David Madore's WebLog: 2023-03

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en mars 2023 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in March 2023: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in March 2023 / Entrées publiées en mars 2023:

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(dimanche)

La série La Révolution française de 1989

Je ne sais pas bien pourquoi j'y repense maintenant (peut-être que l'ambiance politique en France y est pour quelque chose), mais je voudrais dire un mot sur la série télé La Révolution française de 1989 de Robert Enrico et Richard T. Heffron. J'écris bien la série télé, parce que maintenant si vous cherchez des informations à son sujet on va vous dire que c'est un film, et il y a tellement de trucs sur le film que c'est quasiment impossible de trouver le moindre début de commencement d'info sur la série dont il est tiré.

J'avais 13 ans en 1989 quand la France a célébré le bicentenaire de sa révolution, et je rentrais en quatrième, l'année de collège où justement on étudie la période moderne, alors c'est dire si on nous a parlé de la révolution, nous avons d'ailleurs (nous = les élèves de ma classe, ou de mon collège, je ne sais plus bien) été recrutés pour faire partie d'un petit spectacle historique et musical sur la révolution comme il y a dû en avoir je ne sais combien en France cette année là (notre prof de musique nous a fait chanter Dansons la carmagnole, vive le son du canon! — bref).

La télé, bien sûr, avait prévu le coup, et a diffusé une série historique sur le sujet (une coproduction entre plein de pays), qui est ce dont je parle. Je ne sais pas ce que vaut cette série sur le plan historique, ce n'est pas tellement la question qui m'intéresse ici. (Je sais cependant qu'elle commence par cet épisode ô combien célèbre qui se serait déroulé en juin 1775 dans lequel les jeunes Desmoulins et Robespierre, alors jeunes élèves du collège — maintenant lycée — Louis-le-Grand, sont choisis pour lire un « compliment » en latin au roi Louis XVI qui passe par Paris en revenant de son sacre à Reims : la scène, dans la série, est extraordinaire : il tombe une pluie battante, Robespierre est trempé de pluie et de boue, finit par vous êtes, Majesté, notre seul soleil, mais on ne voit du roi que sa main dédaigneuse. L'ennui, c'est que cette anecdote est vraisemblablement apocryphe : Louis XVI n'est sans doute pas passé par Paris à son retour de Reims, et même s'il n'est pas complètement exclu que la scène ait pu se dérouler à une autre date, en tout cas la pluie battante et le roi qui ne regarde même pas le jeune homme qui lui lit le compliment, tout ça est pure invention. Mais est-ce grave ? Même si elle est historiquement fausse, la scène est narrativement géniale, et elle fait maintenant partie d'une certaine image fictionnelle de Robespierre ou de la Révolution. Or c'est bien de la fiction que je veux parler ici et pas de l'Histoire.)

J'avais mentionné cette série au moins une fois dans ce blog à propos de la musique par Georges Delerue et spécifiquement son Hymne à la Liberté (version orchestrale ici, version chantée par Jessye Norman ici, variations orchestrales ici) : j'aime énormément cette musique, même si je sais que cet avis n'est pas très partagé (ma mère trouvait la version chantée par Jessye Norman complètement ridicule — comme si on ne pouvait pas trouver une chanteuse n'ayant pas un accent américain pour chanter Toi, Liberté, Liberté que nous aimons ! ; et d'aucuns ont écrit dans les commentaires de cette vieille entrée que la musique était d'une absolue nullité : harmonie plate, mélodie maladroite, orchestration niveau zéro). Qu'importe ! Ce n'est sans doute pas la musique elle-même qui me plaît que le fait qu'elle est restée associée dans ma mémoire à cette série et à ce souvenir d'enfance. (Ça plus le fait que pendant de nombreuses années, justement, j'avais oublié ce que c'était et elle tournait juste dans ma tête sans référent associé avant que quelqu'un l'identifie enfin pour moi.)

Bref, j'ai regardé la série en question quand elle est sortie (donc en 1989, je ne sais pas quand exactement), et elle est responsable de m'avoir donné — comme, je pense, à beaucoup de Français de ma génération — l'image qui allait rester dans ma tête des événements et des personnages de la Révolution. On aura beau me dire que l'anecdote de la première scène est apocryphe, j'ai beau le savoir, maintenant elle est gravée dans mon esprit. Et surtout, quand je pense à Louis XVI, maintenant, j'ai inévitablement et invariablement la tête de Jean-François Balmer qui me vient à l'esprit (il était parfait dans ce rôle, mais tellement parfait que, inversement, si je vois Jean-François Balmer dans une autre œuvre cinématographique, je me demande comment ils ont fait jouer Louis XVI). Et quand je pense à Mirabeau c'est Peter Ustinov que je vois, d'où il résulte que Mirabeau et Hercule Poirot sont la même personne, c'est bizarre mais c'est comme ça et on n'y peut rien. Et Camille Desmoulins c'est François Cluzet. (Je vois aussi Robespierre et Danton avec la tête des acteurs qui les jouent dans le film, mais comme je connais moins les acteurs en question, c'est moins gênant.)

Bon, mais comme je le dis plus haut, ce que j'ai regardé en 1989 c'est la série télé. De cette série a été tiré un film en deux parties, ou bien deux films, Les années lumière (mis en scène par Robert Enrico) et Les années terribles (mis en scène par Richard T. Heffron), qui doivent durer entre 320 et 360 minutes au total (je trouve des valeurs diverses). Pour un film, ou même pour deux films, c'est fort long. Mais il me semble bien que la série était plus longue et que des scènes ont été coupées pour faire le film (du moins je suis sûr qu'il manquait des scènes dans la version du film que j'ai revue en 2012, mais comme je ne suis pas sûr qu'il n'existe pas plusieurs versions différentes du film, je ne peux pas catégoriquement exclure la possibilité qu'il y en ait une vraiment complète). Peut-être aussi que le montage était différent. J'ai tendance à dire que la version complète (sous forme de série) faisait 10 épisodes de 50 minutes (probablement à raison d'un par soir pendant deux semaines, ou quelque chose comme ça), ce qui ferait 500 minutes, mais je dis ça assez au pif, je n'ai pas trouvé la moindre information précise sur la durée de la version série, ou en fait quoi que ce soit à son sujet. (J'espérais que le site de l'INA aurait un catalogue recherchable où on pourrait trouver au moins la date précise de diffusion et la durée, mais je ne vois rien de tel.)

Et ce n'est pas juste la durée qui est introuvable : la série elle-même est introuvable. Je crois me souvenir d'avoir lu quelque part (mais ça remonte à longtemps) que cette version série complète était impubliable et inrediffusable pour des raisons de dispute sur les droits entre les différentes chaînes de télé qui l'avaient coproduite. Il y a peut-être encore des versions sur cassettes vidéos (VHS) trouvables sur des sites de petites annonces, et j'imagine que l'INA a ça dans ses archives secrètes auxquelles un quidam moyen n'a pas accès, mais globalement c'est difficile, et d'autant plus difficile que les DVD du film sont souvent vendus avec la mention version intégrale parce qu'ils ont les deux moitiés (Les années lumière et Les années terribles), mais ça ne veut pas dire qu'ils sont vraiment intégraux. Même cette information selon laquelle c'est un problème de propriété intellectuelle qui fait obstacle à la réédition ou rediffusion de la version complète de la série n'est plus clairement trouvable (j'avais cru comprendre ça, mais peut-être ai-je rêvé ?).

Toujours est-il que si quelqu'un a des informations précises et fiables sur la version série d'origine (ne serait-ce que ses dates exactes de diffusion, sa durée et son découpage en épisodes, l'exactitude de cette question de droits d'auteur, ou, évidemment, le moyen de la trouver), je suis preneur.

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(vendredi)

Réflexions sur les sophismes des sorites, et les frontières floues

Je suis assez étonné de n'avoir semble-t-il pas déjà écrit dans ce blog sur ce sujet qui est pourtant une de mes marottes (ce qui ne veut pas dire que j'aie grand-chose à en dire ni que ce soit très intéressant !). Je vais expliquer tout de suite de quoi il s'agit, mais commençons par prévenir qu'il va y avoir beaucoup d'enfonçage de portes ouvertes dans ce qui suit, ce qui est approprié vu que le sujet de ce billet est, en un certain sens, celui des barrières pas bien définies et des portes mal fermées.

Le paradoxe des sorites (ou paradoxe sorite, ou paradoxe du tas (de sable)) est quelque chose comme ceci :

  • Un grain de sable tout seul n'est pas un tas de sable. [Ou, si on a le bon goût de commencer à zéro : Une absence de grain de sable n'est pas un tas de sable.]
  • Ajouter un seul grain de sable à quelque chose qui n'est pas un tas de sable ne va pas le transformer en tas de sable.
  • Donc : un nombre fini quelconque de grains de sable ne constitue pas un tas de sable. (Or tout tas de sable a un nombre fini de grains, donc un tas de sable n'existe pas.)

Peut-être que la version avec de l'argent est plus parlante :

  • Quelqu'un qui n'a pas d'argent du tout n'est pas riche.
  • Donner 0.01€ à quelqu'un qui n'est pas riche ne va pas le rendre riche.
  • Donc : personne n'est riche.

Vous voyez l'idée. (Pour plus de détails, voyez Wikipédia.) La résolution la plus simple du paradoxe est simplement de dire que la la seconde affirmation est fausse ; et s'il s'agit d'expliquer en quoi elle est fausse, la façon la plus simple est de dire qu'il existe une limite, certes arbitraire et/ou impossible à fixer précisément, mais qui n'en existe pas moins, entre « non-tas » et « tas » ou entre « non-riche » et « riche », et qu'ajouter un grain de sable ou un centième d'euro, juste à ce moment-là, fait franchir la limite.

Ce qui nous met (peut-être, légèrement) mal à l'aise dans cette histoire n'est pas le raisonnement par récurrence (n'importe quel nombre de grains de sable peut s'obtenir en en ajoutant un, puis un autre, puis un autre), c'est cette limite arbitraire, mal définie, impossible à fixer avec une précision absolue (d'un grain, d'un centième d'euro) entre « non-tas » et « tas » ou entre « non-riche » et « riche ».

Malgré le fait que « pauvre » et « riche » soient indiscutablement distincts, quelles que soient leurs définitions exactes. C'est de ça que je veux parler.

En-dehors des mathématiques, la grande majorité des concepts que nous manipulons sont au moins un petit peu flous : entre une chose et son opposée, ou entre deux notions distinctes, il y a presque toujours des nuances de gris ou des choses difficiles à classer, des cas discutables, des zones d'ombres où il est possible de ne pas être d'accord, des nuances de gris entre le blanc et le noir. Certains concepts sont plus flous que d'autres : entre « vivant » et « mort » il y a peu de place pour le doute (mais il y en a quand même : les gens dans un coma dépassé, ou, s'agissant de la notion biologique de vivant, les virus), et alors il n'y a guère de problème ; d'autres sont tellement subjectifs qu'il n'y a presque que des nuances de gris et que chacun voit la sienne (c'est le cas de « beau » et « laid », par exemple), mais alors nous sommes habitués à ce que ce soit juste une question d'appréciation personnelle.

Le problème, ce sont les concepts pour lesquels il y a globalement consensus aux extrêmes mais pas au milieu, et que la zone grise au milieu est quand même plus étalée qu'on le voudrait. La limite entre « pauvre » et « riche » pourrait être un bon exemple, mais ce dont je veux surtout parler c'est quand le concept a plus ou moins trait à ce qui est « bien » et « mal » (par exemple : poli et malpoli, légal et illégal, moral et immoral, ce genre de choses ; pensez aussi à des choses comme : légitime défense d'un côté, assassinat de l'autre ; ou encore : acte sexuel consensuel d'un côté, viol de l'autre).

Ces frontières floues nous mettent mal à l'aise, donc : tout le monde est d'accord que ceci est blanc, tout le monde est d'accord que ceci est noir, mais cachez donc ce gris que je ne saurais voir. Nous n'aimons pas y penser. Et ce n'est pas juste que nous n'aimons pas y penser, mais parfois nous avons besoin de fixer une limite, parce que notre réponse à telle ou telle situation grise ne peut pas toujours elle-même être grise : on est obligé d'accepter ou de rejeter, d'autoriser ou d'interdire, d'acquitter ou de condamner, quelque chose comme ça. Pour répondre à quelque chose de continu (passant du noir au blanc par le gris) par quelque chose de discret (1 ou 0, oui ou non, autorisé ou interdit), il faut une frontière, une discontinuité, et c'est là qu'est le problème. Car cette frontière aura quelque chose d'arbitraire.

La façon adulte de faire face au problème, c'est de reconnaître que les zones de gris existent : s'il y a divergence d'opinions, il faut discuter, essayer de faire valoir ses arguments (par exemple par comparaison avec d'autres situations), débattre, et au final, trancher comme on peut. Si la question est d'importance, c'est à un juge de trancher. C'est bien pour ça que nous avons des juges : pour arbitrer et fixer, au cas par cas, cette frontière arbitraire qu'on est obligés de poser dans un terrain fondamentalement gris.

(Parfois aussi on peut amoindrir le problème en voyant différents degrés de réaction : par exemple, dans le continuum entre rien-du-tout et le meurtre le plus violent, la loi française divise des domaines appelés l'assassinat, le meurtre (sans préméditation), les coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner, etc. L'inconvénient d'avoir tous ces concepts c'est qu'on doit tracer autant de frontières arbitraires entre ces différents concepts dans un continuum de situations ; l'avantage, c'est que, en contrepartie, la limite exacte entre ces concepts est moins critique, parce que l'effet est moindre : on ne passe pas brutalement d'un point où on dit vous avez tué vous irez en prison à un point où on ne dit rien, il y a des cases intermédiaires qui tentent de reproduire au moins en partie, dans le monde du droit les teintes de gris du monde réel : la palette juridique a moins de teintes que l'infinité du monde réel, mais elle en a plus que deux et c'est donc un progrès.)

La réaction infantile c'est de refuser de voir les zones de gris et/ou la nécessité d'y placer une frontière arbitraire. Je vois plusieurs variantes de cette réaction, dont les deux ou trois principales, que je suis tenté d'appeler des (facettes des) sophismes des sorites sont :

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(dimanche)

Or What You Will de Jo Walton — et les métafictions

Et hop, après trois semaines sans nouvelle entrée dans ce blog, vous vous attendiez à ne pas en voir deux d'affilée, n'est-ce pas ? Eh bien si !

Il y a un peu plus d'un an, j'avais lu le roman Lent de Jo Walton, et j'en avais fait une critique dans ce blog : comme j'avais bien aimé Lent, (et aussi sur la base de recommandations élogieuses, par exemple ce fil Twitter), j'ai décidé de lire Or What You Will de la même autrice, écrit peu de temps après, et qui s'avère avoir un certain nombre de points communs. (Ce n'est pas une suite, les deux romans peuvent se lire tout à fait indépendamment, ou dans n'importe quel ordre, ils ne sont même pas dans le même style ni dans le même « univers », mais disons qu'ils vont bien ensemble et ils forment vaguement un diptyque.) Il s'avère aussi que Or What You Will relève du thème littéraire (trope ?) qui est sans doute mon préféré : ce qu'on pourrait appeler la métafiction, c'est-à-dire l'apparition d'une fiction dans une autre fiction et l'interaction entre les deux. Je vais donc parler un peu de ce roman, mais aussi de ce thème en général (et de la manière dont il résonne en moi).

De quoi s'agit-il, donc ? Le roman Lent, comme je l'ai dit dans le billet que je lui ai consacré, tournait autour de la vie de Jérôme Savonarole, le célèbre prédicateur florentin (1452–1498), et la première partie en était essentiellement un récit historique tandis que la seconde relevait plutôt de la littérature fantastique. Quant à Or What You Will, il raconte l'histoire d'une romancière québecoise de langue anglaise, Sylvia Harrison, qui écrit un roman se déroulant dans un monde imaginaire où la magie existe, mais dans une ville (Illyria) qui reflète la Florence du monde réel. S'agissant que la romancière réelle, Jo Walton, est une romancière québecoise de langue anglaise qui venait d'écrire un livre partiellement fantastique se passant à Florence, on voit vite qu'on a affaire à un délicieux jeu de miroirs entre monde réel et monde(s) de fiction.

Le titre Or What You Will fait référence à La Nuit des Rois de Shakespeare (Twelfth Night dont le sous-titre est justement Or What You Will), et c'est de là que proviennent le nom d'Illyria et de son duc, Orsino ; mais c'est aussi et surtout à La Tempête qu'il est fait référence (je renvoie au premier paragraphe de ce billet sur un autre roman inspiré de La Tempête si vous avez besoin d'un résumé en un paragraphe de la pièce) : Miranda et Caliban, notamment, sont des personnages importants du roman-dans-le-roman. (Il n'est pas nécessaire d'avoir lu La Tempête pour lire Or What You Will, mais ça aide d'avoir au moins une idée de l'histoire. Ceci dit, de toute façon, c'est une bonne idée de lire La Tempête, pas seulement pour la culture générale et pour connaître l'origine d'expressions telles que brave new world et such stuff as dreams are made on, qui sont d'ailleurs pertinentes pour le roman dont je parle ici, mais aussi parce que cette pièce est vraiment extraordinaire et a eu énormément d'influence sur la culture occidentale.) À ces personnages de fiction s'ajoutent aussi, dans le roman-dans-le-roman, des personnages réels, notamment Marsilio Ficino (qui apparaissait déjà dans Lent) et — indirectement parce qu'il est mort — Pic de la Mirandole (idem).

Bref, Or What You Will raconte l'histoire d'une romancière, Sylvia Harrison, qui écrit un roman se déroulant dans un monde imaginaire, incluant des personnages de fiction (Orsino, Miranda…) mais ayant des liens forts avec le monde réel et notamment avec la Florence du monde réel et des personnages réels de la Renaissance (Ficino, Pico… vers 1420–1495) ainsi que d'époques plus tardives mais je vais y venir. Le roman (le vrai, je veux dire, Or What You Will) nous livre à la fois des scènes de la vie passée de l'écrivaine, dont on peut soupçonner qu'ils sont au moins en partie autobiographiques (i.e., reflètent la vraie vie de la vraie romancière Jo Walton) mais je n'ai aucune idée de combien, des scènes de l'écriture du roman-dans-le-roman (Sylvia Harrison va à Florence, s'imprègne des lieux et s'en inspire) et des extraits de ce dernier.

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(samedi)

Une petite analyse statistique des températures moyennes en France depuis 1950

Méta : Ce billet est une réécriture d'un fil Twitter (ici sur ThreadReaderApp) que je trouve utile de republier sous forme de billet de blog (et d'en profiter pour inaugurer une nouvelle catégorie météo puisqu'il semble que je parle quand même pas mal de données météo). Pour permettre de reproduire ou de prolonger mes calculs (et mon but est bien d'encourager à ça !), les données que j'ai utilisées sont ici (j'explique plus bas comment les obtenir via le site du KNMI), et le code Sage est ici (il faut le lire et le comprendre, pas le retaper bêtement).

Je rappelle que j'ai posé la question (sans vraiment y trouver de réponse satisfaisante) de savoir si (et si oui, pourquoi) le réchauffement climatique favorise les événements extrêmes, par exemple en température. Entendons-nous bien, par favorise les événements extrêmes j'entends augmente la probabilité d'occurrence d'une certaine déviation à la normale même quand la normale tient compte du changement de la moyenne qui constitue, justement, le changement climatique (pour dire ça de façon plus simple et peut-être plus claire : si on a, disons, +2° de réchauffement climatique moyen entre 1950 et 2020, il va de soi qu'une canicule de, disons, 37°C en 2020 doit être comparée à une canicule de 35°C en 1950, tant il est évident qu'une canicule de 37°C en 2020 est plus probable qu'une canicule de 37°C en 1950, mais est-il également vrai qu'une canicule de 37°C en 2020 est devenue plus probable qu'une canicule de 35°C en 1950 ? si oui, c'est que ce n'est pas juste la moyenne qui a augmenté, c'est aussi la fréquence de ce type d'écarts à la moyenne). Comme je l'ai dit dans le billet de blog lié ci-dessus, je n'ai pas de réponse claire à cette question, notamment parce que les météorologues (pour ne pas parler des journalistes) sont infoutus de s'exprimer dans des termes statistiques précis, par exemple comme je l'ai fait dans la phrase précédente ; pire encore, ils persistent à utiliser des normales saisonnières complètement bidon parce qu'elles sont calculées par rapport aux N (je crois N=30) dernières années sans tenir compte du réchauffement climatique, ce qui leur fait annoncer régulièrement qu'on vient de battre je ne sais quel écart aux normales saisonnière, une façon complètement stupide de présenter les choses : évidemment que dans un contexte de réchauffement continu on n'arrête pas de battre des records, la question est si on les bat plus que la tendance sur la moyenne ne le laisserait prédire.

[Température quotidienne moyenne en France, graphe sur 1950–2022]
[Température quotidienne moyenne en France, graphe sur 2019–2022]
[Température quotidienne moyenne en France, graphe sur 2022]
Bref, le mieux que je trouve est encore de faire mes analyses moi-même : j'avais fait quelque chose de ce genre cet été au sujet de la sécheresse, l'objet de cette entrée est de mener une petite analyse des températures moyennes quotidiennes en France métropolitaine de 1950 à 2022 (j'arrête mon jeu de données au même si j'ai maintenant les données de janvier 2023, parce que c'est plus commode pour ce que je veux faire d'avoir un nombre entier d'années, et ça simplifie les graphes si elles commencent le 1er janvier).

Pour ce qui est de la source de mes données, je vous épargne mon petit rant habituel sur Météo France et les données ouvertes (voyez ce passage de ce billet récent à ce sujet). Les données utilisées ici sont les températures moyennes quotidiennes en France métropolitaine de 1950 à 2022, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une moyenne sur toute la journée et sur toute la France, donc un point de données par jour depuis 1950. elles proviennent de la réanalyse ERA5, on peut les télécharger depuis le KNMI Climate Explorer (voir ce fil Twitter (ici sur ThreadReaderApp) pour la marche à suivre précise, mais en bref : choisir daily fields, prendre la variable t2m du jeu de données ERA5 1950-now 0.25° Europe et ajouter le masque France_metropolitan). Je trace ci-contre (à gauche) le graphique sur toute la période, sur les 4 dernières années et sur la dernière (2022) pour donner une petite idée de ce à quoi ressemble.

Comme d'habitude, mes images sont des liens, on peut cliquer pour agrandir ; un jour il faudra que j'apprenne à mettre des images de façon un peu correcte dans une page web, mais ce jour n'est pas arrivé, d'ailleurs j'ai déjà du mal avec la pauvre présentation que je fais ici. Accessoirement, si vous trouvez que mes graphiques sont plus moches que ceux que je présente d'habitude, c'est parce qu'ils ont été faits avec Sage — j'ai donné le lien vers le code au tout début de cette entrée — donc avec je ne sais quelle bibliothèque Python sous-jacente, alors que d'habitude j'utilise plutôt GnuPlot. Or avec Sage je ne sais pas faire beaucoup de choses que je fais avec GnuPlot, par exemple mettre une légende aux axes ou aux couleurs de traits.

Grosse surprise (non) : ces graphes montrent une forte périodicité annuelle : il fait plus chaud en été qu'en hiver. Au-delà de ça, il est immédiatement manifeste qu'il y a beaucoup d'aléa. Toute analyse d'événements extrêmes doit évidemment commencer par chercher une température « normale » ou « typique » pour un jour donné de l'année, et soustraire cette température normale pour calculer une « anomalie » dont on cherchera ensuite à analyser le comportement plus ou moins aléatoire.

[Température quotidienne moyenne en France en fonction du jour dans l'année, comparée à sa moyenne lissée]Comment calculer cette température « normale » ? L'idée la plus évidente est de faire des moyennes par jour de l'année. Le problème est que le signal est extrêmement bruité : j'ai représenté ci-contre (premier graphique, ci-contre à droite) tous les points du jeu de données en fonction du jour de l'année (très légèrement décalé pour qu'ils ne se chevauchent pas), c'est-à-dire que 1 point gris = 1 jour, avec en bleu la courbe « normale » que je vais expliquer comment construire : je trouve que ça permet de bien visualiser combien le signal est bruité, et justement cette distribution statistique autour de la « normale » est ce qui m'intéresse ici.

[Température moyenne par jour de l'année en France, comparée à sa version lissée]Du coup, même si on fait la moyenne de la température pour un jour donné de l'année, on obtient toujours une courbe très bruitée (courbe grise de mon second graphique, ci-contre à droite). Ces fluctuations ne veulent évidemment rien dire : il ne fait évidemment pas « vraiment » plus froid le 24 avril que le 23 avril, c'est juste un hasard statistique si les choses sont tombées comme ça.

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