David Madore's WebLog: 2009-07

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en juillet 2009 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in July 2009: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in July 2009 / Entrées publiées en juillet 2009:

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(dimanche)

Les téléphones devraient avoir un système de priorité d'appels

Je ne débranche pas mon téléphone quand je dors[#], notamment parce que je me dis toujours qu'il est possible qu'on cherche à me joindre au milieu de la nuit pour quelque chose d'extrêmement important (ou l'inverse, d'ailleurs : s'il y a une urgence, je ne veux pas perdre de temps à rebrancher l'appareil pour appeler les pompiers). C'est la porte ouverte à des abus : canulars de fort mauvais goût, erreurs de manip ou bugs incompréhensibles ou encore, quand je fais la grasse matinée, offres commerciales non sollicitées. À l'inverse, il peut m'arriver de vouloir appeler quelqu'un en étant sûr de ne pas déranger : malheureusement, il n'y a aucune façon de faire ça, et se dire s'il ne veut pas être dérangé, il aura éteint son téléphone n'est pas juste, comme je viens de l'expliquer.

Ces réflexions me conduisent à penser que j'aimerais que les appels téléphonique aient une notion de priorité ou d'importance (par exemple sur une échelle à cinq degrés : priorité très faible, faible, normale, importante ou très importante). Ce serait l'appelant qui réglerait la priorité, et l'appelé pourrait configurer son téléphone pour ne pas recevoir les appels de priorité plus faible qu'une priorité minimale facilement changeable (je ne fais rien d'important, j'accepte tous les appels ; mais si je suis en train de manger avec quelqu'un j'augmente la priorité minimale pour ne pas être dérangé pour rien). Ce serait alors une question de politesse que de bien régler la priorité des appels qu'on passe (si on veut juste bavarder, on est prié de ne pas faire passer ça comme important), mais, évidemment, on pourrait aussi régler le téléphone pour imposer une priorité maximale aux appels venant de numéros affichés-mais-inconnus-au-répertoire ou bien masqués[#2], ou encore une priorité maximale contact par contact (ou groupe de contacts par groupe de contacts).

Mais évidemment, on va dire que c'est trop compliqué pour 99% des utilisateurs de téléphones. (Ou alors que si le mode par défaut est priorité normale sur les appels sortants, et réception de tous les appels entrants, l'immense majorité des gens resteraient en permanence dans ce mode et le système ne servirait à rien.) L'incapacité de la majeure partie de la population à apprendre un peu à se servir de la technologie a quelque chose de terrifiant.

[#] Ni mon mobile ni mon fixe. Je devrais peut-être couper mon mobile, en fait, puisqu'on capte de toute façon mal chez moi (ça donne des conversations entrecoupées de blancs), mais quelle que soit la façon dont on dit aux gens essayez d'appeler mon fixe avant d'essayer mon mobile, ils ne le font pas.

[#2] Déjà, je suis assez agacé que mon téléphone fixe ne me permette pas d'ignorer simplement les appels venant de numéros masqués (ou de les rediriger vers un enregistrement qui expliquerait si vous voulez me cacher votre numéro, je ne suis pas intéressé par ce que vous avez à me dire), car ce sont essentiellement toujours des pubs. Bon, ce n'est pas vrai : il arrive que les numéros institutionnels (venant de derrière le central d'une administration ou d'une entreprise) apparaissent masqués, je ne sais pas bien pourquoi.

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(samedi)

Quelques mots sur un songe

J'avais promis quelques explications sur ce texte : je vais tâcher de m'exécuter car, même si je ne trouve pas que la poésie puisse vraiment s'expliquer, tenter de le faire peut néanmoins inciter à découvrir ou redécouvrir des textes. Et, en fait, je tiens à me rappeler moi-même certaines des choses que j'avais à l'esprit ou certaines des associations d'idées que j'ai pu faire. Bref, l'exercice qui suit n'est pas très différent de ce que je fais quand je tente de déchiffrer mes propres rêves.

Ici, bien sûr, le point de départ est un poème de Gérard de Nerval, El Desdichado, qui ouvre un ensemble de douze sonnets (ou sept sonnets plus un quintuple), Les Chimères, placé à la fin de son ultime recueil, Les Filles du feu. Mais il n'en est que le point de départ : mon intention n'est certainement pas de proposer une explication à ce poème, composé à un moment où l'auteur n'avait plus toute sa santé mentale (indépendamment de savoir s'il a vraiment promené un homard au bout d'une laisse au Palais-Royal) ; il s'agit éventuellement d'imaginer quelles visions auraient pu faire naître certaines des images de ce poème ou d'autres, ou, en tout cas, quelles visions elles peuvent suggérer. Me suggérer, je veux dire (donc sans avoir peur de contresens, ni même l'anachronisme consistant à « expliquer » Nerval même par des auteurs postérieurs !).

Pour plus de commodité, je recopie ici le poème :

Je suis le Ténébreux, — le Veuf, — l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène…

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Mais en fait c'est plutôt d'autres textes et même d'autres auteurs qu'il est question. Pour commencer, il y a Faust, tel qu'imaginé par Goethe dont le jeune Nerval avait traduit la première partie de la tragédie, ce qui lui avait valu les éloges du Maître (d'autant plus surprenants que, semble-t-il, Nerval connaissait mal l'allemand). Rappelons-en un passage. L'Alchimiste est rentré dans son étude après une promenade où il a été suivi par un caniche (et non un homard) qui s'avérera être Méphisto, et il entreprend de traduire l'évangile selon Jean. Or dès la première phrase, un mot pose problème, le mot le plus difficile de tous : Λόγος (ou en latin, Verbum, le Verbe : or le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu). Ce mot grec signifie, justement, mot (au sens assez général : affirmation, propos ; voire : pensée, raison). Pour savoir ce que c'est que ce Verbum, une illustration intéressante est fournie par une gravure d'Escher de ce nom (qui a justement une forme hexagonale comme le sceau de Salomon). Faust, qui ne peut pas estimer à ce point un mot, commence par traduire : au commencement était l'esprit (c'est du moins ainsi que Nerval rend l'allemand der Sinn ; pour ma part j'aurais plutôt écrit, le sens) ; puis, pensant à ce qui crée et meut tout, au commencement était la force ; et enfin, frappé d'inspiration : au commencement était l'action. À ce moment-là, le caniche s'agite et commence à se métamorphoser dans un nuage de fumée, Faust tente de le contenir avec le sceau de Salomon, et il (le caniche) se révèle comme Méphisto (une partie de cette force qui perpétuellement veut le mal et perpétuellement accomplit le bien — l'esprit qui toujours nie).

Le sceau de Salomon, également connu sous le nom d'étoile de David, avant d'être un symbole alchimique, est un thème récurrent des Mille et Une Nuits, où il a le pouvoir de contenir les djinns, notamment dans le célèbre Conte du pêcheur et du démon (autour de la 4e nuit). Nerval avait fait un voyage en orient vers 1842–1843, au cours duquel il a été initié à la religion druze ; les Druzes sont musulmans (enfin, plus ou moins musulmans) gnostiques (un petit bonjour au passage à Madame Blavatsky) qui croient à la réincarnation de l'âme (qui est certainement un thème important de El Desdichado) : les couleurs verte, rouge, jaune, bleue et blanche que je mentionne sont les couleurs de l'étoile sacrée des Druzes. Quant au caliphe Hakem (c'est-à-dire al-Hākim bi'Amr Allāh, sixième caliphe fāṭimide), c'est une des figures centrales de la religion druze (selon laquelle il n'est pas mort mais a été enlevé par Dieu). Nerval rapporte (et romance) l'histoire de Hakem en appendice de son Voyage en Orient : le caliphe (suivant l'exemple du fameux Hārūn al-Rashīd des Mille et Une Nuits) aimait à se déguiser pour se mêler à ses sujets, et au cours d'une de ces promenades, on l'a initié au haschisch.

Le haschisch a révélé à Hakem qu'il était Dieu (et c'est peut-être sous son influence que le caliphe a ordonné l'exécution de tous les chats et chiens, caniches compris — mais pas les homards ; de façon plus sérieuse, c'est aussi Hakem qui a fait détruire le Saint-Sépulcre de Jérusalem en 1009, ce qui a peut-être contribué à faire naître en Occident l'idée des croisades ; en tout cas, on peut penser qu'il est devenu assez fou). Le haschisch était également connu et utilisé des alchimistes européens (par l'intermédiaire des soufistes, d'Avicenne, etc.), il en est même question chez Rabelais. Et (avec d'autres drogues, notamment l'opium) des écrivains romantiques : on pense par exemple aux Paradis artificiels de Baudelaire, lequel fréquenta le Club des Hachichins fondé en 1844 par Jacques-Joseph Moreau, où il rencontra Théophile Gautier ; d'autres gens aussi s'y croisèrent (Alexandre Dumas père, et plus ponctuellement Balzac, Flaubert ou Hugo), dont Gérard de Nerval. J'ai pris Thomas de Quincey comme figure représentant l'écrivain consommateur de drogues (même si c'est d'opium qu'il s'agit), parce que c'est celui qui a lancé l'idée pour beaucoup d'autres.

[Tableau de Caspar David Friedrich]Je n'ai pas résisté, ensuite, à un petit clin d'œil à une image (trop ?) célèbre du romantisme (notamment allemand). Et pour faire bon poids, l'aventurier que j'ai imaginé au sommet de cette montagne, c'est l'incontournable figure du voyageur Lord Byron (ce qui fait aussi un petit clin d'œil à un fragment précédent). Je ne pense pas que le Biron dont parle Nerval dans son poème fasse référence à Byron (plus probablement à Biron dans le Périgord, ou plutôt à la famille noble éponyme, à laquelle Nerval était vaguement apparenté), mais dans un rêve rien de plus commun que de passer d'un nom à un nom homonyme. Byron admirait énormément le poème épique de Milton, et notamment le personnage de Satan[#] (assez semblable au Lucifer du Caïn de Byron, d'ailleurs) : je le présente donc lisant ce qui pourrait servir de définition à Satan, ce qui le rend sympathique aussi : Ici, au moins, nous serons libres. […] Il vaut mieux régner en Enfer que servir au Paradis. (vers 258–263). Une sorte de pendant à la définition que Méphisto se donne dans le Faust.

Il serait trop fastidieux de citer toutes les associations d'idées qu'on peut faire avec les sept poètes épiques que j'ai cités comme prédécesseurs de Milton : Homère, Virgile, Ossian, Wolfram von Eschenbach, Dante, le Tasse et Edmund Spenser. Virgile est au moins aussi incontournable que Lord Byron, évidemment : il est assez directement appelé par le poème de Nerval puisque le Posilipo est le quartier de Naples où Virgile avait une villa et où se trouve (ou du moins pas loin) son tombeau supposé. C'est aussi Virgile, bien sûr, qui sert de guide à Dante pour traverser l'Achéron. Le Tasse renvoie à la première croisade dont les actions de Hakem étaient peut-être une cause et où la famille Lusignan se distingua — mais on associe aussi le nom de Lusignan à la troisième croisade à cause de Guy de Lusignan ; c'est aussi à la troisième croisade qu'on pense si le titre du poème, El Desdichado, fait référence à la façon dont Richard Cœur-de-Lion, de retour en Angleterre de façon anonyme, s'identifie dans l'Ivanhoé de Walter Scott. La mention d'Ossian mérite sans doute une explication : car cet auteur plus ou moins mythique doit avoir les traits de quelqu'un d'un peu plus réel (pour les yeux du Nerval rêveur), ce sont évidemment ceux de Walter Scott (l'auteur de Waverley) ; mais c'est aussi une façon d'évoquer les Souffrances du jeune Werther pour revenir à Goethe[#2] et car Nerval a quelque chose de Werther, et il a — comme toute une génération — beaucoup été marqué par ce roman. Les chariots de feu sont évidemment une référence à l'enlèvement du prophète Élie (et une façon pour moi de demander à William Blake pardon de ne pas l'avoir mentionné 😉).

[Gravure d'Albrecht Dürer]Le soleil noir de la Mélancolie, dans mon esprit, évoque immanquablement la gravure de Dürer qui porte ce nom et qui est certainement l'une des œuvres d'arts graphiques qui ont été le plus analysées et commentées au monde tant le symbolisme y est abondant et savant. Expliquer les rapports entre cette gravure hermétiquement symbolique et ce poème qui l'est aussi, voilà qui serait sans doute trop ambitieux pour que je le tente. Est-ce un caniche ou un homard qui est allongé entre la sphère et le polyèdre ? 🤪

La Mignon qui chante das Land wo die Zitronen blühen (c'est-à-dire l'Italie, dont elle vient) est un personnage des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Goethe. Je trouve que cette chanson (qui est certainement une des poésies les plus connues de la langue allemande) éclaire assez bien l'esprit de certains passages du poème de Nerval. Comme cette réponse que Mignon fait à Wilhelm qui se préoccupe de son instruction : Je suis suffisamment instruite pour aimer et pour être en deuil. (Ich bin gebildet genug, um zu lieben und zu trauern.) Mais Wilhelm Meister nous renvoie au théâtre, et spécifiquement à Shakespeare, donc pour clore le spectacle des visions du rêve il est normal que ce soit le Prospero de la Tempête qui vienne saluer par son discours d'adieu à la magie :

Now my charms are all o'erthrown,
And what strength I have's mine own;
Which is most faint; now 'tis true,
I must be here confin'd by you,
Or sent to Naples. Let me not,
Since I have my dukedom got,
And pardon'd the deceiver, dwell
In this bare island by your spell:
But release me from my bands
With the help of your good hands.
Gentle breath of yours my sails
Must fill, or else my project fails,
Which was to please. Now I want
Spirits to enforce, art to enchant;
And my ending is despair,
Unless I be reliev'd by prayer,
Which pierces so that it assaults
Mercy itself, and frees all faults.
As you from crimes would pardon'd be,
Let your indulgence set me free.

[#] À peu près tout le monde préfère Satan dans Paradise Lost. C'est comme Dante qui, dans sa Divine comédie, essayait de nous persuader que de la bonté du paradis (et qui voulait sans doute que ce soit la partie la plus réussie de son œuvre), mais qui n'a pas réussi à éviter que l'enfer soit vraiment plus intéressant de tout point de vue.

[#2] Qui lui-même profitait de son roman pour traduire la traduction par Macpherson des poèmes censément d'Ossian.

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(vendredi)

Je déteste les comparateurs de prix en ligne

Quand je cherche des renseignements sur un moteur de recherche, je suis régulièrement agacé de tomber sur des pages qui essaient de me vendre quelque chose. À l'inverse, quand je cherche à acheter des choses en ligne, je suis souvent étonné de voir à quel point, malgré toute ma bonne volonté pour faire marcher le e-commerce, ça peut s'avérer difficile. Je ne parle pas des livres, qui sont remarquablement faciles à acheter en ligne (quand ils ne sont pas épuisés, au moins), ni des produits électroniques pour lesquels c'est simplement impossible quand on a le malheur d'habiter en France. Mais mettons un article de textile : ça ne devrait pas être trop difficile, ça, tout de même, et ce ne sont pas les vendeurs qui manquent dans les rues.

Pourtant, quand je cherche le nom d'un type d'article de textile sur Google (et particulièrement quand je le cherche en français — car je sais que si je cherche en anglais je vais tomber sur des vendeurs qui ne savent pas ce que c'est que la poste internationale), je tombe sur des sites du genre comparateurs de prix, agrégateurs d'offres commerciales, chasseurs de « bonnes affaires », guides des prix pour acheter moins cher, etc. (enfin, ça c'est la façon dont ces sites se qualifient eux-mêmes). Par exemple cette page-ci sur leguide.com. Je tombe très rarement depuis Google directement sur les sites marchands eux-mêmes (la Redoute, les Trois Suisses, que sais-je) : je soupçonne que c'est parce que les sites marchands abusent du contenu dynamique et des URL avec sessions qui expirent[#], si bien que les moteurs de recherche normaux n'arrivent pas à les référencer correctement. C'est vraiment con, parce que ce serait leur intérêt !, surtout que les moteurs de recherche internes de ces sites marchands sont nullissimes. Les comparateurs de prix dont je parle, eux, ils sont malins, ils ont l'air de créer à la volée des pages statiques pour les résultats des recherches les plus communes qu'ils voient passer (c'est ainsi qu'on voit des pages qui commencent par comparer toutes les offres de foobar bleuté et, bien sûr, il n'y a pas un seul foobar bleuté dans ce qui suit) ; et je ne sais pas comment ils arrivent à se dépatouiller des contenus dynamiques des sites marchands mais le fait est que ça ne marche pas : les trois quarts des liens que proposent ces agrégateurs d'offres commerciales sont, tout simplement, cassés (et renvoient à la page d'accueil du marchand au lieu de dire ce produit n'est plus disponible ou je ne sais quoi — c'est horripilant).

Il serait peut-être temps de mettre en place des extensions de web sémantique pour permettre aux sites marchands d'indiquer aux moteurs de recherche cette page Web, dont l'URL statique permanente est <…>, décrit un produit de <telle catégorie>, <telle sous-catégorie>, dont la description brève préférée est <telle ou telle> (et <telle ou telle> dans telle autre langue), la marque <telle>, et le prix <tant>, livrable dans <tels pays>. Histoire qu'on puisse un peu commencer à chercher des produits de façon commode avec Google et avec des filtres convenables (type de produits, gamme de prix, pays de livraison, etc.). Ça n'a vraiment pas l'air compliqué à mettre en place avec un peu de magie RDF, et tout le monde (vendeurs, consommateurs, et moteurs de recherche — enfin sauf peut-être ces foutus agrégateurs de prix mal ficelés) aurait tout à y gagner. Et c'est tellement évident : pourquoi est-ce que ça n'existe pas déjà ?

(Vous allez me dire : pourquoi est-ce que je ne brevette pas cette idée pour gagner des milliards avec quand j'aurai révolutionné le e-commerce ? Parce que je ne cherche pas spécialement à gagner des milliards, je cherchais juste à acheter un sweat à capuche sans manches, scrogneugneu.)

[#] En fait, non, ça n'a même pas tellement l'air d'être le cas.

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(jeudi)

Les mentions légales en petits caractères

Quand des informaticiens[#] conçoivent un logiciel dont l'usage est si complexe que seuls quelques experts peuvent s'en servir, on ne s'attend normalement pas à ce que tout le monde le maîtrise. Les juristes ne semblent pas avoir de tels scrupules : faire signer à tour de bras des licences, des contrats, des conditions générales (de vente, d'utilisation… — dont on atteste avoir pris connaissance) écrits en caractères microscopiques et dans un langage cryptique qu'il est impossible que le commun des mortels comprenne, cela ne semble pas gêner outre mesure. Je trouve personnellement que considérer que la signature d'un tel document, par quelqu'un qui non seulement n'a eu aucune part à son élaboration mais en fait ne peut généralement pas le comprendre ni même décemment prendre le temps de le lire en entier sans passer pour un goujat face aux clients qui attendent derrière, et à peu près autant une preuve de consentement éclairé que quand des gens sont venus voir le chefs des tribus d'indiens pour leur dire voilà, vous dessinez un petit truc là et toute cette terre est à nous[#2]. Le droit de pouvoir aller voir la concurrence, si la concurrence propose également un contrat du même genre, il ne vaut pas grand-chose…

Premier problème : un contrat librement consenti est censé être négocié entre les deux parties. Négocié, ça ne veut pas dire — ça ne devrait pas vouloir dire — qu'une partie puisse se pointer avec le contrat déjà tout écrit (et dont le contenu peut donc, en pratique, se résumer à la phrase nous nous réservons tous les droits que la loi nous permet de nous réserver — voilà, vous datez et vous signez en bas à droite). Je trouve qu'un tel contrat devrait être nul d'un côté (je veux dire, ne devrait pas produire d'obligation pour la partie qui se le voit présenter en bloc et qui n'a donc véritablement consenti à rien). Le problème c'est, comment le prouver et surtout, comment arriver à quelque chose de gérable en pratique (l'idée que chaque client puisse ou doive négocier individuellement son contrat n'est pas forcément très applicable). Je n'ai pas de solution à ça (le fait de ne pas avoir de solution ne signifie pas qu'il n'y a pas de problème[#3] et qu'on n'ait pas le droit d'y réfléchir), mais j'ai quand même des bouts d'idée. On peut imaginer de prévoir la possibilité, quand un consommateur se voit présenter un contrat commercial à signer, pour lui de le modifier et de renvoyer cette version modifiée au service qui l'a rédigé pour obtenir son accord, avec obligation de réponse dans un temps raisonnable[#4][#5] ; et que si on peut prouver que le service en question refuse toute altération du contrat et ne fait aucun effort honnête pour converger vers une version commune (ou pour proposer un prix raisonnable à un service que le client ferait ajouter au contrat et qu'il lui serait techniquement possible de fournir), alors tous ceux qui ont signé un contrat type apparemment non négociable sont délivrés de leurs obligations (enfin, pas celle de payer, quand même). L'autre bout d'idée, si on veut quand même préserver des contrats-types, c'est de les faire estampiller par des associations de consommateurs agréées : ce sont elles qui, pour les contrats un peu importants, auraient conduit la négociation, en amont, avec le fournisseur ou commercial, et elles auront été à armes un peu plus égales face à lui qu'un individu à qui on dit signez là. (Évidemment, les associations de consommateurs peuvent faire un peu pression sur les contrats dans l'état actuel des choses, mais elles ne sont pas associées à leur rédaction dès l'origine.)

Second problème : même si on avale l'idée qu'il est normal que le contrat ne soit pas négocié par celui qui le signe, le texte-type n'est même pas compréhensible par lui. Il faudrait par exemple un résumé, fait de bonne foi et en langage clair, des termes importants ou inhabituels du contrat. Là, le problème se pose de qui pourrait rédiger un tel résumé ? Si le contrat-type est véritablement négocié, on peut imaginer que le résumé le soit aussi ; on peut aussi imaginer que la justice puisse frapper des parties du contrat si le résumé est trompeur à leur égard, ou quelque chose de la sorte. À l'inverse, le résumé n'aurait pas à reprendre les choses particulièrement normales et évidentes pour un contrat du type considéré.

Le même genre de question se pose pour les notes en bas de page et autres astérisques traîtres dans les publicités : offre limitée à gnagnagna, hors frais de machin et de truc, ou le plus scandaleux, voir conditions sur www.notresite.tld (où vous trouverez douze pages entières de mentions légales, dont on ne va certainement pas vous faire un résumé sur cette affiche). Je trouve que si la clause modifie significativement l'offre promise par les gros caractères, elle devrait figurer en caractères tout aussi gros ; tandis que si elle est juste là pour se protéger contre les attaques des gens procéduriers ou pénibles, il est normal qu'elle soit en petits caractères. Mais comment trancher ? Je pense notamment aux mentions photographie non contractuelle : une fois sur deux je pense que c'est complètement inutile de le mettre (il faudrait être vraiment débile pour s'imaginer que <ceci> fait partie du produit !), et une fois sur deux je pense qu'il faudrait le mettre en gros et en rouge et en clignotant (cette photo est carrément mensongère) — mais dans les deux cas on a juste cette mention légale idiote. Sans doute, il faudrait un accord informel préalable (qui pourrait intervenir dans le cadre d'une institution comme le bureau de vérification de la publicité[#6] si celui-ci avait une position un peu plus impartiale entre annonceurs et consommateurs) pour orienter un éventuel règlement en justice en cas de litige[#7].

Mais dans tous les cas, la fiction qui consiste à avoir des mentions légales en petits caractères que personne ne lit, cela a quelque chose d'un peu obscène. Soit ces choses sont importantes, et elles devraient être en gros et en gras, soit elles ne le sont pas, et alors on se demande pourquoi on les écrit.

[#] D'accord, mon entrée en matière est complètement pourrie.

[#2] Comparaison pourrie aussi, et je n'ai pas vérifié comment ça s'était passé. Mais vous voyez l'idée.

[#3] Sauf chez les shadoks.

[#4] Et peut-être modulo paiement d'un frais de dossier raisonnable, pour que les modifications soient un peu motivées et excluent les demandes loufoques. Quand je dis raisonnable, ça ne couvre pas les honoraires d'un avocat pour l'examiner en profondeur ; mais ça, c'est normal : je ne peux pas, moi, me permettre de faire examiner en profondeur par un avocat chaque texte qu'on me fait signer, donc il n'y a pas de raison que la partie en face ait à en faire autant.

[#5] Exemple concret : mon poussinet aurait envie d'ajouter dans un contrat qui le lie avec l'opérateur de téléphonie SFR une clause du genre l'accès au port TCP 22 est considéré, pour les termes du présent contrat, comme faisant intégralement partie d'un accès au Web ; la limitation de l'accès à ce port par l'opérateur délie le client de sa période d'engagement. Essayez de faire signer ça ! Pourtant l'opérateur devrait être tenu d'examiner la demande (soit pour l'accepter, soit pour l'accepter modulo une augmentation du prix de l'abonnement, soit pour la refuser). Mais non, on ne peut même pas demander une addition au contrat.

[#6] Rappelons d'ailleurs qu'il s'agit d'une association purement privée, pas du tout d'un organe public comme on le croit parfois.

[#7] En clair, que si quelqu'un a signalé un peu officiellement à l'annonceur votre formulation est vraiment trop trompeuse, j'espère que sa position est plus précaire, ensuite, en justice, que si on lui a dit que c'était tout bon…

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(mercredi)

Tout est dans l'emballage

J'ai commandé une carte SIM (sur abonnement prépayé, nu) par Internet. Taille de l'objet : environ 2.5cm × 1.5cm × 0.1cm. Taille du paquet déposé dans ma boîte aux lettres : environ 36cm × 30cm × 8cm. Volume perdu : 99.996%.

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(dimanche)

Les incantations propitiatoires programmatiques

J'essaie d'apprendre un peu à programmer pour Android ; j'ai un certain nombre d'idées d'applications qu'il pourrait m'amuser d'écrire[#] : par exemple, un programme d'éphémérides astronomiques[#2] ou une calculatrice scientifique à notation polonaise inversée ; mais plus pragmatiquement, je suis intéressé à apprendre un peu plus sur Java — que je ne connais que d'assez loin[#3]. Je trouve que parcourir la référence de la bibliothèque standard donne un peu envie de coder pour ce gadget. À l'inverse, la complexité du cadre général fait un peu peur (et explique en partie pourquoi, même du point de vue de l'utilisateur, on soit un peu perdu : savoir quand une application continue à tourner en tâche de fond, quand elle est arrêtée, à quel point on va revenir en appuyant sur la touche de retour arrière, etc., tout cela est assez explicitement mal défini).

Ce qui est souvent irritant, en programmation, ce sont les quantités d'incantations propitiatoires qu'on doit prononcer avant de pouvoir enfin arriver à un état qui fait vraiment quelque chose d'utile : j'ai l'impression que, plus l'informatique progresse et plus ce phénomène se répand — les langages ou environnements modernes ont peut-être une efficacité marginale plus élevée que les anciens, mais les environnements graphiques ont tendance à demander un code extrêmement lourd pour juste ne rien faire du tout, c'est-à-dire, pour pacifier les puissances tutélaires qui veillent sur votre code. En C standard, pour écrire Hello, world!, il suffit de faire

#include <stdio.h>

int
main (void)
{
  printf ("Hello, world!\n");
  return 0;
}

alors que si vous voulez faire la chose analogue (dans une fenêtre), disons, en Gtk, ça ressemble plutôt à ceci :

#include <stdio.h>
#include <stdlib.h>

#include <glib.h>
#include <gtk/gtk.h>
#include <gdk/gdkkeysyms.h>

static gboolean
key_callback (GtkWidget *window, GdkEventKey *event,
	      gpointer data)
{
  if ( event->keyval == GDK_Escape
       || event->keyval == GDK_q || event->keyval == GDK_Q )
    gtk_main_quit ();
  return TRUE;
}

int
main (int argc, char *argv[])
{
  GtkWidget *main_window;
  GtkWidget *event_box;
  GtkWidget *text_label;

  gtk_init (&argc, &argv);

  main_window = gtk_window_new (GTK_WINDOW_TOPLEVEL);
  gtk_container_set_border_width (GTK_CONTAINER (main_window), 10);

  event_box = gtk_event_box_new ();
  text_label = gtk_label_new ("Hello, world!");
  gtk_container_add (GTK_CONTAINER (main_window), event_box);
  gtk_container_add (GTK_CONTAINER (event_box), text_label);

  g_signal_connect (G_OBJECT (main_window), "delete-event",
		    G_CALLBACK (gtk_main_quit), NULL);
  g_signal_connect (G_OBJECT (event_box), "button-press-event",
		    G_CALLBACK (gtk_main_quit), NULL);
  g_signal_connect (G_OBJECT (main_window), "key-press-event",
		    G_CALLBACK (key_callback), NULL);

  gtk_widget_show (GTK_WIDGET (text_label));
  gtk_widget_show (GTK_WIDGET (event_box));
  gtk_widget_show (GTK_WIDGET (main_window));

  gtk_main ();

  return 0;
}

Beaucoup de ces lignes sont vraiment ce que j'ai envie d'appeler des incantations rituelles. Et je doute que ce soit beaucoup mieux dans un des concurrents quelconques de Gtk (comme Qt ou, sous d'autres OS, les environnements graphiques de Windows ou Mac OS) : d'une manière ou d'une autre, il faudra bien décider comment on quitte le programme, et aussi définir tous les widgets et comment ils s'imbriquent, même si j'aurais envie que le code pour ça ressemble plutôt à quelque chose comme new Window([new Label("Hello, world!")]) — enfin bon. Parfois des gens se sont dit, oh, pour concevoir les interfaces utilisateur, au lieu d'avoir du code qui fabrique les widgets un par un, mettons-les dans un arbre XML : ça part d'une bonne intention, mais le XML est à peine moins lourd, en fait, et je ne parle pas des cérémonies qu'il faut effectuer pour pouvoir utiliser ce XML depuis le code proprement dit (sous Android, quand on veut utiliser des chaînes de caractères placées dans un fichier XML pour aider l'i18n, il y a un truc magique qui génère une classe R qui contient uniquement des constantes qui permettent de désigner des ressources accessibles via ctx.getResources().getText(R.string.leNom) : était-il vraiment impossible de faire plus concis ? pourquoi R.string.leNom ne serait-il pas directement la chaîne voulue ?).

Tant qu'à faire des incantations propitiatoires, autant l'assumer et imaginer un langage de programmation dans lequel on doive régulièrement appeler perform_ritual_sacrifice(&apollo, cattle_head, 100), un peu comme le PLEASE d'Intercal.

[#] Soit parce qu'elles n'existent pas du tout, soit qu'elles existent mais pas sous une licence libre, soit simplement que je trouve que ça a l'air amusant de réinventer la roue.

[#2] Oui, je sais qu'il existe Google Sky Map.

[#3] Ce qui devient un peu irritant, cependant, avec les langages de programmation, c'est qu'on dépense l'essentiel de l'effort cognitif associé à leur apprentissage sur les détails complètement insignifiants du sucre syntaxique. Se rappeler pour quels langages il faut écrire else if, pour lesquels c'est elsif, elif ou encore elseif, c'est vraiment assez peu intéressant. (Et pour Java, je n'ai pas forcément envie non plus de retenir les choses marginalement syntaxiques comme la signification de final public static private blah.) Bizarrement, je n'arrive pas à trouver facilement en ligne de générateur de cheat sheet qui permette commodément de générer et d'imprimer des listes récapitulatives ou comparées des constructions syntaxiques les plus communes dans les langages qu'on choisirait. Je note ça pour plus tard !

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(mercredi)

Spectacle du 14 juillet

[Photo de nuage noctulescent]J'ai regardé le spectacle depuis les toits du département de biologie de l'ENS (donc environ 10 étages au-dessus du niveau de la rue) : je ne parle pas seulement du feu d'artifice — qui était ce que nous étions venus voir, et qui était certes tout à fait réussi — mais aussi d'un nuage noctulescent, que tous les franciliens ont dû pu voir dans la nuit du 14 au 15 (entre le coucher du soleil, où il a commencé à devenir évident qu'il restait brillant, et environ 1h du matin), s'ils ne regardaient pas uniquement vers la tour Eiffel. Il s'agit de nuages qui se forment dans la mésosphère, c'est-à-dire très très haut au-dessus des nuages « ordinaires », et qui restent donc éclairés par le soleil bien longtemps après que celui-ci a cessé d'être visible au niveau du sol. Au début je l'ai pris pour un front de cirrus, surtout qu'on était en fin d'un temps un peu agité — mais comme il restait visible alors que le ciel était bien noir, mon poussinet et moi avons commencé à soupçonner un nuage noctulescent. En comparant avec des photos trouvées sur le Web, il n'y a guère de doute. C'est la première fois que j'en voyais un (ou en tout cas, que je le remarquais). La photo ci-dessus[#], prise par le poussinet sur son téléphone, est évidemment mauvaise et ne rend absolument pas justice à la texture éthérée du nuage. Le même nuage était visible d'Amiens en même temps (ce qui donne une idée de sa hauteur !). Sinon, il semble qu'un nuage noctulescent ait été visible en Normandie il y a dix jours : encore le même, j'imagine, mais je n'ai aucune idée de comment ils se déplacent ni de combien ils durent.

Cette page a des photos d'un certain nombre de phénomènes néphélologiques (?) amusants.

[#] La rue dont on voit les lumières en bas est la rue Gay-Lussac, vers le nord-nord-est.

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(mardi)

C'est décidé…

…aujourd'hui je n'irai pas à la garden-party de l'Élysée.

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(dimanche)

Fragment littéraire gratuit #122 (correspondances)

Ce qui me frappait le plus dans sa conversation était sa manie de mettre en avant avec un aplomb inébranlable les analogies les plus incongrues. Il était capable de dresser des parallèles — il préférait parler de correspondances — entre les choses les plus étonnantes, et de les défendre avec un sérieux, que je savais complètement feint, d'autant plus obstiné que son exemple s'y prêtait mal. Un des termes de la comparaison était souvent religieux ou ésotérique, ce qui était cocasse quand on savait Damien viscéralement athée et matérialiste : il m'avait ainsi expliqué sans un sourire que la sécurité informatique suivait des règles formellement équivalentes à celles de la cacherout alimentaire juive (je n'arrive malheureusement plus à retrouver quel était son argument). Après que j'avais soutenu ma thèse, il m'avait félicité pour mon ordination : et quand j'ai demandé ingénument si le choix de ce terme était réfléchi, il m'avait longuement détaillé pourquoi il voyait dans la collation des grades universitaires un reflet des sacrements catholiques, et dans la généalogie doctorale et académique — c'est-à-dire la recherche des lignées d'élève à professeur qu'on tente de faire remonter à des ancêtres illustres — une démarche de justification par filiation complètement identique à celle de l'Église qui fait valoir sa succession apostolique. Encore une autre fois, il m'avait expliqué pourquoi la hiérarchie positiviste des sciences (Damien avait les œuvres complètes de Comte en bonne place dans sa bibliothèque) était en fait, ironiquement, une traduction de la disposition kabbalistique des séphirots sur l'arbre de vie — les mathématiques jouant le rôle de Kheter, l'astronomie celui de Hokhmah et ainsi de suite jusqu'à la sociologie qui prenait la place de Malkhut. Si jamais j'osais me plaindre que son talent pour trouver les correspondances les plus invraisemblables s'aventurait un peu trop loin, il me rétorquait que Poncelet n'aurait jamais inventé la géométrie projective s'il avait refusé que les points et les droites pussent jouer des rôles analogues, ni de Broglie la dualité onde-corpuscule s'il avait eu des réticences semblables. Et il ne rechignait pour sa part pas à faire des comparaisons entre comparaisons afin d'avoir toujours, comme il aimait le revendiquer, un méta d'avance.

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(vendredi)

Fin des concours

Revenant chaque année avec la régularité des migrations des manchots sur l'Antarctique[#], c'est la fin des concours. Aujourd'hui, mon beauf (c'est-à-dire, le petit frère de mon poussinet) a été reçu à l'ENS (par le concours lettres), donc vous avez le droit de crier gnagnagna sérail gnagnagna capital culturel gnagnagna déterminisme social gnagnagna Bourdieu gnagnagna[#2].

Pour ma part j'ai (essentiellement) fini mon travail d'interrogateur. J'aurai appris un certain nombre de résultats mathématiques intéressants — pas tellement dans les dossiers que j'ai eu à évaluer mais plutôt dans les lectures que j'ai faites pour me renseigner sur les sujets pour pouvoir poser des questions un peu intelligentes. Je ne sais pas si les candidats se rendent compte que l'épreuve est aussi angoissante pour les examinateurs : la peur, notamment, de poser une question fausse ou beaucoup plus longue ou difficile que prévue (ou qu'on ne sache pas nous-mêmes résoudre parce que l'idée qu'on avait en tête ne marche pas, ou pour une autre raison), ou, évidemment, de passer pour des guignols. ☺️

Les résultats des concours maths et info seront communiqués jeudi. Leur communication sera suivie d'un pot, et peut-être — sait-on jamais — d'une matérialisation de Madame la Directrice depuis le plan astral.

[#] Cette comparaison gratuite et non sequitur vous était offerte avec les compliments du département David est complètement crevé et a les idées assez peu cohérentes.

[#2] Le remplissage des gnagnagna est laissé en exercice au lecteur, moi je suis trop fatigué pour ça. (Prochainement sur ce blog, l'entrée à remplir vous-mêmes.)

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(lundi)

5 courts métrages contre l'homophobie

Je n'aime pas écrire des entrées qui ne sont qu'un lien vers ailleurs, mais j'ai beaucoup aimé ces courts-métrages[#] qu'on vient de me signaler. J'aime particulièrement le dernier, En colo.

(Mon poussinet me dit que je vais sûrement faire remarquer qu'il y a plein de garçons mignons, en plus. Meuhnon, je ne vais… Hein, comment ça, la prétérition m'a tuer ?)

[#] Je fais un lien vers gayclic.com plutôt que vers le site de Canal+ directement, parce que je ne vois pas comment autrement faire un lien vers la collection des cinq.

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(dimanche)

Expérience avec un téléphone Android

Je disais récemment que je m'étais acheté un Android Developer Phone, c'est-à-dire essentiellement un HTC Dream (pour remplacer un HTC Touch donné par mon père, lui-même en remplacement d'un vieux Sagem my C-4 dont la touche flèche haut ne marchait plus). J'ai promis de dire ce que j'en pensais : voici quelques réflexions, donc, du point de vue de l'utilisateur lambda et aussi du geek.

Qu'est-ce qu'Android ?

Quelques mots sur le concept, d'abord. Android, c'est une plate-forme logicielle de téléphonie mobile écrite par un consortium industriel qui s'appelle Open Handset Alliance et qui en fait est surtout piloté par Google. Il existe à l'heure actuelle essentiellement deux téléphones sous cette plate-forme : le HTC Dream, également connu sous le nom de G1 (surtout tel que vendu par l'opérateur T-Mobile) et dont le Android Developer Phone est une variante, et le HTC Magic (quasiment identique, mais sans clavier, avec une autonomie meilleure et quelques petites différences sans importance). En France, le HTC Dream est principalement vendu lié à des abonnements de l'opérateur Orange, et le HTC Magic à des abonnements SFR.

La plate-forme Android se défend d'être concurrente de l'iPhone d'Apple, elle prétend que son but est différent ; mais ne peut pas éviter la comparaison (et de fait, celle-ci a été menée ad nauseam), d'autant plus que beaucoup de fonctionnalités des téléphones ou de l'OS invitent à cette comparaison : 3G, écran tactile, GPS, accéléromètre et appareil photo intégrés, importance donnée aux applications et leur achat par un marché aux applications ou application store, etc. Le principe qu'Android revendique, en revanche, c'est d'être ouverte (ouverte au sens des logiciels libres et des standards ouverts), et même si je vais expliquer ce qu'il faut mettre comme bémols à ça, en gros, le système lui-même est open source et ses interfaces sont publiques. Ce qui est sûr, c'est que contrairement à l'iPhone, sur lequel on ne peut en principe installer que des applications autorisées par Apple[#], Android permet à son utilisateur d'installer des applications qui ne viennent pas du Android Market (il faut juste cocher une case qui dit qu'on est conscient que c'est une Mauvaise Idée et qu'on ne se plaindra pas si des démons se mettent à voler à travers notre nez). Si l'iPhone tourne sur ce qui est essentiellement une version minimaliste de Mac OS X et se programme en Objective C, Android utilise le noyau Linux (ce qui ne signifie pas qu'il ait grand-chose d'autre en commun avec les Linux de bureau auxquels on est peut-être plus habitué) et les applications sont écrites dans un sous-ensemble de Java.

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