David Madore's WebLog: 2011-01

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en janvier 2011 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in January 2011: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in January 2011 / Entrées publiées en janvier 2011:

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(lundi)

Le principe de non-discrimination locale selon le sexe

Beaucoup de bruit a été fait récemment (et beaucoup de portes ouvertes ont été enfoncées) suite à une décision du Conseil constitutionnel qui confirme ce que tout le monde savait déjà, c'est que la Constitution française n'impose pas que deux hommes puissent se marier. Je trouve que c'était une erreur monumentale que de saisir des juges d'une question dont la réponse était évidente : quelle que soit la chose que l'on espère que la Loi dît, on ne gagne rien à chercher à lui faire dire le contraire de ce qu'elle dit évidemment. En revanche, personne ne semble avoir évoqué la question qui vient naturellement après : qu'est-ce qui devrait (ou aurait dû) être dans la Constitution française pour que la décision du Conseil fût différente ? Si on estime qu'il s'agit d'un choix de société, la réponse appartient simplement au Législateur, vers lequel le Conseil constitutionnel a renvoyé les demandeurs : mais si on estime qu'elle devrait découler d'un principe fondamental (qui, de toute évidence, manque alors dans la Constitution française), comme d'autres principes fondamentaux qui protègent les individus (j'en discutais ailleurs) même contre le pouvoir de la majorité, quel serait ce principe ?

Je pense que c'est une erreur de le chercher dans la protection contre la discrimination selon l'orientation sexuelle (Maître Éolas, dans le billet lié ci-dessus, fait une réponse à cette idée, qui, bien que typique de la mauvaise foi des logiciens, n'en est pas moins juste : un homme homosexuel a le droit d'épouser une femme homosexuelle). Je propose plutôt de le découvrir dans la non-discrimination selon le sexe. Autrement dit, dans le fait que les hommes et les femmes devraient avoir exactement les mêmes drois.

Et c'est là que surgit un problème d'interprétation de la nature de ceux qui amusent Douglas Hofstadter (voir notamment ce que je disais ici) : qu'est-ce que cela signifie, avoir les mêmes droits ? La version faible du principe, celle que j'appellerais la non-discrimination globale, serait de dire que si on remplace tous les hommes par des femmes et tous les femmes par des hommes, les droits devraient rester les mêmes : ceci interdit, par exemple, qu'on puisse permettre le mariage entre un couple d'hommes mais pas entre un couple de femmes, ou vice versa ; ceci interdit que le législateur permette globalement aux hommes des choses qu'il ne permet pas aux femmes, ou vice versa. Mais avec ce principe faible, il garde la possibilité de traiter différemment des cas lorsque deux personnes ont le même sexe ou pas le même sexe.

La version forte du principe, en revanche, celle que j'appellerai le principe local de non-discrimination selon le sexe, spécifie que les droits d'une personne doivent rester identique selon son sexe même une fois donnés ceux de toutes les autres. Elle a notamment comme conséquence que, si une femme peut épouser un homme, un homme le peut nécessairement aussi. La différence entre les versions faible et forte du principe est fondamentale : pour l'expliquer à un mathématicien, je dirai que c'est la différence entre admettre ℤ/2ℤ pour groupe de symétrie, ou avoir (ℤ/2ℤ)II est l'ensemble des individus. Pour l'expliquer autrement, je soulignerai par exemple que, dans sa célèbre décision Plessy vs. Ferguson de 1896, par laquelle elle autorisait la discrimination raciale aux États-Unis, la Cour suprême de ce pays se contentait du principe global de non-discrimination selon la couleur de la peau (on voit le bien que ça faisait…) : il aurait été inconstitutionnel de prévoir uniquement des écoles pour Blancs, mais il était constitutionnel de prévoir des écoles pour Blancs et des écoles pour Noirs. Le simple principe global de non-discrimination selon la couleur de la peau permet de n'autoriser que les mariages entre deux Blancs ou entre deux Noirs ; il faut invoquer le principe local pour se rendre compte que ceci constitue bien une discrimination.

Pour formuler ce principe local sous la forme d'un slogan simple, je peux proposer ceci :

L'État (notamment, la Loi ou l'administration) ne devrait pas avoir à connaître le sexe d'un individu.

Ceci a notamment pour conséquence que le sexe ne doit pas figurer sur l'état-civil ou sur les papiers d'identité (ou alors seulement comme signe distinctif comme la couleur des yeux figure sur le passeport) : l'État n'a pas à connaître des hommes et des femmes, mais seulement des personnes ou des individus, et de façon générale toute apparition du mot homme ou femme dans un texte juridique devrait susciter une certaine méfiance. Les transsexuels ne devraient pas avoir à faire enregistrer leur transition (ou à se forcer à rentrer dans des petites cases toutes faites sur ce qu'est le genre d'un individu). Le fait que j'aie une paire de couilles ou un chromosome Y dans mes cellules ne regarde que moi, mon poussinet et mes médecins, certainement pas l'État, et cela ne devrait pas figurer dans un fichier central sauf si ce fichier est un dossier médical (et alors avec toutes les garanties qui entourent ce genre de dossiers). De la même manière que le fait que j'aie les cheveux blonds et les yeux bleus, ou que je mesure 1m75. Ce principe a naturellement comme conséquence que le mariage entre deux personnes de même sexe devient possible s'il l'est (reconnu par l'État) entre personnes de sexes différents. Mais aussi que disparaissent les lois exigeant qu'une liste de candidats à une élection comporte autant d'hommes que de femmes (ceci est compatible avec le principe global de non-discrimination, mais pas avec le principe local) ainsi que tous les barèmes sportifs qui sont différents entre garçons et filles.

Personnellement, je serais d'avis de mettre quelque chose de cette teneur dans la Constitution française, le principe général me semblant bien plus important que sa conséquence sur une question spécifique.

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(samedi)

Que demanderiez-vous au génie des langues ?

En fouillant dans votre genier, vous trouvez une vieille lampe à huile poussiéreuse. Lorsque vous la frottez pour la nettoyer, un génie en sort. Ce n'est pas un génie très puissant : le seul vœu qu'il peut exaucer est celui de parler parfaitement une langue étrangère. Par ailleurs, le génie ne sait pas très bien combien de fois il pourra le réaliser, mais ce sera quelque part entre 1 et 15.

Autrement dit, vous devez lister 15 langues qui existent ou ont existé (y compris des langues inventées, des dialectes, états historiques, voire des accents précis si vous voulez griller une cartouche avec ça), et le génie vous rendra capable de parler (et comprendre, mais aussi lire et écrire) les n premières d'entre elles, sans que vous sachiez à l'avance combien (l'intérêt de cette hypothèse est d'obliger à faire un ordre de préférence ; si cela a une importance pour votre réponse, vous pouvez considérer que n est uniformément réparti entre 1 et 15 inclus). Vous maîtriserez ces langues aussi parfaitement que si vous les aviez apprises dès la naissance.

Évidemment, vous pouvez demander une langue que vous connaissez déjà partiellement, mais en ce faisant vous gâchez peut-être un peu le vœu en question (une meilleure stratégie est peut-être de citer une langue proche mais différente, en se disant que parler parfaitement cette langue proche vous aidera à la fois pour améliorer la langue que vous connaissez parfaitement et pour en avoir une de plus dans la liste) ; de même, il est peut-être du gâchis d'utiliser un vœu pour maîtriser une langue facile à apprendre à partir de celles déjà connues de vous (et de celles plus haut dans la liste).

Personnellement, je considère que je parle français et anglais, et je pense que mon choix serait quelque chose comme :

  1. L'arabe classique. Parce que j'ai essayé d'en apprendre un peu, mais que j'ai abandonné et que je le regrette. L'arabe classique parce que la grammaire semble en être la plus intéressante (lire : compliquée), parce que ça permet d'écouter ʾal-Ǧazīraẗ ou de lire les Mille et Une Nuits en VO, et j'imagine que si on le connaît il est ensuite plus facile d'apprendre tel ou tel arabe vernaculaire que dans le sens contraire. Bref, s'il y avait une langue que je devrais apprendre d'un coup de baguette magique (et d'autant plus que je ne trouve pas le temps ou pas la motivation suffisante pour l'apprendre par des moyens moins magiques), ce serait celle-là.
  2. Le chinois mandarin. Je n'éprouve pas la fascination pour la culture chinoise qui semble être devenue courante, mais une langue parlée par plus d'un milliard de personnes est indubitablement une langue très importante, et quand elle a en plus une littérature immense et un système d'écriture aussi vaste, elle ne pouvait pas ne pas figurer en bonne place.
  3. Le russe. Une langue que j'ai un peu apprise au lycée et que j'ai ensuite soigneusement oubliée : que je connais suffisamment bien pour savoir à quel point cela demanderait un effort démesuré de ma part pour atteindre le niveau nécessaire pour lire ce que j'aimerais pouvoir lire dans cette langue (ah, Pouchkine… ah, Lermontov…). Bon, eh puis quelqu'un qui saurait parler l'anglais, le français, le chinois, le russe et l'arabe (fût-il classique) est quand même bien équipé pour parler avec une bonne partie de la planète : j'écarte l'espagnol parce que ce serait griller un vœu magique avec une langue décidément trop facile, et je passe à des choses qui me sembleraient plus rigolotes.
  4. Le suédois. Que je mets plus haut que l'allemand, par exemple, parce que je parle déjà un peu l'allemand. Tant qu'à apprendre une langue nordique, autant que ce soit la plus parlée. Au fait, je vous ai déjà dit que j'adorais ce webcomic ?
  5. Le grec classique (dialecte attique). La langue (aussi apprise autrefois et soigneusement oubliée depuis) avec laquelle j'aimerais pouvoir frimer entre toutes. En plus, le génie me donnerait exactement la bonne prononciation utilisée à Athènes en 405 avant l'ère commune.
  6. Le japonais. Je ne sais pas bien où le placer sur la liste, mais il devrait certainement y être, avec les autres langues que j'ai fait une tentative pitoyable pour apprendre et que j'ai abandonnées parce que je n'ai aucune volonté.
  7. Le sanskrit classique. Pour l'intérêt philologique (encore qu'à ce compte-là la forme védique est certainement préférable à la forme classique), mais aussi parce que parler couramment sanskrit, c'est quand même ultimement barbot. Alors tant qu'à choisir une langue indienne, autant que ce soit celle-là.
  8. Le gaélique irlandais. Je n'en connais rigoureusement rien, mais les langues celtiques ont l'air d'avoir de très jolies sonorités, et tant qu'à en connaître une, autant que ce soit celle qui est une langue officielle de l'Union européenne.
  9. L'italien. C'est délicat de décider où mettre une langue que j'arrive à peu près à lire et à comprendre quand elle est parlée lentement alors que je ne l'ai jamais apprise. C'est encore plus délicat de décider si je mettrais l'italien ou l'espagnol (les deux, je trouverais ça vraiment bête) : l'espagnol est indiscutablement plus utile, mais je trouve quand même l'italien plus joli. Bon, les génies dans les bouteilles, ils sont là pour faire plaisir, pas pour être utiles, donc disons l'italien.
  10. L'allemand. Une langue que je fais semblant de ne pas devoir mettre beaucoup plus haut sur la liste sous prétexte que je la connais déjà un peu, mais après mon voyage à Berlin l'été dernier je devrais être plus modeste à ce sujet.
  11. L'anglo-saxon. D'intérêt essentiellement philologique (même si, là aussi, c'est certainement assez barbot de parler couramment l'anglo-saxon) : il n'y a pas grand-chose que je voudrais lire dans cette langue (la seule chose que tout le monde connaît, c'est Beowulf, et, franchement, c'est plutôt chiant, même s'il faut avouer que ça sonne bien). Mais je ne vais pas mettre l'anglais dans la liste, alors s'il y a quelque chose qui m'aide à mieux le parler et qui soit quand même intéressant en soi, j'imagine que c'est l'ancien anglais.
  12. Le latin classique (tel que parlé dans la haute société romaine en l'an 27 avant l'ère commune). Que je mets si bas parce que c'est désespérément banal, de parler latin. À ce stade-là, je me dis que si je suis arrivé aussi loin dans la liste, j'ai eu bien de la chance avec mon génie, et je peux arrêter les langues qui servent essentiellement à frimer (certes, je pouvais citer l'ancien égyptien, mais ce que j'en ai appris m'a surtout semblé ennuyeux, en fait). Donc je finis en mettant trois langues choisies simplement pour le fait d'être aussi différentes que possibles entre elles et de toutes les précédentes (afin de m'ouvrir l'esprit au sens sapirwhorfien), en étant parlées par un nombre raisonnable de gens dans le monde (et aussi, en France) :
  13. Le turc.
  14. Le tamoul.
  15. Le wolof.

Maintenant, je n'ai plus qu'à trouver le génie. En attendant, j'attends les réponses de mes lecteurs (en commentaire ou sur votre propre blog si vous en avez un).

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(jeudi)

Comment reconnaître une prononciation anglaise d'une prononciation américaine

Suite à ma lecture du livre de Wells sur les accents de l'anglais, j'ai vaguement promis d'écrire des choses sur la phonétique qui soient plus compréhensibles (ou en tout cas moins spécialisées) que la dernière fois. Alors voici quelque chose de concret et même éventuellement utile : comment reconnaître un accent anglais d'un accent américain ? Souvent c'est évident même quand on ne parle pas bien la langue (et si ce n'est pas l'accent proprement dit qui fait la différence, ça peut être le vocabulaire utilisé : si un mot sur trois est like, c'est probablement un Américain qui parle). Mais quand la prononciation n'est pas caricaturale et si le texte lui-même ne laisse pas de signe particulier, ça ne l'est pas forcément ; ou bien, on ne sait pas exactement sur quels critères on se fait une intuition. Alors voici un petit récapitulatif des principales différences à remarquer :

  • La chute du ‘r’ non prévocalique. Je mets ça en premier, parce que c'est le plus souvent signalé (pourtant, bizarrement, beaucoup de gens ne sont pas au courant) : les Anglais ne prononcent pas le ‘r’ quand il est devant une consonne ou en fin d'énoncé (ou en fin de mot devant un mot commençant par une consonne) — on dit qu'ils ont un accent non-rhotique ; les Américains, eux, le prononcent bien comme il est écrit. Normalement, cela devrait fournir un critère simple : la personne prononce-t-elle un ‘r’ dans les mots part et sort ? Prononce-t-elle farther différemment de father, et tuner de tuna ? Si oui, elle est probablement Américaine ; si non, elle est probablement Anglaise. (Je suppose qu'il n'y a que ces deux possibilités ; sinon, les Écossais et Irlandais ont un accent rhotique, les Australiens un accent non-rhotique.) En fait, ce n'est pas toujours si facile. Ce n'est pas tant qu'il y a des exceptions dans les deux sens (en Angleterre, les gens de Cornouailles ont traditionnellement un accent rhotique, et aux États-Unis les accents de New York, Boston et du Sud historique sont normalement non-rhotique ; en fait, ces deux phénomènes sont en déclin, les accents tendant à s'uniformiser sur chacun des deux pays). C'est surtout que le ‘r’ est un phénomène phonétique complexe en anglais, qui « colore » les voyelles précédentes, de sorte qu'il n'est pas toujours évident, pour qui n'a pas une bonne oreille pour la phonétique, de savoir si un ‘r’ a effectivement été prononcé ou simplement imaginé par l'auditeur. D'un côté, les Anglais ne prononcent certainement pas neared et need de la même façon (le ‘r’ est certes tombé, mais il a transformé la voyelle en une diphtongue : ceci ne se produit pas pour les voyelles de part et sort, c'est la raison pour laquelle j'ai pris cet exemple plus haut) ; de l'autre, les Américains « diluent » le ‘r’ sur la voyelle qui précède : si bien que dans les deux cas, le ‘r’ est reflété comme un phénomène essentiellement vocalique. Et les homonymies que j'ai signalées (farther et father, tuner et tuna) sont finalement rares : il n'est pas surprenant que la (non-)rhoticitié ne « saute pas aux oreilles », si j'ose dire. Petite anecdote : un jour où j'étais à Londres avec mon père, chez des amis anglais, nous voulions aller voir une pièce de théâtre, et on nous a recommandé d'aller voir ce qui passait au Shore Theatre ; du moins c'est ce que nous avons entendu : un nom parfaitement raisonnable (et de fait, il existe des théâtres de ce nom dans le monde, mais apparemment pas à Londres), sauf qu'en fait nous n'avons pas trouvé parce qu'il s'agissait du Shaw Theatre. Nos oreilles de Canadiens n'avaient pas imaginé qu'il puisse y avoir confusion entre ces deux mots : mais ce qui est étrange, c'est que la confusion s'est faite dans ce sens-là et pas dans l'autre, c'est-à-dire que nous avions inconsciemment interpolé le ‘r’ inexistant.
  • Le ‘a’ de bath. Pour moi, c'est le signe distinctif le plus évident, le plus fiable, et le plus simple à reconnaître. Il s'applique à des mots tels que ask, fast, laugh, half, example, answer, can't (ceux-ci sont probablement les plus courants : il y a des exceptions dans tous les sens, mais il s'agit généralement de mots où le ‘a’ est suivi d'une constrictive sourde ou bien d'une des séquences nt/ns/nʃ/nd/mpl). Les Américains les prononcent avec le même ‘a’ que cat, tandis que les Anglais utilisent une voyelle différente (avec la langue plus reculée), qui est celle de father. Si vous ne savez pas prononcer ces deux mots, et si vous faites parti des Français qui continuent à distinguer patte et pâte, c'est en gros la même distinction (mais plus prononcée) ; si vous avez besoin d'un enregistrement pour comprendre, allez sur cette page et écoutez successivement les voyelles cardinales 4 (le [a] cardinal, pas très loin de la voyelle notée [æ] de cat) et 5 (le [ɑ] cardinal, pas très loin de celui de father). Je pourrais aussi évoquer les mots ant et aunt, qui sont différents pour les Anglais et identiques pour les Américains, mais dans ce cas précis il y a bien des exceptions dans les deux sens (des Anglais prononçant aunt avec la voyelle de cat et surtout des Américains le prononçant avec celle de father pour éviter l'homonymie). En revanche, sur un mot comme ask, une fois qu'on sait bien distinguer les deux ‘a’, ce qui n'est franchement pas difficile, la distinction fonctionne quasiment à tous les coups.
  • Le ‘o’ de lot. J'ai déjà écrit en détail à ce sujet, mais pour dire les choses plus simplement : la voyelle que les Américains (sauf ceux de Nouvelle-Angleterre) utilisent comme ‘o’ « bref » (dans énormément de mots : lot, hot, pot, God, top, Tom, solve, et aussi watt, swan et d'autres) est normalement un ‘a’ long, justement celui de father dont je parlais ci-dessus. Certains arrondissent un peu la voyelle, c'est vrai, mais cela reste bien différent de la voyelle brève et peu surprenante (pas très éloignée du ‘o’ de sotte en français, même si elle est plus ouverte) utilisée par les Anglais : on peut être assez sûr que celui qui dit Gahd pour dire God est Américain. Ou pour illustrer différemment ce phénomène en même temps que le premier que j'ai signalé : le mot part prononcé par un Anglais peut coïncider presque parfaitement avec le mot pot prononcé par un Américain (et les deux, d'ailleurs, se rapprochent du mot pâte prononcé par un Français qui fait la différence avec patte ; enfin, à la fois le ‘p’ et le ‘t’ sont différents, mais il y a quand même une certaine ressemblance). Notons cependant que quelques mots utilisent un peu inexplicablement une autre voyelle pour les Américains : dog, notamment, n'utilise généralement pas la même voyelle que God (il y a aussi toute la série de cloth, avec un phénomène semblable à bath mais inversé, mais je ne veux pas rentrer dans trop de détails).
  • Le ‘oo’ de poor. Il ne s'agit que d'une tendance, et elle varie selon les locuteurs et selon les mots, mais les Anglais perdent de plus en plus le son ‘oo’ (de book) en faveur d'un simple ‘o’ (celui de shore et Shaw) devant le ‘r’. Ceci est particulièrement prononcé dans des mots comme poor (qui devient homophone de pore) et your ; le mot sure peut devenir homophone de shore et Shaw. C'est moins frappant quand il y a un yod ([j]) implicite avant : dans cure ou fury, on a moins tendance à remarquer que les Anglais mettent un ‘o’, mais c'est souvent vrai. C'est moins le cas quand il y a des voyelles après (insurance a plus tendance à garder son son ‘oo’), mais cela arrive néanmoins, notamment dans certains mots : quand Ricky Gervais s'est moqué du film The Tourist à son discours d'ouverture des Golden Globes 2011 (qui a été jugé parfois un peu trop provocateur par des Américains coincés), en l'entendant j'ai cru que le titre du film était quelque chose comme The Torist.
  • La chute des ‘h’. Même si ce n'est pas considéré comme correct, les Anglais ont plus souvent que les Américains tendance à omettre les ‘h’ initiaux (il me semble en avoir remarqué dans le discours de Ricky Gervais signalé ci-dessus, mais je ne retrouve plus) ; par exemple prononcer happen comme 'appen. Attention, je ne parle pas de la perte du ‘h’ dans certains pronoms : prononcer tell him comme tell 'im est standard et n'est pas un exemple de ce phénomène ; par ailleurs, certains mots sont flottants même dans un usage standard : ce sont les Américains qui ont tendance à perdre le ‘h’ de herb (en fait, historiquement, il n'était pas prononcé : ce sont les Anglais qui l'ont ré-introduit ; de même, historiquement, il n'y avait pas de ‘h’ prononcé à habit, et il continue à ne pas y en avoir à honour). Bref, ce n'est pas si simple. Pour parler d'un autre phénomène concernant le ‘h’, on pourrait aussi signaler que pas mal d'Américains font la différence entre whine (prononcé avec [hw]) et wine (prononcé avec [w]), mais certains Britanniques s'efforcent de la faire aussi, donc ce n'est pas si discriminant que ça.
  • Le ‘t’ tapé américain. La prononciation américaine du ‘t’ intervocalique, par exemple dans un mot comme butter, est assez particulière : ce n'est ni vraiment un ‘t’ ni vraiment un ‘d’ (il n'est pas certain qu'il y ait une différence prononcée entre writer et rider), c'est une consonne tellement brève qu'elle ressemble à un ‘r’ comme on en trouve en japonais ou en espagnol (noté avec un seul ‘r’). C'est un phénomène assez discret, mais hautement caractéristique.
  • Les diphtongues avant schwa. Je mets dans ce point un certain nombre de phénomènes un peu différents liés, dans la prononciation anglaise, à la présence d'un schwa (la voyelle neutre qui débute le mot alone, notée [ə] en alphabet phonétique) après une voyelle et qui crée ou non des diphtongues, ou modifie ou non des diphtongues. Pour un Américain, le mot idea se prononce avec trois syllabes : i-dee-uh (soit, en alphabet phonétique, [aɪˈdiː.ə]) ; pour un Anglais, en revanche, la succession du schwa représenté par la lettre ‘a’ finale après la voyelle représentée par la lettre ‘e’ a donné une diphtongue qui est la même que celle qui correspond normalement à l'écriture eer : donc idea a deux syllabes ([aɪˈdɪə]) et rime avec deer ([dɪə]). De même, les Anglais ont plus tendance que les Américains à mettre une seule syllabe à real et à n'en mettre que deux à theorem (qui rime alors parfaitement avec serum). Pour un autre phénomène, prenons le mot fire : la diphtongue [aɪ] représentée par le ‘i’ devrait être suivie directement d'un ‘r’ : ceci est difficile, et aussi bien les Anglais que les Américains ont tendance à interpoler un schwa (mais ils le feraient moins souvent dans le mot fiery). Ceci peut faire de fire un mot disyllabique, et de hire et higher des homophones parfaits. Ceci concerne les Anglais et les Américains, disais-je, mais les Anglais plus que les Américains vont avoir tendance à raccourcir les deux syllabes en une triphtongue qui peut ensuite avoir tendance à devenir une simple diphtongue en perdant la voyelle du milieu : donc de [ˈfaɪ.ə] disyllabique on passe à [faɪə] avec triphtongue, et de là à [faə], voire à [faː] ; le même phénomène se produit avec tower que les anglais peuvent transformer en [taə].
  • Les ‘r’ de liaison. Je finis par un point qui est en quelque sorte le contraire et la conséquence du premier : j'ai signalé que les Anglais perdaient le ‘r’ sauf devant voyelle. Quand deux mots se suivent, le ‘r’ final du premier réapparaît si le second commence par une voyelle. Mais ce phénomène peut se produire par analogie même si le premier mot ne comportait pas de ‘r’ muet mais aurait pu en contenir un : il arrive donc assez souvent que les Anglais prononcent I saw it avec un ‘r’ entre les deux derniers mots, c'est-à-dire en faisant la même liaison que dans for it. Ceci n'arrivera pas à un Américain, pour qui le ‘r’ est mentalement vraiment un phonème.
  • [Ajout] Je devrais sans doute mentionner aussi un certain nombre de shibboleth (shibbolot ?) célèbres, tels que : schedule (prononcé [ˈskɛʤuːl] aux États-Unis et [ˈʃɛdjuːl] en Angleterre même si la prononciation américaine y gagne du terrain), issue (prononcé [ˈɪʃuː] partout, mais parfois aussi [ˈɪsjuː] ou [ˈɪʃjuː] par les Anglais), kilometer (prononcé le plus souvent avec l'accent sur la seconde syllabe aux États-Unis, et à peu près aussi souvent sur les deux premières en Grande-Bretagne), omega (prononcé avec l'accent sur la première syllabe en Grande-Bretagne, et sur la seconde aux États-Unis), ou encore la dernière lettre de l'alphabet (prononcée zee par les Américains et zed par le reste du monde, y compris les Canadiens). Ceci étant, ces différences ne sont pas très significatives, en fait : la raison est que les différences systématiques tendent à se perpétuer, alors que les différences anecdotiques de ce genre, surtout sur un mot un peu rare (comme lieutenant) ne sont pas très significatives puisque les gens entendent le mot peu de fois et infèrent une prononciation à partir d'un petit nombre d'écoutes, pas forcément naturelles : il suffit presque qu'une célébrité Américaine ou Britannique passe à la télé et le prononce de telle ou telle façon pour que ça puisse changer ; et de fait, pour toutes ces différences, on peut considérer que les deux variantes existent des deux côtés de l'Atlantique (et personnellement je mets l'accent un peu aléatoirement sur omega, parce que j'ai parlé avec des mathématiciens tant britanniques qu'américains, et au final je me représente ça comme deux variantes également acceptables du même mot).

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(vendredi)

Le 21 janvier dans la vie de Ruxor

Le 21 janvier, je ne porte pas le deuil de Louis XVI, ni celui de Lénine. Mais qu'est-ce que je fais ?

Aujourd'hui, vendredi 21 janvier 2011, j'ai assisté à des exposés pour les journées du GdR IM (je ne sais pas exactement ce que c'est qu'un GdR, ni à quoi il sert autrement qu'à me spammer, mais au moins les exposés étaient-ils intéressants), à Jussieu.

Il y a un an, jeudi 21 janvier 2010, j'ai fait le point sur mes connaissances en calculabilité supérieure. Le soir, mon poussinet et moi avons regardé le film Le sens de la vie pour 9.99$ sur DVD.

Il y a deux ans, mercredi 21 janvier 2009, j'ai fait passer des oraux de rattrapage d'un de mes cours à l'ENST. Le soir, mes amis du nanar-club et (mon poussinet et) moi avons pris l'apéro et avons regardé le film When Dinosaurs Ruled the Earth.

Il y a trois ans, lundi 21 janvier 2008, mon poussinet et moi avons cherché, lors d'une promenade vespérale, à traverser la Seine par le pont du boulevard Poniatowski de façon à nous rendre à Bercy-Village, et avons découvert que c'était quasiment impossible (j'ignore si la situation a changé depuis ; je pense que non, même si c'est prévu à terme).

Il y a quatre ans, dimanche 21 janvier 2007, j'ai regardé la télé (l'émission Arrêt sur images, puis la semaine des Guignols et le Zapping de Canal+) ; ensuite, j'ai travaillé sur des articles que j'essayais de déchiffrer, et le soir, mon poussinet et moi avons dîné au restaurant Dino Pasta e Fagioli di Lucca, rue Claude Bernard (que je recommande au passage à tous ceux qui aiment la bonne cuisine italienne) et nous avons regardé le film Sommersturm (que je recommande au passage à tous les garçons qui aiment les garçons) sur DVD.

Il y a cinq ans, samedi 21 janvier 2006, j'ai fait une razzia à la librairie Gibert Joseph (j'y ai acheté : Ada, or Ardor de Nabokov, The Handmaid's Tale de Margaret Atwood, The Line of Beauty de Hollinghurst, Breakfast of Champions de Kurt Vonnegut, Jr., Sur l'antisémitisme de Hannah Arendt, Introduction à la théorie des groupes de Lie de Roger Godement, et Les caves du Vatican d'André Gide). Puis j'ai voulu aller voir Brokeback Mountain au cinéma (le Mk2 Odéon), mais la queue m'en a découragé. À la place, j'ai passé un certain temps à lire et comprendre la démonstration du fait que le A-module A n'est pas projectif dès que A est un anneau (commutatif) noethérien non artinien. Le soir, j'ai dîné dans un restaurant de crêpes et de fondues avec une douzaine de normaliens.

Il y a six ans, vendredi 21 janvier 2005, j'ai organisé un écrit blanc d'agreg à l'ENS : je me suis levé à 6h45 du matin pour déposer le sujet et je suis passé chercher les copies dans la soirée (les préparationnaires choisissaient quand ils voulaient faire le sujet, normalement pendant 6 heures d'affilée). Le soir, j'ai écouter un ami raconter toutes sortes de choses sur les Lisp-machines.

Il y a sept ans, mercredi 21 janvier 2004, j'ai appris des choses sur les variétés toriques dans le livre de Fulton à ce sujet. Le soir, je suis allé chez mes parents, qui avaient des problèmes avec leur ligne ADSL (et parce que le lendemain, un de mes bons amis allait soutenir sa thèse à Polytechnique) : je n'ai pas eu de succès auprès du service technique Wanadoo.

Il y a huit ans, mardi 21 janvier 2003, je n'ai pas fait grand-chose. Le soir, j'ai regardé sur Arte un documentaire sur le système carcéral américain.

Il y a neuf ans, lundi 21 janvier 2002, j'ai aussi dîné avec une douzaine d'amis normaliens, et nous avons discuté (de vive voix, puis aussi informatiquement, via IRC) de toutes sortes de choses entre l'introduction de la monnaie en euros et une amie qui avait des problèmes affectifs compliqués™.

Il y a dix ans, dimanche 21 janvier 2001, j'ai aussi regardé à la télé la semaine des Guignols. Puis le soir j'ai envoyé un mail à un un co-thésard (et co-bureau à Orsay), un grand et beau blond dont j'étais désespérément amoureux, pour lui déclarer très stupidement ma flamme, ce qui devait me valoir le plus cuisant et douloureux râteau de ma vie.

Je n'ai malheureusement pas de note précise de ce que j'ai fait les 24 occurrences précédent du 21 janvier de ma vie, parce que ma manie obsessionnelle compulsive de tenir un journal de ce qui m'arrive n'a commencé qu'avec le 3e millénaire. Je suppose que je pourrais reconstituer des choses sur les quatre précédents 21 janvier à partir de mes archives de mail, mais pour aller encore plus vieux ce serait difficile. All those moments have been lost in time… like tears in rain…

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(mercredi)

Gro-Tsen et ses petites contrariétés

  • Notre chauffe-eau est réparé. Mais le plombier m'a escroqué dans les grandes largeurs (j'étais prêt à me laisser escroquer dans les petites largeurs, mais quand mon poussinet m'a lu le montant du devis par téléphone, j'ai mal entendu et j'ai donné mon accord parce que j'avais compris quelque chose de seulement moyennement exorbitant alors que c'était vraiment exorbitant) ; c'est d'autant plus idiot que mon poussinet aurait certainement su faire la manip lui-même. Nous allons tâcher de faire des économies ces prochains mois pour compenser un peu ça.
  • …C'était bien la résistance qui s'était percée. C'est d'autant plus mystérieux que le chauffe-eau n'était pas vieux et encore peu entartré.
  • Un de mes disques durs est mort, probablement à cause de la coupure d'électricité elle-même consécutive à la mort du chauffe-eau. Grâce à la magie du RAID, je n'ai perdu aucune donnée, mais je me suis fait bien peur parce que j'avais cru que plusieurs disques mouraient en même temps (ce qui aurait été beaucoup plus embêtant, puisque le RAID5 ne me protège que contre un seul défaut ; on a tendance à imaginer que plusieurs disques mourant en même temps est extrêmement improbable, mais ce ne l'est pas tant que ça : ce ne sont pas des événements indépendants, et la même cause — comme un chauffe-eau qui rend l'âme et qui provoque une coupure de courant — peut provoquer plusieurs défauts).
  • Ma santé est maintenant dans un état stable : je fais de la sinusite la nuit, je me réveille avec l'impression d'être très enrhumé et j'ai mal à la tête, et au cours de la journée ça se dissipe et le soir je me sens bien (néanmoins, je suis très fatigué, et j'ai une toux grasse légère mais continue). Je suis allé voir un ORL, qui m'a à peine examiné ; il m'a prescrit un traitement à base d'aérosol (esssentiellement un corticoïde), même s'il a reconnu que mes analyses sanguines ne favorisaient pas la piste allergique. (En plus, je ne suis pas du genre allergique, et dormir dans un autre lit n'a rien changé.) Si cela ne s'améliore pas d'ici une semaine, je dois faire une radio un scanner des sinus.
  • …[Ajouté ()] Mais j'ai quand même tendance à croire que j'ai toujours une infection bactérienne. J'ai oublié de signaler au médecin que j'avais toujours des ganglions un peu enflés, comme j'ai oublié de lui signaler que ma toux était grasse (je n'arrête pas d'oublier de dire des choses quand je vais voir un médecin, à chaque fois je m'en veux en sortant). Et ce soir j'ai mal à la gorge, même si je n'ai plus mal aux sinus. Bref, j'ai l'impression de tourner en rond. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas me faire tousser dans une boîte et essayer de cultiver un peu les bactéries qui en ressortiraient.
  • …Par contre, le traitement par aérosol a quelque chose de rigolo (il m'a fallu louer un appareil en pharmacie, ça fait une sorte de brouillard de petites goutelettes de produit, c'est étrange mais pas déplaisant à respirer) ; mais qu'est-ce que c'est long à préparer !, il y a quantité de pièces à mettre les unes dans les autres dans le nébuliseur (et à laver à chaque fois), deux tuyaux à brancher sur l'appareil, trois substances à mélanger… et ça encombre beaucoup, aussi. Malheureux les gens qui doivent faire ça chaque jour de leur vie !
  • Je suis allé un peu aux Sage Days à Orsay : c'était sympa, mais j'en ressors un peu déçu parce que le programme était chamboulé et que je n'ai pas pu entendre ce pour quoi j'étais surtout venu. Je crois aussi que le niveau de familiarité avec Sage supposé des participants était assez mal défini. J'ai néanmoins appris quelques choses. (Par ailleurs, il y avait un orateur qui parlait avec un accent québecois tellement joli que j'aurais pu venir rien que pour l'écouter.)

Bref, pas de grosse contrariété, mais pas mal de petites, et au final cela fait quand même beaucoup de temps perdu (et pas mal d'argent aussi). J'ai l'impression de courir dans tous les sens et de ne plus savoir où donner de la tête.

J'ai quand même trouvé le temps de finir de lire un des deux livres que je lisais en ce moment, celui de Wells sur les accents de l'anglais (enfin, je n'ai fini que le volume 1, mais je l'ai vraiment lu de bout en bout : je ne vais probablement pas en faire autant des volumes 2 et 3). Si et quand je serai moins débordé, j'essaierai d'en tirer quelques choses à raconter sur ce blog (mais moins techniques que la dernière fois où visiblement personne n'avait été intéressé ; je raconterai plutôt ce qui distingue substantiellement les accents britanniques et américains, ou comment classifier les voyelles en anglais).

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(dimanche)

L'étincelle qui fait déborder le chauffe-eau

J'avais déjà raconté qu'un de mes sujets de cauchemar récurrents c'est celui où j'essaie d'allumer une lampe, et celle-ci fonctionne mal ou ne fonctionne pas du tout, et je veux de la lumière et je panique. Je me suis réveillé la nuit dernière, après avoir regardé Shutter Island hier soir (qui n'est pas spécialement un film rassurant pour les angoisses de ce genre), je me sentais bien malade, fébrile et désorienté, j'ai voulu prendre un verre d'eau dans la salle de bain et mesurer ma température : pas moyen d'allumer la lumière de la salle de bain. J'essaie l'autre lumière : pas mieux. En fait, j'étais dans l'obscurité totale : coupure de courant. J'arrive à attraper la lampe torche qui est posée sur ma table de nuit pour voir ce qui se passe, mais la lampe torche elle-même (qui est un truc chinois acheté à vil prix sur dealextreme.com) s'est mise à vaciller. À ce moment-là, j'ai un peu paniqué et craqué nerveusement. (Pendant ce temps, mon poussinet dormait du sommeil du juste et du non-tracassé.)

En fait, c'est notre disjoncteur qui avait disjoncté. J'ai essayé de le réenclencher, mais il saute immédiatement. Je pense que c'est le différentiel (ce n'est pas très clair sur notre tableau électrique, mais le disjoncteur combine le général et le différentiel de 500mA en un seul interrupteur). Si je coupe le circuit du chauffe-eau, je peux remettre le courant. (J'ai ensuite passé une heure à vérifier que l'ordinateur n'avait pas souffert de l'opération.)

J'imagine que c'est la résistance du chauffe-eau qui est percée et qui fait une fuite de courant vers la cuve. On savait déjà qu'elle était entartrée, au bruit qu'elle fait en chauffant ; néanmoins, comme ce chauffe-eau n'a même pas cinq ans, je me sens un peu floué qu'il faille déjà en changer la résistance (voire, toute la bête).

Je vais aller habiter un petit moment chez mes parents à Orsay. (Comme je comptais assister à cette conférence, ce n'est pas forcément mal.) Reste que si ça avait pu tomber à un moment où je n'étais pas malade, ça m'aurait arrangé. À ce sujet, j'ai rendez-vous chez un ORL lundi (et j'ai aussi des résultats d'analyses sanguines, qui sont normales).

Je me sens très las.

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(jeudi)

Re-re-chute ?

(Résumé des épisodes précédents ici.)

Ayant fini lundi (et scrupuleusement suivi tout du long !) le traitement de huit jours à la ciprofloxacine que le médecin m'avait prescrit, je pensais en avoir fini avec cette infection persistante. Le week-end dernier j'allais bien (et les quelques jours précédents étaient plutôt bons aussi), et jusqu'à hier encore je me considérais comme guéri. Mais ce matin, je me suis réveillé avec le picotement dans l'arrière-gorge qui caractérise chez moi les débuts de rhume, et dans lequel, ici, je vois le signe d'une rechute possible ; et il ne semble pas disposé à disparaître : j'ai cet après-midi le nez bien chargé, je respire difficilement et je suis très fatigué. Je garde un peu d'espoir que ce soit une fausse alerte, mais je ne compte pas trop dessus.

Je ne comprends vraiment pas ce qui m'arrive. Visiblement mes bactéries répondent aux antibiotiques, puisque j'ai été au moins provisoirement guéri par la clarithromycine début décembre (mais j'ai fait une rechute au bout de trois-quatre semaines), et tout récemment par de la ciprofloxacine (mais rechute, si c'en est une, au bout de 48 heures). Sont-ce des bactéries différentes ?, mais si oui, pourquoi suis-je aussi souvent infecté ? Ou bien est-ce la même qui persiste ?, mais alors quel peut être le réservoir ? Devrais-je retourner voir mon médecin tout de suite, ou attendre que la rechute se confirme ? Je ne sais ni quoi faire ni quoi penser. Je suis complètement désemparé.

Et surtout, j'ai le moral qui vient de tomber dans les talons (référence xkcd obligatoire à ce sujet) : je pensais, ça y est, je vais de nouveau bien, je vais pouvoir mettre derrière moi cet épisode à la con, rattraper le temps perdu (que ce soit au boulot ou dans plein de choses, jusqu'à la muscu que j'étais trop fatigué pour faire), et vlan… Je suis fatigué et déprimé.

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(mardi)

Deux livres

J'ai tout récemment commencé la lecture de deux livres que je crois déjà pouvoir recommander (il s'agit de nonfiction — comment diable est-on censé traduire ça en français ? — et du genre qu'on n'a pas spécialement de raison de lire dans l'ordre, donc je ne les « finirai » peut-être pas vraiment, ou pas clairement, ce qui m'incite d'autant plus à ne pas attendre ce moment hypothétique pour donner mon avis).

Le premier (que j'ai trouvé en flânant chez W. H. Smith dimanche soir) s'appelle The Evolution of God (ISBN 978-0-349-12246-5[#]), de Robert Wright. Il s'agit d'un essai sur l'évolution[#2] des trois grandes religions monothéistes, du concept de Dieu dans celles-ci, et de leurs croyances de façon plus générale. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un livre d'histoire, mais plutôt d'un livre à thèse, à mi-chemin entre l'histoire (de la pensée) et la philosophie (de la religion), écrit par un auteur qui est probablement athée, ou agnostique entre l'athéisme et le déisme sans confession ; les idées qu'il expose paraîtront probablement choquantes à un Juif, Chrétien ou Musulman très traditionnel, mais ne sont pas une attaque aussi frontale que celles de Dawkins dans The God Delusion : pourtant, je pense qu'elles sont bien plus « dangereuses » pour ces religions, parce qu'elles explorent la façon dont celles-ci sont nées et dont leurs préceptes n'ont pas toujours été les mêmes.

Wright consacre un chapitre aux religions naissantes, un au monothéisme juif, un à l'invention du christianisme, un à l'islam, et un qui semble plus général et plus philosophique sur l'avenir des religions. Je n'ai pour l'instant lu que le passage sur le christianisme (j'ai commencé par là) et le début de celui sur le judaïsme, mais ce que j'ai lu m'a beaucoup intéressé, et j'ai trouvé le point de vue de l'auteur assez séduisant.

Concernant le christianisme, Wright cherche à reconstituer quelles ont pu être les croyances du Jésus historique (sur le compte duquel il expose quelque chose de pas incohérent avec ce que je proposais ici et , d'ailleurs, même s'il ne s'intéresse pas tant au personnage qu'à ses idées) et comment elles ont ensuite été revues par les évangélistes et par Paul de Tarse (aka Saint Paul). Il est assez convainquant, par exemple, lorsqu'il explique que Jésus, dans le courant millénariste/messianique juif, ne promettait certainement pas un paradis céleste et après la mort mais la venue du Royaume de Dieu de son vivant (ou en tout cas du vivant de ses disciples : cf. Marc 9:1) et sur Terre ; et que cette promesse a été revue et corrigée (en faveur d'un paradis plus céleste, après la mort, et d'un Royaume de Dieu plus symbolique) après évidemment le décès du prédicateur et après que le Royaume de Dieu tardait décidément à se réaliser. Il est aussi convainquant quand il défend l'idée que Jésus ne prêchait certainement pas l'amour universel et l'égalité entre les hommes, mais mettait clairement les Juifs en premier dans le Royaume de Dieu, les Gentils n'ayant leur place que comme serviteurs qui ramassent les miettes (cf. Marc 7:25–29), et que l'idée n'est venue aux Chrétiens que quand ils (notamment Paul de Tarse) ont voulu cimenter cette religion et l'exporter aux non-Juifs. Je ne rends cependant pas justice à Wright en résumant ces thèses de façon aussi succincte. Je souligne que l'évolution qu'il trace est celle des idées des premiers Chrétiens : il ne s'aventure pas dans, par exemple, dans la théologie au Moyen-Âge, et évoque à peine le Concile de Nicée — ce n'est pas le sujet qui le préoccupe.

Concernant le judaïsme, son intérêt est d'étudier la façon dont le royaume d'Israël est passé du polythéisme à la monolâtrie puis au monothéisme, en inventant un dieu unique qui réalise la synthèse entre des divinités telles que El et Baʿal (l'un ayant défini le dieu de la bible tel qu'il est quand il est nommé sous ce même nom, l'autre ayant influencé sa version sous le nom de Yhwh). Là aussi, je trouve qu'il défend bien ses idées, par exemple quand il signale le parallèle entre l'assemblée des dieux évoquée au Psaume 82 (81 en grec) et le conseil des dieux que préside le dieu El. J'attends de finir ce chapitre et de lire celui sur l'islam pour me prononcer plus complètement.

[#] Une question qui me tracasse depuis un moment : quel lien « canonique » utiliser quand je parle d'un livre ? Je n'aime pas trop en fournir un vers Amazon ou un autre vendeur de ce genre, parce que je n'ai pas de raison de leur faire de la pub ; il n'y a pas toujours de site Web officiel du livre, et même s'il y en a un j'ai peur que ce genre de site soit moins pérenne que mon blog ou que l'ISBN ; je fournis généralement un lien vers le gadget-à-ISBN de Wikipédia, mais je ne trouve pas celu-ci très pratique. Que faire, alors ? Je me pose aussi un peu la même question pour les films, d'ailleurs : jusqu'à présent j'ai adopté la politique de faire toujours des liens vers leur entrée dans IMDB, mais je commence à me dire que ce n'est pas forcément le plus neutre.

[#2] J'imagine que le mot est choisi à dessein comme clin d'œil aux cinglés qui rejettent les théories fondamentales de la biologie pour des raisons religieuses.

L'autre livre (que j'ai reçu ce matin) n'a aucun rapport : il s'agit d'un traité en trois volumes sur la prononciation de l'anglais et de ses accents, Accents of English de J. C. Wells (ISBN 978-0-521-29719-6 pour le volume 1, 978-0-521-28540-7 pour le volume 2, et 978-0-521-28541-4 pour le volume 3). Ceux qui pensent que le sujet est aride se trompent !

Je connaissais déjà J. C. Wells parce qu'il est aussi l'auteur de l'excellent Longman Pronunciation Dictionary (ISBN 978-1-4058-8118-0 pour la 3e édition), que je recommande également très vivement (c'est le seul dictionnaire que je connaisse à donner fiablement la prononciation britannique et américaine, en l'occurrence en alphabet phonétique, ainsi que de nombreuses variantes, et des statistiques de préférences dans les cas où il y a des doutes). Néanmoins, ce Pronunciation Dictionary reste limité à la Received Pronunciation anglaise et à la prononciation américaine synthétique connue sous le nom de General American. Son livre Accents of English ne se limite pas à ça : il décrit soigneusement les différents accents britanniques (dans le volume 2), mais aussi (dans le volume 3), les différents accents américains, canadiens, australien, néo-zélandais, sud-africain, indiens[#3] et plus.

Il serait facile de rendre la chose complètement illisible : devant la masse de voyelles de l'anglais, et la masse d'accents qui existent, on a vite fait de se perdre. Ce qui est remarquable avec le livre de Wells, tel qu'il m'apparaît après un examen encore peu approfondi, c'est qu'il arrive à faire la synthèse d'une masse de faits disparates de façon qu'on s'y retrouve. Chose que je n'ai probablement pas réussi à faire dans une entrée récente de ce blog, qui ne parlait pourtant que d'un tout petit groupe de voyelles !

Le volume 1 est introductif et peut se suffire à lui-même : il présente la problématique générale, évoque la définition de ce qu'est un accent et la manière dont ils diffèrent, puis il décrit les accents standards Received Pronunciation et General American et la façon dont ils diffèrent, la phonémique (notamment des voyelles) et l'évolution historique. Je pense que ce livre est très précieux pour quiconque s'intéresse à la phonétique et veut apprendre à « parler l'anglais correctement » (quoi que correctement veuille dire). Les volumes 2 et 3 décrivent ensuite en détail les accents anglais de différentes parties du monde, comme je l'ai expliqué, avec toujours beaucoup de soin (par exemple j'y trouve une explication très claire et soigneuse du fameux Canadian rising qui fait que les Américains croient souvent, complètement à tort, que les Canadiens prononcent about comme ils disent a boot).

[#3] Je mets des pluriels un peu au hasard, puisqu'il n'est pas clair ce que signifie le fait d'avoir un ou plusieurs accents dans un pays. Mais dans sa section consacrée au Canada, Wells consacre une sous-section particulière à Terre-Neuve, alors que pour ce qui est de l'Australie, s'il mentionne évidemment des différences, il ne distingue pas une région particulière.

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(dimanche)

De quel côté dormir ?

Je ne peux dormir que sur le côté. Si je m'endors sur le dos, soit je commence à ronfler (et je dors alors mal et me lève avec une gêne désagréable dans la gorge), soit je me réveille avec la sensation d'étouffer. Je trouve agréable de me mettre sur le ventre au moment où je me couche, mais si je m'endors de la sorte, je me réveille aussi parce que je m'étouffe, ou bien parce que j'ai coupé la circulation dans un bras ou dans une main. Bref, il n'y a que sur le côté que ça marche. Et encore : toutes les quelques minutes j'éprouve le besoin impérieux de changer de côté (je ne saurais pas dire ce qui le cause au juste, mais heureusement il se synchronise généralement bien avec le fait qu'une de mes narines soit bouchée — c'est alors elle qui se retrouve en haut).

Je me demande bien comment je ferai si un jour une blessure ou un autre obstacle quelconque m'empêche de dormir de la seule façon qui marche.

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(Thursday)

Father, bother, cot, caught, stark and stork

I already wrote something about English vowels versus spelling, now let's concentrate on one small group of vowels versus accents.

Let's start with an exercise for those who (think they) can speak English: here is a list of words with a vowel underlined, you should (without reading this entry any further or consulting a dictionary) try to group the identical-sounding ones, i.e., decide how many different vowels you can hear in this list and which words contain which:

bother, brother, caught, coral, cot, court, dawn, don, farther, father, for, force, forest, four, hoarse, horrid, horse, law, morning, mourning, north, palm, psalm, Shaw, shore, stalk, stark, stock, stork, thaught, thought, war, warp, wash, watt

(Write down your answers and your doubts before reading any more of this, so you won't be tempted to change them. Remember that only the pronunciation matters: e.g., son and sun would be grouped together if they appeared in the list.)

Now, what should be the answer? First, let's cross out the odd word out: the vowel in brother does not sound like any other in the list, it is the same vowel as in son and sun and also mother and other. I included this word as a kind of control: if you think brother rhymes with bother, then either English is not your native language, or you are unaccustomed to noticing the differences between vowels, or your variety of English is unusual and I'd like to know more about it.

Other than that, everyone should agree with at least the following identifications:

  • (‘ä’) father and psalm have the same sound, and generally palm also;
  • (‘är’) farther and stark have the same sound;
  • (‘ŏ’) bother, cot, don, stock and watt have the same sound, and generally wash also;
  • (‘ŏr’) coral, forest and horrid have the same sound;
  • (‘ô’) caught, dawn, law, Shaw, stalk, thaught and thought have the same sound;
  • (‘ôr’) for, horse, morning, north, stork, war, warp have the same sound;
  • (‘ōr’) court force, four, hoarse and shore have the same sound, and sometimes mourning also.

(I've used diacritics rather than IPA symbols for these sets, because the actual phonetic realization can vary considerably, as I will describe.)

If you make distinctions among these groups (say, between cot and don), it's probably because your ear is overfussy and cannot ignore the context. On the other hand, I'm definitely not saying that there aren't any more vowel identifications to be made than those described above: for example, if you think father rhymes with bother, that's fine (as I'll be explaining in a minute, most North American speakers should say that). In fact, a sizable number of native English speakers might even consider that all the vowels above (all except brother, that is) have the same sound. And, as we shall see, almost nobody distinguishes ‘ôr’ and ‘ōr’.

Now that we have distinguished seven groups of words, how do people actually pronounce these vowels?

British English Received Pronunciation makes a distinction between ‘ä’, ‘ŏ’ and ‘ô’: the vowel ‘ä’ is pronounced as the long open back unrounded vowel [ɑː], the vowel ‘ŏ’ is short, rounded, and slightly less open, [ɒ], and the vowel ‘ô’ is long, also rounded, and yet less open, [ɔː]. The essential distinction is that of roundness: ‘ä’ is pronounced with unrounded lips whereas ‘ŏ’ and ‘ô’ are rounded. Also, ‘ŏ’ is breve whereas the other two are long. The degree of openness varies (RP ‘ô’ is transcribed [ɔː], but it tends toward [oː]), but this is probably less important. The variants with ‘r’ are pronounced exactly as those without and, since RP is non-rhotic, there is generally no consonant to distinguish. So ‘ä’ and ‘är’ are identical (father and farther are pronounced the same), and ‘ô’ and ‘ôr’ are identical, and so is what we have written ‘ōr’ (caught and court or Shaw and shore are pronounced the same); as for ‘ŏr’, it only occurs with intervocalic ‘r’, so that it is pronounced, but the vowel is otherwise the same as ‘ŏ’. Since I know very little of other British pronunciations, let alone Southern Hemisphere variants of English, I will now concentrate on North America.

North American pronunciations typically merge ‘ŏ’ with ‘ä’ (except in a certain sense before ‘r’, see the end of this paragraph). So American father rhymes with bother, both being pronounced with a long open back unrounded vowel [ɑː] very similar to the ‘ä’ of English RP. The main exception to this is Eastern New England (and most famously, Bawstawn, i.e., Boston) and Pittsburgh: in those areas, ‘ŏ’ merges with ‘ô’ instead, both being rendered as a long open back rounded vowel [ɒː] (furthermore, since Eastern New England speech is partially non-rhotic, con and corn are identical). Elsewhere, the pronunciation of ‘ô’ varies quite a bit, but it is typically more open than in British English: while it is transcribed [ɔː], it could tend to [ɒː] (hence the perception of Bostonian ‘ŏ’ as “aw”). Before ‘r’, it tends to be closer (except where ‘ōr’ has survived, see below), so ‘ô’ and ‘ôr’ may not have identical vowels. Also before (intervocalic) ‘r’, the vowel ‘ŏ’ (hence, ‘ŏr’) has become as in ‘ôr’, except in the North-East where it is unrounded and identical to ‘är’.

In the Western part of the United States and the Northern Midwest (and also Alaska, but excluding the San Francisco Bay area), and pretty much all of Canada, the vowels ‘ô’ and ‘ŏ’ have also merged (this is the caught–cot merger) when not followed by ‘r’: the resulting vowel is transcribed as [ɑː], but it can be slightly rounded; this merger does not take place before ‘r’, so while caught and cot become identical, stark and stork do not (they remain as [ɑːɹ] or even [aːɹ] for ‘är’ versus [ɔːɹ] or even [oːɹ] for ‘ŏr’, ‘ôr’ and ‘ōr’, again with variations).

The distinction between ‘ôr’ and ‘ōr’ is lost in almost all varieties of English. Some isolated areas still have it to some extent (e.g., Louisiana and Mississippi), in which case ‘ōr’ is distinguished by the fact that it is closer and/or partially diphtongized, as is the vowel in toe or goat.

My personal story with regards to all of this is that I learned English in Toronto, Canada, which has the caught–cot merger: so I learned English with ‘ä’=‘ō’=‘ô’ all pronounced as a slightly rounded version of [ɑː], whereas ‘är’≠‘ōr’≅‘ôr’=‘ŏr’ pronounced as [ɑːɹ] and [ɔːɹ]/[oːɹ]. Because of this, I was extremely confused: I could distinguish about three vowels in the whole set, but the distinction I saw did not at all match the one found in dictionaries! I occasionally entertain the idea of revisiting my pronunciation of English and forcing myself to make a maximal distinction in the set (pronounce ‘ä’, ‘ō’ and ‘ô’ all differently, though it is difficult to do so in a way that is compatible with a generally North American accent; and also pronounce ‘är’, ‘ōr’, ‘ôr’ and ‘ŏr’ differently). It is quite possible to change one's pronunciation and to learn to make distinctions: I've done something of the sort in French, and I now distinguish the ‘in’ and ‘un’ nasals ([ɛ̃] and [œ̃]) while initially I did not. It's a good ear training exercise.

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(lundi)

Ciprofloxacine

Pour soigner mon infection persistante, mon médecin m'a prescrit de la ciprofloxacine. La liste des contre-indications est assez terrifiante. Certes, c'est le cas pour à peu près n'importe quel médicament qui n'est pas un pur placébo, mais là c'est vraiment le niveau au-dessus : Dans de rares cas, des réactions et des chocs d'origine allergique pouvant mettre en jeu la vie sont observés, et cela dès la première prise ; le traitement par ciprofloxacine doit alors être arrêté immédiatement et un traitement adapté doit être mis en route ; Manifestations cutanées : […] exceptionnellement : nodules rouges et douloureux situés sous la peau, éruption de papules rouges (lésions de la peau en relief, de taille variable), qui peuvent s'étendre et confluer, lésions sévères de la peau à l'aspect de cloques et de bulles sur le corps (syndrome de Lyell et de Stevens Johnson) ; Modifications du bilan sanguin : […] exceptionnellement : diminution de tous les éléments du sang (globules rouges, globules blancs, plaquettes), appauvrissement de la moelle osseuse en cellules sanguines pouvant menacer la vie ; Manifestations hépatiques : […] exceptionnellement : hépatite et destruction du foie pouvant mettre la vie en jeu. Eh bien ! L'essentiel des avertissements, cependant, concerne le tendon d'Achille. Pour ne pas paniquer les hypocondriaques comme moi, ce serait quand même bien d'avoir une idée de la fréquence de ces différents effets indésirables exceptionnels.

Heureusement, j'ai déjà pris de la ciprofloxacine par le passé, dans une aventure un peu étrange (où j'étais censé avoir une septicémie causée par une klebsielle alors que, dans les faits, je me sentais tout à fait guéri), et je n'ai pas eu d'effet secondaire indésirable.

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(dimanche)

La complainte du Ruxor malade

Vous en avez marre de m'entendre tout le temps parler de mon rhume infini qui dure depuis six semaines maintenant ? Moi aussi, j'en ai marre. Rassurez-vous, quand il sera fini, j'arrêterai d'en parler. En attendant, il faut bien que je me défoule quelque part, et ce blog sert aussi à ça.

(Résumé des épisodes précédents : j'ai eu un énorme rhume fin novembre, avec une toux bien grasse et bien verte et une sinusite terrible. Mon généraliste m'a donné de la clarithromycine (je suis éventuellement allergique à la pénicilline) et un traitement symptomatique, les choses se sont nettement améliorées, mais j'ai passé tout le mois de décembre à être crevé et à toussoter. La semaine dernière, rechute ou nouvelle infection, je ne sais pas, mais j'étais encore plus crevé et fébrile. Je suis retourné voir mon médecin, qui a estimé que cette fois c'était viral, et ne m'a donc donné que des placébos. Puis j'ai eu un petit passage angineux. Dernière évolution : les symptômes ont de nouveau changé, et je suis revenu exactement au point de départ, c'est-à-dire le rhume énorme avec une toux bien grasse et bien verte et une sinusite terrible. J'essaierai demain de voir mon médecin ou un autre, peut-être me donnera-t-il de nouveau des antibiotiques : je ne suis pas trop fan de leur abus, mais enfin, au bout de six semaines d'infection il faut peut-être faire quelque chose.)

Le jour ça va à peu près, surtout le soir où je finis par me sentir presque bien. Mais dès que je suis couché, c'est la catastrophe, et je n'arrive guère à dormir que quatre heures d'affilée avant que mes sinus (et/ou ma gorge déséchée) me hurlent que je dois me réveiller. À ce moment-là, je dois accomplir le Rituel, qui consiste à :

  • (commencer par boire plusieurs verres d'eau, parce que je suis complètement déshydraté, puis)
  • me moucher copieusement, en faisant très attention à ne pas me faire saigner (succès pas du tout garanti),
  • prendre 500mg de paracétamol, histoire de calmer un peu la douleur,
  • croquer un peu de vitamine C, mon placébo préféré,
  • prendre un sachet d'acétylcystéine pour aider à fluidifier mes sécrétions nasales et bronchiques,
  • parfois, me laver les sinus avec du sérum physiologique (l'ennui, c'est que j'ai l'impression que ça fait du bien à moyen terme mais qu'à court terme ça empire plutôt les choses),
  • une ou deux fois par jour (et si j'ai réussi à ne pas me faire saigner en me mouchant), faire une pulvérisation de corticoïde pour soulager l'inflammation, et
  • finir par une inhalation de Balsolène, pour calmer mes sinus dans l'immédiat.

Je ne suis pas vraiment convaincu que quoi que ce soit ait le moindre effet, en fait, mais à force d'être debout pour pratiquer ce Rituel, mes sinus se sont un peu dégagés et je peux soit me recoucher pour quelques heures soit vaquer à mes activités pour la journée, qui consistent à poster sur mon blog des conneries comme celle-ci parce que je n'ai pas la force de sortir et de faire autre chose.

En fait, ce dont je me plains, ce n'est pas tellement d'être enrhumé en soi (même dans ma vie bien douillette, j'ai connu pire condition), c'est que je ne peux absolument rien faire, je n'ai absolument pas la force de sortir pour faire plus que quelques courses, et le reste du temps je glandouille devant mon ordinateur et j'écris des longues entrées sans intérêt ici. Comme je ne peux pas dormir correctement, j'ai des horaires complètement bizarres, je n'arrive pas à manger correctement, et ça fait bien une semaine que je n'ai pas vu le soleil : ça ne doit pas trop aider à guérir, ça, et ça fait un joli cercle vicieux. Mais surtout, je suis complètement écœuré parce que j'avais prévu de faire des choses pendant ces vacances, et elles ont complètement passé sans que j'aie eu une seule journée utilisable.

Quelle façon de commencer la nouvelle année…

Mise à jour : on m'a prescrit de la ciprofloxacine, cf. l'entrée suivante.

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(samedi)

Les homos, ça n'existe surtout pas

Dans un moment d'intense désœuvrement de Ruxor enrhumé au cerveau en compote, je zappais il y a quelques jours devant la télé quand je suis tombé (sur une de ces nombreuses chaînes aussi insipides qu'interchangeables qu'offre la TNT) sur un documentaire, le genre qu'on rediffuse trente fois pour bien le rentabiliser, qui devait s'appeler quelque chose comme Pensionnat: le retour des méthodes strictes. Un petit tableau de la vie générale et de la discipline dans trois lycées privés (de confession catholique) où les élèves sont internes. Le genre de documentaire parfaitement adapté quand on est fatigué et enrhumé et qu'on a le cerveau en compote.

C'est difficile d'expliquer ce qui m'a fait tiquer, parce que c'est subtil. Imaginez un monde parallèle où non seulement l'homosexualité n'existerait pas mais personne n'aurait eu l'idée de l'inventer : on ne s'attend pas à ce que les documentaires sur un sujet complètement sans rapport soient spécialement différents entre ce monde-là et le nôtre, pas plus que les émissions de cuisine ou la page météo (peut-être juste un peu moins d'arcs-en-ciel, mais on ne les prévoit pas). Et pourtant, là, j'avais cette impression. C'est peut-être à force qu'ils répètent des explications du style : pendant les projections de cinéma, les garçons et les filles sont strictement séparés, parce que quand on ne faisait pas ça certains avaient profité de l'obscurité pour se rapprocher un peu trop : maintenant, plus aucun risque. Plus aucun risque, vraiment ? Au bout d'un assez grand nombre de perches comme ça (le genre de perche qui va passer complètement inaperçues auprès de, euh, 95% des téléspectateurs), je commençais à me demander si le documentaire ne le faisait pas exprès, même.

C'est possible, en fait. J'imagine que les parents qui envoient leurs enfants dans ce genre d'établissement veulent entendre qu'on prend les précautions nécessaires pour que garçons et filles ne fassent pas des cochoncetés ensemble. Ils ne veulent surtout pas entendre qu'on prend des précautions nécessaires pour que garçons et garçons, ou filles et filles, ne fassent pas pareil : ils ne veulent même pas en entendre parler, parce que s'ils commencent à penser au sujet ça va les inquiéter, et de toute façon leur rejeton n'est pas du tout concerné. D'ailleurs, le documentaire de nous montrer plusieurs rassurantes étreintes viriles et accolades de fraternité entre garçons qui se félicitaient mutuellement d'un bon résultat sportif ou s'amusaient entre potes d'internat. Que pourrait-il bien se passer à mettre ensemble toutes les nuits un groupe de lycéens du même sexe à l'âge où les hormones s'activent et en les contraignant à une discipline stricte ? What could possibly go wrong?

Ceci étant, je n'ai pas trop l'habitude de me plaindre sur le thème que les gens oublient toujours qu'il y a des homos dans le monde, parce qu'on me répond (et on a raison de me répondre) que 95% des gens n'en ont rien à foutre. N'empêche que sur tout le tas de lycéens et lycéennes qui ont été filmés dans le cours de cette émission (et qui l'ont, très probablement, regardée), il y en a forcément au moins un(e) ou deux qui, devant l'accumulation forcée de phrases bateau du style c'est un des secrets de <prénom masculin> pour plaire aux filles, ou bien dans la chambre des filles, les conversations vont bien train ; leur sujet préféré ? les garçons bien sûr, a dû ressentir un grand moment de solitude…

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(samedi)

Cousins, cousines

[Photo des moi et mes cousins en 1976]

Légende : Moi dans les bras de mon cousin aîné ; à gauche, notre grand-mère (maintenant décédée) ; à droite, ma mère (en rouge) et une de mes tantes. Devant, mes trois cousines, une amie, et mon autre cousin.

Ce Noël, mon poussinet a pu faire connaissance de ma famille plus éloignée que mes parents, c'est-à-dire, de mes tantes et de quelques uns de mes cousins et petit-cousins.

Comme j'ai grandi sans frère ou sœur, mes cousins germains sont ceux que j'ai de plus proches dans ma génération. Du côté de mon père, qui a une sœur et un frère, j'ai un cousin (le fils de ma tante) et une cousine (la fille de mon oncle), qui habitent au Canada (et, s'agissant de ma cousine, pas à l'endroit le plus accessible, à 7835km de chez moi), tous deux plus âgés que moi, et que je n'ai pas vus depuis respectivement quinze et vingt-cinq ans environ. Du côté de ma mère, qui a un frère (décédé avant ma naissance) et deux sœurs, qui ont eu respectivement un fils, deux filles, et une fille et un fils, si bien que j'ai deux cousins et trois cousines, là aussi tous plus âgés que moi (mon cousin aîné a dix-huit ans de plus que moi). Ceci sans compter trois cousines par alliance (c'est-à-dire des demi-sœurs de mes cousins ou cousines). Nous, c'est-à-dire cinq des six petits-enfants de ma grand-mère (et de mon grand-père, mais celui-ci est mort avant la naissance d'aucun de nous) nous retrouvions à Noël et en d'autres occasions, et comme j'étais le plus jeune j'étais aussi le plus gâté. Maintenant, comme les gens suivent généralement la politique de passer un Noël sur deux dans leur famille et un Noël sur deux dans celle de leur conjoint, je vois certains de mes cousins plutôt un an sur deux (et d'autres carrément moins souvent).

Ensuite, mes cousins ont commencé à avoir des enfants, et là l'arbre généalogique (ou plutôt, la liste des prénoms) est devenu trop compliqué pour ma petite mémoire. Si je ne me trompe pas, j'ai deux petits-cousins du côté de mon père, qui ont sept et treize ans, et onze ou douze petits-cousins ou petites-cousines du côté de ma mère, qui ont entre cinq et vingt ans. J'écris petit-cousin pour le lien familial entre un individu et l'enfant de son cousin germain, mais je crois que le français n'est pas très systématique là-dessus : certains parlent de neveu à la mode de Bretagne, et d'autres de cousin issu de germain (i.e., fils ou fille du cousin germain), mais ce terme est parfois utilisé pour désigner des cousins ayant des arrière-grands-parents communs, donc c'est ambigu ; par ailleurs, je ne sais pas comment on devrait désigner les petits-enfants d'un cousin germain (la logique voudrait dire les arrière-petits-cousins, mais ça sonne bizarrement parce que ça laisse penser qu'il y aurait trois générations d'écart). L'anglais est beaucoup plus logique : deux cousins sont désignés comme first cousin, second cousin, third cousin, etc., selon le nombre de générations qu'il faut remonter (pour le plus proche des deux cousins) pour retrouver un ancêtre commun : s'il s'agit d'un ou d'un couple de grands-parents on parle de first cousins (des cousins germains, donc), pour des arrière-grands-parents de second cousin, etc. (et bien sûr, s'il s'agit d'un ou d'un couple de parents on parle de siblings) ; quant au nombre de générations d'écart, il est indiqué par once removed, twice removed, etc. Mes petits-cousins sont donc mes first cousins once removed, et le terme est symétrique en anglais, donc je suis aussi leur first cousins once removed (grand-cousin) ; des enfants qu'ils auraient seraient mes first cousins twice removed ; quant à mes différents petits-cousins, quand ils ne sont pas plus près, ils sont second cousins les uns par rapport aux autres (en français, des cousins issus de germains, ou issus de deux germains, le terme n'est pas clair), et moi-même je crois que j'ai, au Canada, un nombre assez important de second cousins dont j'ignore absolument tout.

L'arbre généalogique fournit une structure combinatoire sur laquelle beaucoup de lexicologie ou de protomathématiques ont pu être faites ; à commencer par définir des termes pour toutes sortes de liens familiaux. Deux individus partageant un seul parent s'appellent demi-frères ou demi-sœurs : lorsque le parent partagé est le père, on parle de demi-frères ou demi-sœurs consanguins (de l'idée traditionnellement sexiste que le sang vient du père), lorsque c'est la mère, utérins ; je ne sais pas si on doit parler de demi-cousins pour les enfants de demi-frères et demi-sœurs. S'agissant de cousins germains, on peut distinguer ceux qui sont croisés (enfants d'un frère et d'une sœur) et ceux qui sont parallèles (enfants de deux frères, auquel cas on peut les qualifier [parallèles] consanguins/patrilinéaires, ou de deux sœurs, auquel cas on peut les dire [parallèles] utérins/matrilinéaires). Pour ma part, parmi mes sept cousin(e)s germains, j'ai deux cousins croisés, un cousin parallèle (matrilinéaire) et quatre cousines parallèles (trois matrilinéaires et une patrilinéaire). Certains liens familiaux n'existent que de façon rare : par exemple, des cousins doubles, c'est-à-dire doublement parallèles (lorsque les deux pères sont frères et les deux mères sont sœurs), ou doublement croisés (lorsque le père de chacun est frère de la mère de l'autre). Plus tordu : si le père de X est aussi le grand-père paternel de Y et que la mère de Y est aussi la grand-mère maternelle de X (notez qu'il n'y a aucun inceste dans l'histoire, au sens où personne n'a eu d'enfant avec quelqu'un de visiblement apparenté, même s'il y a un très bizarre recouvrement entre générations), cela fait que X et Y peuvent être chacun le demi-oncle (ou la demi-tante) de l'autre : j'imagine que ce cas de figure a bien dû se produire au moins une fois dans l'histoire de l'humanité.

Cela ressemble à un petit jeu amusant, mais les anthropologues nous apprennent il y a des cultures qui prennent cela très au sérieux, pour ce qui est de définir les tabous sur l'inceste et autres règles sur le mariage : voyez ce site-ci, par exemple (que j'avais déjà signalé en parlant de sujets vaguement semblables). Un règle qui revient assez souvent, cependant, est que le mariage entre cousin et cousine est tabou s'il s'agit de cousins parallèles et encouragé s'il s'agit de cousins croisés (mais bon, il y aussi d'autres cultures où le mariage entre cousins parallèles est, au contraire, encouragé). C'est assez surprenant pour nous qui n'avons pas l'habitude de faire la différence ; mais même en latin, une langue pas trop éloignée de nous, on distingue l'oncle paternel (patruus) de l'oncle maternel (avunculus), la tante paternelle (amita) de la tante maternelle (matertera), et les différents sortes de cousins (les enfants du patruus, donc les cousins parallèles patrilinéaires, sont les patrueles ; les enfants de l'avunculus, donc les cousins croisés du côté de la mère, sont les consobrini ; les enfants de l'amita, donc les cousins croisés du côté de la mère, sont les amitini ; et les enfants de la matertera, donc les cousins parallèles matrilinéaires, sont les matrueles).

Puis-je définir mathématiquement une notion de degré de consanguinité ? Ce n'est pas évident si on veut que ça marche même si l'arbre généalogique contient des choses vraiment bizarres comme de l'inceste ou des chevauchements de générations (cf. mon exemple antérieur). Voici une tentative pour formaliser quelque chose qui marche absolument dans tous les cas :

On suppose que X et Y sont deux individus à comparer. Chacun est à l'origine d'un arbre binaire (de ses ancêtres) dont les arêtes sont étiquetées par ♂ (père) et ♀ (mère) : si s est une chaîne formée de ces deux symboles, et Z un individu, je note s(Z) l'ancêtre correspondant de Z, défini par le fait que ♂(Z) est le père de Z, ♀(Z) est sa mère, et pour l'ordre de lecture s1(s2(Z)) = s1s2(Z) (par exemple, ♂♀♀(Z) désigne l'arrière-grand-père qui est le père de la grand-mère maternelle). Je désignerai aussi par ℓ(s) la longueur de s, c'est-à-dire le nombre de générations désignées. La chaîne de longueur vide existe (et renvoie à l'individu lui-même).

Je définis alors la consanguinité absolue entre X et Y comme la moitié de la somme sur tous les couples de chaînes binaires (s,s′) telles que s(X)=s′(Y) de la quantité 2−(ℓ(s)+ℓ(s′)). Remarquer que cette quantité peut très bien être supérieure à 1. Je définis l'autoconsanguinité de Z comme étant la consanguinité absolue entre Z et lui-même : comme la somme ci-dessus comporte au moins les couples (s,s′) avec s=s′, elle vaut au moins 1 ; et si l'arbre généalogique de Z ne comporte pas de surprise (ce qui est forcément faux si on va assez loin, mais on aura souvent envie de faire semblant), alors l'autoconsanguinité vaut 1. Enfin, la consanguinité (normalisée) de X et Y sera le rapport de leur consanguinité absolue sur la moyenne géométrique de leurs deux autoconsanguinités ; et le degré de séparation consanguine entre X et Y sera l'opposé du log base 2 de cette consanguinité normalisée.

Lorsque des informations manquent sur l'arbre généalogique, on fera l'hypothèse qu'il est sans surprise (c'est-à-dire, libre : les seules relations entre les s(Z) sont celles qui sont connues). On pourra vérifier, pour aider à simplifier les calculs, que dès lors qu'on a trouvé un (s,s′) tel que s(X)=s′(Y), alors ½ fois la somme des 2−(ℓ(ts)+ℓ(ts′))=2−(ℓ(s)+ℓ(s′)+2ℓ(t)) pour tous les t (de longueur ≥0) possibles vaut justement 2−(ℓ(s)+ℓ(s′)) (i.e., le facteur ½ a disparu). Donc, dans les cas simples, pour calculer la consanguinité on peut se contenter de sommer les 2−(ℓ(s)+ℓ(s′)) sur les couples (s,s′) « minimaux » tels que s(X)=s′(Y).

Exemples :

  • Si X et Y sont frères/sœurs (germains, quoi) et qu'il n'y a pas d'autoconsanguinité, la consanguinité entre eux vaut ½ fois la somme des 4−ℓ(s) sur tous les s tels que ℓ(s)>0, car seuls existent les termes où s=s′ (c'est l'hypothèse d'absence d'autoconsanguinité) ; comme le nombre de s à valeur de ℓ(s) donnée est 2, on trouve ½ fois la somme des 2−ℓ pour tous les ℓ>0, autrement dit la consanguinité vaut ½, donc le degré de séparation est 1.
  • De même : entre un parent et son enfant, la consanguinité vaut ½ (le degré de séparation est 1). Entre un grand-parent et son petit-enfant, la consanguinité vaut ¼ (le degré de séparation vaut 2). Entre oncle et neveu, on a également ¼ donc un degré 2. Entre demi-frères, la consanguinité vaut toujours ¼ (dans la formule de calcul simplifié, on a un unique couple (s,s′) « minimal » tel que s(X)=s′(Y), avec 2−(ℓ(s)+ℓ(s′))=¼). Entre cousins germains, le degré est 3 : ce serait 4 pour des demi-cousins germains, 2 pour des doubles cousins germains, et 4−log2(3)≅2.42 pour des cousins germains-et-demi. Le grand-cousin et le petit-cousin (first cousins once removed) sont à un degré 4 l'un de l'autre. Des cousins issus de [deux] germains (second cousins) sont à un degré 5. ((Notons que la terminologie française est généralement de les dire aux sixième degré, la différence provient du fait que la terminologie française ignore le fait qu'ils ont deux arrière-grands-parents en commun, alors que mon calcul tient compte de ce fait : des demi-cousins issus de germains sont au degré 6 avec ma définition.))
  • Avec un peu d'inceste, les calculs se compliquent. L'enfant d'un frère et d'une sœur a une autoconsanguinité de 5/4 ; deux enfants différents de cette même union incestueuse ont une consanguinité absolue de 3/4, donc normalisée de 3/5, ce qui diminue leur degré de séparation à ∼0.74 ; si ces deux enfants ont eux-mêmes des enfants (avec des individus sans autre parenté), chacun d'entre eux aura une autoconsanguinité de 17/16, et deux tels cousins l'un par rapport à l'autre une consanguinité absolue de 5/32, donc normalisée de 5/34, et leur degré de séparation est donc de ∼2.77. L'enfant de deux cousins germains a une autoconsanguinité de 9/8, deux tels enfants ont l'un par rapport à l'autre une consanguinité de 5/8, donc normalisée de 5/9, ce qui crée entre eux un degré de séparation de ∼0.85.
  • Dans l'exemple que j'ai donné plus haut de deux personnes X et Y qui seraient chacun l'oncle de l'autre (mais sans inceste), la consanguinité entre eux vaut ½, c'est-à-dire qu'ils sont à degré 1 (comme le sont deux germains, ou un parent de son enfant, alors qu'ils ne sont rien de tout ça).
  • Ajouté () : Un voyageur dans le temps qui arrive à être son propre père a une autoconsanguinité de 3. S'il est seulement son propre grand-père, il a une autoconsanguinité de 5/3.

Je devrais étudier d'un peu plus près les propriétés mathématiques de ce bazar, mais je clos ma digression.

La photo ci-dessus a été prise il y a trente-quatre ans. C'est apparemment la durée d'une génération dans ma famille, puisque ma mère n'est pas loin d'avoir l'âge de ma grand-mère sur cette photo (et ma tante a un peu plus), et plusieurs de mes cousin(e)s ont des enfants qui ont à peu près le même âge qu'ils/elles avaient en 1976. Ce qui est étonnant, aussi, c'est de voir à quel point certaines personnes changent et d'autres non. On a retrouvé une vidéo prise du Noël 1983 dans ma famille (les couleurs sont épouvantables mais le son est assez bon) : j'ai été frappé de constater que vingt-sept ans plus tard, une de mes tantes (celle qui n'est pas sur la photo ci-dessus) et deux de mes cousines n'avaient quasiment pas changé (même si, certes, on voit que ces dernières n'ont plus quinze ans).

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