Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut).
Cette page-ci rassemble les entrées publiées en
juin 2023 : il y a aussi un tableau par
mois à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque
entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le
texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top).
This page lists the entries published in
June 2023: there is also a table of months
at the end of this page, and
an index of all entries. Some
entries are classified into one or more “categories” (indicated at the
end of the entry itself), but this organization isn't very coherent.
The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
Où je me rends compte que je ne sais pas bien ce qu'est la pression
J'aime parfois dire que si j'ai fait des maths et pas de la
physique, c'est qu'en maths il n'est pas nécessaire de comprendre ce
qu'on dit, il suffit de suivre les règles. C'est sans doute vrai que
je manque de cet élusif « sens physique » qui est censé permettre aux
physiciens de deviner à l'avance à quoi s'attendre avant de mener un
calcul (mais bon, en maths aussi il est bon d'avoir de l'intuition sur
ce qu'on peut espérer dans une situation donnée). Mais il y a aussi
une notion un peu différente qu'il est aussi bon de posséder (et là
aussi ça s'applique en fait au maths aussi) c'est celle du « sens
profond », de la substantifique moëlle d'un concept : qu'est-ce que
l'énergie, fondamentalement ? qu'est-ce que l'entropie ?
qu'est-ce que la masse ? ce genre de choses. Ces questions sont
assez délicates et on peut les trouver oiseuses ou inutilement
philosophiques (j'encourage, par exemple, à méditer sur la question de
pourquoi l'énergie a une importance fondamentale en économie
et pas, par exemple, la quantité de mouvement qui est aussi
une quantité physique conservée : c'est un peu comme réfléchir à la
question de pourquoi les miroirs inversent la gauche et la droite et
pas le haut et le bas, certains trouvent que c'est très intelligent et
d'autres que c'est juste un gimmick pour avoir l'air de dire des
choses profondes). Mais ici je voudrais discuter d'un cas bien
particulier : la pression.
Ce qui suit est donc un rant assez décousu sur le concept de
pression (et surtout, de pourquoi parfois on ne sent que
la différence de pression et parfois on sent la pression
absolue), à des niveaux de technicité variant aléatoirement entre
« vulgarisation tous publics » et « vous savez bien sûr ce qu'est le
tenseur de Ricci » (donc n'hésitez pas à lire en diagonale, plein de
bouts sont de toute façon indépendants les uns des autres).
Ce qui m'amène à cette réflexion, c'est que — comme le monde entier
a
été obligé
d'en entendre les détails — récemment il y a quatre personnes
littéralement trop riches pour leur santé qui ont payé une somme
obscène à un escroc pour aller voir l'épave du Titanic (qui
repose quelque
part dans l'Atlantique sur le fond de la mer à environ 3800m de
profondeur) à bord d'un submersible construit avec des bouts de
ficelle tellement bricolés que même la sécurité informatique paraît
robuste en comparaison. Forcément, le truc a implosé sous la pression
de quelque 300 atmosphère et les gens sont morts (y compris le type
qui dirigeait la compagnie qui avait construit le truc en carton, et
qui se moquait de ceux qui réclamaient plus de sécurité). Si vous
voulez plus de détails sur
l'incident, Wikipédia
a tout, évidemment ; si vous voulez une liste de quelques fautes
de conception du
truc, ce
fil Twitter est plutôt bien ; sinon, vous pouvez attende la suite
de Titanic que James
Cameron ne
manquera pas de faire de cette histoire. Mais ce n'est pas ce
dont je veux parler.
Quelqu'un (il paraît que c'est un idiot, peu importe, ce n'est pas
mon
propos) a
soulevé la question de comment ça se fait, si la pression
à ~3000m sous la mer est suffisante pour faire imploser le
submersible, que l'épave du Titanic, pour sa part, soit globalement
assez intacte. Beaucoup de gens se sont moqués de lui, mais
en
fait je
trouve que c'est une très bonne question. La réponse rapide c'est
que ce qui pose problème n'est pas la pression, c'est la
différence de pression dans le cas du submersible, entre
l'air de l'habitacle, maintenu à la pression atmosphérique, et l'eau
environnante, alors que l'épave du Titanic a coulé en se remplissant
d'eau, donc en évacuant l'air à pression atmosphérique, et le fait
d'être à 380 atmosphères de pression n'est pas, en soi, dommageable.
(Une réponse un peu plus longue
est ici :
apparemment la poupe du Titanic a pu imploser sous la pression, parce
que l'air ne s'est pas évacué à temps, et ce serait la raison pour
laquelle elle est en plus mauvais état que la proue.) Mais ce n'est
pas non plus ce dont je veux parler.
Parce que voilà, je suis tenté de résumer ça en disant :
La pression n'importe pas, ce sont les différences de pression qui
importent.
Mais en fait non. Mais en fait peut-être que si quand même. Mais
en fait peut-être que non. C'est confus. Et je trouve fascinant
qu'aucun de mes cours de physique n'ait abordé franchement cette
question : dans quelle mesure est-ce que la pression a des
effets en elle-même, et dans quelle mesure est-ce que ce sont les
différences de pression ?
Qu'est-ce que c'est, au juste, la pression ? Là aussi,
évidemment, Wikipédia
vous couvre : en bref, c'est la force qu'exerce un système
physique sur sa surface, par unité de surface et perpendiculairement à
elle. Notamment, un gaz exerce une pression vers l'extérieur sur les
parois qui l'enferment (et, par la loi d'action et de réaction, la
paroi doit exercer une force égale en magnitude et opposée en
direction pour maintenir le gaz en place) : cette force s'explique
essentiellement par les molécules de gaz qui rebondissent contre la
paroi. Très bien. Mais de l'autre côté de la paroi il y a autre
chose, qui exerce aussi une pression, et ce qui compte vraiment est la
différence entre les deux côtés de la paroi, parce que c'est ça qui va
définir la force ressentie par la paroi. C'est la raison pour
laquelle une feuille de papier placée dans l'air ne ressent pas les
~1013hPa (soit l'équivalent de 1.03 kilogrammes de force par
centimètre carré de papier) de la pression atmosphérique : elle est
égale des deux côtés de la feuille.
Une entrée brève pour un appel à essayer de reproduire un bug de
Firefox qui m'est extrêmement problématique.
Depuis quelques jours ou quelques semaines tout au plus, mon
Firefox crashe systématiquement sur toute recherche Google Images.
C'est 100% reproductible : la page de résultats Google Images
s'affiche et une fraction de seconde plus tard, le tab crashe.
(Gah. Your tab just crashed.)
Le message d'erreur dans le terminal de lancement est peu
informatif : [Parent pid1, IPC I/O Parent] WARNING:
process pid2 exited on signal 11: file
/huge/mozilla/ipc/chromium/src/base/process_util_posix.cc:264
(Les détails du crash report suggèrent que le problème vient sans
doute du moteur JavaScript JIT
mais je n'en sais pas plus.)
Vu que je n'ai pas fait de mise à jour récente pouvant expliquer
l'apparition du problème, je pense que c'est un changement de
JavaScript chez Google qui déclenche un bug Firefox qui existait
depuis longtemps, et qui ne se produit que sur certains systèmes (si
plus personne utilisant Firefox sous Linux ne pouvait consulter Google
Images, ça se saurait très très vite).
Le crash se produit avec toutes les versions de Firefox que j'ai
testées (de la vieille 111 à la nightly actuelle, 116a), que ce soit
un Firefox compilé par moi-même (ce que j'utilise normalement) ou
distribuée en binaire par Mozilla, donc ce n'est pas une question de
version. Ça se produit même avec un profil vierge donc ce n'est pas
un problème dans mon profil. Ça se produit aussi avec
l'option -safe-mode. Bref, c'est très large.
Il doit y avoir une bizarrerie dans mon système qui déclenche le
bug, mais ce sera très difficile de savoir quoi tant que je n'ai pas
trouvé au moins un 2e cas de reproduction. J'ai donc besoin l'aide de
mes lecteurs qui utilisent (ou ont accès) à Firefox sur
un PC Linux :
Pouvez-vous vérifier sur tous les systèmes Linux vaguement
Debianoïdes (c'est-à-dire Debian mais tout ce qui y ressemble, y
compris Ubuntu, Mint...) auxquels vous avez accès, que Firefox (peu
importe la version, disons entre 111 et 116) arrive à afficher les
résultats Google Images sans crasher ?
Ce n'est pas la peine de me signaler les résultats négatifs
(non-crash) : je me doute bien que l'immense majorité ne crashent pas
(encore une fois, sinon ça se saurait très très vite). Sauf peut-être
si vous avez comme moi précisément une Debian 10 « Buster »
(actuellement oldoldstable, oui, oui, je sais), auquel cas même un
résultat négatif m'intéresse.
Par contre, n'importe quel résultat positif (reproduction du crash)
m'intéresse au plus haut point.
Mise à jour () : C'est bon,
ce bug a maintenant suffisamment attiré l'attention pour qu'il n'y ait
aucun doute qu'il existe indépendamment de mon système personnel.
Comme expliqué dans le Bugzilla lié ci-dessus, le bug semble être une
erreur de calcul de la quantité de pile que l'interpréteur JavaScript
réclame ; mais il ne se déclenche pas sur tous les systèmes car il
semble lié
à un
changement de logique du noyau Linux concernant l'allocation de la
pile qui a été incorporé fin 2018 : les noyaux plus anciens
que ça (y compris des branches stables branchées avant, telles que
4.19, même si elles ont été maintenues après) ne voient pas le bug (le
noyau alloue la pile de façon plus flexible), ce qui explique que le
bug n'ait pas été immédiatement attrapé.
Nouvelle mise à jour () :
une explication du bug (un peu plus détaillée/précise que le
paragraphe
précédent) ici
sur Mastodon ; par
ailleurs, un
patch est maintenant disponible qui va être incorporé dans
Firefox.
Le but ce de billet interminable est de donner (sans trop
de prérequis, cf. plus bas) quelques explications, la définition, et
quelques propriétés autour du topos effectif de
Hyland. C'est un sujet sur lequel
je m'étais promis de parler sur ce
blog il y a un moment déjà. Je n'ai cependant pas vraiment suivi
mon plan initial, qui était plutôt
de faire d'abord une série de billets (en principe indépendant mais
qu'il aurait été conseillé de lire dans l'ordre) pour expliquer au
préalable l'idée générale du concept de topos et leur logique interne,
puis les topos de faisceaux sur un espace topologique, avant d'en
venir au topos effectif (que j'ai tendance à imaginer comme plus
difficile à comprendre, mais peut-être que je me trompe, en fait).
Seulement je me suis retrouvé (pour lire des choses sur un sujet
connexe[#]) à ré-apprendre la
définition du topos
effectif après
l'avoir oubliée pour la 42e fois environ, et j'ai pensé que la
meilleure façon de la retenir et de m'assurer que j'en avais compris
les bases, serait de me forcer à l'expliquer ici, autant que possible
de mémoire, et, de fait, ça m'a permis de me rendre compte de plein de
subtilités qui m'avaient d'abord échappé : voici pour la genèse de
cette entrée, qui s'est évidemment
avérée beaucoup
plus longue qu'initialement prévue, et que sans doute personne ne
lira mais ce n'est pas grave parce qu'elle m'aura servi à moi.
[#] En fait, pour
expliquer d'où je viens pour les gens qui connaissent déjà le sujet,
ces jours-ci j'essaie épisodiquement de comprendre trois articles que
je considère à la fois très intéressants et très importants (pas
tellement pour leurs résultats que pour le point de
vue, surtout s'agissant des deux derniers), et dont je reparlerai
sans doute une autre fois, d'un certain Takayuki Kihara :
① Degrees
of incomputability, realizability and constructive reverse
mathematics,
② Lawvere-Tierney
topologies for computability theorists et
③ Rethinking
the notion of oracle (ils peuvent se lire indépendamment les
uns des autres et aussi indépendamment de la notion de topos effectif,
mais toutes ces choses s'éclairent nettement les unes les autres).
Notamment, les deux derniers articles suggèrent que la « bonne »
notion d'oracle en calculabilité est celle de topologie de
Lawvere-Tierney sur le topos de Kleene-Vesley, et donc j'essaie de me
faire une intuition du pourquoi et du comment.
[Ajout : à ce sujet,
voir ce billet ultérieur.]
Cette genèse peut aussi expliquer le style inhabituellement
brouillon, vu que j'avais commencé par me dire que j'allais juste
donner la définition et rien d'autre, et au fur et à mesure que je
l'écrivais je m'apercevais soit que je devais d'abord expliquer ceci
ou cela, soit qu'il fallait bien que je dise un mot sur telle chose
que j'avais mal comprise, ou simplement parce que je me suis dit que je
ne pouvais pas m'affranchir d'un bout d'explication intuitive pour
adoucir une présentation trop formelle. Bref, c'est un peu le bordel,
surtout que j'ai plusieurs fois changé l'ordre dans lequel je disais
certaines choses, et je n'exclus pas d'avoir commis des cercles vicieux
de références, mais j'espère que ce qui suit a quand même un intérêt,
surtout que ce n'est pas évident de trouver des textes où les choses
sont bien expliquées. (Notamment si on ne veut pas savoir ce qu'est
un tripos — et personnellement je préfère ne pas avoir à savoir
ce qu'est un tripos, donc je ne parlerai pas du tout de tripos
dans la suite.)
En plus de ça, je me suis très peu relu, et maintenant que ce
billet est fini je n'ai plus vraiment le courage de le relire
systématiquement. (Cet avertissement est valable pour toutes les
entrées de ce blog, mais celle-ci est particulièrement propice à
engendrer des fautes de frappe idiotes donc il y en a certainement à
foison.)
Bref, je ne sais pas à quel point ce qui suit est compréhensible,
mais j'ai fait un certain effort pour limiter les prérequis : en
principe, pour l'essentiel de ce billet je ne suppose du lecteur
qu'une familiarité avec la théorie élémentaire des ensembles et les
rudiments de la calculabilité ; il n'est pas nécessaire,
notamment, de savoir ce qu'est un topos (et d'ailleurs, je ne
l'expliquerai pas, je me contente de définir le topos effectif), ni
même une catégorie (mais ça doit quand même aider). Je suppose qu'on
sait ce que c'est qu'une formule logique (connecteurs et
quantificateurs, ce genre de choses), mais guère plus : il n'est pas
vraiment nécessaire de savoir ce qu'est la logique intuitionniste,
mais c'est utile, surtout à partir de la partie qui parle de
réalisabilité, d'en avoir une certaine idée, et la lecture
de ce billet ou
surtout celui-là peuvent remplir ce
prérequis faible. Je ne suppose pas non plus que le lecteur a
lu mon précédent billet sur la
réalisabilité, mais ça peut aider à motiver les définitions (le
topos effectif est une généralisation de la réalisabilité de Kleene).
Vers la fin du billet, je suppose la familiarité avec quelques
concepts plus sophistiqués (coupures de Dedekind, ordinaux, des choses
de ce genre), mais comme il s'agit de petits bouts assez indépendants
les uns des autres, on doit pouvoir sauter ce qu'on ne comprend
pas.
En tout cas, j'espère au moins avoir réussi à écrire quelque chose
de plus clair que
l'article
Wikipédia
ou celui du
nLab.
Si on veut en savoir plus que ce qui est expliqué ici (ou corriger
les bêtises que j'aurai certainement écrites), le mieux est sans doute
de se tourner vers le livre de
van Oosten, Realizability: An Introduction to its
Categorical Side (2008), qui contient essentiellement tout ce
que je raconte ici, mais il vaut mieux sauter directement au
chapitre 3 si on ne veut pas entendre parler de tripos. On peut aussi
regarder l'article de Bernardet & Lengrand, A
simple presentation of the effective topos
(ici sur l'arXiv), même
si je ne suis pas persuadé que leur présentation soit vraiment
plus simple que la version usuelle, elle a le mérite d'être
assez compacte et contenue. L'article original de Hyland
s'appelle The Effective Topos, et il est paru
p. 165–216 dans les actes The L.E.J. Brouwer
Centenary Symposium édité par Troelstra &
van Dalen (1982) : en
voici une
version retypographiée
et le scan de
la version d'origine (disponible sur Sci Hub si vous n'y avez pas
accès par ce lien).
Ajout () : on me signale en
commentaire ce texte d'Ingo Blechschmidt (un chapitre
du livre Exploring mathematical objects from
custom-tailored mathematical universes édité par Oliveri,
Ternullo et Boscolo, qui est plutôt de portée philosophique) ; cela
semble en effet une bonne introduction : il développe de façon
pédagogique (et en commençant de façon très informelle) le point de
vue les topos comme des mondes mathématiques alternatifs ;
néanmoins, il ne donne pas une vraie définition du topos effectif
(juste comme une complétion de la catégorie des assemblées). Tant
qu'à faire, je peux aussi signaler
les notes
d'Andrej Bauer sur la réalisabilité, qui sont à l'état d'ébauche
au moment où j'écris : ce qui est là est très bien expliqué, mais
c'est encore incomplet, et notamment, il n'y a pas de définition du
topos effectif.
Ajout
() : ce billet
ultérieur sur diverses généralisations des degrés de Turing (et
sur ce qui est, en fait, les topologies de Lawvere-Tierney sur le
topos effectif), quoique indépendant de celui-ci, a néanmoins un
rapport assez étroit.
Ajout
() : ce billet
ultérieur sur la réalisabilité propositionnelle (qu'on peut lire
avant, ou après, ou indépendamment) a aussi un rapport étroit avec
celui-ci, puisque la réalisabilité propositionnelle est la logique
propositionnelle interne du topos effectif.
Bref, le but est de donner ci-dessous la définition du topos
effectif, c'est-à-dire des « objets » et des « morphismes » du topos
effectif, et ensuite de la « réalisabilité » des formules logiques
dont les variables sont « typées » par les objets du topos effectif.
(Tous les mots entre guillemets doivent être expliqués plus bas.)
Pour essayer de donner quand même un avant-goût de quoi il est
question avant de passer aux définitions proprement dites, un
objet du topos effectif va être une structure qui ressemble à un
ensemble, et un morphisme va ressembler à une application, mais l'idée
est de construire une sorte de monde mathématique alternatif (sujet
aux lois de la logique intuitionniste,
cf. ici et
surtout là), ça c'est en gros le
sens du mot topos, mais ce topos précis ayant la propriété
remarquable que toute fonction des entiers vers eux-mêmes est
calculable (au sens de Church-Turing), d'où le terme
de effectif, et accessoirement toute fonction réelle est
continue. (Ces affirmations étant certainement réfutables en
logique classique, il est nécessaire de passer à une logique plus
faible comme la logique intuitionniste pour espérer les rendre
possibles.)
☞ Vérité par témoignages
Toujours pour donner une idée très vague et en agitant les mains de
ce dont il va s'agir, le cœur de l'idée du topos effectif est
d'utiliser en quelque sorte, les parties de ℕ (i.e., les ensembles
d'entiers naturels) comme des sortes de valeurs de vérité (avec les
opérations ⊓,⊔,⇛ que je vais
définir ci-dessous
pour tenir lieu de la conjonction, de la disjonction, et de
l'implication logique). De façon un tout petit peu moins vague, pour
différentes sortes d'affirmations logiques, le topos effectif va
introduire une partie de ℕ (plus bas, je noterai ⟦φ⟧ pour
la « valeur de vérité » associée à une formule logique φ),
qu'on appellera l'ensemble de ses « réalisateurs » : le terme
classique est de dire que n réalise φ
pour dire que n appartient à la partie en question
(n ∈ ⟦φ⟧), mais je préfère,
intuitivement, parler de témoignages de la véracité
de φ.
Même si j'en suis juste à une explication très
vague et informelle, profitons-en pour dissiper un malentendu possible
dans l'idée qu'on peu se faire : la taille de la partie n'importe pas,
il suffit de disposer d'un seul « témoignage » pour conclure
que φ est valable dans le topos effectif ; ce n'est pas
parce que la partie est plus grande qu'on conclut que l'affirmation
est plus vraie, la seule chose qui importe est d'arriver à trouver un
élément dedans : si ∅ représente le « faux », le « vrai » peut se
représenter aussi bien par ℕ ou {0} ou {42}. Du coup, on peut se
demander pourquoi il n'y a pas juste deux valeurs de vérité, le vide
qui représente le faux, et n'importe quel ensemble
habité[#2] qui représente le
vrai, et de fait c'est bien le cas quand il n'y a aucun paramètre
libre, mais dès que la partie dépend de paramètres, il va y avoir des
parties habitées où il sera plus ou moins facile de trouver un
élément. Dit comme ça, c'est désespérément vague, mais j'espère que
ça aidera à comprendre un peu mieux les définitions précises qui vont
suivre.
[#2] Le
mot habité (pour un ensemble) signifie
simplement non-vide. Je vais dire plus bas pourquoi je
l'utilise.
☞ Ensembles avec égalité-existence
Toujours de façon très vague, un objet du topos effectif sera la
donnée (X,E) d'un ensemble X (au sens
usuel) muni d'une « fonction d'égalité-existence », qui à un couple
(x,y) d'éléments de X va associer une
partie de ℕ qui indique la « valeur de vérité » du fait
que x et y existent et sont égaux (on pourrait
certainement séparer les deux rôles en une fonction d'existence et une
fonction d'égalité, mais ce serait techniquement moins commode), cette
fonction étant symétrique et transitive en un sens qu'on va expliquer
plus bas (mais pas réflexive, parce que la réflexivité va servir à
mesurer l'existence). Et un morphisme entre objets du topos effectifs
est défini, en gros, par une fonction qui indique, de même, la
« valeur de vérité » du fait que x est envoyé
sur y par le morphisme. Maintenant il s'agit de rendre
précises ces idées que je viens de dire de façon très vague.