David Madore's WebLog: 2012-08

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en août 2012 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in August 2012: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in August 2012 / Entrées publiées en août 2012:

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(vendredi)

Fragment littéraire gratuit #145 (au café)

Florian commande une pression. Toi, un café. Le silence s'installe : le passage du serveur a tué la conversation superficielle. Merde, tu ne sais plus quoi dire. Dans trente secondes exactement, ce silence va devenir gênant. Un compte à rebours commence dans ta tête. 29… 28… 27…

Tu es en train de passer en revue différentes répliques pour rompre la glace, toutes aussi nulles les unes que les autres (plus que dix secondes !), quand Florian se met à sourire. C'est un cliché trop usé de dire qu'un sourire « illumine » un visage — au diable le cliché !

Kurt Cobain. Voilà à qui il te fait penser, soudainement, avec ses cheveux mi-longs qu'il écarte de son visage d'un geste machinal, sa barbe éternellement naissante, ses yeux clairs timides, ses sourcils tendrement expressifs, son regard maladroit et son look débraillé. Kurt Cobain et son sourire un peu enfantin. Tu espères que ce n'est pas de mauvais augure. (Il n'a pas encore 27 ans.)

Il a dit quelque chose. Ou étaient-ce tes propres pensées ? Non, il a dit quelque chose. Tu reviens en arrière de cinq secondes dans le temps :

Il est très sexy, n'est-ce pas ? Tu te retournes. C'est du serveur que Florian parle. Et c'est vrai. Occupé à prendre la commande d'une autre table. Il pourrait être mannequin, celui-là. Dans une pub pour un parfum de Calvin Klein. Il a peut-être été recruté pour son physique. Ou peut-être pas. Jolie paire de fesses, en tout cas, quand il se dirige vers le bar.

La remarque te désarçonne. Homo ? Non, il a eu une copine quand il était lycéen. Puis une autre. Puis encore une autre. Il faisait peut-être semblant. C'est idiot, ça, il pourrait être bi. Pourquoi oublie-t-on toujours que les bi existent ? Et puis, pourquoi un mec hétéro ne pourrait pas faire une remarque sur la beauté d'un autre mec ? Tu secoues la tête comme pour en chasser tant de préjugés et tant de bêtise. Mais pourquoi Florian a-t-il dit ça ? pour faire conversation ? pour te tester ? pour envoyer un message ?

Il a une manière particulière de parler, aussi. Comme une trace d'accent. Encore une remarque idiote : tout le monde a un accent, il n'y a que les Français — certains Français — pour s'imaginer qu'ils n'en ont « aucun », ils ont l'accent d'Orléans, c'est tout. Celui de Florian pourrait être alsacien. Pour quelle raison aurait-il un accent alsacien ? Idée saugrenue. C'est sans doute juste une façon de parler. Tu essaies de te rappeler s'il l'a toujours eue ; tu ne sais plus bien.

La question n'était pas que rhétorique. Apparemment il attend une réponse. Tu acquiesces vaguement. Pas sûr que ça suffise.

Sa sœur (Sophie, pas Sandra) était comme ça. (Est comme ça, vraisemblablement.) Elle te posait souvent des questions incongrues sur tout ou n'importe quoi qui venait à passer sous ses yeux ou dans sa tête, et elle attendait une réponse : gare à qui n'aurait pas d'avis ! Elle serait mieux en rouge, cette voiture, tu ne trouves pas ? (Pourquoi précisément cette voiture parmi toutes celles qu'on a pu voir aujourd'hui ?) Qu'est-ce que tu penses de cette façade, elle est hideuse ? Je suis sûr que ce type est trader, tu ne crois pas ? Qui a le plus de classe, entre Morgan Freeman et Sean Connery ? (La conversation ne tournait pas du tout autour du cinéma.) C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar : tu ne trouves pas que c'est une façon extraordinaire de débuter un roman ? (Idem, Flaubert était arrivé là comme un cheveu sur la soupe.) Tu serais plutôt LSD ou plutôt ecstasy ? Et le plus bizarre : Si Newton avait été archevêque de Cantorbéry, l'histoire du monde aurait-elle été différente ? (Il n'y a que Sophie pour se demander ça. C'était peut-être venu juste après la question sur les drogues, d'ailleurs. Newton n'avait pas plus de raison d'être archevêque que Michelange d'être pape ?)

Il a un mignon petit cul. Lequel de vous a dit ça ? En tout cas, c'est Florian qui en rigole.

Alors, homo ou pas ? Tu te dis que tu te poses trop souvent cette question. Surtout s'agissant de jolis garçons. (Le serveur aux belles fesses, gay ou pas gay ? Et Kurt Cobain, d'ailleurs ? Ce n'est pas lui qui taguait God is Gay sur les murs de sa ville natale ? Lui-même était bi, sans aucun doute.)

Tu te rappelles tout d'un coup la scène à Chamonix où, rentrant à l'improviste, tu avais trouvé Florian allongé nu sur son lit (la porte même pas fermée), en train de se branler. Il n'avait pas tiqué : ah, c'est toi ? salut ! déjà de retour ? (pas embarrassé une seule seconde ; toi tu avais quand même tenu à fermer la porte pendant qu'il finissait le boulot). Comment avais-tu pu oublier ça ? Remarque, ça ne te dit pas à quoi il pensait à ce moment-là.

Bon, trêve de divagation, de toute façon tu ne vas pas coucher avec lui. (Si ?)

La remarque a décoincé la conversation. Qui part dans une direction inattendue : Call of Duty (le jeu — enfin, les jeux), qu'il mentionne de manière aussi incongrue que les fesses du serveur, et dont il s'avère être fan (le jeu, pas les fesses), encore plus que toi. Il est en train de mimer un tir quand le serveur (toujours le même) revient avec la bière et l'expresso. Vous trinquez. On ne trinque pas avec un café, mais vous trinquez.

Les verres vidés, Florian se sent assez à l'aise pour poser la question qui, visiblement, le démange : Excuse-moi si je suis maladroit… ça t'embête si je te pose quelques questions indiscrètes sur ta transition ?

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(mercredi)

Le problème des chapeaux de couleur

Une petite addition à la liste que j'avais faite naguère (+1), dans le genre plus proche de ces problèmes-là (en fait, il s'agit d'une variation sur ce que j'appelais l'archi-classique problème des amazones qui tuent leurs maris quand elles savent qu'ils sont infidèles ; il est aussi apparenté au paradoxe de l'examen surprise) :

Le cruel Docteur No a capturé seize mathématiciens. Il les installe autour d'une table et met sur la tête de trois d'entre eux un chapeau blanc, cinq d'entre eux un chapeau rouge, et huit d'entre eux un chapeau noir. Puis il leur tient le discours suivant (rigoureusement exact) : Messieurs, vous êtes tous de parfaits logiciens, et vous savez que je ne vous dirai que la vérité. J'ai placé sur la tête de chacun d'entre vous un chapeau, soit blanc, soit rouge, soit noir. Chacun de vous peut voir la couleur des chapeaux des quinze autres mathématiciens, mais pas du sien. Votre but sera de déduire la couleur de votre chapeau. Pour cela, nous allons procéder en plusieurs tours : à chaque tour, vous écrirez secrètement dans une enveloppe la couleur que vous aurez déduite de votre chapeau, si vous le pouvez, sinon vous laisserez l'enveloppe vide — puis nous dévoilerons le contenu de chaque enveloppe et nous procéderons à un nouveau tour (et ainsi de suite). Vous n'aurez aucun autre moyen de communication. Si une enveloppe contient une mention incorrecte, je vous ferai tous mourir dans d'atroces souffrances (mais cela ne se produira pas car, en tant que parfaits logiciens, vous n'écririez qu'une couleur dont vous êtes logiquement certains). Si trop de tours passent sans que vous ayez tous déduit la couleur de votre chapeau, je vous mettrai aussi à mort (mais nous savons tous que vous écrirez une couleur dès qu'il est logiquement possible de la déduire). Bien, nous allons commencer. Puis, sentant bien que le problème est impossible, le Docteur No ajoute, comme indication : Toutes les couleurs de chapeaux sont représentées (i.e., au moins l'un d'entre vous a un chapeau de chacune des trois couleurs possibles). Comme vous pouvez d'ailleurs le voir. Que va-t-il se passer ?

Le nœud de ce problème existe sous un nombre infini de variantes (par exemple celle-ci), je l'ai souvent appelé le « problème des amazones » parce que j'ai dû le lire d'abord sous cette forme-là[#], mais il faut faire beaucoup de contorsions pour y mettre toutes les hypothèses nécessaires (que je crois avoir correctement réunies). Ici j'ai ajouté quelques petites subtilités pour rendre la chose plus amusante.

(Si on n'a jamais rencontré ce problème, on peut s'échauffer en réfléchissant à ce qui se passe s'il n'y a qu'un seul mathématicien, puis deux, puis trois, quatre, cinq, tous ayant un chapeau blanc, et l'indication du Docteur No est : au moins l'un de vous a un chapeau blanc. Chaque mathématicien supplémentaire apporte un niveau de profondeur supplémentaire dans le raisonnement, au sens où chacun raisonnera sur les raisonnements de tous les autres.)

Bref, que va-t-il se passer ? Réponse :

Le « paradoxe » avec ce problème, c'est que le Docteur No donne comme indication quelque chose qui est manifestement visible de tous les mathématiciens (tous voient bien qu'il y a un chapeau de chaque couleur, et même, puisqu'il y a trois chapeaux blancs, tous voient bien que tous le voient bien, donc tout le monde savait déjà que l'indication du Docteur No était correcte : elle n'apporte en elle-même aucune information nouvelle à qui que ce soit), mais elle est pourtant indispensable à une quelconque déduction (sans l'indication, aucun mathématicien ne peut jamais déduire quoi que ce soit). L'explication, c'est que si tous les mathématiciens savent que l'information donnée par le Docteur No était correcte, le fait qu'il la prononce apporte une information nouvelle, c'est que maintenant non seulement tout le monde le sait, mais tout le monde sait que tout le monde le sait, et tout le monde sait ça, et ainsi de suite. C'est ce qui rend la déduction possible.

En fait, si on veut faire une analyse vraiment rigoureuse du problème, le cadre est assez complexe : a priori, il s'agit de calcul propositionnel modal, avec 16 modalités correspondant à le mathématicien nº1 sait que jusqu'à le mathématicien nº16 sait que (heureusement vérifiant le système standard S5 de la logique modale). Et les modèles d'une telle chose sont, en vérité, assez compliqués. Par exemple, si on veut décrire l'ensemble de toutes les configurations possibles, ce n'est pas très aisé : rien qu'avec un mathématicien, il y a douze « états » possibles (le mathématicien a un chapeau blanc et ne sait rien sur la couleur de celui-ci, il a un chapeau blanc et il sait qu'il n'est pas rouge, il a un chapeau blanc et il sait qu'il n'est pas noir, il a un chapeau blanc et il sait qu'il est blanc, et de façon analogue pour chacune des deux autres couleurs) ; pour deux mathématiciens, il faut tenir compte non seulement de la couleur du chapeau de chacun, et de ce qu'il en sait, mais aussi de ce que l'autre sait qu'il en sait, et ainsi de suite jusqu'à un niveau arbitrairement élevé, ce qui fait une infinité de possibilités — il y a certainement des façons intelligentes de définir des états « utiles » en nombre fini, mais je n'ai pas les idées complètement claires.

On peut aussi penser au problème sous un angle vaguement algorithmique, si un mathématicien voit p autres mathématiciens ayant un chapeau blanc, q avec un chapeau rouge, et r avec un chapeau noir, en fonction de ce qui a été annoncé aux tours précédents, que doit-il mettre dans son enveloppe ? Ce qui est assez étonnant, c'est que si les mathématiciens avaient l'occasion de se concerter entre eux (avant de recevoir les chapeaux, évidemment, mais après avoir reçu l'indication il y a au moins un chapeau de chaque couleur, ou pour être exactement identique à ce que j'ai écrit, il y a au moins deux chapeaux de chaque couleur), leur stratégie serait de toute façon la même : cette concertation ne sert à rien. (Elle est utile, en revanche, s'ils ne reçoivent aucune indication : dans ce cas, ils peuvent décider de prendre le risque de mourir si le Docteur No a cité une couleur pour laquelle il n'a placé aucun chapeau.)

[#] Sans doute dans une des colonnes mathématiques de l'âge d'or de Scientific American : Mathematical Games de Martin Gardner, Metamagical Themas de Douglas Hofstadter ou bien Mathematical Recreations d'Ian Stewart.

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(samedi)

Fragment littéraire gratuit #144 (une mission)

Je scrutai des yeux les quatre autres, cherchant à deviner ce que pouvait avoir en commun cette mystérieuse compagnie. La femme en cuir noir me fixait avec une intensité qui me mettait mal à l'aise. Le rouquin malingre et le beau gosse musclé échangeaient des sourires dont je ne devinais pas le sens. Mais ce que je ne devinais surtout pas, c'était…

Pourquoi je vous ai réunis ici : compléta notre mécène, qui venait d'entrer, en lisant apparemment dans mes pensées, voilà ce que vous vous demandez certainement. Afin de ne pas perdre un temps précieux dont nous ne disposons pas, je vais vous lire immédiatement le courrier que j'ai reçu ce matin du Sanctuaire :

Argyre ! Tu es en cette heure la seule personne à qui je puisse fier cette mission, aussi sont-ce tes épaules que je vais charger de mon fardeau : c'est à toi qu'il incombera d'éviter une guerre.

Sache sans plus attendre la terrible nouvelle : Ce que je gardais a été volé. J'ignore pourquoi ou comment l'impossible s'est produit malgré ma vigilance, mais au-delà de ma honte je sais ceci : c'est que ce vol provoquera une guerre, aussi fatalement que le coucher du soleil fait venir la nuit. Car je pressens que chacune des huit Nations accusera les autres d'avoir organisé ce crime, et Ce qui a été un instrument de paix deviendra, en disparaissant, la cause ou le prétexte de tous les conflits.

Pour retarder ce qui peut l'être, je tâcherai d'abord de dissimuler le vol en interdisant l'accès au Sanctuaire ; ensuite, quand il sera malgré tout découvert, je m'arrangerai pour qu'on m'en croie coupable et qu'on m'y trouve des motifs personnels moins susceptibles de déchirer les Nations. J'espère en attirant sur moi le malheur éviter qu'il frappe trop durement des innocents : je dois bien cela à la charge où j'ai failli.

Toi, pendant ce temps, je te supplie de tout mettre en œuvre pour découvrir la vérité. Tu m'as déjà montré par le passé que tu étais capable d'accomplir des miracles ou de recruter ceux qui savent en faire. Je te demande donc un miracle. Fais-le au nom de notre amitié ancienne ; mais ne le fais pas pour moi, fais-le pour l'idéal en lequel j'ai cru et pour défendre lequel je me condamne aujourd'hui. Je joins à cette lettre une description des circonstances matérielles du vol, y compris les secrets du Sanctuaire, mais tu verras qu'il y a bien peu de choses à dire. Je joins aussi un pouvoir, dans l'usage duquel je n'ai pas besoin de te recommander la parcimonie, car il pourrait compromettre ta mission, et te compromettre toi-même quand ma perte sera consommée. Fais pour le mieux.

Bien à toi,

— Chryse

Vous avez chacun, à votre façon, continua Argyre, une dette envers moi. Vous avez surtout des talents que je ne trouverais nulle part ailleurs, quand bien même je disposerais d'une année pour chercher. Et enfin, vous avez ma confiance. Je pense que je n'ai pas besoin de vous faire de plus longs discours : faites un miracle et empêchez une guerre.

J'avoue que cette scène est plus ou moins l'ouverture (la présentation de la quête) que je comptais donner à un scénario de jeu de rôle dont j'avais très vaguement eu l'idée il y a longtemps, et qui n'était resté qu'au stade d'idée très vague. Ce scénario s'inspire lui-même du principe d'une histoire que j'ai écrite quand j'étais au lycée et qui, c'est le moins qu'on puisse dire, n'est pas un chef d'œuvre (mais bon, si vous voulez absolument lire un texte complet autour de ce fragment, c'est ce que j'ai de mieux à proposer). J'ai fait attention à écrire le fragment ci-dessus de manière à impliquer le moins de choses possible, ni sur le cadre général ni sur le sexe des personnages.

Je remarque a posteriori que, de façon plus ou moins involontaire, ce fragment se connecte assez bien avec celui-ci et surtout celui-là (d'une manière qui donne à chacun des deux un rebondissement qui me plaît bien). Peut-être qu'il faut considérer mes fragments comme des pièces d'un puzzle qu'on doit essayer de recoller les uns aux autres de toutes sortes de manières jusqu'à ce qu'émerge tout fasse sens.

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(vendredi)

Carte graphique, écran LCD et autres râleries

TLDR: J'ai remplacé ma carte graphique vieille de cinq ans et mon moniteur (un CRT de 17″ de résolution 1024×768) vieux de huit par une carte graphique récente et un écran LCD de 22″ de résolution 1920×1080, et je me lamente d'avoir perdu au change. Bref, je fais ce que je fais de mieux au monde : le vieux râleur grincheux.

Mercredi matin, la carte graphique de mon ordinateur est morte. J'avoue que je ne pensais pas possible qu'un composant purement électronique mourût, et je ne comprends pas bien ce qui a pu se passer : Linux a sorti des messages d'erreur assez bizarres (et a tué le serveur X), j'ai pensé que c'était peut-être un bug, j'ai commencé à compiler une nouvelle version du noyau, mais en chemin l'écran est devenu complètement gris ; la machine marchait encore normalement à ce stade-là, j'ai pu me connecter à distance et rebooter, mais elle a planté au reboot et ensuite n'a plus du tout voulu redémarrer — le BIOS émettait le code (un bip long suivi de trois brefs) qui indique qu'il n'arrive pas à initialiser la carte graphique. Je maudis au passage ces BIOS qui ont besoin d'une carte graphique pour démarrer l'ordinateur (ça fait partie de cette distinction complètement crétine entre machines « de bureau » et machines « serveur » que les fabricants de matos aiment mettre en place pour des raisons commerciales), mais passons.

Digression : Il y a une sorte de malédiction qui fait que quand je commence à ouvrir l'ordinateur pour toucher au matériel qui est dedans, d'autres choses se mettent à poser des problèmes. En l'occurrence, c'est un disque dur qui est mort (il n'a peut-être pas aimé que je gigote le boîtier pour changer la care graphique). Pas un problème : toutes mes données sont en RAID (5 ou, pour la plupart, 6), indépendamment d'autres mesures de backup. Et pas une surprise non plus : je savais depuis longtemps que ce disque dur avait des problèmes et qu'il risquait de mourir (c'est un Seagate, évidemment, voir la note #5 de l'entrée liée ci-dessus). Il se trouvait même que j'avais sur mon bureau un disque dur (Samsung) de 2To qui attendait de servir pour autre chose, et que j'ai pu récupérer immédiatement en remplacement. Après, il y a une autre malédiction qui fait, qu'en informatique, on commence à vouloir faire quelque chose, ça nécessite de faire quelque chose d'autre pour commencer, puis quelque chose d'autre, et on croit ne jamais en finir : en l'occurrence, ce nouveau disque dur Samsung avait potentiellement un bug dangereux de firmware (potentiellement, parce que ces crétins de chez Samsung ont donné au firmware corrigeant le bug le même numéro de version que le firmware buggué, de sorte qu'il n'y a aucun moyen de tester), du coup j'ai voulu flasher le firmware de mon disque. Ce qui passe par l'utilisation d'un utilitaire DOS. Or le seul DOS auquel j'ai accès est FreeDOS, donc j'ai dû me lancer dans la quête secondaire « réussir à produire une clé USB bootable pour FreeDOS » (pour pouvoir flasher le firmware de mon nouveau disque, pour pouvoir remplacer celui qui est mort en même temps mais sans doute indépendamment de la carte graphique, vous suivez ?), et il m'a fallu un bon nombre d'heures pour trouver la solution, qui n'est expliquée à peu près nulle part sur le Web. Bref, j'ai pu flasher le firmware de mon disque (il m'a fait peur parce qu'il ne marchait plus du tout après : en fait, il fallait faire un reboot à froid). Je passe sur une petite merdouille, complètement sans rapport, que j'ai aussi eue avec Linux au passage (je suis passé à un noyau 3.5.x, et maintenant pour faire marcher le clavier et la souris il faut penser à charger le module hid-generic). Je reviens à ma carte graphique.

Je n'ai jamais bien compris ce qui constituait la différence entre les générations successives de cartes graphiques un peu modernes. Ma précédente (celle qui a grillé) était une Radeon HD 3450 (chipset RV620 de la famille R600), la nouvelle que j'ai acheté hier est une Radeon HD 6450 (chipset Caicos de la famille Northern Islands), et mon poussinet a une Radeon HD 5450 (chipset Cedar de la famille Evergreen) que je lui ai donnée pour des raisons que je vais expliquer : entre ces différentes cartes, il y a certainement des différences, mais ce tableau m'éclaire, à vrai dire, très peu. Je me fais vaguement une idée d'une carte graphique comme juste une batterie de processeurs généralistes auxquels le driver va donner à faire plein de calculs de superpositions de triangles ou je ne sais quoi, et je vois mal ce qui peut changer entre les différentes familles à part la vitesse et le nombre des processseurs. Mais bon.

En revanche, il y a une différence que j'ai clairement remarquée, c'est que sur les deux dernières cartes que j'ai achetées (la 5450 que j'ai donnée à mon poussinet et la 6450 que j'ai achetée hier), la sortie VGA ne marche pas correctement. Enfin, je ne sais pas vraiment si elle est défectueuse ou si c'est le moniteur qui est capricieux dans ce qu'il accepte, mais il y a un phénomène d'« écho » à l'affichage (l'image est accompagnée d'un léger reflet, décalé d'une dizaine de pixels sur la droite, c'est particulièrement visible pour une image noire sur fond blanc), extrêmement désagréable. Je soupçonne que presque plus personne n'utilise la sortie VGA, et qu'ils ne la testent pas trop. Ou peut-être que le problème ne se pose que sur les écrans CRT, ou quelque chose de ce goût-là ; ou peut-être que c'est juste mon moniteur dont le connecteur était bizarre (il faut dire qu'il était un peu cassé au niveau des vis). Toujours est-il que quand j'ai acheté une carte graphique fin 2010 (la 5450), j'ai remarqué cette anomalie d'affichage et je l'ai donnée à mon poussinet en échange de sa carte à lui, plus vieille (c'est la 3450 qui vient de griller, elle datait de 2008 environ) et qui n'avait pas le défaut en question[#]. Comme maintenant cette carte est morte, j'ai dû me résoudre à changer d'écran pour utiliser la sortie DVI.

Le truc, c'est que je n'aime pas les écrans LCD. J'avais un moniteur CRT de 17″ acheté en 2003 auquel je tenais beaucoup non parce qu'il était de bonne qualité, mais parce qu'il avait la vertu d'être un CRT, ou plutôt, de ne pas être un LCD. Je reconnais que les LCD ont un gros avantage, c'est d'être beaucoup moins lourds (mon expérience en 2003 de transport de ce moniteur entre la rue de Charenton et chez moi était, disons, douloureuse) et moins encombrants en profondeur. Mais ce que je n'aime pas chez eux, c'est :

  • ["LCD suckx"]Le rendu des couleurs. Pas tellement le rendu des couleurs dans l'absolu, mais la manière dont le rendu des couleurs varie selon l'angle de vision. Peut-être que les LCD de très haute qualité n'ont pas ce défaut, mais ceux que j'ai les moyens de trouver et d'acheter l'ont, et ça me rend complètement fou : tout plan uniforme visualisé sur un écran LCD se transforme en un dégradé vertical, parce que les pixels du haut de l'écran (vus d'un peu en-dessous, donc) n'apparaissent pas de la même couleur que ceux du bas (vus d'un peu au-dessus). Il y a eu de légers progrès avec le temps, les premiers LCD étaient encore plus insupportables, et d'ailleurs, l'effet était, je crois, plutôt selon l'angle horizontal, et quelqu'un a fini par avoir la bonne idée de s'arranger pour que ce soit au moins selon l'angle vertical (comme ça les deux yeux voient au moins vaguement la même couleur, c'est déjà un progrès), mais je continue à trouver ça extrêmement gênant. Et ce n'est pas seulement que la luminosité varie selon l'angle de vue : c'est aussi qu'elle semble ne pas varier de façon assez peu continue, ou franchement pas monotone, avec l'intensité supposée du pixel ! Prenez l'image ci-contre : si vous ne voyez rien, c'est plutôt normal, il s'agit d'un texte d'un gris très très sombre sur un fond noir ; mais ce qui est bizarre, c'est que sur les LCD que j'ai pu tester, le texte devient plus ou moins lisible quand on le regarde d'en haut ou d'en bas : or je comprends à la limite que la couleur change un peu, mais le noir et le gris très sombre devraient changer de la même manière, et rester très très proche, si bien que le texte ne devrait pas devenir plus ou moins visible. Le fait qu'il le devienne signifie que tous les effets d'anti-aliasing sont cassés sur les écrans LCD, et je déteste ça.
  • La résolution. Je ne comprends pas bien l'intérêt d'avoir une résolution élevée. Jusqu'à la semaine dernière, mon écran était en 1024×768 (ce qui, pour un 17″ de format 4:3, fait du 75dpi) et j'en étais très content. Bon, le truc c'est que je suis terriblement myope et astigmate[#2], les pixels à cette résolution sont déjà en-dessous de ce que mon œil est capable de distinguer à moins de regarder de très près. Mon nouveau CRT de 22″ fait du 1920×1080, soit 96dpi, tout ce que j'y gagne c'est que tout est beaucoup plus petit, notamment le texte, et j'ai du mal à le lire. Je sais ce qu'on va me rétorquer : (1) Je n'avais qu'à acheter un écran de moins haute résolution. Ben en fait j'ai pris le moins cher avec une entrée DVI, je suis sidéré que « le moins cher » (en l'occurrence dans les 140€) soit un écran 16:9 de 22″ qui fait du Full HD, mais c'est comme ça. (2) Je peux configurer l'écran pour être en-dessous de sa résolution nominale. Eh bien ça, c'est justement ce que je n'aime pas avec les LCD, c'est que si on fait ça, c'est horriblement moche, alors que sur un CRT il y a un petit flou agréable à n'importe quelle résolution, là c'est vraiment insupportable même pour mes yeux de taupe. (3) Je peux configurer le texte pour être plus gros. Oui, en théorie, mais Linux étant ce qu'il est, il y a un zillions de programmes à configurer chacun différemment, il y en a pour lesquels j'y arrive, d'autres pour lesquels je cherche encore (bon, on m'a donné des conseils précieux, j'ai bon espoir d'améliorer les choses). Et en tout état de cause, ça ne concerne que le texte : c'est un peu délicat de persuader tous les programmes de quelque sorte que ce soit qui auraient envie d'afficher une image de bien vouloir agrandir cette image de 30%, et si possible avec un algorithme un peu plus intelligent qu'une interpolation linéaire.
  • L'aspect-ratio. Ce n'est pas directement lié à la technologie LCD, mais je ne crois pas qu'il existe de CRT de format 16:9. Or je trouve le format 16:9 plutôt pénible : ce n'est pas une télé que j'achète, je ne compte guère regarder des films dessus, et à la limite s'il y a une chose que je prends comme modèle pour mon écran, c'est une feuille de papier, et aux dernières nouvelles, les feuilles de papier, pour écrire, on les tient plutôt dans le sens « portrait » où elles sont plus longues que large. C'est normal : quand une ligne de texte devient trop longue on en perd le fil. Disons que le 4:3 était un bon compromis, mais s'agissant du 16:9, je ne comprends vraiment pas l'intérêt d'avoir des écrans si larges (ou plutôt, si peu hauts), à moins d'écrire principalement de haut en bas. Ça prend plutôt plus de place sur le bureau. Or les écrans LCD format 4:3 sont plus chers que les 16:9 (même à hauteur verticale égale, apparemment). Certains me diront : il y a des écrans pivotables, on peut donc les mettre au format 9:16 (portrait) si on veut lire un texte ; malheureusement, ça ne marche pas, parce que si on fait ça, le problème de rendu des couleurs évoqué plus haut fait qu'on voit quelque chose de totalement différent avec l'œil gauche et avec l'œil droit, et le mal de tête est garanti en un rien de temps (je sais, j'ai essayé au bureau).

[#] En plus, en 2010, la 3450 était nettement mieux gérée par Linux que la 5450, donc j'y ai plutôt gagné. Heureusement, de ce point de vue-là, il y a eu du progrès.

[#2] Normalement ça se corrige avec des lunettes. Normalement. Mais mon astigmatisme a l'air d'être trop bizarre, mon ophtalmo n'arrive pas à en mesurer la direction principale à mieux que 20° près environ, et quant à la myopie, il suffit que mes lunettes tombent d'une fraction de centimètre sur mon nez (i.e., tout le temps) pour que la correction passe de correcte à médiocre.

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(samedi)

Comment vulgariser la géométrie riemannienne ?

La laborieusement interminable écriture de mon texte de vulgarisation sur les octonions m'a amené, de fil en aiguille (géométrie octonionique → espaces projectifs sur les réels, complexes, quaternions et octonions → géométrie riemannienne réelle de ceux-ci) à lire ou relire des choses sur la géométrie riemannienne. Pour ceux qui n'ont aucune idée de ce dont je parle, disons qu'en zéroième approximation[#], il s'agit de la géométrie des espaces courbes (le mot courbe méritant lui-même d'être expliqué, puisqu'il s'agit de courbure intrinsèque) ; et il s'agit[#2] de l'ingrédient mathématique essentiel de la relativité générale, qui explique la gravitation comme une courbure de l'espace-temps[#3].

La géométrie riemannienne est aussi quelque chose qu'on a vraiment envie de vulgariser : parce qu'elle donne l'impression, peut-être trompeuse, qu'il est possible d'en expliquer les idées fondamentales « avec les mains », tant il s'agit d'idées géométriques souvent visuellement « concrètes » ; et aussi parce que la vulgariser aiderait à mieux la comprendre et, accessoirement, à comprendre la relativité générale[#4].

La première difficulté qui surgit, c'est sans doute d'expliquer de quoi il est question : la géométrie riemannienne s'intéresse à la courbure intrinsèque ; or si on propose au profane de visualiser un espace courbe, il va fatalement le visualiser comme une courbe ou une surface à l'intérieur d'un espace euclidien (i.e., plat) de dimension 3, cette tendance étant certainement accentuée par le fait que l'exemple le plus évident soit celui d'une sphère, qu'on imaginera volontiers plongée en dimension 3. Et de même, si on explique que la relativité générale présente l'espace-temps comme courbe, la première image qui vient à l'esprit de tout un chacun est de se dire qu'il doit y avoir un espace plus gros (i.e., ayant des dimensions en plus) à l'intérieur duquel il réside. Or, s'il est vrai qu'on peut toujours plonger une variété riemannienne dans un espace plat de dimension assez grosse (ajouter une seule dimension ne suffit pas toujours), ce n'est une opération ni naturelle, ni très intéressante, et ce serait un mauvais départ que de se servir de cet artifice.

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(jeudi)

Que nous enseignent les statistiques Wikipédia ?

Je pense que trop peu de gens sont au courant de l'existence de ce petit outil rigolo qui permet de connaître le nombre de consultations, jour par jour, de n'importe quel article de n'importe quelle Wikipedia. C'est intéressant non seulement pour faire des comparaisons entre articles (il y a ici une liste des articles les plus consultés, mais bizarrement c'est uniquement pour le mois de décembre 2010) ou pour mesurer les phénomènes d'intérêt transitoires.

Par exemple, qu'est-ce qui a pu arriver à Messieurs François Hollande et Jean-Marc Ayrault expliquant un pic de consultations de leurs pages (dans la Wikipédia en anglais) vers la mi-mai ? on se le demande bien ; encore plus impressionnante est le graphique correspondant pour le boson de Higgs, à comparer à une page « tranquille » comme celle sur la France (la plupart des variations sont juste des fluctuations aléatoires ou hebdomadaires, mais j'avoue ne pas comprendre le pic du 25–26 juin). Les statistiques de la page du Ramadan est aussi intéressante à regarder, comme celle des jeux olympiques ou de la planète Mars : la différence est intéressante, et finalement pas si importante que ça, entre un événement connu longtemps à l'avance et un autre qui ne l'était pas (disons la mort de Gore Vidal). Pour des phénomènes plus complexes, on peut prendre par exemple Bashar al-Assad, Élisabeth II (pas que je veuille comparer les deux personnes !), ou encore le contrôle des armes.

Il serait intéressant de modéliser la décroissance d'intérêt après un des pics qu'on voit sur la plupart des graphiques que je viens de référencer : je suppose qu'elle est plus ou moins exponentielle, mais le temps caractéristique est-il à peu près le même à chaque fois ? ce serait une sorte de mesure de l'attention span (comment on dit ça en français ? intervalle d'attention) d'Internet. Ou peut-on caractériser les pics événementiels par deux quantités, leur hauteur (rapport entre la hauteur du pic et le niveau moyen typique de consultation de l'article avant le pic) et leur temps caractéristique ?

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(mardi)

Le français que je parle

Sans aller jusqu'à dire que j'ai un dialecte vraiment original du français, la langue que je parle accumule un certain nombre d'idiomatismes, de néologismes (l'emploi du mot idiomatisme en étant lui-même un), de glissements de sens, d'orthographes singulières, de marques d'activisme typographique, bref, de petits traits personnels dont j'ai parfois — mais pas toujours — conscience. Je ne parle pas du « français++ » qui est une blague récurrente avec des amis que j'utilise pour désigner toutes sortes de modifications que je serais tenté de faire à la langue française pour la rendre plus logique ou plus agréable à mes yeux, ou simplement pour m'amuser, comme le fait que j'y ajouteraie [sic !] un subjonctif futur. Je parle de la langue que j'emploie vraiment, ou du moins, de certaines des formes de langue que j'emploie, parce que je ne m'exprime pas de la même manière dans un mail à un ami, dans une entrée de ce blog, à l'oral, etc. Je ne prétends pas être singulier (je veux dire, je ne prétends pas que mon français soit singulièrement plus original que celui d'un autre), mais j'aime me livrer à une petite introspection linguistique.

Certains de ces traits sont à peu près involontaires : je fais évidemment des fautes d'orthographe (sur l'emploi de ce mot, voir ici : une faute est précisément une bizarrerie dont je n'ai pas conscience et que je corrigerais si je m'en rendais compte). Ou j'abuse de certains mots et certaines expressions (parfois on me les signale, et parfois je décide de faire un effort pour moins les employer) : mon poussinet s'énerve, par exemple, de la fréquence avec laquelle je lui dis éventuellement à des questions qui voudraient qu'on répondît oui ou non (le éventuellement ayant pour sens quelque chose comme pourquoi pas, je n'y suis pas foncièrement opposé si tu veux faire ça, mais je ne suis pas enthousiaste non plus, généralement accompagné de j'aimerais bien ne pas prendre cette décision immédiatement). Je pense que j'utilise le mot certes plus fréquemment que la moyenne, et je signale cet exemple parce que je sais précisément d'où ça me vient, c'était mon professeur d'histoire-géographique en classe de 3e qui l'affectionnait.

Il y a des mots que j'emploie à dessein et qui sont jugés douteux, incertains, ou d'orthographe incorrecte (ou juste vieillotte) par les dictionnaires : soit parce que je trouve le terme plus précis, plus heureux, plus correct étymologiquement, plus compréhensible, plus juste, ou pour n'importe quelle raison plus agréable. Ou parfois sans raison, mais en étant conscient qu'il s'agit d'une petite bizarrerie personnelle. J'écris québecois et pas québécois, referendum et non référendum, événement et jamais évènement, chausse-trape plutôt que chausse-trappe, parfois mais pas toujours réglement pour règlement ; je régularise le verbe arguer en arguër et je n'aurais aucun scrupule à écrire que nous arguöns ou même que nous avons arguë́ (j'avoue que là ça s'approche un peu du français++). J'écris autant pour moi juste pour énerver les gens qui insistent obstinément sur le au temps pour moi. Parmi les néologismes ou quasi-néologismes, j'ai déjà cité idiomatisme, décevamment (et toutes sortes d'autres adverbes du même modèle dont je refuse d'admettre qu'ils n'existent pas), confuser (j'assume complètement les anglicismes qui corrigent une lacune du français). Dans les bizarreries grammaticales, j'écris par exemple vus les résultats déjà obtenus en accordant ce participe passé que la plupart des grammairiens recommandent de garder invariable. Syntaxiquement, je n'ai aucun problème à faire une phrase comme il est plus vraisemblable qu'il ait été surpris que qu'il soit véritablement choqué en préservant le double que que la logique demande mais que des grammairiens, me semble-t-il, recommandent de simplifier en un seul. Ah, et tant que j'y suis, je prononce [bɔnsaj] et pas [bɔ̃zaj] pour les arbres miniatures de tradition chinoise et japonaise : ce n'est pas la prononciation du ‘n’ que je souligne mais la surdité du ‘s’, parce que, que je sache, le mot bonsoir ne se prononce pas comme s'il s'écrivait bonzoir et il n'y a aucune raison de faire une entorse à la fois à la langue française et à la langue japonaise en inventant un ‘z’ dans bonsaï ; idem dans Israël, d'ailleurs, qui n'est pas Izraël.

Ajouts : j'écris en-dessous (comme adverbe) avec un trait d'union, pour la logique avec au-dessus, alors que les dictionnaires prescrivent de l'écrire en deux mots ; j'écris compte-rendu avec un trait d'union (et il fut un temps où j'écrivais aussi court-métrage, mais j'en suis revenu ; je me demande si je ne devrais pas pousser la logique jusqu'à écrire trait-d'union).

Mais le plus grand ensemble de bizarreries de ma façon de parler vient incontestablement du fait que j'importe beaucoup de vocabulaire soit matheux soit geek (i.e., hacker Unix) dans le langage courant. Souvent sans y penser : j'ai tellement l'habitude de m'adresser à des gens dont je suis sûr qu'ils comprendront que je ne prête plus attention au fait qu'il ne s'agit pas de français « standard ». Je peux dire de deux idées qu'elles sont isomorphes pour signifier qu'elles sont équivalentes dans leur structure ; je peux parler de pinguer (pinger ?) quelqu'un au sens de demander un signe de vie.

Parfois je ne sais vraiment pas si c'est compréhensible. Par exemple, il est tout à fait courant, pour moi, d'utiliser le mot modulo comme une préposition : son sens est quelque chose comme en ignorant, à ceci près (par exemple : modulo les incertitudes sur la météo) ou parfois, plus abusivement, sauf (comme dans modulo erreur de ma part). Je n'ai aucune idée, en vérité, de l'effet que produit l'audition de ce mot sur un Français n'ayant pas eu de contact particulier avec des matheux.

Et je passe sur des mots comme pipoter, crackpot, ou, en fait, geek (celui-là semble devenu mainstream en français, mais plutôt avec le sens de gamer, ce qui, du coup, est problématique).

Bref, si vous ne comprenez rien à ce que je dis, c'est certainement ma faute ! ☺️

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(vendredi)

En vrac

Aujourd'hui, c'est mon anniversaire : ma 35e année a été enterrée dans la plus stricte intimité. Merci à ceux qui m'ont adressé leurs condoléances à ce sujet.

Chaque année je me désole de la chose suivante : il y a des zillions de touristes qui débarquent à Paris, moi j'aimerais bien faire la connaissance de certains de ces gens, les faire visiter (je connais quand même bien Paris), avoir l'occasion de parler anglais ou allemand (ou français si ce sont des gens qui veulent perfectionner leur français), mais comment faire pour les rencontrer ? (Dualement, il y a deux ans, je me désolais, en allant à Berlin, de ne trouver aucun moyen pour rencontrer des locaux.)

On m'a suggéré CouchSurfing, qui a l'air effectivement super, mais seulement à condition de pouvoir offrir l'hébergement (ce qui, vu la taille et l'état de notre appartement, n'est absolument pas mon cas) : il y a bien une case du genre « je ne peux pas héberger, mais je suis prêt à rencontrer des gens », mais elle n'a pas l'air d'avoir de succès. On m'a aussi suggéré des sites de rencontre gay (parce que, de fait, je préfère autant faire la connaissance d'autres homos), mais je n'arrive vraiment pas à trouver des gens intéressés par autre chose que des plans cul (pareil, parmi les cases qu'on peut cocher pour indiquer les choses qu'on recherche, il y a bien « amitié », mais les gens la cochent toujours et je soupçonne un poil d'hypocrisie).

Hier soir j'ai reçu un coup de fil tentative d'escroquerie : quelqu'un se prétendant de l'institut Pasteur prétendait, excusez du peu, avoir un vaccin contre le cancer (je ne sais même pas exactement en quoi consistait l'escroquerie parce que je ne l'ai pas vraiment laissé finir : j'imagine vaguement qu'il devait vouloir me vendre le produit expérimental). J'ai réagi en lui demandant des précisions (sa fonction et son département au sein de l'institut) qu'il n'a évidemment pas été capable de me donner, et par raccrocher en le traitant d'arnaqueur ; mais en fait, j'aurais sans doute mieux fait de faire semblant de tomber dans le panneau pour savoir quelle était au juste la combine et pouvoir la dénoncer. Devrais-je contacter l'institut Pasteur pour les prévenir ? [Update : je leur ai envoyé un mail.]

Mon lave-linge doit avoir accumulé un biofilm dans un tuyau quelque part, parce qu'il donne de plus en plus facilement au linge cette odeur particulière — pas vraiment celle du moisi ni de la vieille transpiration mais qui s'en approche — qui ne ressort que quand le linge est humide, typique du linge qu'on a laissé trop longtemps sans le sécher ou bien lorsqu'on a oublié de mettre de la lessive : du coup je dois laver une seconde fois du linge tout frais. J'ai fait une lessive à 90° avec javel en espérant que ça fasse disparaître le problème, on va bien voir (sinon, j'ai un poussinet qui piaffe d'impatience de tout démonter).

Parlant d'odeurs, il y a quelqu'un qui me propose de m'acheter mes vieilles chaussures (pas besoin de vous faire un dessin sur pourquoi il les veut…). Je ne suis pas prêt à les vendre, mais il a l'air d'accord pour un deal où il m'achète une paire neuve identique en échange de la paire usée. Plutôt une bonne affaire, quoi !

Petit jeu de l'été : passer sur un de ces ponts de Paris (essentiellement le pont de l'Archevêché et la passerelle des Arts, il y en a sans doute d'autres) qui sont bardés de cadenas sur lesquels des amoureux ont écrit leur nom avant de l'accrocher et de jeter la clé à l'eau, et chercher un cadenas portant deux noms clairement masculins, ou bien deux noms clairement féminins (l'un ou l'autre, mais il faut décider à l'avance ce qu'on cherche) — le premier qui trouve a gagné.

J'ai une liste très longue de films actuellement au cinéma et que je voudrais aller voir (rien de bien original, des choses comme le dernier Batman, le dernier Woody Allen, le dernier Ken Loach), mais je ne sais pas bien pourquoi je n'en trouve pas le temps, ou pas l'occasion. Du coup, la liste racourcit avec le temps au fur et à mesure que les films cessent de passer (j'ai déjà vaguement raté le Cronenberg). S'il y a des gens motivés pour voir certains de ces films, faites-moi signe… mais je sens que ça va finir en achat de DVD qui vont encore encombrer mes étagères.

À propos de DVD, mon poussinet et moi venons de regarder (sur DVD, donc) le film Le Fil de Mehdi Ben Attia : c'est très mignon, je recommande.

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(mercredi)

Petite astuce pour l'orientation

Mon poussinet et moi nous promenions tout à l'heure au sous-sol (=rayon bricolage) du BHV Rivoli, qui est l'exemple même de l'endroit où on perd très facilement son orientation — il s'agit d'un étage vaguement carré dans lequel rien ne permet de retenir la direction, à moins de bien connaître le positionnement des rayons. Le fait qu'on soit en sous-sol (donc sans le repère possible de la lumière du soleil) n'aide pas. Le forum des Halles est aussi un endroit de ce genre. Pourtant, ils font des efforts qui montrent qu'ils sont manifestement conscients du problème : au forum des Halles, chacun des côtés du carré central a une couleur dominante qui est reflétée dans les petites lumières décoratives, dans les panneaux d'orientation, etc. Au BHV, ils viennent de mettre des sortes de bandes d'orientation au sol qui indiquent le chemin à suivre pour les principaux rayons, mais je trouve ça plus perturbant qu'autre chose.

À mon avis, il existe pourtant une astuce toute simple qui faciliterait énormément le repérage. Ce serait de mettre un motif décoratif par terre (une moquette, un relief sur des carreaux ou l'arrangement de ceux-ci, une peinture, n'importe quoi) dont le dessin ne soit invariant par rotation (et surtout pas par rotation de 90° ou 180°), et qui soit orienté toujours dans le même sens. Cela pourrait par exemple être des petites flèches qui pointent toujours vers le nord, mais des petites flèches risqueraient de causer une certaine confusion et plein d'autres éléments graphiques pourraient jouer le même rôle (des chevrons, des croissants, des petits poissons, que sais-je encore). L'idée étant, en tout cas, que le fait que le motif soit toujours orienté de la même façon aide inconsciemment le visiteur à garder mentalement le sens de la direction, comme je pense qu'on le fait avec la lumière du soleil dehors en plein jour. Beaucoup d'autres éléments pourraient servir à établir une non-invariance par rotation (peindre ou décorer les murs différemment selon leur orientation, faire un éclairage avec des spots bicolores toujours tournés de la même manière, etc.), mais je pense qu'un motif au sol est le plus évident.

En tout cas, je pense que l'erreur du forum des Halles est d'avoir voulu donner (par les coloris associés aux zones du forum) des indications inconscientes de position alors que la difficulté est généralement de garder le sens de la direction. Dans le même genre, les plans de situation sont utiles, mais ils ne le sont vraiment que s'ils s'accompagnent d'une mention claire de l'orientation (pas seulement vous êtes ici mais aussi vous regardez dans telle direction). J'ai un ami qui aime me signaler qu'au Japon les plans dans les centres commerciaux sont toujours tournés de manière à ce qu'on regarde dans le même sens le plan que la réalité (et ce n'est effectivement pas toujours le cas en France) ; d'un autre côté, j'aime bien que le plan soit toujours le même et ne tourne pas avec moi, mais il y a une solution évidente pour répondre aux deux contraintes à la fois, c'est de placer toujours le plan selon la même orientation (ce qui, de nouveau, aide le visiteur à se figurer mentalement un repère non-tournant).

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