Comme je l'avais mentionné, j'ai passé deux jours aux Pays-Bas
(mardi et mercredi de la semaine passée), et j'ai même par
principe appris un peu de
néerlandais (je suis content, maintenant je comprends toutes les
versions des annonces quadrilingues du Thalys). Comme attendu et bien
entendu, je n'ai pas eu à m'en servir, parce que les Hollandais
semblent tous parler un anglais impeccable ; on pourrait presque
croire que c'est une langue officielle du pays : j'ai vu beaucoup de
choses écrites en anglais sans aucune raison apparente, par exemple
dans un fast-food asiatique dans la gare de Leiden dont le menu et les
instructions (choose your size, type of noodles,
topping
) étaient inscrits en anglais sans aucun équivalent
néerlandais.
Les choses n'ont pas très bien commencé. Je suis descendu à
Rotterdam, un peu crevé parce je m'étais levé à 5h45, ce qui n'est pas
trop dans mon habitude, et un peu angoissé notamment parce que, comme
le Thalys était en retard, on nous avait dit que l'arrêt serait de
très courte durée. J'ai eu du mal à trouver mon train pour Leiden :
les gares néerlandaises, de ce que j'en ai vu, ont une signalisation
complètement merdique. (Le hall est sous les voies, il y a un écran
en bas de chaque quai qui indique le prochain train qui en part, avec
uniquement l'heure de départ et le terminus, pas de mention des arrêts
intermédiaires, et nulle part de tableau synthétisant tous les
prochains départs. Si on cherche le prochain train pour tel endroit,
sauf à demander aux informations, il faut donc deviner le terminus,
parcourir tous les quais pour trouver celui qui va à cet endroit, et
monter pour consulter un écran plus grand qui indique, lui, les arrêts
intermédiaires ; il n'y a pas non plus de numéro de train, d'ailleurs,
donc celui qui figurait sur mon billet ne m'a servi à rien.) Pendant
que je cherchais ma voie, un peu déboussolé, je me suis fait
apostropher plusieurs fois par des rebeus français qui se proposaient
de m'aider (eh, cousin, tu cherches quelque chose ?
) — je
subodore vaguement que les Français qui viennent à Rotterdam sont
plutôt là pour acheter de l'herbe que pour trouver le train pour
Leiden. Enfin bon, j'ai fini par trouver mon train.
…Et là mon poussinet m'a appelé pour m'informer que j'avais oublié ma valise dans le Thalys. Le chef de bord l'avait appelé grâce à l'étiquette qui portait le numéro de son mobile (celui de mon poussinet), il a réussi à le convaincre que la valise n'était pas dangereuse, et du coup elle s'est retrouvée aux objets trouvés à Amsterdam. Ce qui veut dire qu'aussitôt arrivé à Leiden j'ai gagné le droit de faire un nouveau petit tour sur les Nederlandse spoorwegen pour aller chercher ma valise (surtout pour la peluche qu'elle contenait, en fait, et qui était la chose la plus importante). Heureusement que le pays est petit, et que les trains sont rapides et fréquents : il faut 35′ pour aller de Leiden à Amsterdam (c'était à peine moins de Rotterdam à Leiden), j'ai pu faire l'aller-retour, récupérer ma valise, et arriver à l'institut mathématique à temps pour l'exposé de mon collègue (invité en même temps que moi) en début d'après-midi.
La ville même de Leiden est adorable, avec ses rues piétonnes et ses canaux partout (et en fait, de ce que j'ai pu voir du pays en train de Rotterdam à Amsterdam, il y a effectivement beaucoup de voies d'eau dans tous les sens), et mon hôtel, situé au bord du oude Rijn (c'est-à-dire, le vieux Rhin) était confortable. Le campus aussi est agréable, mais dans le genre moderne et très spacieux, pas spécialement pittoresque, et on voit qu'il est surtout fait pour qu'on y circule à vélo (à pied c'est un peu loin ; heureusement, la valise que j'avais récupérée était très légère). L'institut mathématique est bien aménagé, avec notamment une bibliothèque très bien conçue (ils ont mis des murs partout sur lesquels on peut écrire à la craie : l'idée est qu'il y a des salles isolées pour les gens qui veulent du calme, plutôt que le contraire). C'est rigolo, ils emploient des moutons pour tondre les pelouses (bon, c'était peut-être exceptionnel ou nouveau, parce que les locaux avaient l'air aussi amusés que moi).
Scientifiquement, je crois que la rencontre a été profitable, même si j'ai regretté que mon co-auteur ne puisse pas venir aussi. J'ai manqué de temps dans mon exposé, mais ça m'aura peut-être permis de mieux donner les idées générales sans rentrer dans les détails techniques. J'ai eu l'occasion de discuter plus précisément ensuite avec ceux qui m'invitaient. Le lendemain (mercredi), j'ai pu assister à deux séances d'un cours donné par un autre invité, qui profitait de son travail sur la cohomologie cristalline pour présenter celle-ci de façon plus compréhensible (j'ai trouvé ça assez éclairant). Sinon, j'ai vu le bureau de Lenstra mais je n'ai pas vu son occupant.
J'étais un peu trop fatigué pour assister à une soutenance de thèse
qui avait lieu le mercredi matin : il paraît que c'est assez
particulier aux Pays-Bas, il n'y a pas d'exposé de l'impétrant (lequel
doit porter un costume noir à cravate blanche), le jury (dont les
membres portent un costume blanc à cravate noire, ou une toge pour les
professeurs de plein exercice) lui pose immédiatement des questions,
et cette séance de questions dure exactement 45 minutes, après quoi
quelqu'un entre dans la salle, frappe par terre avec un bâton et
déclare hora est
, et tout s'interrompt, même au
milieu d'une phrase, et le jury se retire pour faire semblant de
délibérer. Comme il n'y a pas de pot après, j'étais assez peu motivé
pour me lever à temps pour arriver à 8h45 pétantes à une
soutenance juste pour le folklore. Peut-être que j'aurais dû.
Sinon, on nous a emmenés dîner dans un excellent restaurant indonésien. Et un des convives (celui qui exposait sur la cohomologie cristalline) s'est fait voler son vélo qu'il louait pour la durée de son séjour.