Cette entrée fait suite à celle-ci et à celle-ci (et sans doute à quelques autres entre temps), mais je résume : je suis inscrit pour passer le permis moto (A2), et ce dernier comporte deux épreuves (sans compter l'épreuve théorique générale = « code », que je n'ai pas besoin de repasser) : l'épreuve hors circulation ou « plateau », et l'épreuve en circulation ou « conduite », qui doivent être validées successivement.
Je viens de passer avec succès l'épreuve de plateau cet après-midi à Gennevilliers. (Pour qu'il n'y ait pas de confusion : ça ne me donne, en soi, le droit à absolument rien, à part à [prendre des cours pour] passer la seconde épreuve.) Il m'aura fallu 87 heures de formation (en 28 séances de généralement trois heures) étalées sur cinq mois : ce n'est sans doute pas un record historique, mais c'est vraiment vraiment mauvais ; ceci étant, comme pour le permis voiture (obtenu au bout de 73 heures), je peux au moins dire que je l'ai eu du premier coup, et avec un score très correct (à savoir, A à toutes les épreuves sauf un B au parcours lent). Je raconte ça plus en détails ci-dessous, mais c'est aussi pour me poser des questions sur la manière dont on apprend, et le temps qu'il faut pour.
Je redis rapidement ce que j'ai déjà expliqué : l'épreuve de
plateau du permis moto comporte cinq exercices (qui se déroulent sur
un terrain de 130m×6m, le fameux plateau
) :
- poussette+vérifications ;
- parcours lent ;
- parcours rapide : freinage d'urgence ;
- parcours rapide : slalom+évitement ;
- fiches (interrogation orale sur la sécurité).
Chacun de ces exercices est noté A, B ou C (sauf le premier qui ne peut être noté que A ou B) ; pour les 2e, 3e et 4e exercices, le candidat a droit à deux essais sauf en cas de chute de la moto qui est immédiatement éliminatoire. (Et je ne sais toujours pas avec certitude si on retient le meilleur des deux essais ou le deuxième, mais la question ne se pose pas vraiment[#].) La condition pour valider l'épreuve est d'obtenir au moins deux A et aucun C sur l'ensemble des cinq exercices. (Remarquons qu'en pratique, il est très rare d'obtenir un B à l'un ou l'autre exercice du parcours rapide — quasiment toutes les fautes[#2] valent la note C —, ce qui, du coup, rend un peu stupide tout le système de notation : la condition de validation devient simplement de ne pas avoir de C et du coup le premier exercice n'a plus aucune importance ; mais bon, ce n'est pas moi qui ai fait les règles !)
[#] Parce que si on a un C à un exercice on doit de toute façon faire un deuxième essai (et les deux interprétations sont équivalentes), et si on a un B l'intérêt d'en faire un est extrêmement douteux.
[#2] Quasiment la seule possibilité qui vaudrait un B à une épreuve du parcours rapide consiste à poser deux fois un pied à terre lors du demi-tour en bout de piste. Certes, ça peut arriver, mais ce n'est vraiment pas fréquent.
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Je décris un petit peu plus les exercices, mais de façon quand même un peu moins verbeuse que la dernière fois, et en ajoutant des commentaires, que je peux maintenant me permettre de faire, sur leur difficulté :
- L'exercice de poussette+vérifications consiste d'abord à faire une toute petite manœuvre en poussant la moto, moteur arrêté, à la force des bras (enfin, des jambes), le long d'une courbe, d'abord vers l'avant puis vers l'arrière ; puis à faire (ou indiquer comment on ferait) des vérifications techniques sur l'état de la moto (du genre : vérifier l'état du pneu avant, ou le fonctionnement des clignotants). • La poussette demande un petit peu de force physique, mais en tout état de cause c'est très facile vers l'avant, et un peu moins vers l'arrière (on peut rater la courbe et on n'a le droit de corriger la manœuvre qu'une seule fois). Les vérifications sont faciles puisque c'est du par cœur, mais il est un peu agaçant qu'il y ait un certain flou artistique sur ce qu'on doit dire exactement pour certaines d'entre elles (du style faut-il vérifier que les appels de phare fonctionnent bien quand on demande de vérifier l'éclairage avant ?). En tout état de cause, comme je le dis plus haut, cet exercice est essentiellement sans importance.
- Le parcours lent consiste à faire un parcours un peu tarabiscoté entre des cônes et des piquets disposés sur le plateau : une partie est chronométrée (il faut prendre au moins 20s pour parcourir environ 27m, sans poser le pied à terre), il y a un point où on doit s'arrêter au milieu d'un demi-tour, et enfin il y a une partie où on embarque un passager. • L'avis quasi-universel (et qui est aussi le mien) est que c'est l'exercice le plus difficile de l'épreuve (surtout la partie chronométrée) : arriver à suivre un parcours sinueux, en restant en équilibre et en allant aussi lentement que possible demande un véritable entraînement (je vais y revenir), surtout quand il faut y arriver « à froid » ; le demi-tour n'est pas sans difficulté non plus, et le retour avec passager, même s'il est plutôt facile, pose le problème qu'on ne peut pas s'y entraîner si souvent que ça.
- Le freinage d'urgence consiste à faire un simple aller-retour en 3e, à atteindre ≥50km/h à un certain point dans le retour et, à partir de ce point (et pas avant !), à freiner de manière à s'arrêter avant une ligne située environ 15.75m plus loin (ou 19.65m plus loin si la piste est humide le jour de l'épreuve). • Cet exercice présentait une difficulté réelle tant que les motos n'étaient pas équipées d'ABS (si on freine trop fort, la roue avant bloque, et on est par terre) ; maintenant, il est beaucoup plus facile : les moniteurs insistent néanmoins sur l'importance d'arriver à le réaliser sans déclencher l'ABS (au moins à la roue avant), et même en ignorant le problème de l'ABS, il reste quelques difficultés (atteindre la vitesse exigée sans pour autant aller trop vite ce qui rendrait l'exercice impossible, ne pas anticiper le freinage, et bien sûr, freiner suffisamment).
- Le slalom+évitement consiste aussi à faire un aller-retour en 3e, cette fois-ci en slalomant entre des cônes à l'aller (et en atteignant ≥40km/h à un certain point) et, au retour, à atteindre ≥50km/h puis à effectuer une « manœuvre d'évitement » (en gros, une chicane pour éviter de taper un obstacle devant soi) puis un arrêt de précision dans un rectangle bien défini. • Les avis sur la difficulté de cet exercice varient, personnellement j'ai trouvé que c'était le plus facile (très intuitif et, honnêtement, vraiment rigolo à accomplir grâce à la magie du contre-braquage) : pour les deux exercices du parcours rapide j'avais parfois du mal à stabiliser ma vitesse à la bonne valeur, mais autant pour le freinage d'urgence je ne pouvais pas me permettre d'aller trop vite sous peine de ne pas freiner en l'intervalle alloué, autant pour celui-ci j'arrive sans trop de mal à le faire avec 5km/h voire 10km/h en plus du minimum imposé (aller comme retour).
- L'interrogation orale consiste à tirer au hasard une fiche parmi 12 qui évoquent des questions de sécurité à moto, et à en parler (la fiche comporte un titre et un plan sommaire proposé). • Il n'y a pas là de difficulté particulière même s'il y a quand même un certain nombre d'informations à mémoriser.
Il faut préciser une chose importante : l'examen se fait à froid, au sens où même si on prend une leçon de moto le matin même (comme l'auto-école le recommande) pour s'échauffer et/ou si on conduit une moto jusqu'au centre d'examen (en suivant le moniteur qui amène des autres élèves en voiture), le temps de faire les formalités administratives, le temps que l'inspecteur fasse passer en premier les candidats qui font l'épreuve de circulation — et pendant ce temps on ne peut pas toucher à la moto — on est « froid » quand il s'agit de passer. C'est vraiment une part importante de la difficulté de l'épreuve, et en tout cas de celle du parcours lent : je pense que l'exercice serait considérablement plus facile si on avait le droit ne serait-ce qu'à cinq minutes d'échauffement avant de passer. (Après, je ne dis pas que ce serait forcément souhaitable qu'il soit plus facile ! Et je comprends qu'il puisse y avoir des difficultés pratiques insurmontables.)
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J'avoue que je commençais à en avoir marre d'enfiler les heures à répéter encore et toujours les mêmes exercices (sur le plateau d'entraînement, on ne s'entraîne que peu à la poussette+vérifs et pas du tout aux fiches, donc c'était essentiellement : parcours lent, freinage d'urgence, slalom+évitement, répété ad lib. pendant toute la séance). Mais c'est relativement intéressant pour ce que ça trahit sur la manière dont le cerveau apprend : il y a, dans cette combinaison d'exercices, des choses qui s'acquièrent de manière consciente et d'autres qui fabriquent des automatismes, et il y a des choses qui viennent progressivement et d'autres qui font « clic » ; et même au sein d'un seul exercice, plusieurs de ces éléments peuvent se mélanger.
Voici notamment quelle a été ma progression sur le parcours lent (sur 87 heures de formation[#3], donc), en me concentrant sur la partie chronométrée :
[#3] En gardant néanmoins à l'esprit que sur 3h de formation, il y a facilement 45min de temps d'aller-retour jusqu'au plateau (temps qui est donc passé à faire de la moto — sauf les toutes premières séances où on est passager —, mais qui prépare plus à l'épreuve de circulation qu'à l'épreuve de plateau), et encore 15min de battement un peu inévitable le temps que tout le monde arrive, qu'on aille prendre les motos, etc. Donc les temps réellement passés à préparer l'épreuve de plateau sont environ 2/3 de ce qui est indiqué (et je pense que je passais, à la louche, la moitié du temps sur le plateau à travailler le parcours lent).
- Les 26 premières heures, je n'y arrivais pas du tout. (Comme je partais du point où je n'étais monté sur un deux-roues motorisé que comme passager, et encore, seulement une poignée de fois, ce n'est évidemment pas surprenant.)
- Ensuite, un moniteur qui insistait plus sur l'aspect technique des choses m'a (1) expliqué qu'il ne fallait pas viser une allure constante, mais apprendre à débrayer juste un tout petit peu, quand on sent qu'on perd de l'équilibre, pour regagner cet équilibre, (2) fait travailler en cercle et en huit à allure lente, et (3) donné des instructions précises sur l'endroit où placer mon regard à chaque point du parcours. À partir de là j'ai commencé à arriver de temps en temps à faire chacun des bouts du parcours lent (et notamment la partie chronométrée), puis le parcours tout entier.
- Entre la 30e et la 50e heures de formation, j'arrivais de temps en temps mais irrégulièrement à faire le parcours lent entier sans faute. Mais mon principal problème était que, si j'y arrivais de mieux en mieux à chaud, à chaque nouvelle séance, les premiers essais (à froid, donc, comme se fait l'examen) étaient presque toujours ratés. Je commençais à avoir l'impression de stagner. (J'avais raconté ce problème ici en insistant sur l'importance de la différence entre y arriver à froid ou à chaud.)
- Entre la 51e et la 72e heures j'ai commencé à y arriver de plus en plus souvent même à froid. (Il y a cependant eu 7 heures qui ont été plus ou moins perdues parce que le plateau était gelé et qu'on ne pouvait pas s'entraîner dans de bonnes conditions.) C'est aussi vers ce moment-là que j'ai enfin pris l'habitude de serrer correctement la moto entre mes jambes (je veux dire, que c'est devenu naturel au lieu que que je doive y penser consciemment à chaque fois, et du coup que j'oublie bien trop souvent).
- À partir de la 73e heure je peux dire que j'y arrivais de façon vraiment très régulière et reproductible, même à froid (en mettant, au pire, un pied à terre de temps en temps quand je déroulais mal ma trajectoire — c'est ce qui m'est arrivé à l'examen). Dès lors, mon principal souci a été d'arriver à le faire de plus en plus lentement et d'apprendre à garder l'équilibre dans des circonstances de plus en plus précaires (par exemple en calant exprès le moteur et en vérifiant que j'arrivais à le démarrer avant de perdre l'équilibre).
- Les moniteurs m'ont proposé une date d'examen au bout de 66 heures, et l'ont confirmée au bout de 75h. Les dernières séances servaient surtout à ne pas perdre l'habitude (et les 9h que j'ai faites cette semaine-ci étaient sans doute excessives).
À la fin, je me demandais un peu mais où est donc la difficulté,
en fait ?
et je m'amusais à faire des marches aléatoires sur le
plateau à 3km/h au compteur juste parce que j'y arrivais (mais bon, en
finissant toujours par mettre un pied à terre et moins faire le
malin).
Bref, c'est surprenant comme je suis passé, par des déclics et des
progrès graduels, de je n'y arrive pas du tout
à j'y arrive
mais seulement à chaud (et je ne progresse plus)
à finalement
j'y arrive et je trouve ça facile
. J'ai été très lent sur cette
progression, mais j'imagine que beaucoup de ceux qui ont fait la même
formation ont eu des étapes semblables.
J'imagine vaguement le type de mécanismes neurologiques qui pourraient faire qu'en apprenant quelque chose on ait un déclic qui fait que tout d'un coup « ça marche » (j'avais ressenti quelque chose de ce genre en apprenant à faire du snowboard), je suppose qu'il y a une structure neurologique commandant à un automatisme qui se met en place. Mais ce qui est plus inattendu c'est cette histoire de choses qui marchent à chaud et pas à froid, comme si la structure neurologique était en place mais qu'il fallait que la mémoire à court terme intervienne pour l'activer.
Pour les épreuves du parcours rapide, j'ai eu l'impression qu'il ne s'agissait pas tant d'acquérir des automatismes que de trouver, par une recherche plutôt consciente, la technique avec laquelle on y arrive le plus facilement (et notamment pour atteindre et stabiliser la vitesse). La difficulté était donc de nature assez différente.
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