J'ai une sainte horreur des mesures pipo qui, censées s'occuper
d'un certain problème, n'ont en fait comme seul but que de laisser
croire aux citoyens ignorants qu'on s'occupe du problème en
question. La sécurité (pensez guerre contre le terrorisme
, ha,
ha, ha) en est un nid : outre
les délires
de la TSA aux États-Unis j'aime beaucoup notre
national plan Vigipirate, qui cherche désespérément des
couleurs plus anxiogènes que le rouge (apparemment
c'est écarlate
; je suppose qu'ensuite on
aura fuchsia
, amarante
, zinzolin
et des choses de
ce genre) vu qu'on ne peut politiquement que le renforcer pour donner
plus d'illusion de sécurité.
Mais le plus insupportable, c'est l'environnement. Il est
maintenant admis par tout le monde — enfin, sauf par l'actuel
président des États-Unis, mais il vient sans doute d'un monde
parallèle — bref, il est maintenant admis que nous autres
humains sommes en train de nous tirer une balle dans le pied, ou dans
les pieds de nos successeurs, par notre façon de vivre. On dit
pudiquement que c'est la planète qui est en danger, mais la planète va
très bien, merci, on aurait
beaucoup de mal à lui faire quoi que ce
soit[#] ; ce n'est même pas la vie
sur Terre qui est en danger[#2] ;
l'espèce humaine est peut-être en danger, mais ce qui l'est
certainement c'est notre confortable civilisation (enfin, pour ceux
d'entre nous qui avons les chances de profiter de ses conforts). La
question est plutôt de savoir si ce sera trop tard dans dix ans pour
éviter une catastrophe, trop tard dans cinq ans, trop
tard maintenant, trop tard il y a dix ans ou trop tard il y a
vingt ans. Mais je digresse.
Bref, depuis qu'on a admis que l'environnement était une priorité,
disons, importante, c'est un florilège de mesures ou d'idées dans
lesquelles on mélange allègrement les choses vraiment importantes, les
choses anecdotiques, les choses qui n'ont rien à voir avec le
schmilblick, et beaucoup, mais alors beaucoup, de mesurettes
qui sont simplement destinées à donner au citoyen (profitant du
confort précédemment mentionné) l'impression qu'il fait un geste pour
l'environnement (ou mieux, qu'on fait un geste pour lui). Bref, on ne
protège pas l'environnement, on cultive le warm fuzzy
feeling qu'on le fait. L'ennui c'est que même pour quelqu'un qui
a une culture scientifique
décente[#3], réussir à savoir ce
qui est vrai ou faux est extrêmement dur tant on est bombardé de ces
affirmations trompeuses ou mensongères, sans jamais le moindre chiffre
sur le nombre de joules économisés par telle mesure, l'impact
écologique exact d'un produit de bout en
bout[#4].
Mon supermarché local a cessé de distribuer gratuitement les sacs
plastique : ils sont maintenant vendus 0.03€ l'unité et portent
l'indication sac réalisé à base de plastique recyclé 100%
recyclable
; je soupçonne que c'est du polyéthylène exactement
comme avant et que la nouvelle inscription est juste là pour faire
passer la pilule, en tout cas je constate que ce plastique
prétendument 100% recyclable
, aucune possibilité ne m'est
offerte pour le recycler — c'est comme pour les produits
électroniques sur lesquels on a mis une écotaxe mais j'attends
toujours qu'on me dise ce que je dois faire de mes vieux disques durs
pour m'en débarrasser de la façon la moins polluante possible. Donc
je vais continuer à utiliser autant de sacs (je passe à la caisse,
j'en achète 10 pour 0.30€ parce que je ne sais pas à l'avance
combien il m'en faut, et je laisse le reste au client suivant, mais à
mon avis ça va empirer le gâchis plutôt que l'éviter), je vais payer
un chouïa plus au supermarché qui ne va pas pour autant mettre en
place un recyclage, et je vais continuer à me servir de ces sacs comme
sacs poubelle pour qu'au moins ils soient incinérés, ce qui récupérera
au moins une partie de
l'énergie[#5] utilisée pour le
produire mais dégagera sans
doute[#6] plus de CO2
que si le recyclage avait été mis en place. Je crois que le but de la
mesure est juste de donner aux gens l'impression qu'ils paient pour
l'environnement, tout en ne leur prenant qu'une somme d'argent
ridiculement faible et en ne contribuant pas d'un atome au problème.
Bof.
Ceci étant, j'aimerais bien savoir quelles sont les mesures qui
ont, ou pourraient avoir, un vrai impact bénéfique sur l'environnement
(l'énergie nucléaire ? les véhicules hybrides ? les voitures à air
comprimé ?). Mais quelque chose me dit que ce n'est pas du côté
du Grenelle
de l'Environnement que je vais les trouver.
[#] Si vous craignez
pour la destruction de la Terre, vous pouvez consulter la page de
l'International
Earth-Destruction Advisory Board, régulièrement mise à jour
pour vous indiquer le nombre de fois que la Terre a été détruite et le
niveau d'alerte associé. Je suis certain que beaucoup d'assureurs
seront prêts à vous vendre d'excellentes assurances contre cette
éventualité (ou bien contre le big crunch,
la contradiction des mathématiques,
etc.).
[#2] La vie sur Terre,
elle a réussi à survivre au passage d'une atmosphère légèrement
réductrice à une atmosphère constituée de 20% d'oxygène (et l'oxygène,
comme gaz corrosif et toxique, on peut difficilement faire pire à part
le chlore ou le fluor), alors, je ne m'inquiète pas, elle nous
survivra même si on détruit 99.999% des espèces avec nous.
[#3] Pour commencer,
quelqu'un qui est conscient que, tant qu'on a un chauffage électrique
radiatif thermostaté, en hiver, ça ne sert à rien de chercher à
limiter l'usage des appareils électriques pour limiter la consommation
d'énergie ! Apparemment ce genre de raisonnement est déjà hors de la
portée de beaucoup de gens.
[#4] Quand on affirme
qu'un produit (sacs en papier ?) est biodégradable mais qu'on ne nous
dit pas quelle quantité d'énergie est nécessaire à le fabriquer, je
trouve qu'il y a arnaque. De même si une source d'énergie (l'énergie
solaire, peut-être ?) pollue moins au rendement mais plus à la mise en
place des équipements…
[#5] Enfin, enthalpie libre
plutôt
qu'énergie
, probablement.
[#6] J'écris sans doute
parce que le bilan
précis est difficile à faire : le sac est fait à partir de pétrole et
brûlé pour donner du CO2 et de l'énergie qui doit être au
moins en partie récupérée. Mais si le sac n'avait pas été produit,
cette même énergie, pour être utilisée, aurait dû être produite
autrement, et si elle est également produite en brûlant des matières
fossiles, il faut comparer le rendement dans les deux cas ; si en plus
on compare à une situation où le sac est recyclé, il faut aussi
examiner le coût énergétique de ce recyclage par rapport à celui de la
fabrication à neuf d'un sac. Je souligne simplement que faire le
bilan complet est un peu subtil, et je ne suis pas scientifiquement
qualifié pour le calculer.