David Madore's WebLog: 2021-02

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en février 2021 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in February 2021: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in February 2021 / Entrées publiées en février 2021:

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(samedi)

Je fais une (petite) chute à moto et j'essaie d'en tirer des leçons

La semaine dernière () j'ai fait une chute à moto — c'est la première fois que j'ai quoi que ce soit qui ressemble à un accident sauf si on compte une ou deux micro-chutes à l'arrêt[#]. Ça n'a pas été grave (je n'ai rien eu du tout et la moto n'a pas eu grand-chose, cf. ci-dessous) mais ça aurait pu l'être. L'occasion de me demander, donc, quelles leçons je peux en tirer.

[#] Par micro-chutes, je veux dire qu'une fois j'avais oublié de mettre la béquille en commençant à descendre, et une autre fois je me suis arrêté dans une rue trop en pente pour qu'elle puisse retenir la moto : dans les deux cas, la moto a commencé à tomber, je l'ai retenue, pas suffisamment pour l'empêcher de toucher le sol, mais suffisamment pour qu'elle le fasse très doucement et sans aucun dommage.

[Une fraction de seconde avant de glisser][Une fraction de seconde après avoir glissé]Ce qui s'est passé est que j'étais sur une rampe d'accès à la N118 à Orsay (d'où je revenais après avoir rempli une formalité administrative), environ ici, la route était mouillée (il avait plu toute la journée — j'avais pris la moto sur la base de prédictions météo fausses qui ne promettaient que quelques gouttes) donc glissante, la rampe a un rayon de courbure assez serré (34m si j'en crois ce que je mesure sur OpenStreetMap), je suis allé trop vite (40km/h si j'en crois la dashcam), la moto a perdu l'adhérence (apparemment par la roue arrière [ou pas ? cf. ci-dessosus] ; la perte d'adhérence a dû se produire entre les deux images ci-contre à droite), elle a glissé en tombant sur le côté droit et moi j'ai glissé derrière elle, jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence (enfin, l'absence de bande d'arrêt d'urgence avant la glissière de sécurité). [J'ai mis la vidéo prise par la dashcam ici sur Twitter.]

Ajout () : J'avais initialement écrit avoir perdu l'adhérence par la roue arrière, parce que c'est l'impression instinctive que j'ai eue (enfin, je n'ai pas eu beaucoup le temps d'analyser, encore moins de réagir : je me suis juste dit merde et j'étais en train de glisser sur le goudron). Mais plusieurs m'ont fait remarquer indépendamment que ça ressemble plus à une perte d'adhérence de la roue avant, beaucoup plus difficilement rattrapable ; et c'est vrai que, sur la vidéo, la moto pivote plutôt vers la gauche après avoir chu vers la droite, ce qui suggère vaguement un mouvement qui aurait été entamé par le fait que la roue avant allait tout droit alors que la roue arrière continuait (au moins brièvement) une trajectoire circulaire. Donc finalement je n'en sais rien !

Heureusement il n'y avait personne derrière moi. D'ailleurs j'ai eu le temps de relever la moto et de me demander quoi faire maintenant, avant que qui que ce soit n'arrive sur la rampe en question (une camionnette, dont le conducteur m'a demandé si j'allais bien). Heureusement aussi que j'avais un pantalon de moto en cuir bien épais, du coup je n'ai pas eu de blessure suite à la glissage sur le goudron (bon, le pantalon n'a lui-même été qu'un peu éraflé, donc je suppose que 40km/h ce n'est pas énorme, mais il est clair que si j'avais été en short j'aurais eu au moins une belle brûlure).

J'ai relevé la moto, donc (heureusement elle n'est pas bien lourde), vérifié qu'elle démarrait et qu'aucun voyant rouge ne s'allumait, je l'ai prise à contresens sur quelques mètres, warnings allumés, pour revenir à Orsay, je me suis arrêté à la première place de parking, j'ai prévenu mon poussinet et ma mère que j'avais fait une chute mais que j'allais bien, puis j'ai inspecté les dégâts : levier de frein avant plié, pédale de frein arrière pareil, rétroviseur droit branlant. Comme je ne voulais pas prendre le risque de rouler dans ces conditions, surtout que j'avais vu de la fumée et que je ne savais pas si le moteur n'avait pas un dommage que je n'identifierais pas, j'ai appelé mon assureur (la MAIF) pour demander un dépannage.

Ça a été plutôt efficace : j'ai appelé l'assureur à 14h50, j'ai été mis en attente plusieurs fois et j'ai eu du mal à déterminer mon adresse parce qu'il n'y avait pas une plaque de rue ni un numéro en vue (et en plus, je m'étais abrité de la pluie à quelques dizaines de mètres de la moto, et j'ai dû faire plusieurs allers-retours pour répondre à des questions), mais finalement, à 15h30, le remorqueur était là. Il a fixé la moto (béquillée) sur son plateau à l'aide de sangles et, après m'avoir fait signer quelques papiers, nous a emmenés à Paris[#2][#2b] à la concession Honda (Alésia Motos, boulevard Brune) où je fais entretenir la bécane.

[#2] J'étais peut-être au-delà de la limite de distance, mais la MAIF a bien voulu me faire le remorquage jusqu'à Paris. Je n'ai pas bien compris si c'était une faveur ou juste parce que c'est là que j'habite.

[#2b] Ajout () : De ce que j'ai compris (de ce que m'a dit mon poussinet), le remorquage ne me sera pas facturé par l'assurance sous forme de malus ou autrement, ça fait partie du contrat d'assistance (que je n'ai, évidemment, pas lu…). Je pensais aussi que le fait de faire appel à elle pour l'assistance m'obligeait à déclarer la chute comme un sinistre sans tiers impliqué (donc compté comme ma responsabilité), donc à leur faire payer les réparations, qui m'auraient alors coûté beaucoup plus cher en malus que ce que j'ai effectivement payé, mais apparemment ce n'est pas le cas.

Le garagiste à qui j'ai confié la moto (à 16h15) n'avait pas l'air bien impressionné, il a l'inspectée rapidement, il m'a dit que la fumée ne voulait certainement rien dire vu le temps, il a tout de suite vu que la fixation du rétroviseur n'était pas cassée mais juste desserrée, et par contre, qu'il faudrait changer le guidon (en plus du levier de frein avant et de la pédale de frein arrière, donc). Je n'ai pas bien compris cette histoire de guidon — il m'a semblé qu'il était juste un peu déplacé et pas abîmé — mais bon, apparemment ça ne coûte pas tant que ça, un guidon de CB-500F. Côté esthétique, j'ai aussi eu des éraflures sur le cache en bout droit du guidon (qui se change de toute façon avec le guidon), le rétroviseur droit, le clignotant droit, et le pot d'échappement, mais je n'ai pas fait remplacer tout ça. Enfin, il y a une pièce de carénage, un bout de plastique qui ne sert pas à grand-chose sauf à faire joli (le garagiste a appelé ça une écope[#3]), qui a été cassée, et là j'ai demandé à la changer, ce qui est peut-être un peu idiot de ma part parce qu'il s'avère que cette petite pièce à la con représente quasiment la moitié du coût total des réparations (d'ailleurs, elle n'est toujours pas changée, elle est en commande). Au total j'en ai eu pour 711€.

[#3] Tiens, tant que j'y suis à parler du français parlé par les garagistes, j'ai remarqué qu'il disait le CB-500F alors que moi, spontanément, je dis la CB-500F (parce que c'est une moto). Peut-être est-ce parce que dans sa tête c'est un roadster (bon, ça ne fait que repousser le problème : pourquoi dit-on un roadster alors que c'est une moto, mais toujours est-il que ça, j'ai l'impression que c'est assez établi). • Ajout () : ce n'est manifestement pas quelque chose d'universel dans le milieu de la moto, parce que cette vidéo faite par des journalistes moto utilise le féminin dans la vidéo elle-même et dans la description (et dans mon souvenir, mes moniteurs d'auto-école disaient aussi la).

(Stupidement, je n'ai pas suivi mes propres conseils et pas eu le bon réflexe de photographier la moto immédiatement après la chute, en la déposant chez le concessionnaire, et en la reprenant.)

J'avais fait poser sur la moto, juste après l'avoir achetée, des pare-carter (des barres fixées autour des parties basses du moteur pour le protéger en cas de chute) : je suppose qu'elles ont évité que j'aie des dommages plus importants.

Moi-même je n'ai rien eu à part un léger bleu à la face intérieure du mollet droit, peut-être que la moto est tombée dessus, je ne sais pas bien. (J'ai aussi eu une mini-tendinite au pouce gauche, mais je ne sais pas si ça a un rapport ; la veille j'avais fait une balade à vélo et j'étais revenu des douleurs dans les mains, je ne sais pas pourquoi mais c'est peut-être lié.) Quelques petites éraflures sur mon pantalon et mon blouson, mais vraiment pas grand-chose.

Bref, plus de peur que de mal, mais en fait, pas beaucoup de peur non plus sur le moment, j'ai surtout ressenti de l'emmerdement.

J'ai récupéré[#4] la moto une semaine plus tard (, donc). Il reste encore à changer la petite pièce de carénage que j'ai payée (très cher) mais pas reçue.

[#4] Soit dit en passant, je ne sais toujours pas le meilleur moyen d'aller entre chez moi et ce concessionnaire quand je n'ai, justement, pas la moto, mais que j'ai quand même mon équipement. Quand je l'ai déposée après la chute, je suis rentré à pied pour me détendre, ce qui était une idée stupide parce qu'il s'est mis à pleuvoir un vrai déluge et que ça prend quand même une grosse demi-heure. Quand je suis revenu la chercher avant-hier, j'y suis allé à Vélib, ce qui a été le trajet en Vélib le plus bizarre que j'aie jamais fait : j'étais équipé comme pour faire de la moto, donc, alors déjà les gens devaient me regarder un peu bizarrement parce que faire du vélo avec casque, gants et bottes de moto ce n'est pas courant, d'autre part j'avais pris un vélo à assistance électrique (ce que je ne fais normalement jamais) parce que sinon j'allais trop transpirer à monter la rue d'Alésia avec un blouson en cuir assez chaud, mais ce vélo était en piteux état, l'assistance s'est coupée plusieurs fois sans prévenir et par ailleurs la roue arrière devait manquer de rotondité et/ou de suspension parce que ça secouait beaucoup. D'autres fois j'ai pris une voiture de location (Share Now, ex Car2go), mais ce n'est vraiment pas terrible vu que la porte d'Orléans est un embouteillage monstre permanent. Et pour ce qui est des transports en commun, outre que je préfère éviter en période de covid, ce n'est pas franchement commode non plus.

Maintenant, quelles leçons dois-je tirer de tout ça ?

Bon, d'abord, que, même si là je m'en tire sans aucun dommage à part un peu de temps et d'argent perdus, la moto c'est dangereux, mais ça je le savais déjà. Outre l'agacement général que j'ai déjà souligné que le moyen de transport qui me procure un réel plaisir soit le plus dangereux de tous (si on exclut des choses vraiment exotiques comme l'hélicoptère), il y a un aspect plus spécifique ici : je n'avais certainement pas l'intention, en passant le permis moto, de m'en servir autant (la moto devait rester un moyen de secours pour aller au bureau, sachant que je comptais plutôt prendre les transports en commun ; et sinon, pour d'autres types de trajets, je comptais plutôt prendre la voiture) ; mais toutes sortes de choses ont fait que j'ai beaucoup plus circulé à moto que ce que j'avais prévu (j'en suis à 11483km au totaliseur) : le fait que je n'ai pas trop envie de prendre les transports en commun en ce moment, le fait que mon poussinet tient tellement à sa voiture (qu'il avait pourtant achetée pour que j'apprenne à conduire) que j'ose à peine y toucher et certainement pas la sortir et entrer dans le garage, et aussi le fait que rouler à moto est une des choses qui me permette de me détendre et par ailleurs un des seuls loisirs qui n'aient pas été fermés ou interdits entre deux périodes de confinement. Tout ça est une façon très subtile de dire que si je me blesse ou tue à moto d'ici quelques mois, ce sera la faute de la réaction au covid, ha, ha, only serious.

Mais plus spécifiquement ?

Aller moins vite dans les virages sur route mouillée, c'est évident. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le seul facteur. Petit calcul : si je faisais v=40km/h sur une route dont le rayon de courbure était de r=34m, cela représente une accélération centrifuge (enfin, centripète) de v²/r = 3.6m/s², soit 0.37g, donc je devais être incliné de 20° (parce que tan(20°)≈0.37) ; directement sur l'image de la dashcam, je mesure 23°, ça colle à peu près (la différence vient peut-être de ce que je penche plus la moto que le corps, ce qui est une erreur, cf. ci-dessous). Tout de même, il me semble que normalement, avec de bons pneus (et les miens sont censés l'être), on doit pouvoir incliner nettement plus que ça même sur route mouillée (preuve vidéo à l'appui). Il n'y a d'ailleurs aucune indication de vitesse limite sur cette rampe d'accès à la N118 (ni de panneau signalant un virage dangereux — ce n'est pas normal), et aller à 40km/h, fût-ce par temps de pluie ne semble pas une conduite de casse-cou. Peut-être qu'il y avait une petite flaque d'hydrocarbures que je n'aurais pas vue. Une autre possibilité, signalée par mon poussinet, et qui me semble crédible, est que j'ai commencé à accélérer en sortie de virage (notamment parce que la voie d'insertion est courte après la rampe d'accès) et que j'aurais perdu l'adhérence parce que le pneu était sollicité à la fois par l'accélération latérale due au virage et par l'accélération tangentielle due à la prise de vitesse ; néanmoins, mon accélération tangentielle ne pouvait pas être, si j'en crois les mesures faites par le GPS de la dashcam ou une analyse du son du régime moteur, supérieure à 0.7m/s², ce qui ne change quasiment rien à l'accélération totale (la composante centripète de 3.6m/s² reste largement dominante). Bref, je ne sais pas vraiment précisément ce que j'ai commis comme erreur, ce qui est embêtant s'il s'agit d'essayer d'apprendre à ne pas la reproduire.

L'autre chose, c'est que les réactions instinctives ne sont pas forcément les bonnes. Depuis que j'ai récupéré la moto après cette chute, je remarque que je me sens clairement moins à l'aise pour pencher dans les virages, j'ai une réaction instictive de peur de glisser et tomber. Si ça a pour conséquence de me faire aller moins vite et d'être plus prudent, c'est tout bon ; mais ce n'est pas aussi simple, pour deux raisons. (1) Comme il s'agit d'une réaction instictive, elle porte plutôt sur la trajectoire dans le virage que sur la vitesse en entrée de virage ; i.e., j'approche le virage avec une certaine vitesse qui est choisie avant d'éprouver cette réaction instictive et qui est, je crois, raisonnable, mais ensuite je me mets à avoir peur en tournant, et du coup, soit je freine pendant le virage, ce qui n'est pas bon pour le contrôle de la trajectoire, soit je tourne moins, ce qui risque de me faire prendre trop large, par exemple me déporter vers l'extérieur d'un giratoire. Dans les deux cas, ce n'est pas bien ! (2) En plus de ça, comme il s'agit d'une réaction instictive, mon cerveau l'a plus associée à mon inclinaison qu'à celle de la moto. Or ce qui limite la stabilité, c'est plutôt l'inclinaison des roues sur la chaussée (angle de carrossage)[#4b] ; comme l'angle du centre de gravité moto+motard est imposée par le rapport entre l'accélération centripète et la pesanteur (comme dans les calculs ci-dessus), la bonne façon de minimiser l'angle de carrossage en gardant constant l'angle du centre de gravité est pour le motard de se pencher ou déporter vers l'intérieur du virage (plus le motard penche, moins la moto aura besoin de pencher)[#5], mais justement la réaction instinctive produit l'effet exactement contraire (je suis tombé en penchant, donc penchons moins !). Bref, en ces circonstances, la peur est plutôt mauvaise conseillère : il s'agit pour moi d'être plus prudent, mais de façon raisonnée, pas dictée par une peur instinctive.

[#4b] Ajout () : Il est vrai que, comme on me le fait remarquer en commentaire, ce n'est pas si clair que ça, parce que les efforts seront de toute façon les mêmes. Bon, je n'en sais rien !

[#5] J'avais trouvé, et peut-être lié depuis de blog, une vidéo qui expliquait ça assez bien. On pourrait dire que le comportement « de base » dans un virage est neutre, i.e., le motard penche avec la moto et reste dans le même axe qu'elle. Il peut y avoir des raisons de pencher plus ou de pencher moins : pencher plus ou se déporter (pour que la moto penche moins) permet d'avoir une meilleure stabilité, et c'est ce que font ceux qui font de la piste ; mais pencher moins, au risque que la moto penche plus peut aussi avoir son intérêt si l'adhérence n'est pas un problème : ça permet d'avoir les yeux plus à l'extérieur du virage, donc de voir plus loin (si l'intérieur du virage est bloqué par un obstacle).

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(samedi)

« Et si les hôpitaux saturent, tu fais quoi ? »

J'aimerais bien faire de ce billet, que j'écris à reculons parce que ça m'emmerde, un des derniers parlant de confinements, mais je ne sais pas si j'y arriverai. (Peu plausible : je me dis déjà que je dois écrire une réponse à un commentaire sur l'entrée précédente pour parler de l'analyse de mes propres biais sur la question.) En tout cas, je me dis qu'il faut que je fasse une réponse à quelque chose qu'on n'arrête pas de me dire ou de me demander quand je dénonce l'utilisation des confinements dans la lutte contre le covid : ce que j'ai envie d'appeler l'argumentum ad nosocomium, qui prend une forme du genre tu ne veux pas que le pays soit reconfiné, très bien, mais c'est un pari très risqué : et si les hôpitaux saturent, tu fais quoi ? — essayons donc de déconstruire un petit peu cette objection, et les présupposés qu'elle contient et que je n'accepte pas.

Pour commencer, je pense qu'on comprend mieux ce qui ne va pas si on imagine exactement le même argument utilisé par Didier Raoult pour défendre son protocole thérapeutique à base d'hydroxychloroquine (j'aime bien prendre Didier Raoult en exemple parce que j'ai ce terrain en commun avec la plupart des gens dont je combats les idées sur la question des confinements que d'être convaincu que le bilan bénéfice-risque du protocole Raoult est négatif ; mais on peut remplacer par d'autres choses si on ne veut pas faire intervenir ce gars). Imaginons, donc, que Raoult dise qu'on doit traiter les malades avec son protocole : on lui répond que c'est une mauvaise idée parce qu'on n'a pas de preuve que ça marche mais on sait très bien qu'il y a des risques, et là, Raoult dit : mais si les hôpitaux saturent, on fait quoi, alors ? C'est surtout un non sequitur, et la meilleure réponse est peut-être de simplement hausser les épaules.

*

Ce que j'ai expliqué longuement dans l'entrée précédente, c'est que l'efficacité des confinements n'est pas du tout évidente. Même sur le plan purement épidémiologique (c'est-à-dire en ignorant totalement leur coût sociétal), il n'est pas acquis qu'ils soient bénéfiques : ils pourraient être inefficaces, si les reflux épidémiques qui se produisent en même temps qu'eux ne se produisent pas à cause d'eux (par les différents mécanismes que j'ai illustrés dans ce billet) ; ils pourraient même être néfastes à cause d'effets de déplacements. Par exemple, il n'est pas du tout déraisonnable de penser que l'explosion de cas observée à partir de début janvier en (République d')Irlande soit au moins partiellement due au confinement qui a été mis en place plus tôt (du 21 octobre au 1er décembre) pour sauver Noël (on peut penser qu'on fête Noël de façon d'autant plus festive et avec d'autant plus d'amis qu'on a été privé de toute vie sociale et de tous loisirs pendant un mois, surtout si on vous explique que le but de la manœuvre est justement de sauver Noël) ; quelque chose d'analogue pourrait être dit au sujet du Royaume-Uni (les nouveaux variants sont assurément inquiétants, mais ils ne sont certainement pas seuls en cause), et peut-être au Portugal (qui, soit par chance soit par efficacité de ses mesures, a retardé l'épidémie jusqu'au point où elle a explosé d'un coup).

Bref, ne pas confiner est un pari, c'est vrai, mais confiner n'en est pas moins un. On est dans une grande incertitude où aucun plan d'action n'offre de garantie de quoi que ce soit, et il est absurde de prétendre qu'il y a une solution « évidente » ou « sûre ». Or c'est justement l'escroquerie rhétorique contenue dans l'argumentum ad nosocomium que d'essayer de faire avaler comme une évidence que les confinements sont la solution sûre pour protéger les hôpitaux et que toute autre méthode est un grand saut dans l'inconnu alors qu'on pourrait tout aussi légitimement défendre le contraire (ne pas confiner est la méthode éprouvée par le temps de lutte contre les épidémies, confiner est la nouveauté de 2020 sur laquelle on manque, au moins, cruellement de recul, et comme je le disais dans mon billet précédent, les signes que cette méthode fonctionne ne sont pas franchement spectaculaires).

*

Mais cette espèce d'évidence tacite que les confinements fonctionnent n'est que la moitié de l'escroquerie rhétorique. L'autre moitié est la supposition tout aussi implicite qu'on doit absolument tout sacrifier à la préservation des hôpitaux non seulement de la saturation mais même du risque de saturation. C'est de ce postulat, jamais complètement explicité, que la valeur de l'hôpital serait infinie, que découlent ces idées selon lesquelles le reconfinement pourrait devenir inévitable.

Or, même si la valeur dans notre société de l'existence des hôpitaux modernes est assurément très grande, il est ridicule d'agir comme si elle était infinie. En France, on leur a déjà sacrifié : les boîtes de nuit (depuis mars, je crois, en gros — elles n'ont jamais rouvert), les bars (depuis je ne sais plus combien de temps), les salles de sport (entre mars et juin, puis de nouveau depuis septembre), les restaurants (entre mars et juin, puis de nouveau puis octobre), les cinémas (j'ai perdu le fil), les théâtres et toute autre forme de spectacles, toute vie nocturne et maintenant même vespérale, les matchs sportifs et autres grands rassemblements, les événements familiaux en groupe (mariages notamment), les universités (largement), les centres commerciaux (depuis deux semaines), de façon assez générale le droit de sociabiliser, et pendant 101 jours, le simple droit de sortir de chez nous ; et j'ai peur qu'on soit en train de leur sacrifier ce qui nous restait d'état de droit. D'autres pays ont ajouté, ou partiellement substitué, l'enseignement primaire et secondaire à cette liste. A contrario, le débordement des hôpitaux, qu'on ne cesse de nous brandir comme le loup de la parabole du garçon qui a crié au loup (et honnêtement, s'il finit par se produire je pense que ce sera plus la faute des gens qui auront crié au loup), il ne s'est quasi jamais produit, sur Terre, de toute cette pandémie, sauf très brièvement en une poignée d'endroits (qui ont, par ailleurs, particulièrement mal géré les choses), or il me semble qu'on ne prend pas des décisions intelligentes en regardant les pires cas (ou, si on adopte ce principe, il faut au moins aussi considérer les pires conséquences possibles des mesures préconisées).

Est-ce que ces sacrifices sont proportionnés à ces risques ? Peut-être (je ne suis moi-même certainement pas opposé à certaines, et même à la plupart des fermetures que je viens d'énumérer), mais il n'est pas honnête de considérer qu'on peut les accumuler indéfiniment sans jamais se dire stop, ça suffit, là, l'hôpital est précieux mais pas à ce point. (On peut d'ailleurs essayer d'imaginer à quels sacrifices serait prête une population qui, par l'époque où le lieu où elle vit, n'aurait pas accès au service de soins des pays occidentaux contemporains, pour obtenir un tel accès : considère-t-on que leur vie est infiniment malheureuse et qu'ils seraient plus heureux en renonçant à essentiellement tous leurs loisirs et toute forme de sociabilisation pour obtenir, en échange, cet accès infiniment précieux ?)

J'ai pris, ici, l'hôpital comme référence de ce qui justifie tous les sacrifices que nous faisons, parce que c'est ce qu'on m'oppose le plus souvent, cette crainte de la saturation des hôpitaux. Je comprendrais plus qu'on m'opposât le nombre de morts, et j'ai déjà souligné que les buts des confinements n'étaient pas clairs et avaient tendance à changer avec le temps, mais en ce moment c'est plutôt de saturation des hôpitaux qu'on me parle comme épouvantail, donc je fais avec.

Partir du principe (fût-il tacite) que quelque chose aurait une valeur infinie, c'est refuser d'emblée un calcul bénéfice-coût honnête. Par exemple, un calcul honnête doit se rappeler qu'il est certes problématique de ne pas prendre une mesure qu'on aurait dû prendre (parce qu'on en a sous-estimé la nécessité), mais qu'il n'est pas moins problématique de prendre une mesure qu'on n'aurait pas dû prendre (parce qu'on en a sur-estimé cette nécessité). Or les confinementistes considèrent les choses de façon très asymétrique : ils font essentiellement des calculs de pires cas, ou du moins basent leurs préconisation sur les pires cas, et semblent considérer que ne pas confiner alors qu'on aurait dû est une catastrophe mais que confiner alors qu'on n'aurait pas dû est une simple précaution inutile (disons que je doute fortement que les épidémiologistes qui viennent sur les plateaux de télé réclamer un confinement, et qui seront les premiers à monter au créneau en parlant de désastre si ce confinement n'a pas lieu, auront l'honnêteté de dire qu'ils ont failli conduire la France au désastre s'il s'avère qu'on s'en est très bien sortis sans : c'est bien le signe qu'ils voient d'un côté un désastre, sinon infiniment, du moins beaucoup, plus grave que de l'autre).

*

Et le problème à considérer la valeur de l'hôpital comme infinie, ou, ce qui revient au même, à se donner comme but de le protéger quoi qu'il arrive, devient assez prégnant quand on considère le problème des variants plus contagieux du virus.

Beaucoup de ceux qui partagent mon scepticisme et/ou mon aversion aux confinements se positionnent sur la question des variants en disant quelque chose comme il n'est pas du tout prouvé qu'ils soient aussi contagieux qu'on le dit (et c'est vrai qu'on a des données assez paradoxales, pour ne pas dire franchement contradictoires, que je ne prétends toujours pas comprendre : cela pourrait être le signe que les variants ne sont pas aussi contagieux qu'on l'a craint, ou, plus vraisemblablement, qu'ils le sont initialement mais qu'ils « saturent » très vite, peut-être par exemple parce que cet excès de contagiosité est lié à une susceptibilité accrue dans une sous-population plutôt étroite ; il pourrait y avoir de bonnes nouvelles, ou en tout cas moins mauvaises que ce qu'on attend, mais je pense que c'est une mauvaise idée, à ce stade, de tabler dessus) : je pense que c'est un peu se tromper de bataille que de contester que le problème est préoccupant, parce que cela accepte implicitement l'idée que si effectivement ils le sont, alors on doit prendre des mesures très fortes pour ne pas que les hôpitaux saturent.

Mais à y réfléchir un peu plus attentivement, ceci est un argument vicié : car si les variants augmentent les coûts liés à la maladie (si le variant est plus contagieux, il touchera plus de monde, donc causera plus de morts, etc.), mais ils augmentent aussi les coûts du remède proposé, même s'il marche (car le confinement devra être plus long, plus dur, et plus difficile à lever). Il n'est pas du tout évident dans quelle mesure l'augmentation des coûts d'un côté est plus importante que l'augmentation des coûts de l'autre !

Il est même arguäble que, si la contagiosité s'accroît de façon vraiment démesurée, les coûts liés au remède finissent par l'emporter sur ceux liés à la maladie, quelle que soit notre échelle de valeurs : car les coûts liés à la maladie sont bornés (au pire, si elle est démesurément contagieuse, 100% de la population l'attrape, ça n'ira pas au-delà) tandis que ceux liés au confinement ne le sont pas (on peut atteindre le niveau où tout le monde doit porter une combinaison hazmat en permanence, puis deux superposées, puis trois, etc., bref, les efforts pour éviter la contagion deviennent de plus en plus déraisonnables tandis que son extension maximale a une limite finie). Bon, bien sûr, tout ça n'est pas extrêmement précis parce que la limite n'a pas un sens rigoureux, mais il ne me semble pas du tout clair qu'une augmentation très importante de la contagiosité aille dans le sens de rendre la solution confiner le pays plus attractive.

…Sauf, bien sûr, si on accepte l'idée, et on ne doit justement pas l'accepter, que la saturation des hôpitaux a un coût infini, auquel cas on devrait tout faire pour l'éviter : c'est, je crois, ce que postulent implicitement ceux qui expliquent que l'émergence des variants rend absolument indispensable le confinement, et on doit dénoncer ce procédé rhétorique consistant à le regarder qu'un côté de la balance parce qu'on a escamoté l'autre derrière un infini.

Je finis en disant un mot sur une idée dont on parle de plus en plus : le zéro-covid. Il s'agit à la fois d'un prolongement logique extrême de l'idée des confinements et d'une tentative de leur donner une perspective différente : si je résume correctement, la théorie zéro-covid, c'est quelque chose comme les confinements posent assurément problème et ne proposent pas vraiment de porte de sortie, si bien qu'ils finissent par devenir insupportables pour la population, donc la solution, c'est de faire un confinement pour mettre fin aux confinements, un confinement très strict pour ramener le covid à zéro, et ensuite il sera plus simple à contrôler sans avoir besoin de confinements ultérieurs.

Ce discours nouveau (ou plutôt, nouvellement populaire) présente au moins l'intérêt à mes yeux de reconnaître que les confinements sont une tâche sisyphienne, mais à part ça, l'idée me paraît tellement saugrenue que je ne sais pas par où commencer : je ne sais pas même pas vraiment si ceux qui l'avancent croient sérieusement pouvoir ramener le covid à zéro (fût-ce le temps de vacciner tout le monde) ou si c'est simplement une façon d'essayer de faire passer la pilule des confinements, une nouvelle façon de promettre après celui-ci, c'est fini. Une promesse de Sisyphe : allez, ce coup-ci, c'est le bon, je vais faire un effort vraiment plus important, le rocher va rester à sa place et on passera à autre chose — personnellement, j'imagine plus facilement Sisyphe heureux en comprenant qu'il faut juste arrêter l'effort futile de pousser un rocher qui finit toujours par revenir.

Tout ça me fait penser aux politiques d'austérité, où on commence par dire qu'il faut absolument empêcher la dette publique de croître exponentiellement, et que pour ça on doit maintenir le déficit budgétaire sous un certain seuil assez arbitraire, et que pour y arriver il faut sacrifier toutes sortes de choses importantes au bonheur du pays, mais où les maximalistes vont vous dire que si on sacrifie plus fort, ça fait certes plus mal au début, mais on arrive à une situation plus saine où on a besoin de moins de sacrifices ensuite.

Bien sûr, quelques pays (la Nouvelle-Zélande surtout, mais aussi l'Australie, la Chine, Taïwan) ont eu un certain succès avec une stratégie de ce genre : mais pour en tirer des leçons, il faut se rappeler (outre le fait qu'il est difficile de tirer des leçons d'un pays dans un autre) que la Nouvelle-Zélande, l'Australie et Taïwan sont des îles, et la Chine une dictature, et que même avec ces atouts ils ont certes eu moins de confinements et beaucoup moins de morts que l'Europe mais que ça n'en a jamais été fini de la menace de reconfinement à tout instant (je me demande d'ailleurs si ce n'est pas pire de savoir qu'on peut être bouclé chez soi du jour au lendemain parce qu'une malheureuse poignée de cas a été détecté, ce qui peut causer un effet de panique, que d'avoir le temps de se préparer en voyant la situation empirer), et il y a eu d'autres coûts sous forme de fermeture essentiellement totale des frontières, ou, s'agissant de la Chine, d'un contrôle encore plus dystopien de la population au moyen d'une app sur smartphone qui ressemble au wet dream de n'importe quel dictateur (au sujet de la situation en Chine, je recommande ce documentaire d'Arte [également disponible sur YouTube], et qui fait suite à un autre, tourné il y a un an par le même réalisateur, sur les quarantaines initiales qui ont « démarré » la stratégie chinoise). Mais se dire qu'on puisse faire pareil en Europe me semble simplement déraisonnable, et surtout, se dire qu'on puisse faire pareil en Europe maintenant… comment dire ?… Même si on arrive à reproduire et à soutenir la décroissance rapide du nombre de cas observée en mars, il faudra facilement trois mois pour passer du régime actuel en France à moins d'un test positif par jour (ce qui n'est toujours pas zéro !), c'est-à-dire promettre en 2021, juste pour commencer, autant de confinements qu'on en a eu en 2020.

Et bien sûr, je doute à la fois que les confinements puissent être si efficaces (même s'ils font quelque chose, ils finissent certainement par atteindre leurs limites quand les gens en ont marre, ce qui est probablement la situation actuelle en république Tchèque où la décroissance exponentielle a cessé et les courbes ressemblent maintenant plutôt à un plateau), et qu'avoir un nombre de cas très bas aide significativement à contrôler l'épidémie (au contraire, s'il y a très peu de cas, la réaction rationnelle de quelqu'un qui ressent des symptômes compatibles au covid est de se dire ce n'est probablement pas le covid, il n'y en a quasiment plus dans ce pays, et de contaminer plein de gens avant que le problème soit détecté).

Bref, je ne sais pas par où commencer, mais ce n'est pas mon propos ici d'essayer de discuter de l'aspect pratique de cette stratégie zéro-covid. Ce n'est pas non plus tellement l'objet de discuter de leur plan de communication, tout intéressant qu'il est à examiner (je conseille la lecture de cet article qui, bien qu'un chouïa complotiste, m'a fait prendre conscience de ce revirement très intéressant de discours qui consiste à présenter la stratégie zéro-covid comme anti-confinement).

Un autre sujet qu'il faudrait évoquer à propos de zéro-covid est l'illusion que crée cette position, par son existence, que les confinementistes sont en quelque sorte « centristes », entre la position zéro-covid (éliminer complètement le covid) et une position symétrique qui serait… quoi au juste ?… zéro-confinement, je suppose ?

En réalité, il n'en est rien, et c'est surtout là que je veux en venir : la stratégie zéro-covid comme l'ensemble des autres stratégies confinementistes, est toujours basée sur les deux postulats que j'ai essayé de décortiquer dans tout le début de ce billet : (1) que les confinements fonctionnent effectivement (ce qui n'est pas certain, et même si ce n'est pas du tout déraisonnable de le penser, ce n'est probablement pas au niveau que leurs défenseurs veulent le croire), et (2) qu'il existe un objectif de valeur infinie (comme préserver l'hôpital de la saturation) et qu'on peut se dispenser de toute analyse bénéfice-coût au sujet de cet objectif. Le zéro-covid n'est donc « anti-confinement » que dans l'acceptation très bizarre suivante : l'objectif absolu est de contrôler l'épidémie, et ce n'est que conditionnellement à la satisfaction de cet objectif qu'on cherche la manière d'y arriver qui minimise la duré de confinement (je ne suis même pas d'accord avec l'analyse, mais ce n'est finalement pas si important).

Pour éviter tout malentendu : il va de soi que je n'attribue pas, moi-même, aux confinements un coût infini, ce qui serait tomber exactement dans la mauvaise foi que je dénonce. (Même s'il y a quand même un pédigré plus honorable à la position s'il y a des gens sur les deux voies du tramway, il faut s'abstenir de toucher à l'aiguillage, qui reviendrait ici à ne pas prendre de mesure, ce n'est pas ma position.) Ce que je réclame justement est une discussion sur les bénéfices et les coûts, qui doit être initiée par ceux qui proposent la mesure, et qui ne peut pas faire intervenir la valeur +∞. La fonction de coût que je propose est quelque chose comme ajouter le nombre total de jours de confinement et le nombre de jours d'espérance de vie perdue distribuée sur la population, mais je suis, bien sûr, prêt à discuter, par exemple, des pondérations raisonnables à mettre là-dessus et comment tenter de réaliser cet objectif.

Un petit mot pour finir sur l'analyse de la situation actuelle. À l'heure qui l'est, je sais encore moins qu'auparavant où on va avec cette pandémie. Depuis une dizaine de jours, on observe en France une lente diminution du nombre de tests positifs (et de façon analogue, avec plus ou moins de retard, des autres mesures liées à la pandémie) enregistrés chaque jour : cette diminution s'inscrit dans le cadre d'une concavité détectable depuis un peu plus longtemps encore. En soi, ce n'est pas très surprenant : c'est à peu près cohérente avec une accumulation d'immunité par infections : grosso modo, chaque test positif enregistré est associé à une baisse du nombre de reproduction d'environ 10−7 à 1.5×10−7, ce qui est au moins l'ordre de grandeur attendu (par exemple si on détecte environ une infection sur 6 à 10, ou peut-être un peu plus mais qu'elles ont un effet accru par un des effets d'hétérogénéité dont j'ai déjà abondamment parlé ici), et ce qui est aussi cohérent avec l'évolution entre octobre et maintenant. Les vaccins commencent peut-être à produire un petit effet, mais si à ce stade il doit être encore bien faible (s'il faut 3 semaines après la première dose, et même en comptant une immunité stérilisante à chaque fois, ils produiraient une baisse de 1% à 1.5% du nombre de reproduction). Bref, cette baisse n'est pas spécialement surprenante en soi, mais bien sûr (corrélation n'est pas causalité !) il n'est pas du tout impossible qu'il y ait d'autres composantes de cette baisse qui soient dues à d'autres choses (p.ex., sociales ou environnementales), ou que des effets se compensent. L'effet des variants étant toujours enveloppé d'un grand mystère (cf. ci-dessus), je ne me hasarderai pas à la moindre prédiction quant au fait que cette baisse durera ou pas. Ce qui me rend très prudemment optimiste est qu'à part l'effet manifestement lié aux fêtes de fin d'années on ne voit pas autant de fluctuations bizarres comme en septembre-octobre (donc il n'y a probablement pas trop d'effets sociaux pouvant changer à tout moment) et que l'augmentation de la proportion des variants (dans le temps ou dans l'espace) ne se manifeste pas de façon trop évidente dans l'évolution du nombre de reproduction. Mais d'un autre côté le synchronisme apparent entre des pays très différents (et parfois beaucoup plus vite que l'accumulation d'immunité ne saurait causer) est très étrange, et à mes yeux assez incompréhensible : le fait que j'aie des explications qui collent vaguement à la situation en France ne signifie pas que cette explication soit bonne, si elle s'inscrit dans le cadre d'une situation mondiale que je ne prétends pas vraiment comprendre. Bref, même si ce n'est pas le scénario le plus probable à mes yeux, je ne serais pas non plus tellement surpris s'il y avait une nouvelle explosion d'ici quelques semaines.

La seule chose qui semble vraiment claire, c'est que l'effet protecteurs des vaccins, au moins sur la personne vacciné, est extrêmement bon, ce qui rend d'autant plus insupportable la lenteur à laquelle le processus de vaccination se déroule. On doit garder ça à l'esprit, car c'est cette lenteur, maintenant, autant que le virus lui-même, qui est l'ennemi contre lequel il faut lutter par tous les moyens : surtout si on considère que la chose la plus importante est d'éviter le risque de saturation des hôpitaux, car le vaccin est parfait pour ça (savoir dans quelle mesure il peut freiner l'épidémie est discutable, mais qu'il puisse en diminuer massivement la gravité est maintenant clairement établi).

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