Je ne sais pas bien pourquoi j'y repense maintenant (peut-être que l'ambiance politique en France y est pour quelque chose), mais je voudrais dire un mot sur la série télé La Révolution française de 1989 de Robert Enrico et Richard T. Heffron. J'écris bien la série télé, parce que maintenant si vous cherchez des informations à son sujet on va vous dire que c'est un film, et il y a tellement de trucs sur le film que c'est quasiment impossible de trouver le moindre début de commencement d'info sur la série dont il est tiré.
J'avais 13 ans en 1989 quand la France a célébré le bicentenaire de
sa révolution, et je rentrais en quatrième, l'année de collège où
justement on étudie la période moderne, alors c'est dire si on nous a
parlé de la révolution, nous avons d'ailleurs (nous = les élèves de ma
classe, ou de mon collège, je ne sais plus bien) été recrutés pour
faire partie d'un petit spectacle historique et musical sur la
révolution comme il y a dû en avoir je ne sais combien en France cette
année là (notre prof de musique nous a fait chanter Dansons
la carmagnole,
vive le son du canon!
— bref).
La télé, bien sûr, avait prévu le coup, et a diffusé une série
historique sur le sujet (une coproduction entre plein de pays), qui
est ce dont je parle. Je ne sais pas ce que vaut cette série sur le
plan historique, ce n'est pas tellement la question qui m'intéresse
ici. (Je sais cependant qu'elle commence par cet épisode ô combien
célèbre qui se serait déroulé en juin 1775 dans lequel les jeunes
Desmoulins et Robespierre, alors jeunes élèves du collège — maintenant
lycée — Louis-le-Grand, sont choisis pour lire un « compliment » en
latin au roi Louis XVI qui passe par Paris en revenant de son sacre à
Reims : la scène, dans la série, est extraordinaire : il tombe une
pluie battante, Robespierre est trempé de pluie et de boue, finit
par vous êtes, Majesté, notre seul soleil
, mais on ne voit du
roi que sa main dédaigneuse. L'ennui, c'est que cette
anecdote est
vraisemblablement apocryphe : Louis XVI n'est sans doute pas passé
par Paris à son retour de Reims, et même s'il n'est pas complètement
exclu que la scène ait pu se dérouler à une autre date, en tout cas la
pluie battante et le roi qui ne regarde même pas le jeune homme qui
lui lit le compliment, tout ça est pure invention.
Mais est-ce grave ? Même si elle
est historiquement fausse, la scène est narrativement géniale, et elle
fait maintenant partie d'une certaine image fictionnelle de
Robespierre ou de la Révolution. Or c'est bien de la fiction que je
veux parler ici et pas de l'Histoire.)
J'avais mentionné cette série au moins une fois dans ce blog à
propos de la musique par Georges
Delerue et spécifiquement son Hymne à la Liberté
(version
orchestrale
ici, version
chantée par Jessye Norman
ici, variations
orchestrales ici) : j'aime énormément cette musique, même si je
sais que cet avis n'est pas très partagé (ma mère trouvait la version
chantée par Jessye Norman complètement ridicule — comme si on ne
pouvait pas trouver une chanteuse n'ayant pas un accent américain pour
chanter Toi, Liberté, Liberté que nous aimons !
; et d'aucuns
ont écrit dans les commentaires de cette vieille entrée que la musique
était d'une absolue nullité : harmonie plate, mélodie maladroite,
orchestration niveau zéro
). Qu'importe ! Ce n'est sans doute pas
la musique elle-même qui me plaît que le fait qu'elle est restée
associée dans ma mémoire à cette série et à ce souvenir d'enfance.
(Ça plus le fait que pendant de nombreuses années, justement, j'avais
oublié ce que c'était et elle tournait juste dans ma tête sans
référent associé avant que quelqu'un l'identifie enfin pour moi.)
Bref, j'ai regardé la série en question quand elle est sortie (donc en 1989, je ne sais pas quand exactement), et elle est responsable de m'avoir donné — comme, je pense, à beaucoup de Français de ma génération — l'image qui allait rester dans ma tête des événements et des personnages de la Révolution. On aura beau me dire que l'anecdote de la première scène est apocryphe, j'ai beau le savoir, maintenant elle est gravée dans mon esprit. Et surtout, quand je pense à Louis XVI, maintenant, j'ai inévitablement et invariablement la tête de Jean-François Balmer qui me vient à l'esprit (il était parfait dans ce rôle, mais tellement parfait que, inversement, si je vois Jean-François Balmer dans une autre œuvre cinématographique, je me demande comment ils ont fait jouer Louis XVI). Et quand je pense à Mirabeau c'est Peter Ustinov que je vois, d'où il résulte que Mirabeau et Hercule Poirot sont la même personne, c'est bizarre mais c'est comme ça et on n'y peut rien. Et Camille Desmoulins c'est François Cluzet. (Je vois aussi Robespierre et Danton avec la tête des acteurs qui les jouent dans le film, mais comme je connais moins les acteurs en question, c'est moins gênant.)
Bon, mais comme je le dis plus haut, ce que j'ai regardé en 1989 c'est la série télé. De cette série a été tiré un film en deux parties, ou bien deux films, Les années lumière (mis en scène par Robert Enrico) et Les années terribles (mis en scène par Richard T. Heffron), qui doivent durer entre 320 et 360 minutes au total (je trouve des valeurs diverses). Pour un film, ou même pour deux films, c'est fort long. Mais il me semble bien que la série était plus longue et que des scènes ont été coupées pour faire le film (du moins je suis sûr qu'il manquait des scènes dans la version du film que j'ai revue en 2012, mais comme je ne suis pas sûr qu'il n'existe pas plusieurs versions différentes du film, je ne peux pas catégoriquement exclure la possibilité qu'il y en ait une vraiment complète). Peut-être aussi que le montage était différent. J'ai tendance à dire que la version complète (sous forme de série) faisait 10 épisodes de 50 minutes (probablement à raison d'un par soir pendant deux semaines, ou quelque chose comme ça), ce qui ferait 500 minutes, mais je dis ça assez au pif, je n'ai pas trouvé la moindre information précise sur la durée de la version série, ou en fait quoi que ce soit à son sujet. (J'espérais que le site de l'INA aurait un catalogue recherchable où on pourrait trouver au moins la date précise de diffusion et la durée, mais je ne vois rien de tel.)
Et ce n'est pas juste la durée qui est introuvable : la série
elle-même est introuvable. Je crois me souvenir d'avoir lu quelque
part (mais ça remonte à longtemps) que cette version série complète
était impubliable et inrediffusable pour des raisons de dispute sur
les droits entre les différentes chaînes de télé qui l'avaient
coproduite. Il y a peut-être encore des versions sur cassettes vidéos
(VHS) trouvables sur des sites de petites annonces, et
j'imagine que l'INA a ça dans ses archives secrètes
auxquelles un quidam moyen n'a pas accès, mais globalement c'est
difficile, et d'autant plus difficile que les DVD du film
sont souvent vendus avec la mention version intégrale
parce
qu'ils ont les deux moitiés (Les années lumière
et Les années terribles), mais ça ne veut pas dire qu'ils
sont vraiment intégraux. Même cette information selon laquelle c'est
un problème de propriété intellectuelle qui fait obstacle à la
réédition ou rediffusion de la version complète de la série n'est plus
clairement trouvable (j'avais cru comprendre ça, mais
peut-être ai-je rêvé ?).
Toujours est-il que si quelqu'un a des informations précises et fiables sur la version série d'origine (ne serait-ce que ses dates exactes de diffusion, sa durée et son découpage en épisodes, l'exactitude de cette question de droits d'auteur, ou, évidemment, le moyen de la trouver), je suis preneur.