Je scrutai des yeux les quatre autres, cherchant à deviner ce que pouvait avoir en commun cette mystérieuse compagnie. La femme en cuir noir me fixait avec une intensité qui me mettait mal à l'aise. Le rouquin malingre et le beau gosse musclé échangeaient des sourires dont je ne devinais pas le sens. Mais ce que je ne devinais surtout pas, c'était…
Pourquoi je vous ai réunis ici :compléta notre mécène, qui venait d'entrer, en lisant apparemment dans mes pensées,voilà ce que vous vous demandez certainement. Afin de ne pas perdre un temps précieux dont nous ne disposons pas, je vais vous lire immédiatement le courrier que j'ai reçu ce matin du Sanctuaire :Argyre ! Tu es en cette heure la seule personne à qui je puisse fier cette mission, aussi sont-ce tes épaules que je vais charger de mon fardeau : c'est à toi qu'il incombera d'éviter une guerre.
Sache sans plus attendre la terrible nouvelle : Ce que je gardais a été volé. J'ignore pourquoi ou comment l'impossible s'est produit malgré ma vigilance, mais au-delà de ma honte je sais ceci : c'est que ce vol provoquera une guerre, aussi fatalement que le coucher du soleil fait venir la nuit. Car je pressens que chacune des huit Nations accusera les autres d'avoir organisé ce crime, et Ce qui a été un instrument de paix deviendra, en disparaissant, la cause ou le prétexte de tous les conflits.
Pour retarder ce qui peut l'être, je tâcherai d'abord de dissimuler le vol en interdisant l'accès au Sanctuaire ; ensuite, quand il sera malgré tout découvert, je m'arrangerai pour qu'on m'en croie coupable et qu'on m'y trouve des motifs personnels moins susceptibles de déchirer les Nations. J'espère en attirant sur moi le malheur éviter qu'il frappe trop durement des innocents : je dois bien cela à la charge où j'ai failli.
Toi, pendant ce temps, je te supplie de tout mettre en œuvre pour découvrir la vérité. Tu m'as déjà montré par le passé que tu étais capable d'accomplir des miracles ou de recruter ceux qui savent en faire. Je te demande donc un miracle. Fais-le au nom de notre amitié ancienne ; mais ne le fais pas pour moi, fais-le pour l'idéal en lequel j'ai cru et pour défendre lequel je me condamne aujourd'hui. Je joins à cette lettre une description des circonstances matérielles du vol, y compris les secrets du Sanctuaire, mais tu verras qu'il y a bien peu de choses à dire. Je joins aussi un pouvoir, dans l'usage duquel je n'ai pas besoin de te recommander la parcimonie, car il pourrait compromettre ta mission, et te compromettre toi-même quand ma perte sera consommée. Fais pour le mieux.
Bien à toi,
— Chryse
Vous avez chacun, à votre façon,continua Argyre,une dette envers moi. Vous avez surtout des talents que je ne trouverais nulle part ailleurs, quand bien même je disposerais d'une année pour chercher. Et enfin, vous avez ma confiance. Je pense que je n'ai pas besoin de vous faire de plus longs discours : faites un miracle et empêchez une guerre.
J'avoue que cette scène est plus ou moins l'ouverture (la présentation de la quête) que je comptais donner à un scénario de jeu de rôle dont j'avais très vaguement eu l'idée il y a longtemps, et qui n'était resté qu'au stade d'idée très vague. Ce scénario s'inspire lui-même du principe d'une histoire que j'ai écrite quand j'étais au lycée et qui, c'est le moins qu'on puisse dire, n'est pas un chef d'œuvre (mais bon, si vous voulez absolument lire un texte complet autour de ce fragment, c'est ce que j'ai de mieux à proposer). J'ai fait attention à écrire le fragment ci-dessus de manière à impliquer le moins de choses possible, ni sur le cadre général ni sur le sexe des personnages.
Je remarque a posteriori que, de façon plus ou moins involontaire, ce fragment se connecte assez bien avec celui-ci et surtout celui-là (d'une manière qui donne à chacun des deux un rebondissement qui me plaît bien). Peut-être qu'il faut considérer mes fragments comme des pièces d'un puzzle qu'on doit essayer de recoller les uns aux autres de toutes sortes de manières jusqu'à ce qu'émerge tout fasse sens.