gilt, lasst sich die
trotzdem bezaubernde Schönheit der Bilder dieses Filmes jedoch nicht
leicht vergessen. Ja, ja, richtig: ein Schwuler spricht.
[Englische Übersetzung des oben Geschriebenen.]
Yesterday evening, German filmmaker Leni Riefenstahl died in her house
in Pöcking on the Starnberg lake (south-west from Munich). She was
101 years old. Although her Olympia
(Gods of the Stadium) passes for a masterpiece of
Nazi propaganda, cult of the body, etc., yet the bewildering beauty of
the pictures of this film is not easily forgotten. Yeah, right: a
faggot speaks.
[Französische Übersetzung des oben
Geschriebenen.] Hier soir, la réalisatrice allemande Leni
Riefenstahl s'est éteinte dans sa maison à Pöcking sur le lac de
Starnberg (au sud-ouest de Munich). Elle avait 101 ans. Bien que son
Olympia
(Les Dieux du Stade) passe pour un chef-d'œuvre
de propagande nazie, culte du corps, etc., malgré cela, la beauté
pourtant fascinante des images de ce film n'est pas facilement
oubliée. Oui, d'accord : c'est un pédé qui parle.
I wrote down a set of electromagnetic relations in
XHTML+MathML: this is both because I got
tired of looking them up in books all the time and so as to test
MathML functionality. And it isn't great: only (a recent
version of) Mozilla displays
something even vaguely accurate (but far from pretty). Opera shows every formula as a pretty
much meaningless sequence of letters and numbers (interestingly
enough, the Maxwell-Gauß
equation is named Maxwell-Gau [sic] in Opera and becomes
simply D=D, which is certainly true, but not what was
intended). Konqueror is
honest about its inabilities and refuses to even try and open the
file. And the big disappointment comes from Amaya which also refuses to
understand the MIME type
application/xhtml+xml and, even if you force it to, isn't
smart enough to avoid (wrongly) displaying the MathML
semantic content annotation.
***Sigh***. And this is two and a half years after
the standardization of version 2.0 of MathML.
Hullo? Anyone doing any work around here?
Quand on regarde ces photos
du campus le plus laid de l'Univers, Jussieu (site officiel de Jussieu ici —
remarquez que les points de vue ne sont pas exactement
identiques), on ne croirait pas que c'est l'œuvre d'un
grand architecte (Édouard Albert) selon un plan inspiré du magnifique
palais de l'Escurial. On ne croirait pas que le projet, dont le seul
« 1% culturel » correspondait à un budget de quelque 3.5 millions de
francs (de '65), a vu (ou aurait dû voir) des contributions d'aussi
grands artistes que Picasso, Braque, Dubuffet, Arp ou Vasarely. Et
pourtant !
On me dit (je n'ai pas pu vérifier de façon fiable) que la tour
centrale de la fac (qui hébergeait l'administration), cette
monstruosité, est maintenant désaffectée à cause de l'amiante, qu'on
ne la désamiantera pas parce que ça coûterait trop cher, mais qu'on ne
peut pas non plus la raser (soit parce qu'il faudrait d'abord
la désamianter pour éviter les projections, soit parce que le site est
protégé par les droits — aberrants — de propriété
intellectuelle des différents artistes et architectes). Si c'est
vrai, c'est vraiment lamentable de penser, avec le prix du mètre carré
dans le coin, qu'une tour de trente étages — qui défigure le
quartier presque autant que la tour Montparnasse le sien — va
rester inoccupée.
Je ne parle même pas (oh une prétérition) de ces graffiti sur la
façade à l'entrée (je veux dire, aux coins des barres qui encadrent
l'entrée principale) : je ne sais pas de quand ils datent (on m'a
suggéré mai '68, dès l'ouverture de la fac) ; plutôt qu'être effacés,
ils ont été rendus illisibles par les autorités, en rajoutant
des traits un peu partout (mais on peut encore lire quelques mots : en
haut du côté est, je lis « on assassine », par exemple) — et
c'est resté dans cet état depuis. Impressionnant.
Here on the left (click to enlarge) you can
see—to contradict an earlier
statement I made that they are difficult to picture—a
(nonsingular) cubic surface, one of the beasts that I've spent a good
part of my thesis studing (the arithmetic of). Specifically, this is
the surface with (affine) equation
y³-3x²y+z³-3z=0.
The white rods (fifteen of them, if you count well) are not part of
the surface itself—or rather, they are, but they've been
emphasized for clarity: they represent the straight lines lying on the
surface. There are always twenty-seven straight lines on a
nonsingular cubic surface, but all might not be “real” in
the sense that some are actually pairs of complex conjugate lines; and
this particular surface has fifteen real lines and six pairs of
complex conjugate lines. Sometimes three lines on the surface
(necessarily in the same plane) meet in one point: then that point is
called an Eckardt point; this surface happens to have six
Eckardt points (all real), three of which have been shown on the
picture as small bright pink spheres (the other three are at infinity
so you cannot see them); one of them (namely (0,0,0)) is at the center
of the image. I've already mentioned
Eckardt points on this 'blog; they have many remarkable properties,
but they make the arithmetic of the surface rather harder to study
when they exist. The sort of question one might ask is this: given
that the surface has one point with rational coordinates (namely
(0,0,0)), and since its equation has rational coefficients, is it true
that there are points with rational coordinates arbitrarily close to
any real point? (And the answer, for this surface, is
yes.)
The image was made with the Persistance of Vision
(“POV-ray”) raytracer. I don't deserve much credit
since POV-ray has a primitive (quite appropriately called
cubic!) which draws a cubic surface. My work as a
mathematician in composing this image was limited to finding the
equation of a nice cubic surface having some Eckardt points and then
computing the equation of all the lines on it (a horrendous task in
general, but relatively easy for this one surface since it has a very
simple equation in which variables are separated). Note incidentally
that the colors are not on the surface but come from three colored
light sources.
I've also made a little animation of the rotation of the
cubic surface (984kbyte AVI file) from the images
computed by POV-ray. (Don't ask me how to read it or what codec it
uses, I don't know anything about this stuff: I just fiddled around
with MPlayer/MEncoder,
randomly tweaking the command line options until it produced something
that seemed like it was an animation.)
J'aime trop dormir — au
point que ça en devient vraiment problématique. Ça fout à l'eau ce
qui pouvait me rester d'aptitude sociale : comment puis-je faire
quelque chose de mes journées quand le simple fait de mettre un réveil
à côté de moi (quelle que soit l'heure sur laquelle il est réglé)
m'empêche de trouver un repos satisfaisant parce que je sais que ce
repos sera brisé ? Si je me couche à 4h du matin, que je m'interdis
d'utiliser un réveil parce que ça me stresse trop, et que je risque de
dormir dix ou douze heures, et qu'en plus il me faut deux heures après
m'être levé (le temps de manger et de m'habiller, notamment) pour
commencer à être opérationnel, je ne peux rien faire avant 18h, et la
journée est un peu foutue. Malheureusement pour moi, je ne vois pas
trop ce que je peux imaginer comme vie qui ne m'impose jamais
de mettre un réveil, ou de faire quelque chose avant 18h.
Aujourd'hui, j'ai promis à ma mère d'aller la voir à Orsay pour
déjeuner. Donc, réveil réglé à midi, en me couchant à 4h. Du coup,
j'ai terriblement mal dormi, j'ai fini par me lever à 10h30 (plus la
peine d'espérer continuer à dormir) de bien méchante humeur.
[Traduction anglaise de ci-dessus.]
I too much like sleeping—to
a point where it becomes a real problem. It ruins what I still had
left of social aptitude: how can I do anything of my days when simply
having an alarm clock beside me (whatever the hour to which it is set)
prevents me from getting a satisfactory rest because I know it this
rest will be broken? If I go to bed at 4AM and forbid the use of an
alarm clock because it is too stressing, and risk sleeping ten or
twelve hours, and then need two further hours after I'm up (time to
eat and get dressed, for example) to be somwhat operational, I can't
do anything before 6PM, and the day is rather ruined. Unfortunately
for me, I don't see what kind of life I could imagine that
never demands that I use an alarm clock, or do something
before 6PM.
Today I promised my mother I'd go see her in Orsay for lunch. So I
set my alarm clock for noon, going to sleep at 4AM. Consequently, I
slept terribly badly, and ended up getting up at 10:30AM (no hope of
getting any more sleep) in a dreadful mood.
J'ai beaucoup aimé. C'est très touchant et drôle, et il y a un
petit côté à la fois (légèrement) amateur et authentique qui donne
vraiment du charme au film.
Et pourtant ce n'était pas gagné : je suis très facilement agacé
(pour ne pas dire mis en furie dès le moindre écart) par toute
insinuation d'association entre l'homosexualité masculine et des
caractères efféminés. (Il faudra que j'en reparle plus longuement
ici, d'ailleurs.) Alors, une équipe de folles ostentatoirement
revendiquées, ça avait de quoi éprouver mes nerfs. Mais rien de cela
ici, ce sont les adversaires des Satree Leks qui sont joliment
ridiculisés par leur homophobie. Et on pourrait ressortir à propos de
la sympathique équipe cette jolie phrase que prononce Antonio Fargas
dans Car
Wash : more man than you'll ever be and
more woman than you'll ever get.
Je suis surpris, au passage, que ce soit l'UGC
Ciné-Cité les Halles qui ait sorti ce film : normalement c'est
plutôt le Mk2
Beaubourg qui fait ce genre de coups. Évidemment, la moitié de la
salle était homo rien qu'à vue de nez (ce qui est dommage, parce que
ce n'est vraiment pas nécessaire, je pense, pour apprécier ce film),
et, forcément, j'ai croisé des gens connus.
La première chose que je pense le matin quand je me réveille, c'est
zut, je ne suis pas mort paisiblement pendant mon sommeil
— c'est-à-dire zut, je suis vivant, je vais devoir subir
cette journée. Oui, je sais, ça peut paraître parfaitement
névrotique (suicidaire), comme pensée, mais je ne me fais pas cette
réflexion sur le ton du désespoir, plutôt de l'agacement (ou, à la
limite, du découragement). Je ne suis pas suicidaire ne serait-ce que
parce qu'il s'agit d'un geste qui cause considérablement plus de
désagrément (physique et moral pour celui qui pratique, et moral,
aussi, pour ceux qui l'entourent) que la journée que je vais devoir
traverser, et qui peut par ailleurs fort commodément être
perpétuellement remis au lendemain (jusqu'à ce que le destin s'en
charge à votre place). Je ne m'endors pas non plus en espérant ne
jamais me réveiller, parce que j'en suis déjà convaincu : le David
Madore qui s'endort n'est pas le même que le David Madore qui se
réveille le lendemain en rouspétant — le premier meurt le soir
avec soulagement, et le second est un nouvel individu créé avec les
souvenirs de l'ancien (et qui hérite de son solde face au monde).
Voilà pourquoi j'aime tellement dormir. Et voilà aussi pourquoi je
remets si volontiers les choses au lendemain : ce sera à quelqu'un
d'autre de s'en charger, en pestant contre ce que son prédécesseur lui
a légué. Oui, oui, je sais, c'est une politique de l'autruche.
Pour ceux qui n'ont pas compris : je suis en train de dire que
j'aime la vie — que je cueille le jour et que je croque à
pleines dents dedans (eritis sicut dei scientes bonum
et malum ?). Si vous ne comprenez toujours pas, vous n'êtes pas
mûrs pour la philosophie Zen (ah,
tiens, il faudra que je mette quelque part sur mon site Web mon kōan sur le bonheur).
Tiens, aujourd'hui, quand je suis descendu à la station Place
d'Italie, mon métro allait repartir quand une vieille dame
(toute souriante) est arrivée sur le quai, et a essayé de se dépêcher
pour attraper la rame : forcément, elle n'allait pas bien vite, même
comme ça, et elle a pris très longtemps à arriver jusqu'aux voitures,
mais le conducteur l'a attendue. Moi je suis resté à regarder ça, la
vieille dame qui marchait aussi vite qu'elle pouvait et le métro qui
l'attendait : je ne sais pas au juste pourquoi, j'ai trouvé cette
scène très belle et très heureuse (indépendamment de la question de
savoir si c'est normal ou gentil de la part du conducteur d'avoir
attendu la vieille dame — ce n'est pas du tout le propos).
Je compte voir ce
film (voir aussi sa fiche
Allociné) demain (samedi) soir à l'UGC
Ciné-Cité les Halles (à une des séances de 18h10, 20h20 ou 22h30,
je ne sais pas encore ; Mise à jour : c'est celle de
22h30). Plusieurs personnes m'en ont dit énormément de bien. Si des
gens veulent aussi le voir et auraient envie d'y aller avec moi,
qu'ils me contactent.
[N'est-ce pas que le Web est génial ? Je ne connais pas un mot de
thaï (enfin, si, maintenant, j'en connais deux — สตรี qui veut dire
« femme », et เหล็ก
qui veut dire « fer » — mais il y a dix minutes je n'en
connaissais pas un), et en jouant un peu le détective grâce à l'IMDB, Google, Unicode et thai-language.com, j'ai
réussi, à partir d'une transcription foireuse, à retrouver l'écriture
originale du titre, qui doit être correcte puisque quand on la
recherche dans Google, on tombe bien sur le site officiel du film.]
After much hesitation (as to whether the method is efficient, not
as to whether the cause is just!), I decided to include in each of my
pages this special ad calling for lobbying against software patents in
Europe. I'll only keep the ad for a few days, though, because beyond
that it will only annoy people and be detrimental to the cause that
I'm trying to advocate; maybe until 2003-09-22 which is when the
European parliament is voting in plenary session on this subject (the
commission vote has already taken place and is favorable to software
patents by twenty to eight and one abstention). If you don't see the
ad above because I've removed it, here it is again (in “large,
friendly letters”):
I could write pages about why software patents are evil and why
they shouldn't be permitted, or about what you can do to help, but it
turns out that other people have already done this, and much better
than I would. If you wish to know more, or if you think you can help,
please see:
Après beaucoup d'hésitation (quant à savoir si la méthode est
efficace, non si la cause est juste !) j'ai décidé d'include dans
chacune de mes pages cet appel spécial au lobbying contre les brevets
logiciels en Europe. Je garderai la bannière seulement quelques jours
cependant, parce qu'au-delà cela ne ferait qu'agacer les gens et
serait nuisible à la cause que je veux promouvoir ; peut-être jusqu'au
2003-09-22 qui est la date à laquelle le parlement européen va voter
en session plénière sur la question (le vote en commission a déjà eu
lieu et est favorable aux brevets logiciels par vingt voix contre huit
et une abstention). Si vous ne voyez pas la bannière ci-dessus parce
que je l'ai retirée, la revoici (en « grosses lettres
sympathiques ») :
Je pourrais écrire des pages sur pourquoi les brevets logiciels
sont néfastes et poruquoi ils ne devraient pas être permis, ou sur ce
que vous pouvez faire pour aider, mais il se trouve que d'autres gens
l'ont déjà fait, et mieux que je n'y arriverais moi-même. Si vous
voulez en savoir plus, ou si vous pensez pouvoir aider, voyez :
[English translation follows.]Little Neo, qu'on voit
occasionnellement (« ln ») dans les commentaires de ce 'blog, m'a bien
eu avec le test qui se
trouve sur son site Web, je tiens à le dire (mais je ne sais pas si je
dois le féliciter ou l'engueuler — en tout cas je suis la
victime facile de ce genre de choses).
Avertissement : n'essayez qu'à vos risques et périls,
vous pourriez bien le regretter, vous sentir très bête, ou pire.
[Traduction anglaise de ci-dessus.]Little Neo, sometiems spotted
(« ln ») in the comments section of this 'blog, really had me with the
test
which is found on his Web site, I mean to say is (but I don't know
whether I should be congratulating him or bawling him out—at any
rate I'm an easy victim for this kind of thing).
Warning: try at own risk, you could very well regret
it, feel very stupid, or worse.
Mon téléphone portable — ahem, mobile — est en train de
rendre l'âme (si tant est qu'il en ait une). Notamment, il lui arrive
fréquemment, au cours d'une communication, et sans raison apparente,
d'émettre une sonnerie censée indiquer l'épuisement des batteries et
de s'éteindre (alors que les batteries, d'après l'indicateur de
charge, si on rallume le téléphone, sont encore pleines). C'est pour
le moins gênant. Et il a quelques autres comportements pénibles
également révélateurs d'un dysfonctionnement lié sans doute à une fin
de vie utile. Pourtant, il n'a même pas quatre ans : je trouve ça un
peu court, vu que je ne suis pas de ceux qui ont envie de changer de
mobile tous les ans pour être à la pointe du progrès (d'ailleurs, le
truc que j'ai, un Siemens A36, était déjà « obsolète » quand je l'ai
eu).
Par ailleurs, mais ce n'est pas nouveau, ce mobile ne capte pas
dans mon appartement. C'est un peu pénible, parce qu'il y a toujours
des gens qui ne pensent pas à essayer d'appeler mon téléphone fixe
avant mon mobile : le téléphone sonne, j'entends vaguement mon
interlocuteur (entrecoupé de silences plus ou moins longs) mais lui,
apparemment, ne m'entend pas.
Je vais donc sans doute me mettre en quête d'un remplacement. Mes
priorités sont : la robustesse et l'autonomie (et, dans une moindre
mesure, le poids, mais je ne suis pas trop exigeant). La robustesse
est vraiment de loin le plus important : idéalement, je voudrais un
appareil que je peux faire tomber de 2m de hauteur sur le parquet (ou
le bitume) sans risquer qu'il soit abîmé — j'espère qu'on sait
faire ça. Les gadgets comme les jeux, la lecture de MP3,
l'écran graphique couleur, l'accès Wap et Web, la fonction appareil
photo ou caméra, l'enveloppe changeable, tout cela ne m'intéresse pas
du tout. En revanche, avoir quelque chose de bon marché me plairait
considérablement, parce que mon porte-monnaie n'est pas au mieux de sa
forme.
Encore faut-il que je décide, aussi, si je change de formule ou si
je reste sur le système actuel : certes je n'en pense pas beaucoup de bien, mais
je doute que les concurrents soient moins malhonnêtes. Je ne suis pas
trop enthousiaste pour changer mon numéro, non plus — sauf que
je n'ai aucune solution pour garder ma formule et changer le téléphone
autrement qu'en achetant un nouveau téléphone non verrouillé (ce qui
coûte ¤¤¤).
Je me suis levé à 15h aujourd'hui. En fait, j'étais réveillé
depuis assez longtemps, mais je n'avais vraiment pas le courage
d'affronter cette journée, alors j'ai préféré rester au lit selon la
politique de l'autruche : peut-être que la journée va disparaître
d'elle-même (« si je ferme les yeux et que je n'embête pas le monde,
le monde va-t-il me laisser tranquille ? »).
Pour ma défense, j'ai un rhume. Un petit, seulement, semble-t-il,
mais ce n'était pas encore clair au moment où je me suis réveillé. Je
passe le quart de ma vie à avoir des rhumes — surtout aux
alentours de la rentrée (j'en enfile normalement cinq ou six entre
septembre et décembre).
As I had announced, my (still
nameless) game of pseudo-tarot has
been tried today: three full games (of five rounds each), with five
players each (two disjoint sets of five players for the first two
games, played simultaneously, and then those five who were willing to
go for one more game after dinner); plus a few test rounds (one with
eight players, to “warm up”, and one or two between
games). A few modifications have been made to the rules, by consensus (in
particular, we came up with a different effect for the Hierophant, and
we slighly modified the Devil and Justice and the interaction between
these): I updated the corresponding page to reflect this. A couple of
interactions still need some clarification: we played by consensus in
these cases, and not always consistently.
The two conclusions are: first, the game is fun, at least
if everyone is willing to have fun, and does not take it too
seriously, and, second, there is hardly any strategy in this thing,
mostly luck. It's fun in the way that Uno or Mille Bornes are fun—but much more than
these (in our opinion, at least). It's fun because there's always
something unexpected happening; or because of the exhilarating
sensation when luck puts in your hand just the card that will annoy
your favorite opponent. It's also fun because the rules are a bit
crazy, and at first, when nobody knows them too well and keeps
fumbling through the papers, there's many a good laugh to be had
(“so that's what this card does!”). But don't
expect this to be a strategy game: it isn't. Even though I wrote the
rules in a very dry and formal style, it's just about relaxing and
having a good time in a crazy battle.
Five players is probably the ideal number. I recommend the use of
these
cards [note: not sure that URL is correct—the
Amazon.com server seems to have died just when I wanted to check], but
any tarot deck will do.
[French translation of the above.]
Comme je l'avais annoncé, mon jeu
de pseudo-tarot (toujours anonyme) a
été essayé aujourd'hui : trois parties complètes (de cinq manches
chacune), avec cinq joueurs dans chaque (deux ensembles disjoints de
cinq joueurs pour les deux premières parties, jouées simultanément, et
ensuite les cinq qui voulaient refaire un jeu après le dîner) ; plus
quelques manches d'essai (une avec huit joueurs, pour « s'échauffer »,
et une ou deux entre les jeux). Quelques modifications ont été faites
aux règles, par
consensus (en particulier, nous avons trouvé un effet différent pour
le Pape, et nous avons légèrement modifié le Diable et la Justice et
l'interaction entre ceux-ci) : j'ai mis à jour la page correspondante
pour refléter cela. Quelques interactions ont encore besoin d'être
clarifiées : nous avons joué par consensus dans ces cas, et pas
toujours de façon cohérente.
Les deux conclusions sont les suivantes : d'abord, le jeu est
amusant, au moins si tout le monde a envie de s'amuser, et ne
le prend pas trop au sérieux, et, deuxièmement, il n'y a à peu près
aucune stratégie dans ce truc, essentiellement de la chance. C'est
amusant de la façon dont Uno ou Mille Bornes
sont amusants — mais bien plus que ceux-ci (à notre avis du
moins). C'est amusant parce qu'il y a toujours quelque chose
d'inattendu qui se passe ; ou à cause du sentiment excitant quand la
chance met dans votre main justement la carte qui va emmerder votre
adversaire préféré. C'est aussi amusant parce que les règles sont un
peu folles, et au commencement, quand personne ne les connaît trop
bien et parcourt sans arrêt les papiers, il y a bien de quoi rigoler
(« ah, c'est ça que cette carte fait ! »). Mais ne vous
attendez pas à ce que ce soit un jeu de stratégie : ce n'est pas le
cas. Même si j'ai écrit les règles dans un style très sec et formel,
c'est surtout pour se détendre et passer un bon moment avec une
bataille cinglée.
Cinq joueurs est probablement le nombre idéal. Je recommande
l'usage de ces
cartes [note : je ne suis pas sûr que cette URL est
correcte — le serveur Amazon.com semble être mort juste quand
j'ai voulu vérifier], mais n'importe quel jeu de tarot conviendra.
(Non, je n'étais pas présent — ni comme participant ni comme
spectateur — à la dernière Flash Mob à Paris, j'en ai juste
lu un compte-rendu,
ce qui m'amène à ressortir cette réflexion que je m'étais déjà
faite.)
Ce gigantesque — et hideux — pot de fleur doré
(œuvre de Jean-Pierre Raynaud, paraît-il) sur le parvis devant
le centre George Pompidou, ce symbole monumental de mon
incompréhension de l'art contemporain, pourrait devenir quelque chose
de magnifique, de beau, si seulement on y mettait quelque
chose. Imaginez : un petit arbre — j'y verrais bien un pommier
nain, ou bien peut-être un cerisier du Japon — surgissant de
cette monstruosité dorée. Ça ce serait grandiose.
(Pour ceux qui ne connaissent pas Paris et n'ont pas vu la
chose, je fournirais bien une photo, mais (a) je n'ai pas
envie de défigurer mon 'blog avec ça, (b) de toute façon ce
serait illégal à cause des lois
profondément débiles qui existent maintenant dans le monde sur la
« Propriété
intellectuelle » et qui interdisent de « reproduire » ce genre de
choses, et (c) en fait, c'est idiot, il n'y a pas grand-chose à
reproduire, il suffit de s'imaginer un pot de fleur de couleur dorée,
haut de peut-être 3m (c'est dur à évaluer) placé au sommet d'un
piédestal.)
Apparemment c'est une opération trop compliquée pour la plupart de
nos concitoyens de comprendre comment rendre la monnaie. Ce n'est pas
la première fois que je m'en plains. Voici un exemple typique de ce
qui m'arrive régulièrement, et qui s'est produit encore récemment : on
me demande 17.18€ au supermarché ; je tend un billet de 20€,
deux pièces de 1€ et une pièce de 0.20€ — et là, la
caissière repousse les deux pièces de 1€ en me regardant comme si
j'étais un demeuré (style, mais pourquoi me donne-t-il 22.20€
pour payer 17.18€, celui-là ? les 2€ sont clairement de
trop !). Est-ce vraiment si compliqué à comprendre ? Si je donne
deux pièces de 1€, c'est pour qu'on me rende un billet de
5€, plutôt que 3€ en pièces, dont j'ai peut-être déjà trop
dans mon porte-monnaie. Même chose au niveau cents ou des dizaines de
cents : par exemple, pour payer 3.07€, si je donne une pièce de
2€, une de 1€, une de 0.10€ et une de 0.02€,
typiquement on me refuse celle de 0.02€, on ne prend que
3.10€ pour me rendre 0.03€ de monnaie, parce qu'il n'est
« pas normal » que je donne 3.12€ pour payer 3.07€ quand
3.10€ suffisent ; ou, si je dois payer 1.80€ on comprendra
mal pourquoi je donne 2.30€ et pas simplement la pièce de
2€. Comme quoi la congruence modulo cinq ne passe pas ; alors
que modulo dix, ça passe : si je dois payer 3.12€ on comprendra
que je donne 3.22€ (et pas juste 3.20€ qui suffisent). Et
modulo deux ça passe encore moins bien que modulo cinq : personne ne
comprendra que si je donne 1.12€ (=1€+0.10€+0.02€)
pour payer 0.92€, c'est parce que je veux remplacer ma pièce de
0.10€ par une de 0.20€ plutôt qu'en récolter une
deuxième.
Alors je ne vous dis pas, quand le même phénomène se produit sur
plusieurs niveaux : si pour payer 37.69€ je donne —
machinalement — 63.21€
(=50€+10€+2€+1€+0.20€+0.01€), je passe
pour un cinglé complet, ou quelqu'un qui n'a pas lu le prix, ou qui
« raisonne encore en francs », ou quelque chose comme ça. Bien sûr
que c'est mieux de donner 40.70€ (par exemple), mais si je donne
63.21€, c'est bien que je n'ai pas de billet de 20€ ni de
pièce de 0.50€, alors que j'ai trop de 1€ et de 0.20€ !
Bon, c'est un exemple un peu caricatural, même moi je ne ferais pas
ça. Mais il y a un phénomène scientifique là-dessous : si les gens ne
font pas les rassemblements modulo deux et cinq, et qu'ils les font
modulo dix, alors les pièces de 0.01€, 0.10€ et 1€ (et
les billets de 10€) devraient avoir tendance à apparaître dans
les porte-monnaies plus que les autres pièces (ou en tout cas plus que
dans une situation où tout le monde gèrerait la monnaie de façon
optimale). Il faudrait des études précises sur le sujet.
En vérité, je m'arrange pour avoir toujours un porte-monnaie assez
bien garni pour pouvoir faire l'appoint (mais, bien sûr, c'est
justement en ne le faisant pas toujours que je m'assure qu'il est bien
garni…). Notamment, les pièces de 1€ et 2€, je les
collectionne (pour les distributeurs c'est bien pratique) en faisant
presque toujours comme si je n'en avais aucune dans mon porte-monnaie
lorsqu'il s'agit de payer (donc je paye au-dessus). Jusqu'à ce que
j'arrive vraiment à en avoir trop (la dernière fois que j'ai compté,
j'avais plus d'une vingtaine d'euros en pièces), et là je me mets à
les liquider — ça descend beaucoup plus vite que ça ne monte,
ces choses.
Des gens font des études ou des collections sur la provenance
nationale des pièces dans leur porte-monnaie, mais déjà avec les
différentes dénominations il y a des considérations très
intéressantes. Ayons pitié des Américains qui n'ont que des pièces de
0.01$, 0.05$, 0.10$ et 0.25$ (et très rarement 0.50$ et 1$)!
OK, OK, peut-être que je suis
effectivement cinglé.
Une émission sur M6
tout à l'heure consacrée aux jumeaux ; le genre d'émissions typique de
M6 : une vague sauce scientifique sur un reportage un peu
creux, un zeste de caméra cachée, pas mal de rigolade, et le tout
donne quelque chose de pas trop sérieux, vaguement écervelant, mais
qui se laisse finalement regarder.
Certainement j'aurais regardé de toute façon, parce que —
comme sans doute pas mal de monde — j'ai toujours été fasciné
par les jumeaux. Déjà par la fraternité (je suis fils unique) : mon
ami Laurent m'en avait fait la remarque très tôt à la lecture de mes
œuvres littéraires (en particulier La Larme du
Destin ; plus récemment j'ai été très clair dans mon Requiem à la mémoire d'une
ombre), mais plus encore par la gémellité.
Clairement un fantasme homo : je ne sais pas en général, mais dans
mon cas c'est indubitable, et j'ai pu constater que ce n'est pas rare
pour les homos d'avoir cette fascination pour les jumeaux, pour leur
relation très proche, parfois fusionnelle, et sur l'idée de possibles
rapports incestueux. C'est idiot, me disait un ami, autant
fantasmer sur quelqu'un en train de se masturber que sur deux jumeaux
qui baisent ensemble. Certes, et pourtant ! (Bon, il y a bien sûr
des gens qui tripent sur la masturbation solitaire, mais ce n'est pas
trop mon truc — comme fantasme, je veux dire, hein .)
En plus, c'est idiot : vu que je suis absolument persuadé que je ne
me supporterais pas moi-même si je devais me côtoyer, je ne vois pas
comment je pourrais supporter un frère jumeau (bon, en grandissant
avec, c'est autre chose, mais justement je ne serais pas moi-même
— et je serais peut-être moins imbuvable — si j'avais eu
un germain). De toute façon, je ne peux pas avoir un evil twin brother séparé de moi dès la naissance,
parce que si c'était le cas je l'aurais forcément retrouvé grâce à
Google.
The email difficulties I had been
experiencing are now mostly gone. They turn out to have been caused
by the combination of a number of “bad luck” factors:
number one, the Sobig.F virus; number
two, the fact that someone on the same server was receiving an
incredible number of them (several hundreds in an hour); number three,
a horrendously slow virus filter that didn't work well and just ate up
all the CPU time to no avail (so the system couldn't
catch up with the number of emails received); number four, limited
disk space; number five, our usual system administrator being away in
August and the substitute being not as competent as we might have
wished; number six, the fact that Solaris stores its sendmail configuration file in
/etc/mail/sendmail.cf rather than
/etc/sendmail.cf and I did not know; and, number seven
— to please a reader of this 'blog — the fact that we use
sendmail in the first place rather than qmail.
But things seem to be back to normal, now. I may still be
receiving emails that have been delayed for indefinite periods, still.
And it isn't impossible that a couple have been lost. So if you sent
me something really important in the last two or three weeks and
aren't sure that I received it, you might as well resend it.
Naturally, the fact that I now receive email normally doesn't mean
that I'll suddenly be much better at replying.
[French translation of the above.]
Les difficultés avec mon mail que
j'ai connues sont maintenant à peu près disparues. Il se trouve
qu'elles étaient causées par la combinaison d'un certain nombre de
facteurs « malchance » : primo, le virus Sobig.F ; secundo, le fait que quelqu'un
sur le même serveur en recevait un nombre incroyable (plusieurs
centaines par heure) ; tertio, un filtre à virus atrocement lent qui
ne fonctionnait pas bien et se contentait de bouffer tout le temps
CPU pour rien (de sorte que le système ne pouvait pas
suivre le nombre d'emails reçus) ; quarto, l'espace disque limité ;
quinto, l'absence en août de notre administrateur habituel et le fait
que le remplaçant n'était pas aussi compétent qu'on aurait pu le
vouloir ; sexto, le fait que Solaris stocke son
fichier de configuration sendmail dans
/etc/mail/sendmail.cf au lieu de
/etc/sendmail.cf et je ne savais pas ; et, septimo
— pour faire plaisir à un lecteur de ce 'blog — le fait
qu'on utilise sendmail en premier lieu plutôt que qmail.
Mais les choses semblent être revenues à la normale, maintenant.
Je risque de continuer à recevoir des mails qui ont été retenus
pendant une période indéfinie. Et il n'est pas impossible que
quelques-uns aient été perdus. Donc si vous m'avez envoyé quelque
chose de vraiment important pendant les deux ou trois dernières
semaines et n'êtes pas sûr que je l'ai reçu, vous pourriez aussi bien
le renvoyer.
Naturellement, le fait que je reçoive les mails normalement ne
signifie pas que je sois devenu soudainement meilleur pour y
répondre.
Voilà, nous sommes en septembre (c'est fou comme le fait de tenir
un 'blog divisé en mois fait prendre conscience du passage du temps).
J'ai atteint l'année Bac+9. Et j'en profite pour regarder ce qui
m'attend, professionnellement.
Ma thèse a maintenant de sérieuses chances d'être menée à son
terme, et peut-être même d'ici décembre (du moins, c'est ce qui est
prévu). Rien n'exclut, évidemment, un blocage inattendu ou un malheur
quelconque, mais enfin les chances commencent à se préciser que je
porte avant trop longtemps le titre de Docteur de l'Université de Paris XI (oui, mon
fan-club commençait à désespérer, et moi avec). Mon directeur de
thèse et moi-même sommes convenus (au début de cet été) de ce qu'il me
restait à faire avant de soutenir, et cela semble atteignable. À part
pour une inévitable introduction au sujet, je n'aurai pas de phase de
rédaction (souvent si pénible pour les thésards) parce que ma thèse
sera simplement la réunion d'une série d'articles soit déjà parus soit
soumis à publication. Le principal regret qu'on peut avoir, c'est
qu'alors que l'intitulé de mon sujet était Arithmétique des
variétés rationnellement connexes, je n'aurai pour ainsi dire
travaillé que sur les hypersurfaces cubiques (et même, plus
précisément, que sur les surfaces cubiques, autrement dit la
dimension 2), qui sort certes des variétés rationnellement connexes,
mais tout de même assez particulières ; et au lieu d'appliquer de
belles et grandes techniques de déformation à la façon de Kollár, j'ai
surtout travaillé avec les symétries (et combattu les points d'Eckardt) sur les surfaces
cubiques. J'ai certes aussi un petit article minable sur la
R-équivalence très libre sur les variétés toriques et surfaces
de Del Pezzo de degré 5 (autres variétés rationnellement connexes),
mais ce n'est vraiment pas grand-chose ; et mon article commun avec
mon directeur de thèse, qui parle certes de surfaces de Del Pezzo de
degré 4 (en plus — encore une fois — de celles de degré 3
qui sont précisément les surfaces cubiques), ne sera pas versé à ma
thèse parce qu'il est cosigné. Je risque de ne plus pouvoir voir une
surface cubique, même en photo, quand j'aurai fini (ça tombe bien,
c'est difficile à photographier ).
Et justement, après la thèse ? Eh bien je ne sais pas. La suite
naturelle serait de postuler une charge d'enseignant-chercheur en fac
ou de chercheur au CNRS
(cette dernière possibilité étant à peu près perdue d'avance à cause
des restrictions draconiennes sur le nombre de postes). Bref, devenir
mathématicien, ce qui est logique après une thèse de maths. J'exclus
d'emblée la possibilité d'un post-doc à l'étranger, vue ma profonde
aversion pour toute forme de voyage. Et je ne suis pas non plus
terriblement emballé à l'idée de me retrouver maître de conf' en
province, moi qui ai passé les cinq dernières années à apprendre à
aimer Paris jusqu'à ne plus pouvoir supporter de vivre ailleurs (et
puis, matériellement, je suis propriétaire d'un appartement à Paris,
et je n'ai aucune intention de le revendre) : bon, à la limite il est
possible d'avoir un poste à Lyon ou Lille (par exemple) tout en
habitant Paris, et faire de fréquents allers-retours. Sans post-doc,
et avec une thèse qui ne révolutionne pas le monde, mes chances à
Paris sont limitées.
Quant au travail de recherche… Bien sûr que les
mathématiques pures me passionnent, mais les questions qui me motivent
semblent sans aucun rapport avec celles qui motivent les autres
mathématiciens (le journal
mathématique que j'ai tenu par le passé le prouve) ; les
« questions intéressantes » (comme on les qualifie) ne m'intéressent
pas, ce sont les « questions élégantes » que je recherche ; les
démonstrations m'intéressent moins que les énoncés des théorèmes
(toujours les plus élégants possibles), et les théorèmes moins que les
définitions et les formalismes harmonieux. Bref, j'ai le sentiment de
ne pas être en phase avec le monde de la recherche mathématique, de ne
pas poursuivre le même but. Et je ne suis pas non
plus sûr d'arriver à (ou simplement d'avoir envie de) socialiser avec
les mathématiciens.
Et sinon mathématicien, quoi ? Eh bien je n'ai pas trop le choix :
à moins de vouloir démissionner (ou au moins prendre un congé pour
convenance personnelle) de mon poste d'agrégé, ce serait pour enseigner (par
exemple en prépa) ; ce qui ne me motive que très médiocrement
(enseigner me plaît, mais refaire toujours le même programme…
quelle barbe ! et le niveau mathématique du programme de prépa est
bien peu intéressant), et corriger les copies est très pénible.
Enseigner demande pas mal de temps (à moins de me mettre à mi-temps,
mais alors ce serait forcément en lycée, donc encore plus chiant),
mais moins que d'autres choses que je serais susceptible de faire. De
toute façon, il est hors de question que je cherche du travail dans
l'informatique (même si j'en trouverais sûrement) : mes nerfs
craqueraient sans doute encore plus vite face à un ordinateur et un
programme con à écrire que face à une trentaine d'étudiants ou lycéens
(pour le lycée, ça dépend où, certes). Quand j'en ai parlé à mon
directeur de thèse, il m'a confié qu'il avait lui-même à un moment
nourri l'idée de partir enseigner pour être tranquille et pouvoir se
consacrer en même temps à l'écriture. Ce n'est pas absurde ; si
j'avais vraiment foi en mes talents d'écrivain, je n'hésiterais
pas.
Pourtant, rapidement, je vais devoir faire un choix. Le choix de
ma carrière, au fond, et ce n'est pas facile.
[Traduction anglaise de ci-dessus.]
So, we are now in September (crazy how holding a 'blog that's
divided in months makes one aware of the passage of time). It's now
been nine years since I graduated from high school. And I take the
occasion to look at what's ahead of me, professionally.
My doctorate thesis now has serious chances of going to its end,
and perhaps even before the end of the year (at least, that's what is
planned). Nothing says, of course, an unexpected obstacle won't come
up, or some disaster, but the chances are getting better that I'll
have before long the title of doctor of the University of Paris XI (yes, my
fan-club was beginning to despair, and I along with it). My thesis
advisor and I agreed (at the beginning of summer) on what remains for
me to do before I defend my dissertation, and it seems within my
reach. Apart from the inevitable introduction to the domain, I won't
have any special composition stage to go through (which doctorate
students often find a great pain) because my thesis will just be the
collection of a series of articles either already published or
submitted for publication. The main regret I can have is that
although the wording of the subject was Arithmetic of rationally
connected varieties, I practically will have worked only on cubic
hypersurfaces (and even, more specifically, on cubic surfaces, in
other words, dimension 2), which are indeed rationally connected
varieties, but very specific ones; and instead of applying beautiful
and general deformation techniques in the manner of Kollár, I have
mostly worked with symmetries (and fought Eckardt points) on cubic surfaces.
True, I have also a small and insignificant article on very free
R-equivalence on toric varieties and Del Pezzo surfaces of
degree 5 (further rationally connected varieties), but it really isn't
much; and my joint paper with my thesis advisor, which is indeed on
Del Pezzo surfaces of degree 4 (besides—again—those of
degree 3 which are precisely cubic surfaces) won't go into my thesis
since it is co-signed. I probably won't be able to stand the sight of
a cubic surface, when I'm done (well, that's all right, they're
difficult to get a sight of, anyway ).
So, precisely, after the thesis? Well, I don't know. The natural
continuation would be to apply for a research-and-teaching position in
a University or for a pure research job at the CNRS (the latter
possibility being essentially doomed from the start because of severe
cuts in the number of positions). In a word, to become a
mathematician, which is logical after a doctorate in mathematics. I
immediately rule out the possibility of a post-doc abroad, because of
my deep aversion for any kind of travel. And I'm not too terribly
enthusiastic either about getting an assistant professor's position
away from Paris, after I've spent the last five years of my life
getting to love this city and not being able to bear living elsewhere
(and then, materially, I own an apartment in Paris and have no
intention of selling it): all right, I could in principle have a
position in Lyon or Lille (for example) and still live in Paris, and
commute frequently. Without a post-doc, and with a thesis that
doesn't turn the world around, my chances in Paris are limited.
As for research work… Of course pure mathematics fascinates
me, but the problems which motivate me seem very different from those
which motivate other mathematicians (the mathematical diary which I've
held in the past proves it); « interesting questions » (as they are
qualified) don't interest me, it is « elegant questions » which I
seek; proofs interest me less than the statement of theorems (always
as elegant as possible), and theorems less than definitions or
harmonious formalisms. In brief, I have a feeling of being out of
phase with the world of mathematical research, not to pursue the same
goal. And I'm also unsure that I can (or even want
to) socialize with mathematicians.
But if not mathematician, then what? Well, I don't have much
choice: unless I resign (or take leave for personal convenience) from
my office as agrégé
[state employee as qualified high school teacher], it would be to
teach (for example in preparatory classes [“classes préparatoires”]); which I find only
very mediocrely motivating (I like teaching, but to endlessly go
through the same curriculum… what a bore! and the mathematical
level of the preparatory classes curriculum really isn't very
interesting), and grading exams is a real pain. Teaching takes rather
a lot of time, but less than other things that I might do. In any
case, it is out of question for me to seek employment in the computer
industry (even if I surely might find it): my nerves would certainly
crack much faster before a computer and a stupid program to write than
before thirty or so students (well, if in high school, it depends
where, assuredly). When I spoke of this to my thesis advisor, he
confided that he had himself at some point entertained the idea of
going into teaching so as to have the leisure and time to write. It
isn't absurd; if I really had faith in my gifts as a writer, I wouldn't
hesitate.
But, rapidly, I'll have to make a choice. The choice of my career,
in fact, and it isn't easy.